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ET CRITIQUE

ter sa passion, mais pour quelque autre dont il fut prié, desirant infiniment n’estre point recherché de tels importuns ». (Bl., I, 49.) Il a pu se servir d’un quatrième texte, du sonnet à Henri III, Prince quand tout mon sang..., qui remonte sans doute à l’époque où ce roi pria Ronsard de chanter sa maîtresse Renée de Châteauneuf, ainsi que le faisaient Desportes et Amadis Jamin :

Maintenant que je suis sur l’autonne et grison,
Les amours pour Ronsard ne sont plus de saison :
Je ne veux toutesfois m’excuser dessus l’âge.
Vostre commandement de jeunesse me sert,
Lequel maugré les ans m’allume le courage,
D’autant que le bois sec brusle mieux que le verd.
(Bl., V, 312.)


Outre ceux-ci et ceux que mentionne Binet, les exemples abondent de pièces écrites par Ronsard au nom d’autres personnes. V. le sonnet de 1565, On dit qu’Amour, adressé par une femme à un homme (Bl. I, 421) ; l’élégie de 1565, Pour vous montrer que j’ay, adressée par une femme à une femme, et le sonnet de 1565, Anne m’a fait, qui est la réponse à cette élégie (Bl. IV, 375 ; I, 428).

J’ai pensé même que la plus jolie des chansons de Ronsard, Quand ce beau printemps je voy... qui date de 1563, fut écrite pour le prince Louis de Condé et adressée en son nom à sa maîtresse Isabeau de Limeuil (cf. Rev. d’Hist. litt., 1902, p. 443). Mais j’ai abandonné cette première opinion (cf. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 210 à 212).

P. 25, l. 34. — Callirée. Ces poésies ont été écrites « en faveur » de Charles IX, amoureux, comme Binet a osé le dire en C, d’Anne d’Atri d’Acquaviva. Sur cette Napolitaine, demoiselle d’honneur de Catherine de Médicis, fille du duc François d’Atri, et petite-fille du prince de Melfe, mariée à l’Italien Dadjacetto, et devenue par ce mariage comtesse de Châteauvillain, voir Brantôme, éd. Lalanne, II, 28 et 232 ; VII, 394 ; IX, 49 ; E. Frémy, op. cit., p. 190.

Sur la nature des relations que Charles IX entretint avec Anne d’Atri d’Acquaviva, Brantôme a laissé un curieux renseignement. Comme une grande dame de la Cour disait au Roi : « Vous ne portez point d’affection aux femmes et faites plus de cas de la chasse et de vos chiens que de nous autres, » il répondit : « Dont avez [vous] ceste opinion de moy, que j’ayme plus l’exercice de la chasse que le vostre ? Et par Dieu, si je me despite une fois, je vous joindray de si près toutes vous autres de ma court, que je vous porteray par terre les unes après les autres » ; et Brantôme ajoute : « Ce qu’il ne fit pas pourtant de toutes, mais en entreprit aucunes, plus par reputation que lasciveté, et très sobrement encore : et se mit à choisir une fille de fort bonne maison, que je [ne] nommeray point, pour sa maistresse, qui estoit une fort belle, sage et honneste damoyselle, qu’il servit à tous les honneurs et respectz qu’il estoit possible, et plus, disoit-il, pour façonner et entretenir sa grace que pour autre chose, n’estant rien, disoit-il, qui façonnast mieux un jeune homme que l’amour logée en un beau et noble subject. Et a tousjours aymé ceste honneste damoyselle jusqu’à la