L’Encyclopédie/1re édition/CAUTERE

Texte établi par D’Alembert, Diderot (Tome 2p. 792-793).
◄  CAUTEN

CAUTERE, s. m. (Chirurgie.) médicament qui brûle, mange ou corrode quelque partie solide du corps.

Ce mot vient du grec καυτὴρ, ou καυτήριον, qui signifie la même chose, & est dérivé du verbe καίω, brûler.

Il y en a de deux sortes ; le cautere actuel, & le cautere potentiel.

Le cautere actuel est celui qui produit son effet en un moment, comme le feu, ou un fer rougi au feu ; on se servoit anciennement de cette espece de cauteres dans la fistule lacrymale, après l’extirpation du cancer, l’amputation d’une jambe, ou d’un bras, &c. pour arrêter l’hémorrhagie, & produire une suppuration loüable. On en applique encore quelquefois sur des os cariés, sur des abscès & des ulceres malins.

Les cauteres actuels sont des instrumens composés d’une tige de fer dont l’extrémité postérieure est une mitte, du milieu de laquelle s’éleve une soie tournée en vis, afin qu’un même manche de bois garni d’un écrou puisse servir à monter des cauteres de différente figure. Il y en a qui, par leur partie antérieure, forment un bouton sphérique ; d’autres l’ont olivaire, les uns se terminent par une plaque quarrée, &c. Voyez les figures 5, 6, 7, 8, 9, 10 & 11, Pl. XVII. On peut changer les cauteres, & leur faire donner telle configuration qu’on voudra, selon le besoin qu’on en aura, afin de les rendre conformes aux endroits ou on doit les appliquer. Voyez Cautérisation.

M. Homberg dit que la medecine des habitans de Java, & de la plûpart des autres peuples Orientaux, consiste en grande partie à brûler les chairs, ou à y appliquer des cauteres actuels ; & qu’il y a peu de maladies que ces différens peuples ne guérissent par cette méthode.

Le cautere potentiel est une composition de remedes caustiques, où entrent ordinairement de la chaux vive, du savon & de la suie de cheminée. Voyez Caustique. On s’en sert pour l’ouverture des abcès. Voyez Abcès.

Ambroise Paré enseigne la composition d’un caustique qu’il nomme cautere de velours, ainsi appellé parce que ce remede ne cause point de douleur, ou parce qu’il avoit acheté le secret fort cher d’un Chimiste. L’auteur dit : … « à iceux je donnerai le nom de cauteres de volours à raison qu’ils ne font douleur, principalement lorsqu’ils seront appliqués sur les parties exemptes d’inflammation & de douleur, & aussi parce que je les ai recouvrés par du velours ». cautere est aussi un ulcere qu’on procure exprès dans quelque partie saine du corps pour servir d’égoût aux mauvaises humeurs. Voyez Fonticule & Séton.

Les cauteres se font communément à la nuque, entre la premiere & la seconde vertebre du cou ; à la partie superieure du bras, dans une petite cavité qui se forme entre le muscle deltoide & le biceps ; & à la partie interne du genou, un peu au-dessous de l’attache des fléchisseurs de la jambe.

Pour bien appliquer un cautere, on commence par faire un emplâtre rond de la grandeur d’un écu, & troué par le milieu ; il doit être fort emplastique afin qu’il s’attache fortement à la peau, pour empêcher que l’escarre ne fasse plus de progrès qu’on ne le desire. On met cet emplâtre sur l’endroit destiné au cautere ; on applique une pierre à cautere sur la peau qui est découverte au centre de l’emplâtre ; on la recouvre d’une autre emplâtre plus grand que celui qui est percé ; on applique ensuite une compresse & un bandage circulaire qu’on serre un peu afin que l’appareil ne change pas de place.

Il faut que le Chirurgien connoisse l’activité du caustique dont il se sert, pour ne le laisser qu’un tems suffisant pour faire escarre à la peau ; on pense l’escarre, on en procure la chûte par l’usage des remedes suppuratifs, & on entretient ensuite la suppuration de l’ulcere, en tenant un pois dedans, qu’on a soin de renouveller tous les jours.

Les cauteres sont d’une grande utilité dans nombre de maladies. Il y en a même plusieurs qu’on ne sauroit guérir sans cautere lorsqu’elles sont enracinées ou obstinées : telles sont l’ophthalmie, les anciens maux de tête, les fluxions fréquentés, les ulceres invétérés, &c. Voyez Séton. (Y)