L’Encyclopédie/1re édition/TACHÉOGRAPHIE

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TACHÉOGRAPHIE, s. f. (Littérat.) on appelloit ainsi chez les Romains l’art d’écrire aussi vîte que l’on parle, par le moyen de certaines notes dont chacune avoit sa signification particuliere & désignée. Dès que ce secret des notes eut été découvert, il fut bien-tôt perfectionné ; il devint une espece d’écriture courante, dont tout le monde avoit la clé, & à laquelle on exerçoit les jeunes gens. L’empereur Tite, au rapport de Suétone, s’y étoit rendu si habile, qu’il se faisoit un plaisir d’y défier ses secrétaires mêmes. Ceux qui en faisoient une profession particuliere, s’appelloient en grec ταχυγράφοι, & en latin notarii. Il y avoit à Rome peu de particuliers qui n’eussent quelque esclave ou affranchi exercé dans ce genre d’écrire. Pline le jeune en menoit toujours un dans ses voyages. Ils receuilloient ainsi les harangues qui se faisoient en public.

Plutarque attribue à Cicéron l’art d’écrire en notes abregées, & d’exprimer plusieurs mots par un seul caractere. Il enseigna cet art à Tiron son affranchi ; ce fut dans l’affaire de Catilina qu’il mit en usage cette invention utile, que nous ignorons en France, & dont les Anglois ont perfectionné l’idée, l’usage & la méthode dans leur langue. Comme Caton d’Utique ne donnoit aucune de ses belles harangues, Cicéron voulut s’en procurer quelques-unes. Pour y réussir, il plaça dans différens endroits du sénat deux ou trois personnes qu’il avoit stylées lui-même dans l’art tachéographique, & par ce moyen il eut, & nous a conservé le fameux discours que Caton prononça contre César, & que Salluste a inséré dans son histoire de Catilina : c’est le seul morceau d’éloquence qui nous reste de ce grand homme. (D. J.)

L’art tachéographique est encore en usage en Angleterre.