L’Encyclopédie/1re édition/INTERMEDE

Briasson, David l’aîné, Le Breton, Durand (Tome 8p. 831).

INTERMEDE, s. m. (Littérat.) ce qu’on donne en spectacle entre les actes d’une piece de théâtre, pour amuser le peuple, tandis que les acteurs reprennent haleine ou changent d’habits, ou pour donner le loisir de changer les décorations. Voyez Comédie.

Dans l’ancienne tragédie, le chœur chantoit dans les intermedes, pour marquer les intervalles entre les actes. Voyez Chœur, Acte, &c.

Les intermedes consistent pour l’ordinaire chez nous en chansons, danses, ballets, chœurs de musique, &c.

Aristote & Horace donnent pour regle de chanter pendant ces intermedes des chansons qui soient tirées du sujet principal ; mais dès qu’on eut ôté les chœurs, on introduisit les mimes, les danseurs, &c. pour amuser les spectateurs. Voyez Farces. Dictionn. de Trevoux.

En France on y a substitué une symphonie de violons & d’autres instrumens.

Intermede, (Belles-lettres & Musique.) c’est un poëme burlesque ou comique en un ou plusieurs actes, composé par le poëte pour être mis en musique ; un intermede en ce sens, c’est la même chose qu’un opéra bouffon. Voyez Opéra.

Nous avons peu de ces ouvrages ; Ragonde, Platée, & le Devin de village sont presque les seuls que nous nommons. Les Italiens en ont une infinité. Ils y excellent. C’est-là qu’ils montrent plus peut-être encore que dans les drames sérieux, combien ils sont profonds compositeurs, grands imitateurs de la nature, grands déclamateurs, grands pantomimes. Les traits de génie y sont répandus à pleines mains. Ils y mettent quelquefois tant de force, que l’homme le plus stupide en est frappé, d’autres fois tant de délicatesse, que leurs compositions ne semblent alors avoir été faites que pour un très-petit nombre d’ames sensibles & d’oreilles privilégiées. Tout le monde a été enchanté dans la Servante Maîtresse de l’air a Serpina penserete ; il est pathétique, voilà ce qui n’a échappé à personne ; mais qui est ce qui a senti que ce pathétique est hypocrite ? Il a dû faire pleurer les spectateurs d’un goût commun, & rire les spectateurs d’un goût plus délié.

Intermede, (Chimie.) les Chimistes prennent ce mot dans trois sens différens.

Premierement ils désignent par le mot d’intermede un corps qu’ils interposent entre le feu employé à quelque opération & le sujet de cette opération ; dans ce sens le mot intermede est synonyme du mot bain, qui est pourtant beaucoup plus usité que le premier. Ainsi appliquer le feu à une cornue chargée d’une matiere quelconque par l’intermede, avec ou moyennant l’intermede du sable, des cendres, de la limaille, de l’eau, c’est la même chose qu’exposer ce vaisseau à la chaleur d’un bain de sable, de cendres de limaille, ou du bain-marie. (Voyez Feu, Chimie).

Secondement, ils appellent intermedes certains corps qu’ils mêlent, par simple confusion, à certaines matieres pour leur procurer une discontinuité, une aggrégation plus lâche, ou telle autre altération non-chimique qui les dispose à éprouver plus efficacement, ou à mieux soutenir l’action du feu. Par exemple, ils mêlent à de la cire qu’ils veulent distiller, du sable, du chanvre, de la filasse ou autres corps semblables, & la distillation de la cire en devient plus aisée ; & même son analyse plus radicale, selon la prétention de certains chimistes. Voyez Cire. J’appelle les intermedes de ce genre faux ou méchaniques.

Troisiemement (& c’est ici le sens le plus usité & le plus propre) intermede signifie la même chose qu’agent ou moyen chimique de décomposition, moyen pris dans l’ordre des menstrues. C’est ainsi qu’on décompose le nitre par l’intermede de l’acide vitriolique, ou du vitriol ; le vitriol, par l’intermede de l’alkali fixe, &c. Ces intermedes sont les vrais & uniques instrumens de l’analyse menstruelle ; & ils ne sont autre chose que des menstrues, ou précipitans. Voyez Menstrue, Menstruelle, Analyse, & Précipitation. (b.