L’Encyclopédie/1re édition/BAINS

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BAINS, s. m. (terme d’Architecture) grands & somptueux bâtimens, élevés par les anciens pour l’ornement & la commodité. Il faut distinguer les bains en naturels ou en artificiels. Les bains naturels sont ou froids comme l’eau des rivieres, ou chauds comme ceux des eaux minérales, propres à la guérison de plusieurs maux. Voyez Eaux Minérales, & plus bas Bain en Médecine.

Les bains artificiels, qui étoient plûtôt pour la propreté du corps que pour la santé, étoient chez les anciens des édifices ou publics ou particuliers. Les bains publics ont été en usage en Grece & à Rome : mais les Orientaux s’en servirent auparavant. La Grece connoissoit les bains chauds dès le tems d’Homere, comme il paroît par divers endroits de l’Odyssée ; & ils étoient ordinairement joints aux gymnases ou palestres, parce qu’en sortant des exercices on prenoit le bain. Vitruve a donné une description fort détaillée de ces bains, par laquelle il paroît qu’ils étoient composés de sept pieces différentes, la plûpart détachées les unes des autres, & entremêlées de quelques pieces destinées aux exercices. Ces sept pieces étoient : 1°. le bain froid, frigida lavatio, en Grec λουτρὸν : 2°. l’elæothesium, c’est-à-dire, la chambre où l’on se frottoit d’huile ; 3°. le lieu de rafraîchissement, frigidarium ; 4°. le propnigeum, c’est-à-dire l’entrée ou le vestibule de l’hypocaustum ou du poelle ; 5°. l’étuve voutée pour faire suer, ou le bain de vapeur, appellé tepidarium ; 7°. le bain d’eau chaude, calida lavatio, auxquels il faudroit joindre l’apodyterion, ou garde-robe, si toutefois ce n’est pas la même chose que le tepidarium.

Quant aux bains détachés des palestres, il résulte de la description qu’en fait Vitruve : 1°. que ces bains étoient ordinairement doubles, les uns pour les hommes, les autres pour les femmes ; du moins chez les Romains, qui en ce point avoient plus consulté les bienséances, que les Lacédémoniens, chez qui les deux sexes se baignoient pêle-mêle : 2°. que les deux bains chauds se joignoient de fort près, afin qu’on pût échauffer par un même fourneau, les vases de l’un & de l’autre bain : 3°. que le milieu de ces bains étoit occupé par un grand bassin, qui recevoit l’eau par divers tuyaux, & dans lequel on descendoit par le moyen de quelques degrés ; ce bassin étoit environné d’une balustrade, derriere laquelle régnoit une espece de corridor, schola, assez large, pour contenir ceux qui attendoient que les premiers venus sortissent du bain : 5°. que les deux étuves, appellées laconicum & tepidarium, étoient jointes ensemble : 6°. que ces lieux étoient arrondis au compas, afin qu’ils reçussent également à leur centre la force de la vapeur chaude, qui tournoit & se répandoit dans toute leur cavité : 7°. qu’ils avoient autant de largeur que de hauteur jusqu’au commencement de la voûte, au milieu de laquelle on laissoit une ouverture pour donner du jour, & on y suspendoit avec des chaînes un bouclier d’airain, qu’on haussoit ou baissoit à volonté, pour augmenter ou diminuer la chaleur ; 8°. que le plancher de ces étuves étoit creux & suspendu pour recevoir la chaleur de l’hypocauste, qui étoit un grand fourneau maçonné dessous, que l’on avoit soin de remplir de bois & d’autres matieres combustibles, & dont l’ardeur se communiquoit aux étuves à la faveur du vuide qu’on laissoit sous leurs planchers : 9°. que ce fourneau servoit non-seulement à échauffer les deux étuves, mais aussi une autre chambre appellée vasarium, située proche de ces mêmes étuves & des bains chauds, & dans laquelle étoient trois grands vases d’airain, appellés milliaria à cause de leur capacité ; l’un pour l’eau chaude, l’autre pour la tiede, & le troisieme pour la froide. De ces vases partoient des tuyaux qui correspondant aux bains, y portoient par le moyen d’un robinet l’eau, suivant les besoins de ceux qui se baignoient.

A l’égard de l’arrangement ou disposition de ces divers appartemens des bains, voici ce qu’on en sait : on y voyoit d’abord un grand bassin ou vivier appellé en grec κολυμϐηθρὰ, en latin natatio & piscina, qui occupoit le côté du nord, & où l’on pouvoit non-seulement se baigner, mais même nager très-commodément. Les bains des particuliers avoient quelquefois de ces piscines, comme il paroît par ceux de Pline & de Ciceron. L’édifice des bains étoit ordinairement exposé au midi, & avoit une face très-étendue, dont le milieu étoit occupé par l’hypocauste, qui avoit à droite & à gauche une suite de quatre pieces semblables des deux côtés, & disposées de maniere qu’on pouvoit passer facilement des unes dans les autres. Ces pieces nommées en général balnearia, étoient celles que nous avons décrites ci-dessus. La salle du bain chaud étoit une fois plus grande que les autres, à cause du grand concours du peuple qui y abordoit, & du long séjour qu’on y faisoit d’ordinaire.

Les anciens prenoient ordinairement le bain avant souper, & il n’y avoit que les voluptueux qui se baignassent à la suite de ce repas. Au sortir du bain, ils se faisoient frotter d’huiles ou d’onguens parfumés par des valets nommés alyptæ ou unctuarii. Les bains, si on en croit Pline, ne furent en usage à Rome que du tems de Pompée ; dès lors les édiles eurent soin d’en faire construire plusieurs. Dion, dans la vie d’Auguste, rapporte que Mecene fit bâtir le premier bain public : mais Agrippa, dans l’année de son édilité, en fit construire cent soixante & dix. A son exemple, Neron, Vespasien, Tite, Domitien, Severe, Gordien, Aurelien, Diocletien, & presque tous les empereurs, qui chercherent à se rendre agréables au peuple, firent bâtir des étuves & des bains avec le marbre le plus précieux, & dans les regles de la plus belle architecture, où ils prenoient plaisir à se baigner avec le peuple : on prétend qu’il y avoit jusqu’à 800 de ces édifices répandus dans tous les quartiers de Rome.

La principale regle des bains étoit d’abord de ne les ouvrir jamais avant deux ou trois heures après midi, ensuite ni avant le soleil levé, ni après le soleil couché. Alexandre Severe permit pourtant qu’on les tint ouverts la nuit dans les grandes chaleurs de l’été, & ajoûta même la libéralité à la complaisance, en fournissant l’huile qui brûloit dans les lampes. L’heure de l’ouverture des bains étoit annoncée au son d’une espece de cloche : le prix qu’il falloit payer pour entrer aux bains étoit très-modique, ne montant qu’à la quatrieme partie d’un as, nommée quadrans ; ce qui valoit à peu près un liard de notre monnoie. Le bain gratuit étoit au nombre des largesses que les empereurs faisoient au peuple à l’occasion de quelque réjoüissance publique : mais aussi dans les calamités on avoit soin de lui retrancher cette commodité, ainsi que le plaisir des spectacles. (G)

* Tout se passoit dans les bains avec modestie : les bains des femmes étoient entierement séparés de ceux des hommes ; & ç’auroit été un crime, si l’un des sexes avoit passé dans le bain de l’autre. La pudeur y étoit gardée jusqu’à ce scrupule, que même les enfans puberes ne se baignoient jamais avec leurs peres, ni les gendres avec leurs beaux-peres. Les gens qui servoient dans chaque bain, étoient du sexe auquel le bain étoit destiné. Mais quand le luxe & la vie voluptueuse eurent banni la modestie, & que la débauche se fut glissée dans toute la ville, les bains n’en furent pas exempts. Les femmes s’y mêlerent avec les hommes, & il n’y eut plus de distinction ; plusieurs personnes de l’un & l’autre sexe n’y alloient même que pour satisfaire leur vûe, ou cacher leurs intrigues : ils y menoient des esclaves ou servantes, pour garder les habits. Les maîtres des bains affectoient même d’en avoir de plus belles, les uns que les autres, pour s’attirer un plus grand nombre de chalans.

Tout ce que les magistrats purent faire d’abord, ce fut de défendre à toutes personnes de se servir de femmes ou de filles pour garder les habits, ou pour rendre les autres services aux bains, à peine d’être notées d’infamie. Mais l’empereur Adrien défendit absolument ce mêlange d’hommes & de femmes sous de rigoureuses peines. Marc Aurele & Alexandre Severe confirmerent cette même loi ; & sous leur regne, les bains des hommes & ceux des femmes furent encore une fois séparés, & la modestie y fut rétablie.

Les ustenciles ou instrumens des bains, outre les vases propres à faire chauffer & à verser l’eau, étoient les baignoires, les étrilles. Voyez Baignoire, Etrille.

Les bains particuliers, quoique moins vastes que les bains publics, étoient de la même forme, mais souvent plus magnifiques & plus commodes, ornés de meubles précieux, de glaces, de marbres, d’or & d’argent. On pouvoit s’y baigner à toute heure ; & l’on rapporte des empereurs Commode & Galien, qu’ils prenoient le bain cinq ou six fois le jour. Mém. de l’Acad. des Belles Lettres, tome I. & III. (G)

* Parmi nous, les bains publics sur la riviere, ne sont autre chose que de grands bateaux, appellés toue, faits de sapin, & couverts d’une grosse toile, autour desquels il y a de petites échelles attachées par des cordes, pour descendre dans un endroit de la riviere où l’on trouve des pieux enfoncés d’espace en espace, qui soûtiennent ceux qui prennent le bain.

Nous appellons bains domestiques ceux que l’on pratique dans la maison des grands ou des particuliers : ils se prennent dans des baignoires de métal, dans lesquelles l’eau est amenée par des conduits de plomb qui descendent d’un réservoir un peu élevé, rempli de l’eau du ciel, ou par le secours d’une pompe. Ces tuyaux garnis de robinets, viennent, avant d’entrer dans la baignoire, se distribuer dans une cuve placée sur un fourneau, qui la tient dans un degré de chaleur convenable.

Ces bains sont composés d’un appartement distribué en plusieurs pieces : savoir, d’une anti-chambre pour tenir les domestiques pendant que le maître est au bain, d’une chambre à lit pour s’y coucher au sortir du bain, d’une salle où est placée la baignoire. d’un cabinet à soûpape ou d’une garderobe, d’un cabinet de toilette, d’une étuve pour sécher les linges & chauffer l’eau, de dégagement, &c. Il est assez d’usage de placer deux baignoires & deux lits dans ces appartemens, ces bains se prenant ordinairement de compagnie, lorsqu’on est en santé.

Ces bains doivent avoir un petit jardin particulier pour faire prendre de l’exercice, sans être vû, aux personnes qui prennent ces bains plûtôt par indisposition que par propreté.

Ces appartemens sont ordinairement décorés de lambris, de peintures, de dorure, & de glaces. C’est dans cette occasion qu’un Architecte qui a du génie, peut donner carriere à son imagination, ces sortes de pieces n’étant pas susceptibles de la sévérité des regles de l’art. Au contraire j’estime que c’est dans ces sortes de pieces seulement qu’il convient de répandre de l’élegance & de l’enjouement : dans l’ordonnance de la décoration de ces petits appartemens, les Vateaux, les Lancrets, peuvent y donner le ton, aussi-bien que les ornemens arabesques, les plans de Chinois, les magots, &c. Tout est de leur ressort, pourvû qu’il y soit ajusté avec goût & discernement. (P)

Bain de santé ou de propreté (en Medecine.) Les Medecins toûjours attentifs à chercher des secours contre les maladies, remarquerent les bons effets qu’il produisoit, & le mirent au nombre de leurs remedes.

On ordonna le bain de différentes façons, c’est-à-dire, qu’il y en eut de chauds & de froids, de généraux & de particuliers.

Dans les bains généraux, soit chauds ou froids, le corps est plongé jusqu’au-dessus des épaules ; dans les particuliers, on ne trempe que la moitié du corps, ce qui s’appelle demi-bain. Celui où on ne trempe que les piés & une partie des jambes, s’appelle pédiluve. On peut aussi rapporter aux bains particuliers les diverses especes de fomentations, & les douches. Voyez Fomentation & Douche.

Les différentes qualités de l’eau, que l’on employe pour le bain, en changent la propriété. Dans les cas où on a intention de ramollir les fibres, & de procurer quelque rélâchement dans toute l’habitude du corps, le bain chaud d’eau douce simple, ou mêlée avec des médicamens émolliens, satisfera à cette indication.

Quand il est question de resserrer la texture des fibres, de leur rendre le ressort qu’elles auront perdu, rien de plus convenable que le bain d’eau froide ; je déduirai par la suite les raisons de cette diversité.

On a encore divisé les bains en domestiques, qui sont ceux que l’on prend chez soi ou chez les Baigneurs, & que l’on compose de plusieurs façons ; il y en a de lait, de décoctions de plantes émollientes, d’eau de son, &c. en bains d’eaux minérales, qui sont ou thermales ou acidules, dont les effets sont différens, selon les principes que ces eaux contiennent : en bains d’eau de riviere, de fleuve ou de mer ; & en bains secs, tels que ceux d’esprit de vin ; ceux de vapeurs du cinabre, que l’on nomme fumigation. Voyez Fumigation : ceux de marc de raisin, de cendres, de sels, de sable, &c. auxquels on peut encore joindre l’application des boues ou bourbes sur tout le corps, qui se pratique en quelques endroits.

Pour expliquer l’action des bains, il faut d’abord poser pour principe que l’eau qui en fait la base, penetre par sa fluidité presque tous les corps, & surtout ceux dont la texture est assez lâche, pour que l’eau puisse trouver entre les fibres dont ils sont composés, des interstices que l’on appelle pores. Voyez Pore.

Le corps humain est un de ceux dans lesquels on en remarque en plus grand nombre ; la déperdition de substance à laquelle il est sujet par la transpiration, prouve assez ce que j’avance. Lorsque le corps se trouve exposé à un certain volume d’eau capable de le presser de tous les côtés, & dont chaque goutte a une pesanteur naturelle, elle s’insinue dans chacun de ses interstices, dont elle augmente la capacité par le relâchement que procure son humidité : parvenue après un certain tems jusqu’à l’intérieur du corps, elle se mêle avec le sang ; aidée d’ailleurs par les contractions réitérées du cœur, qui augmentent à proportion de la pression, elle détruit la cohésion trop forte des molécules du sang, le fait circuler avec plus de facilité, & le rend plus propre aux secrétions ; augmente celle des esprits animaux, si nécessaire pour l’entretien des forces & l’exécution de toutes les fonctions, en même tems qu’elle met le sang en état de se dépouiller des parties nuisibles que son trop grand épaississement, ou sa trop grande lenteur à circuler, y avoient amassées.

Ces principes posés, il ne sera pas difficile de déduire les raisons des phénomenes qu’on observe, selon le degré de chaleur ou de froid des eaux qu’on employe, & la différence des matieres dont elles sont imprégnées. En augmentant la chaleur de l’eau simple, on lui donne un degré d’élasticité dont elle est redevable aux parties ignées qu’elle contient, & qui la rendent plus pénétrante. Lorsqu’elle se trouve chargée de parties ferrugineuses, & chaudes en même tems, son ressort & son poids sont augmentées en raison réciproque de sa chaleur, & de la quantité de fer dont elle est chargée, & qui la rend propre à guérir plusieurs maladies qui ont pour cause l’embarras du sang dans ses couloirs. Si, au contraire, on employe l’eau froide, les effets en seront différens ; car quoique la fluidité & l’humidité soient la même, le froid loin de dilater les pores de la peau, les resserre en quelque sorte, empêche une trop grande évacuation par la transpiration, porte le calme dans la circulation du sang, lorsqu’elle est déreglée, & détruit par ce moyen les causes des maladies occasionnées par ce dérangement. Willis nous en donne un exemple dans son traité de la Phrénésie, à l’occasion d’une fille qui fut guérie de cette maladie par un seul bain froid que l’on lui fit prendre : cette malade étoit dans cet état depuis plusieurs jours ; les saignées, les délayans, les amples boissons émulsionnées, &c. n’avoient pas pû diminuer la fievre violente dont elle étoit attaquée, & la soif qui la dévoroit. Le bain d’eau simple pris dans la riviere, pendant un quart-d’heure, calma tous les accidens, lui procura un sommeil tranquille, & elle fut guérie sans avoir besoin d’autres remedes. On trouve dans la pratique plusieurs exemples de ces guérisons miraculeuses arrivées par hasard ; car souvent des gens attaqués de phrénésie se sont jettés d’eux-mêmes dans des fontaines ou bassins, & ont été guéris.

Ce que l’on peut encore assûrer, c’est que l’usage des bains de riviere, pendant les chaleurs de l’été, est un sûr préservatif contre les maladies qui regnent ordinairement dans cette saison.

Il reste à présent à chercher la raison des effets du bain de mer, que l’on regarde comme le remede le plus salutaire contre la rage, & que je tâcherai de déduire des mêmes principes : ce qui ne sera pas impossible en faisant attention d’abord, que la fluidité & l’humidité que nous trouvons dans l’eau commune, se rencontre dans l’eau de mer ; que sa pesanteur est augmentée par le sel qu’elle contient, & qui lui donne une qualité beaucoup plus pénétrante ; enfin, que la terreur du malade, née de l’appareil & du danger où il se trouve lorsqu’on le plonge, fait un contraste capable de rétablir le déreglement de l’imagination, qui est aussi dérangée dans ce cas, que dans la phrénésie la plus violente : d’ailleurs, on prend la précaution d’aller à la mer pour y être plongé, lorsque l’on a le soupçon d’être attaqué de la rage, sans en avoir de certitude. Voyez Rage.

On conçoit aisément que les bains de vapeurs pénetrent la texture de la peau, & parviennent par les pores jusques à l’intérieur, où elles occasionnent à peu près les mêmes effets que si l’on avoit appliqué les médicamens dont on les tire ; c’est ce que l’on éprouve de la part de l’esprit-de-vin, de celui de vapeurs de cinabre, qui excitent même quelquefois la salivation, effet que produisent les frictions mercurielles ; enfin celui de marc de raisin en pénétrant, soit par sa chaleur, soit par les parties spiritueuses qu’il contient, donne de nouveau aux fibres le ressort qu’elles avoient perdu, & les rétablit dans leur état naturel.

On doit prendre les précautions suivantes pour tirer quelque fruit de l’usage du bain, de quelque espece que ce soit : il faut se faire saigner & purger, le prendre le matin à jeun, ou si c’est le soir, quatre heures après le repas, afin que la digestion des alimens soit entierement finie ; se reposer, ou ne faire qu’un exercice très-moderé après que l’on est sorti du bain ; enfin ne se livrer à aucun excès pendant tout le tems que l’on le prendra, & dans quelque saison que ce soit, ne point se baigner lorsque l’on est fatigué par quelque exercice violent. V. Eau, Eaux thermales, Eaux acidules ou froides. (N)

Bain, en Chimie, se dit d’une chaleur moderée par un intermede mis entre le feu & la matiere sur laquelle on opere, & ce bain est différemment nommé, selon les différens intermedes qu’on y employe.

C’est pourquoi on dit bain de mer, ou par corruption bain-marie, lorsque le vase qui contient la matiere sur laquelle on opere, est posé dans un autre vaisseau plein d’eau, de sorte que le vase soit entouré d’eau, & que le vaisseau qui contient l’eau, soit immédiatement posé sur le feu. Voyez nos figures de Chimie. On pourroit aussi employer d’autres fluides que l’eau, comme l’huile, le mercure même, pour transmettre différentes chaleurs, ce qui feroit différentes especes de bain-marie.

On dit bain de vapeur, lorsque le vase qui contient la matiere est seulement exposé à la vapeur de l’eau qui est sur le feu. Voyez nos figures. Le bain de vapeur dans un vaisseau ouvert, ou qui laisse échapper la vapeur qui s’exhale de l’eau, est moins fort, c’est-à-dire, donne une chaleur plus douce que ne la donne le bain-marie de l’eau boüillante : mais si le vaisseau est fermé exactement, & qu’on pousse le feu dessous, il devient plus fort que le bain-marie, il tient alors de la force de la machine de Papin, ce qui fait voir qu’on peut faire un bain de vapeur très-fort, au lieu que le bain-marie ne peut avoir que les différens degrés de chaleur de l’eau tiede, de l’eau chaude, de l’eau frémissante & de l’eau bouillante. Il est vrai que la chaleur de l’eau bouillante n’est point une chaleur invariable ; elle est différente selon que l’eau est différente, & suivant la différente pesanteur de l’air. L’eau bouillante qui tient en dissolution des sels, est plus chaude qu’une eau bouillante qui seroit simple & pure. Voyez Digestoire.

La chaleur de l’eau bouillante est plus grande quand le barometre est plus élevé, c’est-à-dire, quand l’air est plus pesant ; & elle est moindre quand le barometre est plus bas, c’est-à-dire, quand l’air est plus léger. L’eau bouillante, sur le sommet d’une haute montagne, a moins de chaleur que l’eau bouillante dans un fond, parce que plus l’air est pesant, & plus il presse sur la surface de l’eau, & par conséquent plus il s’oppose à l’échappement des parties de feu qui sont en mouvement dans l’eau, & qui la traversent. C’est pourquoi la plus grande chaleur que puisse avoir l’eau, n’est pas dans le tems qu’elle bout le plus fort, c’est dans le premier instant qu’elle commence à bouillir. Ces connoissances ne sont pas inutiles : il faut y faire attention pour certaines expériences.

On dit bain de sable ou de cendre, lorsqu’au lieu d’eau, on met du sable ou de la cendre. Voyez nos figures de Chimie.

Bains vaporeux, sont termes de Medecine, qui ne signifient autre chose que ce qu’on entend en Chimie par bain de vapeur. Le bain vaporeux est une espece d’étuve qui se fait en exposant le malade à la vapeur chaude d’une eau medicinale, ou de décoctions d’herbes appropriées à la maladie qu’on veut guérir. (M)

Bain, en Chimie & à la Monnoie ; on dit qu’un métal est en bain, lorsque le feu l’a mis en état de fluidité : c’est alors qu’on le remue, ou qu’on le brasse avec des cuillieres de fer, si c’est argent ou cuivre ; pour l’or, il ne se brasse point avec le fer, mais avec une espece de quille faite de terre à creuset, & cuite. Voyez Brasser, Brassoir, Quille

Bain, est un terme générique ; il se prend chez un grand nombre d’Artistes, & pour les liqueurs, & pour les vaisseaux dans lesquels ils donnent quelques préparations à leurs ouvrages.

Bain ou Bouin, terme d’Architecture ; on dit maçonner à bain ou à bouin de mortier, lorsqu’on pose les pierres, qu’on jette les moellons, & qu’on assied les pavés en plein mortier. (P)

Bain, mettre à bain, en Maçonnerie, c’est employer à la liaison des parties d’un ouvrage, la plus grande quantité de plâtre qu’il est possible ; on se sert du mot bain, parce qu’alors les pierres ou moellons sont entierement couverts & enduits de tout côté.

Bain, c’est ainsi que les Plumassiers appellent une poelle de cuivre battu dans laquelle ils plongent ou jettent les plumes qu’ils veulent mettre en couleur. Ils donnent aussi ce nom à la matiere colorante contenue dans la poelle.

Bain, se dit chez les Teinturiers, ou de la cuve qui contient les ingrédiens dans lesquels on met les étoffes pour les colorer, ou des ingrédiens même contenus dans la cuve ; ainsi l’on dit mettre au bain, & l’on dit aussi bain d’alun, bain de cochenille, &c.

Bain (chevaliers du) (Hist. mod.) ordre militaire intitulé par Richard II. roi d’Angleterre, qui en fixa le nombre à quatre, ce qui n’empêcha pas Henri IV. son successeur de l’augmenter de quarante-deux ; leur devise étoit tres in uno, trois en un seul, pour signifier les trois vertus théologales. Leur coûtume étoit de se baigner avant que de recevoir les éperons d’or : mais cela ne s’observa que dans le commencement, & s’abolit ensuite peu à peu, quoique le bain fût l’origine du nom de ces chevaliers, & que leurs statuts portassent que c’étoit pour acquérir une pureté de cœur & avoir l’ame monde, c’est-à-dire pure. L’ordre de chevaliers du bain ne se confere presque jamais, si ce n’est au couronnement des rois, ou bien à l’installation d’un prince de Galles, ou d’un duc d’Yorck. Ils portent un ruban rouge en baudrier. Camden & d’autres écrivains disent que Henri IV. en fut l’instituteur en 1399, à cette occasion : ce prince étant dans le bain, un chevalier lui dit que deux veuves étoient venues lui demander justice ; & dans ce moment il sauta hors du bain en s’écriant que la justice envers ses sujets étoit un devoir préférable au plaisir de se baigner, & ensuite il créa un ordre des chevaliers du bain : cependant quelques auteurs soûtiennent que cet ordre existoit long-tems avant Henri IV. & le font remonter jusqu’au tems des Saxons. Ce qu’il y a de certain, c’est que le bain, dans la création des chevaliers, avoit été long-tems auparavant en usage dans le royaume de France, quoiqu’il n’y eût point d’ordre de chevaliers du bain.

L’ordre des chevaliers du bain, après avoir été comme enseveli pendant bien des années, commença de renaître sous le regne de Georges premier, qui en créa solennellement un grand nombre. (G)