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DE PIERRE DE RONSARD

reveiller souz Charles neufiesme, bon et vertueux Prince[1] pere des bons esprits, et des ars et sciences[2], lequel print Ronsard en telle amitié, admirant l’excellence de son divin esprit, qu’il luy commanda de le suivre, et de ne le point abandonner[3], luy faisant marquer logis et accommoder par tout où il alloit *, mesmement au voyage de Bayonne, où il le voulut avoir tousjours auprès de soy *. De ceste faveur[4] il reprit courage, et plus que jamais s’echaufa à la Poësie, et mit en effect les projects de la Franciade, dont il avoit dressé le dessein par argumens de quatorze livres que j’ay veus[5] *. Il luy en presenta quatre seulement, qu’il eut moyen d’achever pendant que la faveur et l’enthosiasme[6] durerent avec la vie d’un si genereux Roy *. Il luy presenta aussi, d’autant qu’il se plaisoit à la chasse[7] et aux plaisirs rusticques, ses Eclogues *, où il monstra[8] la fecondité de son esprit, luy estant aussi facile d’abaisser son stile comme il luy estoit aisé et quasi propre et naturel de le hausser[9] *.

  1. C Prince, qui succeda à François son frere,
  2. BC suppriment et des ars et sciences
  3. C de le suivre par tout et ne le point abandonner,
  4. A aupres de soy : de ceste faveur | C luy faisant marquer logis en sa maison, tesmoin le voiage de Bayonne en l’avantvenuë d’Elizabeth de France Royne d’Espaigne, où il le voulut avoir tousjours pres de luy : tesmoin aussi le voiage de Meaux où le Roy cuida estre pris par les ennemis, lequel il assista jusques dans Paris *. De ceste faveur
  5. A que j’ay veus, il | C de 14 livres que j’ay veus, qu’il desiroit continuer jusques à 24, à l’imitation d’Homere ; il
  6. BC enthousiasme
  7. C genereux Prince. Il luy avoit aussi presenté, d’autant qu’il se plaisoit fort à la chasse
  8. B Eclogues : où il monstra
  9. B hausser. Il m’a dit maintesfois, que plusieurs pieces de ses Amours et des Mascarades avoient esté forgées sur le commandement des Grans *. Voila pourquoy personne n’ignore en faveur de qui il fit les Amours d’Eurimedon (sic) et de Callirée (sic) *, et ceux d’Astrée *. Quant à Heleine de Surgeres, il s’est aidé de son nom, de ses vertus et de sa beauté pour embellir ses vers *, et luy a cette gentille Damoiselle servy de blanc, pour viser et non pour tirer ou attaindre, l’ayant aimée chastement, et principalement pour son gentil esprit en la Poësie et autres bonnes parties. Il me l’a tesmoigné souvent, et le monstre assez en ce Sonnet, Tout ce qui est de sainct *. Il luy consacra une Fonteine qui est en Vandomois, et qui encor aujourd’huy garde son nom *. Le Roy Charles...

    C hausser. Il m’a dict maintefois qu’aucunes pieces de ses Amours et des Mascarades avoient esté forgées sur le commandement des grans, voulant dire qu’il avoit souvent forcé sa Minerve et n’y avoit pris grand plaisir, quelques autres en ayant remporté la recompense : c’est pourquoy il fit mettre au devant de ces ouvrages là les vers de Virgile, Sic vos non vobis, et les suivans *. On sçait assez en faveur de qui il fit les Amours de Callyrée (sic) [,] qui estoit une tresbelle dame de la Cour, de la noble maison d’Atry, surnommée Aqua viva : comme il l’exprime assez en ce Sonet qui commence, La belle eau vive * : et ceux d’Astrée qui fut aussi une fort belle dame de la Cour, dont le nom est assez embelly parle seul deguisement d’une voyele changée en la prochaine premiere.

    Apres avoir chanté divers subjects il voulut finir et couronner ses œuvres par les