L’Encyclopédie/1re édition/PAIN

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PAIN, s. m. (Boulangerie.) les diverses especes de farine dont les Boulangers font leur pain, sont la pure fleur de farine pour le pain mollet, la farine blanche d’après la fleur, pour le pain blanc ; les fins gruaux mêlés avec cette derniere, pour le pain bis-blanc ; les gros gruaux, avec partie de farine blanche & de fin gruau, pour le pain bis.

Le pain se fait de farine de mays dans la plus grande partie de l’Asie, de l’Afrique & de l’Amérique ; outre le mays, l’Amérique a encore la racine de cassave, dont le suc récent est un poison, mais dont la racine que l’on en tire fait un pain délicat & nourrissant.

Pain bis, en Boulangerie ; est le nom de la moindre espece de pain ; on le fait avec une partie de farine blanche, & des gruaux fins & gros. On y mêle aussi des recoupetes, mais ce n’est que dans les chertés.

Pain bis-blanc, terme de Boulanger, qui signifie le pain au-dessous du blanc, & fait de farine blanche & de fin gruau.

Pain blanc, en terme de Boulanger, est le nom qu’on donne au pain fait de farine blanche, & tirée au bluteau d’après la fleur de farine.

Pain de brane, terme de Boulanger, pour dire, le pain de douze livres.

Pain chaland, en Boulangerie, est un pain très-blanc, fait de pâte broyée.

Pain chapelé, en Boulangerie, est un petit pain fait avec une pâte bien battue & fort légere, assaisonnée de beurre ou de lait.

Pain chapelé, se dit encore parmi les Boulangers, d’une espece de petit pain dont on a enlevé la plus grosse croute avec un couteau.

Pain de chapitre, en terme de Boulanger, est une espece de pain supérieure au pain chaland, qu’on peut regarder comme le pain mollet de ce dernier.

Pain cornu, nom que les Boulangers donnent à cette espece de pain qui a quatre cornes, & quelquefois plus. C’est de toutes les especes de petit pain celui qui se fait avec la pâte la plus forte & la plus ferme.

Pain a la reine, est chez les Boulangers, un pain fendu, qui ne differe du pain de festin que par l’assaisonnement, qui y est moindre que dans ce dernier. On fait le pain à la reine avec une pâte qui n’est proprement ni forte, ni douce, & qu’on appelle pour cela pâte moyenne. Quelques-uns l’appellent encore pâte bâtarde.

Pain a la sigovie, terme de Boulanger, pour signifier une sorte de pain qui a une tête au milieu. Il est fait avec une pâte d’un tiers plus forte & plus dure que celle du pain à la reine.

Pain petit, en terme de Boulanger, est un pain fait avec une pâte plus ou moins légere, selon l’espece de pain, du beure, du lait ou de levure. Le petit pain se divise en pain à la reine, pain à la sigovie, pain chapelé, pain cornu, &c. Voyez ces termes à leur article.

Quelques Boulangers de Paris font leur petit pain avec les gruaux qu’ils font remoudre : il bouffe en effet davantage ; mais n’est jamais si bon que celui de fleur de farine.

Des façons à donner aux principales sortes de pains en usage parmi nous. Pain d’avoine. Il faut que le levain soit fort ; prendre l’eau un peu chaude, & tenir le four chaud : le bien cuire & long-tems ; & le garder au four suivant la grosseur du pain, parce que le dedans en est toujours gras. Il demande un grand apprêt. La pâte doit en être bien travaillée & bien ronde.

Pain d’orge. Il ne lui faut en levain que le tiers de la masse de la pâte. Trop de levain le rend trop lourd & trop gras en-dedans. Il veut être bien travaillé. On le paîtrit à l’eau douce, parce qu’il semble porter son levain avec lui-même. Il ne lui faut pas beaucoup d’apprêt. Le four doit être chaud. Ce pain porte bien la cuisson.

Pain de seigle. Il faut faire de grands levains, à moitié de la quantité de la pâte ; prendre l’eau fraîche, & faire la pâte forte : donnez bien de l’apprêt, parce que le seigle est toujours doux. Travaillez-le beaucoup. Que votre four soit très-chaud : que le pain y reste long-tems ; cependant selon sa grosseur.

Biscuit de mer. Il faut en levain un bon tiers de la quantité de la pâte. Il faut que ce levain soit bon, naturel, bien fait, fort travaillé ; un four bien chaud, où on le laisse au moins trois heures.

Pain de blé, façon de Gonesse. Ayez de grands levains, & l’eau douce. Faites la pâte forte & bien soutenante. Travaillez-la beaucoup ; ensuite remettez-y un peu d’eau fraîche par-dessus, afin d’éclaircir ou délayer la pâte, & travaillez ensuite. Quand votre pâte sera bien travaillée, tirez-la du pêtrin, & la tournez tout de suite. Il ne faut pas qu’elle entre en levain, mais point du tout. Distribuez-la aux poids que les pains doivent avoir. Tournez les plus petits les premiers ; tournez ensuite les gros. Que les bannes ou sacs soient toujours frais. Que les couvertures soient un peu humides. Que le four soit très-chaud, afin que le milieu soit cuit. Que le four soit plus chaud au premier quartier qu’au dernier. On s’assure de la cuisson presqu’à la main.

Pain en pâte, ou quantité de pâte à employer pour avoir, après la cuisson, un pain d’un poids déterminé. Un pain de quatre livres veut quatre livres onze onces de pâte ; un pain de trois livres, trois livres & demie de pâte ; un pain de six livres, six livres & trois quarts de pâte ; un pain de huit livres, neuf livres de pâte ; un pain de douze livres, treize livres & demie de pâte : voilà à-peu-prés la regle en pâte qui détermine le poids après la cuisson.

Gros pain de Paris. Faites la pâte un peu plus douce que celle de Gonesse. Il y en a qui substituent au levain, le levain de biere. Faites du reste, comme au pain précédent.

Pain demi-mollet. Il ne faut en levain qu’un quart de la pâte. Il ne le faut pas laisser trop apprêter. Quand vous le voyez à moitié prêt, vous faites un autre levain de levure de biere. Lorsque vos levains sont prêts, vous aurez votre eau un peu dégourdie, & en quantité proportionnée à la masse de votre pâte. Vous ferez votre pâte un peu ronde ; vous lui donnerez deux ou trois tours. Vous prendrez un peu d’eau fraîche, que vous jetterez par-dessus votre pâte, jusqu’à ce qu’elle vous paroisse assez douce. Vous ne la laisserez point entrer en levain avant que de la tourner. Cela fait, vous la distribuerez ; vous couvrirez vos pains avec de la toile humide, ou des couvertures de laine. Votre pâte ne prenant point l’air, le pain en viendra plus jaune au four. Que votre four ne soit pas si chaud que pour le gros pain. Regardez de tems en tems dans le four, pour voir si votre fournée a assez de couleur. Lorsqu’elle a assez de couleur, vous laissez achever la cuisson à four ouvert.

Pain fendu. Prenez les ratissures du pain demi-mollet. Renforcez-les avec de la farine. Travaillez-les bien ; & distribuez cette pâte en pains de quatre livres, de deux & d’une ; tournez toujours les plus petits les premiers. Fendez ceux-ci avec la main ; les gros avec le bras. Placez-les dans les moules, & les moules au four au premier quartier de la chaleur.

Pain mollet. Prenez de la pâte du pain demi-mollet, le quart de la pâte du pain mollet que vous voulez faire. Ayez du levain fait à la levure de biere. Laissez la pâte un peu entrer en levain ; ensuite distribuez-la. Pour le pain d’une livre cuit, il faut une livre & un quart en pâte ; pour un pain d’une demi-livre cuit, il faut dix onces en pâte. Ayez des planches & des toiles qui s’appellent couches, pour couvrir ; tournez les pains les moins gros les premiers, ensuite les autres. Que votre four ne soit point trop chaud au dernier quartier.

Pain plat, ou autrement dit pain manqué. Prenez de la pâte du pain mollet. Remettez un peu d’eau fraîche & de farine par-dessus. Retravaillez bien la pâte. Battez-la ; mettez-la dans une corbeille ; tenez-la au frais. Tournez les pains que vous en ferez les derniers de tous vos pains. Menagez-leur une place à bouche de four entre vos pains mollets. Quand ils y seront placés, donnez-leur un coup de main par-dessus ; & lorsque vous aurez tiré votre premier quartier, vous enfoncerez dans le four ces pains-ci que vous y laisserez achever leur cuisson.

Pain à la reine. Faites un bon levain à levure de biere. Quand il sera prêt, façonnez votre pâte tout ensemble. Aprez l’avoir un peu travaillée, faites les petits pains, qu’on appelle aussi pains à caffé ; travaillez votre pâte de rechef ; battez-la avec la main. Levez-la du pêtrin. Placez-la dans une sebille ; couvrez-la avec des sacs ou bannes. Renforcez le reste de votre pâte avec de la farine. Détournez ensuite une portion pour les pains de sigovie & pour les pains cornus. Cela fait, achevez votre pain à la reine avec du beurre. Le beurre mis, travaillez-le encore un peu ; ensuite tirez la pâte du pêtrin ; couvrez-la pour la faire entrer en levain. Alors revenez au sigovie. Vous en renforcerez la pâte un peu plus qu’au pain à la reine. Vous en tournerez les pains les derniers. Après quoi, de la ratissure du pêtrin, vous faites votre pain cornu avec un peu de beurre. Vous en travaillez la pâte, & vous la mettez dans une sebille. Vous ferez les artichaux de la même pâte que les pains cornus ; les pains cornus les premiers, les artichaux les seconds, les pains à caffé les troisiemes, les pains à la reine les quatriemes, les pains de sigovie les derniers. Vous enfournez les pains à caffé les premiers ; puis les pains cornus, ensuite les artichaux ; après ceux-ci les pains à la reine ; enfin les pains de sigovie qui se trouveront à la bouche du four.

Pain de festin. Ayez un bon levain de levure de biere. Faites-en le tiers de la pâte que vous avez à préparer. Quand il sera prêt, ayez du lait dégourdi seulement ; délayez votre levain avec ce lait : travaillez un peu votre pâte. Ensuite prenez votre beurre & vos œufs. Ajoutez-les à la pâte. Que la pâte ne soit pas trop douce ; faites-la bonne & ronde. Laissez-la entrer en levain un peu ; puis tournez-la. Tournez les petits pains les premiers. Echauffez votre four doux. Le four chaud, coupez vos pains en s par-dessus ; dorez-les avec des œufs, & les enfournez. Quand ils auront pris de la couleur, vous laisserez achever la cuisson à four ouvert.

Espiotte. Faites de grands levains ; ayez-en le tiers de la pâte. Que votre pâte soit forte. Après l’avoir un peu travaillée, jettez-y un peu d’eau fraîche. Retravaillez & tournez sur des sacs. Que le four soit bien chaud. Enfournez les pains ronds les premiers, ensuite les longs, & laissez bien cuire ; car ces pains sont toujours gras en-dedans.

Pain de blé noir ou sarrasin. Ayez du levain la moitié de ce que vous ferez de pâte. Prenez de l’eau fraîche au sortir du puits. Faites votre pâte un peu ronde. Après l’avoir un peu travaillée, vous l’arroserez un peu d’eau fraîche ; & la retravaillerez bien. Que votre four soit bien chaud. Vous tournerez vos pains tout de suite, les plus petits les premiers. Vous les couvrirez de sacs humides ; vous répandrez un peu d’eau fraîche sur ces sacs, & vous laisserez votre pâte ainsi disposée, s’apprêter. Ensuite vous enfournerez les pains ronds les premiers.

Pain de blé de Turquie. Ayez du levain le tiers de la quantité de votre pâte : que votre eau soit dégourdie. Faites votre pâte forte. Travaillez-la bien. Tirez-la du pêtrin ; tournez-la tout de suite, non sans l’avoir bien broyée sur le pêtrin ; applatissez les pains ronds. Couvrez-les tous de sacs humides. Que votre four soit bien chaud. Laissez vos pains s’apprêter ; ensuite enfournez. Laissez long-tems au four ; ce pain devient très-jaune.

La bonne façon du pain tient donc à la juste quantité du levain, à la juste quantité d’eau ; sur-tout au travail long qui distribue également le levain & l’eau dans toute la masse, & à la cuisson convenable. Sans levain le pain est matte ; avec le levain sans eau le pain est matte ; avec du levain & de l’eau sans travail, le pain est matte ; avec du levain, de l’eau & du travail, sans juste cuisson, même défaut ; il est encore matte. Ces quatre conditions sont donc nécessaires pour rendre le pain léger & plein d’yeux. Quelle est celle qui y contribue le plus ? cela peut être aussi difficile qu’inutile à décider.

Pain, (Jurisprudence.) dans cette matiere se prend quelquefois pour jouissance. Etre en pain, dans les coutumes de Hainaut & de Mons, c’est être sous la puissance de son pere ; comme être hors de pain, signifie, être hors de cette puissance, mettre hors de pain, émanciper. (A)

Pain d’acier, (Comm.) c’est une sorte d’acier qui vient d’Allemagne ; il est différent de celui que l’on appelle acier en bille.

Pain d’affinage, (Fonderie de métaux.) c’est ainsi qu’on nomme la petite portion de matiere d’argent qui reste toujours dans le fond de la coupelle ; on l’appelle autrement plaque.

Pain béni, (Hist. eccles.) c’est un pain que l’on bénit tous les dimanches à la messe paroissiale, & qui se distribue ensuite aux fideles.

L’usage étoit dans les premiers siecles du christianisme, que tous ceux qui assistoient à la célébration des saints mysteres participoient à la communion du pain qui avoit été consacré ; mais l’Église ayant trouvé de l’inconvénient dans cette pratique, à cause des mauvaises dispositions où pouvoient se trouver les chrétiens, restraignit la communion sacramentelle à ceux qui s’y étoient duement préparés. Cependant pour conserver la mémoire de l’ancienne communion, qui s’étendoit à tous, on continua la distribution d’un pain ordinaire, que l’on bénissoit, comme l’on fait de nos jours.

Au reste, le goût du luxe & d’une magnificence onéreuse à bien du monde, s’étant glissé jusque dans la pratique de la religion, l’usage s’est introduit dans les grandes villes de donner au lieu de pain, du gâteau plus ou moins délicat, & d’y joindre d’autres accompagnemens coûteux & embarrassans ; ce qui constitue les familles médiocres en des dépenses qui les incommodent, & qui seroient employées plus utilement pour de vrais besoins. On ne croiroit pas, si on ne le montroit par un calcul exact, ce qu’il en coûte à la nation tous les ans pour ce seul article.

On sait qu’il y a dans le royaume plus de quarante mille paroisses où l’on distribue du pain béni, quelquefois même à deux grand’messes en un jour, sans compter ceux des confréries, ceux des différens corps des arts & du négoce. J’en ai vu fournir vingt-deux pour une fête par les nouveaux maîtres d’une communauté de Paris. On s’étonne qu’il y ait tant de misere parmi nous ; & moi en voyant nos extravagances & nos folies, je m’étonne bien qu’il n’y en ait pas encore davantage.

Quoi qu’il en soit, je crois qu’on peut du fort au foible, estimer la dépense du pain béni, compris les embarras & les annexes, à quarante sous environ pour chaque fois qu’on le présente. S’il en coûte un peu moins dans les campagnes, il en coûte beaucoup plus dans les villes, & bien des gens trouveront mon appréciation trop foible ; cependant quarante mille pains à 40 s. piece, font quatre-vingt mille livres, somme qui multipliée par cinquante-deux dimanches, fait plus de 4 millions par an, ci 4000000 liv.

Qui empêche qu’on n’épargne cette dépense au public ? On l’a déja dit ailleurs, le pain ne porte pas plus de bénédiction que l’eau qu’on emploie pour le bénir ; & par conséquent on peut s’en tenir à l’eau, qui ne coûte rien, & supprimer la dépense du pain laquelle devient une vraie perte.

Par la même occasion, disons un mot du luminaire. Il n’y a guere d’apparence de le supprimer tout-à-fait ; nous sommes encore trop enfans, trop esclaves de la coutume & du préjugé, pour sentir qu’il est des emplois du bien plus utiles & plus religieux, que de brûler des cierges dans une église. Néanmoins tout homme éclairé conviendra qu’on peut épargner les trois quarts du luminaire qui se prodigue aujourd’hui, & qui n’est proprement qu’une pieuse décoration. Cela posé, il y a dans le royaume plus de quarante mille églises en paroisses ; on en peut mettre un pareil nombre pour les églises collégiales, couvens, communautés, &c. ce qui fait quatre-vingt mille églises pour le tout. J’estime du plus au moins l’épargne du luminaire qu’on peut faire en chacune à 50 liv. par année ; cette somme, bien que modique multipliée par 80000 églises, produit 4 millions par an. Voilà donc avec les quatre millions ci-dessus, une perte annuelle de huit millions dans le royaume ; & cela pour de petits objets & de menus frais auxquels on n’a peut-être jamais pensé, ci 8000000 livres.

Combien d’autres inutilités coûteuses en ornemens superflus, en sonneries, processions, reposoirs, &c. Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum longè est à me. Matt. xv. 8.

La religion ne consiste pas à décorer des temples, à charmer les yeux ou les oreilles ; mais à révérer sincérement le créateur, & à nous rendre conformes à Jesus-Christ. Aimons Dieu d’un amour de préférence, & craignons de lui déplaire en violant ses commandemens ; aimons notre prochain comme nous-mêmes, & soyons en conséquence toujours attentifs à lui faire du bien, ou du moins toujours en garde pour ne lui point faire de mal ; enfin remplissons le devoir de notre état : voilà précisément la religion que Dieu nous prescrit, & c’est celle-là tout juste que les hommes ne pratiquent point ; mais ils tâchent de compenser ces manquemens d’une autre maniere : ils se mettent en frais, par exemple, pour la décoration des autels, & pour la pompe des cérémonies ; les ornemens, le luminaire, le chant, la sonnerie ne sont pas épargnés ; tout cela fait proprement l’ame de leur religion, & la plûpart ne connoissent rien au-delà. Piété grossiere & trompeuse, peu conforme à l’esprit du Christianisme, qui n’inspire que la bienfaisance & la charité fraternelle !

Que de biens plus importans à faire, plus dignes des imitateurs de Jesus-Christ ! Combien de malheureux, estropiés, infirmes, sans secours & sans consolation ! Combien de pauvres honteux sans fortune & sans emploi ! Combien de pauvres ménages accablés d’enfans ! Combien enfin de misérables de toute espece, & dont le soulagement devroit être le grand objet de la commisération chrétienne ! objet par conséquent à quoi nous devrions consacrer tant de sommes que nous prodiguons ailleurs sans fruit & sans nécessité.

Pain, en terme de Cirier, c’est un morceau de cire plat & rond, à qui il ne manque plus pour être parfaitement blanc, que d’être mis encore une fois sur les toiles. Voyez Toiles, & l’article Blanchir.

Pain, (mettre en) en terme de Blanchisserie, est l’action de former des morceaux de cire plats & ronds, quand la matiere a acquis un certain degré de blancheur. Cela se fait en versant la cire fondue pour la troisieme fois sur des moules nommés pour cela planches à pain. V. Planches a pain, & l’art. Blanchir.

Pain de bougie, (Cirerie.) c’est la bougie filée que l’on a tortillée ou pliée d’une certaine maniere, pour s’en pouvoir servir plus commodément.

Pain a chanter, (Oublieur.) c’est du pain sans levain qui sert à la consécration dans le sacrifice des Catholiques. Il est fait de la plus pure farine de froment entre deux plaques de fer gravées en forme de gaufrier, que l’on frotte un peu de cire blanche, pour empêcher que la pâte n’y tienne. Ce sont les Patissiers-Oublieurs qui font les pains à chanter. Il y a des maîtres qui vivent de ce métier.

Pain de chapitre, (terme ecclésiastiq.) on lit dans la satyre Menippée : il n’est que d’avoir un roi légitime, etiam discole, pourvu qu’il nous laisse le pain de chapitre & le purgatoire. On appelle pain de chapitre celui qu’on distribue tous les jours aux chanoines dans quelques églises. Il étoit autrefois si excellent, qu’on appelloit pain de chapitre les meilleures choses. « S’il est question, dit Henri Etienne, de parler d’un pain ayant toutes les qualités d’un bon & friand pain, (voire tel que celui de la ville Eresias, pour lequel Mercure prenoit bien la peine de descendre du ciel, & en venir faire provision pour les dieux, si nous en croyons le poëte Archestrate), ne faut-il pas venir au pain de chapitre, je dis au vrai pain de chapitre, dont celui que vendent à Paris les boulangers, a retenu le nom, mais non la bonté, sinon qu’en partie ». Ainsi l’auteur de la satyre a entendu, sous le nom de pain de chapitre, les grands biens dont les ecclésiastiques sont en possession. Richelet. (D. J.)

Pain conjuré, étoit un pain d’épreuve fait de farine d’orge, que les Anglois, Saxons donnoient à manger à un criminel non convaincu, après que le prêtre avoit proféré des imprécations sur ce pain ; persuadés que s’il étoit innocent, le pain ne lui feroit point de mal ; mais que s’il étoit coupable, il ne pourroit l’avaler, ou qu’après l’avoir avalé il étoufferoit. Voyez Purgation, Epreuve, &c.

Le prêtre qui faisoit cette cérémonie, demandoit à Dieu dans une priere faite exprès, « que les mâchoires du criminel restassent roides, que son gosier s’étrecît, qu’il ne pût avaler, & qu’il rejettât le pain de sa bouche ». Voyez Jugement de Dieu, Ordalie, &c.

Pain a coucou (Botan.) voyez Alleluia.

Pain a coucou, ou Alleluia, (Mat. médic.) plante. Voyez Alleluia, Médec. cette plante a les mêmes qualités extérieures & les mêmes vertus que l’oseille. Voyez Oseille, Mat. méd. & Diete.

Pain de craie, (Amidonnier.) c’est un morceau de craie de forme quarrée, arrondie, long de six pouces, & épais de trois à quatre.

Pain d’épice, est un pain de miel & de farine de seigle. Avant d’employer le miel dans le pain d’épice, il faut qu’il ait bouilli long-tems, & qu’on l’ait bien écumé. On y détrempe la farine de seigle pendant qu’il est encore chaud, avec une espece de gache exprès.

Le pain d’épice peut servir utilement en Chirurgie ; il tient lieu de cataplasme maturatif dans la formation des abscès qui surviennent dans la bouche, à la racine des dents, & aux gencives entre les mâchoires & les joues. On coupe une tranche de pain d’épice, de l’épaisseur d’un écu de six livres, & de la grandeur convenable : on la trempe dans du lait chaud, & on l’applique sur les tumeurs inflammatoires disposées à suppuration. Ce topique n’a aucun désagrément ; il tient sans aucun moyen sur le lieu malade, & il remplit parfaitement les intentions de l’art en favorisant celles de la nature. Voyez Maturatif & Maturation, Suppuratif & Suppuration. Voyez pour le cas particulier, l’article maladies des gencives, à la suite du mot Gencives. (Y)

Pain-d’épicier, qui fait & vend du pain d’épice. Les pains-d’épiciers composent une communauté fort ancienne à Paris. Leurs ouvrages étoient fort à la mode avant que les Pâtissiers fussent érigés en corps de jurande : mais la pâtisserie d’invention plus moderne, & plus variée dans ses ouvrages, a prévalu sur le pain d’épice, quoiqu’il soit beaucoup plus sain que la pâtisserie qui est lourde & pesante.

Pain fossile, (Hist. nat.) artolithus, panis dæmonum ; quelques auteurs ont donné ce nom à des pierres à qui la nature a donné la forme d’un pain. Il s’en trouve de fort grands ensemble dans le voisinage de la ville de Rothwell : on dit qu’il s’en trouve aussi dans les montagnes des environs de Boulogne en Italie. On en a rencontré qui pesoient plusieurs quintaux dans le voisinage d’Ilefeld, près de Nordhausen, dans le Hartz. On assure que dans la grotte de Baumann au Hartz, on voit une cavité semblable à un four, dans laquelle sont plusieurs pains ou gâteaux. Il y a encore plusieurs autres endroits où l’on a trouvé de ces prétendus pains, & même des biscuits fossiles, que quelques personnes ont eu la simplicité de regarder comme des pains pétrifiés ; qui n’ont pris cette forme que par hasard, & qui sont de vrais jeux de la nature propre à amuser ceux qui ne cherchent que le singulier & non l’instruction dans l’histoire naturelle. Voyez Bruckmanni epistol. itineraria. Centuria I. epist. 66.

Pain de lie, (Vinaigriers.) c’est la lie seche que les Vinaigriers tirent de leurs presses, après en avoir exprimé tout le vin pour faire leur vinaigre. Les Chapeliers se servent aussi du pain de lie pour la fabrique de leurs chapeaux. Savary.

Pains de liquation, (Métallurgie.) ce sont les gâteaux de cuivre qui restent sur le fourneau de liquation, après que le plomb & l’argent en ont été dégagés. On les nomme aussi pieces de liquation. Voyez les articles Liquation & Cuivre.

Pain de munition, est à la guerre, le pain qu’on distribue aux troupes en campagne, & qui contient deux rations. Voyez Ration & Munitions. (Q)

Pain de pourceau, (Botan.) cyclamen ; genre de plante à fleur monopétale, ronde, en forme de rosette, & découpée ordinairement en cinq parties recourbées en haut. Le pistil sort du calice ; il est attaché comme un clou à la partie postérieure de la fleur, & il devient dans la suite un fruit presque rond & membraneux, qui s’ouvre de plusieurs façons, & qui renferme des semences le plus souvent oblongues, anguleuses & attachées à un placenta. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante.

Il contient trente especes, dont la plus commune est nommée cyclamen orbiculato folio, infernè purpurascente, dans les I. R. H. 154.

Sa racine est sphérique, épaisse, charnue, un peu applatie, noirâtre en dehors, blanchâtre en dedans, & garnie de fibres noirâtres. Sa saveur est âcre, piquante, brûlante, désagréable, sans odeur ; ses feuilles nombreuses, presque rondes, portées sur des queues longues d’environ une palme, sont assez semblables aux feuilles de cabaret ; cependant moins épaisses, d’un verd foncé en dessus, parsémé de quelques taches blanches, de couleur de pourpre en-dessous, un peu sinuées à leur bord.

Ses fleurs panchées vers la terre, sont portées sur des pédicules longs & tendres ; elles sont d’une seule piece en rosette, taillées en maniere de godet, de couleur pourpre clair ou foncé, & d’une odeur suave. Leur calice est partagé en cinq quartiers ; il en sort un pistil attaché à la partie postérieure en maniere de clou ; ce pistil est porté sur un pédicule faisant plusieurs spirales. Après que la fleur est tombée, il se replie jusqu’à ce qu’il touche la terre sur laquelle il croît, & devient un fruit presque sphérique, membraneux, & qui s’ouvre en plusieurs parties. Il renferme de graines oblongues, anguleuses, d’un brun jaunâtre, attachées à un placenta.

Cette graine semée dans la terre ne germe pas, mais elle se change en un tubercule, ou en une racine qui pousse des feuilles. Dans la suite ses fleurs paroissent sur la fin de l’été, ou au commencement de l’automne ; ensuite ses feuilles ayant duré tout l’hiver, se perdent en Avril ou en Mai. On cultive cette plante dans nos jardins. Ses racines sont d’usage. (D. J.)

Pain de pourceau, (Mat. médic.) la racine de cette plante, qui est sa seule partie usuelle, est d’une saveur âcre, brûlante, désagréable lorsqu’elle est fraîche. Cette saveur disparoit presqu’entierement par la dessication. Cette racine est inodore.

Soit fraîche, soit seche, c’est un très-violent purgatifs hidragogue, que les paysans les plus robustes peuvent prendre cependant jusqu’à la dose d’un gros en substance, & jusqu’à celle de demi-once en décoction ; mais même dans ces sujets très-vigoureux, elle excite souvent des inflammations à l’œsophage, & dans tout le trajet intestinal. Voyez Purgatif.

On se sert aussi extérieurement de cette racine. Elle est comptée parmi les plus puissans résolutifs & apéritifs. Elle possede même ces vertus aussi-bien que la qualité purgative à un degré qui les rend capables de porter leur action jusques sur les parties intérieures, lorsqu’on l’applique sur les régions qui contiennent ces parties. Etant appliquée, par exemple, en forme de cataplasme sur les régions de la rate, elle passe pour en fondre les tumeurs. Si on frotte le ventre avec sa décoction ou son suc, elle lâche le ventre, tue les vers, fait revenir les regles, peut chasser le fœtus mort & l’arriere-faix, & a tous les effets propres aux purgatifs violens.

C’est à cette plante que doit son nom l’onguent appellé de arthanita, qui est composé d’ailleurs de tous les purgatifs végétaux les plus violens ; savoir, la colloquinte, le concombre sauvage, le glayeul, la scammonée, le turbith, le garou, l’aloës, l’euphorbe, la maroute ; de plusieurs gommes, résines & d’aromates exotiques les plus âcres, tels que le poivre long & le gingembre ; onguent qui étant appliqué sur le creux de l’estomac, fait vomir, qui vuide puissamment les eaux des hydropiques par les selles & par les urines, si on en frotte la région ombilicale & celle des reins ; qui excite les regles, si on l’applique au pubis & à la région hypogastrique, qui est un insigne fondant des tumeurs skirrheuses, &c. & qui est, malgré toutes ces vertus, un fort mauvais remede. (b)

Pain de proposition, (Critiq. sac.) les pains de proposition étoient des pains qu’on offroit tous les samedis sur la table d’or posée dans le saint : pones super mensam panes propositionis in conspectu meo, Exod. 25. 30. Il devoit y en avoir douze, en mémoire des douze tribus, au nom desquelles ils étoient offerts. Ces pains se faisoient sans levain ; on les présentoit tout chauds chaque jour de sabbat, & en même tems on ôtoit les vieux, qui devoient être mangés par des prêtres, à l’exclusion des laïcs, à qui il étoit défendu d’en manger ; c’est ce qui faisoit appeller le pain de proposition panis sanctus, I. Reg. xxj. 4.

Les anciens Hébreux cuisoient leur pain sous la cendre, & quelquefois on le faisoit cuire avec de la bouze de vache allumée. Voyez encore Proposition, pains de. (D. J.)

Pain de Reims, les pains d’épiciers donnent ce nom à des pains qu’ils font selon la maniere qu’on en fait dans la ville de Reims, avec de la pâte d’assortiment, que l’on assaisonne d’écorce-de-citron, d’anis, d’épices, &c.

Pain de rive, (terme de Boulanger.) c’est du pain qui n’a point de biseau, ou qui en a très-peu. Il ne manquera pas, dit Moliere dans son Bourgeois-Gentilhomme, act. IV. scène I. de vous parler d’un pain de rive, relevé de croûtes croquantes sous la dent.

Pain de roses, en Pharmacie, remede composé avec les roses, ramassées & comme pétries en forme de pain, que l’on trempe dans le vin ou dans le vinaigre.

On s’en sert dans la diarrhée, dans la dyssenterie, dans le vomissement, & dans les épuisemens des humeurs après les remedes généraux.

On applique avec un heureux succès un pain de roses que l’on a fait tremper dans le vin rouge ; dans le cas d’une indisposition chaude, on le mettra trempé dans une liqueur composée d’oxicrat & d’une eau calmante.

Voici comme on s’en sert :

Prenez encens, mastic, roses, corail rouge ; de chacun un gros : mettez-les en poudre ; saupoudrez-en un pain de roses qui aura trempé dans l’eau-rose avec une troisieme partie de vinaigre, ou dans du vinaigre rosat : appliquez-le chaudement sur le bas-ventre.

On le laisse pendant trois heures sur la partie, que l’on frotte ensuite avec un peu d’huile de lin ou d’amandes douces, ou d’huile rosat.

Pain de roses, (Parfumeur.) on le nomme aussi chapeau de roses ; c’est le marc des roses qui reste dans les alembics après qu’on en a tiré l’eau, l’huile exaltée, & le sel volatil.

Pain, terme de Potier de terre, c’est proprement la terre en motte telle qu’elle vient chez le potier, qui ne lui a encore donné qu’une façon.

Pain de savon, (Savonnerie.) on l’appelle plus ordinairement table de savon ; c’est du savon dressé dans des moules d’un pié & demi en quarré, & d’environ trois pouces de hauteur ; il y a cependant quelque différence entre la table & le pain de savon, la table s’entendant du savon au sortir du moule, & le pain lorsque la table a été coupée en morceaux. Savary.

Pain de sucre, (Raffinerie.) c’est du sucre affiné, que l’on dresse dans des moules de figure conique, & que l’on vend enveloppé de gros papier bleu ou gris : les pains de sucre pesent 3, 4, 5, jusqu’à 12 livres.