L’Encyclopédie/1re édition/PLUME
PLUMES des oiseaux, (Ornithol.) Les plumes des oiseaux ont beaucoup de beautés particulieres, & different les unes des autres non-seulement dans leurs couleurs & formes générales, mais encore dans la construction de chaque partie qui les compose, comme leurs barbes, leurs tuyaux, &c. Il est aisé de s’en convaincre en examinant les plumes d’autruche, du paon, de l’aigle, du cygne, du perroquet, de la chouette, enfin de toutes les especes d’oiseaux que nous connoissons.
Le tuyau de chaque plume est roide & creux vers le bas, ce qui le rend en même tems fort & léger ; vers le haut il n’est pas seulement moins dur, mais de plus il est rempli d’une espece de moëlle huileuse qui le nourrit, & contribue en même tems à sa force & à sa légereté.
La barbe des plumes est rangée régulierement des deux côtés, mais avec cette différence qu’elle est large d’un côté & étroite de l’autre, pour mieux aider au mouvement progressif des oiseaux dans l’air.
Les bords des filets extérieurs & étroits de la barbe, se courbent en bas, au lieu que les intérieurs sont plus larges & se courbent en haut ; par ce moyen les filets tiennent fortement ensemble, ils sont clos & serrés lorsque l’aile est étendue : de sorte qu’aucune plume ne perd rien de sa force, ou de l’impression qu’elle fait sur l’air.
On doit encore observer la maniere artificieuse avec laquelle les plumes sont coupées à leur bord : les intérieures vont en s’étrécissant, & se terminent en pointe vers la partie supérieure de l’aîle ; les extérieures se rétrécissent en un sens contraire de la partie supérieure de l’aîle vers le corps, du-moins dans beaucoup d’animaux : celles du milieu de l’aîle ayant une barbe par-tout égale, ne sont guere coupées de biais ; mais l’aile étendue ou resserrée est toujours taillée aussi exactement que si elle avoit été coupée industrieusement avec des ciseaux.
La tissure de la barbe des plumes est composée de filets si artistement entrelacés, que la vûe n’en peut qu’exciter notre admiration, sur-tout lorsqu’on les regarde au microscope ; cette barbe ne consiste pas dans une seule membrane continue, car alors cette membrane étant une fois rompue, ne se remettroit en ordre qu’avec beaucoup de peine ; mais elle est composée de quantité de petites lames ou de filets minces & roides, & qui tiennent un peu de la nature d’un petit tuyau de plume. Vers la tige ou le tuyau, sur-tout dans les grosses plumes de l’aîle, ces petites lames sont plus larges & creusées dans leur largeur en demi-cercle, ce qui contribue beaucoup à leur force, & à serrer davantage ces lames les unes sur les autres lorsque l’aîle fait des battemens sur l’air. Vers la partie supérieure de la plume, ces lames deviennent très-minces, & se terminent en pointe ; à la partie inférieure elles sont minces & polies, & leur extrémité se divise en deux parties garnies de petits poils, chaque côté ayant une différente sorte de poils : les uns sont larges à leur base ; leur moitié supérieure est plus menue & barbue. Comme les barbes crochues d’une lame sont toujours couchées auprès des barbes droites de la lame prochaine, elles se tiennent par ce moyen les unes aux autres ; & s’il arrive que la barbe de la plume se dérange, l’oiseau a l’industrie de la raccommoder facilement.
Je passe à d’autres observations. Je remarque d’abord que les plumes allant de la tête à la queue dans un ordre exact, & étant bien serrées les unes contre les autres, & rendues souples & polies par l’huile qui les humecte & les nettoie, trouvent un passage aisé par l’air, de la même maniere qu’une chaloupe nouvellement nettoyée & bien dressée s’avance facilement dans l’eau. Si au contraire les plumes eussent été rangées dans un ordre opposé, ou d’une autre maniere quelconque, comme elles auroient été placées indubitablement si le hasard y avoit présidé uniquement, elles auroient ramassé trop d’air, & causé de grands obstacles au vol des oiseaux.
Non-seulement les plumes sont placées avec beaucoup d’art pour faciliter le mouvement du corps des oiseaux, mais elles lui fournissent en même tems une couverture propre à le garantir des injures du dehors. Pour cet effet la plûpart des plumes sont renversées en arriere, & couchées les unes sur les autres dans un ordre régulier : du côté du corps elles sont garnies d’un duvet mou & chaud ; du côté de l’air, elles sont fermes & fortement serrées les unes contre les autres, & tout-à-fait propres à défendre le corps contre la rigueur du froid & du mauvais tems. Dans le même dessein, comme aussi pour rendre le corps d’autant mieux disposé à passer & à glisser au-travers de l’air, on voit une autre précaution admirable de la nature dans la bourse qui contient l’huile, dans les glandes, & dans tout l’appareil qui sert à graisser les plumes ; cette bourse huileuse a un mamelon percé ; & lorsque l’oiseau le presse avec le bec, il distile une espece d’huile liquide dans quelques-uns, & dans d’autres, semblable à une graisse onctueuse. On sait l’adresse que les oiseaux emploient pour humecter leurs plumes de cette huile.
Ce n’est pas une seule espece d’oiseau qui ait la bourse huileuse dont nous venons de parler ; elle se rencontre dans tous les genres volatiles, ayant les uns une, & les autres deux petites glandes sur leur croupion, avec des vaisseaux excrétoires autour desquels il croît des plumes en forme de pinceau.
Enfin le renouvellement des plumes des oiseaux qui se fait chaque année, est un autre phénomene qui mérite notre attention, & dont nous avons parlé au mot Mue.
On peut lire encore sur les plumes des oiseaux, la micrographie de Hook, les observations de Leeuwenhoek ; Derham, théolog. physique ; Grew, cosmologie ; les Transact. philosoph. en divers endroits ; & l’histoire de l’académie des Sciences, année 1699. (D. J.)
Plume, s. f. (Hist. nat. Botan.) c’est la partie supérieure du germe d’une graine qui commence à se développer sensiblement. Il faut savoir qu’outre les deux globes de la graine, on découvre une espece de tuyau dont la partie inférieure qui contient en petit la véritable racine, s’appelle la radicule ; & la partie supérieure de ce même germe, qui renferme en petit la tige & tout le reste de la plante, se nomme la plume, à cause qu’elle ressemble quelquefois à un petit bouquet de plumes. (D. J.)
Plume de mer, Panache de mer, insecte de mer de la classe des zoophites, auquel on a donné le nom de plume de mer, parce qu’il a de chaque côté environ sur la moitié de sa longueur, une rangée de barbes semblables à celles d’une plume à écrire. Cet insecte est lumineux pendant la nuit. Hist. des zoophites par Rondelet, chap. xxij. Voyez Zoophite.
Plume, la, (Géog. mod.) petite ville de France dans le bas Armagnac, avec une justice royale. Long. 18. 10′. lat. 44. 8.
Plume a écrire, (Ecriture.) Les plumes à écrire sont des plumes de cygnes, de corbeaux, & de quelques autres oiseaux, mais particulierement d’oies, qui servent étant taillées à l’écriture à la main. Ces plumes que vendent les Papetiers, au millier, au cent, au quarteron, & même en détail à la piece, taillées ou non taillées, se tirent toutes des aîles de l’oie. On en distingue de deux sortes, les grosses plumes & les bouts d’aîles. (D. J.)
Choix de la plume. Je choisis la plume d’une moyenne grosseur, plus vieille que nouvellement apprêtée, de celles que l’on appelle secondes, & qui ne soit ni trop dure ni trop foible. Il faut qu’elle soit ronde, bien claire & bien nette, comme transparente, sans qu’il s’y rencontre aucune tache blanche, qui d’ordinaire empêche qu’elle ne se fende bien nettement, & cause de petites pellicules qui se séparent du corps du tuyau par-dedans, qu’on peut bien enlever à la vérité avec la lame du canif, mais toujours avec peine & perte de tems, joint à ce qu’elle ôte à la plume sa netteté & sa force premiere, de sorte qu’elle ne reste plus après cela d’aussi bon service qu’elle étoit auparavant. Beaucoup de personnes préferent les bouts d’aîles à toutes autres plumes, parce qu’elles se fendent d’ordinaire plus nettement. C’est pour cette raison que les maîtres Ecrivains & leurs éleves s’en accommodent mieux.
Plume, (Commerce.) Plusieurs marchands & artisans en trafiquent, les apprêtent ou les emploient.
Les maîtres Plumassiers font le commerce des plumes d’autruches, du héron, des aigrettes, & de toutes sortes d’autres plumes précieuses, qui servent à la parure & aux ornemens. Les Merciers-Papetiers vendent les plumes d’oie, de cygne & de corbeau, qui sont propres pour l’écriture & pour les desseins à la main. Les Merciers-ferroniers font négoce en gros de duvet ou plume à lit. Les Fourreurs préparent & vendent les peaux de cygne & de vautours garnies de leur duvet, en font des manchons & palatines, &c. Enfin les Tapissiers emploient en lits de plume, en traversins & autres meubles, le duvet & l’aigledon ; les Chapeliers la laine fine ou poil d’autruche, dans la fabrique de quelques-uns de leurs chapeaux ; & les Manufacturiers de draps se servent du gros d’autruche pour faire les lisieres de ces sortes d’étoffes (D. J.)
Plumes, (Maréchall.) Donner des plumes à un cheval, c’est une opération que les Maréchaux pratiquent de la maniere suivante :
On commence par abbattre le cheval sur quelqu’endroit mol, & on l’assujettit de façon qu’il ne puisse se mouvoir, après quoi on lui broie l’épaule avec un grès ou une brique, assez fort pour la meurtrir, en la mouillant de tems en tems avec de l’eau. On y fait ensuite deux ouvertures larges d’un pouce au bas, une à côté de l’endroit où touche le poitrail, & trois doigts loin de la jointe, l’autre contre le coude, derriere l’épaule, contre les côtes, prenant garde qu’elles ne soient point à l’endroit du mouvement où est la jointe, parce qu’on y attireroit de la matiere, ce qu’il faut éviter. Il faut ensuite détacher la peau avec l’espatule, & par ces deux trous souffler entre cuir & chair, pour détacher la peau de l’espatule jusqu’à la criniere, en broyant avec la main à mesure qu’on soufflera. Lorsqu’on trouve avec une grande spatule de bois que la peau est détachée tout au long & au large de l’épaule, on introduit par les ouvertures des plumes d’oie frottées de basilicum jusqu’au haut, en les posant de façon qu’elles ne puissent point sortir d’elles-mêmes.
Il faut tirer les plumes tous les jours, faire écouler la matiere, remettre les plumes frottées de vieux-oing, de graisse blanche ou de basilicum, & continuer le même traitement durant 15 ou 20 jours, selon la quantité de matiere, puis ôter les plumes tout-à-fait, après quoi les plaies se fermeront d’elles-mêmes. Solleysel.
Plumes, en terme de marchand de modes, sont des especes d’aigrettes composées ou d’une seule plume, ou de plusieurs montées sur des branches de laiton, diversement dessinées & colorées. Voyez Aigrette.
Plume perpétuelle, (Papetier.) c’est une espece de plume faite de maniere à contenir une grande quantité d’encre qui coule petit à petit, & par ce moyen entretient fort long-tems l’écrivain, sans qu’il soit obligé de prendre de nouvelle encre. La plume perpétuelle (mauvais instrument) est composée de différentes pieces de cuivre, d’argent, &c. dont la piece du milieu porte la plume qui est vissée dans l’intérieur d’un petit tuyau, soudé lui-même à un autre canal de même diametre, comme le couvercle ; on a soudé à ce couvercle une vis mâle, afin de pouvoir le fermer à vis, de boucher aussi un petit trou qui est en cet endroit, & d’empêcher l’encre d’y passer. A l’autre extrémité de la piece est un petit tuyau, sur la face extérieure duquel on peut visser le principal couvercle : dans ce couvercle est un porte-crayon qui se visse dans le dernier tuyau dont on vient de parler, afin de boucher l’extrémité du tuyau, dans lequel on doit verser l’encre par le moyen d’un entonnoir.
Pour faire usage de cette plume, il faut ôter le couvercle & secouer la plume, afin que l’encre y coule plus librement.
Plume hollandée, terme de Papetier, on appelle plumes hollandées des plumes à écrire, préparées à la maniere d’Hollande, c’est-à-dire dont on a passé le tuyau sous la cendre pour l’affermir, & en faire sortir la graisse. (D. J.)
Plumes d’autruche, en terme de Plumassier, sont celles qu’ils employent en plus grande quantité, ils en comptent de plusieurs sortes, entr’autres les premieres, les secondes, les tierces, les claires femelles, les femelles obscures, les bouts de queue, les bailloques, le noir grand & petit, & le petit-gris. Voyez ces termes chacun à son article.
Les plumes d’autruche naturellement noires ne se teignent jamais, on en augmente seulement le lustre & le noir en leur donnant une eau.
Plumes premieres, ce sont des plumes tirées des aîles de l’autruche, qui sont plus jeunes, mieux fournies, & moins usées.
Plumes secondes, ce sont des plumes qui sont plus vieilles que les premieres, & qui se sont par conséquent usées davantage sur le corps de l’oiseau.
Plumes d’autruches apprêtées, ce sont des plumes teintes ou blanchies, qui ont reçu les façons nécessaires, & qui sont montées en bouquets ou autres ouvrages, ou qui sont prêtes à l’être.
Plumes brutes, en Plumasserie, ce sont des plumes qui n’ont reçu aucune façon, qui sont telles que l’oiseau les portoit, & qui n’ont point encore eu aucun des apprêts que les Plumassiers ont coutume de leur donner avant que de les mettre en œuvre.
Plumes de chapeau, voyez Plumet.
Plume de paon, (Pierres précieuses.) c’est une pierre fine de couleur verdâtre. Elle est rayée comme les barbes d’une plume, & quoiqu’elle soit verdâtre, elle paroît pourpre à la lumiere ; c’est une agate tendre, quoiqu’orientale. Le parfait jouaillier.
Plume, dessein à la, (Peint.) les différentes façons de dessiner se réduisent ordinairement à trois, savoir au crayon, au lavis & à la plume.
Dans les desseins à la plume, tous les coups portent & ne peuvent plus s’effacer ; ainsi il paroît que cette maniere de dessiner convient mieux à ceux qui exécutent librement, qu’à ceux qui commencent. Pour apprendre à bien manier la plume, les estampes des Carraches sont d’excellens modeles. Quant à leurs desseins à la plume, ils sont touchés avec tant d’esprit & de goût, qu’il faut être bien avancé pour en profiter. Il y a plusieurs sortes d’encres employées par ceux qui dessinent à la plume ; il y en a de noire, de verte, de bleue, de rouge, mais l’encre de la Chine est celle dont on fait le plus d’usage. (D. J.)