Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 11.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fiers ou scribes qui écrivoient en notes ou caracteres abregés.

R. Elias Levita explique le notaricon de même dans son Thesbitas ; avec cette différence seulement qu’au lieu d’une seule lettre pour un mot entier, il permet d’en employer deux, & quelquefois jusqu’à trois. Voyez Abréviation.

Mais il paroît que ni l’une ni l’autre de ces deux définitions n’est la véritable définition du notaricon : car comme le notaricon consiste quelquefois à exprimer un mot entier, par une lettre unique, il consiste aussi d’autres fois à exprimer une lettre unique, par un mot entier.

Ainsi il faut distinguer deux sortes de notaricon ; la premiere consistant à retrancher, par apherese ou apocope, la premiere ou derniere lettre de plusieurs mots, pour en composer un mot ou une phrase ; lesquels sont par conséquent de deux sortes, ou composés de lettres initiales, ou composés de lettres finales. Et cette opération se peut faire de différentes manieres ; ou en suivant l’ordre des lettres, ou en les prenant à rebours. On la peut même faire d’une trosieme maniere, savoir, en passant par-dessus quelques lettres. La premiere de ces trois méthodes, que les rabbins appellent rasche theboth, paroît fort ancienne ; & passe parmi ceux qui sont versés dans l’hébreu, pour avoir tiré son origine des pseaumes, & autres ouvrages faisant partie de l’Ecriture-sainte ; rangés par ordre alphabétique, de maniere que le premier verset commençoit par א, premiere lettre de l’alphabet ; le second, par ב, seconde lettre, &c. Voyez Abécédaire.

La seconde méthode est aussi fort commune, & s’appelle sophe-theboth, comme qui diroit fin des mots. Par exemple, en assemblant les dernieres lettres de ces mots מה טמומהלי, mihi quodnam nomen est ? quodnam ? ils trouvent le nom de Dieu, Jehovah. C’est une opération encore plus puérile, quand ils retranchent les lettres à rebours.

La troisieme méthode est beaucoup plus moderne, plus bizarre, & plus embarrassante. Par cette méthode, ce n’est point un mot qui donne une lettre seulement : mais chaque lettre unique donne un mot ; ensorte qu’un mot seul pourra fournir une phrase entiere.

Ainsi dans le seul mot אשיהכר, bereshit, que nous traduisons par au commencement, les rabbins trouvent : il créa le ciel & la terre, la mer, l’abîme, &c.

NOTATION, s. f. (Géom.) en Arithmétique, l’art de marquer les nombres par les caracteres qui leur sont propres, & de les distinguer par leurs figures. Voyez Nombre & Chiffre.

Le choix des caracteres arithmétiques est arbitraire ; aussi sont-ils différens chez les différentes nations. Mais il n’y en a peut-être pas de si commodes que ceux dont nous faisons aujourd’hui usage en Europe, qu’on dit avoir été inventes par les Arabes, & qu’on appelle par cette raison chiffres ou caracteres arabes. Cependant, selon l’observation de Wallis, un auteur arabe en attribue l’invention aux Indiens. Voyez Binaire, Dactylonomie & Echelles aritmétiques.

Les Grecs, les Hébreux & les autres peuples de l’Orient, aussi bien que les Romains, marquoient leurs nombres par les lettres de leur alphabet. Voyez Caractere. Chambers. (O)

NOTE, s. f. (Gramm.) observations placées au bas des pages sur les endroits difficiles d’un ouvrage quel qu’il soit.

Il n’y a presque pas un ancien auteur qui n’ait été publié avec des notes, & qui n’en eût besoin.

Le mot note a encore d’autres acceptions. Voyez les articles suivans.

Note d’abréviation, (Littérat.) écriture abré-

gée ; les notes d’abbréviation en grec σημεῖα, étoient des figures qui n’avoient aucun rapport à l’écriture ordinaire, & dont chacune exprimoit ou une syllabe, ou un mot tout entier, à-peu-près comme l’écriture chinoise. Ces abrégés avoient été inventés par Ennius ; ils furent ensuite perfectionnés & augmentés par Tiron, & depuis par un affranchi de Mécénas : enfin, Séneque, ou quelqu’un de ses affranchis les rassembla tous. Non-seulement le Bembe mandoit autrefois au pape Jules II. qu’il avoit vû l’Astronomie composée en vers par Hippinus écrite de cette façon, mais Joseph Scaliger parle aussi d’un pseautier écrit de la même maniere.

Il paroît par un passage de la vie de Xenophon, dans Diogene Laerce, que cette façon d’écrire abrégée étoit en usage chez les Grecs long tems avant qu’elle eût passé chez les Romains. Il est vraissemblable que le mot de notaire vient originairement de cette sorte d’écriture, du moins notarius est expliqué dans un ancien glossaire par σημειογράφος.

Du tems de Cicéron, cette maniere d’écrire servoit principalement pour copier les plaidoyers, & les discours qui se prononçoient dans le sénat, car les actes judiciaires s’ecrivoient en notes, c’est-à-dire en notes abrégées, afin que le scribe pût suivre la prononciation du juge, & ne rien perdre de ses paroles. Ces abréviations n’étoient point un mystere de chicane imaginé pour tourmenter les plaideurs, & multiplier les procès ; les Romains ignoroient cet indigne artifice qui n’est que le fruit de l’intérêt, & l’ouvrage de la barbarie ; chaque citoyen entendoit une partie de ces sortes d’abréviations ; c’étoit d’ailleurs le style ordinaire des inscriptions publiques : les Jurisconsultes les employoient communément dans leurs ouvrages, aussi-bien que les Philosophes & les Rhéteurs dans leurs écoles.

A ces notes abrégées de jurisprudence & de jurisdictions, des particuliers en ajouterent depuis des nouvelles pour leur propre utilité, & qui n’étoient point d’usage au barreau, comme l’assure Valerius Probus : chaque caractere signifioit un mot, & cet usage se perfectionna en se portant à toutes sortes de matieres. Quintilien, Manile, Ausone, Martial, Prudence & Eusebe, S. Jerome, & S. Fulgence parlent de ces caracteres d’abréviations. Plusieurs modernes ont écrit pareillement sur cette matiere, mais Orsati (Sertorio) s’est distingué sur tous les autres par son commentaire sur les notes des Romains ; ouvrage plein d’industrie, de travail, & d’exactitude. Voyez aussi Thachéographie. (D. J.)

Notes, s. f. en Musique, sont genéralement tous les caracteres dont on se sert pour l’écrire ou pour la noter : mais ce terme s’applique plus précisément à ceux de ces caracteres qui désignent immédiatement les sons, leurs divers degrés du grave à l’aigu, & leurs différentes durées.

Les Grecs se servoient des lettres de leur alphabeth pour noter leur musique. Or, comme ils avoient vingt-quatre lettres, & que leur plus grand système, qui, dans un même mode, n’étoit que de deux octaves, n’excedoit pas le nombre de seize sons ; il sembleroit que l’alphabeth devoit être plus que suffisant pour les exprimer. Mais il faut remarquer en premier lieu, que les deux mêmes sons étant tantôt à l’extrémité, & tantôt au milieu du troisieme tétracorde, selon le lieu où se faisoit la disjonction, Voyez Systeme, Tétracorde ; on leur donnoit à chacun des noms qui marquoient ces diverses circonstances : secondement, que ces seize sons n’étoient pas tous les mêmes dans chacun des trois genres, qu’il y en avoit de communs, & qu’il y en avoit de différens ; il falloit par conséquent des notes particulieres pour exprimer ces différences : troisiemement, que la musique instrumentale se notoit d’une