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ces lignes une notion qui soit plus claire à l’esprit que la notion simple qu’excite en nous le seul mot de droit & de courbe. La définition la plus exacte qu’on puisse donner de l’une & de l’autre, est peut-être celle-ci : La ligne droite est le chemin le plus court d’un point à un autre, & la ligne courbe est une ligne menée d’un point à un autre, & qui n’est pas la plus courte. Mais la premiere de ces définitions renferme plûtôt une propriété secondaire que l’essence de la ligne droite ; & la seconde, outre qu’elle ne renferme qu’une propriété négative, convient aussi-bien à un assemblage de lignes droites qui font angle, qu’à ce qu’on appelle proprement courbe, & qu’on peut regarder comme l’assemblage d’une infinité de petites lignes droites contigues entr’elles à angles infiniment obtus. Voyez plus bas Courbe polygone ; voyez aussi Convexe. Peut-être feroit-on mieux de ne point définir la ligne courbe ni la ligne droite, par la difficulté & peut-être l’impossibilité de réduire ces mots à une idée plus élémentaire que celle qu’ils présentent d’eux-mêmes. Voyez Définition.

Les figures terminées par des lignes courbes sont appellées figures curvilignes, pour les distinguer des figures qui sont terminées par des lignes droites, & qu’on appelle figures rectilignes. Voyez Rectiligne & Figure.

La théorie générale des courbes, des figures qu’elles terminent, & de leurs propriétés, constitue proprement ce qu’on appelle la haute géométrie ou la géométrie transcendante. Voyez Geometrie.

On donne sur-tout le nom de géométrie transcendante à celle qui, dans l’examen des propriétés des courbes, employe le calcul différentiel & intégral. Voyez ces mots ; voyez aussi la suite de cet article.

Il ne s’agit poin tici, comme on peut bien le croire, des lignes courbes que l’on peut tracer au hasard & irrégulierement sur un papier. Ces lignes n’ayant d’autre loi que la main qui les forme, ne peuvent être l’objet de la Géométrie ; elles peuvent l’être seulement de l’art d’écrire. Un géometre moderne a pourtant crû que l’on pouvoit toûjours déterminer la nature d’une courbe tracée sur le papier ; mais il s’est trompé en cela. Nous en donnerons plus bas la preuve.

Nous ne parlerons d’abord ici que des courbes tracées sur un plan, & qu’on appelle courbes à simple courbure. On verra dans la suite la raison de cette dénomination. Pour déterminer la nature d’une courbe, on imagine une ligne droite tirée dans son plan à volonté. Par tous les points de cette ligne droite, on imagine des lignes tirées parallelement & terminées à la courbe. La relation qu’il y a entre chacune de ces lignes paralleles, & la ligne correspondante de l’extrémité de laquelle elle part, étant exprimée par une équation, cette équation s’appelle l’équation de la courbe. Voyez Equation.

Dans une courbe, la ligne AD (Pl. de Géométr. fig. 51.) qui divise en deux également les lignes paralleles MM, est ordinairement appellée diametre. Si le diametre coupe ces lignes à angles droits, il est appellé axe ; & le point A par où l’axe passe est appellé le sommet de la courbe. Voy. Diametre, Axe,&Sommet.

Les lignes paralleles MM sont appellées ordonnées ou appliquées ; & leurs moitiés PM, demi-ordonnées ou ordonnées. Voyez Ordonnée.

La portion du diametre AP, comprise entre le sommet ou un autre point fixe, & l’ordonnée est appellée abscisse. Voyez Abscisse. Le point de concours des diametres se nomme centre. V. Centre ; voyez aussi les remarques que fait sur ce sujet M. l’abbé de Gua dans la premiere section de son ouvrage intitulé, Usages de l’analyse de Descartes. Il appelle plus proprement centre d’une courbe un point de son plan,

tel que si on mene par ce point une ligne droite quelconque terminée à la courbe par ses deux extrémités, ce point divise la ligne droite en deux parties égales.

Au reste, on donne aujourd’hui en général le nom d’axe à toute ligne tracée dans le plan de la courbe & à laquelle se rapporte l’équation ; on appelle l’axe des x, ou simplement axe, la ligne sur laquelle se prennent les abscisses ; axe des y, la ligne parallele aux ordonnées, & passant par le point où x est = 0. Ce point est nommé l’origine des coordonnées ou l’origine de la courbe. Voyez Coordonnées.

Descartes est le premier qui ait pensé à exprimer les lignes courbes par des équations. Cette idée sur laquelle est fondée l’application de l’Algebre à la Géométrie (voyez Application & Découverte) est très-heureuse & très-féconde.

Il est visible que l’équation d’une courbe étant résolue, donne une ou plusieurs valeurs de l’ordonnée y pour une même abscisse x, & que par conséquent une courbe tracée n’est autre chose que la solution géométrique d’un problème indéterminé, c’est-à-dire qui a une infinité de solutions : c’est ce que les anciens appelloient lieu géométrique. Car quoiqu’ils n’eussent pas l’idée d’exprimer les courbes par des équations, ils avoient vû pourtant que les courbes géométriques n’étoient autre chose que le lieu, c’est-à-dire la suite d’une infinité de points qui satisfaisoient à la même question ; par exemple, que le cercle étoit le lieu de tous les points qui désignent les sommets des angles droits qu’on peut former sur une même base donnée, laquelle base est le diametre du cercle ; & ainsi des autres.

Les courbes se divisent en algébriques, qu’on appelle souvent avec Descartes courbes géométriques ; & en transcendantes, que le même Descartes nomme méchaniques.

Les courbes algébriques ou géométriques sont celles où la relation des abscisses AP aux ordonnées PM (fig. 52.) est ou peut être exprimée par une équation algébrique. Voyez Equation & Algebrique.

Supposons, par exemple, que dans un cercle on ait AB = a, AP = x, PM = y ; on aura PB = a − x : par conséquent, puisque , on aura yy = ax − xx ; ou bien si on suppose PC = x, AC = a, PM = y, on aura , c’est-à-dire .

Il est visible par cet exemple, qu’une même courbe peut être représentée par différentes équations. Ainsi sans changer les axes dans l’équation précédente, si on prend l’origine des x au sommet du cercle, au lieu de les prendre au centre, on trouve, comme on vient de le voir, yy = ax − xx pour l’équation.

Plusieurs auteurs, après Descartes, n’admettent que les courbes géométriques dans la construction des problèmes, & par conséquent dans la Géométrie ; mais M. Newton, & après lui, MM. Leibnitz & Wolf sont d’un autre sentiment, & prétendent avec raison que dans la construction d’un problème, ce n’est point la simplicité de l’équation d’une courbe qui doit la faire préférer à un autre, mais la simplicité & la facilité de la construction de cette courbe. Voyez Construction, Problème, & Geometrique.

Courbe transcendante ou méchanique est celle qui ne peut être déterminée par une équation algébrique. Voyez Transcendant.

Descartes exclud ces courbes de la Géométrie ; mais Newton & Leibnitz sont d’un avis contraire pour la raison que nous venons de dire. En effet une spirale, par exemple, quoique courbe méchanique, est plus aisée à décrire qu’une parabole cubique.

L’équation d’une courbe méchanique ne peut être exprimée que par une équation différentielle entre les dy & les dx. Voyez Differentiel. Entre ces deux genres de courbes, on peut placer, 1° les courbes