L’Encyclopédie/1re édition/OEUF
ŒUF, dans l’Histoire Naturelle, c’est cette partie qui se forme dans les femelles des animaux, & qui, sous une écaille ou écorce qu’on nomme coque, renferme un petit animal de même espece, dont les parties se développent & se dilatent ensuite, soit par incubation, soit par l’accession d’un suc nourricier.
Les especes d’animaux qui produisent des œufs se nomment en particulier ovipares ; & la partie de la femelle dans laquelle l’œuf se forme, se nomme ovaire. Voyez Ovaire.
Comme de tous les œufs ceux des poules ou ceux dont se forment les poulets sont les plus communs & en même tems ceux qui ont été plus observés, nous dirons quelque chose ici de leur structure & de la maniere dont les poulets s’y engendrent.
La partie extérieure d’un œuf de poule est donc la coque, écorce blanche, mince, friable, qui renferme & garantit toutes les autres parties des injures qu’elles auroient à craindre du dehors. Immédiatement après la coque il y a une membrane commune, membrana communis, qui tapisse toute la cavité de la coque, & qui lui est attachée très-serrée, excepté dans le gros bout de l’œuf, où on découvre entre ces deux parties une petite cavité qui peu-à-peu devient plus considérable. Dans cette membrane sont contenus les deux albumina ou blancs, enveloppés chacun dans sa membrane propre. Dans le milieu du blanc est le vitellus ou jaune, enveloppé aussi particulierement dans son enveloppe ou membrane particuliere : l’albumen extérieur est oblong ou ovale, & il suit la figure de la coque ; l’intérieur est sphérique, & d’une substance plus crasse & plus visqueuse, & le jaune est de la même figure. A chacune de ses extrémités est un chalaza, & les deux ensemble sont comme les poles de ce microcosme : ce sont des corps blancs, denses, dont chacun est composé de trois petits globules, semblables à des grains de grêle joints ensemble. Non-seulement c’est dans ces chalazas que les différentes membranes sont jointes ou attachées ensemble, ce qui fait que les différentes liqueurs se tiennent chacune dans sa place ou sa position respective ; mais ils servent encore à tenir toujours une même partie de l’œuf en en haut, de quelque côté qu’on se tourne. Voyez Chalaza.
Vers le milieu, entre les deux chalazas, sur le côté du jaune & dans sa membrane, est une petite vessie de la figure d’une vessie ou lentille, qu’on appelle en latin cicatricula, & en françois germe, & que quelques auteurs nomment aussi l’œil-de-bœuf, & qui contient une humeur dans laquelle le poulet s’engendre.
Toutes ces parties qu’on distingue dans l’œuf de poule, se trouvent aussi dans les autres œufs : l’une des parties de l’œuf est ce dont l’animal se forme, & le reste est destiné à sa nourriture ; suivant cela, la premiere semence ou stamen du poulet est dans la cicatricule.
L’albumen est le suc nourricier qui sert à l’étendre & à le nourrir jusqu’à ce qu’il devienne gros, & le jaune lui sert de nourriture lorsqu’il est tout-à-fait formé, & même en partie lorsqu’il est éclos ; car il reste après que l’œuf est éclos une bonne partie du jaune, laquelle est reçue dans le ventre du poulet comme dans un magasin, & portée de-là par les appendicula ou canal intestinal, aussi bien que par entonnoir, dans les boyaux, & qui sert comme de lait. Voyez Eclore & Punctum saliens.
Un œuf proprement dit est ce du total dequoi l’animal se forme ; tels sont ceux des mouches, des papillons, &c. qu’Aristote appelle vermiculi.
Il y a entre cette derniere espece d’œufs & la premiere, cette différence, qu’au lieu que ceux de la premiere espece (aussi-tôt que la femelle les a pondus) n’ont plus besoin que de chaleur & d’incubation, sans aucune nourriture extérieure, pour porter le fœtus à sa perfection ; ceux de la derniere espece, après qu’ils sont tombés de l’ovaire dans la matrice, ont besoin des sucs nourriciers de la matrice pour s’étendre & grossir : c’est aussi ce qui fait qu’ils restent plus long-tems dans la matrice que les autres.
La principale différence qui se trouve entre les œufs proprement dits, c’est qu’il y en a qui sont parfaits, c’est-à-dire qu’ils ne manquent d’aucune des parties que nous venons de décrire, lors même qu’ils sont-dans l’ovaire ou dans la matrice ; & d’autres imparfaits, qui n’ont toutes ces parties à-la-fois qu’après qu’ils sont pondus : tels sont les œufs des poissons, où se forme un albumen pour les garantir de l’eau lorsqu’ils sont déja hors du corps de la mere.
Une autre différence, c’est qu’il y en a de fécondés & d’autres qui ne le sont point : les premiers sont ceux qui contiennent un sperme que le mâle injecte dans le coït, pour les disposer à la conception ; les autres ne sont point imprégnés de ce sperme, & ne donnent jamais des petits par incubation, mais seulement par putréfaction. Un œuf fécondé contient les rudimens du poulet avant même que la poule ait commencé à le couver. Le microscope nous fait voir à découvert dans le milieu de la cicatricule la carcasse du poulet qui nage dans le liquamen ou l’humeur ; elle est composée de cinq petites zones ou cordons que la chaleur de l’incubation future grossit en rarefiant & liquefiant la matiere premiere de l’albumen, & ensuite celle du germe, & les faisant entrer dans les vaisseaux de la cicatricule pour y recevoir encore une préparation, une digestion, une assimilation & une accrétion ultérieure, jusqu’à ce que le poulet devenu trop gros, ait rompu la coque & soit éclos.
On croyoit autrefois qu’il n’y avoit que les oiseaux & les poissons, avec quelques autres animaux, qui fussent produits ab ovo, par des œufs ; mais le plus grand nombre des modernes inclinent plutôt à penser que tous les animaux & les hommes mêmes sont engendrés de cette maniere. Harvé, Graaf, Kerkringius, & quelques grands anatomistes, ont si bien défendu cette opinion, qu’elle est à-présent généralement reçue.
On voit dans les testicules des femmes de petites vésicules qui sont environ de la grosseur d’un pois verd, qu’on regarde comme des œufs : c’est ce qui a fait donner par les modernes le nom d’ovaires à ces parties, que les anciens appelloient testicules ; ces œufs fécondés par la partie la plus volatile & la plus spiritueuse de la semence du mâle, se détachent de l’ovaire & tombent par le conduit de Fallope dans la matrice, où ils se forment & grossissent. Voyez Conception & Génération.
Plusieurs observations & plusieurs expériences concourent pour donner plus de poids à ce système, & pour le confirmer. M. de Saint-Maurice ayant ouvert une femme à Paris en 1682, lui trouva un fœtus parfaitement formé dans le testicule.
M. Olivier médecin de Brest, assure qu’en 1684, une femme qui étoit grosse de sept mois accoucha dans son lit d’un grand plat d’œufs, liés ensemble comme une grappe de raisin, & de différentes grosseurs, depuis celle d’une lentille, jusqu’à celle d’un œuf de pigeon. Wormius rapporte avoir vu lui-même une femme qui étoit accouchée d’un œuf ; & Bartholin confirme la même chose, Cent. prem. hist. anat. IV. p. 11. Le même auteur dit qu’il avoit connu à Coppenhague une femme, qui au bout de douze semaines de grossesse, avoit jetté un œuf enveloppé d’une coque mollasse. Lauzonus, Dec. 11. ann. IX. obs. xxxviij. p. 731. des mém. des curieux de la nature, rapporte la même chose d’une autre femme grosse de sept semaines. L’œuf qu’elle rendit, n’étoit ni aussi gros qu’un œuf de poule, ni aussi petit qu’un œuf de pigeon : il étoit couvert de membranes, au lieu de coque. La membrane extérieure appellée chorion, étoit épaisse & sanguinolente ; l’intérieure nommée amnios, étoit déliée & transparente ; & elle renfermoit une humeur blanchâtre, dans laquelle nageoit l’embryon attaché par les vaisseaux umbilicaux, lesquels ressembloient à des fils de soie.
Bonnet dans sa lettre à Zuinger, publiée dans les éphémérides des curieux de la nature, Déc. ann. 2. observ. clxxxvj. p. 417. rapporte qu’une jeune fille avoit rendu une grande quantité de petits œufs. Conrade Virsungius dit qu’en faisant l’anatomie d’une femme qui avoit une descente, il trouva dans une des trompes des œufs de différentes grosseurs. Enfin, on voit encore de semblables exemples dans Rhodius, Cent. 111. observ. lvij. & dans différens endroits des mémoires des curieux de la nature : de sorte que Berger dans son traité de naturâ humanâ, liv. II. chap. j. p. 461. n’hésite point de penser que la seule différence qu’il y ait entre les animaux qu’on nomme vivipares, & ceux qu’on appelle ovipares, c’est que les derniers jettent leurs œufs hors de leur corps, & les déposent dans un nid, & que leurs œufs contiennent toute la nourriture nécessaire à leur fruit ; au lieu que dans les derniers, les œufs sont déposés des ovaires dans la matrice, qu’ils ont peu de suc, & que la mere fournit le reste de l’aliment.
Il n’y a pas jusqu’aux plantes dont Empedocles, & depuis Malpighi, Rallius, Fabrice d’Aquapendente, Grew, & d’autres, n’ayent prétendu que la génération se fait par des œufs. Voyez Plante.
D’un autre côté, nous avons plusieurs exemples où les animaux ovipares ont produit leurs petits tout vivans & sans œufs. On en rapporte en particulier d’un corbeau, d’une poule, de serpens, d’un poisson, d’anguilles, &c. Voyez Isibord, ab Amelanxen, breviar. memorabil. n°.28. in append. mém. nat. cur. dec. 11. an. 4. p. 201. Lyserus, observ. VI. envoyée à Bartholin, Aldrovand. hist. serp. & dracon. p. 309. Seb. Nuremberg, de miraculis naturæ in Europ. c. xlj. franc. Paulin, de anguilla, sect. prem. chap. ij. &c.
Ce n’est pas tout : les Physiciens rapportent des exemples de mâles qui ont jetté des œufs par le fondement. Ce fait paroîtra si ridicule à un lecteur sage, qu’on pourroit nous blâmer de transcrire ici les passages sur lesquels on l’appuie ; & ainsi nous nous contenterons de renvoyer le lecteur qui aura assez de curiosité pour les confronter aux auteurs d’où nous aurions pû les tirer : savoir, Christophe Paulin, Cynograph. curios. sect. I. liv. III. §. 56. M. nat. cur. Dec. 11. ann. 8. observ. cxvij. p. 261. & Dec. 1. ann. 2. observ. ccl. & Dec. 11. ann. 4. append. 199. Schculk, hist. monast. p. 129. &c.
M. Hotterfort pense qu’il a bien pu se faire au moins dans quelque cas, que ce qu’on avoit pris pour des œufs, ne fût que des alimens mal digérés & coagulés, ainsi qu’il l’a trouvé une fois lui-même. Quant aux œufs des femmes, Wormius & Fromann, lib. III. de fascinat. v. 6. cap. xx. §. 9. pag. 882. ont cru que c’étoit un effet du pouvoir du démon ; mais M. Bartholin & M. Stotterfoht, se moquent avec raison de cette relation.
Gousset, de causis linguæ hebraïcæ, taxe le sentiment moderne de la génération ab ovo, d’être contraire à l’Ecriture ; & d’autres ont cru voir dans la semence des animaux mâles, l’animal en vie & tout formé. Voyez Animalcule & Semence.
Malpighi fait des observations très-curieuses avec le microscope de tous les changemens qui arrivent dans l’œuf qu’une poule couve de demi-heure en demi-heure. Vossius & divers autres auteurs sont fort embarrassés de décider cette question, lequel a existé le premier de l’œuf ou de la poule, de idol. lib. III. cap. lxxviij.
En Egypte, on fait éclore les œufs par la chaleur d’un fourneau ou d’un four, & on en fait quelquefois éclore sept ou huit mille tout-à-la-fois. On trouve la maniere dont on se sert pour cela décrite dans les Transactions philosophiques. Voyez Éclore. Voyez ces fours, Pl. d’Agricul.
On dit qu’à Tunquin on conserve les œufs pendant trois ans, en les enveloppant d’une pâte faite de cendre & de saumure. La tortue fait, à ce qu’on dit, jusqu’à quinze cens œufs qu’elle couvre de sable, & qu’elle abandonne à la chaleur du soleil pour éclore ; les œufs d’Autruche éclosent de la même maniere. Villugh. Ornithol. Lib. II. c. viij. §. 1.
Dans les acta eruditorum de Lips. Leypsik, année 1683. p. 221. il est parlé d’un œuf de poule tout semblable aux œufs ordinaires, au milieu duquel on en trouva un autre de la grosseur d’un œuf de pigeon. Voyez Superfétation.
Les œufs à double coque ne sont pas rares ; Harvey donne fort au long dans son traité de la génération de l’animal, l’explication de cette apparence.
Chez les anciens l’œuf étoit le symbole du monde, & c’étoit une tradition parmi eux que le monde avoit été fait d’un œuf, ce qui rendit les œufs d’une grande importance dans les sacrifices de Cybele, la mere des dieux : quelques-uns de leurs faux-dieux étoient aussi venus d’un œuf.
Œuf vuide, voyez Vuide.
Œuf de vache, c’est un nom que quelques auteurs donnent à une espece de besoard qu’on trouve dans l’estomac de la vache.
Œuf, en Architecture, ornement de forme ovale qu’on pratique dans l’echinus ou quart de rond du chapiteau ionique & composite, le profil ou le contour de l’échinus s’enrichit d’œufs & d’ancres placés alternativement. Voyez nos Pl. d’Architecture. Voyez aussi Echinus, Ove, &c.
Œuf philosophique, en Chimie, voyez Philosophique.
Œuf, (Physique générale.) on trouve quelquefois des œufs extraordinaires en petitesse, en grosseur, en figure, sans coque, sans jaune ; d’autres qui ont une double coque ; d’autres qui renferment un second œuf ; d’autres qui contiennent des corps étrangers, comme des pois, des lentilles, des épingles, &c. Enfin, j’ai recueilli beaucoup d’observations en ce genre ; mais il suffira d’en citer quelques-unes.
Le petit œuf, ou l’œuf nain, que les Ornithologistes nomment communément, ovum centeninum, est le dernier que la poule ponde de la saison. Cet œuf pour l’ordinaire ne contient pas de jaune, mais une espece de glaire ou de blanc. Il n’est pas surprenant que ce dernier œuf soit si petit ; mais il est assez étonnant qu’une poule ne ponde jamais que de ces œufs nains.
Malpighi vous donnera la raison pourquoi ces œufs sont stériles, & ne produisent jamais de poulets.
Il y a d’autres œufs qui surpassent de beaucoup les œufs communs en grosseur. On les nomme ova gemellifica ; il semble même qu’Aristote s’en soit apperçu : mais il est certain qu’il n’y a que les oiseaux domestiques qui pondent de ces sortes d’œufs : ils contiennent deux blancs & deux jaunes, & M. Harvey remarque que communément ils renferment deux poulets, qui quoiqu’éclos ne vivent pas.
De tous les œufs extraordinaires, il n’y en a guere de si remarquables que ceux qui ont une double coque, & que Harvey appelle ovum in ovo : cet habile homme explique en même tems les causes de ce phénomene dans son traité de generatione animalium.
Le petit œuf renfermé dans un grand, est ordinairement de la grosseur d’une olive, pointu par le bout, couvert d’une membrane dure, épaisse, & cassante. L’humeur qu’il contient est moins jaune que dans les autres œufs.
M. Méri a montré à l’académie des Sciences un œuf de poule cuit, dont le blanc renfermoit un autre petit œuf revétu de sa coque & de sa membrane intérieure, & rempli de la matiere blanche sans jaune.
On a fait voir à la même académie en 1745, un œuf de poule d’Inde, dans lequel étoit renfermé un autre œuf garni de sa coque. Ceux qui savent que la coque de l’œuf ne se forme que dans l’oviductus, ou canal qui conduit l’œuf de l’ovaire au-dehors de l’animal, sentiront combien doivent être rares les circonstances nécessaires pour produire un pareil effet.
M. Petit porta en 1742 à la même académie un petit corps oviforme d’environ dix lignes de longueur, & de cinq lignes de diametre, qu’il avoit trouvé dans le blanc d’un œuf. Ce corps qui étoit lui-même une espece de petit œuf, n’étoit attaché au grand que par un pédicule assez court, & qui avoit peu de consistance : on y voyoit quatre enveloppes : l’extérieure étoit assez solide, puisqu’en étant séparée, elle conservoit sa forme & se soutenoit par elle-même, ce que ne faisoient point les autres. A chaque séparation des trois premieres enveloppes, ainsi prises extérieurement, le petit corps conservoit sa figure ; mais on n’eut pas plutôt séparé la quatrieme, que tout ce qui y étoit renfermé s’échappa en forme de blanc d’œuf sans jaune.
Il y a des poules qui par un effet de la structure de leur ovaire, pondent toujours des œufs sans jaune. Il y en a d’autres qui n’en pondent que quelquefois ; savoir, lorsque dans des efforts, ou par quelque cause extérieure, le jaune de l’œuf se creve dans l’oviductus ; mais la cause n’étant pas constante, elles en font aussi de bien conditionnés.
Quant aux poules qui pondent quelquefois des œufs sans coque, cela vient ou de quelque maladie qui irritant la trompe, leur fait chasser l’œuf avant le tems ; ou bien par une grande fécondite qui ne leur donne pas le loisir de les mûrir tous : il y a des poules qui font le même jour un œuf bien conditionné, & un autre sans coque.
Le défaut d’une suffisante quantité de cette humeur dans certaines poules, peut encore en être la cause. Les œufs sans coque s’appellent œufs hardés. Voyez Œuf hardé.
Quoique beaucoup de personnes, d’ailleurs raisonnables, croyent avec le peuple que les coqs pondent des œufs, & en particulier les œufs qui sont sans jaune ; que ces œufs étant trouvés dans du fumier ou ailleurs, on en voit éclore des serpens ailés, qu’on appelle basilics ; cette erreur n’a d’autre fondement qu’une ancienne tradition, que les préjugés de l’éducation & l’amour du merveilleux entretiennent.
On a trouvé quelquefois dans des œufs de poule des corps étrangers, comme des pois, des lentilles, & même une épingle. Ces pois & ces lentilles qui ont germé & porté du fruit, étoient entre le blanc & le jaune de l’œuf : peut-être que ces graines, ainsi que l’épingle dont j’ai parlé, se sont insinuées dans les poules pendant l’accouplement qui se sera fait dans un endroit où il y avoit beaucoup de pois & de lentilles : peut-être sont-ils entrés du jabot dans l’ovaire. (D. J.)
Œuf hardé, (Hist. nat.) il n’est pas rare de trouver des œufs de poule sans coque : on les appelle des œufs hardés. Leurs liqueurs ne sont contenues que par la membrane épaisse qui tapisse l’intérieur de la coquille des autres. Cette enveloppe cede sous le doigt en quelqu’endroit qu’on la presse : on tenteroit très-inutilement de faire éclore le poulet d’un œuf sans coque ; la transpiration s’y fait avec une trop grande facilité ; bien-tôt la membrane qui est sa seule enveloppe, se plisse, se ride, & se chiffonne très-irrégulierement en différens endroits. Au bout de peu de jours l’œuf a totalement perdu sa forme, & les deux tiers, ou même les trois quarts de son volume : il ne contient plus que des matieres épaissies au point d’être devenues solides & dures. Peut-être néanmoins ne seroit-il pas impossible, dit M. de Réaumur, de faire développer le poulet d’un œuf hardé : mais il faudroit, ajoute-t-il, que l’art lui donnât l’équivalent de ce que la nature lui a refusé. Il faudroit suppléer par quelque enduit à la coquille qui lui manque, lui en faire une de plâtre, ou de quelque mortier, ou de quelque ciment poreux. Cette expérience qui ne seroit que curieuse, ne réussiroit sans doute, qu’après avoir été tentée bien des fois, & ne nous apprendroit rien de plus que ce que nous savons déja sur la nécessité d’une transpiration mesurée. (D. J.)
Œufs, conservation des, (Physique générale.) il n’est pas indifférent de pouvoir conserver des œufs, & en particulier des œufs de poule, frais pendant long-tems. Tous les œufs que couve une poule, ne sont pas également frais ; si elle les a tous pondus, il y en a tel qui est de quinze à seize jours plus vieux qu’un autre. L’embryon périt dans l’œuf, lorsque l’œuf devient trop vieux, parce que l’œuf se corrompt ; mais il y vivroit quelquefois plus long-tems, si on empêchoit l’œuf de se corrompre.
Malgré la tissure compacte de sa coque écailleuse, malgré la tissure serrée des membranes flexibles qui lui servent d’enveloppe immédiate, l’œuf transpire journellement, & plus il transpire & plutôt il se gâte. Il n’est personne qui ne sache que dans un œuf frais & cuit, soit mollet, soit au point d’être dur, la substance de l’œuf remplit sensiblement la coque ; & qu’au contraire il reste un vuide dans tout œuf vieux qui est cuit, & un vuide d’autant plus grand, que l’œuf est plus vieux. Ce vuide est la mesure de la quantité du liquide qui a transpiré au-travers de la coque. Aussi, pour juger si un œuf même qui n’est pas cuit, est frais, on le place entre une lumiere & l’œil ; la transparence de la coque permet alors de voir que l’œuf vieux n’est pas plein dans sa partie supérieure. Mais des observations faites par les Physiciens, leur ont découvert les conduits par lesquels l’œuf peut transpirer. Ils ont vu que dans les enveloppes qui renferment le blanc & le jaune de l’œuf, il y a des conduits à air qui communiquent au travers de la coque avec l’air extérieur. On voit où sont ces passages, lorsqu’on tient un œuf sous le récipient de la machine pneumatique dans un vase plein d’eau purgée d’air. A mesure qu’on pompe l’air du récipient, celui qui est dans l’œuf sort par des endroits où la coque lui permet de s’échapper.
Un fait qui prouve encore très-bien que la coque de l’œuf est pénétrable à l’air, c’est que le poulet prêt à éclore fait entendre sa voix avant qu’il ait commencé à becqueter sa coque, & avant qu’il l’ait même filée. On l’entend crier très-distinctement, quoique sa coque soit bien entiere ; malgré sa tissure serrée, l’œuf transpire ; il est pour nous d’autant plus vieux, ou, pour parler plus exactement, d’autant moins bon, qu’il a transpiré davantage. Les paysans de nos provinces & des autres pays agissent comme s’ils savoient cette physique. Pour conserver long-tems leurs œufs en bon état, ils les tiennent dans des tonneaux où ils sont entourés de toutes parts de cendre bien pressée, de son, de sciure de bois de chêne, &c. cette cendre, ce son, cette sciure de bois de chene s’applique contre les coques, en bouche les pores & rend leur transpiration difficile. Les œufs ainsi conservés sont mangeables dans un tems où ils eussent été entierement corrompus sans ces précautions.
M. de Réaumur a imaginé d’abord un meilleur moyen d’empêcher l’insensible transpiration des œufs, c’est en les enduisant d’un vernis impénétrable à l’eau ; ce vernis est composé de deux parties de gomme, laque plate, avec une partie de colophone dissoute dans de l’esprit-de-vin. Une pinte d’esprit-de-vin, dans laquelle on dissout une demie livre de laque plate & un quart de livre de colophone, peut vernir 72 douzaines d’œufs, c’est-à-dire que la dépense en vernis pour chaque douzaine d’œufs ne sauroit aller à un sol ; & si l’on fait les couches très-minces, cette dépense n’iroit qu’à la moitié du prix.
Quoique la composition de ce vernis & son application soient faciles, M. de Réaumur a trouvé depuis qu’on pouvoit substituer à ce vernis une matiere moins chere encore, plus connue & aisée à avoir par-tout, c’est de la graisse de mouton fraîche. Les œufs qui ont été enduits de cette graisse, se conservent frais aussi long-tems que ceux qui ont été vernis. Cette graisse ne coûte presque rien de plus que le suif ordinaire, qui réussiroit également, mais qui blesseroit l’imagination. On fait fondre de la graisse de mouton fraîche ; & après l’avoir rendue liquide, on la passe à-travers un linge, on la met dans un pot de terre, on l’échauffe près du feu, on plonge chaque œuf dans cette graisse, & on le retire sur le champ : s’il est bien frais, il peut se conserver ainsi pendant près d’une année.
On peut plonger l’œuf dans la graisse avec des pinces, dont l’attouchement ne se feroit que dans deux points ; & quand la graisse seroit figée sur tous les autres endroits, on porteroit avec une plume ou un pinceau une petite goutte de graisse liquide sur les deux endroits qui sont restés découverts. Mais pour n’avoir plus à revenir à l’œuf après qu’il a été tiré du pot, il sera peut-être plus commode de donner à chaque œuf un lien d’un brin de fil long de 6 à 7 pouces ; on entourera l’œuf vers son milieu, c’est-à-dire à distance à-peu-près égale de ses deux bouts avec ce fil, on lui fera une ceinture arrêtée par un double nœud, lequel nœud se trouvera très-près d’un des bouts de ce fil, c’est par l’autre bout du fil qu’on tiendra l’œuf suspendu pour le plonger dans la graisse liquide. Celle qui s’attachera sur la partie du fil qui entoure l’œuf, arrêtera aussi-bien toute évaporation dans cet endroit, que celle qui sera immédiatement appliquée contre la coquille. On imaginera peut-être qu’il est difficile de mettre un œuf en équilibre sur un tour de fil, & de faire que cet œuf ne s’échappe pas ; mais pour peu qu’on l’éprouve, on trouvera le contraire.
La graisse de mouton ne communique pas le plus léger goût de graisse à l’œuf ; car quand on le retire de l’eau bouillante, il n’y a que le-dessus de la coquille qui soit un peu gras, & on emporte toute trace de graisse en frottant l’œuf avec un linge. L’enduit de graisse est préférable au vernis pour les œufs destinés à être couvés, parce qu’il est difficile de dévernir les œufs, & que l’enduit de graisse est très aisé à enlever. Enfin on pourroit par le moyen de l’enduit de graisse transporter dans les divers pays un grand nombre d’œufs d’oiseaux étrangers, les y faire couver, & peut-être, en naturaliser plusieurs. Cependant, malgré toutes ces vérités, ni le vernis des œufs, ni leur enduit de graisse proposés l’un & l’autre par M. de Réaumur, n’ont point encore pris faveur dans ce royaume. (D. J.)
Œuf, (Chimie.) voyez Substances animales.
Œuf, (Diete, Pharmac. & Mat. méd.) les œufs les plus employés à titre d’aliment sont ceux de poule. On mange aussi en Europe les œufs d’oie, de canne, de poule-d’inde, de paon, de faisan, &c. Les Africains mangent les œufs d’autruche, & ceux de crocodile. Les œufs de tortue sont un aliment très-usité dans les îles de l’Amérique.
C’est aux œufs de poule que convient principalement ce que nous allons en observer en général, & cela instruira suffisamment sur les qualités essentielles des autres œufs qu’on mange quelquefois dans ce pays ; ce qui peut mériter quelque considération particuliere sur les qualités spéciales des autres, par exemple, sur ceux de tortue, sera rapporté à cet article particulier. Voyez Tortue d’Amérique.
Les œufs de poule, que nous n’appellerons plus que les œufs, doivent être choisis les plus frais qu’il se pourra ; on veut encore qu’ils soient bien blancs & longs. On connoît à ce sujet les vers d’Horace.
Longa quibus facies ovis erit, illa memento
Ut succi melioris, & ut magis alba rotundis
Ponere.
Les œufs nourrissent beaucoup : ils fournissent un bon aliment, utile en santé comme en maladie. Les auteurs de diete s’accordent tous à assûrer qu’ils augmentent considérablement la semence, qu’ils réveillent l’appétit vénérien, & disposent très efficacement à le satisfaire. On les prépare de bien des manieres, & on en forme différens mets qui sont d’autant plus salutaires qu’ils sont plus simples. Car toutes ces préparations recherchées où les œufs sont mêlés avec des laitages, du sucre, des parfums, &c. déguisent tellement la vraie nature de l’œuf qu’il peut y perdre toutes ses bonnes qualités. Il est observé même que les laitages chargés d’œufs subissant dans les premieres voies, l’altération à laquelle ils sont naturellement sujets, la communiquent aux œufs, & que la corruption d’un pareil mélange devient pire que n’auroit été celle du lait seul. On peut donc établir que tous ces mélanges délicats d’œufs & de lait, comme crèmes, &c. sont des alimens au-moins suspects, comme le lait. Voyez Lait. Quant à la meilleure façon de préparer les œufs seuls, on peut la déterminer d’après cette seule regle ; savoir qu’en général ils doivent être modérement cuits ; la raison en est, dit Louis Lemery, que quand ils le sont trop peu, ils demeurent encore glaireux, & par conséquent difficiles à digérer. Quand au contraire ils sont trop cuits, la chaleur en a dissipé les parties aqueuses, qui servoient à étendre les autres principes de l’œuf, & à leur donner de la fluidité ; or ces principes se trouvant dépourvûs de leur humidité naturelle, s’approchent & s’unissent étroitement les uns aux autres, & forment un corps compact, resserré en ses parties, pesant à l’estomac. Ainsi l’œuf ne doit être ni glaireux, ni dur, mais d’une substance molle & humide, comme on le peut voir par ce vers de l’école de Salerne.
Si sumas ovum, molle sit atque novum.
Lemery, Traité des alimens.
Il est assez reçu que les œufs échauffent beaucoup, quand ils sont vieux ; cette qualité n’est pas annoncée par des effets assez déterminés, mais il est toujours sûr qu’ils sont d’un goût desagréable, & qu’ils sont plus sujets à se corrompre dans l’estomac que les frais.
Les plus mauvais de tous sont donc les vieux œufs durs, tels que les œufs de Pâques qu’on vend au peuple à Paris & dans plusieurs autres pays. Ces œufs sont sujets à peser sur l’estomac, à exciter des rapports fétides & âcres, des coliques, en un mot des vraies indigestions d’autant plus fâcheuses qu’elles sont ordinairement accompagnées de constipation ; car la propriété de resserrer le ventre qu’on attribue communément aux œufs durs, est très-réelle. Nous ne saurions cependant approuver la pratique fondée sur cette propriété qui fait des œufs durs un remede populaire & domestique contre les dévoimens.
Les auteurs de diete ont rapporté plusieurs signes, auxquels on peut reconnoitre si les œufs sont frais ou non ; mais les paysanes & les plus grossieres cuisinieres en savent plus, à cet égard, que n’en peuvent apprendre tous les préceptes écrits.
Mais quant à l’art de les conserver dans cet état de fraîcheur, il faut rendre justice à la science, elle a été plus loin que l’économie rustique. Le principal secret qu’avoit découvert celui-ci, & qui est encore en usage dans les campagnes consistoit à les garder sous l’eau ; mais M. Réaumur ayant considéré que les œufs ne perdoient leur état de fraîcheur que par une évaporation qui se faisoit à-travers les pores de leur coquille, laquelle en diminuant le volume des liqueurs dont l’œuf est formé, exposoit ces liqueurs à une altération spontanée, une espece de fermentation, un commencement de corruption, en un mot aux inconvéniens auxquels sont sujets les liqueurs fermentables gardées en vuidange ; il pensa que si l’on enduisoit les œufs d’un vernis qui empêchât cette transpiration, on parviendroit à retarder considérablement leur corruption. Le succès répondit à ses espérances : des œufs enduits d’un vernis à l’esprit-de-vin quelconque, d’une légere couche de cire, d’un mélange de cire & de poix résine, de graisse de mouton, &c. se conservent pendant plusieurs mois, & même pendant des années entieres dans l’état de la plus parfaite fraîcheur. Les enduits de colle de poisson, de gomme arabique &c. arrêtent moins parfaitement cette transpiration, parce que la liqueur que l’œuf exhale étant aqueuse, peut dissoudre une partie de ces dernieres substances, & se frayer ainsi quelques routes. On conserve aussi très-bien les œufs sous l’huile, mais cette liqueur bouche les pores bien moins exactement que les matieres graisseuses & résineuses concretes. Le suif y seroit très-bon, mais quoiqu’on puisse l’enlever facilement, l’idée de son emploi est toujours dégoûtante. M. de Réaumur donne la préférence à la graisse de mouton, parce qu’elle coûte très-peu, & qu’elle se sépare facilement de l’œuf en le faisant tremper dans l’eau chaude. La maniere de les enduire de graisse de mouton proposée par cet académicien, est fort simple & plus facile dans l’exécution, comme il l’observe lui-même, qu’on ne seroit tenté de croire d’abord. Il ne s’agit que de suspendre un œuf à un fil, dans lequel on l’engage comme dans une espece de ceinture au moyen d’un nœud coulant, & de le tremper une seule fois dans de la graisse fondue sur le feu. Voyez l’Histoire des insectes de M. de Réaumur, tome II. & Mémoires de l’académie royale des Sciences, année 1735.
Ce que nous avons dit des œufs jusqu’à présent convient à l’œuf entier, c’est-à-dire au blanc & au jaune mangés ensemble, & se tempérant mutuellement ; car chacune de ces substances considérée en particulier a des qualités diétetiques différentes. Le blanc ou partie glaireuse est beaucoup plus nourrissante, c’est à celle-là que convient principalement l’exagération d’Avicenne qui dit des œufs qu’ils engendrent autant de sang qu’ils pesent. Le jaune est moins nourrissant & plus échauffant ; c’est à cette substance qu’appartient spécialement la qualité aphrodisiaque ou excitant à l’amour, observée dans les œufs.
Boerhaave, qui a donné dans sa chimie un long examen du blanc d’œuf sans dire un mot du jaune, observe que cette matiere albumineuse étant portée jusqu’à la putréfaction vraiment alkaline, produit les plus terribles effets dans le corps animal, prise en la plus petite quantité, pauxillum, & même que sa seule odeur dissout les humeurs de notre corps à l’égal du venin de la peste, solo putrido halitu suo humores corporis nostri mirificè dissolvit, instar veneni pestilentialis. Cette proposition ne nous paroît guere moins outrée que celle de ce singulier Hecquet, qui dit dans son Traité des dispenses du carème, qu’un œuf est une quintessence naturelle, un soufre, un volatile, un feu prêt à s’allumer.
Plusieurs auteurs ont accordé aux œufs des vertus vraiment médicamenteuses. Hippocrate recommande les blancs d’œufs battus dans de l’eau de fontaine comme une boisson humectante, rafraîchissante & laxative, très-propre aux fébricitans, &c. Tout le monde connoît l’usage des bouillons à la reine, dont la base est le jaune d’œuf dans la toux & dans les coliques bilieuses. Ce dernier usage qui est le moins connu, peut être cependant regardé comme le meilleur par l’analogie qu’a le jaune d’œuf avec la bile, qu’il est capable d’adoucir en s’y unissant.
La même qualité du jaune d’œuf, savoir, sa qualité analogue à la bile, c’est-à-dire, savonneuse, capable de servir de moyen d’union entre les substances huileuses & les aqueuses, le rend très-propre à appaiser les tranchées violentes, & les autres accidens qui suivent quelquefois l’usage des violens purgatifs résineux : car le jaune d’œuf est capable de s’unir chimiquement à ces résines, & de les disposer par là à être dissoutes & entraînées par les liqueurs aqueuses, soit celles que fournissent les glandes des intestins, soit celles qu’on peut donner aux malades à dessein, quelque tems après lui avoir fait prendre des jaunes d’œuf.
On l’emploie d’avance au même usage, c’est-à-dire à prévenir ces accidens, si on ne donne ces résines âcres, qu’après les avoir dissoutes dans une suffisante quantité de jaune d’œuf, & étendus ensuite en triturant dans suffisante quantité d’eau, ce qui produit l’espece d’émulsion purgative dont il est parlé à la fin de l’article Émulsion. Voyez cet article.
Les baumes & les huiles essentielles peuvent aussi commodément être unis aux jaunes d’œuf, comme au sucre, pour l’usage médicinal : ce composé, qu’on pourroit appeller éléoon, est entierement analogue à l’éléosaccharum. Voyez cet article.
On trouve dans la pharmacopée de Paris un looch d’œuf, qui est un mélange d’huile d’amandes douces, de sirop & d’eaux distillées fait par le moyen d’un jaune d’œuf : l’union que tous ces ingrédiens contractent, est très-légere ; ainsi on peut en évaluer l’action particuliere par les vertus respectives de ces différens ingrédiens : quant à sa qualité commune ou collective, celle qu’elle doit à sa forme, à sa consistence de looch, & à la maniere de l’appliquer, voyez Looch.
Le jaune d’œuf trituré avec de la térébenthine, ou un autre baume naturel pour en composer les digestifs ordinaires des chirurgiens, exerce dans ce mélange la même propriété : il se combine avec ces baumes, en corrige par-là la ténacité & l’âcreté, les rend en partie miscibles aux sucs lymphatiques & capables d’être enlevés de dessus la peau par des lotions aqueuses. Au reste, il ne leur communique cependant ces propriétés qu’à demi, parce qu’il n’entre point dans ce mélange en assez grande quantité.
Le jaune d’œuf employé à la liaison des sausses, y opere encore par la même propriété : il sert à faire disparoître une graisse fondue qui y surnage en la combinant, la liant avec la partie aqueuse qui fait la base de ces sausses.
L’huile par expression retirée des jaunes d’œufs durcis, passe pour éminemment adoucissante dans l’usage extérieur ; mais elle ne possede évidemment que les qualités communes des huiles par expression. Voyez le mot Huile.
Le blanc d’œuf est l’instrument chimique le plus usité de la clarification. Voyez Clarification.
La propriété qu’a le blanc d’œuf dur exposé dans un lieu humide, de se resoudre en partie en liqueur, d’éprouver une espece de défaillance, le rend propre à dissoudre certaines substances dont on le remplit après en avoir séparé le jaune : les œufs durs ainsi chargés de myrrhe, fournissent l’huile de myrrhe par défaillance, voyez Myrrhe ; chargés de vitriol blanc & d’iris de Florence en poudre, un collyre fort usité, &c.
Le blanc d’œuf entre dans la composition du sucre-d’orge, de la pâte de réglisse blanche & de celle de guimauve, &c.
Enfin les coques ou coquilles d’œuf se préparent sur le porphyre pour l’usage médicinal : c’est un absorbant absolument analogue aux yeux d’écrevisse, aux écailles d’huitre, aux perles, à la nacre (voyez ces articles), & par conséquent on ne peut pas moins précieux. C’est par un pur caprice de mode que quelques personnes se sont avisées depuis quelque tems de porter dans leur poche une boîte de coquilles d’œufs porphyrisées, qu’on envoie de Louvain. Cette substance terreuse est un des ingrédiens du remede de mademoiselle Stephens. Voyez Remede de mademoiselle Stephens.
Œufs des insectes. (Hist. nat. des insect.) la maniere dont les insectes mâles commercent avec les femelles, quoique très-variée, rend la femelle féconde, & la met en état de pondre des œufs lorsqu’il en est tems.
La variété qu’il y a entre ces œufs est incroyable, soit en grosseur, soit en figures, soit en couleurs. Les figures les plus ordinaires de leurs œufs sont la ronde, l’ovale & la conique : les œufs des araignées & d’un grand nombre de papillons, quoique ronds, sont encore distingués par bien des variétés ; mais il faut remarquer que dans ces mêmes figures il y a beaucoup de plus ou de moins, & que les unes approchent plus des figures dont on vient de parler que les autres. Pour ce qui regarde les couleurs, la différence est plus sensible. Les uns, comme ceux de quelques araignées, ont l’éclat de petites perles ; les autres, comme ceux des vers-à-soie, sont d’un jaune de millet ; on en trouve aussi d’un jaune de soufre, d’un jaune d’or & d’un jaune de bois. Enfin il y en a de verds & de bruns ; & parmi ces derniers, on en distingue de diverses especes de bruns, comme le jaunâtre, le rougeâtre, le châtain, &c.
La matiere renfermée dans ces œufs (car la plûpart des insectes sont ovipares) est d’abord d’une substance humide, dont se forme l’insecte même qui en sort quand il est formé.
Tous les insectes ne demeurent pas le même espace de tems dans leurs œufs. Quelques heures suffisent aux uns, tandis qu’il faut plusieurs jours, & souvent même plusieurs mois aux autres pour éclorre. Les œufs qui pendant l’hiver ont été dans un endroit chaud, éclosent plutôt qu’ils ne le devroient, selon le cours de la nature. Les œufs fraîchement pondus sont très-mous ; mais au bout de quelques minutes ils se durcissent. D’abord on n’y apperçoit qu’une matiere aqueuse, mais bientôt après on découvre dans le milieu un point obscur, que Swammerdan croit être la tête de l’insecte, qui prend la premiere, selon lui, sa consistance & sa couleur.
L’insecte est plié avec tant d’art, que malgré la petitesse de son appartement, il ne manque pas de place pour former tous les membres qu’il doit avoir. On ne peut s’empêcher, en voyant ces merveilles, d’admirer la puissance de celui qui a su mettre tant de choses dans un si petit espace. Un très-grand nombre d’insectes semblent n’avoir presque d’autre soin pour leurs œufs, que celui de les placer dans des endroits où leurs petits, dès qu’ils seront éclos, trouveront une nourriture convenable. Aussi est-ce alors tout le soin que demandent ces œufs, & que le plus souvent les meres ne peuvent prendre, puisque quantité d’entr’elles meurent peu après qu’elles ont pondu ; ce soin cependant n’est pas toujours borné-là, bien des fois il est accompagné d’autres précautions.
Plusieurs enveloppent leurs œufs dans un tissu de cire très-serré ; d’autres le couvrent d’une couche de poils tirés de leur corps. Quelques especes les arrangent dans un amas d’humeur visqueuse, qui se durcissant à l’air, les garantit de tout accident. Il y en a qui font plusieurs incisions obliques dans une feuille, & cachent dans chacune de ces incisions un œuf. On en voit qui ont soin de placer leurs œufs derriere l’écorce des arbres, & dans des endroits où ils sont entierement à couvert de la pluie, du mauvais tems & de la trop grande ardeur du soleil. Quelques-uns ont l’art d’ouvrir les nervures des feuilles & d’y pondre leurs œufs ; de maniere qu’il se forme autour d’eux une excroissance qui leur sert tout-à-la-fois d’abri, & aux petits éclos d’alimens. Il y en a qui enveloppent leurs œufs d’une substance molle qui fait la premiere nourriture de ces animaux naissans, avant qu’ils soient en état de supporter des alimens plus solides, & de se les procurer. D’autres enfin font un trou en terre, & après y avoir porté une provision suffisante de nourriture, ils y placent leur ponte.
Si un grand nombre d’insectes, après avoir ainsi placé leurs œufs, les abandonnent au hasard, il y en a d’autres qui ne les abandonnent jamais ; tels sont par exemple quelques sortes d’araignées qui ne vont nulle part, sans porter avec elles dans une espece d’enveloppe tous les œufs qu’elles ont pondus. L’attachement qu’elles ont pour ces œufs est si grand, qu’elles s’exposent aux plus grands périls plutôt que de les quitter. Telles sont encore les abeilles, les guêpes, les frélons & plusieurs mouches de cet ordre. Les soins que les fourmis ont de leurs petits va encore plus loin, car ils s’étendent jusqu’aux nymphes dans lesquels ils doivent se changer. Les insectes ayant en général tant de soin de leurs œufs, il est aisé de comprendre la multitude incroyable de ces petits animaux sur la terre, dont une partie périt au bout d’un certain tems, & l’autre sert à nourrir les oiseaux & autres animaux qui en doivent subsister. (D. J.)
Œuf de serpent, (Littérat.) Une grande superstition des druides regardoit l’œuf des serpens. Selon ces anciens prêtres gaulois, les serpens formoient cet œuf de leur propre bave, lorsqu’ils étoient plusieurs entortillés ensemble. Dès que cet œuf étoit formé, il s’élevoit en l’air au sifflement des serpens, & il falloit, pour conserver sa vertu, l’attraper lorsqu’il tomboit ; mais celui qui l’avoit ainsi pris montoit d’abord à cheval pour s’enfuir, & s’éloignoit au plus vîte, parce que les serpens, jaloux de leur production, ne manquoient pas de pour suivre celui qui la leur enlevoit, jusqu’à ce que quelque riviere arrêtât leur poursuite.
Dès que quelqu’un avoit été assez heureux pour avoir un de ces œufs, on en faisoit l’essai en le jettant dans l’eau, après l’avoir entouré d’un petit cercle d’or ; & pour être trouvé bon, il falloit qu’il surnageât ; alors cet œuf avoit la vertu de procurer à celui qui le possédoit gain de cause dans tous ses différends, & de lui faire obtenir, quand il le desiroit, un libre accès auprès des rois mêmes.
Les druides recherchoient avec grand soin cet œuf, se vantoient souvent de l’avoir trouvé, & en vendoient à ceux qui avoient assez de crédulité pour ajouter foi à toutes leurs rêveries. Pline, en traitant ce manege de vaine superstition, nous apprend que l’empereur Claude fit mourir un chevalier romain du pays des Vocontiens (de la Provence), pour cette seule raison qu’il portoit un de ces œufs dans son sein, dans la vue de gagner un grand procès. Il nous reste un ancien monument sur lequel sont deux serpens, dont l’un tient dans la gueule un œuf que l’autre façonne avec sa bave. (D. J.)
Œufs de mer, (Hist. nat.) ce sont des échinites ou oursins pétrifiés.
Œufs de serpens, (Hist. natur.) ovum anguium, nom donné par Boëce de Boot & par quelques autres naturalistes à une espece d’échinites ou d’oursins pétrifiés.
Œuf philosophique, espece de petit matras ayant la forme d’un œuf, & portant son cou à l’un de ses bouts, c’est-à-dire selon la direction de son grand diametre. Ce vaisseau doit être fait d’un verre très-épais & très fort. On l’emploie aux digestions de certaines matieres peu volatiles, & ordinairement métalliques, qu’on y enferme en le scellant hermétiquement. (b)
Œuf des druides, (Hist. anc.) chez les Celtes ou les premiers habitans des Gaules, les druides ou prêtres exerçoient la Médecine ; ils attribuoient sur-tout des vertus merveilleuses à ce qu’ils appelloient l’œuf des serpens. Cet œuf prétendu étoit formé, selon eux, par l’accouplement d’un grand nombre de serpens entortillés les uns dans les autres : aussi-tôt que ces serpens commençoient à siffler, l’œuf s’élevoit en l’air, & il falloit le saisir avant qu’il fût retombé à terre ; aussi tôt après il falloit monter à cheval, & fuir au galop pour éviter la fureur des serpens, qui ne s’arrêtoient que lorsque le cavalier avoit franchi quelque riviere. Voyez Pline, Hist. nat. liv. XXIX. ch. iij. Voyez plus haut Œufs de serpent.
Œuf d’Orphée, (Hist. anc.) symbole mystérieux dont se servoit cet ancien poëte philosophe, pour désigner la force intérieure & le principe de fécondité dont toute la terre est impregnée, puisque tout y pousse, tout y végete, tout y renaît. Les Egyptiens & les Phéniciens avoient adopté le même symbole, mais avec quelque augmentation ; les premiers en représentant un jeune homme avec un œuf qui lui sort de la bouche ; les autres en mettant cet œuf dans celle d’un serpent dressé sur sa queue. On conjecture que par-là les Egyptiens, naturellement présomptueux, vouloient faire entendre que toute la terre appartient à l’homme, & qu’elle n’est fertile que pour ses besoins. Les Phéniciens au contraire, plus retenus, se contentoient de montrer que si l’homme a sur les choses insensibles un empire très-étendu, il en a moins sur les animaux, dont quelques-uns disputent avec lui de force, d’adresse & de ruses. Les Grecs, qui respectoient trop Orphée pour avoir négligé une de ses principales idées, assignerent à la terre une figure ovale. Voyez l’Histoire critique de la Philosophie par M. Deslandes. (G)
Œuf d’Osiris, (Hist. anc.) les Egyptiens, si l’on en croit Hérodote, racontoient qu’Osiris avoit enfermé dans un œuf douze figures pyramidales blanches pour marquer les biens infinis dont il vouloit combler les hommes ; mais que Typhon son frere ayant trouvé le moyen d’ouvrir cet œuf, y avoit introduit secrettement douze autres pyramides noires, & que par ce moyen le mal se trouvoit toujours mêlé avec le bien. Ils exprimoient par ces symboles l’opposition des deux principes du bien & du mal qu’ils admettoient, mais dont cette explication ne concilioit pas les contrariétés. (G)
Œufs, en terme de Metteur en œuvre, sont de petites cassolettes ou boîtes de senteur qui sont suspendues à chaque côté de la chaîne d’un étui de piece. Voyez Étui de piece.
Œuf, (Rafin. de sucre.) on nomme ainsi dans les moulins à sucre, le bout du pivot du grand tambour, à cause qu’il a la figure de la moitié d’un œuf d’oye. Cette piece s’ajoute au pivot, & y tient par le moyen d’une ouverture barlongue qu’on y fait ; elle est d’un fer acéré posée sur une platine ou crapaudine de même matiere.