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COMMENTAIRE HISTORIQUE

mort, bien qu’il eust sa femme, la reyne Elisabet, fort agreable et aymable princesse. » (éd. Lalanne, tome V, p. 274.)

Ces lignes peuvent servir de commentaire non seulement aux Amours d’Eurymedon et de Callirée, œuvre de Ronsard, mais encore à une pièce de Desportes intitulée Stances pour le Roy Charles IX à Callirée : « Cesse, Amour, tes rigueurs, mets fin à ta poursuite... » (éd. A. Michiels, p. 405).

Dreux du Radier s’est lourdement trompé en disant que le nom de Callirhoé (sic) cache Marie Touchet, la maîtresse la plus connue de Charles IX, et en attribuant à Dorat les Stances : « De fortune Diane et l’archerot Amour... » (Reines et Régentes de France, 2e éd., 1776, tome V, pp. 114-115). — A. Michiels a reproduit la première de ces erreurs dans la notice placée en tête de son édition des Œuvres de Desportes (p. xvii).

P. 25, l. 34. — ceux d’Astrée. Ainsi, d’après Binet, les Sonnets et Madrigals pour Astrée auraient été écrits « sur le commandement » et « en faveur » d’un grand seigneur, peut-être même de Charles IX ou de l’un de ses frères. Si cela était, comment expliquer la fin du premier sonnet d’Astrée :

Et moi je veux honorer ma contrée
De mon sepulchre, et dessus engraver :
Ronsard, voulant aux astres s’eslever
Fut foudroyé par une belle astrée.
(Bl., I, 265.)


Comment expliquer ce passage du douzième sonnet :

Alors qu’Amour dont les traits sont cuisants
Me dit : Ronsard, pour avoir un bon guide... ?


À moins que notre poète n’ait pris pour lui, au moment de la publication (1578), les soupirs et les déclarations qu’il avait mis primitivement dans la bouche d’un autre, et substitué alors son nom à celui de l’amant qu’il faisait parler d’abord, ce qui lui est arrivé d’autres fois.

Marcassus, qui commenta ces poésies en 1623, a compris, contrairement à Binet, qu’il s’agissait d’une maîtresse de Ronsard, courtisée

Trois mois entiers d’un desir volontaire
(Ibid., 271) ;


et Colletet, préférant cette interprétation à celle de Binet, a écrit de son côté : « Les Amours d’Astrée sont de veritables marques de l’ardante passion que Ronsard conceut pour une belle dame de ceste ancienne et illustre famille d’Estrée, dont il voulut desguiser le nom par le changement d’une seule voyelle en une autre. » (Vie de Ronsard, édit. citée, p. 65.)

Quoi qu’il en soit, la dame de la Cour qui inspira cette passion s’appelait Françoise d’Estrée ; à cet égard, le quatrième sonnet de Ronsard

Douce Françoise, ainçois douce framboise...