L’Encyclopédie/1re édition/HÉPATIQUE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 133-135).

HÉPATIQUE, adj. terme d’Anatomie, qui concerne le foie. Voyez Foie. Le conduit hépatique est un canal formé par la réunion des pores biliaires, & qui s’unit avec le conduit cystique pour former le canal cholidoque. Voyez Pore biliaire, Cystique, & Cholidoque. Le plexus hépatique est un lacis de plusieurs filets de nerfs produits par la huitieme paire & le nerf intercostal. Voyez Plexus. Veine hépatique, qu’on appelle autrement basilique, voyez Basilique. Conduit hepato-cystique, voyez Cysto-hépatique.

Hépatique artere, (Angeiologie.) branche de la cœliaque. Dès sa sortie de la cœliaque, dont elle est une ramification à droite, elle se porte à la partie supérieure interne du pylore, pour accompagner la veine-porte en jettant deux rameaux particuliers, un petit appellé artere pylorique, & un grand nommé artere gastrique droite, ou grande gastrique.

L’artere hépatique ayant fourni la pylorique & la gastrique droite, s’avance derriere le conduit hépatique vers la vésicule du fiel, & lui donne principalement deux rameaux, appellés arteres cystiques, & un autre nommé artere biliaire, qui se plonge dans le grand lobe du foie.

Enfin l’artere hépatique entre dans la scissure du foie, & s’associe à la veine-porte ; elle s’insinue avec cette veine dans la gaîne membraneuse, appellée capsule de Glisson, & l’accompagne par-tout dans le foie par autant de ramifications, que M. Winslow nomme arteres hépatiques propres.

Avant son entrée dans le foie, elle donne de petits rameaux à la membrane externe de ce viscere qui est de la derniere délicatesse, & à la capsule même ; voyez cette distribution merveilleuse dans Ruysch, Trés. x. p. 72. tab. iij. fig. 5. & dans Glisson, cap. xxxiij. fig. 1. Après cela vous ne douterez point que l’artere hépatique & celles qui l’accompagnent, ne servent beaucoup à la vie, à la nutrition, à la chaleur, à la propulsion, secrétion, expulsion des humeurs hépatiques.

Je sais bien que Glisson croit que la seule veine-porte fait tellement la fonction d’artere, que le foie n’a pas besoin d’autres arteres que de celles qui fournissent la nourriture aux membranes & à la capsule de ce viscere ; mais Drake pense au contraire que les arteres hépatiques servent presque à le nourrir tout entier. Comme elles sont beaucoup plus grosses dans l’homme que dans les animaux, il conjecture que dans l’homme à raison de sa situation droite, le sang arteriel du foie a besoin d’un coulant plus considérable & d’une impétuosité plus directe, pour pousser le sang veineux, que dans les animaux, dont le corps est posé horisontalement. C’est à cause de cela, dit-il, que les chevaux, quoiqu’ils soient beaucoup plus grands que l’homme, & qu’ils ayent le foie beaucoup plus gros, ont néanmoins les arteres hépatiques non-seulement beaucoup plus petites, mais encore tortillées à la maniere d’un tendron de vigne, afin de briser l’impétuosité du sang, laquelle n’est pas si nécessaire dans la situation horisontale du corps, que dans la situation droite.

Cowper a embrassé le sentiment de Drake, parce qu’il avoit des préparations, où le tronc de chaque artere hépatique étoit presque aussi gros qu’une plume d’oie, & où leurs ramifications dans le foie étoient par-tout aussi grosses que celles des pores biliaires qu’elles accompagnent. Mais la conséquence tirée par Cowper de ses préparations particulieres, pour établir un fait qui soit généralement constant, n’est pas valable en bonne logique. (D. J.)

Hépatique, adj. ἡπατικὸς, hepaticus, c’est un terme de Medecine, qui est souvent employé par les anciens pour désigner tout ce qui a rapport au foie, tout ce qui en dépend : ainsi ils ont appellé artere hépatique, veine, conduit hépatiques, ces différens organes qui entrent dans la composition du foie, ou qui appartiennent à ce viscere : ils distinguoient encore par ce nom le flux-de-sang attribué au foie, (voyez Flux hépatique) & les remedes ou médicamens appropriés au foie. Voyez Hépatique, Mat. médicale.

On trouve aussi quelquefois le mot hépatique employé comme substantif, pour désigner ceux qui sont atteints de maladies dans lesquelles le foie est principalement affecté : ainsi, comme on a nommé phrénétiques, pleurétiques, ceux qui ont actuellement une inflammation au cerveau, une pleurésie, de même on a désigné anciennement par le nom d’hépatiques, ceux qui sont atteints d’une inflammation au foie. Voyez Hépatite.

On a ensuite changé dans les ouvrages de medecine des derniers siecles, la signification du mot hépatique, en l’appliquant aux seuls cas où le foie est affecté de débilité ; ensorte que, sans qu’il y ait inflammation, ni abscès, ni ulcere, l’exercice des fonctions de ce viscere soit habituellement affoibli d’une maniere sensible, sur-tout par rapport à l’ouvrage de la sanguification que l’on attribuoit principalement au foie. Voyez Castell. Lexic. medic.

Mais le terme d’hépatique n’est guere plus en usage parmi les modernes dans aucun cas en fait de maladie ; il est presque borné à celui qu’en font les Anatomistes. Voyez Foie, Anatomie.

Hépatique (flux) c’est une sorte de maladie que l’on peut regarder comme une diarrhée, dans laquelle la matiere des déjections est liquide, rougeâtre, sanguinolente, semblable à de la raclure de boyaux, sans qu’elles soient accompagnées ni précedées de douleurs, de tranchées, ni de ténesme ; ce qui distingue cette affection du flux dyssentérique, avec lequel elle a le plus de rapport.

Un tel flux de ventre est peu connu par les observations des modernes, qui pour la plupart doutent fort qu’on en ait jamais vû de pareil, dont la source soit véritablement dans le foie ; malgré tout ce qu’ont pû en écrire non pas les anciens, mais les auteurs des derniers siecles qui ont précedé la découverte de la circulation du sang, & entr’autres Waranden, qui a fait un traité considérable sur l’hépatitide, (de hepatitide) terme, selon lui, synonyme avec celui de flux hépatique, c’est-à-dire de l’espece de diarrhée sanguinolente, qu’il prétend dépendre du vice du foie.

Ce qui donnoit principalement lieu à la dénomination de flux hépatique, pour désigner l’espece de cours-de-ventre dont il s’agit, c’est l’idée dans laquelle on a été long-tems que la sanguification se fait dans le foie : d’après cette opinion, on croyoit que la matiere du flux hépatique n’étoit autre chose que du sang aqueux mal travaillé, à cause de la foiblesse de ce viscere que la nature rejette dans les intestins pour être évacué hors du corps.

Mais s’il faut avoir égard à ce que pensent les modernes du prétendu flux hépatique, il ne provient point du foie, mais des veines meséraïques, qui par quelque cause que ce soit, répandent du sang dans les boyaux, où il se mêle avec le chyle, les excrémens qu’il détrempe, & donne à ces matieres la teinture & la consistence de raclure de boyaux, à raison du séjour qu’il y fait & de l’épaississement qu’il y contracte. C’est ainsi qu’étoit produite la diarrhée sanglante dont fait mention Zacutus Lusitanus, lib. II. medic. princip. hist. 84, qui a souvent lieu dans ceux à qui on a coupé quelque membre considérable, ou qui peut être l’effet de la pléthore, dans le cas où elle n’est pas dissipée par les exercices ou par les évacuations ordinaires, ou qui peut dépendre de toute autre cause approchante ; de sorte cependant que l’écoulement des matieres sanglantes ne vient jamais du foie.

On trouve dans les œuvres de Deodatus, in valetudiner. p. m. 217, & dans celles de Borelli, cent. j. observ. 99, des observations qui confirment celles de Zacutus.

Il reste quelquefois après la dyssenterie un flux de ventre encore sanglant, mais sans douleurs, qui ne peut être attribué qu’à la foiblesse des vaisseaux meséraïques par une suite de l’excoriation de la membrane interne des intestins, & non point à aucun vice du foie. Ainsi, dans ces différens cas, quelque rapport qu’ils ayent avec le flux hépatique des anciens, ce viscere n’y étant cependant pour rien, les modernes se croyant fondés à ne point reconnoître ces flux de ventre pour des flux hépatiques, se croyent autorisés conséquemment à les rejetter dans tous autres cas. C’est pourquoi le sentiment de Barbatte, Prax. med. lib. IV. cap. vj. a été assez généralement adopté, entant qu’il pense que le flux prétendu hépatique n’est autre chose qu’un écoulement de sang qui se fait par les veines hémorrhoïdales supérieures, se mêle aux matieres contenues dans les boyaux, & forme celles des déjections dont il s’agit, sans qu’il y ait dyssenterie.

Cependant on ne peut pas dissimuler bien des observations qui tendent à prouver la possibilité de l’existence des flux de ventre vraiment hépatiques, puisqu’il en résulte qu’après plusieurs diarrhées semblables à celles que les anciens appellent de ce nom, on a trouvé par l’inspection anatomique le foie constamment affecté : ainsi on peut voir dans les œuvres de Bonnet, Sepulchret. seu Anatom. pro etic. lib. III. sect. xj. plusieurs observations à ce sujet ; entre autres celle qui fut faite dans le cadavre d’un soldat anglois, où la substance de ce viscere fut trouvée tellement consumée, qu’il ne restoit que la membrane qui forme son enveloppe, non sans altération, puisqu’elle étoit fort épaisse & enduite intérieurement d’une boue sanieuse, semblable à la matiere du flux de ventre qui avoit causé la mort à la suite d’une inflammation du foie. Tel est aussi le cas rapporté par Bontius, Medic. indor. lib. III. observ. 9. à l’égard d’un consul parisien qui avoit eû un flux hépatique pendant six ans, sans avoir pû en être délivré par aucun remede. On trouva aussi, selon Baillon, lib. I. consil. 33. le foie entierement détruit & comme fondu dans ses enveloppes, après un flux de ventre que l’on croyoit hépatique. Jourdan, de pestis phænom. cap. xix. dit avoir vû pareille chose à l’égard d’un homme auquel il étoit survenu une diarrhée de la même espece, à la suite d’une dyssenterie avec fievre, dont il étoit mort le septieme jour.

Il semble donc suivre du témoignage de ces observateurs, qu’il y a eu des flux de ventre véritablement hépatiques : on ne voit pas en effet, pourquoi d’autres auteurs se sont appliqués avec tant d’ardeur à établir qu’il n’en existe pas, ni n’en peut exister de tels. Si toutes les parties du corps en général sont susceptibles d’hémorrhagie, (Voyez Hémorrhagie.) pourquoi le foie seroit-il excepté ? Pourquoi ne peut-on pas concevoir qu’un engorgement des vaisseaux sanguins de ce viscere, qui communiquent avec les colatoires de la bile, soit suivi d’une effusion de sang plus ou moins considérable dans ces derniers conduits qui le portent dans les intestins ? Pourquoi ne peut-il pas se former une pléthore particuliere dans le foie comme dans les poûmons, les reins, &c. d’où résulte une hémorrhagie ? Pourquoi ne pourroit-il pas s’échapper du sang des vaisseaux du foie dans une inflammation, en sorte que se mêlant avec la bile, il se jette avec elle dans les boyaux comme il en sort des vaisseaux pulmonaires, qui se mêle avec la matiere des crachats dans la péripneumonie ? Voyez Foie (maladies du.)

Rien ne paroît donc s’opposer à ce qu’il se fasse des effusions de sang de l’intérieur du foie, tant symptomatiques que critiques, qui ayent tous les caracteres du flux de ventre que les anciens appellent hépatique : mais il faut avouer qu’il est très difficile d’indiquer les signes propres à distinguer les cas où ce flux vient du foie, de ceux où il vient des intestins, parce qu’il peut avoir lieu dans l’un & l’autre cas sans douleur, sans tenesme : on ne peut insérer l’un plûtôt que l’autre, que de ce qui a précedé. Si le foie a été affecté auparavant de pesanteur, de douleur, d’inflammation ; s’il y a eu des signes d’obstruction dans ce viscere avant que le flux dont il s’agit ait paru, il y a lieu de présumer que ce flux sanglant, distingué de la dyssenterie en ce qu’il est sans douleur de ventre, sans tenesme, & du flux hémorrhoïdal, par la qualité de la matiere évacuée, doit être attribué au foie qui paroît dans ce cas le seul viscere lesé. Voyez Dyssenterie, Hémorrhoide.

Mais, quelle que puisse être la source de l’espece de flux de ventre qui est appellé hépatique, on doit toûjours établir le prognostic d’après les signes qui indiquent que ce flux est symptomatique ou critique : dans le premier cas, l’intensité des symptomes qui accompagnent, décide le plus ou le moins de danger ; dans le second, il n’y en a que rarement, tant que ce flux est modéré, & que l’on ne l’arrête pas imprudemment.

Ainsi le traitement de cette maladie consiste à suivre les indications que peuvent fournir les symptomes qui ont précedé & qui en déterminent la nature. Par conséquent, si on doit l’attribuer à la pléthore par quelque cause qu’elle ait été produite, la saignée peut avoir lieu dans le cas où il n’y a pas de contr’indication, mais sur-tout l’application des ventouses avec scarification à la région des lombes, celle des sangsues au fondement pour dégorger les veines hémorrhoïdales, & faciliter par ce moyen la déplétion des vaisseaux de la veine-porte ; au reste, voyez Pléthore.

S’il y a lieu de penser que le flux hépatique dépende d’une inflammation au foie ; comme il peut être salutaire dans ce cas, il ne faut pas se presser de le supprimer, & on doit cependant s’occuper à détruire les causes qui ont produit l’inflammation, & en corriger les effets. Voyez Hépatite.

Si le flux hépatique est une suite des obstructions du foie, il ne peut être arrêté sans danger qu’après que l’on a, s’il est possible, desobstrué ce viscere ; ce qui rend la curation aussi longue que difficile. Voyez Foie (maladies du), Obstruction.

En général, il est peu de cas où l’on puisse entreprendre le traitement du flux hépatique par le moyen des astringens ; parce qu’en supprimant l’évacuation il y a grand risque qu’il ne s’ensuive des dépôts funestes de la matiere retenue : on ne peut donc recourir à ces remedes, qu’au cas que ce flux forme une hémorrhagie considérable. Voyez Hémorrhagie, Hémorrhoide. Ce qui ne peut guere arriver à l’égard d’un viscere dans lequel le cours du sang se fait avec tant de lenteur, à cause de son éloignement de l’instrument principal de la circulation & par la foiblesse de l’organisation qui peut même être augmentée dans cette maladie & en constituer la cause prédisponante ; ce qui forme alors une indication de faire usage des astringens, des toniques, des amers, & autres médicamens appropriés à la débilité des fibres des visceres. Voyez Débilité, Fibre (maladies de la), Foie (maladies du), Hémorrhagie.

Hépatique à trois feuilles, subst. fém. (Botan.) voici ses caracteres : sa racine est fibreuse, vivace ; les pédicules de ses feuilles partent de la racine ; ses tiges sont nues, simples, & portent des fleurs ; son calice est à une piece ; il est permanent & découpé communément en trois lobes ; ses fleurs sont en rose, polypétales, ordinairement pentapétales, & garnies d’un grand nombre d’étamines ; son fruit est globuleux ; chacune de ses cellules est pourvue d’un tuyau recourbé ; du reste l’hépatique ressemble à la petite chélidoine.

Entre les especes de ce genre de plante, il suffira de décrire la plus commune, que Boerhaave nomme hepatica trifolia, coeruleo flore. Ind. Att. 30.

Ses fleurs sortent de terre de bonne heure au printems avant les feuilles ; elles croissent sur des pédicules foibles, un peu velus, longs de quatre à cinq pouces ; ses feuilles sont enfermées dans un calice verd à trois pieces ; elles sont composées de six folioles bleues, arrondies, pointues par le bout, & rangées autour d’une petite tête verte. Il sort du milieu d’elles plusieurs étamines blanches & bleues ; la tête verte s’aggrandit & dégénere ensuite en plusieurs petites semences nues ; les feuilles paroissent lorsque les fleurs sont passées ; la racine est petite, fibreuse, & vivace.

On nomme cette plante hépatique, parce que ses feuilles sont divisées en lobes comme le foie.

Les fleuristes cultivent plusieurs especes d’hépatique, à cause de la beauté de leurs fleurs printanieres, simples, doubles, ou bleues, ou blanches, ou rouges ; sur quoi Miller mérite d’être consulté. (D. J.)

Hépatique commune ou de fontaine, (Mat. méd.) la plante ainsi nommée de sa prétendue vertu contre les maladies du foie, est un de ces remedes purement altérans, dont les propriétés sont fort peu constatées & très-difficiles à déterminer. Outre la qualité principale dont nous venons de parler, on lui accorde celle de remédier à l’épaississement des humeurs, d’en adoucir & réprimer l’acrimonie, &c. vices qu’il est très-permis de regarder comme imaginaires dans la plûpart des cas où on les met en jeu pour l’explication des maladies.

Elle passe encore pour tonique, vulnéraire, astringente, bonne dans la gale & les autres maladies de la peau, si on en prend intérieurement la décoction à grandes doses. Plusieurs auteurs ont regardé encore l’hépatique de fontaine comme un spécifique contre la toux & contre la pthysie ; elle entre dans le syrop de chicorée composé. (b)

Hépatique des Fleuristes, ou Belle Hépatique, (Mat. méd.) cette plante a tiré son nom, comme la précédente, de la faculté qu’on lui a supposée de guérir les maladies du foie. On l’a regardée d’ailleurs comme vulnéraire, rafraîchissante, fortifiante & astringente, soit dans l’usage intérieur, soit dans l’usage extérieur.

L’eau de pluie dans laquelle on a cohobé trois ou quatre fois des feuilles fraîches de belle hépatique, est un excellent cosmétique, & que les dames de la plus grande condition recherchent fort, selon que le rapporte Simon Pauli, pour se blanchir la peau du visage après qu’elles se sont exposées à l’ardeur du soleil. Geoffroy, Mat. méd.