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ET CRITIQUE

noit plaisir à faire des vers, qu’il envoyoit à son poete M. de Ronsard, homme, adjouste-t-il, qui se faict plus paroistre par ses vertus et doctes vers que je ne le sçaurois descrire, de qui la lecture lui estoit si agreable que bien souvent il passoit une partie de la nuict à lire ou à faire reciter ses poemes, à quoy il employoit volontiers Amadis Jamyn, Adrian Leroy, maistre de la musique de sa chambre, et quelques autres de ses serviteurs domestiques. » (Vie de Rons., p. 120). La Vie de Charles IX par Sorbin a été réimprimée dans les Archives curieuses de Cimber et Danjou (1re série, tome VIII), mais le passage cité par Colletet y est quelque peu différent : on lit facture au lieu de lecture, et Estienne le Roy, ou lieu d’Adrian Leroy (p. 300). — Ronsard a écrit de son côté dans le Tombeau de Marguerite de France :

Quatorze ans ce bon Prince alegre je suivy :
Car autant qu’il fut Roy autant je le servy.
Il faisoit de mes vers et de moi telle estime
Que souvent sa Grandeur me rescrivoit en rime.
Et je luy respondois m’estimant bien heureux
De me voir assailly d’un Roy si genereux.
Ainsi Charles mourut, des Muses la defense
L’honneur du genre humain, delices de la France.
(Bl., VII, 187)

Mais Binet a eu tort de prendre à la lettre le premier de ces vers. Ronsard, comme « conseiller et aumonier ordinaire du Roy », faisait partie de sa suite, mais Charles IX ne lui commanda pas « de le suivre partout », et en fait Ronsard passa des mois et des mois loin de Charles IX, par exemple dans son prieuré de Saint-Cosme.

P. 25, l. 7. — aupres de soy. Ici l’erreur de Binet est flagrante. D’abord le voyage de Bayonne a duré plus d’un an et demi, Charles IX, sa mère et leur Cour étant partis de Fontainebleau en mars 1564, étant arrivés à Bayonne en juin 1565, après avoir passé par Troyes, Bar-le-Duc, Dijon, Lyon, Marseille, Montpellier, Carcassonne, Toulouse, Bordeaux, Mont-de-Marsan, et étant revenus (à partir de juillet) par Nérac, Angoulême, Cognac, Saintes, La Rochelle, Nantes, Angers, pour aboutir à Plessis-lez-Tours le 20 novembre. (Cf. la Correspondance de Catherine de Médicis, et le Recueil et Discours du voyage du Roy Charles IX..., par Abel Jouan, « l’un des serviteurs de Sa Majesté », publié en 1566).

Ensuite Ronsard, qui prit une grande part aux fêtes du Carnaval de Fontainebleau en 1564 et participa encore à celles de Bar-le-Duc, où il était avec la Cour dans les premiers jours de mai, n’accompagna pas plus loin Charles IX. Nommé alors abbé de Bellozane, il dut aller prendre possession de son abbaye. D’autre part, il a écrit vers la fin de juillet le poème des Nuës, où il fait connaître l’état d’esprit des Parisiens aux voyageurs royaux qui étaient alors aux environs de Lyon ; puis, dans les derniers mois de 1564, il a adressé de Paris une élégie à Catherine de Médicis qui parcourait alors avec ses fils la Provence et le Languedoc (Bl., VI, 259 ; III, 381).

Enfin il prit possession de son prieuré de Saint-Cosme-lez-Tours en