L’Encyclopédie/1re édition/HEPAR SULPHURIS

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 133).

Hepar sulphuris, ou Foie de Soufre, (Chymie & Métallurgie). C’est ainsi qu’on nomme une dissolution ou une combinaison du soufre avec un sel alkali fixe ; elle se fait en mêlant exactement ensemble une partie de soufre avec deux parties d’un sel alkali fixe bien purifié ; on porte peu-à-peu ce mélange dans un creuset rougi, c’est-à-dire par cuillerées, en observant de ne point mettre une nouvelle cuillerée avant que la précédente soit entrée parfaitement en fusion ; on remuera de tems en tems avec un tuyau de pipe ; on couvrira le creuset pour que tout le mélange entre parfaitement en fusion, alors on vuidera le creuset, & l’on aura une matiere d’un brun rougeâtre, à qui l’on donne le nom d’hepar, ou de foie de soufre, à cause de sa couleur. Cette matiere est d’une odeur très-fétide, & d’un goût desagréable ; elle attire fortement l’humidité de l’air, & s’y résout en une liqueur noirâtre.

L’hepar sulphuris se dissout très-aisément dans l’eau ; en versant dans cette dissolution un acide quelconque, il en part une odeur semblable à celle des œufs pourris ; la liqueur se trouble & devient d’un blanc jaunâtre, c’est ce qu’on appelle lait de soufre ; il se fait alors un précipité qui n’est autre chose que du vrai soufre. Les vapeurs qui se dégagent dans cette opération, noircissent l’argent.

L’hepar dont nous parlons, est le dissolvant de tous les métaux, & même de l’or & de l’argent ; il leur fait perdre leur éclat métallique & les rend solubles dans l’eau. Le célebre Stahl dit que c’est de l’hepar sulphuris, dont Moyse s’est servi pour détruire le veau d’or des Israëlites, qu’il jetta ensuite dans des eaux qui devinrent ameres, & qu’il fit boire à ces prévaricateurs. En effet, pour dissoudre l’or de cette maniere, il n’y a qu’à le faire rougir, & y joindre ensuite de douze à seize parties d’hepar sulphuris, & lorsque le tout est entré parfaitement en fusion, on vuidera le creuset, & l’on fera dissoudre la matiere dans de l’eau. La dissolution deviendra d’un jaune vif ; & en y versant du vinaigre, il se précipitera une poudre qui est de l’or uni avec du soufre ; on n’aura qu’à édulcorer ce précipité, le faire rougir pour en dégager le soufre, & l’on retrouvera son or pur.

On voit par-là que quoique le soufre seul ne soit point en état de mettre l’or en dissolution, il acquiert la faculté de produire cet effet lorsqu’il est retenu & fixé par l’alkali fixe.

L’hepar dissout avec encore plus de facilité les métaux imparfaits. Voyez la Chimie métallurgique de Gellert.

Quand on veut essayer si une substance minérale contient du soufre, il n’y a qu’à la faire fondre au feu avec un sel alkali fixe ; alors l’odeur d’hepar qui en part, décele bientôt la présence du soufre.

Plusieurs eaux minérales qui sentent les œufs pourris, & dont la vapeur noircit l’argent, annoncent qu’elles contiennent de l’hepar sulphuris ; telles sont sur-tout celles d’Aix-la-Chapelle, &c. cela paroît venir d’une combinaison qui s’est faite dans le sein de la terre, du soufre avec un sel alkali, ou avec une terre alkaline & calcaire. Voyez Soufre. (—)