Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Paragraphe 34

Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 82-83).
SECONDE PARTIE


MORPHOLOGIE


§ 34. Généralités.

a La racine est l’élément le plus simple d’un mot. On dégage la racine en éliminant tous les éléments de dérivation et de flexion, à savoir, non seulement toutes les voyelles, mais encore certaines consonnes, principalement les sept consonnes ה א מ נ ת י ו, dites héʾémantiques (du mot mnémonique[1] הֶֽאֱמַנְתִּיו). Ainsi dans le mot הִתְקַדְּשׁוּ « ils se sont sanctifiés » la racine est constituée par le groupe consonantique קדשׁ qui exprime l’idée de sainteté ; n’appartiennent donc pas à la racine : les voyelles, le redoublement du דּ (qui indique que l’action est intensive ou causative, § 52 d), le groupe הִת (qui indique l’idée réfléchie, § 53 a), le וּ final (qui marque la 3e p. du pl.)[2].

Pour la commodité on énonce généralement la racine sous la forme de la 3e p. sg. m. du parfait, p. ex. קָטַל il a tué, qui, dans le verbe régulier et dans une partie des verbes irréguliers, représente les consonnes de la racine, n’y ajoutant que les deux voyelles.

La plupart des racines actuelles de l’hébreu sont trilittères. La trilittéralité est un trait si propre de la langue que, dans certains cas où elle n’existait pas ou n’existait plus, on l’a rétablie secondairement.

Cependant l’hébreu a quelques racines quadrilittères, dont plusieurs du reste sont d’origine secondaire (cf. §§ 60 et 88 K).

D’autre part, certaines racines sont bilittères, du moins dans un certain sens (cf. verbes ע״ע, ע״ו).

b Pour la plupart des mots on peut indiquer la racine avec certitude. Mais il y a des cas assez nombreux où la racine n’apparaît pas bien clairement ; ainsi les lexicographes hésitent assez souvent à propos de certains verbes ע״ו ou ע״י ; par exemple, le mot עֵדוּת ordonnance est rapporté soit à la racine עיד, soit (plus probablement) à la racine עוד.

La racine de plusieurs mots est inconnue, par exemple מַקֵּל bâton, עַל אֹדוֹת au sujet de.

Certains mots peuvent être déformés par le jeu des lois phonétiques ou par l’analogie, au point de rendre la racine méconnaissable : dans ce cas il y a racine apparente et racine réelle (d’après d’autres, racine secondaire et racine primaire). Ainsi le hitpael הִתְיַצֵּב semble appartenir à une racine יצב tandis que la racine réelle est נצב (§ 77 b). Le substantif תְּקוּפָה circuit semble appartenir à une racine קוף ; mais en réalité ce mot se rapporte au hifil הִקִּיף faire un circuit de la racine נקף. De même תְּשׁוּעָה victoire se rapporte au hifil הוֹשִׁיעַ sauver de ישׁע[3].

c La même racine peut avoir des formes verbales et des formes nominales. Si un nom dérive d’un verbe il est déverbal, si un verbe dérive d’un nom il est dénominal.

d Les parties du discours sont le pronom (avec l’article), le verbe, le nom (substantif et adjectif), les particules (adverbe, préposition, conjonction, interjection).

  1. Signifierait : « je l’ai cru » ; mais הֶֽאֱמִין se construit toujours avec une préposition.
  2. Voir les préformantes des formes nominales § 88 L, les afformantes § 88 M.
  3. Ces mots ont été formés à l’analogie des mots de la forme taqtul des racines ע״ו, § 88 L s.