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COMMENTAIRE HISTORIQUE

mars 1565, et c’est probablement de là que, sur l’ordre de Charles IX, il partit en mai pour rejoindre la Cour à Bayonne, comme le dit J.-A. de Thou : « Illuc etiam ultro accersitus fuerat P. Ronsardus… qui versus in pompis illis recitatos fecit… » (Hist., XXXVII, éd. de 1733, tome II, p. 435). Mais je crois, sans pouvoir toutefois l’affirmer, que Ronsard, malade, s’arrêta « aux bords de la Garonne », à Bordeaux, comme il ressort du poème de la Lyre (Bl., VI, 53), et qu’il se contenta de composer là les Stances pour l’Avant-venue de la Royne d’Espagne (IV, 131), qui furent lues à Bayonne au début des fêtes, sans qu’il y pût assister. Cette pièce, à laquelle Binet fait allusion en C, et J.-A. de Thou dans son Histoire, parut dans le recueil des Elegies, Mascarades et Bergerie vers le 1er  août 1565.

Voici les raisons qui me font douter de la présence de Ronsard à Bayonne : 1o Nulle part Ronsard n’en a dit mot, bien qu’il pût s’en glorifier, pas même dans le poème de la Lyre, où l’occasion était pourtant belle, ni dans le Tombeau de Marguerite de France, où il dit en parlant de Charles IX et de la retraite de Meaux :

Je me trouvay deux fois à sa royale suite…

2o Les Stances ci-dessus mentionnées contiennent un vers qui semble prouver qu’il ne fut pas témoin des fêtes de Bayonne :

Le jour heureux que par penser j’honore.

3o Cette pièce est la seule qu’il ait recueillie dans ses œuvres, pour des fêtes qui durèrent 18 jours (du 12 au 30 juin), alors que Baïf a publié une vingtaine de mascarades et inscriptions qu’il composa à Bayonne (éd. Marty-Laveaux. II, 331 à 342).

4o Aucun des ouvrages qui relatent ou jugent ces fêtes ne signale la présence de Ronsard. V. notamment la Corresp. de Catherine de Médicis, t. II ; le Voyage du Roy Charles IX, par Abel Jouan (Paris, Bonfons, 1566) ; l’Ample discours de l’arrivée de la Royne Catholique (Paris, Dallier, 1565) ; le Recueil des choses notables faites à Bayonne (Paris, Vascosan, 1566) ; les Mémoires de Brantôme et de Marguerite de Navarre, qui tous deux étaient à Bayonne. La Popelinière (Hist. de France, 1581, t. I. liv. x, p. 381) se contente de renvoyer au Recueil des choses notables et ne dit pas un mot de Ronsard. Rien non plus dans Davila, dans P. Mathieu, dans le P. Daniel.

Mais, tout bien pesé, ces raisons, presques toutes a silentio, ne m’ont pas paru suffisantes pour conclure catégoriquement que Ronsard ne fut pas à Bayonne, et qu’il se contenta d’y envoyer les fameuses Stances.

Cf. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 223 à 225, et Appendice, pièce justific. II.

P. 25, l. 10. — que j’ay veus. L’affirmation de Binet sur l’existence des « arguments » de quatorze livres de la Franciade est corroborée par ces lignes de Colletet : « Et il est si vray que Ronsard, en nous donnant cet eschantillon d’un poème épique (les 4 premiers livres), avoit l’intention de nous donner la pièce entière, que Cl. Binet rapporte en quelque endroit de sa vie, qu’il luy en avoit montré les argumens des douze