L’Encyclopédie/1re édition/LAMPE

LAMPE, s. f. (Litterat.) en grec λύχνος, en latin lychnus, lucerna ; vaisseau propre à faire brûler de l’huile, en y joignant une meche de coton pour éclairer.

Les lampes servoient chez les anciens à trois principaux usages, indépendamment de l’usage domestique.

Elles servoient 1°. aux fêtes, aux temples & aux actes de religion ; car, quoique l’usage de la cire ne fût pas inconnu des anciens, quoiqu’ils usassent de gros flambeaux, ils n’avoient point de bougres comme nous, mais des lampes de différentes grandeurs, formes & matieres, d’où vint le proverbe latin, tempus & oleum perdidi, pour dire j’ai perdu ma peine. Dans les premiers tems de Rome, ces lampes étoient la plûpart très-simples, de terre cuite ou de bronze ; mais par l’introduction du luxe, on en fit d’airain de Corinthe, d’or, d’argent, & à plusieurs meches ; enfin l’on en disposa par étages, qu’on plaçoit sur des lustres, des candélabres à plusieurs branches, qui formoient une véritable illumination.

En second lieu l’usage de ces lampes se prodigua dans les maisons aux jours de réjouissances, de noces & de festins, qui se faisoient seulement la nuit. On ne voit, dit Virgile, dans sa description d’une brillante fête, on ne voit que lampes pendues aux lambris dorés, qui étouffent la nuit par leur lumiere.

Dependent lychni laquearibus aureis.
Incensi & noctem flammis funalia vincunt.

En troisieme lieu, l’usage des lampes s’introduisit pour les sépulchres ; l’on en mit dans les tombeaux, mais rarement enfermées dans le cercueil, & ces lampes prirent le nom de lampes sépulchrales, que quelques modernes ont prétendu brûler perpétuellement. Voyez Lampe perpétuelle. Lorsqu’on enterroit vive une vestale qui avoit enfreint son vœu de chasteté, on mettoit dans son tombeau une grande lampe qui brûloit jusqu’à ce que l’huile fût consumée.

Enfin, les Romains ainsi que les Grecs avoient des lampes de veille, c’est-à-dire des lampes particulieres qu’ils n’éteignoient jamais pendant la nuit, & qui étoient à l’usage de tous ceux de la maison. Cet établissement régnoit par un principe d’humanité, car, dit Plutarque dans ses questions romaines sur la coutume, question 75 ; il n’est pas honnête d’éteindre une lampe par avarice, mais il faut la laisser brûler, pour que chacun qui le desire puisse jouir à toute heure de sa clarté ; en effet, ajoûtoit-il, s’il étoit possible quand on va se coucher, que quelqu’un se servît alors de notre propre vûe pour ses besoins, il ne faudroit pas lui en refuser l’usage. (D. J.)

Lampe perpétuelle, ou Lampe inextinguible, (Littérat.) quelques modernes ont imaginé que les anciens avoient de telles lampes qu’ils enfermoient dans les tombeaux, & que leur lumiere duroit toujours, parce qu’on mettoit dans ces lampes une huile qui ne se consumoit point.

Entre les exemples qu’ils ont cités pour appuyer cette erreur, le plus fameux est celui du sépulchre de Tullia fille de Cicéron, découvert sous le pontificat de Paul III. en 1540. On trouva, dit-on, dans ce tombeau, ainsi que dans ceux des environs de Viterbe, plusieurs lampes qui ne s’éteignirent qu’au moment qu’elles prirent l’air ; ce sont là de vraies fables, qui doivent leur origine à des rapports de manœuvres employés à remuer les terres de ces tombeaux. Ces sortes d’ouvriers ayant vu sortir des monumens qu’ils fouilloient quelque fumée, quelque flamme, quelque feu folet ; & ayant trouvé des lampes dans le voisinage, ils ont cru qu’elles venoient de s’éteindre tout d’un coup. Il n’en a pas fallu davantage pour établir des lampes éternelles, lorsqu’il n’étoit question que d’un phosphore assez commun sur nos cimetieres mêmes, & dans les endroits où l’on enterre les animaux. Ce phénomène est produit par des matieres grasses, qui après avoir été concentrées, s’échappent à l’abord d’un nouvel air, se subtilisent & s’enflamment.

Mais la fausse existence des lampes inextinguibles adoptées par Pietro Sancti-Bartholi, nous a valu son recueil des lampes sépulchrales des anciens, gravées en taille-douce, & ensuite illustrées par les savantes observations de Bellori.

Ces deux ouvrages, ont été suivis du traité de Fortunius Licetus, de lucernis antiquorum reconditis, dans lequel il a prodigué beaucoup d’érudition, sans pouvoir nous apprendre le secret des lampes perpétuelles. Cassiodore qui se vantoit de le posséder, n’a persuadé personne ; Kircher & Korndoffer n’ont pas été plus heureux. Joignez-leur l’abbé Trithème, qui donnoit son huile de soufre, de borax & d’esprit-de-vin, pour brûler sans aucun déchet. La plus légere teinture de Physique suffit pour refuter toutes les chimeres de cette espece. Il n’est point d’huile qui ne se consume en brûlant, ni de meche qui brûle long-tems sans nourriture. Il est vrai que celle d’amiante éclaire sans déperdition de substance, & sans qu’il soit besoin de la moucher, mais non pas sans aliment, ni après la consommation de son aliment ; c’est un merveilleux impossible. La meche de lin pouvoit brûler un an dans la lampe d’or consacrée par Callimaque au temple de Minerve, parce qu’on ne laissoit point l’huile de cette lampe tarir ; & qu’on la renouvelloit secretement. Ainsi ce que Pausanias & Plutarque racontent des lampes consacrées dans quelques temples de Diane & de Jupiter Ammon, qui brûloient des années entieres sans consumer de l’huile, n’est que d’après le récit qu’en faisoient des prêtres fourbes, intéressés à persuader au peuple ces sortes de merveilles. (D. J.)

Lampe sépulchrale, (Littérat.) nom de lampes trouvées dans les tombeaux des anciens romains, chez qui les gens de condition chargeoient quelquefois par testament leurs parens ou leurs affranchis, de faire garder leur corps, & d’entretenir une lampe allumée dans leurs tombeaux, car il falloit bien en renouveller l’huile à mesure qu’elle se consumoit ; voyez pour preuve Ferrari (Octavio) discursus de veterum lucernis sepulchralibus, & l’article Lampe perpétuelle. (D. J.)

Lampe d’habitacle, (Marine.) ce sont de petits vases où l’on met de l’huile avec une meche pour éclairer.

Lampe à souder, à fermer hermétiquement les vaisseaux, (Art méch.) cette lampe n’a rien de particulier ; elle est montée sur un pié ; il en sort un ou plusieurs gros lumignons, dont la flamme est portée sur l’ouvrage à l’aide du chalumeau. Il faut que l’huile qu’on y brûle soit excellente, sans quoi la fumée qu’elle rendroit terniroit l’ouvrage, sur-tout de l’émailleur ; voyez cette lampe dans nos Planches.

Lampe, (Comm.) étamine de laine qui se fabrique en quelques endroits de la généralité d’Orléans ; elles sont toutes laines d’Espagne. On appelle aussi laines lampes, les laines dont on les fabrique.