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pire à son chant, & répete sa douleur.

» Le tems arrive où les petits parés de leurs plumes, impatiens, dédaignent l’assujettissement de leur enfance ; ils essaient le poids de leurs aîles, & demandent la libre possession des airs. La liberté va bien-tôt rompre les liens de la parenté, devenue désormais inutile. La Providence, toujours économe, ne donne à l’instinct que le nécessaire. C’est dans quelque soirée d’une douce & agréable chaleur, où l’on ne respire que le baume des fleurs, au moment où les rayons du soleil tombent, s’affoiblissent, que la jeune famille parcourt de l’œil l’étendue des cieux, jette ses regards sur le vaste sein de la nature, commune à tous les êtres, & cherche aussi loin que sa vûe peut s’étendre, où elle doit voler, s’arrêter & trouver sa pâture.

» Les jeunes éleves se hasardent enfin : ils voltigent autour des branches voisines ; ils s’effraient sur le tendre rameau, sentant l’équilibre de leurs aîles trop foible encore ; ils se refusent en tremblant la vague de l’air, jusqu’à ce que les auteurs de leurs jours les grondent, les exhortent, leur commandent, les guident & les font partir. La vague de l’air s’enfle sous ce nouveau fardeau, & son mouvement enseigne à l’aîle encore novice l’art de flotter sur l’élément ondoyant. Ils descendent sur la terre ; devenus plus hardis, leurs maîtres les menent & les excitent à prolonger leur vol peu-à-peu. Quand toute crainte est bannie & qu’ils se trouvent en pleine jouissance de leur être, alors les parens quittes envers eux & la nature, voient leur race prendre légerement l’essor, & pleins de joie se séparer pour toujours.

» Sur le front sourcilleux d’un rocher suspendu sur l’abîme, & semblable à l’effrayant rivage de Kilda, qui ferme les portes du soleil quand cet astre court éclairer le monde indien, le même instinct varié force l’aigle brûlant d’une ardeur paternelle, à enlever dans ses fortes serres ses enfans audacieux : déja dignes de se former un royaume, il les arrache de son aire, siége élevé de cet empire, qu’il tient depuis tant de siecles en paix & sans rivaux, & d’où il s’élance pour faire ses courses & chercher sa proie jusques dans les îles les plus éloignées.

» Mais en tournant mes pas vers cette habitation rustique, entourée d’ormes élevés & de vénérables chênes qui invitent le bruyant corbeau à bâtir son nid sur leurs plus hautes branches, je puis d’un air satisfait contempler le gouvernement varié de toute une nation domestique. La poule soigneuse appelle & rassemble autour d’elle toute sa famille caquetante, nourrie & défendue par le superbe coq : celui-ci marche fierement & avec graces ; il chante d’une poitrine vigoureuse, défiant ses ennemis. Sur les bords de l’étang le canard panaché précede ses petits, & les conduit à l’eau en babillant. Plus loin le cygne majestueux navige ; il déploie au vent ses voiles de neige ; son superbe col en arc précede le sillage, & ses piés semblent des rames dorées ; il garde son île environnée d’osier, & protege ses petits. Le coq d’inde menace hautement & rougit, tandis que le paon étend au soleil le fastueux mélange de ses vives couleurs, & marche dans une majesté brillante. Enfin, pour terminer cette scene champêtre, le gémissant tourtereau vole occupé d’une poursuite amoureuse ; sa plainte, ses yeux & ses pas, tout porte vers le même objet.

» Si mon imagination ose ensuite prendre l’essor pour considérer les rois du beau plumage qui se trouvent sur le bord des fleuves des climats brûlans, je les vois de loin portant l’éclat des fleurs les plus vives. La main de la nature, en se jouant, se fit un plaisir d’orner de tout son luxe ces nations

panachées, & leur prodigua ses couleurs les plus gaies ; mais si elle les fait briller de tous les rayons du jour, cependant toujours mesurée elle les humilie dans leur chant. N’envions pas les belles robes que l’orgueilleux royaume de Montézuma leur prête, ni ces rayons d’astres volans, dont l’éclat sans bornes réfléchit sur le soleil : nous avons Philomèle ; & dans nos bois pendant le doux silence de la nuit tranquille, ce chantre simplement habillé fredonne les plus doux accens. Il est vrai qu’il cesse son ramage avant que le fier éclat de l’été ait quitté la voûte d’azur, & que la saison couronnée de gerbes de blé soit venue remplir nos mains de ses trésors sans nombre.

» Enfin dès que nos allées jonchées de la dépouille des arbres nous présentent cette saison dans son dernier période, & que le soleil d’occident a donné ses jours raccourcis, l’on entend à peine gazouiller d’autres oiseaux pour égayer les travaux du bucheron. Ces aimables habitans des bois qui formoient encore il y a peu de tems des concerts dans l’ombre épaisse, maintenant dispersés & privés de leur ame mélodieuse, se perchent en tremblant sur l’arbre sans feuillage. Languissans, troublés, éperdus, ils ne concertent plus que des sons foibles, discordans & timides. Mais du-moins que la rage d’un oiseleur, ou que le fusil dirigé par un œil inhumain ne vienne pas détruire la musique de l’année future, & ne fasse pas une proie barbare de ces foibles, innocentes & malheureuses especes emplumées ».

Telle est la peinture enchantée de M. Thompson ; mais comme elle ne doit pas nous engager à supprimer dans cet ouvrage aucun article scientifique de l’Ornithologie, ceux qui en seront curieux pourront lire les mots, Action de couver, Aile, Gésier, Mue, Nid, Œil, Œuf, Oiseaux de passage, Ornithologue, Ornithologie, Piés, Plumes, Queue, Trachée-artere, Ventricule, Voix, Vol des oiseaux, &c. Le chevalier de Jaucourt.

Oiseaux, action de couver des, (Ornithologie.) c’est l’action par laquelle les oiseaux travaillent à la multiplication de leur espece. La partie interne & la coque de l’œuf sont merveilleusement adaptées à cet effet ; une partie de l’œuf est destinée à la formation du corps de l’oiseau avant qu’il soit éclos, & l’autre partie à le nourrir après qu’il a vû le jour, jusqu’à ce qu’il soit en état de pourvoir à sa subsistance. Chacune de ses parties (le jaune & du moins le blanc intérieur) est séparée par sa propre membrane qui l’enveloppe. À chaque bout de l’œuf est une petite tumeur, chalasa, espece de plexus fibreux & réticulaire, par le moyen duquel le blanc & le jaune de l’œuf sont mis ensemble. M. Derham a découvert que non-seulement le chalasa sert à les tenir dans leur place requise, mais encore à tenir la même partie du jaune toujours en dessus, de quel côté que l’œuf soit tourné. Peut-être que ce côté de dessus est le même que celui où est située la petite cicatrice (le germe de l’œuf), qui se trouve communément à la partie supérieure de la coque.

Il auroit été fort difficile aux oiseaux par plusieurs raisons, de donner à tetter à leurs petits ; il n’eût pas été moins difficile de leur conserver la vie en changeant tout-à-coup de nourriture à leur naissance, & de les faire passer d’un aliment liquide à un solide, avant que leur estomac fût fortifié par degrés, & accoutumé à le digérer, & avant que l’oiseau fût fait à se servir de son bec. C’est pourquoi la nature a eu soin de produire un gros jaune dans chaque œuf, dont il reste une grande partie après que l’oiseau est éclos, laquelle est enveloppée dans son ventre : ce jaune passe ensuite par un canal formé à cette fin,