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dans ces divers cas, sont exposées dans les articles particuliers. Voyez ces articles, & sur-tout l’article Distillation.

Effets généraux du feu. Les effets chimiques du feu dans toutes ces opérations, se réduisent à trois ; ou le feu relâche, laxat, l’aggrégation de certaines substances jusqu’à les réduire en liqueur & même en vapeur, sans altérer en aucune façon la constitution intérieure du sujet ainsi disposé (voyez l’article Chimie, pag. 415. col. 1. pag. 417. col. 2. & l’art. Distillation) ; ou il produit des diacreses pures (voyez au mot Distillation ce qui est dit de ces effets sur la seconde classe des sujets de cette opération, & le mot Diacrese à l’errata du V. volume) ; ou enfin il dispose à la combinaison chimique les substances missibles ; il divise, solvit, ces corps qui n’agissent qu’étant ainsi divisés, nisi soluta ; & il favorise cette action réciproque, soit que les principes qu’il met en jeu se rencontrent dans un composé naturel, comme dans les fermentations & dans l’analyse par le feu seul des matieres dont j’ai formé la troisieme classe des sujets de la distiliation (voyez l’article Distillation, & l’art. Fermentation), soit qu’ils se trouvent dans des mélanges artificiels, comme dans toutes les opérations de l’analyse menstruelle (voyez Menstrue & Menstruelle, (Analyse.) & le mot Chimie). Remarquez pourtant que ce troisieme effet ne differe pas essentiellement du premier ; car l’action directe & réelle de la chaleur se borne dans les deux cas au relâchement de l’aggrégation ; il a été utile néanmoins de les distinguer ici, parce qu’il auroit été révoltant, pour la plûpart des lecteurs, de voir identifier l’effet de la chaleur considéré dans la fusion ou l’évaporation, & dans la dissolution ou la fermentation ; car que la chaleur n’ait qu’une influence passive dans l’exercice de l’action menstruelle, ce n’est pas une vérité reçue, mais simplement démontrable, & proposée dans plusieurs endroits de ce Dictionnaire. Voyez l’article Chimie, pag. 417. col. 2. le même art. pag. 415. col. 2. & les articles Menstrue & Menstruelle, (Analyse.)

Les divers effets généraux que nous venons de rapporter sont dûs à une seule & même cause, savoir à la propriété de raréfier du feu, exercée dans une très-grande latitude, depuis le terme où commence la liquidité de l’eau jusqu’à celui que l’on a crû suffisant pour volatiliser les métaux parfaits, selon les fameuses expériences exécutées au foyer de la lentille du palais-royal, & rapportées dans les Mém. de l’académie royale des Sciences, année 1702.

Sources & application du feu. Nous trouvons ce principe de chaleur dans la température même de notre atmosphere : nous nous le procurons en exposant les sujets de nos opérations aux rayons directs du soleil. Nous mettons à profit quelquefois la chaleur excitée dans certaines matieres fermentantes ou pourrissantes, telles que le marc de raisin & le fumier ; ou enfin, ce qui est notre ressource la plus ordinaire & la plus commode, nous appliquons aux matieres que nous voulons échauffer, des corps inflammables actuellement brûlans, tels que le charbon, le bois, la tourbe, le charbon de terre, l’esprit-de-vin, les huiles par expression dans le fourneau à lampe, &c. de tous ces alimens du feu, celui que nous employons généralement & avec le plus d’avantage, c’est le charbon. Voyez Charbon, Esprit-de-vin, & Lampe.

Cette application du feu varie selon qu’elle est plus ou moins immédiate ; car ou on expose la matiere à traiter au contact immédiat du corps dont on employe la chaleur, comme dans la dessication au soleil, la distillation par le premier fourneau de Glauber, la sublimation gébériene, la réverbération de

la flamme, &c. voy. ces articles ; ou on place les matieres dans des vaisseaux, voyez Vaisseaux ; & ces vaisseaux ou on les expose au contact immédiat du principe de la chaleur, c’est-à-dire au feu nud, selon l’expression technique ; ou on interpose entre le feu & les vaisseaux, différens corps connus sous le nom d’intermede ou de bain. Voyez Bain en Chimie, & Intermede.

Degrés du feu. La latitude entiere de la chaleur employée aux usages chimiques, a été divisée en différentes portions ou degrés déterminés par divers moyens ; premierement par espece de matiere échauffée ou brûlante qui fournissoit la chaleur : ainsi le feu chimique a été distingué en insolation, ventre de cheval, bain de marc de raisin, feu de lampe, feu de bois, feu de charbon, &c. secondement par la circonstance de l’application plus ou moins immédiate, & par les différens milieux interposés entre le corps & le feu : le feu a été divisé sous ce point de vûe en feu nud, bain-marie, bain de sable, de cendres, de limaille, &c. Voyez Bain en Chimie. Le feu nud, selon qu’il a été placé sous le corps à traiter, sur ce corps, autour de ce corps, qu’il a été couvert ou libre, &c. s’est appellé feu de roue, feu de suppression, feu de reverbere, feu ouvert, &c. Toutes ces distinctions sont entierement abandonnées, & avec raison sans doute, puisque la plûpart sont inutiles, relativement à la détermination de l’intensité du feu. Ceux qui avoient partagé la latitude du feu chimique par degrés qu’ils appelloient premier, second, troisieme, quatrieme, avoient déterminé chacun de ces degrés d’une maniere si vague, que l’insuffisance ou plûtôt l’inutilité de cette distinction est aussi absolument reconnue.

Les chimistes modernes ont rectifié toutes ces divisions, & les ont réduites à la plus grande simplicité, en ne retenant qu’un petit nombre de termes fixes, établis sur la connoissance réfléchie des effets du feu, & très-suffisans dans la pratique.

Ces chimistes ont observé premierement que l’analyse ou solution réelle de la combinaison chimique, ne s’opéroit dans tous les sujets que par le secours d’une chaleur supérieure à celle qui faisoit bouillir l’eau commune ; secondement que plusieurs unions beaucoup moins intimes, celles dont j’ai fait la premiere classe des sujets de la distillation, voyez cet article, cédoient à l’action d’une chaleur capable de faire bouillir l’eau, & quelques-unes même à une chaleur plus foible ; troisiemement que la plûpart des menstrues appellés communément liquides, du nom de leur état ordinaire, agissoient sous un degré de chaleur inférieur à celui de l’eau bouillante ; quatriemement que quelques évaporations, dessications, & un très-grand nombre de combinaisons, s’opéroient sous la température ordinaire de l’air qui nous environne, lors même qu’il n’est échauffé que par les rayons réfléchis du soleil, c’est-à-dire sans feu & à l’ombre.

Ils ont, en conséquence de ces observations, divisé le feu chimique en quatre degrés ; le premier ou le plus foible commence à la liquidité de l’eau, & s’étend jusqu’au degré qui nous fait éprouver un sentiment de chaleur ; nous appellons ce degré froid. C’est à ce degré que s’exécutent un très-grand nombre d’opérations telles que les dissolutions à froid, les macérations ou extractions à froid, les calcinations à l’air, les dessications à l’ombre, les évaporations insensibles, la plûpart des fermentations, &c. Voyez ces articles particuliers.

Rien n’est si aisé que de se procurer exactement ce degré de feu dans la pratique, puisqu’il ne s’agit que d’éloigner les substances traitées, de toute source de chaleur sensible. Quant au plus ou au moins de chaleur dans la latitude qu’embrasse ce degré,