Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Proposition/Paragraphe 157

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 478-481).
B. Propositions particulières.

§ 157. Proposition substantivale.

a Une proposition nominale ou verbale forme un bloc qui peut être considéré comme un substantif et traité comme tel. Ainsi « je sais que tu es venu » équivaut à « je sais ta venue » ; la proposition que tu es venu est une proposition substantivale (équivalant au substantif ta venue), et de même que celui-ci est objet, que tu es venu est une proposition-objet.

Comme le substantif, la proposition peut être encore sujet, prédicat, apposition, complément d’une préposition, génitif. Mais c’est surtout comme objet qu’elle est fréquente (§ b).

I. Proposition-sujet. Asyndétique (très rare) : 2 S 14, 32 טוֹב לִי עֹד אֲנִי־שָׁם il serait meilleur pour moi d’être encore là-bas ; proposition relative comme sujet : Is 41, 24 תּֽוֹעֵבָה יִבְחַר בָּכֶם (il est) une abomination (celui qui) vous choisit (§ 158 d).

Syndétique (avec כִּי ou אֲשֶׁר)[1] : Gn 37, 26 מַה־בֶּ֫צַע כִּי נַֽהֲרֹג אֶת־אָחִ֫ינוּ quel avantage (à ce) que nous tuions notre frère ? ; Eccl 5, 4 טוֹב אשׁר לֹא־תִדֹּר il est mieux que tu ne voues pas ; Néh 2, 10 ; proposition relative comme sujet : Jos 10, 11 רַבִּים אשׁר מֵ֫תוּ nombreux furent ceux qui moururent (§ 158 l)[2].

II. Proposition-prédicat. Ce type, qui existe par exemple en arabe, est naturellement possible en hébreu, mais les exemples semblent manquer. Proposition relative comme prédicat : Is 63, 19 הָיִ֫ינוּ לֹא־מָשַׁ֫לְתָּ בָּם nous sommes devenus ceux sur qui tu n’as pas régné (§ 158 d).

III. Proposition-apposition. Les exemples semblent également manquer.

IV. La proposition-complément de préposition a été traitée au § 129 p-q, à l’occasion du génitif.

V. De même la proposition génitivale.

b VI. Proposition-objet.

Asyndétique : Job 32, 22 לֹא יָדַ֫עְתִּי אֲכַנֶּה je ne sais pas flatter ; Lév 9, 6 זֶה הַדָּבָר אֲשֶׁר־צִוָּה יְהֹוָה תַּֽעֲשׂוּ voici la chose que J. a ordonné (que) vous fassiez ; Is 42, 21 ; Am 5, 12 ; Ps 9, 21 ; Job 19, 25 ; avec un verbum dicendi : Gn 12, 13 אִמְרִי־נָא אֲחֹתִי אָ֑תְּ dis donc (que) tu es ma sœur. La construction n’est fréquente qu’avec un verbum dicendi ayant pour objet le discours direct : Gn 12, 12 וְאָֽמְרוּ אִשְׁתּוֹ זֹאת et ils diront : « c’est sa femme ».

c Syndétique (avec כִּי ou אֲשֶׁר, cf. § a N) : Gn 3, 6 וַתֵּ֫רֶא הָֽאִשָּׁה כִּי טוֹב הָעֵץ la femme vit que l’arbre était bon[3] ; 29, 12 ; Ex 4, 31 ; avec un verbum dicendi ayant pour objet le discours direct : Jug 6, 16 וַיֹּ֫אמֶר אֵלָיו יְהֹוָה כִּי אֶֽהְיֶה עִמָּ֑ךְ et J. lui dit : « je serai avec toi »[4] ; Gn 29, 33 ; Ex 4, 25.

Avec אֲשֶׁר : 1 S 18, 15 וַיַּרְא שָׁאוּל אשׁר־הוּא מַשְׂכִּיל Saül vit qu’il réussissait ; Ex 11, 7 ; Dt 1, 31 ; 1 R 22, 16 ; Is 38, 7 ; Jér 28, 9 ; Éz 20, 26 ; Néh 8, 14, 15 ; Esth 3, 4 ; 4, 11 ; 6, 2 ; Eccl 6, 10 ; 7, 29 ; 9, 1 ; Dn 1, 8. Devant אשׁר on peut avoir le את de l’accusatif : Jos 2, 10 שָׁמַ֫עְנוּ אֵת אֲשֶׁר־הוֹבִישׁ יְהֹוָה אֶת־מֵי יַם־סוּף ns avons appris (le fait) que J. a desséché les eaux de la mer Rouge.

d Remarques. 1) Avec les verba sentiendi[5], notamment avec רָאָה voir, יָדַע savoir, connaître, il y a souvent anticipation du sujet[6] ; Gn 1, 4 וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת־הָאוֹר כִּי־טוֹב Dieu vit que la lumière était bonne ; encore avec רָאָה : Gn 6, 2 ; 12, 14 ; 13, 10 ; 49, 15 ; Ex 2, 2 ; Eccl 2, 24 ; 8, 17 ; avec יָדַע : Ex 32, 22 ; 2 S 17, 8 ; 1 R 5, 17 ; avec הִכִּיר reconnaître : 1 R 20, 41.

e 2) C’est p.-ê. par extension de leur fonction dans la proposition-objet que כִּי et אֲשֶׁר servent à unir une proposition secondaire à une prop. principale, même quand il n’y a pas de verbe régissant un accusatif ; ainsi, après un substantif : Ex 3, 12 זֶה־לְּךָ הָאוֹת כִּי אָֽנֹכִי שְׁלַחְתִּ֫יךָ voici le signe (montrant) que je t’ai envoyé.

f 3) On trouve aussi comme objet la proposition relative : Gn 44, 1 וַיְצַו אֶת־אֲשֶׁר עַל־בֵּיתוֹ il ordonna à celui qui était à la tête de sa maison (§ 158 l).

g 4) Une action verbale comme objet d’un verbe, quand elle ne forme pas une proposition, s’exprime ordinairement par l’infinitif, le plus souvent par l’infinitif construit (sans ou avec ל, § 124 c), parfois par l’infinitif absolu (§ 123 b). Très rarement, au lieu de l’infinitif, on trouve le participe (comme en grec et souvent en araméen, en syriaque, en néo-hébreu) : Is 33, 1 כַּֽהֲתִֽימְךָ שׁוֹדֵד quand tu auras achevé de violenter (littt violentant) ; Jér 22, 30 ; 1 S 3, 2 ⸮.

5) Sur la proposition avec waw équivalant à une proposition-objet, cf. § 177 h.

  1. D’une façon générale אשׁר est surtout fréquent dans la langue postérieure.
  2. De même כי introduit une propos.-sujet après un simple אַף, גַּם, הֲ : Gn 3, 1 אַף כִּי־אָמַר (ceci est-il) aussi qu’il a dit ? = est-il donc vrai qu’il a dit ? ; Ruth 2, 21 גַּם כִּי־אָמַר (il y a) encore (ceci) qu’il a dit = de plus, il a dit ; Job 6, 22 הֲכִי־אָמַ֫רְתִּי (est-ce) que j’ai dit ? (§ 161 j).
  3. Pour la construction fréquente וַיַּרְא וְהִנֵּה cf. § 177 i.
  4. Avec אמר, outre le discours direct et indirect, avec ou sans כִּי, on trouve encore l’inf. précédé de ל : 2 Ch 6, 20 אָמַ֫רְתָּ לָשׂוּם שִׁמְךָ שָׁם (opp. parall. 1 R 8, 29 אָמַ֫רְתָּ יִֽהְיֶה שְׁמִי שָׁם).
  5. Rarement avec d’autres verbes, p. ex. avec הִגִּיד annoncer dans Néh 2, 18.
  6. Comp. le phénomène analogue du casus pendens (§ 156). Ainsi on pourrait dire avec les mots de Gn 34, 8 (§ 156 b) יְדַעְתֶּם שְׁכֶם בְּנִי כִּי חָֽשְׁקָה נַפְשׁוֹ בְּבִתְּכֶם. — On trouve un complément circonstantiel anticipé dans Dt 31, 29 je sais qu’après ma mort… ; Eccl 7, 22.