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Pour nous expliquer plus exactement, soit z la distance de la lune au zénith d’un lieu quelconque, on aura à très-peu-près pour la distance de la lune à ce lieu ; & pour la force avec laquelle la lune tend à attirer l’eau de la mer en cet endroit là ; cette force se décompose en deux autres : l’une tend vers le centre de la terre ; & par le principe de la décomposition des forces (voyez Décomposition & Composition), elle est  ; l’autre est parallele à la ligne qui joint les centres de la terre & de la lune ; & elle est par les mêmes principes égale à à très peu-près . Voyez Suite, Approximation, & Binome, & sur-tout l’article Négliger, en Algebre. Il faut retrancher de cette force, suivant ce qui a été dit plus haut, la force qui agit également sur toutes les parties du globe terrestre, & qui tend à transporter toute cette masse par un mouvement commun à toutes les parties ; ainsi (le centre de la terre étant par ce moyen regardé comme en repos par rapport aux eaux de la mer) on aura pour la force avec laquelle ces eaux tendent à s’élever vers la lune suivant une ligne parallele à celle qui joint les centres du soleil & de la lune : cette force se décompose en deux autres : l’une dans la direction du rayon de la terre ; elle est par le principe de la décomposition des forces, , & tend à éloigner les eaux du centre de la terre. L’autre est dirigée suivant une perpendiculaire au rayon, ou tangente à la terre ; & elle est . Ainsi comme nous avons déjà trouvé qu’il y a une force qui tend à pousser les eaux vers le centre de la terre, il s’ensuit que les eaux tendront à s’éloigner de ce centre avec une force égale à , & à se mouvoir parallelement à la surface de la terre avec une force . Il en est de même de l’action du soleil ; il n’y aura qu’à mettre dans l’expression précédente S au lieu de L, & D au lieu de δ.

De ces deux forces on peut même négliger entierement la premiere, comme je l’ai démontré dans mes Reflexions sur la cause des vents, & comme plusieurs géometres l’avoient démontré avant moi ; car l’action de la pesanteur, pour pousser les particules de l’eau au centre de la terre, est comme infiniment plus grande que l’action qui tend à les en écarter ; nous l’avons déjà observé ci-dessus, & nous le prouverons ainsi en peu de mots. La force de la pesanteur est , en appellant T la masse de la terre ; car chaque particule de la surface de la terre est attirée vers son centre avec une force égale à la masse de la terre divisée par le quarré du rayon. Voy. Attraction & Gravitation. Or est à comme à , c’est-à-dire incomparablement plus grande, puisque T est plus grand que L, & que δ est égale à environ 60 fois r. Voyez Lune, Terre, &c. Ainsi l’action de la gravité sur les eaux de la mer, est incomparablement plus forte que l’action de la lune : or on trouve par le calcul, que l’action du soleil est beaucoup plus petite que l’action de la lune . Donc l’action de la gravité est beaucoup plus grande que les actions du soleil & de la lune,

pour élever les eaux de la mer dans une direction perpendiculaire à la terre. Donc, &c.

La force est aussi beaucoup plus petite que la gravité, & par les mêmes raisons ; mais l’effort de cette force n’étant point contraire à celui de la pesanteur, elle doit avoir tout son effet : or quel est son effet ? de mouvoir les eaux de la mer horisontalement & avec des vîtesses différentes, selon la différence de la distance z de la lune au zénith : & ce mouvement doit évidemment faire élever les eaux de la mer au-dessous de la lune.

Pour le démontrer d’une maniere plus immédiate & plus directe, supposons une sphere fluide, dont les parties pesent vers le centre avec une force égale à-peu-près à , & soient outre cela poussées perpendiculairement au rayon par une force égale à  ; on démontre aisément par les principes de l’Hydrostatique (voyez Figure de la Terre, mes réflexions sur la cause des vents, & plusieurs autres ouvrages), que cette sphere, pour conserver l’équilibre de ses parties, doit se changer en un sphéroïde, dont la différence des axes seroit  ; & que la différence d’un rayon quelconque au petit axe de ce sphéroïde seroit .

Ce nouveau sphéroïde devant être égal en masse à la sphere primitive, il est facile, par les principes de Géométrie, de déterminer la différence des rayons de ce sphéroïde aux rayons correspondans de la sphere, de trouver par conséquent de combien le fluide sera élevé ou abaissé en chaque endroit, au-dessus du lieu qu’il occuperoit dans la sphere, si la lune n’avoit point d’action. Par-là on trouvera d’abord aisément l’élevation & l’abaissement des eaux en chaque endroit, en supposant la lune en repos, & la terre sphérique & aussi en repos. Car quoique ces hypothèses soient bien éloignées de la vérité, cependant il faut commencer par-là, pour aller ensuite du simple au composé.

Quand la terre ne seroit pas supposée primitivement sphérique, mais sphéroïde, pourvû qu’on la regardât comme en repos, ainsi que la lune, l’élévation des eaux, en vertu de l’action de la lune, seroit sensiblement la même que sur une sphere parfaite. J’ai démontré cette proposition dans mes réflexions sur la cause des vents, art. 50-62.

On trouveroit de même, & par les mêmes principes, l’élévation des eaux sur la sphere ou sur le sphéroïde, en vertu de l’action seule du soleil, & on peut démontrer (comme je l’ai fait dans l’endroit même que je viens de citer) que l’élévation des eaux, en vertu de l’action conjointe des deux astres, est sensiblement égale à la somme des élevations qu’elles auroient en vertu des deux actions séparées.

Mettons en calcul les idées que nous venons d’exposer. Soit r le rayon de la sphere, r’le demi petit axe du sphéroïde dans l’hypothèse que la lune seule agisse ; on aura pour la différence des rayons de la sphere & du sphéroïde T étant regardée comme l’unité par rapport à L (voy. les articles Sinus & Négliger)  : ainsi la différence de la sphere & du sphéroïde, aura pour élément , 2π étant le rapport de la circonférence au rayon. L’intégrale de cette quantité qui doit être =0, lorsque z=0, est  ; lorsque z=90