L’Encyclopédie/1re édition/DOUBLE

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DOUBLE, adj. (Géom.) Une quantité est double d’une autre, lorsqu’elle la contient deux fois ; sous-double, lorsqu’elle en est la moitié. Une raison est double quand l’antécédent est double du conséquent, ou quand l’exposant du rapport est double. Ainsi le rapport de 6 à 3 est une raison double. Voyez Raison ou Rapport.

La raison sous-double a lieu, quand le conséquent est double de l’antécédent, ou que l’exposant du rapport est . Ainsi 3 est à 6 en raison sous-double. Voy. Rapport ou Raison. (O)

Double, (Point) est un terme fort en usage dans la haute Géométrie. Lorsqu’une courbe a deux branches qui se coupent, le point où se coupent ces branches est appellé point-double. On trouve des points doubles dans les lignes du troisieme ordre & dans les courbes d’un genre plus élevé. Il n’y en a point dans les sections coniques. Voyez Courbe.

Si on cherche la tangente d’une courbe au point double, par la méthode que l’on verra à l’art. Tangente, l’expression de la soûtangente devient alors . On trouvera dans la section neuvieme des infiniment petits de M. de l’Hopital, ce qu’il faut faire alors pour déterminer la position de la tangente ; & on peut voir aussi plusieurs remarques importantes sur cette matiere dans les mém. de l’acad. de 1716 & 1723, ainsi que dans les usages de l’analyse de Descartes, par M. l’abbé de Gua, & dans les mém. de l’académie de 1747. Nous parlerons de tout cela plus au long au mot Tangente, où nous expliquerons en peu de mots la méthode des tangentes aux points multiples. En attendant, voyez les ouvrages cités. (O)

Double feuille, s. f. (Hist. nat. bot.) ophris, genre de plante à fleur anomale, composée de six pétales différens les uns des autres. Les cinq du dessus sont disposés de façon qu’ils représentent en quelque sorte un casque. Le pétale du dessous a une figure de tête, ou même une figure approchante de la figure humaine. Le calice devient un fruit, qui ressemble en quelque façon à une lanterne ouverte par trois côtés, dont les panneaux sont chargés de semences aussi menues que de la sciûre de bois. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Double-marcheur, s. m. (Hist. nat. Zoolog.) amphisbœna, serpent qui est ainsi nommé, parce qu’on croit qu’il marche en arriere comme en avant. On a aussi cru qu’il avoit deux têtes, à cause de la grosseur de la queue. Il est de couleur brune. On le trouve en Libye & dans l’île de Lemnos. Ray, syn. anim. quad. page 288. (I)

Double, (Jurispr.) Les lois romaines contiennent plusieurs dispositions sur cette matiere : par exemple, la loi 1. au code liv. VII. tit. xlviij, explique la maniere dont le double étoit estimé, & comment il pouvoit être payé pour les intérêts & à titre d’éviction : mais en ce dernier cas, il n’étoit pas dû, s’il s’agissoit de biens substitués, & que l’acheteur eût connoissance de la substitution. Celui qui offroit le libelle, & ne contestoit pas dans deux mois, devoit payer le double, suivant l’authent. libellum. L’offre du double faite par le vendeur, n’étoit pas un moyen pour faire rescinder la vente. Code 4. t. xljv. l. 6. Voyez Lésion, Rescision, Restitution.

On stipuloit aussi quelquefois la peine du double dans les arrhes que se donnoient les fiancés, en cas d’inexécution de la promesse de mariage. Cod. 5. t. j. l. 1. §. 1. Voyez ci-devant Dédit.

Dans notre usage, le double se considere par rapport à plusieurs objets, comme on va l’expliquer dans les subdivisions suivantes. (A)

Double action, s’entend de trois manieres :

1°. De l’action qui tendoit à faire payer le double de la chose, appellée actio in duplum, comme cela avoit lieu en certains cas chez les Romains ; par exemple, pour l’action du vol commis par adresse & sans violence, appellée actio furti nec manifesti. Ces sortes d’actions étoient opposées aux actions, simples, triples, ou quadruples.

2°. On appelle aussi en droit action double, celle qui résulte d’un contrat qui produit action respective au profit de chacun des contractans contre l’autre, comme dans le loüage ou dans la vente.

3°. On appelle double action, lorsqu’un titre produit deux actions différentes au profit de la même personne, & contre le même obligé, comme quand l’action personnelle concourt avec l’action hypothécaire. (A)

Double d’Août, est un droit singulier usité dans la coûtume de la Marche, qui est tel que tous les serfs du seigneur ou autres, qui tiennent de lui quelques héritages à droit de servitude, sont obligés de lui payer en une année le double d’Août, qui est une somme pareille à ce qu’ils lui doivent en deniers de taille ordinaire, rendable au mois d’Août. Dans l’autre année ils doivent la quête courant, qui en totalité est égale au double d’Août : mais le seigneur en peut donner à l’un de ses hommes pour ladite année, plus qu’il ne doit de double d’Août, si ses facultés le comportent ; & à un autre de ses sujets qui devroit plus de double d’Août, il le peut imposer moins de quête courant, le fort portant le foible.

Il est au choix du seigneur de prendre chaque année le double d’Août ou la quête courant une année, & le double d’Août en l’autre.

L’année que le seigneur leve la taille aux quatre cas, il ne peut lever quête courant, mais bien le double d’Août.

L’homme qui tient héritage mortaillable, ne doit à l’église qui lui a donné l’héritage, ni double d’Août, ni quête courant, ni taille aux quatre cas ; & si tel tenant mortaillable revient en main-laye, il retourne à sa premiere nature touchant le double d’Août, & autres droits. Voyez la coût. de la Marche, art. 126. 127. 129. & 141. (A)

Double brevet, c’est lorsqu’il y a deux originaux d’un acte passé devant notaire en brevet. Voy. Brevet & Notaire. (A)

Double cens, est le droit qui est dû dans quelques coûtumes au seigneur, pour la mutation de l’héritage roturier. Ce droit consiste au double de ce que l’héritage paye annuellement de devoir censuel. Voyez la coût. de Berri, tit. vj. art. 1. & 4 ; celle du Grand-Perche, art. 82 & 84. Voyez ci-devant Doublage, & ci-après Double devoir, Double relief.

Par l’ancienne coûtume de Mehun-sur-Evre, t. vj. le cens doubloit au profit du seigneur dans l’année où le possesseur avoit manqué de le payer au lieu, jour, & heure accoûtumés. Voy. Cens &. Amende.

Dans la coûtume de Hesdin, le double cens, rente ou censive d’héritage cottier, est dû au seigneur par celui qui lui délaisse l’héritage. Il est encore dû en quelques autres cas. Voyez les art. 11. 14. & 15. (A)

Double du surcens, dans l’ancienne coûtume de Boulonois, art. 92, étoit dû pour le relief au seigneur féodal, par le seigneur surcottier ou surcensier. (A)

Double devoir, est lorsque la taille ordinaire, le cens, ou autre redevance annuelle, double au profit du seigneur. Voyez ce qui est dit ci-dev. au mot Doublage, Double cens, & la coût. de Bourbonnois, art. 345 & 346. (A)

Double droit, est une peine pécuniaire qui a lieu, en certains cas, contre ceux qui ont manqué à faire quelque chose dans le tems prescrit ; comme de faire insinuer un acte, ou payer le centieme denier, droit de contrôle, ou autre semblable. Il dépend du fermier de ces droits, de remettre ou modérer la peine du double ou triple droit qui a été encourue. (A)

Double Ecrit ou fait double, est un écrit sous signature privée, dont il y a deux originaux conformes l’un à l’autre, & tous deux signés des parties qui s’y engagent. (A)

Double emploi, est une partie qui a été portée deux fois en recette ou en dépense dans un compte. L’ordonnance de 1667, tit. xxjx, de la reddition des comptes, art. 21, porte qu’il ne sera procédé à la revision d’aucun compte ; mais que s’il y a des erreurs, omissions de recette, ou faux emplois, les parties pourront en former leur demande, ou interjetter appel de la clôture du compte, & plaider leurs prétendus griefs en l’audience. Cet article ne parle pas nommément des doubles emplois, à moins qu’on ne les comprenne sous le terme de faux emplois, quoique faux emploi soit différent de double emploi, en ce que tout emploi double est faux ; au lieu qu’un emploi peut être faux, sans être double : par exemple, si la partie employée ne concerne point l’oyant. Quoi qu’il en soit, il est certain, dans l’usage, que les doubles emplois ne se couvrent point, non plus que les faux emplois, ni les erreurs de calcul & omissions. (A)

Double lien, (Jurispr.) est la parenté qui se trouve entre deux personnes, lesquelles sont jointes ex utroque latere, c’est-à-dire tant du côté paternel que du côté maternel, comme les freres & sœurs qui sont enfans des mêmes pere & mere, & que l’on appelle freres & sœurs germains ; à la différence de ceux qui sont de même pere seulement, que l’on appelle consanguins ; & de ceux qui sont seulement d’une même mere, que l’on appelle freres & sœurs utérins.

Dans quelques provinces, les freres & sœurs consanguins & utérins sont appellés demi-freres, demi-sœurs, quasi juncti ex uno tantum latere. Cette expression est adoptée dans la coûtume de S. Aventin.

La distinction du double lien n’a lieu dans quelques pays que pour les freres & sœurs seulement, & pour leurs enfans. Dans d’autres pays, elle s’étend plus loin : c’est ce que l’on expliquera, après avoir parlé de l’origine du double lien.

Le privilége ou prérogative attaché au double lien dans les pays où il a lieu, consiste en ce que celui qui est parent du défunt ex utroque latere, est préféré dans sa succession à celui qui est seulement parent du côté de pere ou de mere.

Cette distinction du double lien étoit absolument inconnue dans l’ancien droit romain. Il n’en est fait aucune mention dans le digeste, ni dans les institutes ; on y voit seulement que l’on distinguoit dans l’ancien droit, deux sortes de parens & d’héritiers en collatérale, savoir les agnats & les cognats ; que les premiers appellés agnati ou consanguinci, étoient tous les parens mâles ou femelles qui étoient joints du côté du pere : il étoit indifférent qu’ils vinssent aussi de la même mere que le défunt, cette circonstance n’ajoûtoit rien à leur droit. Les cognats, cognati, étoient tous les parens du côté maternel.

Les agnats les plus proches étoient appellés à la succession, à l’exclusion des cognats mâles ou femelles, quoiqu’en même degré.

Par rapport aux agnats entre eux, la loi des douze tables n’avoit établi aucune distinction entre les mâles & les femelles du côté paternel ; mais la jurisprudence avoit depuis introduit, que les mâles étoient habiles à succéder en quelque degré qu’ils fussent, pourvû qu’ils fussent les plus proches d’entre les agnats ; au lieu que les femelles, même du côté paternel, ne succédoient point, à moins que ce ne fussent des sœurs du défunt.

Les préteurs corrigerent cette jurisprudence, en accordant la possession des biens aux femmes, qui n’avoient pas le droit de consanguinité comme les sœurs.

Enfin Justinien rétablit les choses sur le même pié qu’elles étoient par la loi des douze tables, en ordonnant que tous les parens mâles ou femelles, descendans du côté paternel, viendroient en leur rang à la succession, & que les femelles ne seroient point excluses sous prétexte qu’elles ne seroient point sœurs du pere du défunt, & quoique consanguinitatis jura sicut germanæ non haberent. Instit. lib. III. tit. ij. §. 3.

Il ajoûta, que non-seulement le fils & la fille du frere viendroient à la succession de leur oncle, mais que les enfans de la sœur germaine-consanguine & de la sœur utérine y viendroient aussi concurremment.

On voit ici les termes de germain, consanguin, & utérin, employés pour les freres & sœurs ; mais on ne distinguoit point alors les freres & sœurs simplement consanguins, de ceux que nous appellons germains : on leur donnoit ces deux noms confusément, parce que les germains n’avoient pas plus de droit que les consanguins.

Ainsi jusque-là le privilége du double lien étoit totalement inconnu ; il n’y avoit d’autre distinction dans les successions collatérales, que celle des agnats & des cognats ; distinction qui fut abrogée par la novelle 118, qui les admit tous également à succéder, selon la proximité de leur degré.

Pour ce qui est de la distinction & prérogative du double lien, quelques auteurs, du nombre desquels est Guiné lui-même, qui a fait un traité du double lien, supposent mal-à-propos que cette distinction ne tire son origine que des novelles de Justinien.

En effet elle commença à être introduite par plusieurs lois du code. Il est vrai qu’elle n’étoit pas encore connue sous plusieurs empereurs, dont les lois sont insérées dans le code ; ce qui fait qu’il se trouve quelque contradiction entre ces lois & celles qui ont ensuite admis le double lien. Par exemple, la loi 1ere au code de legitimis hæralibus, qui est de l’empereur Alexandre Severe, décide que les freres & sœurs succedent également, quoiqu’ils ne soient pas tous d’une même mere : ainsi l’on ne connoissoit point encore le double lien.

La plus ancienne loi qui en fasse mention, est la loi quæcumque 4e, au code de bonis quæ liberis, &c. Cette loi est des empereurs Leon & Anthemius, qui tenoient l’empire en 468, soixante ans avant Justinien. Elle ordonne que tous les biens advenus aux enfans ou petits-enfans, mâles ou femelles, d’un premier, second, ou autre mariage, soit à titre de dot ou donation, ou qu’ils ont eu par succession, legs, ou fidei-commis, appartiendront, quant à l’usufruit, au pere qui avoit les enfans en sa puissance ; que la propriété appartiendra aux enfans ou petits-enfans, mâles & femelles, du défunt, quoiqu’ils ne fussent pas tous procréés du même mariage dont les biens sont provenus à leurs pere ou mere.

Que si quelqu’un desdits freres ou sœurs décede sans enfans, sa portion appartiendra à ses autres freres & sœurs survivans, qui seront conjoints des deux côtés.

Que s’il ne reste plus aucun de ces freres & sœurs germains, alors ces biens passeront aux autres freres & sœurs qui sont procréés d’un autre mariage.

Voilà certainement la distinction & la prérogative du double lien bien établies par cette loi, du moins pour le cas qui y est prévû. Il n’est donc pas vrai, comme l’ont dit Guiné & quelques autres auteurs, que le privilége du double lien ait été introduit par Justinien ; il ne s’agissoit plus que de l’étendre aux biens dont l’empereur Leon n’avoit pas parlé : c’est ce qui a été fait par deux autres lois du code, & par trois des novelles.

La seconde loi qui est de l’empereur Justinien, est la loi sancimus onzieme & derniere, au code communia de successionibus. Cette loi, dans l’arrangement du code, se trouve précédée par la troisieme, dont on parlera dans un moment : mais elle est la plus ancienne dans l’ordre des dates & de la publication.

Justinien y rappelle d’abord ce qui avoit été reglé pour l’ordre de succéder aux biens que les fils de famille avoient recueilli de leur mariage. Il paroît qu’il a eu en vûe la loi quæcumque de l’empereur Leon : l’analyse qu’il en fait n’est cependant pas parfaitement exacte, car il suppose que cette loi ne parle que des biens que le fils de famille a acquis à l’occasion de son mariage : cependant elle comprend aussi dans sa disposition, ceux qui sont advenus au fils de famille par succession, legs, ou fidei-commis.

Quoi qu’il en soit, Justinien ordonne que le même ordre qui a été établi pour la succession aux biens que le fils de famille a gagnés à l’occasion de son mariage, sera observé pour les biens qui lui sont échûs de la ligne maternelle, à quelque titre ou occasion que ce soit, entre-vifs, à cause de mort, ou ab intestat : il détaille même cet ordre à peu-près dans les mêmes termes que l’empereur Leon, & par-là adopte expressément l’usage du double lien.

La troisieme loi qui est aussi de l’empereur Justinien, est la loi de emancipatis 13, au code de legitimis hæredibus ; elle ordonne que si un fils de famille, émancipé par son pere, décede ab intestat & sans enfans, sa succession sera reglée suivant ce qui avoit déjà été ordonné pour les biens maternels & autres. Il paroît qu’en cet endroit il veut parler de la loi sancimus : « Le pere, dit-il, aura l’usufruit des biens sa vie durant, & les freres & sœurs la propriété, excepté néanmoins les biens maternels qui appartiendront aux freres & sœurs procréés de la même mere, à l’exclusion des autres freres & sœurs ».

La derniere partie de cette loi, si on la prend à la lettre, semble à la vérité établir la distinction des biens & des lignes, plûtôt que la prérogative du double lien ; & c’est pourquoi l’explication de cette loi a beaucoup partagé les docteurs. La plus saine partie a soûtenu que cette disposition ne pouvoit s’entendre que des freres & sœurs germains, & non des utérins, qui n’ont pas encore le droit de succéder concurremment avec les consanguins ; & pour être convaincu de la solidité de cette interprétation, sans entrer dans une longue discussion à ce sujet, il suffit d’observer que dans la premiere partie la loi se réfere aux deux lois précedentes, qui établissent suffisamment la prérogative du double lien, & qu’il n’y a pas d’apparence que Justinien ait entendu dans la derniere partie de cette loi, ordonner quelque chose de contraire à la premiere partie, & aux deux lois précedentes qu’il a laissé subsister. Les lois 14 & 15 du même titre, confirment encore ce que l’on vient de dire ; car elles appellent les freres & sœurs consanguins & utérins, & leurs enfans concurremment, dans les cas qui y sont exprimés.

Quoi qu’il en soit, il est certain, de l’aveu des auteurs, que la novelle 118, qui appelle indistinctement après les freres germains, tous ceux d’un seul côté, abolit en sa préface toutes lois contraires ; au moyen de quoi elle auroit dérogé à la distinction des biens & des lignes, supposé qu’elle eût été établie par la loi de emancipatis.

Nous ne parlons point en cet endroit des authentiques qui font mention de la prérogative du double lien, & que l’on a inserées en différens titres du code, étant plus convenable, pour voir les progrès de la jurisprudence, de remonter d’abord aux novelles qui en sont la source, & de rapporter sous chacune les authentiques qui en ont été tirées.

Il est singulier que Guiné & quelques autres auteurs qui ont traité du double lien, n’ayent fait mention que de la novelle 118, & n’ayent rien dit des novelles 84 & 127, dont l’une précede la novelle 118, & l’autre a pour objet de l’interpréter.

La novelle 84 est composée d’une préface & de deux chapitres.

Dans la préface l’empereur propose l’espece d’un homme qui ayant des enfans d’un premier mariage, convole en secondes noces, dont il a des enfans qui sont, dit-il, consanguins à l’égard de ceux du premier lit, mais non pas utérins. Cet homme passe ensuite à un troisieme mariage, & en a des enfans : après sa mort sa femme se remarie, & a de son second mariage des enfans qui sont freres utérins de ceux de son premier mari, mais non pas consanguins. La mere étant décedée, un des enfans du troisieme mariage meurt aussi, sans enfans & ab intestat, laissant plusieurs freres, les uns consanguins, les autres utérins, d’autres consanguins & utérins : ce sont les termes de la novelle. Il fut question de savoir si tous les freres du défunt, germains, consanguins & utérins, devoient être admis tous ensemble à la succession.

Dans le chapitre j. Justinien dit qu’ayant examiné toutes les lois anciennes, & celles qu’il avoit faites lui-même, il n’en avoit point trouvé qui eût décidé la question ; que des freres du défunt, les uns (c’est-à-dire les utérins) avoient les droits de cognation, que l’empereur avoit fait concourir avec les héritiers légitimes (c’est-à-dire les freres consanguins, qui succédoient en vertu de la loi) ; que les uns tenoient au défunt du côté du pere, d’autres du côté de la mere ; enfin que d’autres étoient procréés des mêmes pere & mere, & undique veluti quoddam signum eis germanitatis resplendebat.

Il y a apparence que plusieurs de nos coûtumes ont tiré de-là le nom de freres & sœurs germains. On trouve bien dans quelques lois du code les termes de sœurs germaines-consanguines, germanæ consanguineæ, ou germanæ simplement ; mais ces termes ne signifioient encore autre chose que des sœurs consanguines : on les appelloit germanas, quasi ex eodem germine natas ; c’est pourquoi germanæ & consanguineæ étoient des termes synonymes, & même souvent conjoints.

La novelle décide que les freres germains doivent être préférés aux freres consanguins & utérins.

Justinien donne pour motif de cette décision, la loi qu’il avoit déjà faite pour les biens maternels, qui est la loi sancimus, dont il rappelle les dispositions ; & il ajoûte que puisque cette loi avoit lieu au profit des freres germains, dans le cas où le pere étoit encore vivant, à plus forte raison devoit-elle avoir lieu lorsque le pere étoit mort, & que ce qui avoit été ordonné, tant pour les biens maternels que pour ceux que le défunt avoit gagnés à l’occasion de son mariage, & autres dont le pere n’avoit pas la propriété, auroit lieu pareillement pour tous les autres biens du frere défunt ; c’est-à-dire que les freres germains seroient préférés aux freres consanguins & utérins, pour tous les biens, sans aucune distinction, de côté paternel & maternel.

Il ordonne encore que la même regle sera observée, au cas que le pere n’eût contracté que deux mariages, & excludant duplici utentes jure eos qui uno solo uti possunt : c’est sans doute de-là qu’on a pris l’idée du terme de double lien.

Enfin dans le chapitre ij. il ordonne que s’il ne se trouve point de freres germains, mais seulement des freres consanguins ou utérins, la succession sera réglée entr’eux suivant les anciennes lois ; par où il paroît avoir eu en vûe les lois du code, dont on a ci-devant fait l’analyse.

Cette novelle ne parle, comme on voit, que des freres germains ; mais le motif étant le même pour les sœurs germaines, & la novelle se référant aux précedentes lois, qui mettent en même rang les freres & les sœurs, il est évident que les sœurs sont aussi comprises tacitement dans la disposition que l’on vient de rapporter.

Ce doute est d’ailleurs pleinement levé par la novelle 118, qui fait mention des sœurs comme des freres.

Il est dit dans le chapitre ij. de cette novelle, que si le défunt meurt sans enfans & autres descendans, il aura pour héritiers ses pere & mere, ou, à leur défaut, les autres ascendans les plus proches, à l’exclusion de tous collatéraux, excepté néanmoins les freres germains, fratribus ex utroque parente conjunctis defuncto, comme il sera dit ensuite ; ce qui est relatif au §. si vero, où il est parlé des sœurs.

Ce paragraphe explique que si avec les ascendans il se trouve des freres & sœurs germains, ils succéderont concurremment & par égales portions : Si vero cum ascendentibus veniuntur fratres aut sorores ex utrisque parentibus conjuncti defuncto, cum proximis gradu ascendentibus vocabuntur.... differentiâ nullâ servandâ inter personas istas, sive feminæ, sive masculi fuerint qui ad hæreditatem vocantur.

C’est de ce chapitre qu’a été tirée l’authentique defuncto, qui a été insérée au code ad s. c. Tertullian. elle porte pareillement que fratres utrinque defuncto conjuncti vocantur cum ascendentibus… exclusâ prorsùs omni differentiâ sexûs, &c.

Le chapitre iij. qui traite du cas où il n’y a que des collatéraux, porte que la succession sera d’abord dévolue aux freres & sœurs germains, primùm ad hæreditatem vocamus fratres & sorores ex eodem patre & ex eadem matre natos.

Au défaut de ceux-ci, la loi appelle les freres qui ne sont joints que d’un côté, soit par le pere ou par la mere : Fratres ad hæreditatem vocamus qui ex uno parente conjuncti sunt defuncto, sive per patrem solùm, sive per matrem.

Si le défunt a laissé des freres, des enfans de quelqu’autre frere ou sœur, ces enfans viendront avec leurs oncles & tantes paternels ou maternels, & auront la même part que leur pere auroit eûe.

Mais si le pere de ces enfans étoit un frere germain du défunt, ils seront préférés à leurs oncles, qui ne seroient que des freres consanguins ou utérins du défunt : Si fortè præmortuus frater cujus filii vivunt per utramque partem nunc defunctæ personæ jungebatur ; superstites autem fratres per patrem solùm, forsan aut matrem ei jungebantur, præponantur istius filii propriis Thiis, licet in tertio gradu sint, sive à patre, sive à matre sint Thii, & sive masculi, sive feminæ sint, sicut eorum parens præponeretur, si viveret.

Si au contraire le frere survivant est germain du défunt, & que l’autre frere prédécedé ne fût joint que d’un côté, les enfans de ce dernier sont exclus par leur oncle : c’est encore la disposition littérale de la novelle.

Il est encore dit que ce privilége n’est accordé qu’aux enfans mâles ou femelles des freres & des sœurs, & non aux autres collatéraux.

Enfin la novelle déclare que les enfans mêmes des freres ne joüissent de ce privilége que quand ils sont appellés avec leurs oncles & tantes ; que si avec les freres du défunt il se trouve des ascendans, les enfans d’un autre frere ou sœur ne peuvent être admis avec eux à la succession, quand même les pere ou mere de ces enfans auroient été freres ou sœurs germains du défunt, le droit de représentation n’étant alors accordé aux enfans, que lorsqu’ils concouroient avec leurs oncles & tantes seulement, & non pour concourir avec leurs ascendans ; ce qui a été depuis réformé par la novelle 127, dont il nous reste à parler.

De ce troisieme chapitre de la novelle 118 ont été tirées deux authentiques qui parlent du double lien.

La premiere qui commence par ces mots, cessante successione, a été inserée au code de legitimis hæredibus ; elle porte qu’à défaut de descendans & ascendans du défunt, les freres & les enfans des freres prédécedés succedent : Dico autem de fratre ejusque fratris filiis qui ex utroque parente contingunt, eum de cujus.... quo personæ veniunt, & sine… parentibus & cum proximis gradu ascendentibus, & quidem prædicti fratris filius, etsi tertio gradu sit, præfertur gradibus defunctis qui ex uno tantùm parente cognati sunt ; in hâc successione omnis differentia sexûs… cessat.

La seconde authentique inserée au même titre, est l’authentique fratres, qui porte qu’après les freres germains & leurs enfans, on admet les freres & sœurs conjoints d’un côté seulement, &c.

Cette novelle a d’abord pour titre, ut fratrum filii succedunt pariter ad imitationem fratrum, etiam ascendentibus extantibus.

L’empereur annonce dans le préambule, qu’il n’a point honte de corriger ses propres lois, lorsqu’il s’agit du bien de ses sujets. Il rappelle ensuite dans le chap. j. la disposition de la novelle 118, qui excluoit les enfans des freres, lorsqu’ils concouroient avec des ascendans. Il ordonne que si le défunt laisse des ascendans, des freres & des enfans d’un autre frere prédécedé, ces enfans concourront avec les ascendans & les freres, & auront la même part que leur pere auroit eue, s’il eût vécu. Enfin il est dit que cette décision ne doit s’appliquer qu’aux enfans des freres germains.

Le premier chapitre de cette novelle a servi avec le troisieme chapitre de la 118e, à former l’authentique cessante, dont on a parlé il y a un moment.

Telles sont les dispositions des lois romaines au sujet du double lien, par lesquelles on voit que ce n’est point Justinien qui a le premier introduit ce privilége, que les empereurs Léon & Anthemius avoient déjà commencé à introduire, & que Justinien ne fit qu’étendre ce droit ; que la novelle 118 de cet empereur n’est pas non plus la premiere loi qu’il fit sur cette matiere ; qu’il avoit déjà réglé plusieurs cas, tant par les lois sancimus & de emancipatis, que par sa novelle 84, qui fut suivie des novelles 118 & 127, qui acheverent d’établir le privilége du double lien.

Aux termes de la novelle 118, les enfans des freres germains excluent leurs oncles consanguins ou utérins ; mais elle ne décide pas s’ils ont le même droit contre les enfans des freres consanguins ou utérins.

Les opinions sont partagées sur cette question. Ceux qui soûtiennent l’affirmative, disent que les enfans des freres germains excluant leurs oncles consanguins & utérins, à plus forte raison doivent-ils exclure les enfans de ces mêmes freres, suivant la regle si vinco vincentem te, à fortiori te vinco. Cujas sur cette novelle ; Henrys, tome I. liv. V. quest. 56. Dumolin sur l’article 155 de la coûtume de Blois, & sur le 90e de celle de Dreux, sont de cet avis.

Ceux qui tiennent la négative, disent que les novelles sont de droit étroit, & ne s’étendent point d’un cas à un autre ; de ce nombre sont le Brun, des succ. liv. I. ch. vj. sect. 2. n. 8. & Dolivet, liv. V. ch. xxxv. qui rapporte quatre arrêts du parlement de Toulouse, qu’il dit avoir jugé pour son opinion.

La premiere nous paroît néanmoins mieux fondée, par une raison bien simple ; savoir que les enfans des oncles consanguins ou utérins, ne peuvent avoir plus de droit que leur pere.

L’usage des Romains par rapport au double lien, a été adopté en France dans les pays que l’on appelle de droit écrit, & dans quelques-uns des pays coûtumiers ; mais l’époque de cet usage en France ne peut guere remonter plus haut que la fin du xije siecle. En effet, jusques-là on ne connoissoit en France que le code théodosien, lequel ne faisoit point mention du double lien ; & les livres de Justinien, qui avoient été long-tems perdus, ne furent retrouvés en Italie que vers le milieu du xij siecle, d’où ils se répandirent ensuite dans le reste de l’Europe.

Ainsi nos coûtumes n’ayant commencé à être rédigées par écrit que vers le milieu du xv siecle, il est évident que celles qui ont adopté l’usage du double lien, l’ont emprunté du code de Justinien & de ses novelles.

Les coûtumes peuvent à cet égard être partagées en dix classes différentes ; savoir,

1°. De celles qui rejettent expressément le double lien, comme celle de Paris, art. 340, qui fait concourir les freres consanguins & utérins avec les freres germains, L’art. 341 ordonne la même chose pour les autres collatéraux. Il y a encore d’autres coûtumes semblables, telles que Melun, art. 360 ; Châlons, art. 89 ; Etampes, art. 127 ; Sens, art. 83 ; Auxerre, art. 240 ; Senlis, art. 168, & quelques autres. Dans ces coûtumes il n’y a de préférence qu’à l’égard des propres, pour ceux qui sont de la ligne dont ils procedent.

2°. Quelques coûtumes rejettent indirectement le double lien, en ce qu’elles partagent les meubles & acquêts entre les héritiers paternels & les maternels, donnant les trois quarts des meubles & acquêts au frere germain, & un quart à l’utérin ou au consanguin : telles sont les coûtumes du Maine, art. 286. celle d’Anjou, celle de Lodunois, ch. jx. art. dernier. On pourroit néanmoins dire de ces coûtumes, qu’elles restraignent seulement l’effet du double lien, plûtôt qu’elles ne le rejettent.

3°. Plusieurs coûtumes ne font aucune mention du double lien, & dans celles-là il n’a point lieu ; telles sont les coûtumes d’Amiens, de Bretagne, & autres.

4°. Quelques-unes au contraire l’admettent expressément, conformément à la disposition du droit, telles que Berry, tit. XIV. article 6. Bayonne, titre XII. art. 12. Saintonge, art. 98. Tours, art. 289.

5°. Il s’en trouve d’autres qui limitent ce privilége aux freres & sœurs germains, sans l’étendre à leurs enfans : telles sont les coûtumes de Poitou, art. 295. Troyes, tit VI. art. 93. Chaumont, tit. VI. art. 80. Saint-Quentin, art. 50. Grand-Perche, art. 153. Châteauneuf, art. 126. Dreux, article 90. la Rochelle, art. 51. la Doust, tit. XII. article 6. Bar, art. 129. Artois, art. 105.

6°. Quelques coûtumes loin de restraindre l’exercice de ce privilége, l’étendent jusqu’aux cousins germains, telles que les coûtumes du duché de Bourgogne, tit. vij. art. 18, Nivernois, ch xxjv. art. 16.

7°. D’autres portent ce privilége jusqu’aux oncles & tantes ; telles sont les coûtumes de Cambray, titre ij. art. 5, & Orléans, art. 330, qui porte que les collatéraux, conjoints des deux côtés, excluent en pareil degré ceux qui sont conjoints d’un côté seulement, jusqu’au degré des oncles & tantes, neveux & nieces du décedé inclusivement. M. Berroyer a prétendu que cet article étoit mal conçû, & que dans cette coûtume l’oncle ne peut prétendre le privilége du double lien ; il a fait à ce sujet une dissertation qui est à la fin du second tome des arrêts de Bardet, cependant les auteurs qui ont commenté la coûtume d’Orléans, tiennent pour le texte de la coûtume.

8°. Dans quelques coûtumes le double lien a lieu à l’infini ; telles sont les coûtumes de Perrone, article 189 ; celle de Montargis, ch. xv. art. 12 ; celle de Blois, art. 155 ; Bourbonnois, art. 317 ; Poitou, art. 295.

9°. Le double lien, dans quelques coûtumes, n’est admis que pour certains biens. La coûtume de Berry, par exemple, ne l’admet que pour les propres, sans parler des meubles & acquêts, & celle de Saint-Quentin au contraire ne l’admet point pour les propres, ce qui est conforme au droit commun, qui n’admet ce privilége que pour les meubles & acquêts.

10°. Ce privilége est fixé dans quelques coûtumes à une certaine quotité de biens, comme dans celle de Reims, article 311, qui donne les trois quarts des meubles & acquêts au frere germain, & un quart seulement au consanguin : les coûtumes de la seconde classe semblent aussi rentrer dans celle-ci.

11°. Enfin le double lien est admis pour tous les biens sans distinction dans quelques coûtumes, telles que celle du duché de Bourgogne, tit. vij. art. 18, & Bayonne, tit. xij. art. 12.

Outre le traité de Guiné sur le double lien, on peut voir encore celui de Jean Vineau, de jure præcipuo duplicis vinculi, & ce qu’en disent quelques auteurs, tels qu’André Gaill. liv. II. observ. 151, où il traite la question, an in feudo frater utrinque conjunctus excludat fratrem ex uno latere tantum ; Lebrun, des success. liv. I. ch. vj. sect. 2 ; Henrys, tom. I. liv. V. chap. jv. quæst. 25, & liv. VI. quæst. 1 ; le recueil de questions de M. Bretonnier, au mot double lien, & les commentateurs sur les coûtumes qui en parlent. (A)

Double-ligne, est la même chose que double-lien ; ce terme est usité en quelques coûtumes, comme celle d’Artois, art. 105. Voyez ci-devant Double-lien. (A)

Double d’une manœuvre : (Marine.) hale sur le double, cela se dit lorsqu’une manœuvre est arrêtée par le bout, & qu’on veut faire force & tirer dessus sans la détacher : on la prend par le milieu ou par quelqu’autre partie, sur laquelle plusieurs hommes tirent de concert, tandis que le bout demeure roüé & dans sa place. (Z)

Double, s. m. (Musique.) intervalles doubles ou redoublés, sont, en Musique, tous ceux qui excedent l’étendue de l’octave. Voyez Intervalle.

On appelle aussi doubles, des airs, simples en eux-mêmes, qu’on figure par l’addition de plusieurs notes, qui varient & ornent le chant sans le gâter. C’est ce que les Italiens appellent variazioni. Voyez Variations.

Il y a cette différence des doubles aux broderies ou fleurtis, que ceux-ci sont à la liberté du musicien, qu’il peut les faire ou les abandonner quand il lui plaît pour reprendre le simple : mais le double ne se quitte point, & dès qu’on l’a commencé, il faut nécessairement le poursuivre jusqu’à la fin de l’air. (S)

Double-croche, semi-chroma, (Musique.) est une note de musique qui ne vaut que le quart d’une noire, ou la moitié d’une croche. Il faut seize doubles-croches pour une ronde, ou pour une mesure à quatre tems. Voyez Mesure, Valeur des notes.

La double-croche se figure ainsi quand elle est seule, ou ainsi quand elle est liée, & suit en cela les mêmes regles que la croche. Voyez Croche.

Elle s’appelle double-croche, à cause du double crochet par lequel on la désigne. (S)

Double-fugue, (Musique.) est, en Musique, une seconde fugue d’un dessein différent, qu’on fait entrer à la suite d’une fugue déjà annoncée, & il faut que cette seconde fugue ait sa réponse ainsi que la premiere. Voyez Fugue. On peut même faire entendre à la fois un plus grand nombre encore de différentes fugues ; mais la confusion est toûjours à craindre, & c’est le chef-d’œuvre de l’art de les bien traiter. Pour cela il faut, dit M. Rameau, observer autant qu’il est possible, de ne les faire entrer que l’une après l’autre, sur-tout la premiere fois, que leur progression soit renversée, qu’elles soient caractérisées différemment, & que si elles ne peuvent être entendues ensemble, au moins une portion de l’une s’entende avec une portion de l’autre. (S)

Double emploi, (Musique.) M. Rameau appelle ainsi les deux différentes manieres d’employer l’accord de sous-dominante. Prenons, par exemple, la sous-dominante fa, du mode d’ut : l’accord de la sous-dominante est fa la ut ré, accord de grande sixte, dans lequel est la dissonnance, ou considérée comme telle ; cette dissonnance étant portée au-dessous de fa, donnera l’accord de 7° ré fa la ut, dans lequel devient un son fondamental, & ut est dissonnance. Cet accord ré fa la ut, qui n’est que l’accord fa la ut ré renversé, peut être substitué à l’accord fa la ut ré dans certaines occasions où l’accord fa la ut ré ne peut être employé ; ainsi de l’accord parfait d’ut, on peut aller à ré fa la ut, pour descendre ensuite à l’accord de la dominante sol : mais on ne pourroit aller de l’accord parfait d’ut, à l’accord de la dominante sol par le moyen de l’accord de sous-dominante fa la ut ré. Voyez Dominante. Dans le mode mineur, par exemple, dans celui de la, la sous-dominante donne de même l’accord de sixte ré fa la si, qui se renverse de même en accord de septieme si ré fa la. Voyez dans les chapitres xij. & xiij. de mes élémens de Musique théorique & pratique, un plus grand détail sur le double emploi, sur ses regles & sur ses usages.

Un des principaux est de pouvoir porter la succession du mode diatonique jusqu’à l’octave, c’est-à-dire de pouvoir donner à notre échelle diatonique ut ré mi fa sol la si ut, une basse fondamentale qui soit toute entiere dans le même mode ; & cette basse sera celle-ci, ut sol ut fa ut ré sol ut, dans laquelle le portera l’accord de septieme. V. Echelle, Mode, &c. Dans cette basse fondamentale tout est dans le même mode ; car on suppose que les deux sol y portent l’un & l’autre l’accord de septieme ou dominante tonique sol si ré fa (voyez Dominante), & que la note fa y porte l’accord de sous-dominante fa la ut ré (voyez Sous-dominante) ; l’accord du double emploi ré fa la ut, porté par la note , n’est que l’accord de sous-dominante renversé.

L’accord parfait ut mi sol ut peut être suivi de ré fa la ut substitué à fa la ut ré, pourvû que la dissonnance ut de l’accord ré fa la ut soit ensuite sauvée suivant les regles ordinaires (voyez Dissonnance & Sauver) ; mais ré fa la ut ne peut être suivi d’ut mi sol ut, parce que la dissonnance ut ne seroit plus sauvée. Voyez mes élémens de Musique, page 80, article CXXX. (O)

Double-octave, (Musique.) est un intervalle de musique composé de deux octaves, qu’on appelle autrement quinzieme, & que les Grecs appelloient disdiapazon. Voyez ce mot.

La double-octave est en raison double de l’octave simple, c’est-à-dire, comme 1 est à 4 ; & à mesure qu’on ajoûte de nouvelles octaves, les raisons vont toûjours en doublant, progression qui n’appartient qu’à l’octave. Voyez Intervalle, Octave. (S)

Double, s. m. On appelle de ce nom, à l’opéra, les acteurs en sous-ordre, qui remplacent les premiers acteurs dans les rolles qu’ils quittent par maladie ou défaut de zele, ou lorsqu’un opéra est sur ses fins, & qu’on en prépare un autre. On dit de l’acteur en sous ordre qui prend le rolle que remplissoit le premier, il a doublé, il double un tel rolle.

Chaque premiere actrice & chaque premier acteur ont leurs doubles, & ceux-ci ont les leurs à leur tour ; ensorte que l’opéra à Paris, quelque accident qui survienne, est représenté constamment pendant toute l’année aux jours marqués.

Il y a aussi des doubles dans la danse. Les premiers danseurs sont doublés par d’autres, lorsqu’ils sont hors d’état de danser leurs entrées.

Le nombre des sujets dont l’opéra de Paris est composé, son établissement stable, ses ressources, ses revenus, & le goût des François pour ce spectacle, sont de grands moyens pour le porter à un point de perfection & de magnificence auquel il n’est point encore parvenu, & qui semble ne dépendre maintenant que de très-peu de circonstances. Voyez Opéra. (B)

Double coupe, (Coupe des pierres.) On peut appeller ainsi l’appareil suivant : soit une platebande AB (figure 2.) sur le bord saillant du palier FE, BA. Tous les claveaux de la plate-bande doivent être en coupe pour s’opposer à la pesanteur vers un point R pris en contre-bas à une distance convenable, & d’autant plus grande que les butées AB seront plus fortes ; & les claveaux du plat-fond, en coupe vers un point G, ensorte que le mur FE & la plate-bande AB leur servent de butées, ainsi que cela se pratique ordinairement. Il est évident que les claveaux du plat-fond font effort contre la plate-bande, & la poussent à vuide vers un point P où rien ne s’oppose à leur effort ; pour y remédier il ne faut que mettre les joints de la platebande en coupe vers un point P pris au niveau de la plate-bande, & d’autant plus éloigné d’elle, que l’effort des claveaux du plat-fond sera moindre. C’est ce qu’on appelle être en double coupe, parce que les claveaux de la plate-bande sont voûtés de deux sens différens, l’un contre la pesanteur de la plate-bande, dont la direction est perpendiculaire à l’horison, & l’autre contre l’effort des claveaux du plat-fond, que l’on peut regarder comme une pesanteur horisontale, puisqu’il n’est qu’une décomposition de la pesanteur verticale des claveaux du plat-fond, & que sa direction est parallele à l’horison. (D)

Douple-bidet. Voyez Bidet. Le rein double, se dit des reins du cheval lorsqu’ils sont fort larges.

* Double-fond, s. m. (Manufacture en soie.) étoffe composée de 90 portées de chaîne, sur 8 lisses à l’ordinaire, & de 45 portées de poil, pour exécuter une figure sur le fond, de maniere qu’à chaque deux fils de chaîne, il y en a un de poil.

Le poil est monté sur quatre lisses de poil pour lever, & sur quatre lisses de poil pour rabattre.

On fait de doubles-fonds courans, lisérés, & brochés. On observe pour l’armure le même ordre que dans les lustrines de pareille espece, courante, lisérée, ou brochée. Ainsi nous nous contenterons de renvoyer ici à l’article Lustrine ; & de démontrer seulement de l’armure, ce qui concerne la figure du poil, le reste n’ayant rien de particulier.

Armure d’un double-fond courant, à une navette, démontrée pour le poil seulement.

Quand il y a un liséré ou deux navettes, la seconde marche ne baisse point de poil ; mais il y a une lisse de liage à l’ordinaire.