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Ministere public, Procureur général, du Roi, & Fiscal. (A)

DÉLAYANT, adj. (Therapeut. Mat. médic.) nom que les Humoristes ont donné à une classe de remedes altérans qu’ils ont crû agir, en fournissant de la sérosité à la masse des humeurs, en les humectant, en les détrempant, en dissolvant leurs sels massifs & grossiers, & les rendant par-là non seulement moins irritans, mais même plus propres à être évacués par les différens couloirs, &c.

Les Solidistes ont appellé les mêmes remedes émolliens & relâchans. Voyez Emollient & Relachant.

Quoi qu’il en soit de la préférence que mérite l’une ou l’autre de ces dénominations, & du plus ou du moins de réalité de la vertu que chacune désigne ; l’eau commune & toutes les boissons dont l’eau est le principe dominant, & n’est chargée d’aucune substance qui ait une vertu médicinale connue, ou, en deux mots, l’eau & les boissons aqueuses comme telles, sont les vrais remedes délayans, humectans, relâchans, émolliens.

Les substances qui peuvent se trouver mêlées à l’eau en petite quantité, sans altérer sa vertu délayante, sont les farineux, les émulsifs, les doux, les aigrelets végétaux, les extraits legers faits par infusion theiforme, les eaux distillées aromatiques, les sucs gélatineux des jeunes animaux, &c.

La théorie moderne a prétendu que ces substances (qu’il me paroît très-raisonnable de regarder comme indifférentes, relativement à l’effet délayant) a prétendu, dis-je, que ces substances étoient au contraire fort essentielles, & qu’elles servoient de moyen, medium, par lequel l’eau mouilloit les humeurs ; car l’eau pure, dit cette théorie, ne les pénetre point, mais glisse inutilement sur elles. Voyez Eau, en Medecine.

Les délayans sont indiqués, ou du moins employés presque généralement dans toutes les maladies aigues. Ce sont des délayans qu’on donne aux malades qu’on fait boire, qu’il faut faire boire, à qui on ne sauroit trop recommander de boire. C’est presque uniquement sous la forme de tisane qu’on donne les délayans. Voyez Tisane.

Les délayans sont encore employés dans toutes les maladies chroniques, qui ne dépendent point de relâchement ou de sérosités épanchées. Il n’y a que les affections œdémateuses vraies & la plûpart des hydropisies qui n’en admettent pas l’usage.

Dans toutes les incommodités qui sont regardées comme dépendant d’échauffement & d’aridité, telles que la sensibilité excessive, le sentiment incommode de chaleur, les légeres ophthalmies, les demangeaisons & les picottemens de la peau, la chaleur, la rougeur, & la paucité des urines, la soif habituelle, la maigreur spontanée, ou sans cause sensible, &c. l’usage des délayans est regardé comme très-salutaire.

Les délayans sont des diurétiques faux. Voyez Diurétique.

Le bain est un grand délayant ou relâchant. Voyez Bain & Relachant. (b)

DELBRUGH, (Géogr. mod.) ville d’Allemagne au cercle de Westphalie, proche les sources de l’Ems, dans l’évêché de Paderborn.

DÉLECTATION VICTORIEUSE, (Théologie.) terme fameux dans le système de Jansenius, qui par cette expression entend un sentiment doux & agréable, un attrait qui pousse la volonté à agir, & la porte vers le bien qui lui convient ou qui lui plaît.

Jansenius distingue deux sortes de délectations : l’une pure & céleste, qui porte au bien & à l’amour de la justice ; l’autre terrestre, qui incline au vice & à l’amour des choses sensibles. Il prétend que ces

deux délectations produisent trois effets dans la volonté : 1°. un plaisir indélibéré & involontaire : 2°. un plaisir délibéré qui attire & porte doucement & agréablement la volonté à la recherche de l’objet de la délectation : 3°. une joie qui fait qu’on se plaît dans son état.

Cette délectation peut être victorieuse ou absolument, c’est-à-dire par des moyens ineffables, & que Dieu seul peut employer : miris & ineffabilibus modis, dit S. Augustin, lib. de corrept. & gratiâ, cap. v. ou relativement, entant que la délectation céleste, par exemple, surpasse en degrés la délectation terrestre, & réciproquement.

Jansenius, dans tout son ouvrage de gratiâ Christi, & nommément liv. IV. ch. vj. jx. & x. liv. V. ch. v. & liv. VIII. chap. ij. se déclare pour cette délectation relativement victorieuse, & prétend que, dans toutes ses actions, la volonté est soûmise à l’impression nécessitante & alternative des deux délectations, c’est-à-dire de la concupiscence & de la grace. D’où il conclut que celle des deux délectations qui dans le moment décisif de l’action se trouve actuellement superieure à l’autre en degrés, détermine nos volontés, & les décide nécessairement pour le bien ou pour le mal. Si la cupidité l’emporte d’un degré sur la grace, le cœur se livre nécessairement aux objets terrestres. Si, au contraire, la grace l’emporte d’un degré sur la concupiscence, alors la grace est victorieuse, elle incline nécessairement la volonté à l’amour de la justice. Enfin, dans le cas où les deux délectations sont égales en degrés, la volonté reste en équilibre sans pouvoir agir. Dans ce système, le cœur humain est une vraie balance, dont les bassins montent, descendent ou demeurent au niveau l’un de l’autre, suivant l’égalité ou l’inégalité des poids dont ils sont chargés.

Il n’est pas étonnant que de ces principes Jansenius infere qu’il est impossible que l’homme fasse le bien quand la cupidité est plus forte que la grace ; que l’acte opposé au péché n’est pas en son pouvoir, lorsque la cupidité le domine ; que l’homme, sans l’empire de la grace, plus forte en degrés que la concupiscence, ne peut non plus se refuser à la motion du secours divin, dans l’état présent où il se trouve, que les bienheureux qui sont dans le ciel peuvent se refuser à l’amour de Dieu. Jansen. lib. VIII. de grat. Christi, c. xv. & lib. IV. de stat. naturæ lapsæ, c. xxjv.

C’est par cette découverte de la délectation relativement victorieuse, qui est la base de tout son système, que Jansenius est parvenu à réduire le mystere de l’action de la grace sur la volonté, à une explication fondée sur les lois de la méchanique. Voyez Jansenisme. (G)

DÉLÉGATION, s. f. (Jurisprud.) en général, est l’acte par lequel quelqu’un substitue un autre en sa place.

Il y en a de deux sortes ; sçavoir, celle faite par un officier public, & celle que fait un débiteur.

Nous allons expliquer chacune de ces deux délégations séparément.

Délégation faite par un officier public, est celle par laquelle cet officier commet quelqu’un pour exercer ses fonctions en tout ou partie.

Pour bien entendre cette matiere, il faut observer qu’à Rome, où les offices n’étoient d’abord que des commissions annales, & ensuite sous les empereurs des commissions à vie, tous officiers, grands ou petits, soit de justice, militaires ou de finance, avoient la liberté de déléguer ou commettre à d’autres personnes tout ce qui dépendoit de leur office, de sorte que la plûpart déléguoient une partie de leurs fonctions, & pour cet effet se choisissoient des commis ou lieutenans. Déléguer ainsi ou commettre, s’appelloit alors mandare.