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mort, afin que nous ne soyons plus confiants en nous, mais en Dieu qui nous a délivrés de tant de morts et qui nous en délivrera ». (2Cor. 1,8-10) Et enfin : « J’ai été délivré de la gueule du lion ; le Seigneur encore me délivrera ». (2Tim. 4,17) Ainsi partout nous le trouvons se glorifiant d’une seule chose : c’est qu’il a trouvé le salut par miséricorde.
5. Tel était aussi Pierre, objet d’une si grande miséricorde, et Jésus-Christ le lui avait signifié par cet oracle : « Voici que Satan a demandé de vous cribler, comme le froment ; mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ». (Lc. 22,31) Saint Jean de même n’était ce qu’il était que par miséricorde, ou pour mieux dire, tous les apôtres, puisque Jésus-Christ leur disait : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; c’est moi qui ai a fait choix de vous ». (Jn. 15,16) En effet, nous avons tous besoin de la miséricorde de Dieu : « La miséricorde de Dieu », dit l’Écriture, « est sur toute chair ».
Si de tels hommes ont eu besoin de la miséricorde de Dieu, que dirons-nous des autres ? Quelle autre cause, dites-moi, fait lever le soleil sur les bons et sur les méchants ? Si pendant une année seulement elle enchaînait les pluies, le genre humain tout entier n’aurait-il pas péri ? Et qu’arriverait-il si Dieu multipliait les orages, s’il faisait tomber le feu en pluie, les moucherons en nuées ? Mais que dis-je ? Qu’il amène seulement la nuit continuelle, comme il l’a fait déjà, tous les hommes ne seront-ils pas perdus ? Qu’il secoue la terre, tous ne devront-ils pas périr ? « Qu’est-ce que l’homme », ô mon Dieu, « pour que vous daigniez vous souvenir de lui ? » (Ps. 8,5) L’heure n’est-elle pas venue de dire, qu’une simple menace de Dieu contre la terre suffit pour que tous les hommes ne soient plus qu’un tombeau ? « Ce qu’est une goutte d’eau dans l’urne, les nations le sont à ses yeux, elles ne sont pour lui qu’un peu d’écume, qu’une inclinaison d’une balance ». (Is. 40,15) Autant il nous est facile d’imprimer le mouvement à une balance, autant il lui est aisé de tout anéantir et de tout refaire à nouveau. Puisqu’il nous tient dans sa main avec une telle puissance, et que chaque jour il nous voit l’offenser sans nous punir, ne nous supporte-t-il pas dans sa miséricorde ? Les animaux mêmes sont et subsistent par sa miséricorde : « Vous sauverez, Seigneur », s’écrie le Prophète, « les hommes et les animaux ». (Ps. 35,7) Dieu a regardé le monde, et l’a rempli d’êtres vivants : pour qui ? Pour vous ; et vous-mêmes, pourquoi vous créa-t-il ? Par sa bonté.
Rien n’est comparable à cette huile de la miséricorde. Elle est la cause et l’aliment de la lumière ici-bas et plus haut. « Un jour », en effet, dit le Prophète, « votre lumière éclatera comme l’aube du matin » (Is. 58,8), si vous pratiquez la miséricorde envers le prochain. Et ce sera justice : comme l’huile alimente le phare qui éclaire les navigateurs, ainsi pour l’autre vie l’aumône nous allume et nous procure une grande et admirable lumière. Cette huile, Paul en parlait souvent et grandement. Écoutez-le nous dire tantôt : « Seulement souvenons-nous des pauvres ! » (Gal. 2,10) Tantôt : « S’il vaut la peine, j’irai moi-même ». (1Cor. 16,4) Partout, toujours, en toute manière, cette vertu fait l’objet de sa sollicitude. C’est ainsi qu’il dit encore : « Que les nôtres aussi apprennent à surpasser tout le monde par les bonnes œuvres » ; et ailleurs : « Toutes ces choses sont bonnes et utiles aux hommes ». (Tit. 3,14, 8) Écoutez un autre écrivain sacré : « L’aumône délivre de la mort ». (Tob. 12,9) « Seigneur », dit un autre Prophète, « Seigneur, si vous écartez votre miséricorde, « qui donc pourra subsister ? » Et encore : « Si vous entrez en jugement avec votre serviteur ». (Ps. 129,3 et 142, 2) Et enfin « Une grande chose, c’est l’homme ; une merveille d’honneur, c’est l’homme miséricordieux ». (Prov. 20,6)
Faire miséricorde, c’est tout l’homme, disons mieux, c’est déjà Dieu. Voyez quelle est la puissance de la divine miséricorde. Elle a fait toutes choses, et spécialement elle a créé le monde et les anges eux-mêmes, tout cela, je le répète, par le seul effet de sa bonté. Il ne nous a menacés de l’enfer qu’afin que nous possédions son royaume, et ce royaume aussi nous le devrons à la miséricorde. Pourquoi Dieu, bien qu’heureux dans sa solitude, a-t-il voulu donner l’existence à tant de créatures ? N’est-ce pas par bonté ? n’est-ce pas par amour ? Oui, si vous demandez pourquoi telle créature, pourquoi telle autre, de toutes parts vous découvrirez la bonté divine.
Ayons donc pitié du prochain, afin que sur