Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 346-351).

CHAPITRE XXXIV.

SABA[1].


Donné à la Mecque. — 54 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Gloire à Dieu, à qui appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. La gloire dans l’autre monde lui appartient aussi ; il est le Sage, l’Instruit.
  2. Il sait ce qui entre dans la terre et ce qui en sort ; ce qui descend du ciel et ce qui y monte. Il est le Compatissant, l’Indulgent.
  3. Les incrédules disent : L’heure ne viendra pas. Réponds : Certes, elle viendra, j’en jure par le Seigneur, qui connaît les choses cachées ; à sa connaissance n’échappe même pas le poids d’un atome. Il n’y a dans les cieux et sur la terre rien, qu’il soit plus petit ou plus grand qu’un atome, qui ne soit consigné dans le Livre évident,
  4. Afin que Dieu récompense ceux qui ont cru et fait le bien. A eux le pardon et une subsistance généreuse.
  5. Ceux qui travaillent à affaiblir nos signes (à déprécier nos miracles) recevront le châtiment d’un supplice douloureux.
  6. Ceux qui ont reçu la science voient bien que le livre qui t’a été envoyé d’en haut par ton Seigneur est la vérité ; qu’il conduit dans le sentier du Puissant, du Glorieux.
  7. Les incrédules disent à ceux qu’ils rencontrent : Voulez-vous que nous vous montrions l’homme qui vous prédit que, lorsque vous aurez été déchirés et rongés en tout sens, vous serez ensuite revêtus d’une forme nouvelle ?
  8. Ou il a inventé un mensonge contre Dieu, ou il est démoniaque. Dis plutôt : Ceux qui ne croient point à la vie future seront dans le supplice et dans un égarement sans terme.
  9. Ne voient-ils pas ce qui est devant eux et derrière eux ? le ciel et la terre ? Si nous voulions, nous pourrions les faire engloutir par la terre entr’ouverte, ou faire tomber sur leurs têtes un fragment du ciel. Dans ceci il y a un signe pour tout serviteur de Dieu capable de se convertir.
  10. Nous avons accordé à David un don qui venait de nous (le talent de chanter). Nous dîmes : O montagnes et oiseaux ! alternez avec lui dans ses chants. Nous avons amolli le fer entre ses mains, et lui dîmes : Fais-en des cottes de mailles complètes, et observe bien la proportion des mailles. Faites le bien, car je vois vos actions.
  11. Nous assujettîmes le vent à Salomon. Il soufflait un mois le matin et un mois le soir. Nous fîmes couler pour lui une fontaine d’airain. Les génies travaillaient sous ses yeux, par la permission du Seigneur, et quiconque s’écartait de nos ordres était livré au supplice du brasier ardent.
  12. Ils exécutaient pour lui tous les travaux qu’il voulait, des palais, des statues[2], des plateaux larges comme des bassins, des chaudrons solidement étayés. O famille de David ! rendez-nous des actions de grâces. Qu’il y a peu d’hommes reconnaissants parmi mes serviteurs !
  13. Et lorsque nous décrétâmes qu’il mourût, ce fut un reptile de la terre qui l’apprit le premier à tous : il avait rongé son bâton qui soutenait le cadavre ; et quand celui-ci tomba, les génies reconnurent que, s’ils avaient pénétré le mystère, ils ne seraient pas restés aussi longtemps dans cette peine avilissante[3]
  14. Les habitants de SABA avaient, dans le pays qu’ils habitaient, un signe d’avertissement : deux jardins, à droite et à gauche[4]. Nous leur dîmes : Mangez de la nourriture que vous donne votre Seigneur ; rendez-lui des actions de grâces. Vous avez une contrée charmante et un Seigneur indulgent.
  15. Mais ils se détournèrent de la vérité. Nous envoyâmes contre eux l’inondation des digues[5], et nous échangeâmes leurs deux jardins contre deux autres produisant des fruits amers, des tamarins et quelques fruits du petit lotus.
  16. C’est ainsi que nous les rétribuâmes de leur incrédulité. Récompenserons-nous ainsi d’autres que les ingrats ?
  17. Nous établîmes entre eux et les villes que nous avons bénies des cités florissantes ; nous établîmes à travers ce pays une route, et nous dîmes : Voyagez-y en sûreté le jour et la nuit.
  18. Mais ils dirent : Seigneur, mets une plus grande distance entre nos chemins[6]. Ils ont agi avec iniquité envers eux-mêmes. Nous les rendîmes la fable des nations, et nous les dispersâmes de tous côtés. Il y a dans ceci un avertissement pour tout homme qui sait souffrir et qui est reconnaissant.
  19. Éblis reconnut qu’il les avait bien jugé. Tous l’ont suivi, sauf quelques croyants.
  20. Il n’avait cependant aucun pouvoir sur eux ; seulement, nous voulions savoir qui d’entre eux croira à la vie future et qui en doutera. Ton Seigneur veille sur toute chose.
  21. Dis-leur : Appelez ceux que vous croyez exister outre Dieu. Ils n’ont pas de pouvoir au ciel ni sur la terre, pas même pour le poids d’un atome. Ils n’ont eu aucune part dans leur création, et Dieu ne les a point pris pour ses aides.
  22. L’intercession de qui que ce soit ne servira de rien, sauf à celui à qui Dieu le permettra. Ils attendront jusqu’au moment où la crainte sera bannie de leurs cœurs[7]. Ils diront alors : Qu’est-ce que Dieu a dit ? On leur répondra : La vérité. Il est le Sublime, le Grand.
  23. Dis-leur : Qui est-ce qui vous envoie la nourriture des cieux et de la terre ? Dis : C’est Dieu. Moi ou vous, sommes-nous sur le droit chemin ou dans l’égarement évident ?
  24. On ne vous demandera point compte de nos fautes, ni à nous non plus de vos actions.
  25. Dis : Notre Seigneur nous réunira tous, et prononcera entre nous en toute justice. il est le Juge suprême[8], le Savant.
  26. Dis : Montrez-moi ceux que vous lui avez adjoints comme associés. Il n’en a point. Il est le Puissant, le Sage.
  27. Nous t’avons envoyé vers tous les hommes sans exception, ô Mohammed ! pour annoncer et menacer à la fois. Mais la plupart des hommes ne savent pas.
  28. Ils disent : Quand donc s’accomplira cette promesse ? Dites si vous êtes sincères.
  29. Dis-leur : Votre rendez-vous sera le jour que vous ne saurez ni reculer ni avancer d’un seul instant.
  30. Les incrédules disent. : Nous ne croirons ni à ce Koran ni aux livres envoyés avant lui. Si tu voyais les méchants, lorsqu’ils seront amenés devant leur Seigneur et se renverront mutuellement des reproches ! Les faibles de la terre diront aux puissants : Sans vous, nous aurions été croyants.
  31. Et les puissants répondront aux faibles : Est-ce nous qui vous avons empêchés de suivre la direction quand elle vous a été donnée ? Vous en êtes coupables vous-mêmes.
  32. Et les faibles répondront aux puissants : Non, ce sont vos ruses de chaque jour et de chaque nuit, lorsque vous nous commandiez de ne point croire en Dieu et de lui donner des égaux. Tous ils cacheront leur dépit à la vue des tourments. Nous chargerons de chaînes le cou des infidèles. Seraient-ils rétribués autrement qu’ils n’ont agi ?
  33. Nous n’avons pas envoyé un seul apôtre vers une cité, que les hommes opulents n’aient dit : Nous ne croyons pas à sa mission.
  34. Ils disaient : Nous sommes plus riches en biens et en enfants ; ce n’est pas nous qui subirons le supplice.
  35. Dis-leur : Mon Seigneur verse à pleines mains ses dons à qui il veut, ou les mesure ; mais la plupart des hommes ne le savent pas.
  36. Ce n’est point par vos richesses ni par vos enfants que vous vous rapprocherez plus près de nous. Il n’y a que ceux qui croient et font le bien qui le feront ; à eux la récompense portée au double pour prix de leurs actions. Ils se reposeront en sûreté dans les hautes galeries du paradis.
  37. Mais ceux qui s’efforcent d’annihiler nos signes seront livrés au supplice.
  38. Dis : Mon Seigneur verse à pleines mains ses dons sur celui qu’il veut, d’entre ses serviteurs, ou les mesure. Tout ce que vous donnerez en aumônes, il vous le rendra. Il est le meilleur dispensateur de dons.
  39. Un jour il vous rassemblera tous, puis il demandera aux anges : Est-ce vous qu’ils adoraient ?
  40. Et les anges répondront : Par ta gloire ! tu es notre patron et non point eux. Ils adoraient plutôt les génies ; le plus grand nombre croient en eux.
  41. Ce jour-là aucun d’entre vous ne disposera en faveur de l’autre d’aucun bien ni d’aucun mal. Nous dirons aux infidèles : Goûtez le châtiment du feu que vous avez jadis traité de mensonge.
  42. Lorsqu’on leur récite nos enseignements, ils disent : Cet homme ne veut que nous détourner des divinités qu’adoraient nos pères. Ils diront encore ; Le Koran n’est qu’un mensonge forgé récemment. Quand la vérité se fait clairement voir à eux, les incrédules disent : Ce n’est que de la magie manifeste.
  43. Avant toi nous ne leur avions donné aucun livre, ni envoyé aucun apôtre.
  44. Ceux qui les ont précédés traiteront nos envoyés d’imposteurs. Ceux-ci n’ont point obtenu le dixième de ce que nous avions accordé aux autres, et ils ont traité également nos envoyés d’imposteurs. Que mon châtiment a été terrible)
  45. Dis-leur : Je vous engage à une seule chose. Présentes-vous sous l’invocation de Dieu, deux à deux ou séparément[9], et considérez bien si votre compatriote est atteint de la démonomanie, s’il est autre chose qu’un apôtre chargé de vous avertir à l’approche du supplice terrible.
  46. Dis-leur : Je ne vous demande pas de salaire, gardez-le pour vous. Mon salaire n’est qu’à la charge de Dieu, Il est témoin de toutes choses.
  47. Dis : Dieu n’envoie que la vérité à ses apôtres. Il connaît parfaitement les choses cachées.
  48. Dis : La vérité est venue, le mensonge ne paraîtra pas et ne reviendra plus.
  49. Dis : Si je suis dans l’erreur, j’y suis à mon détriment ; si je suis dans le droit chemin, c’est par suite de ce que m’a révélé mon Seigneur. Il entend tout, il est proche partout.
  50. Ah ! si tu voyais comme ils trembleront sans trouver d’asile, et comme ils seront assaillis d’un endroit proche, en sorte qu’ils ne sauront échapper.
  51. Ils diront : Voilà ! nous avons cru en lui. Mais comment atteindraient-ils à cette foi qu’ils affectent maintenant quand ils sont si loin par leur passé ?
  52. Ils ne croyaient pas auparavant et lançaient des propos au sujet des choses cachées de si loin[10].
  53. Un intervalle immense s’interposera entre eux et ce qu’ils désirent[11].
  54. Il en fut ainsi avec leurs semblables d’autrefois, qui étaient dans le doute, remettant tout en question.

  1. Saba est le nom d’un pays dans l’Arabie Heureuse, à trois journées de Sanaa. La reine de ce pays, Balkis, selon les mahométans, avait envoyé un message à Salomon (voy. chap. XXVII). Sur le pays de Saba et la langue qu’on y parle, voyez les articles de M. Fresnel dans le Journal asiatique.
  2. Parmi les ouvrages exécutés par les génies, on cite le trône de Salomon, supporté par deux lions couchés et surmonté de deux aigles. Quand Salomon montait sur le trône, les lions étendaient leurs pattes, et, quand il s’asseyait, les aigles l’ombrageaient de leurs ailes.
  3. On a déjà vu dans les chap. II et XXVII quelques détails sur Salomon. Chez les musulmans, Salomon est le type d’un roi sage, puissant ; sa magnificence est devenue proverbiale. Les commentateurs racontent, d’après les sources rabbiniques sans doute, que Salomon, se voyant dans un âge très-avancé, pria Dieu de cacher sa mort jusqu’à ce que les ouvrages et les édifices entrepris par lui fussent terminés. Il craignait que les génies n’abandonnassent les travaux aussitôt après sa mort. Dieu agréa la demande de Salomon, et, quand le moment de sa mort vint, il était à genoux, faisant la prière appuyé sur son bâton. Les génies, le voyant toujours en vie, achevèrent les travaux.
  4. Il faut entendre ici par les jardins tout un pays couvert de jardins, dans le pays appelé Marib, à trois journées de distance de Sanaa.
  5. L’inondation des digues est une des principales époques de l’histoire de l’Arabie ; cette catastrophe occasionna une émigration des tribus, qui depuis cette époque se fixèrent tant dans les autres parties de l’Arabie qu’en Syrie. Quoiqu’il soit difficile de préciser l’époque de cet événement, les recherches de M. de Sacy permettent de la rapporter au deuxième siècle après Jésus-Christ. Voyez aussi l’histoire des Arabes, par M. Caussin de Perceval, 3 vol., 1849.
  6. Ils étaient ennuyés, disent les commentateurs, de tant de bénédictions, ils voulaient avoir l’occasion de pressurer les pauvres gens par des voyages à travers les déserts. Aussi Dieu rendit ce pays désert.
  7. Car ceux qui voudraient intercéder n’oseront pas prononcer un seul mot avant que Dieu leur en donne la permission.
  8. Le mot arabe employé ici est elfettah, proprement qui ouvre tout, qui dénoue et tranche toutes les difficultés et tous les différends.
  9. Deux à deux ou un à un, et non pas ensemble, où l’on est plus facilement influencé par le jugement des autres.
  10. La foi ou le salut, et la délivrance du feu.
  11. Les versets 50, 5l, 52, contiennent une sorte de jeu de mots qui peut à peine être sensible dans la traduction ; et qui consiste dans l’emploi des mots proche, de près, de loin, lancer, atteindre ; le mot lancer (en arabe rama) signifie aussi au figuré : se moquer de quelque chose. Les choses cachées sont les mystères du paradis, de l’enfer, de la vie future ; les incrédules, dit le Koran, se moquent des mystères, ils en sont si loin ! ils sont si incapables de les comprendre !