Dictionnaire de la Bible/Tome 3.2 J-K

Dictionnaire de la Bible
(Volume IIIp. 941-942-1257-1258).

ΙSAÏE (Vulgate : Isaïas), nom, dans la version latine, de quatre personnages dont deux sont appelés en hébreu Yeša’eyâhû et deux Yeša’eyâh, c’est-à-dire « salut de Jéhovah » ou « Jéhovah est sauveur », les deux formes ayant la même signification et ne différant que par la manière d’abréger à la fin le nom divin. Un cinquième personnage, appelé Yeša’eyâhû dans l’hébreu, est nommé Jeseias et Jesaias dans la Vulgate, I Par., xxv, 3 (voir ces mots) ; deux autres enfin qui portent en hébreu le nom de Yeša’eyâh deviennent dans notre version latine Jeseias (voir Jéséias 1) et Isaia (voir Isaïe 6). Enfin une forme plus abrégée du même nom propre (hébreu : Iše’i), se trouve I Par., ii, 31 ; iv, 20 ; v, 24 (Vulgate : Jesi).

1. ISAÏE (hébreu : Yeša’eyâhû [יְשַׁעיָהוּ], Is., i, 1 ; la forme rabbinique du nom, qui figure en tête du Livre, est : ישעיה, Yeša’îha ; Septante : Ἡσαΐας ; Vulgate : Isaias), le premier des quatre grands prophètes d’Israël. Certains Pères latins écrivent Esaias (fig. 186).

I. Vie d’Isaïe.

On n’a pas beaucoup de renseignements sur la vie d’Isaïe. C’est au prophète lui-même qu’il faut demander les principaux éléments de sa biographie.


[Image à insérer]

180. — Le prophète Isaïe. Bas-relief d’une des portes de bronze de Saint-Paul-hors-lesMurs, à Rome, exécutées à Constantinople vers la fin du ΧΙe siècle, et détruites par l’incendie qui suivit la mort de Pie VII. D’après N. M. Nicolai, Della Basilica di San Paolo, in-f°, Rome, 1815, pl. Xv.

Il nous apprend qu’il était fils d’Amos. Is., i, 4. Certains Pères, trompés par une ressemblance de nom, crurent qu’Isaïe était fils du prophète Amos : ainsi Clément d’Alexandrie, Strom., i, 121, t. viii, col. 847 ; Pseudo-Épiphane, De vit. Proph., xii, t. x, col. 406 ; S. Augustin, De Civ. Dei, xvii, 27, t. xli, col. 583. Les deux noms sont écrits, en effet, de la même façon dans le grec des Septante : Ἀμώς, et le latin de la Vulgate : Amos. En hébreu, ils s’écrivent différemment : le nom du père d’Isaïe s’écrit : אמץ, ’Âmôṣ, tandis que le nom du prophète s’écrit עמס, ’Âmôs. Voir t. i col. 512. Saint Jérôme signale la méprise. In Amos, Prol., t. xxv, col. 989. Une tradition talmudique prétend que le père d’Isaïe était frère du roi Amasias dont il est question, dans IV Reg., xiv, 1. Cf. Megilla, 10b ; A. Rohling, Der Prohet Jesaja, Münster, 1872, p, 1 ; Winer, Realwörterdbuch, t. i, p. 554 ; J. G. Carpzov, Introductio in V. T., 3 in-4°, Leipzig, 1741-1757, t. iii, p. 92 : 93 ; Alexander, Commentary on the prophecies of Isaiah, édit. J. Eadie, Édimbourg, 1865, t. i, p. 40. Certains passages du Livre d’Isaïe laissent entendre que le prophète appartenait à une des meilleures familles de Jérusalem. Is., iii, 1-17, 24 ; iv, 1 ; viii, 2 ; xxii, 16. On peut même penser qu’il n’était pas étranger à la famille royale, Is., vii, 3. Cf. D. Karl Marti, Das Buch Jesaja, Tübingue, 1900, p. xx.

Nous savons par son propre témoignage qu’il était marié à une seule femme qu’il appelle prophétesse, Is :, vii, 3 ; non pas qu’elle fût douée du don de prophétie, mais parce qu’elle était la femme d’un prophète. Cf. Calmet, Dictionnaire de la Bible, Toulouse, 1783, in-8°, t. iii, p. 261. L’Écriture mentionne deux fils d’Isaïe, qui reçurent un nom symbolique : le premier fut appelé : Še’ar yâšûb, « le reste reviendra, » Is., vi, 8 ; le second : Mahêr-šâlâl-ḥâš-baz, « hâte-toi de prendre les dépouilles. » Is., viii, 3. Cf. aussi Is., viii, 18. On ne sait pas s’il eut d’autres enfants.

II. Commencement du ministère prophétique d’Isaïe.

Il existe sur ce point deux opinions.

1° Les uns pensent qu’Isaïe inaugura son ministère prophétique l’année même de la mort d’Ozias, selon Is., vi, 1. Ainsi Hésychius qui appelle ce chapitre vi « l’élection du prophète », χειροτονίαν τοῦ προφήτου, In Is., 9, t. xciii, col. 1372. Saint Jean Chrysostome paraît être de cet avis, puisqu’il compare la promptitude d’Isaïe avec les tergiversations de Moïse, Exod., iv, 10, et de Jérémie, i, 6. In Is., vi, 5, t. lvi, col. 73. M. Vigouroux partage aussi cette opinion : « Sa première vision eut lieu l’année de la mort d’Ozias. » Man. bibl., 11e édit., Paris, 1901, t. ii, Ῥ. 598.

2° D’autres auteurs pensent qu’Isaïe avait déjà eu des visions antérieures à celle dont il est question dans Is., vi, 1. Saint Jérôme déclare que tout ce qui est raconté dans les chapitres i-v arriva sous le roi Ozias, et que la vision de vi, 1 eut lieu après la mort de ce roi et sous le règne de son successeur Joatham ; In Is., vi, t. xxiv, col. 91 ; toutefois dans sa Lettre xviiie au pape Damase il paraît insinuer l’opinion contraire, t, xxii, col. 371. Saint Grégoire de Nazianze se rallie ouvertement à ce second sentiment, Orat. ix, t. xxxv, col. 820. Tel est aussi l’avis de Trochon : « Nous ne voyons pas de raison non plus, comme le veulent certains critiques, pour que cette prophétie soit la première en date d’Isaïe. Il a déjà fait connaître à ses concitoyens les avertissements de Dieu ; voyant qu’ils n’en ont pas profité, il s’en prend à lui-même, à ses péchés, et c’est alors que Dieu renouvelle sa mission, le purifie par la main du Séraphin, et l’envoie annoncer sa parole avec une autorité nouvelle. » Isaïe, Paris, 1878, p. 58.

III. Ministère prophétique d’Isaïe.

Isaïe prophétisa sous quatre rois successifs : Ozias, Joatham, Achaz et Ezéchias ; c’est lui-même qui nous le dit. Is., i, 4. Nous ne pouvons pas déterminer quelle fut sa première prophétie ; la dernière, dont nous connaissons la date, est de la quatorzième année d’Ézéchias, c’est-à-dire de l’an 712, en nous tenant à la chronologie ordinaire. Is., xxxvi-xxxix. Joatham, successeur d’Ozias († 758), régna seize ans (758-742). Durant le règne de ce roi, Isaïe semble avoir vécu dans la retraite ; en effet, aucune prophétie n’est datée de cette époque ; sous Achaz, successeur de Joatham (742-727), il intervint dans une circonstance critique pour la Judée, au moment où Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, menaçaient Jérusalem ; ce fut surtout durant le règne d’Ézéchias (727-698) qu’il exerça son ministère prophétique avec le plus d’éclat. Isaïe était en effet l’ami et le conseiller de ce prince ; il le soutint et l’encouragea dans tous les moments difficiles de son règne, surtout dans une grave maladie, Is., M

xxxviii ; IV Reg., xx, 1-11, et durant l’invasion de Sennachérib. Is., xxxvi-xxxvii. À partir de ces graves événements, le prophète rentre dans l’obscurité, et se tient à l’écart de la scène politique. Sa mission providentielle auprès des monarques de la Judée était accomplie.

IV. Milieu histobiqde.

Pour bien comprendre l’action d’Isaïe et en suivre les diverses phases, il faut se placer, autant que l’on peut, dans le milieu historique où vécut le grand prophète.

I. la judée.

Le règne d’Ozias fut généralement prospère. Voir IV Reg., xv, 1-3, où Ozias est appelé Azarias ; II Par., xxvi, 4-5. Il fît des guerres heureuses et recouvra certaines villes perdues, IV Reg., xiv, 22 ; II Par., xxvi, 2 ; il remporta des victoires et construisit des fortifications, II Par., xxvi, 8 ; à l’intérieur il fortifia Jérusalem. II Par., xxvi, 15. Cependant il fut châtié de la lèpre parce qu’il usurpa les fonctions sacrées, IV Reg., xv, 5 ; II Par., xxvi, 16-22.— Son fils et successeur Joatham est aussi loué dans l’Écriture, IV Reg., xv, 34 ; II Par., xxvii, 2 ; il prospéra dans ses œuvres, II Par., xxvii, 2-4, et fut heureux dans ses guerres contre les Ammonites, ꝟ. 5 ; cependant il ne fréquentait pas le temple du Seigneur et le peuple se livrait au péché, ꝟ. 2 b. , — Achaz, son fils, fut un roi impie, IV Reg., xvi, 3-4 ; II Par., xxviii, 2-4 ; aussi son règne fut-Il affligé de grandes calamités, comme nous le verrons pius loin.

— Ézéchias, qui lui succéda, remit en honneur la piété et la religion, IV Reg., xviii, 3-4 ; le culte divin, II Par., xxix, 3-11 ; aussi Dieu était-il avec lui et le faisait-il prospérer, IV Reg., xviii, 7 ; il régna 29 ans, ꝟ. 2 ; II Par., xxix, 1. Lui aussi pourtant connut les maux de l’invasion étrangère, comme nous le dirons plus loin.

II. l’Assyrie. — Deux grandes puissances, l’Assyrie et l’Egypte, se disputaient, à l’époque d’Isaïe, l’empire du monde. Is., xix, 23-24. Dans ce conflit continuel, les Assyriens, race guerrière et dure à la peine, obtenaient presque toujours la prépondérance. Dans leurs invasions, ils courbaient impitoyablement sous leur joug de fer tous les royaumes situés entre l’Euphrate et les frontières nord-est de l’Egypte ; aussi la plupart de ces peuples, pour secouer le joug des Assyriens et se soustraire à leur lourde domination, étaient-ils naturellement portés à implorer le secours de l’Egypte, et cette dernière était toujours disposée à combattre les progrès de l’Assyrie, dont l’expansion sans bornes était un danger pour sa propre existence. — Isaïe fut contemporain de quatre rois d’Assyrie dont nous donnons ici les dates usuelles : Théglathphalasar III (743-727) ; Salmanasar IV (727-722) ; Sargon (722-705) ; Sennachérib (705-681) ; il fut aussi probablement contemporain d’Assarhaddon (681-668). Tous ces monarques eurent plus ou moins des démêlés avec les rois d’Israël et de Juda. Théglathphalasar III intervint sous Achaz ; irrité des impiétés de ce roi, Dieu le livra aux mains de Rasin, roi de Syrie, qui le conduisit prisonnier à Damas, II Par., xxviii, 5 ; il le livra aussi aux mains de Phacée, roi d’Israël, qui fît de grands ravages dans le royaume de Juda, ꝟ. 5-6 ; dans ces graves conjonctures, l’impie Achaz repousse le secours de Dieu que lui offrait Isaïe, vii, 5-13, et se tourne vers Théglathphalasar, dont il se déclare tributaire, IV Reg., xvi, 7 ; Théglathphalasar attaqua Damas, dont il tua le roi Rasin, envahit la Judée et conduisit en captivité beaucoup de Juifs et d’Israélites, IV Reg., xv, 29-30 ; xvi, 9-10 ; II Par., xxviii, 19-20 ; les Iduméens et les Philistins avaient déjà châtié l’impie Achaz et ravagé son royaume. II Par., xxviii, 17-18. — Salmanasar IV voulut détruire le royaume d’Israël et assiégea Samarie ; le roi de ce royaume, Osée, implora le secours des Égyptiens ; Sargon s’empara de Samarie et transporta les Israélites en captivité. IV Reg., xvii, 3-6 ; xviii, 9-11. — Les armées de Sargon et de ses successeurs, Sennachérib et Assar haddon, traversèrent plusieurs fois la Palestine pour aller attaquer l’Egypte. L’empire des pharaons opposa à ces attaques des monarques assyriens une vive résistance, qui fut malheureusement paralysée par les divisions intestines dont il souffrait. Ce qu’il faut surtout retenir de ces derniers événements, c’est le siège et l’attaque de Jérusalem par Sennachérib, le tribut qu’est obligé de lui payer le roi Ézéchias, et enfin l’extermination de l’armée assyrienne par l’ange du Seigneur. IV Reg., xxviii, 13-16 ; II Par., xxxiii ; Is., xxxvi-xxxvii ;

/II. l’Egypte. — Les rois d’Egypte de cette époque, d’origine éthiopienne, sont : Sua, que les textes égyptiens appellent Sabak et les Grecs Sabacon, et Tharaca. Le premier avait fait alliance avec Osée, roi d’Israël, contre les Assyriens, IV Reg., xvii, 4 ; Sua marcha trop tard au secours d’Osée, et, lorsqu’il arriva en Palestine, Samarie avait déjà succombé sous l’assaut de Salmanasar. Ce roi fut battu par Sargon à Raphia. Les Égyptiens furent aussi battus par Sennachérib à Altakou. Quant à Tharaca, il fut attaqué au sein même de son royaume par Assarhaddon, successeur de Sennachérib. - IV. autres peuples. — D’autres peuples de moindre importance, Phéniciens, Tyriens, Araméens, Moabites, Ammonites, Arabes, Iduméens et Philistins, subirent nécessairement le contre-coup de ces guerres entre les deux puissants empires, et l’invasion du vainqueur. Dans ce duel presque continuel, ils devenaient la proie du plus fort. C’est surtout des Assyriens qu’ils eurent à souffrir. Ninive pesait sur eux de tout son pouvoir, et l’on sait, par l’histoire et les inscriptions, combien était dure la domination de la puissante cité. (Dieu se servait des Assyriens pour exécuter ses desseins, et c’est pourquoi le nom d’Assur revient si souvent dans la première partie des prophéties d’Isaïe. Cf. Knabenbauer, Comment, in Is. proph., t. i, Paris, 1887, p. 1-8 ; G. Rawlinson, Five great monarchies, 2e édit., t. ii, p. 130 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1806, t. iii, p. 497-595 ; t. iv, p. 1-75 ; JE. Schôpfer, Histoire de l’Ancien Testament, trad. franc, par J.-B. Pelt, t. ii, Paris, 1897, p. 205-213.

V. Table chronologique, avant J-C.

Théglathphalasar III. 745-727

Dernière année du régne d’Ozias et vocation

d’Isaïe 740

Déposition et mort de Phacée, roi d’Israël, 734 ou 733-732 Prise de Damas par Théglathphalasar III… 732

Salmanasar IV… 727 ou 726-722

Sargon 722-705

Prise de Samarie et fin du royaume du Nord. 722 ou 721 Sfège et prise d’Azot par l’armée de Sargon.. 711

Sargon défait Mérodach-Baladan et entre à

Babylone 710

Sennachérib 704 ou 705^681

Sennachérib défait Mérodach-Baladon …. 703

Campagne de Sennachérib contre la Phénicie,

la Palestine et Juda 701

Assarhaddon CS1-CC8

Destruction dé Ninive par les Mèdes et les Babyloniens 608 ou C07

Succès de Cyrus dans l’Ouest et l’Asie centrale 549-538 Prise de Babylone et délivrance des Juifs par Cyrus 533

Cf. Driver, An introduction to tlte literature of tke Old Testament, 7e édit., Edimbourg, 1898, p. 205 ; D. Karl Marti, Dos Buch Jesaja, Tubingue, 1900, p. xx ; Rost, Die Keilschrifltexte Tiglalh-Pilesers III, 1893, p. xxix, xxxv.

VI. Mort d’Isaïe. —. Une tradition très ancienne et assez répandue fait vivre Isaïe jusqu’au temps du roi Manassé ; il aurait péri de la mort la plus cruelle durant la persécution suscitée par ce roi. TV Reg., zxi, 16. Son corps aurait été scié en deux avec une scie en

bois. Pour le condamner à mort, le roi Manassé aurait pris pour prétexte les paroles mêmes du prophète : « J’ai vu le Seigneur assis sur un trône. » Is., vi, 1. Le roi prétendait que ces paroles étaient en contradiction avec ce que dit Moïse de Jéhovah : « Nul homme ne me verra sans mourir. » Exod., xxxiii, 20. La tradition relative à son genre de mort fut admise par la majorité des Pères. Cf. S. Justin, Dial. cum Tryph., 120, t. vi, col. 756. Tertullien, De patientia, xiv, t. i, col. 1270 ; Chronicon pasch., t. xcii, col. 305, 381 ; Origène, In Is. Hotnil., i, 5, t. xiii, col. 223, où il appelle cette tradition juive : verisimilem quidem nec tamen veram, probablement à cause du motif donné par les Juifs, à savoir qu’Isaïe avait été scié parce qu’il violait la loi. In Matth., t. x, 18, t. xiii, col. 882 ; In Matth., Comment., Ser. 28, t. xiii, col. 1637 ; Épist. ad Jul. Afric, 9, t. xi, col. 65 ; S. Jérôme, In Is., lvii, 1, t. xxiv, col. 516-548. Cette tradition d’origine juive s’est conservée aussi dans le Talmud, traité Yebamoth 496, et dans le Targum sur II [IV] Reg., xxi, 16, Sanhédrin, 103 6. Cf. A. Rohling, Der Prophet Jesaja, p. 1 ; Carpzov, Introd. in V. T., t. iii, p. 96-98. La tradition qu’Isaïe fut scié avec une scie en bois dérive d’un apocryphe, VAscensio Isaise, 63 ; cf. édit. Lurenca, v, 11. C’est en vertu de cette même tradition que la plupart des Pères ont appliqué à Isaïe l’expression de l’Épttre aux Hébreux, xi, 27, secti sunt. Ils y ont vu une allusion au supplice d’Isaïe. Pour d’autres détails très incertains, cf. Pseudo-Épiphane, De vit. proph., t. xlHi, col. 397, 419. La date de la mort d’Isaïe est inconnue, bien qu’on’soit porté à la placer en 690. La tradition plaçait son tombeau à Panéas dans le pays de Basan : c’est de là que ses reliques auraient été transportées à Constantinople, en 442, sous le règne de l’empereur Théodose II. Cf. Acta sanet., t. ii, Julii, p. 250. Le martyrologe romain fait mention d’Isaïe et de son genre de mort au 6 juillet. Cf. Baronius, Ad martyrol. rom., 6 Julii.

VII. Autres ouvrages attribués a Isaïe.

Outre ses prophéties, Isaïe avait encore. écrit une histoire du roi Ozias, II Par., xxvi, 22 ; la vision d’Isaïe, dont il est question, II Par., xxxii, 32, contenant une histoire du règne d’Ézéchias, est regardée par certains auteurs comme formant une partie du Livre des rois de Juda et d’Israël, aujourd’hui perdu ; généralement on est plus incliné à croire qu’il s’agit là de la partie des prophéties faites au temps d’Ézéchias. Is., xxviii-xxxix. On a aussi attribué à Isaïe un ouvrage apocryphe : V Ascension d’Isaïe ; cf. Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, 2e édit., Hambourg, 2 in-8°, 17221733, t. i, p. 1087 ; R. Laurence, Ascensio Isaix vatis cumversione latine, in-8°, Oxford, 1819 ; Greswell, An exposition of the parables, 5 in-8°, Oxford, 1834, t. v, part, ii, p. 80.

VIII. Place d’Isaïe parmi les prophètes. — Isaïe est incontestablement le plus grand des prophètes, soit à cause de l’importance de ses révélations, soit à cause des qualités de son style. Il vécut à une des époques les plus troublées de l’histoire, et eut à remplir une mission, qui ne fut jamais confiée à aucun autre prophète. Aussi ne faut-il pas s’étonner des éloges qu’on lui a décernés à maintes reprises. Le plus grand et le plus autorisé de tous les éloges lui a été adressé par le Saint-Esprit lui-même par la bouche de l’auteur de l’Ecclésiastique, xlviii, 25-28 : « Isaïe est un grand prophète, qui marcha fidèlement dans les voies de Dieu ; de son temps le soleil rétrograda : il prévit les derniers événements, et consola ceux qui pleuraient dans Sion : il annonça les choses futures et cachées, avant leur réalisation. » Les Pères de l’Eglise ont fait écho à ces paroles de l’Ecclésiastique. L’auteur de la Synopsis Scripiurm Sacrse, t. xxviii, col. 363, parmi les œuvres de saint Athanasc, xix, 38, dit que < la plupart de ses prophéties sont l’Évangile

lui même ». Eusèbe l’appelle le plus grand des prophètes : ’Haaîaç npooffzwv [isyurroç. Detn. evang., v, 4, t. xxii, col. 370 ; voir aussi ii, 4, col. 127. Saint Isidore de Péluse déclare qu’Isaïe était doué de la plus grande perspicacité : ô SiopattxwTaTo ;. Epist., t. I, ep. xui, t. lxxviii, col. 208. Théodoret l’appelle « le divin », & 8eiÔT<xToç. In Is., Argum. , t. lxxxi, col. 216. Saint Jérôme dit qu’« il n’est pas tant prophète qu’évangéliste ». Prsef. ad Paulam et Eustoch., t. xxviii, col. 771 ; voir aussi Prolog, in Is., t. xxiv, col. 18. « Il me semble, dit saint Cyrille de Jérusalem, qu’Isaïe était orné non seulement de la grâce de la prophétie, mais aussi des dons apostoliques ; il était à la fois prophète et apôtre. » In Is., Proœm., t. lxx, col. 14. Saint Ambroise conseillait à saint Augustin de lire Isaïe, parce qu’« il a été, au-dessus de tous les autres, le prophète de l’Évangile et de la vocation des nations ». De Civ. Dei, XVIII, xxix, 1, t. xli, col. 585. Cf. aussi Conf., ix, 5, t. xxxii, col. 769 ; Joséphe, Ant. jud., X, ii, 2 ; J. Eadie, À biblical Cyclopœdia, in-8°, Londres, 1870, p. 343. V. Ermoni.

    1. ISAIE (LE LIVRE D’)##


2. ISAIE (LE LIVRE D’). — I. CARACTÈRE DU LIVRE. — Le livre d’Isaïe, dans sa forme actuelle, est une simple collection de prophéties faites dans des circonstances diverses, et par conséquent à différentes époques. Il ne forme pas un tout suivi, une composition où tout s’enchatne avec ordre et méthode ; ce n’est pas une œuvre conçue et exécutée d’un seul jet ; c’est plutôt un recueil. C’est du reste là le caractère des écrits prophétiques en général. L’esprit prophétique ne s’accommode pas facilement d’un ordre rigoureusement symétrique ; il obéit à l’inspiration, au souffle divin, et le souffle divin est libre dans ses mouvements. — De ce que le livre d’Isaïe est un recueil, on aurait tort pourtant de soutenir qu’il ne présente aucun ordre. En soutenant cette thèse, Luther, et quelques critiques rationalistes qui ont marché sur ses traces, Koppe, Eichhorn, Hitzig, Ewald, sont tombés dans une exagération manifeste. L’exégèse de nos jours, plus critique et aussi plus sévère, ne conteste plus ce point, qu’un examen attentif et minutieux de la forme littéraire du Livre a établi d’une manière satisfaisante.

II. Éditeur du recueil.

L’arrangement et la disposition des matériaux doivent être attribués à Isaïe lui-même. Nulle raison, quoi qu’en disent les auteurs rationalistes, ne nous porte à admettre le contraire, et à refuser au grand prophète le mérite d’avoir disposé ses oracles dans l’ordre actuel. Au surplus une raison d’analogie nous donne le droit de penser et de croire qu’Isaïe est l’auteur de l’arrangement du livre : on peut retenir, comme un principe général de critique littéraire, que les livres prophétiques, quels qu’en soient le contenu, l’étendue et les tendances, ont été mis en ordre par les auteurs dont ils portent le nom, à moins que des raisons sérieuses ne nous forcent à soutenir le contraire. C’est ainsi que, de l’aveu de tous les critiques, Ézéchiel a disposé, dans le recueil biblique, la collection de ses prophéties telle que nous l’avons aujourd’hui. Jérémie nous apprend lui-même qu’il a écrit et publié deux fois ses propres prophéties. Jer., xxxvi, 2, 28, 32. Nous devons donc conclure qu’Isaïe fit de même pour ce qui concerne les siennes. Enfin le titre des prophéties d’Isaïe, i, 1, n’est nullement limitatif : il ne fait aucune distinction ; dès lors, comme il nous donne le droit de conclure à l’authenticité de toutes les prophéties, il nous donne aussi celui de conclure à leur arrangement par Isaïe lui-même. — Les critiques qui ont nié qu’Isaïe fût l’auteur de la disposition actuelle, et qui nous parlent de compilateur et de compilation, s’appuient sur deux raisons : 1° Le manque d’unité littéraire ; le livre d’Isaïe, disent-ils, manque d’unité littéraire ; par conséquent beaucoup de prophéties ne sont pas d’Isaïe lui-même, et la disposition actuelle est l’œuvre d’un compilateur. — Ce reproche n’est pas fondé, comme on le verra plus loin

aux paragraphes sur l’unité littéraire et l’authenticité des prophéties d’Isaïe. — 2° La place de certaines prophéties, xxxvi-xxxix ; la place naturelle de ces oracles, dit-on, n’est pas le livre d’Isaïe, mais le IV » livre des Rois, xviii-xx, d’où elles furent extraites par le compilateur du livre d’Isaïe. — Leur place est aussi dans le prophète à cause de certains détails touchant son œuvre prophétique, et l’accomplissement de quelques-unes dé ses prédictions les plus remarquables. Driver, Introduction, p. 226-227. L’auteur de l’histoire des Rois a pu assurément les tirer du livre d’Isaïe.

III. Division.

Le livre’d’Isaïe se divise en deux parties principales : i-xxxix et xl-lxvi. La première partie embrasse d’une manière générale des oracles sur des sujets variés, faits également à des époques diverses, 30us les règnes d’Ozias, de Joatham, d’Achiaz et d’Ézéchias. La seconde partie est surtout messianique, s’il faut la caractériser d’un mot unique et synthétique ; elle s’occupe presque exclusivement de l’avènement du Rédempteur du monde.

I. subdivision de la première partie.

La première partie se subdivise en quatre sections ou groupes ; 1° i-vi ; après un court prologue, ce groupe comprend les oracles relatifs au peuple de Dieu, datant du temps d’Ozias et de Joatham ; 2° vii-xii ; ce groupe contient les prophéties de l’époque d’Achaz, et qui ont pour objet principal la venue du Messie, d’Emmanuel ; c’est pour cela que ces chapitres portent le nom de Livre d’Emmanuel ; 3° xiii-xxvii, prophéties contre les nations étrangères ; 4° xxviii-xxxix, prophéties faites sous le roi Ezéchias, et qui s’étendent jusqu’à l’extermination de l’armée de Sennachérib par l’ange du Seigneur. Cf. Vigouroux, Man. bibl., 11e édit., t. ii, p. 621 ; Knabenbauer, Comment, in Is. proph., Paris, 1887, t. i, p. 1112 ; Trochon, Isaîe, Paris, 1878, p. 17.

II. SUBDIVISION DE LA SECONDE PARTIE.

La seconde

partie se subdivise en trois sections ou séries de discours, divisés par groupes de neuf, c’est-à-dire que chaque série embrasse neuf discours : 3 X 3. Cf. Rûckert, Uebersetzung und Erlâuterurig hebrâischer Propheten, 1831. Le tout nous donne donc 27 discours, c’est-à-dire un nombre de discours égal au nombre des chapitres de la seconde partie du livre, quoiqu’il n’y ait pas toujours correspondance entre les chapitres et les discours. — i T ° Série ; xl-xlvhi : l" Discours, xl ; 2 « , xli ; 3°, xliixliij, 13 ; 4°, xliii, 14-xliv, 5 ; 5 « , xliv, 6-23 ; 6e, xuv, 24-xlv ; 7e, xlvi ; 8°, xlvii ; 9 « , xlviii. — 2° Série : xlixlvii. I er Discours, Xlix ; 2°, L ; 3e, li ; 4°, lii, 1-12 ; 5°, lii, 13-liii ; 6% liv ; 7e, lv ; 8e, lvi, 1-8 ; 9°, lvi, 9-lvii. — 3’Série : lviii-lxvi : 1 « Discours, lviii ; 2e, lix ; 3e, lx ; 4 « , lxî ; 5°, lxii ; 6°, lxiii, 1-6 ; 7’, lxiii, 7-lxiv ; 8 « , lxv ; 9°, lxvi. Cf., pour différentes autres divisions et subdivisions, Trochon, Isaîe, p. 14-16 ; B. Neteler, Dos Buch Isaias aus dem Urtext ûbersetzt, in-8°, Munster, 1876 ; A. Kohling, Der Prophet Jesaja ; in-8°, Munster, 1872.

m. principe de ce classement. — Les critiques ne sont pas fixés sur le principe qui a présidé à ce classement. Saint Jérôme, J. H. Michælis, Rosenmuller, Hengstenberg se prononcent pour l’ordre chronologique ; Vitringa et Jahn sont partisans de l’ordre logique. Enfin Gesenius, Delitzsch et Eeil admettent un ordre en partie chronologique, en partie logique. C’est cette troisième opinion qui semble se rapprocher le plus de la vérité. On se convainc en effet par une simple lecture du livre que, quoique l’auteur dans le groupement des sections et des parties ait tenu compte de l’ordre logique on de la diversité des matières, c’est cependant l’ordre chronologique qui domine l’ensemble et se manifeste d’une manière assez sensible : « La chronologie, dit Hengstenberg, est le principe suivant lequel les prophéties d’Isaïe sont arrangées, » Christotogy of tlw Old Testament translatée from the german by E. Meyer, in-8°, Edimbourg, 1872, t. ii, p. 2. Si ce principe est trop

exclusif, il n’en reste pas moins prépondérant. Certains auteurs regardent même comme « assez vraisemblable que le prophète ait réuni d’abord les chap. i-xii, c’est-à-dire les prophéties du temps d’Ozias, de Joatham et d’Achaz, puis les chap. xiii-xxiii et xxrv-xxxix, datant du temps d’Ézéchias, et enfin les chap. xl-lxvi qui sont de la fin de sa vie ». Vigouroux, Man. bibl., t ii, p. 604.

IV. Analyse du livre.

I. argument général. — Tout dans les prophéties d’Isaïe tend au salut du peuple d’Israël et, par voie de conséquence, de l’humanité entière. Le prophète montré avec la plus grande clarté et une force irrésistible quels sont les obstacles qu’il faut éviter dans la vie privée et publique et ce que doivent faire les particuliers et les nations pour obtenir le salut de Dieu ; comment on doit s’y préparer, et comment on doit le désirer et le chercher ; il décrit enfin l’excellence de ce salut, et la béatitude que procurera le règne messianique. C’est, à proprement parler, l’œuvre de la Rédemption future qui forme comme le nerf et le point central de ce livre admirable. Tout converge vers ce but, le laisse entrevoir dans le lointain et l’indique d’une manière de plus en pIhs pressante à l’esprit du lecteur. Knabenbauer, In Is., t. i, p. 11, § m.

II. première partie, i-xxxix. — Premier groupe : Prophéties du temps d’Ozias et de Joatham, i-vi. — Ce premier groupe se subdivise en quatre parties. — 1° Prologue, î. Ce prologue, forme comme une introduction à tout le livre ; il nous indique en effet au début même, i, 1, le titre, « vision, » le sujet, « sur Juda et Jérusalem-, » et la date, « pendant les jours d’Ozias, de Joatham, d’Achaz et d’Ézéchias, rois de Juda. » Leimot vision, hazôn, c’est-à-dire « révélation », qu’on trouve toujours employé au singulier, a un sens collectif, équivalent à celui de recueil ou collection de « visions ». Le centre autour duquel gravitent toutes ces révélations, c’est Juda et Jérusalem. — Les ꝟ. 2-31 peuvent être regardés, comme la préface de tout le livre ; bien qu’on admette parmi les catholiques que cette préface a été composée par Isaîe lui-même, on en ignore pourtant la date précise. Les y. 2-4 sont une plainte contre l’ingratitude du peuple juif ; le ꝟ. 6, qui retrace le déplorable état d’Israël, a été appliqué par la liturgie catholique à la passion du Sauveur. Les ꝟ. 7-8 se rapportent certainement à un temps où le royaume de Juda était ravagé par une armée étrangère ; mais quelle est cette invasion ? Le royaume de Juda eut à subir, du temps d’Isaïe, trois invasions : a) à la fin du règne de Joatham ; b) sous Achaz, par les Israélites et les Syriens ; cf. IVReg., xv, 37 ; xvi, 5 ; Is., vii, 1 ; c) sous Ezéchias, par les Assyriens. Cf. IV Reg., xviii, 13 ; Is., xxxv, 1. Il est difficile de rapporter Is., i, 7-8 à la première invasion, car en somme, malgré certaines défaillances, le règne de Joatham fut assez heureux ; il est plus vraisemblable que ce passage vise la deuxième invasion sous Achaz. — Malgré les bénédictions de Dieu durant les règnes d’Ozias et de Joatham, et les calamités, des invasions étrangères, le peuple de Juda n’a pas été ému : il est resté froid et impassible. Dieu n’a donc qu’à donner libre cours à sa justice, et à faire fondre sur le peuple les châtiments qu’il mérite ; il le purifiera par les tribulations, mais il conservera un noyau choisi. Is., i, 9-31. Pour ce qui concerne ꝟ. 9, cf. Gen., xix, 24 ; Rom., ix, 29. La péricope 25-31, où le prophète annonce que le peuple sera enfin délivré et rétabli dans un état plus heureux., se rapporte, d’une façon particulière, à la venue du Messie, le vrai libérateur.

2° Prophéties sur Juda, u-iv. — Ces deux chapitres forment un tout complet et, pour ainsi dire, isolé ; le commencement et la fin de ce morceau se correspondent exactement ; la prospérité de Sion sous le règne messianique, H, 2-3, et iv, 5-6. D’abord un court prologue, h, 1, où le mot verbum a le sens de « vision ». Toutes les nations accourront à la montagne de Sion, ii, 2-4 ; cf. Michée, contemporain d’Isaïe, iv, 1-3. Suivent

les menaces : la maison de Jacob sera rejetée à cause de son idolâtrie, de son avarice et de ses autres crimes, il, 5-10 ; les orgueilleux seront humiliés et Dieu exalté, jꝟ. 11-12. — Nouvelles menaces : les Juifs seront abandonnés à cause de leurs péchés, iii, 1-3 ; ils tomberont sous la domination d’enfants et d’hommes efféminés, ꝟ. 4 ; ils se précipiteront les uns contre les autres, mais ils ne pourront trouver de chef, ꝟ. 5-7. Le peuple se trouve dans un état lamentable, mais la faute en est à ses chefs, qui ont exercé sur lui toute sorte d’exactions. Lé prophète s’élève vivement contre les iniquités des chefs du peuple, ꝟ. 8-15 ; il adresse de vifs reproches aux femmes juives, aux filles de Sion, à cause de leur vanité, de leur orgueil et de leur luxe, ꝟ. 16-24. Cf. E. Fontenay, Les bijoux anciens et modernes, in-8°, Paris, 1887. Il revient aux menaces contre les hommes de Sion, ꝟ. 25-26 ; les hommes manqueront dans Juda ; les veuves et les femmes seront tellement nombreuses, que sept prieront à la fois un homme de les prendre pour épouses, iv, 1. Cependant, au milieu de cette désolation, le germe du Seigneur sera dans la gloire et la magnificence, ꝟ. 2 ; enfin les restes d’Israël, après avoir été purifiés de leurs souillures, seront sauvés et mis en sûreté, ꝟ. 3-6. — Cette prophétie présente deux particularités : premièrement, c’est la seule qui commence par une promesse : « Et il y aura, s> il, 2 ; secondement, les mots « dans les derniers jours », il, 2, désignent toujours, dans le langage prophétique, les temps messianiques.’3° Parabole de la vigne, v. — Sous l’image de la vigne stérile et dévastée, le prophète prédit le châtiment des Juifs, v, 1-7 ; description de leurs vices : avarice, convoitise, ivrognerie, mépris de Dieu, ꝟ. 8-12 ; c’est pour cela que le peuple est conduit en captivité, ꝟ. 13 ; que l’enfer engloutira Israël, t, 14. Les orgueilleux seront humiliés, Dieu exalté et le juste heureux, ꝟ. 1517. Malheurs (vas) contre les pécheurs de toute espèce, j^. 18-24 ; ils seront brûlés, et leurs rejetons déracinés parce que la. colère du Seigneur s’est allumée contre son peuple. Il lèvera un étendard qui servira de signal aux nations étrangères ; un peuple viendra des extrémités de la terre et ravagera la Judée, ꝟ. 25-30. Pour la parabole de la vigne, cf. Jer., ii, 21 ; Matth., xxi, 3343 ; Marc., xii, 1-12 ; Luc, xx, 9-16.

4° Vocation d’Isaïe au ministère prophétique, vi. — Après avoir vu Dieu assis sur un trône de gloire, entouré de séraphins qui chantent 7 les louanges du Très-Haut, le prophète condamne amèrement son silence, vi, 1-5 ; un séraphin vole vers lui, et lui purifie les lèvres avec un charbon, ꝟ. 6-7 ; aussitôt, il s’offre à Dieu pour aller prophétiser où il lui plaira de l’envoyer, ꝟ. 8. Il prédit l’aveuglement de Juda et la désolation de ses villes, ꝟ. 9-11 ; cf. Matth., xiii, 14 ; Marc, iv, 12 ; Luc, viii, 10 ; Joa., xii, 40 ; Act., xxviii, 26 ; Rom., xi, 8 ; en dernier lieu, il annonce la multiplication et la conversion de ceux qui auront survécu, ꝟ. 12-13. — La vocation d’Isaïe au ministère prophétique a donné lieu à bien des conjectures. « Les interprètes ont examiné : 1. quel a été l’objet de cette vision prophétique ; 2. quelle en est la scène ; 3. quelle en est la nature. — 1. Selon quelques-uns, l’objet de la vision a été le Père, selon d’autres Dieu le Fils, et selon d’autres la Sainte Trinité. Ce dernier sentiment est plus probable, attendu que l’Église, dès le premier siècle, a reconnu une allusion aux trois personnes divines dans les mots Sanctus, sanctus, sanctus, et dans cette interrogation : Quem mittam (unité de substance), et quis ibit nobis (pluralité des personnes) ? — 2. La scène s’est passée, selon les uns, dans le Temple de Salomon ; selon d’autres, dans le ciel montré à l’imagination du prophète sous des formes semblables à celles du temple. — 3. On peut admettre une apparition réelle, comme celles dont furent honorés tant d’autres avant Isaïe. Cependant Cornélius a Lapide, après saint Augustin, soutient que

tout s’est passé dans l’imagination du prophète, et ce sentiment paraît bien plus probable. » Le Hir, Les grands prophètes, ih-12, Paris, 1877, p. 54-55.

Deuxième groupe : prophéties du temps d’Achaz, ou Livre d’Emmanuel, vii-xii. — Ce groupe embrasse quatre prophéties : une formule particulière, qui indique le commencement de chaque prophétie, vii, 1 ; vii, 10 ; vm, 1 ; viii, 5, rend cette division toute naturelle. Ce sont comme quatre discours : — 1° Préparation à la prophétie d’Emmanuel, vii, 1-9. Les prophéties contre Samarie et contre Damas servent de préparation. Jérusalem est menacée par les rois de Syrie et d’Israël, Rasin et Phacée ; on annonce que l’armée syrienne est campée sur le territoire d’Éphraïm, ꝟ. 2 a, ou peut-être que les deux peuples sont alliés pour une action commune, ^’.5 ; à cette nouvelle le roi et le peuple sont saisis de crainte, ꝟ. 2 b. Cf. IV Reg., xvi, 5. Isaïe console Achaz et relève son courage en l’assurant que ses ennemis ne réussiront pas dans les projets qu’ils avaient formés de se rendre maîtres de Juda et d’y établir comme roi le fils de Tabéel ; il lui déclare en même temps que, dans soixante-cinq ans, Éphraïm, le royaume des dix tribus, cessera de former un peuple à part et que Samarie deviendra la capitale d’Éphraïm, ꝟ. 3-9. — 2’Prédiction de la naissance d’Emmanuel, ꝟ. 10-25. Le prophète fait connaître d’ahord les circonstances de la prophétie. Achaz, abattu et effrayé par l’approche de. l’ennemi, paraissait disposé à appeler à son secours le roi d’Assyrie, Théglathphalasar. Isaïe l’engage à mettre uniquement sa confiance en Dieu et lui déclare que, comme gage de la protection divine sur son royaume, il peut demander à Dieu un signe, c’est-à-dire un miracle ; le roi s’y refuse, ꝟ. 10-13. Isaïe donne alors ce signe de sa propre initiative : ce signe c’est la naissance du Fils de la Vierge ; en même temps il lui donne l’assurance que, dans l’espace de deux ou trois ans, Juda sera délivré de la Syrie et d’Israël, mais qu’il sera châtié par un autre instrument des vengeances divines : le roi d’Assyrie, ꝟ. 14-17. Un événement prochain, l’invasion de la Judée par les armées de l’Egypte et de l’Assyrie, confirme la vérité de l’oracle ; ces armées ravageront toute la Palestine, comme un rasoir coupe tous les poils sur lesquels il passe, ꝟ. 18-20. Désolant tableau des ravages causés par cette invasion : les champs seront dévastés, la terre ne produira plus que des ronces et des épines, ꝟ. 21-25.

— 3° Signe prochain de la délivrance de Juda ; promesse du fils d’Isaïe, viii, 1-4. Dieu ordonne à Isaïe d’écrire sur un grand livre les mots : Mahêr-iàldl-hâs-baz ; à ce sujet le prophète choisit deux témoins : le prêtre Urie, . et Zacharie, fils de Barachie, ꝟ. 1-2. Le prophète a un fils qu’il nomme des mots écrits sur le grand livre, ꝟ. 1 : Mahêr-sâlâlrhâs’-baz, qui signifient : « qu’on se hâte de piller, de prendre le butin » (Vulgate : Accéléra spolia, detrahere ; festina prxdari), avant que l’enfant sache parler, c’est-à-dire dans un an et demi ou deux ans, Damas et Samarie auront succombé sous les coups du roi des Assyriens, ꝟ. 3-4. Cf. IV Reg., xv, 29 ; xvi, 9 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 521-526. — 4° Triomphe du peuple de Dieu sur ses ennemis au temps d’Achaz, viii, 5-xii. Ce triomphe est le symbole d’un triomphe plus grand qui arrivera au temps du Messie. Israël et Juda seront punis pour avoir placé leur confiance dans le secours de l’étranger ; ils seront opprimés par les Assyriens. Cependant Emmanuel viendra un jour les consoler au milieu des ténèbres et des tristesses où ils sont plongés ; il leur naîtra un enfant, et cet enfant affermira à jamais le trône chancelant de David ; son empire aura une très grande, étendue, viii, 5-ix, 7. Cet enfant ne paraîtra toutefois sur la terre que lorsque les enfants de Jacob, et en particulier Éphraïm, auront subi les plus durs châtiments : la verge du Seigneur frappera sur Israël, et n’épargnera personne, rx, 8-x, 4. Après s’être servi

d’Assur comme d’un instrument pour accomplir ses desseins, Dieu brisera sa puissance, laquelle représente tous les ennemis de son peuple ; le reste d’Israël se convertira ; la tige, qui sortira de Jessé, changera la face du monde, et Sion chantera à son Dieu un cantique d’actions de grâce, x, 5-xii.

Troisième groupe : prophéties contré les nations étrangères, xm-xxvii. — Ces prophéties forment comme le complément de la prophétie d’Emmanuel, et sont probablement, dans leur généralité, de la même époque que celles du deuxième groupe. Elles portent un nom particulier, maèsd’, onus, xiii, 1. Ce mot peut signifier simplement « prophétie. » Cf. Jer., xxiii, 33-39 ; Zach., xii, 1 ; Mal., i, 1. Isaïe le prend toujours dans le sens d’une annonce de mauvais augure, d’un oracle plein de menaces ; Is., xiii, 1 ; xiv, 28 ; xv, 1 ; xvii, 1 ; xix, 1 ; xxi, 1, 11, 13 ; xxii, 1 ; xxiii, 1 ; xxx, 6. Onus est la traduction du mot massd’donnée par saint Jérôme ; la raison qu’il en donne est la suivante : ubicumque prsepositum [onus] fuerit, minarum plena sunt qute dicuntur. In Is., xiii, t. xxiv, col. 155. Cf. aussi InHabac, Prol., t. xxv, col. 1273 ; C. Rohart, De oneribus biblieis contra Gentes, in-8 1’, Lille, 1893, c. i, p. 15-39. — Ces prophéties se divisent en deux parties : — i. Contre les peuples étrangers, xm-xxiii ; elles s’étendent à peu prés à tous les peuples connus des Hébreux, et sont au nombre de treize : 1. Contre les Chaldéens, héritiers des Assyriens, xm-xiv, 23. — 2. Contre les Assyriens, xiv, 24-27. - 3. Contre les Philistins, xiv, 28-32. — 4. Contre les Moabites, xv-xvi. — 5. Contre Damas et Israël, xvii. — 6. Contre l’Ethiopie, qui dominait en Egypte à l’époque d’Isaïe, xviii. — 7. Contre l’Egypte, xix-xx. — 8. Contre Babylone, xxi, 1-10. — 9. Contre Duma (Gen., xxv, 14 ; I Par., i, 30), .xxi, 11-12. —10. Contre l’Arabie, xxi, 13-17. — 11. Contre Jérusalem, xxii, 1-14. — 12. Contré Sobna, préposé du temple, xxii, 15-25. — 13. Contre et en faveur de Tyr, xxiii. — 2. Prophéties eschatologiques, xxiv-xxvii ; elles concernent la fin du monde ; cf. aussi Zach., ix-xiv. Cette partie se subdivise en trois sections : — 1. Jugement et catastrophe de la terre, xxiv.

— 2. Chant de triomphe, xxv-xxvii, 6 ; a) sur la ruine de la cité qui opprimait le monde, xxv, 1-8 ; 6) sur la ruine de Moab, xxv, 9-12 ; c) sur la restauration d’Israël, xxvi ; d) sur la fertilité de la vigne bénie de Jéhovah, xxvii, 2-6. — 3. Dieu punit et sauve Israël, xxvii, 7-13. Il existe un enchaînement régulier entre les di verse s prophéties de ce groupe ; les prophéties contre les nations suivent une marche assez naturelle : « Le cycle de ces prophéties s’ouvre par Babylone, qui devait être l’héritière de la puissance de Ninive et l’ennemi le plus redoutable de Juda, xm-xiv, 27 ; viennent ensuite les plus proches voisins des Juifs, les Philistins à l’ouest, xiv, 28-32 ; les Moabites à l’est, xv-xvi ; le royaume schismatique d’Israël au nord, avec son confédéré, le royaume syrien de Damas, xvii ; de là, Isaïe passe aux peuples plus éloignés, à l’Egypte et l’Ethiopie, au sud-ouest, xviii-xx ; à Babylone, siège de l’idolâtrie, à l’est, xxi, 1-10 ; il se rapproche alors de nouveau de Jérusalem, et, passant par l’Idumée, xxi, 11-12, et l’Arabie, xxi, 1317, arrive jusqu’à la ville sainte, xxii, 1-14 ; là, il poursuit de ses menaces prophétiques Sobna, préposé du temple, et lui annonce qu’il aura pour successeur Éliacim, xxii, 15-25 ; enfin ses regards s’arrêtent sur Tyr, la ville insulaire de la Méditerranée. » Vigouroux, Man. 616î., ll « édit., t. ii, p. 648. Quant aux prophéties eschatologiques, elles sont comme la conclusion des premières ; « Les jugements particuliers que Dieu porte contre chaque peuple dans les oracles contre les Gentils aboutissent ici au jugement final, comme les fleuves divers qui se jettent. dans le même océan, et le salut dont on vient de voir poindre l’aurore brille maintenant dans tout l’éclat de son midi. » Frz. Delitzsch, Der Prophet Jesaia, 1866, p. 271.

Quatrième groupe : prophéties du temps d’Ézéchias relatives au peuple de Dieu, xxviii-xxxix. — Ce groupe se subdivise en deux parties : 1° Oracles concernant exclusivement le royaume de Juda et Jérusalem, xxviiixxxv ; —2° Épisode de la vie d’Ézéchias ; Isaïe intervient directement de la part de Dieu auprès du roi, pour l’instruire, l’exhorter et lui dévoiler l’avenir, xxxvi-xxxix.

— Ces deux parties se relient de la manière suivante : l’invasion de la Palestine par Sennachérib, roi d’Assyrie, est le plus grand événement du règne d’Ézéchias ; dès lors elle est comme le centre de toutes ces prophéties. Les chapitres xxviii-xxxv annoncent les maux que les Assyriens causeront à Jérusalem ; l’inutilité du secours de l’Egypte sur lequel Juda avait fondé des espérances ; enfin la délivrance de la ville par Dieu. Les chapitres xxxvi-xxxvii sont la conclusion de ces prophéties ; ils nous montrent comment s’accomplissent les prédictions des chapitres précédents, et comment Sennachérib, dont l’armée venait d’être exterminée par l’ange du Seigneur, dut se retirer sans avoir pu exécuter ses menaces. Par analogie avec ces événements, Isaïe joint quelques prophéties faites à l’occasion de la maladie d’Ézéchias, xxxviii, et à l’occasion de l’ambassade de Mérodach-Baladan, xxxix. Cf. IV Reg., xviii, 13-xx ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6° édit. t : iv, p. 1-65 ; Cylindre de Taylor, col. iv, lig. 8-11, 20-41 ; G. Smith, History of Sennachérib, 1878, p. 60-61, 62-64 ; Josèphe, Ant. jud., X, l, 4 ; Maspero, Rist, anc., t. iii, p.. 292-295 ; J. Meinhold, Die Jesajærzâhlungen Jesaia 36-39, in-8°, Gœttingue, 1898. — 4™ partie, xxviii-xxxv. Elle se divise en deux sections : — 1. La première section embrasse cinq discours contenus dans six chapitres, xxviiixxxiii. Ces cinq discours commencent tous par la menace Vee ; xxviii, 1 ; xxix, 1 ; xxx, 1 ; xxxi, 1 ; xxxiii, 1. Toutefois le sujet en est le même : l’invasion de la Judée par Sennachérib, considérée comme un châtiment divin ; la réprobation des moyens humains employés pour triompher de l’ennemi ; la promesse du triomphe par le règne messianique ; — 2. La seconde section embrasse les chapitres xxxiv-xxxv ; elle n’est que le développement de la dernière pensée : le triomphe futur par le règne messianique ; elle est donc comme la conclusion de la première section. Le prophète montre le Seigneur jugeant tous les peuples, et particulièrement l’Idumée, symbole des ennemis de l’Église. Sion règne sur toutes les nations par le Christ. — 2° partie, xxxvixxxix ; Nous y voyons Ézéchias aux prises avec Sennachérib et son messager Rabsacés, sa maladie, sa guérison et son cantique d’actions de grâces.

III. SECONDE partie, xl-lxvi. — 1° Date. — Cette seconde partie date des derniers jours, de la fin de la vie d’Isaïe. Le vieux prophète, arrivé presque au terme de sa carrière, fait entendre les derniers accents, et prononce les derniers oracles sur les temps à venir.

Sujet.

« Les prophéties contenues dans ces

trois sections [de la 11e partie] ne sont que des variations d’un même thème, mais elles ont cependant chacune une pensée particulière et une modalité propre, annoncée du reste dès les premiers mots. Elles ont pour sujet principal de consoler le peuple et de l’exhorter à la pénitence, en lui annonçant le salut qui est proche. De plus, dans chaque section, le prophète établit un contraste et une sorte d’antithèse qu’il met au premier plan ; dans la première, xl-xlviii, c’est la lutte de Jéhovah et des idoles, d’Israël et des païens ; dans la seconde, xlixlvii, c’est l’opposition entre les souffrances du serviteur de Jéhovah [le Messie] dans le présent, et sa glorification dans l’avenir ; dans la troisième, c’est la contradiction d’Israël lui-même, hypocrite, impie, apostat d’une part, et, de l’autre, fidèle, malheureux, persécuté. La 1™ section annonce la délivrance de la captivité de Babylone : cette délivrance est l’accomplissement des prophéties, la honte et la ruine des idoles et de leurs adorateurs. La

seconde nous montre les humiliations profondes du serviteur de Jéhovali devenant la source de sa gloire (cf. Luc, xxiv, 26) et élevant en même temps Israël lui-même à la hauteur de sa vocation divine. Enfin ce n’est pas sans raison que Hahn a trouvé le résumé des idées principales des trois sections dans les trois propositions du ꝟ. 2 du chap. XL : Compléta est malitia ejus, dimissa est iniquitas illius, suscepit de manu Domini dupliciapro omnibus peccatis suis. La fin de la captivité de Babylone est, en effet, l’idée-mère de la première section ; l’expiation du péché par le sacrifice volontaire du serviteur de Jéhovah, l’idée-mère de la seconde, et la gloire, surpassant de beaucoup les souffrances expiatrices, l’idée-mère de la troisième. La promesse s’élève ainsi par degrés dans les discours 3x9 (voir III, II, col. 947), jusqu’à ce qu’elle atteigne enfin son apogée, lxv-lxvi, où le temps et l’éternité se confondent ensemble. » Frz. Delitzsch, Der Prophet Jesaia, p. 383-384. — « Mais ce roi terrestre (Cyrus) ne fera que peu de choses, comparativement à ce qu’il y a à faire : un autre joug, bien plus pénible que celui de Babylone, pèse sur Israël et sur l’humanité entière : c’est le joug du péché. Un libérateur paraîtra, plus puissant que Cyrus et que tous les rois de la terre ; il délivrera son peuple de la servitude du péché et fondera un royaume dans lequel entreront tous ceux qui voudront le servir et reconnaître son empire. Ce ne sera qu’une partie du peuple, au reste, qui retournera à Jéhovah et sera une semence sainte (Is., vi, 13 ; x, 22). Cest à ce faible reste que Jéhovah adresse d’une manière toute particulière ses prophéties sur l’œuvre qu’accomplira son serviteur… Les chapitres xl-xlviii mettent en lumière la majesté de Jéhovah qui se manifeste par la délivrance matérielle de son peuple ; mais déjà apparaissent les promesses de la délivrance spirituelle. La personne du serviteur de Dieu forme le centre et le point culminant dans les chapitres xlixlvii. Enfin nous contemplons les résultats de l’œuvre du Serviteur et la félicité de ses élus, lxiii-lxvi. » E. Schmutz, Le serviteur de Jéhovah, d’après Isaïe, xl-lxvi, in-8°, Strasbourg, 1858, p. $1-$2.

Style.

« Relativement au langage, il n’y’a rien

de plus achevé, de plus lumineux dans tout l’Ancien Testament que cette trilogie de discours d’Isaïe. Dans les chapitres i-xxxix, le langage du prophète est généralement plus concis, plus lapidaire, plus plastique, quoique déjà, là aussi, son style sache prendre toutes sortes de couleurs. Mais ici, xl-lxvi, où il n’est plus sur le terrain du présent, où, au contraire, il est ravi dans un lointain avenir comme dans sa patrie, le langage lui-même prend en quelque sorte le caractère de l’idéal et je ne sais quoi d’éthéré- ; il est devenu semblable à un large fleuve, aux eaux brillantes et limpides, qui nous transporte comme dans l’éternité, sur ses flots majestueux et en même temps doux et clairs. Dans deux passages seulement, il est dur, trouble, lourd, c’est liii, et liv, 9-lvii, 11°. Le premier reflète le sentiment de la tristesse, le second celui de la colère. Partout, du reste, se manifeste l’influence du sujet traité et des sentiments qu’il produit. Dans lxiii, 7, le prophète prend le ton du (efillàh (ou de la prière) liturgique ; dans lxiii, 19 b lxiv, 4, la tristesse entrave le cours de sa parole ; dans lxiv, 5, comme dans Jérémie, iii, 25, on entend le ton du Viddui (la confession) liturgique. » Delitzsch, Jesaia, p. 384.

4 « Contenu. — Cette seconde partie est d’une incomparable élévation au point de vue du contenu. On s’en convaincra par un simple aperçu. Elle débute par une prophétie semblahlé aux paroles de saint Jean-Baptiste. Is., XL, 3-4 ; Marc., i, 3. Son commencement est donc le même que celui de l’Évangile de saint Marc. Elle se termine par l’annonce de la création d’un nouveau ciel et’d’une nouvelle terre ; par là elle ressemble à l’Apoca lypse qui se termine de la même façon. Is., lxv, 17 ; lxvi, 22 ; Apoc, xxi, 1. Le milieu de cette partie, lii, 13-uii, annonce les souffrances et la gloire du Christ ; ces souffrances de l’Homme-Dieu sont décrites avec autant d’éloquence et de clarté que dans les épltres de saint Paul. L’auteur de cette seconde partie réunit donc en lui l’évangéliste (au commencement de sa prophétie), l’apôtre (au milieu), le prophète (à la fin). « Isaïe a légué à Israël ses sublimes discours pour qu’ils pussent le consoler au milieu de la captivité de Babylone. On les a comparés aux derniers discours que prononça Moïse dans la plaine de Moab et qui ne us ont été conservés dans le Deutéronome ; bien mieux encore, aux discours de Notre-Seigneur, après la Cène, que nous lisons dans l’Évangile de saint Jean. Par leur élévation, leur profondeur, ils comptent en effet parmi les plus belles pages de nos Saints Livres, et il a été donné au seul serviteur de Jéhovah, quand il a paru visiblement au milieu des hommes, d’en briser tous les sceaux et de nous en dévoiler tous les mystères. » Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 659 ; Delitzsch, Jesaia, p. 384-385.

5° Première section : le vrai Dieu et les faux dieux, xl-xlviii. — 1° discours : Introduction, xl. Ce discours nous fait connaître l’objet même de la mission du prophète, qui est de consoler son peuple et lui annoncer le salut, en rappelant ses pensées et son attention sur la puissance de Dieu et la gloire du règne messianique. Les y. 1-Il sont le prologue des 27 discours : les ꝟ. 3-8 prédisent la mission de saint Jean-Baptiste. Cf. Matth., iii, 3 ; Marc, i, 3 ; Luc, iii, 4 ; Joa., i, 23. L’idolâtrie est une vraie folie ; les Juifs ne doivent compter que sur le secours du Seigneur, xl, 12-31. — 3e discours, xli. Dieu maître de l’univers et de l’avenir. Le prophète montre aux païens que le Seigneur est le maître de l’univers, et appelle Cyrus du nord-est, ꝟ. 2, 25 ; les succès de Cyrus seront une preuve de la supériorité de Dieu sur les idoles ; ils seront la ruine de l’idolâtrie et le salut de son peuple, ꝟ. 1-20 ; Dieu annonce à l’avance ce qu’il veut accomplir, ꝟ. 21-24, pour que chacun sache qu’il est le souverain maître de tout, et que l’avenir lui appartient, ꝟ. 25-29. — 3’discours, xlii, 1-xliii, 13. Il s’agit du serviteur de. Dieu et du médiateur d’Israël ; le prophète commence par introduire le serviteur de Dieu, ou le Messie, xlii, 1. Ce serviteur sera doux et pacifique, ꝟ. 23 ; il apportera à tous le salut et la rédemption, ꝟ. 7, 16 ; par conséquent, Israël doit se convertir et chercher de nouveau son Dieu et son Sauveur, xlii, 18-xliii, 13.

— 4e discours, xliii, 14-xliv, 5. Israël sera vengé et délivré de ses ennemis ; Dieu vengera Israël des Chaldéens, en renversant l’empire de Nabuchodonosor et la puissance des Chaldéens, xliii, 14-15 ; autrefois il délivra son peuple de la servitude d’Egypte ; ce prodige, il va le renouveler, ꝟ. 16-21, et cela non à cause des mérites de son peuple, mais par pure bonté, par grâce, ꝟ. 22-28 ; Dieu répandra sur les Juifs son esprit et ses bénédictions, et Israël prospérera et sera heureux, xliv, 1-5. — 5e discours, xliv, 6-23. Le prophète établit un contraste entre Dieu et les idoles. Dieu est le commencement et la fin de tout, l’alpha et l’oméga, xliv, 6. Cf. Apoc, i, 8, 17 ; xxii, 13. Israël ne doit pas craindre, mais avoir confiance en Dieu qui lui annonce à l’avance ce qu’il se propose de faire, xliv, 8 ; les dieux des Gentils trompent leurs adorateurs parce qu’ils ne sont que de vaines images, ꝟ. 9-17 ; les païens sont tellement aveuglés qu’ils ne voient pas le néant des idoles qu’ils fabriquent de leurs mains, jfr. 12-20 ; il exhorte Israël à revenir à Dieu qui l’a comblé de bienfaits, ꝟ. 21-23. — & discours, xliv, 24-xlv. Le prophète nomme Cyrus, l’oint du Seigneur, le futur libérateur d’Israël ; Dieu accomplira ses promesses, il relèvera Jérusalem, et ouvrira les portes de Babylone à Cyrus, son oint, lequel sera son instrument et restaurera la ville sainte, xliv, 24-28 ; Jéhovah conduira Cyrus comme par la main, et le fera marcher de succès en

succès ; rien ne résistera devant lui, afin que l’univers reconnaisse la puissance de Jéhovah et que les bénédictions célestes descendent sur la terre, xlv, 1-8 ; Israël doit donc se soumettre au Seigneur, et ne pas craindre Cyrus, qui est l’instrument des desseins de la Providence, ꝟ. 9-14 ; Israël reconnaît son Dieu et la vanité des idoles, ꝟ. 15-17 ; la promesse s’accomplira et les Gentils eux-mêmes se convertiront et confesseront Dieu, t- 12-21 ; tous les peuples doivent se convertir à Dieu, ꝟ. 22-26.

— 7e discours, xj.vi. Isaïe prédit la chute des dieux de Babylone ; les dieux de Babylone, parmi lesquels Bel et Nabo sont expressément nommés, seront brisés, ꝟ. 1-2 ; Dieu exhorte Israël à le reconnaître et montre à nouveau la vanité des idoles, t. 3-7 ; que les adorateurs des idoles le remarquent et comprennent que Dieu sait et gouverne tout, ꝟ. 8-11 ; que les endurcis eux-mêmes comprennent que le salut est proche, t- 12-13. — 8’discours, xlvii. Prédiction de la chute de Babylone ; la superbe ville tombera à cause de son orgueil, sera réduite en esclavage ; sa honte sera dévoilée, et elle sera condamnée à tourner la meule, ꝟ. 1-5 ; ce châtiment lui est infligé à cause de sa cruauté à l’égard du peuple juif, }. 6-7 ; elle expiera sa faute et son arrogance, et ses magiciens, en qui elle a mis sa confiance, seront impuissants à la sauver, }. 8-15. — 9e discours, xlviii. Juda sera délivré de la captivité de Babylone ; Dieu fait savoir à ceux qui n’ont que le nom d’Israélites que lui seul, et non les idoles, a annoncé et accompli les choses futures, ꝟ. 1-8 ; il a éprouvé son peuple, mais il le délivrera à cause de son nom et de sa gloire, ꝟ. 9-11 ; qu’Israël écoute donc son Dieu, qui fait des promesses et les exécute, ꝟ. 12-16 ; Israël ne peut être heureux et prospère qu’en restant fidèle à Dieu, ꝟ. 17-19 ; quiconque se convertira sera délivré ; quant aux impies, il n’y aura point de paix pour eux, ?. 20-22. — Comme on le voit, les trois derniers discours concernent Babylone.

6° Deuxième section : le serviteur de Jéhovah dans ses humiliations et sa gloire, xlix-lvii. — i" discours, xlix. Le serviteur de Dieu annonce qu’il a été constitué maître de tous les peuples ; il se présente comme le restaurateur d’Israël et l’auteur de la conversion des Gentils, ꝟ. 1-13 ; il console Sion, qui se croit abandonnée de Dieu, mais qui sera glorifiée après avoir été délivrée de ses maux, J. 14-26. Cf. Act., xiii, 47, et Is., xlix, 6 ; II Cor., vi, 2, <>t Is., xlix, 8. — 8> discours, l. La synagogue sera répudiée par sa faute ; les Juifs incrédules seront rejetés à cause de leurs péchés ; cependant la puissance de Dieu ne sera pas diminuée, jr. 1-5 ; le serviteur de Dieu annonce les tourments qu’il endurera pour sauver son peuple, }. 6-7 ; cf. Matth., xxvi, 27 ; sa gloire sera rehaussée, t. 8 ; que chacun écoute le Sauveur et mette sa confiance en lui, ꝟ. 9-10 ; il prédit le châtiment des impies, ꝟ. 11. — 3’discours, u. Israël obtiendra le salut final ; la condition du salut pour Israël c’est la foi, laquelle sera récompensée par les plus grandes consolations, ꝟ. 1-8 ; réconforté, Israël demande à Dieu de le sauver, comme il l’a fait autrefois en Egypte, ꝟ. 9-11 ; le Seigneur s’engage de nouveau à le sauver, $ 12-16 ; le prophète exhorte son peuple au courage et à la patience, jr. 17-23. — 4 « discours, lii, 1-12. Rétablissement de Jérusalem ; Dieu veut que la ville sainte soit rétablie ; qu’elle se relève donc pleine de joie et de confiance, y. 1-6 ; qu’elle se réjouisse à la vue de ceux qui lui apportent la nouvelle de son salut, jꝟ. 7-9 ; Dieu lui-même sera l’auteur de la restauration de la ville, jt. 10-12. — 5° discours, lii, 13-liii. Passion de Notre-Seigneur ; le serviteur de Jéhovah sera exalté et plongé dans les plus profondes humiliations, lii, 13-15 ; cf. Phil., ii, 7-10 ; il sera anéanti parce qu’il est la victime expiatoire, lui, 16 ; par son dévouement, il obtient notre pardon et se couvre de gloire, ꝟ. 7-12 ; le Messie sera l’innocence même qui s’offre volontairement en sacrifice, }. 7, 9 ; cf. Matth., xxvi, 63 ; Luc, xii, 50 ; Joa., x, 18 ; se chargeant

de crimes, lui, 5, 6, 8, 11, 12 ; cf. Matth., viii, 17 ; Act., viii, 32-33 ; I Cor., xv, 3 ; confondu avec les scélérats, lui, 12 ; cf. Marc, xv, 28 ; Luc, xxii, 37 ; opérant notre salut par ses humiliations et ses souffrances, lui, 2, 3, 4, 5 ; cf. Marc, xi, 12 ; I Pet., ii, 24 ; priant pour ses bourreaux eux-mêmes, lui, 12 ; cf. Luc, xxiii, 34 ; et entrant ainsi dans la gloire, lui, 8, 9, 11, 12 ; cf. Phil., il, 7-10 ; S. Jérôme, In Is., LUI, t. xxiv, col. 504514. — 6’discours, liv. Gloire de Jérusalem et de l’Église dont elle est la figure ; Jérusalem, stérile pendant la captivité, devient d’une extraordinaire fécondité par là grâce de Dieu ; le Seigneur contracte avec son peuple une nouvelle alliance, ꝟ. 1-10 ; Jérusalem se relève de ses ruines, reprend ses anciennes splendeurs et devient invincible par la puissance et la protection de Dieu, h 11-17. Cf. Procope de Gaza, In Is., liv, t. lxxxvii, part, ii, col. 2354 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Is., t. v, tom. ii, t. lxx, col. 1191. — 7 « discours, lv. Abondance des biens spirituels apportés par le Messie ; le serviteur de Jéhovah invite ses convives au festin qu’il leur a préparé, et ne leur demande que d’accepter la grâce qu’il leur offre, jꝟ. 1-2 ; cf. Joa., vil, 38 ; il promet une alliance nouvelle ; si le peuple obéit à Dieu, Dieu tiendra toutes ses promesses et glorifiera Israël, ir. 3-5 ; que chacun cherche Dieu, fasse pénitence de ses péchés, renonce à ses pensées pour suivre celles de Dieu, et de la sorte il sera comblé de toute sorte de biens, ꝟ. 6-13. — 8’discours, lvi, 1-8. Conséquences morales de l’œuvre de la Rédemption ; Dieu exhorte tous les hommes à garder ses commandements ; désormais personne ne sera exclu du royaume de Dieu ; on entrera au royaume de Dieu, non parce qu’on est descendant d’Abraham, mais parce qu’on pratique la vertu et les commandements du Seigneur, ꝟ. 1-8. Cf. Procope de Gaza, In Is., lvi, t. lxxxvii, part, ii, col. 2563-2566. — 9e discours, lvi, 9-lvii. Coup d’oeil sur la situation présente et prédiction de l’avenir ; le présent est triste, les pasteurs d’Israël oublient leurs devoirs ; les loups peuvent envahir la bergerie sans que les chiens aboient ; les peuples étrangers, représentés sous l’image de bêtes sauvages, dévorent le peuple de Dieu ; les bergers, les chefs ne font rien pour parer au mal, lvi, 9-12 ; le juste a le bonheur d’échapper par la mort à ces calamités, lvii, 1-2 ; le peuple est aussi coupable que ses chefs, puisqu’il se livre à l’idolâtrie et à d’autres crimes, ꝟ. 3-10 ; c’est pourquoi il sera humilié, }. 11-13 ; quant à ceux qui se convertiront, ils jouiront de la paix, et seront récompensés après avoir expié leurs péchés, ꝟ. 14-18 ; Dieu en effet donne la paix aux justes, mais la refuse aux impies, ꝟ. 19-21.

7° Troisième section : le royaume messianique, Lvmlxvi. — i" discours, lviii. Du vrai et du faux culte ; le jeûne et toutes les œuvres extérieures, sans la rénovation intérieure, n’ont aucune valeur, ꝟ. 1-6 ; pour être récompensé il faut pratiquer les commandements de Dieu et les vertus, ꝟ. 7-14 ; cf. Matth., v, 1 ; Procope de Gaza, In Is., lix, 1, t. lxxxvii, part’, ii, col. 2599 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Is., t. v, tom. iii, t. lxx, col. 1279 ; Eusèbe de Césarée, In Is., lix, t. xxiv, col. 483. — S » discours, nx. La nouvelle alliance, fruit du repentir d’Israël ; les péchés du peuple l’empêchent d’être sauvé, jr. 1-8 ; Israël a’-oue ses crimes et reconnaît la justice du châtiment divin, ꝟ. 9-15 ; Dieu sera miséricordieux envers ceux qui se repentent, et établira une nouvelle alliance, ꝟ. 16-21. — S’discours, lx. La gloire de Jérusalem figure de l’Église ; Jésus-Christ, soleil de justice, se lève sur Jérusalem ; à sa vue tous les peuples accourent à Sion, la cité sainte, ꝟ. 1-9 ; cf.’S. Cyrille d’Alexandrie, In Is., t. lxx, col. 1322 ; gloire incomparable et somptueuses richesses de Jérusalem, }. 10-17* ; sa justice et sa sainteté la rendront encore plus belle et lui attireront la paix et le bonheur, ꝟ. 17 b 22. — 4° discours, lxi. La félicité de Jérusalem, œuvre

du Messie : le Messie annonce qu’il vient guérir les maux de ceux qui le cherchent sincèrement, jꝟ. 1-3 ; Israël recouvrera son ancienne splendeur, et toutes les nations le serviront, ꝟ. 4-6 ; cf. Ezech., xix, 6 ; 1 Pet., ir, 9 ; Apoc, i, 6 ; la malédiction se change en bénédiction, $. 7-9 ; le serviteur de Dieu est heureux d’annoncer ces bonnes nouvelles, t. 10-11. — 5 « discours, lxii. Gloire prochaine de Jérusalem ; le prophète ne se taira pas jusqu’à ce que le Juste paraisse, ꝟ. 1-3 ; Sion reviendra l’objet de la prédilection de’Dieu, jJ. 4-5 ; les sentinelles de Jérusalem rappelleront à Dieu sa promesse jusqu’à ce qu’il l’ait accomplie, ji. 6-9 ; le salut est proche ; que tous se préparent, car le Sauveur vient, ꝟ. 10-12. — ê° discours, lxiii, 1-6. Jugement contre l’id’umée et les ennemis de l’Église ; Isaïe, dans ce discours, voit le Seigneur venant en grande pompe de l’Idumée ; ses vêtements sont rouges du sang de ses ennemis ; il les a tous vaincus et brisés dans sa colère, comme le raisin est foulé dans le pressoir. Cf. IV Reg., viii, 20 ; xiv, 7, 22 ; Il Par., xxi, 10, 16 sq. ; Amos, i, 6, 11 ; Joël, iii, 19 ; I Mach., v, 63 ; Jer., xlix, 7-22 ; Lam., iv, 21 ; Ezech., xxv, 12-14 ; xxxv ; Abd., 8 ; Ps. cxxxvii (Vulgate cxxxvi) ; Jbsèphe, De bell. jud, , IV, ix, 7. — 7° discours, lxiii, 7-lxiv. Prière d’Israël captif. Ce prologue ravive le soutenir des miséricordes divines, lxiii, 7 ; dans le passé, les Israélites ont été infidèles et n’ont pas correspondu aux bontés de Dieu ; c’est pourquoi Dieu a été obligé de les châtier, t- 8-14 ; puisse Dieu avoir pitié d’Israël, son peuple, j>. 15-19, et le délivrer de ses ennemis ! lxiv, 1-H ; cela est facile à sa puissance ; grandeur des bienfaits de Dieu pour ceux qui l’attendent, t- 3-4 ; cf. I Cor., ii, 9 ; ses péchés rendent Israël indigne des miséricordes de Dieu, mais Dieu doit venger l’honneur de son sanctuaire et se souvenir qu’il est le père de son peuple, ji. 5-22. — 8’discours, lxv. Réponse de Dieu à la prière de son peuple ; Dieu répond d’abord aux plaintes de son peuple en lui rappelant ses ingratitudes et son endurcissement, ꝟ. 1-7 ; il est toujours bien disposé pour ceux qui reviennent sincèrement à lui, ꝟ. 8-10 ; les adorateurs des faux dieux seront détruits sans merci, jJ. 1116 ; quant aux justes, ils seront comblés de biens, ji. 17-25.

— 9* discours, i.xvi. Les impénitents exclus du royaume des cieux ; le Seigneur n’a pas besoin d’une maison fabriquée de main d’homme : le ciel est sa demeure ; il Tejette les pécheurs et leurs sacrifices, jJ. 1-6 ; annonce de l’extension et de la gloire de l’Église : bonté de Dieu à l’égard de ses enfants, ꝟ. 7-14 ; il jugera et punira les nations infidèles et les Juifs endurcis, ꝟ. 15-18 ; quelques Israélites restés fidèles prêcheront sa gloire parmi les Gentils et ceux-ci se convertiront et fourniront des prêtres au Seigneur, ꝟ. 19-21 ;, Dieu formera un nouvel Israël, qui vivra à jamais, semblable à un nouveau ciel, et à une nouvelle terre ; châtiment éternel des impies, J.22-24. Cf. Marc, ix, 43, 45, 47 ; S. Cyrille de Jérusalem, In h., t. lxx, col. 1450.

V. Unité du livre.

La critique rationaliste a fortement contesté et attaqué l’unité du livre d’Isaîe. Comme on peut le supposer, ce travail de critique littéraire était un acheminement vers la négation soit de l’authenticité, soit de l’intégrité du livre, car ces, questions sont étroitement connexes entre elles, et de la solution de l’une dépend en grande partie la solution de l’autre. Nous n’insisterons pas beaucoup sur l’unité, pour n’avoir pas à nous répéter à propos de l’authenticité ou de l’intégrité, où nous nous arrêterons davantage à la suite de toute la critique moderne. Qu’il nous suffise donc de faire quelques considérations générales sur ce sujet, et d’exposer les principales preuves. L’unité du livre d’Isaîe se prouve : 1° par l’unité du sujet ; 2° par l’unité du but ; 3° par l’unité du langage.

L’unité du sujet.

L’auteur développe dans tout

l’ouvrage un même sujet, comme on s’en convainc par une lecture attentive. Le snjet du livre parait. être ces

paroles, I, 27 : Sion in judicio redimetur, et reducent eam injustitia. — Cette pensée capitale, généralisée et étendue à toutes les nations, est comme le centre des prophéties d’Isaîe. L’analyse que nous venons de faire suffirait déjà à le démontrer. Pour le prouver directement, il nous reste à synthétiser les résultats et les données : dans le premier groupe de la première partie, l’auteur s’occupe surtout de l’établissement du pouvoir de Dieu dans tout l’univers ; mais pour que ce pouvoir puisse s’établir, il est nécessaire d’écarter tous les obstacles ; ce sera l’œuvre du jugement de Dieu : Juda et Jérusalem seront châtiés ; la nécessité, la légitimité de ce châtiment sont prouvées. par la parabole dé la vigne ; le jugement de Dieu établit la nécessité du salut messianique. — Le deuxième groupe nous place au temps de l’impie Achaz ; le prophète offre le secours de Dieu que l’impie monarque repousse. Isaïe lui annonce alors que le royaume de David sera humilié, et que le peuple sera opprimé par celui-là même en qui il avait mis sa confiance : le roi des Assyriens. Ce sera un temps de ruines et de calamités. Mais au milieu de ces épreuves apparaît le consolateur, le sauveur Emmanuel, qui établira son règne après avoir triomphé de tous ses ennemis. Le prophète exhorte donc le peuple à mettre en Dieu toutes ses espérances. Le règne d’Emmanuel sera un règne de paix et de justice ; les desseins de Dieu se seront accomplis : Sion in judicio redimetur. — Le troisième groupe applique cette loi aux nations étrangères : Babylone se dresse et synthétise les puissances hostiles à Dieu ; Babylone sera anéantie. Cette ruine sera une voie de salut pour tous les peuples ; les autres nations subiront le même sort ; les nations voisines : Philistins, Moabites, Damas et Israël ; les nations éloignées : Éthiopiens, Égyptiens au sud ; Babyloniens au nord ; Édomites et Arabes à l’orient ; Tyr à l’occident. Tous les peuples ont vécu dans l’oubli de Dieu ; par conséquent tous seront jugés et punis par Dieu, et ainsi se réalisera pour tous les peuples la parole : Sion in judicio redimetur. — Le quatrième groupe insiste sur cette pensée qu’il faut mettre toute sa confiance en Dieu, et qu’il est inutile d’attendre la délivrance du secours humain. Jérusalem sera pressée par les Assyriens- : ce serait une folie de placer son espoir dans les Égyptiens ; le secours de Dieu délivrera Israël de ses ennemis ; mais au préalable il faut que la justice de Dieu s’exerce, et son jugement s’accomplisse ; la délivrance et le salut viendront après : Sion in judicio redimetur. Cf. Knabenbauer, In 1$., t, i, p. 12-15. — La seconde partie développe au fond ce même thème : la délivrance, redimetur, soit par l’exil bahylonien, soit par le Messie. La première série de discours nous montre que Dieu peut opérer la délivrance parce qu’il est tout-puissant, tandis que les faux dieux sont vains et impuissants ; elle nous parle de’la première délivrance de l’exil par le secours de Cyrus, redimetur. — La deuxième série de discours nous conduit à la délivrance messianique ; seul le Messie apportera le salut : redimetur. Enfin la troisième série nous montre la délivrance réalisée, le salut accompli dans le règne messianique : redimetur. Knabenbauer, In h., t ii, p. 2-5.

L’unité du but.

Le but auquel tendent toutes ces

prophéties, c’est la montagne de Dieu, centre de ralliement de tous les peuples, ii, 2-3 ; lxyi, 20. Cette montagne à laquelle accourront tous les peuples de la terre figure le règne de Dieu ; en effet le règne de Dieu aura son centre sur la montagne de Sion, à Jérusalem, xxiv, 23 ; xxvii, 13 ; xlix, 18 ; lii, 1 ; liv, 1 ; lx, 1.

L’unité du langage.

On constate dans tout le

livre une grande unité de langage et d’idées. Nous reviendrons longuement sur ce point ; qu’il nous suffise pour le moment de jeter quelques jalons : les chapitres i et lix nous dépeignent l’hypocrisie des Juifs et le dégoût qu’elle inspire à Dien ; les chapitres xi et lxv contiennent la promesse d’un avenir heureux dû à la venue

du Messie ; vi, 1, et iii, 13, affirment l’identité entre le Seigneur et le serviteur de Jéhovah ; dans VI, 1, « le Seigneur est assis sur un trône haut et élevé ; » et lii, 13, on lit : « Voici que mon serviteur comprendra, il sera exalté, haut et très élevé. » Trochon, lsaïe, p. 10 ; Kay, Introduction, p. 16.

VI. Unité d’auteur. — Cette question a donné lieu à de vives discussions, à de longues recherches et à de minutieuses analyses du texte d’Isaïe. Nous ne pouvons pas suivre toutes les phases par lesquelles a passé l'évolution de la critique rationaliste sur ce point, d’autant plus que nous serons obligé d’y revenir, et de nous livrer à un examen plus complet et plus détaillé de la question. Nous nous bornerons à présent à exposer et réfuter les conclusions de la grande majorité des critiques rationalistes :

Exposé du système rationaliste.

La plupart des

critiques rationalistes distinguent trois auteurs qu’ils appellent : Proto-Isaïe, Deutéro-Isaïe, Trito-Isaïe. Le Proto-Isaïe, vivant au viiie siècle avant J.-C, identique, à lsaïe le prophète, serait l’auteur d’une grande partie des prophéties des chapitres 1-xxxv..— Le Deutéro-Isaïe, au VIe siècle avant J.-C, serait l’auteur des chapitres xliv, à l’exception de quelques fragments ; cet auteur est inconnu ; on assuré en tout cas qu’il n’a pas vécu parmi les exilés à Babylone. Duhm pense qu’il a écrit dans quelque localité du Liban ou de la Phénicie ; Ewald et Bunsen croient qu’il vivait en Egypte. — Le TritoIsaïe, au milieu du Ve siècle avant J.-C, serait l’auteur des chapitres lvi-lxvi ; il aurait écrit à Jérusalem peu de temps avant la première arrivée de Néhémie, c’est-àdire avant 445 avant J.-C. D. Marti Jesaja, p. xiv, xv,

XIX-XXII.

Réfutation de cette théorie.

Cette théorie ne

saurait être admise. L’unité d’auteur découle rigoureusement de l’unité du livre. Nous avons prouvé (voir V, col. 957) que le livre d’Isaïe porte l’empreinte d’une profonde unité dans le sujet et les idées. Cette unité ne s’explique que par l’unité d’auteur. Il est moralement impossible en effet que trois auteurs principaux, écrivant à des époques différentes, et assez espacées entre elles, vin » sie.de, vie siècle, milieu du v » siècle, aient pu coordonner vers une fin unique une si grande masse de matériaux, une multitude considérable d’idées, et aient exprimé leurs pensées dans un langage identique. Ce serait contraire à toutes les règles de la critique. Il faut donc conclure que l’unité du livre et l’unité d’auteur sont indissolublement liées entre elles, et que, puisque nous n’avons qu’un livre, nous n’avons aussi qu’un auteur.

VII. Authenticité du livre.

I. authenticité lu livre en général. — Je ne connais aucun auteur qui ait nié radicalement l’authenticité des prophétie ? d’Isaïe, c’est-à-dire qui ait soutenu qu’il n’y a rien d’Isaïe dans le livre. Aucun rationaliste même parmi les plus avancés n’a été assez hardi pour aller jusqu'à cette extrémité. Nous n’avons donc qu'à résumer les principaux arguments en faveur de l’authenticité en général.

L’insertion dans le canon.

Aussi loin qu’on

peut remonter dans l’histoire du canon de l’Ancien Testament, on trouve lsaïe tel que nous l’avons aujourd’hui. Le livre tout entier dans le canon porte le nom d’Isaïe. C’est à lui qu’il est attribué comme à son véritable auteur.

Soin avec lequel on conservait les prophéties.


Les anciens Juifs apportaient un soin tout particulier à conserver les différentes prophéties et à les attribuer à leur auteur respectif. Nous avons des exemples de ce fait dans des prophéties d’une minime étendue, telles que la prophétie d’Abdias. De même dans les livres historiques les différentes prophéties sont attribuées à leurs auteurs : il en est ainsi de Lamech, Gen., v, 29 ; de Noé, Gen., ix, 25-27 ; d’Isaac, Gen., xxvii, 27-29 ;

de Jacob, Gen., xlix ; de Balaam, Num., xxiv ; de Moïse, Deut., xviii, 18 ; de Josué, Jos., vi, 26 : de Nathan, II Reg., vil, 5-16 ; de Michée, III Reg., xxii, 17 ; de Jonas. IV Règ., xiv, 25. Ils conservaient aussi avec le plus grand soin les livres attribués aux prophètes ; ainsi des livres de Samuel, Nathan et Gad, I Par., xxix, 29 ; du livre d’Ahias le Silonite, II Par., ix, 29 ; de ceux de Séméias et d’Addo, U Par., xii, 15 ; de celui de Jéhu, II Par., xx, 34 ; d’Hozaï, II Par., xxxiii, 19. Nous devons donc conclure par analogie qu’il en est de même du prophète lsaïe ; Dès lors qu’on attribue ces prophéties à lsaïe, il faut conclure qu’elles sont de lui. On n’a aucune raison de faire une exception à la règle générale en ce qui concerne lsaïe. — La chose est d’autant plus frappante que quelquefois, dans la Bible, on mentionne des livres sans nommer leur auteur, parce qu’il est inconnu. Prov., xxiv, 23 ; xxx, 1. Puisque ceux qui ont fait la collection des Livres Saints ont inséré dans le recueil ces prophéties sous le nom d’Isaïe, c’est qu’ils étaient certains que de fait lsaïe en est l’auteur. Cf. Knabenbauer, In Is., t. i, p. 16-17.

Les livres postérieurs.

On trouve dans les livres

postérieurs des allusions aux prophéties d’Isaïe, et même des imitations de son style et de son langage. Ces allusions et ces imitations s'étendent à toutes les parties. Nous bornerons nos rapprochements à Jérémie, à Ezéchiel, et aux deutérocanoniques :

A. — Jérémie et lsaïe.

Jérémie. lsaïe.

u, 21… v, 1.

vi, 13… lvi, 11.

v, 20… i, 11.

vu, 13… lxv, 12.

vin, 10.. lvi, ' 11.

Jérémie. lsaïe.

XXX, 10.. xLiii, l ; XLrv, 2.

xxxi, 6.. ii, 3.

xl vi, 27, 28. xliii, 1 ; xliv, 2.

XLvm, 29. xv, 6.

…. 33. … 10.

xvii, 5… xxx, 2 ; xxxi, 1… 37…2. xviii, 6.. xlv, 9. …. 44. xxiv, 18.

xxiii, 5.. iv, 2 ; xlv> 8. li, 8… xxi, 9.

B. Ezéchiel et lsaïe.

Ezéchiel.

lsaïe.

Ezéchiel. lsaïe.

VII, 18.

xv, 2.

xxxiv, 23. xl, H.

xvii, 7.

. LVIII, 7.

xxxvi, 20. lii, 5.

xxix, 6.

xxxvi, 6.

xxxvii, 24. xxxvi,

6.

xxxii, 7.

xiii, 10.

C. — Les deutérocanoniques et lsaïe.

Deutérocan. lsaïe. Deutérocan. lsaïe.

Sap., i, 7. vi, 3. Sap., ix, 13… xl, 13.

Id., ii, 6. xxii, 13 ; lvi, 12. Id., xiir, 11… xliv, 12.

Id., iii, 14. lvi, 3.

Le Nouveau Testament.

Les prophéties d’Isaïe

sont très souvent citées dans le Nouveau Testament. Le résultat général est celui-ci : sur les soixante-six chapitres d’Isaïe, il y en a quarante-sept qui sont cités ou auxquels il est fait allusion dans le Nouveau Testament, lsaïe lui-même est expressément nommé vingt-deux fois dans le Nouveau Testament, à savoir : Matth., iii, 3 ; iv, 14 ; viii, 17 ; xii, 17 ; xiii, 14 ; xv, 7 ; Marc, i, 2 ; vii, 6 ; Luc, iii, 4 ; iv, 17 ; Joa., i, 23 ; xii, 38, 39, 41 ; Act., viii, . 28, 30 ; xxviii, 25 ; Rom., ix, 27, 29 ; x, 16, 20 ; xv, 12. Cf. Alexander, Commentary on Isaiah, édit. J. Eadie, 2 in-8°, Edimbourg, 1865, t. i, p. 1.

II. AUTBENTICITÉ DE LA PREMIÈRE PARTIE, I-XXXIX. —

L’authenticité totale n’a jamais été niée, mais on a rejeté comme inauthentiques certaines parties. Nous aurons : occasion de revenir sur ce point à propos de l’intégrité, , car en réalité c’est plutôt de celle-ci qu’il s’agit.

Résumé historique des attaques.

C’est à la fin du

xviiie siècle que commencèrent les premières attaques contre l’authenticité des prophéties d’Isaïe. Pour ce qui

concerne la première partie on admet généralement que les chapitres i-vi sont l’œuvre d’Isaïe ; quelques auteurs pourtant soutinrent que ii, 2-4, appartiennent à un auteur plus ancien qu’Isaïe. Le Hollandais Roorda fit entendre une note discordante ; pour lui dans les chapitres i-vi, il n’y a que ii, 2-4, qui soient d’Isaïe ; tout le reste appartient à Michée ; cf. Alexander, Isaiah, t. i, p. 16. — Gesenius soutint que vil, 1-16, n’est pas probablement d’Isaïe, parce que le prophète y est mentionné à la troisième personne ; Der Prophet Jesaia, Leipzig, 18211829. Hitzig réfuta cette opinion et fut suivi en cela par la plupart des critiques ; Der Prophet Jesaia, in-8°, Heidelberg, 1839. — Koppe prétendit que la chapitre su est un cantique d’une date postérieure à Isaïe ; Jesaias neu libers, von Lovilh, 4 in-8°, Leipzig, 1779-1781. Ewald reprit cette hypothèse ; Die Propheten des alten Bundes erklârt, 2 in-3°, Stuttgart, 1840-1841 ; elle fut rejetée par Umbreit, Jesaia, 2e édit., in-8, Hambourg, 1842. — Bertholdt attribua à Jérémie les chapitres xv-xvi ; Hist. Kritische Einleitung in die Bûcher des A. und N. Testaments, 6 in-8°, Erlangen, 1812-1829 ; Ewald et Umbreit les assignent à un prophète inconnu plus ancien qu’Isaïe ; Hitzig, Maurer, Commentarhis gram.-criticus in V. T., 4 in-8°, Leipzig, 1835-1847, et Knobel, Der Prophet Jesaia, 4e édit., revue par L. Diestel, in-8°, Leipzig, 1872 (dans le Kurzgefasstes eoceg. Handb.), les attribuent à Jonas. — Eichhorn rejette le chapitre xix ; Die hebràische Propheten, 3 in-8°, Gœttingue, 1816-1819 ; Gesenius doute de l’authenticité des ji. 18-20 de ce même chapitre ; Koppe attaqua eelle des 11. 18-25 ; Hitzig pensa que les ꝟ. 16-25 sont l’œuvre du prêtre Onias. — On rejeta assez universellement les dix premiers versets du chapitre xxi, sous prétexte qu’ils ressemblent trop aux chapitres xiii et xrv. — Suivant Movers, le chapitre xxiii est l’œuvre de Jérémie ; Krit. Untersuchungen ûber die biblische Chronik ; Ein Beitrag zur Einleitung in das A. T., in-8°, Bonn, 1834 ; Eichhorn et Rosenmûller, Scholia in V. T., 3e édit., 3 in-8°, 1829-1834, déclarent que ce chapitre appartient à un auteur inconnu plus ancien qu’Isaïe ; pour Ewald, il est d’un disciple d’Isaïe.

— La prophétie, contenue dans les chapitres xxiv-xxvi, a été, d’après Knobel, écrite en Palestine vers le commencement de l’exil de Babylone ; au dire de Gésénius, « lie a été écrite à Babylone vers la fin de la captivité et par l’auteur des chapitres xl-lxvi ; Gromberg place sa composition après le retour de l’exil ; Krit. Geschichte der Reîigions-Ideen des A. T., in-8°, Berlin, 1829 ; Ewald la place au contraire avant l’invasion dé l’Egypte par Caihbyse ; pour Vatke, elle aurait été écrite dans la période des Machabées ; Die biblische Théologie wissenschaftlich dargestellt, in-8°, Berlin, 1835 ; pour Hitzig, « ’est en Assyrie, peu de temps avant la chute de Ninive.

— D’après Koppe, les chapitres xxviii-xxxiii contiennent diverses prophéties de divers auteurs ; pour Hitzig, ce sont des prophéties successives d’un seul et même auteur.

— Quant aux chapitres xxxiv-xxxv, ils sont, d’après Rosenmûller et de Wette, Einleitung in die Bibl. Allés und Neues Test., t. i, in-8°, Berlin, 1848-1852, l’œuvre de l’auteur des vingt-sept derniers chapitres ; Ewald, au contraire, déclara cette attribution impossible. Cf. Trochon, Isaïe, p. 3-5. Nous de poursuivrons pas plus loin cette exposition des diverses positions prises par la critique rationaliste. — Qu’il nous suffise de résumer les conclusions généralement admises aujourd’hui dans le camp de la critique négative. On rejette comme inauthëntiques les fragments suivants : xm-xiv, 23 (prophétie contre Babylone) ; xv-xvi, 12 (prophétie contre Moab) ; xxi, 1-10 (prophétie contre Babylone ravagée par les Mèdes et les Perses) ; xxrv-xxvii (prophéties contre les nations étrangères) ; xxxiv-xxxv (prophéties sur la ruine de l’Idumée et ( la venue du Libérateur) ; enfin quelques critiques, en moins grand nombre, rejettent aussi Je chapitre xxjii (prophétie contre Tyr) ; cf. E. Reuss, La


Bible, 1877 ; Wellhausen, dans VEncyclopxdid britannica, 9e édit., t. xvi, p. 535 ; W. R. Smith, The prophets of_Israël and their place in history to the close of the 8°> century B. C, 1882, 2e édit., 1895, p. 91, 392 ; Dillmann, 5e édit. refondue du commentaire de Knobel, 1890 ; Kuenen, Einleitung, 2e édit., t. ii, 1889, p. 28-157 ; T. K. Cheyne, Introduction to the book of Isaiah, 1895, p. 121, 147 ; Frz. Delitzsch, Messian. Weissagungen in gesch. Folge, 1890, traduction anglaise, Edimbourg,

1891, § 44 ; Kirkpatrick, The doctrine of the prophets,

1892, p. 475 ; Smend, dans la ZeiUchrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1884, p. 161 ; Driver, Intr. to the Lit, of Ihe old Test., 7e édit., 1898, p. 213, 214, 216, 217, 218220, ’225, 226 ; Marti, Jesaja, p. 117, 133, 161, 177, 182, 242 ; tous ces auteurs sont dans l’ensemble hostiles à l’authenticité des fragments énumérés.

2. Démonstration de l’authenticité de la première partie. — Les preuves qui établissent l’authenticité de la première partie sont assez nombreuses. Nous ferons valoir les plus importantes :

Divergence entre les auteurs.

L’esquisse historique

que nous venons de dessiner montre bien à quelles conclusions diverses et parfois opposées sont arrivés les critiques. Si l’on excepte quelques points, pour tout le reste ils sont en complet désaccord ; ils ne s’entendent ni quant à l’auteur, ni quant au lieu, ni quant à la date des fragments dont ils nient l’authenticité, et qu’ils se refusent à attribuer à Isaïe lui-même. Cette divergence de vues, ce grand nombre d’opinions sont déjà une preuve, négative il est vrai, en faveur de l’authenticité.

Répétitions dans les auteurs postérieurs.

Beaucoup

des oracles de la première partie d’Isaïe sont répétés dans les auteurs postérieurs, ainsi :

A. » - Prophétie contre Babylone, xm-xrtr, 23. — Is., xiii-xiv, 23, se trouve répété dans Jer., l-li. Cf. Keil, Lehrbuch der histor. krit. Einleitung, 2e édit., § 67, 10.

Is., xiii, 3, est répété dans Soph., i, 7. — Is., xiii, 2022 ; xxxiv, 11, et Soph., ii, 13-15.

B. — Prophétie contre Moab, xv-xvi, 12. — On peut admettre sans inconvénient qu’Isaïe a emprunté cet oracle à un auteur plus ancien. Lui-même semble le laisser entendre dans la réflexion qui sert comme de conclusion à l’oracle, xvi, 13-14 : « Hoc verbum, quod locutus est Dominus ad Moabea : tune : Et nunc locutus est Dominus dicens, etc. » L’oracle n’en serait pas moins authentique dans ce sens que de fait il a été prononcé par Isaïe, mais ce serait la répétition d’une prophétie antérieure. Cf. Knabenbauer, In Is., t. i, p. 17.

C. — Prophétie contre Tyr, xxiii. — Gesenius et de Wette ne trouvent pas convaincantes les raisons de ceux qui rejettent l’authenticité de cette prophétie. D’autres auteurs protestants la regardent comme authentique ; Ainsi Keil, op cit. ; Dreschsler, Der Prophet Jesaja ; m" part., Stuttgart, 1845, 1849 ; Frz. Delitzsch, Jesaja, 3= éd., Leipzig, 1879 ; Nâgelsbach, Der Prophet Jesaja, Bielefeld et Leipzig, 1877.

D. — Oracles contre les nations étrangères, xxivxxvii. — Ces oracles se retrouvent dans des auteurs postérieurs. On peut s’en assurer par le tableau ci-dessous :

Isaïe. Jérémie.

xxiv, 1-12, 19, 20, 23… iv, 23-26.

IU., ±0. Id., 1.

ld., 4. viii, 13.

Ézéchiel.

xxvi, 21. …. xxiv, 8.

xxvii, 1 xxix, 3.

Nahum.

xxiv, 1 ii, 10.

Cf. Scholz, Commun tar zum Bûche des l’roph. Jeremia, p. 62, 125, 166 ; Keil, toc. cit.

IH. - 31 965

    1. ISAIE##

ISAIE (LE LIVRE D’)'

E. — Prophéties sur là ruine de Vldumée, xxxivxxxv. — Ces oracles sont aussi connus des prophètes postérieurs, comme on peut le constater par, 1e tableau suivant :

IsaTe. Jérémie. Isaïe. Ézéchiel.

xxxiv, 5-8. xli, 10. xxxiv 3… xxxii, 5, 6.

lbid., 6… xxv, 31 ; li, 40. Ibid., 6-7. xxxix, 17-19.

lbid :, 2… JMd., 33, 34.

Ibid., 7… l, 27. Sophonie.

lbid., 1Z. Ibid., 39. 761d., 6, H. I, 7-8 ; ii, 14.

Ibid., 16. li, 60-62,

Enchaînement.

Les chapitres dont on conteste

l’authenticité s’enchaînent avec ceux qui les précèdent, de telle façon que, si on les sépare, et les uns et les autres deviennent inintelligibles. C’est un tout qui se tient et se suit, et dont les parties ne peuvent ni être détachées ni exister séparément. On n’a qu’à lire attentivement la première partie d’Isaïe, sans préjugé et sans idée préconçue, pour se convaincre de ce fait. Qu’il nous suffise d’en donner un seul exemple : assez souvent le sujet de ces chapitres contestés dépend des précédents et y revient. Cf. xxiv, 13, et xvii, 5-6 ; xxiv, 16, et xxi, 2 ; xxvii, 9, et xvii, v ; xxvii, 2 et v, 7.

Identité de style et d’idées.

Ces prophéties, par

le style, les idées, les métaphores et les sentiments, se rapprochent beaucoup des oracles, regardés comme authentiques par tout le monde. On voit que l’auteur est pénétré des mêmes idées, qu’il se sert assez souvent des mêmes images et des mêmes comparaisons, et qu’il emploie parfois les mêmes expressions ; cf. Herbst-Welte, Hist. krit. Einleitung, t. ii, p. 9, 33 ; Scholz, Einleitung, 8, iii, p. 313-380 ; Horne, An introduction, t. ii, p. 814 ; Himpel, dans la Tûbing. theolog. Quartalschrift, 1878, p. 477, 491 ; Knabenbauer, In Is., 1. 1, p. 17, 18.

3. Objections des adversaires.

1° Objection philosophique. — Ces oracles, dit-on, prédisent l’avenir d’une - manière étonnante ; il est donc impossible qu’ils soient d’Isaïe : ce sont des vaticinia po’st eventùm : « Une prophétie où Cyrus est nommé par son nom, Is., xliv, 28 ; xlv, 1 ; une autre où les Mèdes et les Perses sont appelés pour la destruction de Babylone, qui a traité Israël sans humanité, Is., xiii, 1-xiv, 23, dit M. Nôldeke, ne çont pas naturellement l’œuvre d’Isaïe, qui ne pouvait connaître d’avance ni l’exil du peuple à Babylone, ni la délivrance de cet exil par Cyrus, roi des Mèdes et des Perses. » Noldeke, Histoire littéraire de l’Ancien Testament, trad. Derenbourg et Soury, 1873, p. 312 ; cf. aussi Bleek-Kamphausen, Einleitung, § 201. — Réponse.

— Cette objection repose sur un principe philosophique faux, à savoir : l’impossibilité de prédire l’avenir ; on conclut de là qu’il ne peut pas y avoir des vaticinia ante eventum. Ce principe est faux en lui-même, puisque Dieu est assez puissant pour prévoir et manifester l’avenir ; il est aussi anti-critique, car ce genre de questions : possibilité ou impossibilité de la prophétie, n’est pas du domaine de la critique ni même de l’exégèse. — Au surplus, ce principe conduirait logiquement à rejeter toutes les prophéties de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Objection littéraire.

On prétend que ces’oracles

ne sont ni dans le style ni dans le ton d’Isaïe. L’examen a porté surtout sur les chapitres xxiv-xxvii. Les principaux traits qu’on a relevés sont les suivants : a) d’après Isaïe les forces assyriennes sont détruites sur les montagnes de Juda, xiv, 25 ; ici au contraire, c’est toute la terre qui est bouleversée, xxiv, 1-12, 17-20 ; — 6) Isaïe parle toujours de « l’armée » ou du « roi » des Assyriens : ici au contraire le pouvoir oppresseur est une « grande ville », xxv, 2-3 ; xxvi, 5 ; — c) d’après Isaïe, le reste, qui échappera à la dévastation, et sera sauvé, appartient à Juda ou Jérusalem, iv, 3 ; xxxvii, 32 ; ici, au contraire,

les sauvés appartiennent aux régions les plus éloignées de la terre, xxiv, 14r-16 ; — d) le style est absolument différent de celui d’Isaïe ; il est moins naturel ; ainsi par exemple : combinaison de synonymes, souvent sans aucun lien, àtrjvSeTwi ;, xxiv, 3 ; répétition d’un mot, xxiv, 16 ; xxv, l b ; xxvi, 3, 5, 15 ; xxvii, 5 ; nombreuses allitérations et jeux de mots, xxiv, 1, 3, 4, 6, 16, 17, 18, 19 ; xxv, 6, 10 b ; xxvi, 3 ; xxvii, 7 ; tendance au rythme, xxiv, 1, 8, 16 ; xxv, 1, 6, 7 ; xxvi, 2, 13, 20, 21 ; xxvii, 3, 5 ; traits inconnus à Isaïe, xxiv, 16, 21, 22 ; xxv, 6 ; xxvi, 18-19 (la résurrection) ; xxvii, 1 (le symbolisme de l’animal) ; réflexion de xxvi, 7-10. Driver, Introduction, p. 220 ; T. K. Cheyne, Introduction to the book of Isaiah, p. 147. — Réponse. — a) Nous ne nions pas que ces chapitres ne présentent certaines particularités dans leur caractère littéraire ; mais ces différences et ces particularités s’expliquent très bien par la différence du sujet et des circonstances ; si l’on examinait attentivement, on trouverait des différences et des particularités de cette nature même dans les prophéties que la critique regarde comme authentiques. Pour qu’un auteur parle ou écrive différemment, il suffit qu’il ait à exprimer dés idées différentes ou qu’il se trouve dans des circonstances diverses ; — b) si ces prophéties présentent quelques dissemblances littéraires avec les autres, elles présentent aussi de nombreux points de contactetde nombreuses ressemblances ; par exemple : mize’âr, « petit, » xxiv, 6, et x, 25 ; zaît, « olive, » et’ôlêlôt, <n rameaux, » xxiv, 13, et xvii, 6 ; ’ôy, « malheur, » et jeu de mots sur bâgad, « prévariquer, » xxiv, 16 b, et xxxiii, 1 ; melûndh, « hutte, » xxiv, 20, et î, 8 ; mapèlâh, « chute, » xxv, 2, et xvii, 1 ; dâl, « mince, s et’ébeyôn, « pierre, » xxv, 4, et xi, 4 (seulement pour dâl) ; xiv, 30 ; fâyôn, « lieu aride, » xxv, 5, et xxxii, 2 ; Sàmir, « ronce, » et sait, « épine, » xxvii, 4, et ix, 17 ; makêhû, « plaie, frappant, » xxvii, 7, et x, 20 ; hammdnîm, « statues, » xxvii, 9, et xvii, 8 ; xxvii, ll b, et xvii, 7, 8, et xxii, Il b, mêmes pensées ; xxvii, 13, et xi, 11, grande dispersion.

/II. AUTBENTICITÉ DE LA SECONDE PARTIE, XL-LXVI.

— L’authenticité de la seconde partie d’Isaïe a été niée avec plus d’ensemble et moins d’hésitation par l’école critique. C’est presque un dogme pour l’école rationaliste que cette partie n’est pas d’Isaïe ; on s’accorde à la regarder comme postérieure à l’exil de Babylone. Doderlein, en 1775, fut le premier à nier ouvertement l’authenticité des chapitres xl-lxvi. Koppe, Ewald, Bertholdt, Hitzig, Knobel, Seinecke, Beck et Orelli, pour ne nommer que les principaux, marchèrent dans la même voie. Knabenbauer, In Is., t. ii, p. 13 ; Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. v, « p. 107-125 ; Trochon, Isaïe, p. 7. Nous ne pouvons pas suivre toutes les oscillations de la critique. Qu’il nous suffise d’exposer l’état actuel.

État actuel de la critique.

Tous les critiques rationalistes

s’accordent pour affirmer qu’Isaïe n’est pas l’auteur de ces chapitres. Mais quel en est l’auteur et à quelle époque ont-ils été écrits ? C’est ici que l’on ne s’entend plus. Dillmann suppose que les chapitres xl-xlviii ont été écrits au milieu des succès de Cyrus, vers l’an 545avant J.-C, les chapitres lvi-lxii entre 545 et 539538 ; les chapitres lxiii-lxvi ne seraient qu’un appendice, , traitant de questions qui s’élevèrent lorsque le rétour en. Palestine était imminent, et ajouté au reste des chapitres vers l’époque de l’édit de Cyrus ; le chapitre lxvi lui-même aurait été retouché par une autre main, notamment en ce qui concerne les ꝟ. 18-24 ; 5e édit. refondue du Commentaire de Knobel, 1890, p. 363, 364, 534. D’autres critiques n’ont pas voulu admettre ces conclusions. — On croit généralement que lvi, 9-lvh, 11°, et lix, 3-15, qui rappellent assez fidèlement les descriptions faites par Jérémie et Ézéchiel de la condition de Juda sous les derniers rois, ont été écrits à l’époque de : Jérémie ; l’auteur de xl-lxvi, trouvant qu’ils contenaient C0

une leçon appropriée à ses contemporains, les aurait incorporés, peut-être avec quelques légères modifications de forme, à son propre ouvrage, et les aurait adaptés à la situation de l’exil. Cf. Driver, Isaiah ; his Life and times, p. 187, 188. — Ewald soutint que les chapitres lviii-lix, ainsi que lvi, 9-lvii, 11 1, furent empruntés par le second lsaïe à un auteur contemporain d'Ézéchiel ; quant aux chapitres lxiii, 7-lxvi, ils auraient été ajoutés par l’auteur après le retour de la captivité. — Euenen, en 1889, restreignit la prophétie de la restauration aux chapitres xl-xlix ; lii, 1-12 ; et peut-être lii, 13-liii, 12 ; le reste supposerait un auteur ou des auteurs vivant en Palestine après le retour de la captivité : il en conclut donc que ces parties furent ajoutées, après 536 avant J.-C, soit par le second lsaïe, soit par des écrivains appartenant à la même école ; quant à lxiv, 10-11, il ferait allusion soit aux faits décrits par Néhémie, II Esd., i, 3, soit à des faits semblables postérieurs. Einleitung, 2e édit., § 49, 5-7, 11-15. — Cornill, Der Isr. Prophetismus, 2e édit., 1896, § 20, [3e édit.. § 24], 19, 20, pense que la plus grande partie des chapitres xlix-lxii suppose un auteur vivant en Palestine ; mais rien ne donne à entendre que cet auteur ait été différent de celui des chapitres xl-xlviii ; il trouve les traces d’une main postérieure dans les chapitres lxiii-lxvi. — Duhm et Cheyne, après une étude attentive et minutieuse des circonstances historiques, des idées et de la phraséologie, ont essayé de déterminer, d’une manière plus précise, et l’auteur et la date. Duhm réduit l'œuvre propre du second lsaïe aux morceaux suivants : xl, 1-4, 6-8, 9-11, 12-19, 20-31° ; xli, 1-4, 6-7, 8-29 ; xlii, 5-11, 13, 14, 25 ; xliii, 1-20°, 22-28 ; xiiv, 1-8, 21-28° ; xlv, 1-9, 11-13°, 14-25 ; xlvi, 1-5, 9-13 ; xlvii, 1-2, 3 b -14°, 15 ; xlviii, 1° (à Jacob), 3, 5°, 6-7°, 8°. 11-16°, 20-21 ; xlix, 7-26 ; l, 1-3 ; li, 1-10, 12-14, 17, 19-23 ; lii, 1-2, 7-12 ; liv, 1-14, 16-17° ; lv, 1-2, 3 b -6, 8-13. Il attribue les passages du « serviteur », Knechtsitûcke, xlii, 1-4 ; xlix, 1-6 ; l, 4-9 ; l1113-liii, 12, à un auteur différent, vivant en 500-450 av. J.-C. (second lsaïe) ; les chapitres lvi-lxvi au troisième lsaïe, vivant un peu après, au commencement de l'époque d’Esdras et de Néhémie, qui inspirait plus de sympathie que le second lsaïe, avait des attaches avec fécole d’Aggée « t de Malachie, et attachait une* grande importance aux observances rituelles ; ainsi lvi, 1-8, nous place à la même époque qu’Esdras, ix, 1-2 ; x, et Néhémie, ix, 2 ; x, 30-31 ; xiii, l'-3, 23-30 ; les chapitres lvi, 9lvii, 13°, font allusion aux persécutions et à l’idolâtrie pratiquée par les Samaritains et les Juifs infidèles, à la même époque ; lxv, 3-4, 11 ; lxvi, 5, 17, etc., visent également les mêmes adversaires des fidèles serviteurs de Jéhovah, dont le prophète annonce le sort futur dans lxv, 6-7, 11-12 ; lxvi, 4, 15, et ailleurs, dans lis, 16-20 ; les chapitres lviii-lix retracent les fautes religieuses de la même époque ; Dos Buch Jesaia, in-8°, Gœttingue, 1892. — Cheyne se rapproche beaucoup de Duhm, il en diffère pour certains détails ; ainsi dans l’analyse des chapitres xl-lv, il assigne les passages du « serviteur » et xl, 31 b ; xlii, 12 ; xlv, 10, 13 b ; xlvii, 3° ; li, 18 ; liv, 17 k ; lv, 3°, au second lsaïe, et lui refuse au contraire xlii, 24 b ; xliv, 21 b, 22 b ; xlv, 25 ; xlviii, 3 b, 16°. Il rapporte, comme Duhm, les chapitres LVi-Lxyi, à l’exception de lxiii, 7-lxiv, à l'époque d’Esdras et deNéhémie ; toutefois il les attribue, non à un individu, mais à une école d'écrivains qui visa à perpétuer l’enseignement du second lsaïe et à développer ses idées ; les chapitres lxlxii, il les regarde comme un appendice de l'œuvre du second Isa, ïe, traduisant les espérances qu’on eut, en 432 avant J.-C., à l’arrivée d’Esdras et de ses compagnons d’exil, avec de riches dons pour le temple ; lxiii, 7-lxiv, sont d’une date plus récente ; ils reflètent les émotions éprouvées par les pieux Israélites à la suite de la destruction du temple (lxiv, 10-11), et d’autres calamités censées être arrivées vers 347 avant J.-C. sous Arta xerxés Ochus ou Artaxerxès III. Cf. Driver, Introduction, p. 244-246.

Démonstration de l’autlienticilé de la seconde partie.

L’authenticité de la seconde partie d’Isaie est audessus de tout doute sérieux. Lesprincipales preuves sont :

i. La tradition juive et chrétienne. — La tradition juive est consignée dans le livre de l’Ecclésiastique et attestée par l’historien juif Josèphe. L’auteur de l’Ecclésiastique parle ainsi : « (Dieu) ne se souvint point de leurs péchés et il ne les livra pas à leurs ennemis, mais il les purifia par la main d’Isaïe, le saint prophète. Il rtnversa le camp des Assyriens et l’ange du Seigneur les écrasa ; car Ézéchias fit ce qui était agréable à Dieu et il marcha courageusement dans la voie de David son père, que lui avait recommandé lsaïe, le grand prophète et fidèle devant Dieu. En ces jours, le soleil retourna en arrière et il prolongea la vie du roi. (Eclairé) par un grand, esprit, il vit la fin des temps et il consola ceux qui pleuraient en Sion. Il montra l’avenir jusqu'à la fin des temps, et les choses cachées avant qu’elles arrivassent. » Eccli., xlviii, 23-28. Les paroles : « Il consola ceux qui pleuraient en Sion, » font évidemment allusion à Is., XL, 1 : « Consolez-vous, consolez-vous, mon peuple, dit votre Dieu » (le même verbe ans, nâham, est employé dans lsaïe et dans l’Ecclésiastique), et par conséquent attribuent à lsaïe lui-même les chapitres xl-lxvi ; cf. surtout Is., xl, 4, 22, 26 ; xlii, 9, 19 ; xliv, 26 ; xlv, 11 ; xlviii, 6 ; xlix, 13 ; li, 3, 12, 19 ; lu. 9 ; lvii, 18 ; lxi, 2, 3 ; lxvi, 10, 13. Josèphe nous rapporte que les Juifs, pendant la captivité, montrèrent à Cyrus le passage d’Isaïe où il est nommé. Ant. jud., XI, i, 1, 2. Cf. I Esd, i, 2, et Is., xliv, 26-28 ; xlv, 1-13 ; xlvi, 13. — La tradition chrétienne nous est conservée dans le Nouveau Testa, ment. Les quatre évangélistes, Matth., iii, 3 ; Marc, i, 2 ; Luc, iii, 4 ; Joa., i, 23 citent, comme appartenant à lsaïe, ce qui est dit du précurseur du Sauveur. Is., XL, 2, 4 ; cf. aussi Rom., x, 16, 20.

S. Impossibilité morale. — Si ces vingt-sept derniers chapitres ne sont pas d’Isaïe, on se trouve en face d’un phénomène moral inexplicable. Un ne peut pas expliquer en effet comment l’auteur des prophéties les plus remarquables de l’Ancien Testament aurait été ignoré des Juifs. Notons que la tradition n’a jamais hésité à attribuer ces prophéties à lsaïe ; elle n’a jamais eu le moindre doute à ce sujet. Si ces chapitres étaient d’un auteur ou d’auteurs autres qu’Isaïe, certainement" la tradition juive en aurait gardé le souvenir ; il est impossible qu’un groupe si imposant de prophéties se répande dans le peuple juif sous le nom et l’autorité d’Isaïe, et que personne ne découvre cette supercherie. Si les Juifs n’ont jamais protesté, ni réclamé, mais ont accepté en masse l’origine isaïenne de ces oracles, c’est que de fait ces oracles ont été prononcés par lsaïe lui-même.

3. Les auteurs postérieurs.

Les vingt-sept chapitres de la seconde partie d’Isaïe sont connus des prophètes postérieurs : A) de Jérémie. a) Ressemblances verbales. —. Jer., v, 25 et Is., lix, 1-2 ; Jer., iv, 18 et Is., lix, 3 ; Lam., iv, 14 et Is., lix, 2 ; Jer., viii, 15 et Is., lix, 9 ; Jer., xiii, 16 et Is., lix, 3 ; cf. aussi Jer., xiv, 19 ; xiv, 7 et Is., lix, 12 ; Jer., iii, 16 et Is., lxv, 17 ; Jer., xxxi, 33 et Is., Li, 7 ; Jer., xxxi, 35 et Is., li, 15 ; Jer., xlix, 23 et Is., lvii, 20 ; Jer., l, 2 et Is., xlviii, 20 ; xlvi, 1 ; Jer., iv, 13 : vii’osna îisissi et Is., lxvi, 15 : mbidsi

t ::- t - : t - :

Tn133nD, « son char est comme un tourbillon ; » Jer.,

xxv, 33 : niiv îVjn, « les tués de Jéhovah » et Is., lxvi,

16 : nin* fbbn. — 6) Ressemblances réelles. — Jer., x

(folie de l’idolâtrie), et Is., xl, 18-20, xli, 7 ; xliv, 9, 12-15 ; xlvi, 7 ; Jer., xxx-xxxi (promesses), et Is., xlviii, 21 ; xlix, 9 ; li, 15 ; liv, 7 ; lv, 3, 12 ; lviii, 11 ; lx, 18, 21 ; Jer., xxxi, 7-14, 20-25, et Is., xl ; xlii ; xlix ; lv ; lxii ; lxv. — B) De Nahum, i, 15, et Is., lii, 7 ; lii, 1. ;

Nah., iii, 7, et Is., li, 19. — C) De Sophonie. ii, 15, et Is., .xlvii, 8, 10. — Concluons : les trois prophètes, Jérémie, Nahum et Sophonie, sont antérieurs à la captivité de Babylone : on voit qu’ils connaissent la seconde partie d’Isaïe ; donc les oracles de cette seconde partie sont antérieurs à l’exil, et dès lors la position de la critique est fausse ; cf. von Himpel, dans k Theolog. Quartalschrift, 1878, p. 471, 511, 520 ; tfeinke, Messianische Weissagungen, t. ii, p. 488 ; Zschokhe, Historia sac. Ant. Test.. Z’édit., p. 269 ; Kaulen, Einleitung, 3e édit., part, ii, 1892, p. 360-361 ; Kueper, Vas Prophetenthum, p. 270-291 ; Keil, Einleitung, p. 247 ; Drechsler, Der Prophet Jesaja, iii, p. 403 ; Nâgelsbàch, Der Prophet Jesaja, p. xxx ; Seinecke, Der Evangelist des alten Testamentes, p. 34, 36, 38 ; Knabenbauer, In Is., t. ii, p. 10-11.

4. Caractère du style.

« Le style des chapitres xllxvi prouvé qu’ils ne sont pas de l’époque à laquelle on prétend les rapporter. Ils sont écrits dans une langue, non seulement irréprochable, mais parfaite. Or, à la fin de la captivité de Babylone, à laquelle on veut en placer l’origine, l’hébreu avait perdu son ancienne pureté, par le contact et [le mélange des étrangers, comme nous le voyons dans Ezéchiel et dans Daniel, et il ne retrouva plus son ancien éclat. » Vigouroux, Man. bibl, t. ii, p. 608.

5. Ressemblances littéraires entre les deux parties. — Elles sont très nombreuses, de sorte que l’on sent que les deux parties sont d’un seul et même auteur. — A) Mots. — Niqr’a, « être appelé, être connu, » i, 26 ; xxxii, 5 ; — xi.vii, 1, 5 ; xlviii, 8 ; liv, 5 ; lvi, 7 ; lxi, 6 ; lxii, 4, 12, etc. ; —, asir, « enchaîné, » x, 4 ; xxiv, 22 ; et xlii, 7 ; — îbelè maint, « écoulements des eaux, » xxx, 25 et xliv, 4 (pas ailleurs) ; — nà’âsûs « épine, ronce, » vii, 19 et lv, 13 (pas ailleurs) ; —’onég, « volupté, » xiii, 22 et lviii, 13 (pas ailleurs) ; — fa’âlûlîm, « crimes, » iii, 4 et lxvi, 4 (pas ailleurs) ; —’âbîr, « fort, » i, 24 et xlix, 26 ; lx, 16 ; — agmôn, « jonc, » ix, 13 ; xix, 15 et lviii, 5 ; — mê’àz, « dès lors, » seize fois dans toute la Bible, dont huit dans Isaïe, xiv, 8 ; xvi, 13 ; xliv, 8 ; xlv, 21 ; xlviii, 3, 5, 7, 8 ; —’éfe’éh, « vipère, » se trouve seulement dans Job, xx, 16 et Is., xxx, 6 et lix, 5 ; — bâ’âh, « chercher, . » xxi, 12 ; xxx, 13 et lxiv, 1 ; ne se trouve plus que dans Abd., 6 ; — ba-bôqér, ba-bôqér, « le matin, le matin, » xxviil, 19 et l, 4 ; — géza’, « coupé, » xi, l et xl, 24 ; ne se trouve plus que dans Job, xiv, 8 ; — limûd, « instruit, » yin,

16 et L, 4 (bis) ; liv, 13 ; ne se trouve plus que dans Jérémie ; ]— miné, mini, forme inusitée, ex, « de, » xxx, 11, (bis) et xlvi, 3 (bis) ; — siqêl, « écarter des pierres, » v, 2 etLxii, 10 ; nulle part ailleurs ; — mâiôs, « joie, »

17 fois dans l’Écriture, dont 10 dans Isaïe, viii, 6 ; xxiv, 8 (bis), 11 ; xxxii, 13, 14 et lx, 15 ; lxii, 5 ; lxv, 18 ; txvi, 10 ; — sârâh, « éloigner, apostasier, ».8 fois dans l’Écriture, dont quatre dans Isaïe, i, 5 ; xiv, 6 ; xxxi, 6 et lix, 13 ; —’oie’ii, « faisant, » solennelle appellation de Dieu, xvii, 7 ; xxvii, 11 ; xxix, 16 et xliv, 2 ; xlv, 18 ; li, 13 ; liv, 5 ; — sâhal, « hennir, r x, 30 ; xii, 6 ; xxiv, 14 et liv, 1 ; ne se trouve que cinq fois dans tout le reste de la Bible ; — sâmè’, « ayant soif, » se trouve dix fois dans la Bible, dont cinq dans Isaïe, xxi, 14 ; xxix, 8 ; xxxii, 6 et xliv, 3 ; lv, 1 ; — sânîf, « tiare, » m, 23 et lxii, 3 ; — sife’oni, « basilic, serpent, . » xi,

8 et lix, 5 ; — rahab, « orgueilleux, » appliqué à l’Egypte, xxx, 7 et li, 9 ; — iâiôn ve-Hmhdh, « joie et allégresse, » xxii, 13 ; xxxv, 10 et li, 3, 11 ; — Sdi-ôn, terme de comparaison pour indiquer une contrée agréable, xxxiii, 9 ; xxxv, 2 et lxv, 10 ; — Sdfêl, « être humilié, » ii, 9, 11, 12, 17 ; v, 15 ; x, 33 ; xiii, 11 ; xxv, 11, 12 ; xxvi, 5 ; xxrx, 4 ; xxxii, 18 et xl, 4 ; lvii, 9 ; — fiféréf, « ornement, s iii, 18 ; iv, 2 ; x, 12 ; xiii, 19 ; xx, 5 et xuv, 13 ; lii, 1 ; lx, 7, 19 ; lxii, 3 ; — nêsér, « rejeton, » xi, 1 ; xiv, 19 et lx, 21 ; ne se trouve plus que dans Dan., xi, 7.

B) Locutions et formules. — QedôS ISrd’êl, « Saint d’Israël, » i, 4 ; v, 19, 24 ; x, 20 ; xii, 6 ; xvii, 7 ; Xxx, 11, 12 ; xxxi, 1 ; xxxvii, 23 et xli, 14, 16, 20 ; xliii, 3, 14 ; xlv, 11 ; xl vii, 4 ; xlviii, 17 ; xlix, 7 ; liv, 5 ; lv, 5 ; lx, 9, 14 ; rare dans les autres livres de la Bible ; — nidhè Ièrâ’êl, « les chassés d’Israël, » xi, 12 et lvi, 8 ; ne se trouve plus que dans Ps. cxlvii, 2 ; — ydbês hdsîr, « grain aride, » xv, 6 et xl, 7, 8 ; — yemê qédérn, « les jours d’avant, » xxiii, 7 ; xxxvii, 26 et li, 9 ; — nâèâ’nés, « élever un signal, » v, 26 ; xi, 12 ; xiii, 2 ; xviii, 3 et xliv, 22, où le mot nâid’est remplacé par rûm ; de même dans lxii, 10 ; — se’ifè has-selâ’im, « écueils de pierres, » ii, 21 et lvii, 5 ; — pî Yehôvâh dibbér, « la bouche du Seigneur a parlé, » i, 20 et XL, 5 ; lviii, 14 ; ne se trouve nulle part ailleurs ; — sis nobêl, « fleur qui tombe, » xxviii, 1, 4 et XL, 7, 8 ; ne se trouve nulle part ailleurs ; -^ yo’mar Yehôvâh, « Dieu dit, » i, 11, 18 ; xxxiii, 10 et xl, 25 ; xli, 21 ; lxvi, 9 ; tournure propre à Isaïe.

C) Parallélisme. — Dans beaucoup de passages des deux parties il existe un parallélisme d’idées et même de mots, rvveuglement de l’esprit : vi, 10 ; xliv, 18. — Manifestation de la lumière divine, viii, 20 ; lviii, 8 ; cf. aussi ix, 1. — La félicité du royaume messianique dépeinte par les mêmes images, xi, 7-9 ; lxv, 25 ; aussi xi, 6. — De même xxviii, 5, et lxii, 3 ; xxix, 18 et xlii, 7 ; xxx, 26, et lx, 91. — Dévoiler, xxii, 8-9° et xlvii, 2-3°.

— Sion comparée à une tente, xxxiii, 20 ; liv, 2. — Le malheur comparé à l’ivresse, xix, 14 et li, 17 ; xxix, 9 et li, 21 : — Cantiques, xii, 1, 4-5 ; xxiv, 14 ; xxv, 1 ; et xlii, 10 ; xliv, 23 ; xlv, 8 ; 15 ; xlix, 13 ; li, 9 ; lii, 9 ; lxi, 10 ; lxiii, 7 ; lxvi, 10.

D) Répétition de la même idée et parfois des mêmes mots dans le même verset. — Cette propriété stylique se retrouve aussi dans les deux parties ; cf. i, 7 ; iv, 3 ; xiv, 25 ; xv, 8 ; — xl, 19 ; xlii, 15, 19 ; lui, 7 ; lv, 4 ; lviii, 2.

E) Ressemblances entre le chapitre l et les chapitres xl-lxvi. — Il existe tant de ressemblances entre le chapitre I et les chapitres qui composent la seconde partie, que ce point mérite d’être traité à part. — o) Ressemblances verbales. — Sàb, « celui qui se détourne, qui abandonne, » i, 27 et lix, 20 ; —’âzab, « abandonner, » I, 4, 28 et lxv, 11 ; — posa’, « prévariq%er, » i, 2,

28 et xliii, 27 ; xlvi, 8 ; xlviii, 8 ; lui, 12 ; lxvi, 24. — b) Ressemblances réelles : invocation du ciel et de la terre, i, 2 et xliv, 23 ; xlix, 13 ; — Israël représenté sous l’image d’un lépreux, I, 6 et lui, 2 (appliqué au serviteur de Jéhôvâh) ; — Dieu abhorre les prières des pécheurs, i, 15 et lix, 2, 3 ; — invitation à discuter avec Dieu, I, 18 et xli, 1 ; — promesse des biens terrestres, i, 19 et lv, 2 ; — confusion dans le culte des idoles, i,

29 et xlii, 17 ; lvii, 5 ; lxvi, 17.

Objections.

1. Objection philosophique. — Ces

chapitres annoncent trop clairement l’exil et la captivité de Babylone, et nomment le libérateur Cyrus ; Isaïe n’a pas pu prédire ces événements, d’autant plus qu’il a vécu dans la période assyrienne. — Réponse. — Comme nous l’avons déjà fait observer ailleurs, cette objection repose sur un faux principe philosophique : l’impossibilité de la prophétie. — Si cette objection était valable, tous les livres prophétiques de l’Ancien Testament seraient apocryphes, car tous contiennent des prophéties au sens strict du mot ; ainsi il faudrait supprimer Amos, qui prédit la ruine du tabernacle davidique et le châtiment des nations éloignées ; Osée, qui prédit la ruine du royaume d’Israël, l’exil et le retour ; Michée, qui prédit la ruine de Samarie, de Jérusalem, l’exil, le retour et la naissance du Messie à Bethléhem ; Nahum, qui prédit la chute de l’empire chaldéen. — De plus si cette règle était vraie, il faudrait conclure, comme l’observe à juste raison Nâgelsbàch, Jesaja, p. xxiii, que les chapitres lii-lv ont été écrits après la venue de Jésus-Christ, et que leur auteur avait lu les Epitres ae saint Paul. ISAIE (LE LIVRE D’)

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3. Objections historiques.

On prétend les tirer de | l’évidence interne. — Première objection. — Le temps de l’exil est décrit comme présent, et la ruine de Juda et de Jérusalem comme passée, Is., xlii, 22-25 ; xliii, 28 ; xljv, 26 b ; xlvii, 6 ; xlix, 8 ; iii, 5 ; lviii, 12 ; lxi, 4 ; lxiii, -18 ; lxiv, 10-12. L’auteur a donc vécu dans la période exilienne et même après. — Réponse. — a) Il y a des indices certains que ces prédictions ont été faites avant l’événement, Is., xli, 21-29 ; xliii, 9 ; xlv, 21 ; xlvi, 9 ; xxviii, 5, 16. — 6) Cette manière de parler s’explique par ce qu’on appelle le présent prophétique ; les prophètes décrivent parfois les événements futurs comme présents ou passés, car, dans leur esprit ils voient ces événements comme s’accomplissant présentement ou comme déjà accomplis. — Isaïe, dans la seconde partie, n’annonce pas toujours d’ailleurs ces événements comme présents ; parfois il annonce la délivrance comme future, XL, 9 ; xli, 27 ; xliii, 19 ; — xlvi, 13, est un simple contexte. Quant à xlii, 9 ; xlviii, 3, 6, 7, 16, ils rappellent des prophéties faites autrefois et déjà accomplies comme un argument pour prouver que les nouvelles prophéties s’accompliront également.

Deuxième objection. — L’auteur décrit l’état de choses tel qu’il était au temps de l’exil et après : discordes entre les Babyloniens, xlix, 26 ; victoires remportées par Cyrus, xli, 2, 3, 25 ; l’Egypte, l’Ethiopie et Saba sont sa proie, xliii, 3 ; xlv, 14 ; conspiration des nations contre Cyrus sous Crésus, XL, 15 ; xli, 1, 5 ; li, 6 ; lix, 18 ; victoires de Cyrus, lxiii, 1. — Réponse. — Tous ces passages sont mal interprétés, et dès lors l’objection manque de fondement ; xlix, 26 ne fait nullement allusion aux discordes entre Babyloniens, puisque dans ce passage il n’est nullement question du temps de Cyrus, mais du temps qui suivit la restauration ; — xli, 2, 3, 25, ne rappellent pas des victoires déjà remportées, mais annoncent des victoires en général ; on voit, par le contexte et par xli, 1, 22, 23, 24, 26, que cette prophétie est donnée comme un argument de la vraie divinité ; — ce qui est dit, xliii, 3 ; xlv, 14, ne se rapporte nullement à Cyrus, parce que ce conquérant ne fit jamais d’expéditions en Egypte, en Ethiopie et à Saba ; — dans les autres passages allégués, il n’est pas non plus question des nations conspirant contre Cyrus sous Crésus ; XL, 15 déclare l’impuissance des nations contre la majesté divine ; xli, 1, elles sont appelées » à juger si c’est Dieu ou les idoles qui ont fait des fausses prophéties ; xli, 5, affirme d’une façon générale que les contrées même les plus éloignées trembleront, lorsque s’élèvera le héros d’Orient ; li, 6, est un passage trop obscur ; très probablement il s’agit là du salut apporté à la terre par le Christ ; — enfin dans lix, 18, et lxiii, 1, il n’est nullement question de Cyrus, mais de Dieu et de Jésus-Christ ; ce dernier passage annonce le salut messianique, déjà annoncé dans il, 2-4 ; XI, 4-7 ; XII, 1-6 ; xxx, 23-28 ; xxxii, 1-8 ; passages regardés comme authentiques par les rationalistes eux-mêmes.

Troisième objection. — L’auteur décrit avec tant de soin et d’exactitude les divers partis qui existaient parmi les exilés, les factions, les mœurs et la condition des exilés, qu’il se trouvait nécessairement au milieu d’eux, XL, .27 ; xlv> 9 ; xlvi, 6-7 ; xlix, 24 ; li, ; fô ; lvii, 5-8 ; lviii, 13 ; Lix. 3 ; lxvi, 5. — Réponse. — ? Ce groupe de passages est aussi mal interprété ; reprenons point par point en groupant les idées analogues : xlvi, 6-7, et lvii, 5-8, reprennent les idolâtres et montrent la folie de l’idolâtrie ; cela n’a aucune relation avec la période exilienne, mais vise l’idolâtrie pratiquée en Palestine même ; nous ne sommes donc pas à Babylone, mais en Palestine ; — ce que les impies disent, lxvi, 5, avait déjà été dit dans v, 19 ; il n’y a là aucun indice de la fin de l’exil ; — les reproches de lix, 3, se trouvent déjà dans i-v ; ii, 15-21 ; xxviii, 7 ; — lviii, 13, recommande l’observance du sabbat ; Jérémie le fit aussi avant l’exil,

Jer., xvii, 21-22 ; — si le prophète dans xl, 27 ; xlv, 9 ; xlix, 24 ; li, 12, console et réconforte les pusillanimes et les découragés, nous trouvons les mêmes sentiments dans la première partie ; là aussi, l’auteur soutient les pieux et les affligés et les exhorte à mettre leur confiance en Dieu ; de même dans i, 15 ; 23 ; iii, 15 ; v, 8-25 ; x, 12, il avait déjà parlé des iniquités commises.

Quatrième objection. — Tous les prophètes antérieurs à l’exil, et Isaïe lui-même, attendent l’amendement du peuple des souffrances et des peines de l’exil ; dans les chapitres xl-lxvi, au contraire, le peuple est représenté comme contumace, endurci, incrédule, apostat, chargé d’iniquités et n’offrant aucun espoir d’amendement, xlviii, 4, 8 ; lviii, 1 ; lix, 2, 12 ; lxiii, 17 ; lxiv, 7. Donc ces chapitres ne sont pas d’Isaïe. — Réponse. — Nous sommes encore ici en face d’une fausse interprétation ; il nous suffit de remettre les choses à point pour écarter cette objection ; xlviii, 4, 8, l’auteur décrit les mœurs du peuple à peu près dans les mêmes termes que les livres mosaïques ; cf. Exod., xxxii, 9 ; xxxiii, 3, 5 ; xxxiv, 9 ; Deut., ix, 6, 13 ; xxxi, 27 ; devrons-nous conclure que l’Exode et le Deutéronome ont été écrits durant ou après l’exil babylonien ? — lxiii, 17, et lxiv, 7, on pleure les péchés passés, et on en implore le par- : don ; — lviii, 1, et lix, 2, 12, reprennent les péchés déjà repris dans les chapitres I et v, ainsi que la feinte piété des contemporains comme dans I, 10-16 ; — il n’est pas vrai de dire que l’auteur de la seconde partie n’attend des souffrances de l’exil aucun amendement du peuple ; xlviii, 10, prouve le contraire. Le peuple sortit de l’exil de Babylone purifié et plus digne des bienfaits de Dieu.

Cinquième objection. — Tous les discours de cette partie s’adressent à des exilés tantôt pieux, tantôt impies ; l’auteur se demande quels sont ceux qu’il doit consoler et reprendre ; quels sont ceux qu’il doit exhorter à l’amendement, et auxquels il ordonne de s’éloigner de Babylone ; ces discours n’ont pu être prononcés par Isaïe qui a vécu et écrit 150 ans avant l’exil ; pour se convaincre de cela il suffit de se référer à xl, 18, 21, 25 ; xli, 10, 14 ; xlii, 18 ; xliii, 1 ; xliv, 2, 8, 22 ; xlvi, 8, 9, 12 ; xlviii, 1 ; L, 5 ; lvi, 6-12 ; lviii, 4 ; lxi, 1. — Réponse.

— a) On peut dire — et c’est là un principe général — que le prophète, en énonçant des règles de morale éternelles et immuables, les propose comme des vérités présentes, des axiomes actuels, parce que ces règles de leur nature sont valables pour tous les temps et pour tous les lieux ; donc, tout en les appliquant aux "exilés d’une manière éloignée et médiate, il a immédiatement et principalement en vue les nécessités et les besoins de son temps. — b) L’examen des passages allégués prouve en particulier que l’objection n’a aucune valeur ; examinons ces passages en les groupant : —. xl, 12, 21, 25, démontre la folie de l’idolâtrie ; on n’a qu’à lire ii, 8, 20, et xxxi, 7, pour y trouver les mêmes idées ; — xli, 10, 14 ; xliii, 1 ; xliv, -2, ’8, « ne crains pas, » ne s’appliquent pas seulement aux Juifs exilés, mais aussi aux Israélites contemporains d’Isaïe, qu’il s’agit d’encourager et de soutenir ; cf. viii, 17-18 ; x, 24 ; xii, 2 ; xxviii, 16 ; — même chose de xlii, 18 ; xlviii, 1 ; — xliv, 22 ; xlvi, 8, 9, 12, contiennent des exhortations à s’amender et à revenir à Dieu ; de pareilles exhortations se font dans tous les temps et se trouvent presque chez tous les prophètes ; — si lvi, 6-12, n’a pu être dit que pendant l’exil il faut conclure de même pour ii, 4-10 qui exprime les mêmes idées ; il rentre dans le rôle du prophète de décrire le futur comme accompli, et d’en tirer les conclusions morales qui en découlent naturellement ; c’est ainsi que le chapitre xii exhorte ceux qui verront les temps messianiques, à chanter un cantique de louange à Dieu ; que xiv, 4-21, décrit les sentiments de ceux qui ont vu la ruine de Babylone ; — dans l, ’5 ; lxi, 1, le prophète ne dit pas qu’il a été envoyé aux exilés : dans le premier de ces passages il s’agit de l’obéissance de

Notre-Seigneur envers son Fère ; cf.Matth., xx, 28 ; Luc, xxii, 27 ; Phil., ii, 7 ; dans le second, il est question des offices que remplira le Messie. Cf. Ps. xliv, 8 ; cxlvi, 4 ; Matth., v, 3, 5 ; xi, 5 ; Luc., iv, 18 ; Act., x, 38.

Sixième objection. — Les prières et les supplications de iii, 9 ; lxiii, 7 r LXlV, 11, par lesquelles l’auteur pleure les iniquités du peuple, gémit sur ses péchés, les confesse, en demande pardon à Dieu et implore la rémission et le salut, ne peuvent avoir été faites et ne conviennent qu'à l'époque de l’exil. — Réponse. — Ce genre de prières et de supplications rentre tout à fait dans le rôle et la mission des prophètes, car ces invocations servent avant tout à l’instruction des contemporains, à quelque époque que l’on appartienne, et aussi de la postérité ; on peut donc les faire dans tous les temps ; on les trouve du reste dans la première partie. Cf. viii, 17-20 ; xii, 1-6 ; xxiv, 15 ; xxv, 142 ; xxvi, 1-6.

Septième objection. — Lorsque jérémie fut déclaré coupable de mort, parce qu’il avait prédit la ruine de la ville et du temple, Jer., xxvi, 8-15, il n’allégua pas pour sa défense les prophéties de la seconde partie d’Isaïe, ce qu’il n’eût pas certainement manqué de faire si ces prophéties eussent existé de son temps ; les vieillards, Jer., xxvi, 17-24, passent, eux aussi, sous silence, les prophéties de la seconde partie, ce qui est encore inexplicable dans l’hypothèse de l’existence de ces prophéties. — Réponse. — a) On suppose ce qui est en question ; il n’est pas certain que Jérémie ne fasse pas allusion aux prophéties de la seconde partie d’Isaïe ; lorsque Jérémie parle des « discours de mes serviteurs les prophètes », Jer., xxvi, 5, rien ne prouve qu’il n’ait pas en vue Isaïe. — b) Bans les prophéties de la seconde partie, Isaïe ne parle pas tant de la destruction que de la restauration de la ville et du temple : dès lors, le recours de Jérémie à Isaïe dans ces circonstances eût manqué d'à-propos et d’opportunité. — c) Quant aux vieillards, qui défendent Jérémie, ils en appellent adroitement à Michée ; ils n’auraient pas pu en appeler opportunément à Isaïe ; de plus il n'était pas nécessaire qu’ils mentionnassent à cette occasion tous les oracles des prophètes antérieurs ; faudrart-il conclure du silence des vieillards que les oracles d’Osée, II, 11, 14 ; iii, 4 ; et d’Amos, IX, 1, n’existaient pas alors, puisque les vieillards ne s’y réfèrent pas ? — d) Enfin nous avons déjà montré dans les paragraphes précédents que Jérémie connaissait Is., xl-xlvi. S. Objections littéraires. — Elles sont de plusieurs espèces. — A) Descnptions et sentiments étrangers à haïe. — On prétend que la seconde partie contient des descriptions et des sentimentstoutà faitétrangersau caractère d’Isaïe. — Premier^ objection. — La seconde partie accuse une attente et un espoir exagéré de la délivrance, du retour de l’exil et de sa magnificence ; — il y est question d’un nouveau ciel et d’une nouvelle terre ; — on y parle de la splendeur de la ville restaurée, de la longévité des pieux, de la soumission des nations ; de pareils sentiments détonnent avec le caractère calme et modéré d’Isaïe. — Réponse. — a) C’est une règle générale que les descriptions messianiques sont, chez tous les prophètes, dans un style élevé et pleines de vives images ; dans les chapitres xl-lxvi, le prophète décrit, il est vrai, en termes parfois magnifiques la restauration, mais une restauration qui sera avant tout l'œuvre du Messie ; ce sont des prophéties messianiques ; on s’explique dès lors l'élévation des idées, la vivacité des sentiments et la beauté du langage. — 6) Toutes les descriptions qu’on objecte sont déjà préparées dans la première partie ; en effet, ce qui est dit dans lx, 19 ; lxv, 17 ; lxvi, 22, est déjà exprimé dans xi, 6-16, et surtout dans xxx, 26 ; —la splendeur future de Sion n’est pas seulement décrite dans wv, 12-17 ; lx, 1-7 ; lxvj, 12 ; les conditions en sont aussi indiquées danâ ii, 2 ; iv, 2-6 ; xi, 9 ; xviii, 7 ; xxiv, 23 ; sxv, 6 ; xxvi, 1-4 ; — ce qui est dit de la soumission et des hommages des nations dans xlix, 22 ; lit, 15 ; lx, 9 10 ; lxi, 5, avait été déjà affirmé dans ii, , 3 ; rx, 4-7 ; xi, 14 ; xiv, 2, 15 ; xxv, 9-12.

Deuxième objection. — Jérusalem est appelée la titHe sainte, xlviii, 2 ; lii, 1 ; c’est là un indice de temps postérieurs ; à l'époque d’Isaïe, elle ne portait pas encore ce nom. — Réponse. — Dans Isaïe, il est très souvent question de Sion « montagne sainte ». Jérusalem ellemême est dite Ariel (= lion de Dieu, ou à cause de l’autel des holocaustes, cf. Ezech., xliii, 15, 16), xxrx, 2, 7 ; Dieu a sa fournaise dans Jérusalem, xxxi, 9 ; Jérusalem est la ville des solennités, xxxiii, 20, dans laquelle a habité la justice, i, 21 ; tous ceux qui seront demeurés dans Jérusalem seront appelés « saints », i, 3. Après cela, rien d'étonnant si Jérusalem est appelée la « ville sainte » dans la seconde partie ; au contraire, la chose est très naturelle.

Troisième objection. — L’auteur de la seconde partie s'élève vivement contre les idoles, et insiste avec beaucoup de force sur la démonstration de Dieu ; tout cela est un indice de l'époque exilienne ou post-exilienne. — Réponse. — Ces mêmes idées sont aussi développées dans la première partie ; ainsi dans i, 29 ; ii, 8, 9, 18-21 ; vin, 19 ; xvi, 12 ; xvii, 8 ; xix, l ; xxxi, 7, l’auteur attaque l’idolâtrie ; dans viii, 1, 16 ; xxx, 8 ; xxxiv, 16, il s’appuie sur la valeur des oracles pour démontrer Dieu.

Quatrième objection. — L’auteur de la seconde partie parle longuement du serviteur de Jéhovah, lui ; il décrit sa naissance, sa vie, sa passion et sa mort ; c’est là un thème tout à fait étonnant dans la bouche d’Isaïe.

— Réponse. — Il n’y a là rien d'étonnant ; l’idée du serviteur de Jéhovah est déjà préparée, insinuée dans la première partie, iv, 2 ; xi, 1-7 ; le chapitre lui ne fait que développer ces idées ; il est le commentaire du chapitre

XI.

Cinquième objection. — Dans la seconde partie, la restauration de la théocratie n’est nullement liée à un roi de descendance davidique : il en est tout autrement dans la première partie. — Réponse. — Celte affirmation est fausse ; même la seconde partie rappelle parfois Les anciennes promesses et les anciens oracles faits à David. Cf. lv, 3.

B) Idées théologiques., — On soutient aussi que la seconde partie contient des idées théologiques incompatibles avec les croyances et le caractère d’Isaïe. — Première objection. — La seconde partie semble nier la Providence ; Dieu ne s’occuperait pas des choses de ce monde, par exemple : XL, 27 ; xlvii, 10 ; xlix, 14. —Réponse. — Déjà, dans la première partie, les impies tiennent ce langage, xxix, 15 ; de pareilles idées, et des plaintes semblables sur les lèvres des affligés et des pusillanimes se rencontrent également dans d’autres livres de la Bible, parfaitement authentiques ; cf. Ps. xiii (hébreu, xiv), 1, "et le livre de Job ; voir aussi, pour des sentiments de ce genre, Is. ; xxvi, 17, 18.

Deuxième objection. — La seconde partie exprime sur.Dieii des idées bien plus élevées et plus parfaites que la première partie ; — a) dans la substance : Isaïe se contente de dépeindre la majesté de Dieu ; au contraire, les chapitres xl-lxvi exaltent son infinité et ses autres attributs : il est le créateur, le conservateur de tout l’univers, le distributeur de la vie, l’auteur de l’histoire, le consolateur, le Sauveur, xli, 4 ; — b) dans la forme : dans la première partie, les vérités sont uniquement affirmées ; dans la secondé partie, elles deviennent un objet de méditation et de raisonnement ; — de plus on constate de notables divergences : ainsi la préservation des rigueurs du jugement divin d’un reste fidèle est caractéristique d’Isaïe ; on la trouve formulée surtout dans vi, 13 ; xxxvii, . 31 -32 ; — dans xl-lxvi, elle n’est pas un élément distinctif de la doctrine du prophète ;-r la figure du roi messianique, si frappante et si expressive dans rx, 6-7, xi, 1-7, est absente de xl-lxvi.

— Réponse. — Cette objection, en apparence sérieuse,

n’est pas an fond solide. Si les idées sur Dieu formulées dans la seconde partie sont plus élevées et plus pures que celles de la première partie, c’est que les circonstances où le prophète parle sont différentes ; en effet, la première partie comprend des oracles se rapportant en grande partie à une époque troublée, agitée par les invasions étrangères ; la seconde partie, au contraire, s’occupe tout spécialement du Rédempteur, du libérateur, du Messie ; par conséquent, il est naturel que les idées sur Dieu et la divinité aillent en s’épurant et en se perfectionnant ; — de plus, ces idées se trouvent aussi dans la première partie ; cf. xii, 2 ; xvii, 7 ; xxv, 4 ; xxvi, 1 ; xxxi, 5. — Pareillement si la forme est plus rélléchie, cela se comprend sans peine ; dans la première partie, les idées messianiques ne sont, pour ainsi dire, touchées qu’en passant, d’une manière presque accidentelle, tandis qu’elles forment la base et la substance de la seconde partie ; — le reste qui demeure fidèle et échappe ainsi au jugement, se trouve aussi bien dans la seconde que dans la première partie ; — quant à la figure du roi messianique, toute la seconde partie ne fait que la développer et la mettre de plus en plus en relief.

C) Style. — On affirme aussi que le style des deux parties est différent ; celui de la seconde partie serait â la fois plus soigné et plus diffus ; on n’y trouverait pas les images familières à Isaïe. — Réponse. — a) On ne saurait nier qu’il n’existe certaines différences de style entre les deux parties ; les exégètes orthodoxes eux-mêmes le reconnaissent sans difficulté ; mais ces différences s’expliquent parfaitement par la diversité du sujet traité, l’âge du prophète (bien plus âgé dans la seconde partie), la complexité des questions, la diversité des circonstances. — 6) Dans les fragments de la première partie que la critique régarde comme authentiques, on constate également certaines différences de style. — c) Ces différences de style ne sont ni aussi grandes ni aussi nombreuses qu’on se plaît à le dire ; nous avons déjà montré les nombreuses ressemblances styliques entre les deux parties : « Malgré ces inévitables différences, l’impression que laisse la lecture de ces deux parties est celle d’une grande similitude de style. Cela n’a pas laissé d’embarrasser un certain nombre de critiques. Ainsi Augusti prétendait trouver dans l’imitation parfaite du style et de la manière d’Isaïe’à laquelle le prétendu auteur de la seconde partie est arrivé, la raison de l’addition traditionnelle de ces chapitres à ceux du prophète. » Trochon, Isaïe, p. 10.

D) Vocabulaire. — La critique a fait sur ce terrain une minutieuse enquête ; elle prétend que le vocabulaire de la seconde partie est tout à fait différent de celui de la première.

a) Mots. — On a dressé une liste de mots qu’on regarde comme propres à la seconde partie : ’Uni, « lies, côtes lointaines, » xl, 15 ; xli, 1, 5 ; xlii, 4, 10, 12, 15 ; xlix, 1 ; li, 5 ; lix, 18 ; lx, 9 ; lxvi, 19 ; ce mot se trouve aussi cinq fois dans la première partie et avec un sens analogue, si, 11 ; xx, 6 ; xxiii, 2, 6 ; xxiv, 15 ;

— miîpât, « jugement, » xlii, 1, 3, 4 ; li, 4 ; ce mot se trouve plusieurs fois dans la première partie, i, 17, 21, 27 ; iii, 14 ; iv, 4 ; v, 7, 16 ; ix, 7 (héb. 6) ; x, 2 ; xvi, 5 ; — sédéq, « justice, » ai, 2, 10 ; xlii, 21 ; xlv, 13, 19 ; li, 5 ; lviii, 2 ; il se trouve aussi dans la première partie, i, 21 ; ix, 6 ; xxxii, 16, 17 ; xxxiii, 15 ; —’ébéd, « serviteur, » qui se rencontre au moins trente fois dans la seconde partie, se trouve aussi dans la première partie, quoique dans un sens moins précis, xiv, 2 ; xx, 3 ; xxii, 20 ; xxiv, 2 ; xxxvi, 9, 11 ; xxxviii, 5, 24, 35 ; — sémafy, « croître, pousser ; » xliv, 4 ; lv, 10 ; lxi, 11 ; on le trouve aussi comme substantif dans la première partie, iv, 2, sémajf. Yehôvâh, « germe de Jéhovah’; »

— qâir’a, , « appeler, b vingt et une fois dans la seconde’partie, mais aussi plusieurs fois dans la première partie,

ꝟ. 13, 26 ; vi, 3, 4 ; vil, 14 ; viii. 3, 4 ; xxx, 7 ; — pdsaft, i résonner, » xliv, 23 ; xlix, 13 ; lii, 9 ; liv, 1 ; lv, 12 ; on le trouve aussi dans la première partie, xiv, 7 ; — bàhar, « c choisir, » xli, 8, 9 ; xuii, 10, 20 ; xliv, 1, 2 ; xlv, 4 ; lxv, 9, 15, 22 ; se trouve aussi dans la première partie, xiv, 1 ; — hâllal, « louer, » et tehilât, « louange, » xlii, 8, 10, 12 ; xliii, 21 ; xlviii, 9 ; lx, 6, 18 ; lxi, 3, 11 ; xlii, 7, 9 ; lxiii, 7 ; lxiv, 10 ; on le trouve aussi une fois dans la première partie, xiii, 10 ;

— bâfês, « vouloir, désirer, » xliv, 28 ; xlvi, 10 ; ’xlviii, 14 ; lui, 10 ; liv, 12 ; lviii, 3, 13 ; lxii, 4 ; se trouve aussi une fois dans la première partie, i, 11 ; — râfôn, « volonté, bienveillance, » xlix, 8 ; lvi, 7 ; lviii, 5 ; lx, 7, 10 ; lxi, 2 ; on ne le trouve pas dans la première partie ; — Sûè, « réjouir, » lxi, 10 ; lxii, 5 ; lxiv, 4 ; lxv, 18, 19 ; lxvi, 10, 14 ; se trouve aussi dans la première partie, xxxv, 1 ; —’éfe’s, e rien, » xl, 17 ;-xli, 12, 29 ; xlv, 6, 14 ; xlvi, 9 ; xlvii, 8, 10 ; lii, 4 ; Liv, 15 ; on le trouve, aussi dans la première partie, v, 8 ; xvi, 4 ; xxrx, 20 ; xxxry, 22 ; -^ qàséh, « extrémité, » se trouve aussi dans la première partie, v, 26 ; vii, 3, 18 ; xiii, 5 ; — berîf, « alliance, » se trouve également dans la première partie, xxiv, 5 ; xxviii, 15, 18 ; xxxiii, 8 ; — nifyam, « consoler, » se trouve treize fois dans la seconde partie, mais aussi dans la première, i, 24 ; xii, 1 ; xxii, 4 ; — yâëa’, « c sauver, » se trouve quatorze fois dans la seconde partie, mais aussi dans la première, xxv, 9 ; xxx, 15 ; xxxiii, 22 ; xxxv, 4 ; xxxvii, 20, 35 ; — y&sar, « former, » vingt fois dans la seconde partie^ mais aussi dans la première, xxii, 11 ; xxvii, 11 ; xxix, 16 ; xxx, 14 ; xxxvii, 26 ; — pésél, « idole, » dix fois dans la seconde partie, mais aussi dans la première, x, 10 ; xxi, 9 ; xxx, 22 ; — bàr’â, « créer, » XL, 26, 28 ; xli, 20 ; xlii, 5 ; xliii, 1, 7, 15 ; xlv, 7, 8, 12, 18 ; liv, 16 ; lvii, 19 ; lxv, 17, 18 ; on le trouve aussi dans la première partie, iv, 5 ; — zerô’a, « bras » [de Jéhôvàh], li, 5, 9 ; lii, 10 ; lui, 1 ; lix, 16 ; on le trouve aussi dans la première partie, xxx, 30 ; rsé’ôsâ’îm, « descendants, rejetons, » xlii, 5 ; xliv, 3 ; xlviii, 19 ; lxi, 9 ; lxv, 23 ; on le trouve aussi dans la première partie, xxii, 24, xxxiv, 1 ; — pê’êr, « orner, glorifier, » xliv, 23 ; xlix ; 3 ; lv, 5 ; lx, 7, 9, 13, 21 ; lxi, 3 ; on le trouve aussi dans la première partie, x, 15 ; —’af, « oui, » employé vingt-cinq fois dans la seconde partie, xl, 24 ; xlviii, 15 ; se trouve aussi dans la première partie, xxxii, 2.

6) Appositions au.-mot Jéhôvàh. — On a affirmé que dans la seconde partie le mot Jéhôvàh était suivi "de certains déterminatifs, qu’il n’avait pas dans la première ; mais on s’est trompé ; — « créateur du ciel » ou « de la terre », xl, 28 ; xlii, 5 ; xliv, 24 ; xlv, 7, 18 ; Li, 13 ; — « créateur » ou « façonneur d’Israël », XLin, 1, 15 ; xliv, 2, 24 ; xlv, 11 ; xlix, 5 ; — « ton sauveur, . » xlix, 26 ; lx, 16 ; —. « ton rédempteur, » xliii, 14 ; xliv, 24 ; xlviii, 17 ; xlix, 7 ; liv, 8. — Ces appositions sont plus nombreuses, il est vrai, dans la seconde partie, mais elles existent aussi dans la première, i, 24 ; ii, 10, 29.

c) Redoublements de mots dans un but emphatique. xl, 1 ; xliii, 11, 25 ; xlviii, 11, 15 ; li, 9, 12, 17 ; lii, 1, 11 ; lvii, 6, 14, 19 ; lxii, 10 ; lxv, 1, — Ces redoublements se rencontrent aussi dans la première partie, iii, 1 ; viii, 9 ; ix, 6 ; xviii, 2, 7 ; xxi, 9 ; xxviii, 10, 13, 16 ; xxix, 1.

d) Répétitions des mêmes mots. — On trouve ces répétitions dans des versets qui se suivent immédiatement ou à peu d’intervalle : XL, 12-14, fin du t. 13 et du ꝟ. 14, « il leur montra ; » ꝟ. 14, « il instruisit, il enseigna, il apprit ; » xl, 31 et xli, 1, « changer la force ; b xli,

6, « réconforter, » 7, « il réconforta, » 10, « j’ai réconforté ; » 8, 9, « je t’ai choisi ; b 13, 14, « je t’ai aidé, je t’ai porté secours ; » xlv, 4, 5, « tu ne m’as pas connu ; » 5, 6, « il n’y en a pas d’autre, il n’en est pas d’autre ; » l, 7, 9, « mon aide ; » lui, 3, deux fois, « méprisé ; » 3, 4, « nous avons pensé, nous avons cru ; »

7, deux fois, « . il n’a pas ouvert sa bouche ; » lviii, 3,

deux fois, « la Volonté ; » Lix, 8, deux fois, « la paix ; » lxi, 7, « double, le double. » — Ces répétitions se rencontrent aussi dans la première partie, quoique beaucoup moins nombreuses, i, 7, deux fois, « désolée, » mais en hébreu : ietnâmâh, iemàmâh ; xvii, 5, hébreu : Hbbôlîm, sibbôlim, « baie ; » xxxii, 17, 18, « paix. » ’e) Néologismes ou chaldaîsmes. — On dit encore que la seconde partie contient une masse de mots d’emploi tardif, qui ne peuvent pas appartenir à Isaïe. Or nous allons montrer que ces mots ne sont nullement l’indice d’une date postérieure, parce qu’on les trouve soit dans des auteurs antérieurs, soit dans des auteurs à peu près contemporains d’Isaïe : — hên, « si, >.Is., Liv, 15 ; cf. Gen., iii, 22 ; xxix, 7 ; Lev., xxv, 20 ; — sdb’d, « service militaire, » XL, 2 ; cf. Num., iv, 3, 23, 30, 35, 39, 43 ; Job., vii, 1 ; — seganîm, « gouverneurs, » xli, 25 ; cf. Jer., li, 23, 28, où il a la forme plurielle régulière en im, et Dan., ii, 48, où il a la forme chaldaïque du pluriel en în ; — tàfal}, « mesurer, mesure, » xlviii, 13 ; cf. Exod., xxv, 25 ; xxxvii, 12 ; III Reg., vii, 9, 26 ; Ps. (héb.) xxxix, 6 ; Lam., ii, 22 ; — mâtah, « étendue, » XL, 22 ; dn ne le trouve pas ailleurs sous cette forme, mais on trouve son équivalent uni à la préposition’ad : ’ad-mâfaï, « jusques à quand, » Exod., x, 3 ; I Reg., xvi, 1 ; ou bien tout seul mâfaï, Jer., xiii, 27 ; —’ôti pour’» /£, . « de moi, avec moi, » liv, 15 ; cf. Jos., XIV, 12 ; — de même’ô(âm pour’ofam, « eux, » Lix, 21 ; — gd’al dans le sens de « souiller » ; cf. Job, iii, 5 ; — kinâh, « surnommer, » xlv, 4 ; cf. Job, xxxii, 21, 22 ; — mâhâ’, « frapper, applaudir des mains, » LV, 12 ; cf. Ezech., xxv, 6 ; Ps. xcvm ; 8 ; — nâhar, « affluer, » employé comme verbe, lx, 5 ; cf. Ps. xxxiv, 6 ; — ndiaq, « allumer, » xliv, 15 ; cf. Ezech., xxxix, 9 ; Ps. lxvii, 21 ; — sd’dh, « voyager, » li, 14 ; Cf. Jer., il, 20 ; xlviii, 12 ; — hosén, « bras, sein, » xlix, 22 ; cf. Ps. cxxix, 7 ; Neh., v, 13 ; — Sâbdb, « retourné, lvii, 17 ; cf. Jer., iii, 14, 22 ; — bûl, « produit de l’arbre, fruit, » xliv, 19 ; cf. Job, XL, .20 ; — rnelîsdh, léger, agréable, » xliii, 27 ; cf. Gen., xlii, 23 ; II Par., xxxii, 31 ; Job, xxxiii, 23 ; — mesukdn, « indigent, » xl, 20 ; cf. Deut., viii, 9 ; Eccle., iv, 13 ; ix, 15 ; — ke-al, « comme sur, » lix, 18 ; ’lxiii, 7 ; cf. II Par., xxxii, 19. f) Formes grammaticales. — * On n’a pas été plus heureux en ce qui concerne les formes grammaticales. Ces formes, qu’on regarde comme des indices d’une date postérieure, se trouvent aussi dans d’autres auteurs antérieurs ou contemporains d’Isaïe ; —’imês quhel de’amas), « fortifier, » xli, 10 ; cf. Deut., ii, 30 ; Job, iv, 4 ; Prov., viii, 28 ; Amos, ii, 14 ; — quhel) hidês, « renouvela, » lxi, 4 ; cf. I’Reg., xi, 14 ; Ps. li, 12 ; — [pihel) kihên, « remplit la fonction de prêtre, » lxi, 10 ; cf. Exod ;, xxviii, 41 ; xxix, 1 ; Ezech., xliv, 3 ; Ose., iv, 6 ; — [pihel) pê’êr, « orna, » lv, 5 ; lx, 7, 13 ; cf. Ps. CXLLX, 4 ; — (hithpahel) des verbes Sa’dh, « être surpris, » xli, 10, 23 ; pâfâh, « ouvrir, » Ln, 2 ; ydmar, « dire, s LXt, 6 ; ces trois formes sont, il est vrai, inusitées chez les autres auteurs ; mais nous ne connaissons pas assez la langue hébraïque pour nous prononcer avec certitude sur leur caractère ; de plus, presque chaque auteur emploie certaines formes qui lui sont particulières. Pourquoi n’en pourrait-il pas être de même d’Isaïe ?

g)Arabismes. — Les pré tendus arabismes se rencontrent aussi dans d’autres auteurs : — galmûd, * solitaire, » xlix, 21 ; cf. Job, iii, 7 ; xv, 34 ; — hddar, « honorer, » xlv, 2 ; cf. Lev., xix, 15, 32 ; Lam., v, 12 ; Prov., xxv, 6 ; — hâzdh, « délirer, voir des fantômes, » lvi, 10 ; c’est là, il est vrai, un âic*l t ?(6 (uvov ; quoiqu’on puisse l’expliquer par.l’arabe li*, il ne s’ensuit pas que les Hébreux se soient approprié ce mot à l’époque de l’exil ; — même réflexion pour hâbar, « observer, » xlviii, 13, et hàlam, « prolonger, » xlviii, 9 ; — harsôb,

  • Ùen, » lviii, 6 ; cf. Ps. iii, 4 ; —’û{, « renverser, »

L, 4 ; cf. I Par., tx, 4, où l’on trouve cette racine comme nom propre, « Othéïs, » habitant de Jérusalem avant l’exil ; — sdrah, « crier, » xlii, 13 ; ce mot existait du temps du roi Josias, avant l’exil ; cf. Soph., i, 14 ; — sahar, « aurore, » xlvii, 11 ; Cf. Gen., xix, 15. — Cf. pour toutes ces objections (dont la plupart ont été formulées par Knobel-Diestel), Knabenbauer, Inlt., t. ii, p. 13-24. Trochon, Isaïe, p. 8-13 ; Le Hir, Éludes bibliques, 2 in-8°, Paris, 1869, t. i, p. 89-118, 137, 138 ; Driver, hostile à l’authenticité, Introduction, p. 236-243.

VIII. Intégrité.

I. opinion de la critique négative. — Nous ne dirons que quelques mots de cette question qui est inséparable de celle de l’authenticité. Comme nous l’avons déjà vii, toute la critique négative prétend que l’œuvre authentique d’Isaïe aurait subi de profonds remaniements dans le cours des siècles. Mais les divergences commencent’parmi les rationalistes quand il s’agit de trier les fragments et de déterminer les parties qui auraient été ajoutées à l’œuvre primitive. Nous avons déjà fait connaître, au cours de cet article, les instabilités de la critique, particulièrement à l’égard de la seconde partie. Pour compléter cet exposé, nous croyons utile de faire connaître les additions qui auraient été faites à la première partie d’après les plus récents critiques. Stade regarde les fragments ii, 2-4 ; lv, 5-6 ; v, 15-16 ; vil, 8-9°, 15, 17-25 ; ix, 1-7 ; xi, 5-xii, 6 ; xxxhxxxin, comme des additions postexiliennes ; cf. Zeitschrift fur die alttest. Wissenschaft, 1884, p. 256, t. i, p. 586 ; Duhm restreint l’œuvre authentique d’Isaïe aux fragments suivants : i, 2-26, 29-31 ; ii, 2-4, 6-19, 21 ; iii, 1-9, 12, 13-iv, 1 ; v, 1-14, 17-26 ; vi, 1-13 ( « il s’est tenu » ) ; vii, 2-8°, 9-14, 16, 18-20 ; viii, 1-18, 21-22 ; ix, 2-7, 8-14, 17-x, 4 ; x, 5-9, 13-14 ; xi, 1-8 ; xiv, 24-25°, 26-27 ; xvii, 1-6, 9-14 ; xviii, 1-6 ; xx 1, 3-6 ; xx, 16-17 ; xxii, 1-9°, 11M4, 15°, 16-18 ; xxviii, 14, 7-29 ; xxix, 1-4°, 5°-7, 9-10, 13-15 ; xxx, 1-7°, 8-17, 27-33 ; xxxi, 1-4 ( « d’eux » ), 5, à partir de « ainsi », 8°, 9 b, xxxii, 1-5, 9-18, 20. Pour Cheyne, l’œuvre d’Isaïe se réduit aux passages suivants : i, 5-26, 29-31 ; ii, 6-10, 11-17, 18-21 ; iii, 1, 4-5, 8-9, 12-15, 16-17, 24 ; iv, 1 ; v, 1-14, 17-22, 23, 24, 25b ; vi, 1-13 « il s’est tenu », vii, 2-8°, 9-14, 16, 18-20 ; vm, 1-18, 201>-22 ; ix, 8-13, 16-x, 4 ; v, 26-29 regardé comme la conclusion de ix, 8-x, 4 ; x, 5-9, 13-14, 27-32 ; xiv, 24-25°, 26-27, 29-32 ; xvi, 14 à partir de In ; xvii, 1-6, 9-14 ; xviii, 1-6 ; xx, 1, 3-6 ; xxi, 16-17 ; xxii, 1-9°, 11M4, 15°, 16-18 ; xxiii, 1-2, 3( ?), 4, 6-12, 14 ; xxviii.l^, 7-19, 21-22 ; xxix, 14°, 6, 9-10, 13-15 ; xxx, 1-7°, 8-17 ; xxxi, 1-5° « les oiseaux ». Driver, Introduction, p. 229, 230.

il. réfutation. — La réfutation de cette thèse découle rigoureusement de ce que nous avons déjà démontré. Nous ne pourrions entrer dans les détails de l’examen et de la discussion sans nous répéter. Ce que nous avons dit à propos de l’authenticité ruine par voie de conséquence l’opinion de la critique négative, et établit l’intégrité des prophéties d’Isaïe.

IX. Inspiration et canonicité du livre d’Isaïe. — L’inspiration et la canonicité des prophéties d’Isaïe n’ont jamais été contestées. La tradition juive et chrétienne sont trop unanimes sur ce point pour qu’il soit possible de conserver le moindre doute. Dans le canon hébreu, le livre d’Isaïe occupe la première place parmi les prophètes appelés postérieurs ; c’est la place que lui donnèrent les Juifs aux m" et ive siècles ; c’est aussi la place qu’il occupe dans les manuscrits hébreux espagnols et dans les plus anciens manuscrits : tels que le Codex babylonicus petropolitanus, de l’an 916. Dans le Talmud, Barajtha BabaBathra, fol. 14 b, on trouve une fois le classement : Jérémie, JËzéchiel, Isaïe, 12 petits prophètes ; cette troisième place il l’occupe aussi dans la plupart des manuscrits hébreux français et allemands. — Trois preuves principales démontrent U canonicité du livre d’Isaïe 1* Il fait partie de toutes les versions,

anciennes : les Septante et la Peschito d’abord qui sont les versions les plus appréciées ; la version copte, l’éthiopienne, l’arménienne, la géorgienne, l’arabe. Ce fait, sur lequel il est inutile d’insister, prouve que le Livre d’Isaïe fut reçu dans toutes les Églises sans aucune contestation ; — 2° Ses nombreuses citations dans le Nouveau Testament ; nous les avons déjà éniimérées ; qu’il nous suffise de dire qu’il n’y a pas probablement de livre de l’Ancien Testament qui ait été plus cité dans le Nouveau que celui d’Isaïe. — 3e L’autorité des Pères : les Pères attestent la canonicité du livre d’Isaïe de deux façons : a) en le citant : Isaïe est très souvent cité par les Pères de l’Église ; nous ne pouvons pas avoir la prétention de rapporter toutes ces citations, parce que le travail n’en finirait pas ; qu’il nous suffise d’en rapporter quelques-unes, choisies principalement dans les Pères les plus anciens. D’abord les Pères apostoliques : saint Clément de Rome cite Isaïe, lxvi, 2 1 " : « mais qui regarderai-je, sinon le pauvre, celui qui a le cœur brisé et qui craint ma parole ? » I Cor., xiii, 4, Patrum apostolicorum opéra, ’édit. Oscar de Gebhardt et Ad. Hafnack, in-8 « , Leipzig, 1900, p. 8 ; le même Père cite aussi un long passage, Is., lui, 1-12 ; I Cor., xvi, 3-14, p. 9-10. L’Épître de saint Barnabe cite dans un seul chapitre trois fois Isaïe : l, 8, 9 ; xxviii, 16 ; l, 7, Epist., VI, 1-3 ; ibid., p. 51. Saint Ignace d’Antioche fait une évidente allusion à Is v v, 26, lorsqu’il dit de Notre-Seigneur : "va açi-i) a’jaar t).rri etçtoù ; a’.wva ; xrt. Smyrn., i, 2 ; ibid., p, 107. — Saint Irénée cite Is., viii, 3, Adv. hær., iii, 16, 4, t. vii, col. 923 ; il cite aussi Is., VIII, 4, col. 924 ; il cite également Is., iii, 1, c. xviii, n. 3, col. 931. De saint Justin nous ne mentionnerons que les citations qu’il fait d’Is., vii, 14, Apol., i, n. 33, t. vi, col. 381 ; d’Is., ix, 6, et lviii, 2 ; lxv, 2, ibid., n. 35, col. 384. Tertullien ne cesse de citer Isaïe ; cf. particulièrement, Cont, Marc, iii, 21, 22, 23, t. ii, col. 351355 ; iv, 1, col. 361-362 ; v, *4, col. 475-480. Pour les nombreuses citations d’Isaïe par les Pères, voir les notes de Kilber, Analysis biblica, édit. Tailhan, Paris, 1856, t. i, p. 349-394 ; — b) en le commentant ; beaucoup de Pères ont écrit des commentaires sur Isaïe, comme pn peut le voir à la Bibliographie.

X. Texte dd livre d’Isaïe. — 1° Texte original. — Le texte original des prophéties d’Isaïe est l’hébreu. Le texte hébreu, tel que neusj’avons aujourd’hui, ne paraît pas avoir subi de graves altérations. Cependant, en comparant notre texte massorétique actuel avec la traduction des Septante, on constate qu’à certains endroits il a été altéré et qu’il y aurait un certain nombre de corrections à faire. En nous aidant des travaux de critique textuelle modernes, nous signalerons les plus importantes : ix, 10 (héb.) ; èârê, « princes, » au lieu de sârê, « ennemis ; »

x, 4 : bêlfi kora’af ha(’asîr, « Beltis est humiliée, Osiris est terrifié, » au lieu de bîlfi kàra’(ahaf’asîr, « pour n’être pas accablés sous les chaînes ; » — xi, 15 : héfrérib, « dévaster, » au lieu de héhérîm, « anathématiser ; » Septante : ipruiûcret ; Peschito : nehreb, « dévaster ; » Vulgate : desolabit ; — xiii, 22 : be-’aremenôtàv, « dans ses palais, » au lieu de be-’alemenô(av, « dans ses veuves ; » Septante : xaTO’.x^ffoudi ; Peschito : sohorfhôn, « leurs palais ; » Vulgatejira œdibussuis ; Targum : be-bîmî(âhûn ; — xviii, 7° : mê’am, « du peuple, s au lieu de’ani, « peuple ; » Septante : èx Xocoû ; Vulgate : a populo ; Targum : le’ama’;

xxii, 15 : ’êlhaëokên, « pour l’habitant, » au lieu de’él-hasokên, « au trésorier ; » Septante : il ; tô ita(rcoçéptov ; Âquila : irpbç tôv <rxY)voOvToc ; Vulgate : ad eum qui habitat in tabernæi l> ; Targum : lot farnesa’; — xxiii, 13 ; Kena’ânîm, « Chananéens, » au lieu de : KaSdîm, « Chaldéens ; » Septante et Vulgate ont mal traduit : ei « fî v XaXSafwv ; terra Chaldœorum (ꝟ. 11) ; — xxiv, 15 : bâ-’umîm, « dans les nations, » au lieu de bâ-’urîm, « dans les feux ; » — xxxi, 8 ; W, « non, » au Heu de là, « à lui ; » Septante : oùx ; Vulgate : non ; Co dex Babyloniens, édit. Strack : « S ; — uv, 9 : > » >3,

t comme les jours, » au lieu de >o*>3 ; Septante ont mal

traduit : ôrarà toO OSixto ;  ; Peschito : yômt’hy, « les jours ; » Vulgate : sicut in diebus ; Targum : keyûmêy ; — lxvi, 19 : 1313, au lieu de bis ; Septante : *oJ5 ; Vulgate : invfricam ; cf. Strack, Zur Textkritik des lsàias, dans la Zeitschrift fur kath. Théologie, 1877, p. 17 ; Studer, Beitrâge zur Textkritik des Isaias, dans les Jahrb. fur protest. Théologie, 1877 ; Lagarde, Semitica, i, Gœltingue, 1878, p. 1 ; Cheyne, The prophecies of Isaiah, t. ii, Londres, 1881, p. 131, 271 ; Dillman, Der Prophet Jesaia, 5e édit., Leipzig, 1890 ; Kaulen, Einleitung, 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 362.

Versions.

Comme une grande partie des versions

des Livres Saints, celles d’Isaïe se divisent en deux classes : les unes immédiates, les autres médiates. Les premières ont été faites sur le texte hébreu lui-même ce sont les versions grecques des Septante, d’Aquila, de Théodotion, de Symmaque ; la Peschito syriaque avec sa recension karkaphéenne ; et notre Vulgate actuelle. Les versions médiates ont été faites.sur le texte grec des Septante ; ce sont l’ancienne Itala, les trois versions coptes, memphitique, sahidique ou thébaine, basmuhrique ; les deux araméennes, syro-hexaplaire et philoxénienne ; la version éthiopienne, l’arabe, l’arménienne, la géorgienne, la gothique et la slavonne. On trouvera beaucoup de ces versions dans les Polyglottes de Londres et de Paris. La plupart de ces versions existent en entier ; des versions coptes il ne nous reste que des fragments ; les fragments sahidiques du Musée Borgia à Rome ont été publiés par Ciasca ; Bibliorum Sacrorum fragmenta copto-sahidica Musei Borgiani, 2 in-4°, t. ii, Rome, 1889, p. 219-249.

Langue.

Au sentiment de tous les critiques la

langue d’Isaïe est généralement pure, correcte et élégante. C’est du bel hébreu, de l’hébreu classique si l’on pouvait employer une pareille expression. En dépit des quelques mots très rares qui se ressentent des circonstances, le reste du livre est un modèle au point de vue de la langue.

Style.

Le style d’Isaïe est vraiment admirable et

digne des grands sujets qu’il traite. Un critique a pu dire : « Jamais peut-être un homme n’a parlé un plus beau langage. » L. Seinecke, Der Evangelist des alten Testamentes, ErklârungderWeissagungenJesaias, c.xLlxvi, Leipzig, 1870. Son style présente, en eflet, toutes les qualités qui font les grands écrivains ; il est à la fois élevé, coulant, vif, coloré, et en même temps simple et d’un naturel parfait. C’est à cause de cette clarté de langage que saint Isidore de Péluse a pu dire qu’Isaïe était le plus sage de tous les prophètes : <S ffaçéoratoç, Epist., 1. 1, ep. CCCLXVI, t. lxxviii, col. 389-390. fous les critiques sont du reste d’accord pour reconnaître la beauté littéraire et les charmes du style d’Isaïe. Ce style est à la fois châtié et digne ; le langage est choisi, et en même temps dépouillé de toute affectation ou raideur ; la noblesse, l’éclat et la sublimité semblent le caractériser ; chaque sentence est condensée et persuasive ; les périodes finissent par s’arrondir naturellement ; par exemple, Is., ii, 12-16 ; v, 26-30 ; xi, 1-9. Isaïe tantôt se plaît dans le pittoresque qui frappe et impressionne les masses, xvii, 12-14 ; xxviii, 7-8, 10 ; xxix, 6 ; tantôt il renforce ses idées et ses sentiments par une réelle assonance de mots, v, 7 ; x, 16 ; xvii, 1, 2 ; xxii, 5 ; xxix, 2, 9 ; xxx, 16 ; xxxii, 7, 19 ; son style n’est jamais diffus ; même ses longs discours ne sont jamais prolixes ni monotones ; il sait mettre en relief les points saillants et les présente sous de vives couleurs, v, 8-30 ; vit, 18-25 ; ix, 8-21 ; xix, 16-25. Il possède à merveille l’art d’adapter son langage aux circonstances et d’inculquer à ses auditeurs ce qu’il désire qu’ils comprennent ; c’est ainsi qu’à l’aide de quelques courtes sentences il montre la vanité des $79

    1. ISAIE##

ISAIE (LE LIVRE D’)

idoles et dissipe les plus fortes illusions, i, 2, 3, 4 ; ii, €-10 ; iii, 14-15 ; v, 8-21 ; xxii, 1-5, 15-19, xxviii, 14-20 ; xxix, 12-16 ; xxxi, 3 ; où de gagner l’attention de ses auditeurs par une charmante parabole, v, 1-7 ; ou un mot symbolique, viii, 1 ; xix, 18 ; ou de les portera admirer la majesté de la gloire divine, vi, 1-3 ; ou de faire reluire aux jeux de leur imagination la rénovation mo-Tale opérée par la venue du Messie, xi, 1-10. Parfois il aime à inculquer la vérité par quelque image ou quelque scène, telle que la scène du désespoir, iii, 6-9 ; viii, 21-22 ; par une espèce de proverbe, ix, 10 ; l’enfant, x, -19 ; xi, 6 ; par des similitudes, xvii, 5, 6 ; l’exemple du lit trop étroit et du manteau, xxviii, 20 ; du rêve, xxix, S ; de la crevasse qui envahit la muraille, xxx, 13-14. — Aucun prophète ne peut être comparé à Isaïe pour la conception ou l’expression ; aucun n’a des pensées si nobles ni ne peut les exposer dans un plus beau langage. Cf. Driver, Introdtictlon, p. 228-229 ; cf. aussi Richard Simon, Histoire criliq. du V. Test., in-4°, Rotterdam, -1865, p. 363. — Isaïe est aussi doué d’un vrai génie poétique : grandeur des idées, puissance d’imagination, vivacité des descriptions, énergie et coloris de diction : tels sont ses traits caractéristiques. Ses écrits abondent en images poétiques et en descriptions pittoresques. Nous nous bornerons à donner quelques exemples : l’étendard arboré sur la montagne, v, 6 ; xi, 10 ; xviii, 3 ; xxx, 17 ; — le mugissement de la mer, v, 30 ; — le torrent irrésistible des eaux, viii, 7, 8 ; — la forêt consumée, par les flammes, x, 16-17, ou ravagée par la hache des hommes, x, 33-34 ; — la voie réservée, xi, 16 ; xix, 23 ;

— le mugissement des eaux, xvii, 12-13 ; — la tempête qui renverse tout devant elle, xxviii, 2 ; xxix, 6 ; xxx, ^7-28, 30-31, — le bûcher funéraire, xxx, 33 ; — la main de Dieu étendue sur la terre, v, 25 ; xiv, 26-27 ; xxiii, 11 ; xxxi, 3 ; et frappant des coups désastreux, xi, 15 ; xix, -16 ; xxx, 32. —Les figures, sous lesquelles le prophète se représente Dieu, sont particulièrement impressionnantes : « il s’élève, il est exalté ; » il affirme avec force sa majesté contre ceux qui voudraient lui manquer de respect, ii, 12-21 ; iii, 13 ; v, 16 ; x, 16-17, 26 ; xix, 1 ; xxviii, 21 ; xxxi, 2 ; xxxiii, 3, 10. — La prospérité future est, après les troubles présents, décrite d’une manière incomparable : on ne trouve rien de pareil dans -aucune langue ; ii, 2-4 ; iv, 2-6 ; ix, 1-7 ; xi, 1-10 ; xvi, 4° -5 ; xxix, 18-21 ; xxx, 21-26 ; xxxii, 1-8, 15-18 ; xxxiii, -5-6, 20-22. — Son génie poétique apparaît aussi dans les contrastes et les antithèses de sa narration, i, 3, 10 ; viii, 22-ix, 1 ; xvii, 14 ; xxix, 5 ; xxxi, 4-5 ; Jérusalem traitée comme Sodome et Gomorrhe, i, 9-10 ; les idoles et Jéhovah, i, 19-20 ; ii, 20-21 ; — le luxe et la pompe des villes tombant dans le Se’ôl, iii, 24 ; v, 8-9, 14. Cf. Driver, Introd, , p. 228 ; Vigouroux, Man.bïbl., » édit., Paris, 4901, t. ii, p. 596-602 ; S. Jérôme, Præf. in is., t. xxviii, col. 771 ; R. Lowth, De sacra poesi Hebreéorum, Gœttiïigue, 1770, Prsel., xxi, p. 423-425 ; Danko, Histor. revel. Vet. Test., p. 398 ; Reuss, Les prophètes, in-8°, Paris, 1876, t. i, p. 201.

XI. Forme littéraire des écrits d’Isaïe. — 1° Le contenu. — Au point de vue du contenu ou des matériaux, il faut distinguer dans Isaïe : 1. Des récits historiques, qui servent d’introduction aux prophéties elles-mêmes, par exemple, vi, 1-9 ; vii, 1-4, 10-12 ; viii, 1-4 ; xiv, 28 ; ou qui retracent des événements ayant donné lieu à des prophéties particulières ; par exemple, le siège d’Azot par le tartan ou général de Sargon, roi d’Assyrie, xx ; l’histoire de Sennachérib, xxxvi-xxxvii, 1-22, 36-38 ; la maladie d’Ézéchias, xxxviii, 1-8, 21-22 ; l’ambassade de Mérodach-Baladan, xxxix. — 2. Des oracles, qui sont .assez nombreux, et dont nous nous occuperons plus loin.

La forme.

Les récits historiques sont écrits

en prose ordinaire, avec beaucoup de simplicité, de vie « t de mouvement. Pour ce qui concerne les oracles, il

il y en a une partie en vers ; on regarde communément comme des morceaux en vers les fragments suivants : v, 1-2 ; ix, 7-20 ; x, 1-4 ; xi, l-8 ; xii, 1-6 ; xiv, 4-32 ; xxin 16 ; xxv, 1-5, 9-11 ; xxvi, 1-10 ; xxvii, 2-5 ; xxxiv, 1-17 ; xxxv, 1-10 ; xxxvii, 22-29 ; xxxviii, 10-20 ; xlii, 10-13 ; xliv, 1-5. Tous les oracles sans exception sont en style poétique. On sait qu’un des caractères du style poétique en hébreu est le parallélisme ; on le trouve, sous ses trois formes, dans les oracles d’Isaïe : le parallélisme synthétique est le plus souvent employé, i, 2°- b ; quelquefois le parallélisme est synonymique, .l, 3 ; quant au parallélisme antithétique, il n’est employé que rarement, 1, 2e -" 1. Cf. R. Lowth, Isaiah, a neio translation, 1e édit., in-4°, et 2e édit., in-8°, Londres, 1778 ; voir surtout Preliminary dissertation, édit. de 1822, t. i, p. 11, où l’auteur a conservé dans sa traduction anglaise le parallélisme hébreu ; il cite comme exemple de parallélisme synonymique, Is., lxv, 6-7 ; liv, 4 ; li, 7-8 ; xlvi, 3 ; lv, 3 ; lxv, 21-22 ; xxxvi, 5-6 ; ai, 28 ; ix, 20 ; i, 3 ; xlix, 4 ; xlvi, 7 ; xliv, 26 ; xxx, 16 ; l, 10 ; — comme exemples de parallélisme antithétique, Is., liv, 10 ; ix, 10 ; — et de parallélisme synthétique, Is., Lvin, 5-8 ; l, 5-6 ; li, 19 ; xv ; ld., De sacra poesi Hebrœorum ; Gésénius, Commentai’ûber den Jesata, Leipzig, 1821 ; 2e édit., 1829 ; il a imité dans sa traduction l’exemple de R. Lowth ; Bickell, Carmina Vet. Test., metrice, p. 200 ; Gietmann, De re metrica Uebrxorum, p. 59 ; pour ce qui regarde la métrique et la strophique dans Isaïe, cf. Marti, Dos Buch Jesaja, p. xxiv, § v, et pour les principes généraux, Duhm, Einleitung zu den Psalrnèn, § 24, p. xxx.

XII. Prophéties messianiques dans Isaïe. — De tous les prophètes de l’Ancien Testament, Isaïe est certainement celui dont les prophéties messianiques sont à la fois les plus claires et les plus nombreuses.

I. TABLEAU DES PROPHÉTIES MESSIANIQUES.

Les

prophéties d’Isaïe, qu’on regarde universellement comme messianiques, sont : n-iv ; « le germe de l’Éternel, » % 2 ; — v, « le bien-aimé, » ꝟ. 1 ; cette expression s’applique directement à Jéhovah, et par extension à Jésus-Christ ; — vi, « le germe saint, » ꝟ. 13 ; — vii-ix, « Emmanuel ; » — xï-xiii, « la verge de Jessé, » xi, 1 ; « le Sauveur, » xii, 2 ; « le saint d’Israël, » xii, 6 ; — xxviii, « la pierre angulaire, » ꝟ. 16 ; — xxix, « la sagesse des sages sera confondue, » ꝟ. 14 ; — xxxiii, « les sages ont disparu, » ꝟ. 18 ; — xxxv, « la vocation des gentils et la prédication de l’Évangile ; » — XL, 1-11, « la prédication de Jean-Baptiste et la venue du Messie ; » — xlii, 1-9, « vertus du Messie [serviteur, de Jéhovah] ; » — xlixl, « exhortation du Messie y- » — li, « Dieu promet des consolations et la délivrance de l’Église sous la figure de Sion ; » — lii-liii, « souffrances et gloire du Messie ; »

— liv-lv, « Israël figure de l’Église, nouvelle alliance ; » — lix, « le rédempteur et l’établissement du christianisme, » t. 19-20 ; — lx, « les nations se convertiront à Sion, figure de l’Église ; » — lxi, « offices que remplira le Messie ; » — lxiii, 1-6, « Jésus-Christ vainqueur des nations ; » — lxV-lxvi, « gloire de la nouvelle Jérusalem, l’Église, et conversion des gentils. » Dans le tableau suivant, on pourra se rendre compte, par les passages correspondants du Nouveau Testament, de l’accomplissement de la plupart de ces prophéties :

Is., vil, 14 Matth., 1, 18-25 ; Luc, 1, 27-34.

Is.j xl, 3-4. …… Matth., iii, l ; xiv, 1-10 ; Marc.,

i, 4 ; Luc, iii, 3.

Is., rx, 1.. 7 ….. Matth., iv, 13-15.

Is., xxxv, 4-10 Matth., xi, 5.

Is., lui, 7 ; xvi, 1 ; <xxxi, 1. Joa., i, 29 ; xvi, 33 ; Apec, v,

5.

Is., lui, 2-3 Matth., xi, 29 ; Luc, xvi, 14 ;

Joa., xv, 18.

Is., xxix, 14 ; lxi, 1… Matth., ii, 5 ; I Cor., i, 28. ’2

Is., xi, 12. …… Joa., xii, 37-38 ; I Pet., ii, 7 9.

Is., l, 6 Matth., xxvi, 67-68.

Is., lui, 12 Marc., xv, 7-11.

Is., lui, 9.. Matth., xxvii, 57 ; Joa., xx, 14.

Is., xi, ’10. Luc, ii, 24 ; Joa., iii, 14-15.

Is., xlix, 18 I Tim., ii, 4-7.

Is., liv, 12-13 Matth., xix, 28.

Is., Lin Joa., xvi, 33.

II. BXAMBN BT DISCUSSION DE QUELQUES PROPHÉTIES

MBSSIA.NIQUBS D’isaie — 1° La prophétie d’Emmanuel.

— L’école rationaliste nie le caractère messianique de cette prophétie. On va jusqu’à dire qu’en adoptant une interprétation messianique les chrétiens se laissèrent influencer par le judaïsme de la dernière époque qui voyait dans tous les prophètes la manifestation de la fin des temps. Marti, Jesaja, p. 76 ; cf. aussi Giesebrecht, Die Immanuelweissagung, dans les Theol. Studien und Kritiken, 1888, p. 217-264 ; Budde, Ueber das 7 Cap. des Bûches Jesaja, dans les Études archéologiques dédiées à C. Leemans, p. 121-126 ; F. C. Porter, À suggestion regarding Isaiah’s Immanuel, dans le Journal of biblical literature, 1895, p. 19-36 ; Cheyne, Récent Study of Isaaiah, dans le Journal of biblical literature, 1897, p. 131-135. — L’interprétation rationaliste n’est pas admissible ; il s’agit bien là d’une prophétie messianique.

— A)’Almâli. On dit que ce mot ne signifie pas une vierge proprement dite, qui s’appelle en hébreu befûlâh, mais une jeune fille nubile. — Le mot’Almdh dans Is., vil, 14, indique une vierge proprement dite. Voir t. i, col. 390-397. — B) Emmanuel. On a prétendu aussi qu’Emmanuel est ou un fils d’Achaz, ou Ézéchias ; cette interprétation est fausse ; Emmanuel est le Messie, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voir t. ii, ’<col. 1732-1734.

2° Le serviteur de Jéhovah, XLH-XLlli. — Les critiques rationalistes qui n’admettent pas que le serviteur de Jéhovah soit le Messie, ont inventé une foule d’hypothèses : certains ont prétendu que le serviteur de Jéhovah est le peuple d’Israël lui-même ; ainsi parmi les Juifs : Abenesra, Jarchi, Kimchi, Abarbanel, Salomon ben Maloch, Isaac ben Abraham ; parmi les chrétiens : Doëderlein, Schuster, Eichhorn, Telge, Rôsenmûller, Hendewerk, Hitzig, Kœster, Marti, Jesajah, p. 285. Ewald et Beck soutinrent qu’il s’agit du peuple d"Israël tel qu’il devrait être selon les desseins de Dieu. Paulus, Thenius, Maurer, Ammon, von Coelln, Seinecke n’y ont vu que la meilleure partie du peuple d’Israël. Pour de Wette, Winer, Schenkel, c’est le « noyau aristocratique ». Augusti propose uneautre explication ; dans cette prophétie, il est question d’un personnage frappé par Dieu, qui est presque lépreux ; Azarias, fils d’Amasias, est frappé de lèpre ; cf. IV Reg., xv, 5 ; II Par., xxvi, 21 ; Isaïe, dans cette élégie, ehante l’expiation de tout le peuple faite dans la personne d’Azarias. Konynenburg, Bahrdt pensent qu’il s’a.git du roi Ézéchias. Staùdlia a opiné pour Isaïe lui-même qui, d’après la tradition, mourut d’une mort violente. Saadia et Grotius tiennent pour Jérémie qui fut en butte aux persécutions ; Knabenbauer, In Is., t. ii, p. 331-333.

A) Le serviteur de Dieu est le Messie. — o) Tous les détails de cette prophétie se sont accomplis à la lettre en Notre-Seigneur Jésus-Christ ; voir IV, .iii, 5°, 6°, col. 954 ;

— b) Les Pères de l’Église ont appliqué cette prophétie à Notre-Seigneur ; pour les nombreux témoiignages des Pères, voir Kilber, Analysis biblica, édit.

Tailhan, 1. 1, p. 383-385 dans les notes. — c) Le Targum chaldéen, attribué à Jonathan ben Uziel, a aussi interprété cette prophétie du Messie. In ls., lii, 13, il s’exprime ainsi : t Voici que mon serviteur le Messie, mâSiah, prospérera, sera exalté, croîtra et sera fortifié. » Les Juifs postérieurs ont reconnu eux-mêmes l’interpré.tation messianique donnée par le Targum. Cf. Weber,

System der altsyrjtgogalen palâstin. Théologie, Leipzig, 1880, p. 344-347 ; Galatin, De arcanis catholicm veritatis, Bâle, 1550. — d) La critique interne confirme catte interprétation. Dans Is. xi, 1-11, il s’agit du Messie ; les rationalistes eux-mêmes et les Juifs. contemporains le reconnaissent. Cf. Hamburger, Realencyclopàdie fur Bibelund Talmud, Strelitz, 1884, t. i, p. 748. Or le serviteur de Jéhovah est décrit sous les mêmes couleurs et quelquefois avec les mêmes expressions que celui dont il est question dans Is., xi, 1-11, comme on peut le voir, xi, 1 et lui, 2 (rameau) ; xi, 2, et xlii, 1 ; xi, 3, et xlii, 3 ; xi, 4, et xlii, 1 ; xl, 10, et xlii, 6 ; xi, 10, et xlii, 4 ; xi, 11, et xlii, 7. Cf. Knabenbauer, In Is., t. ii, p. 325-331.

B) Objections. — a) Dans Is., xli, 8, le serviteur de Dieu, c’est Israël ; il faut donc conclure que cette application se continue. — Réponse. Il n’y a pas de parité entre les deux passages ; Is., xli, 8, Israël est nommé par son propre nom, tandis que, xlii, 1-9, il n’est jamais nommé ; de plus, xlii, 1, l’expression « serviteur » s’applique à un individu, et les caractères de cet individu sont tellement déterminés, précis, qu’il est impossible d’y voir un être collectif comme l’est un peuple. — 6) L’Ancien Testament n « connut ni ne put connaître le Messie souffrant. — Réponse. Cette objection est une simple pétition de principe ; elle suppose ce qu’il faudrait prouver ; c’est toujours la même préoccupation : l’impossibilité des prophéties claires et précises ; en vertu de ce principe il faudrait rejeter de l’Ancien Testament toute prophétie messianique. — c) Un Messie souffrant n’aurait apporté ni consolation, ni espérance, mais plutôt le contraire. — Réponse. Isaïe ne décrit pas seulement les souffrances du Messie, mais aussi son exaltation, sa gloire, et la félicité de ceux qui le suivront ; cf. Is., lii, 13 ; lui, 10-12 ; xlii, 6 ; xlix, 6 ; liv ; de plus les souffrances du Messie ne sont pas un motif de désespoir et de découragement, mais produisent plutôt les sentiments contraires. Cf. II Cor., viii, 9 ; Jac, v, 11 ; I Pet., II, 21-25. — d) Nulle part ailleurs dans l’Ancien Testament, on ne nous représente le Messie souffrant et humilié. — Réponse. Cette affirmation serait-elle vraie, on n’en pourrait tirer aucune conséquence contre les prophéties d’Isaïe, mais elle est inexacte ; les souffrances du Messie sont décrites dans d’autres livres de l’Ancien Testament ; qu’il nous suffise de citer : Ps. xxi ; Zach., ix, 9 ; xi, 12 ; xii, 10 ; xiii, 7 ; l’obscurité de son origine est aussi annoncée dans Mich., v, 1-2. — e) Le Messie" n’est jamais appelé le « serviteur de Dieu ». — Réponse. Cette appellation équivaut à itaïç du Nouveau Testament ; Matth., xii, 18 ; Act., iii, 13, 26 ; iv, 27, 30 ; de fait les Septante ont traduit sen<us par itaï « . Is., xlii, 1 ; xliii, 10 ; xlix, 6 ; l, 10 ; lii, 13. — f) Plusieurs de ces choses ne se sont jamais accomplies en Jésus. Ainsi il n’a jamais " ouvert lés prisons, ni annoncé le retour de l’exil, Is., xlii, 7 ; lxxi, 5, 9 ; lxi, 1-3 ; jamais les rois ne lui ont rendu hommage, Is., xlix, 7 ; jamais Jésus n’a rétabli et restitué les héritages dissipés et la terre dévastée, Is., xlix, 8 ; jamais il n’a partagé de dépouilles et de proie entre les siens. Is., lui, 12. — Réponse. Pour se convaincre de la futilité d’une semblable objection, il suffit de lire le Nouveau Testament, qui nous explique ce qu’est le royaume messianique. Cf. Knabenbauer, In Is., t. ii, p. 335-338.

3° Prophétie sur Cyrus, xliv, 28 ; xlv, 1-13. — Dans cet oracle, Cyrus, au témoignage de presque tous les Pères, est la figure du Messie ; il est facile de s’en convaincre par l’examen du texte : a) Lui aussi est appelé « Messie », tnàèîah, xlv, 1 ; — 6) il remplira les mêmes offices que le Messie : il est suscité pour rétablir la justice’, xlv, 13 ; — il est, comme le Messie, le pasteur de Dieu, xliv, 28 ; cf. Is., xl, 11 ; Ezech., xxxiv, 23 ; xxxvii, 24 ; Ps.. xxi, 1 ; lxvi, 20 ; — comme le Messie, il accomplira la volonté de Dieu, xi.iv, 28 ;. cf. Is., lui, 10 ; — comme le

Messie, il rétablira le temple, xliv, 28 ; cf. Zach.. vi, 13 ;

— c) enfin l’Église a appliqué à Notre-Seignenr un passage de cette prophétie, Is., xlv, 8. Voir Cyhus, t. ii, col. 1191-1194.

4° Prophétie contre VIdumée, lxiii, 1-6. — Dans ce vainqueur qui revient chargé des dépouilles de ses ennemis, les uns ont voulu voir Jéhovah lui-même ; cf. Marti, Jesaja, p. 391, qui intitule cette section : « le jour de la vengeance de Jéhovah ; » d’autres, Cyrus qui défit, près de Sardes, Crésus, roi de Lydie, et ses alliés, Hérodote, l, 80 ; Cyropsed., vii, 1 ; d’autres, les Israélites ; d’autres, Nabuchodonosor ; d’autres, Judas Machabée, IMach., v, 3, 65 ; II Mach., x, 16 ; Josèphe, Ant. jud., XII, xi, 1, 2 ; d’autres, Jean Hyrcan. — Toutes ces interprétations sont inexactes. Le vainqueur dont il est question dans ce passage, c’est le Messie lui-même ; — a) tout ce qui est dit de ce vainqueur convient à Notre-Seigneur ; — b) les Pères lui ont toujours appliqué cette prophétie ; voir Kilber, Analysis biblica, 1. 1, p. 391 ; — c) durant le temps de la passion, l’Église, dans la liturgie, applique ces versets à Notre-Seigneur.

XIII. Résumé de la christoloGie d’Isaïe. — Nous pouvons maintenant synthétiser à grands traits la christologie d’Isaïe.’Le""prophète décrit les principales fonctions du Christ : royales, prophétiques et sacerdotales. C’est là comme l’idée maîtresse de tout le livre. Presque toute la vie de Jésus-Christ, ses vertus et sa mission sont décrites en détail : sa naissance miraculeuse d’une Vierge est annoncée, vii, 14 ; le chapitre ix nous décrit ses fonctions, et les bienfaits qu’il apportera à la Galilée et conséquemment à l’humanité tout entière ; les effets de la rédemption et le retour à l’innocence primitive sont annoncés, sous une gracieuse image, xi, 6-9 ; son triomphe sur la mort est affirmé, xxv, 8 ; xxxvi, 19 ; les remèdes aux maux de l’humanité [sont décrits d’une manière charmante, xxxv ; la réalisation de ce chapitre est un des caractères les plus saillants de la vie de Jésus-Christ. — Mais ce qu’il y a de plus remarquable, ce sont’les détails de la vie de Notre-Seigneur. Il apparaît comme un serviteur doux et humble, xi, 1 ; lui, 2 ; son ministère sera plein de douceur et de mansuétude, xlii, 2 ; il vient pour consoler et soulager ceux qui souffrent, xliii, 3 ; lxi, 1 ; il sera plein de bonté pour Israël, xlix, 1-6 ; il vient pour établir une nouvelle alliance, xlii, 6 ; xlix, 8 ; ce peuple qu’il est venu visiter et sauver lui réserve les plus dures souffrances ; aussi le châtiment divin ne se fait-il pas attendre, et le salut et la grâce sont portés aux gentils, xlix, 1-9 ; les gentils, par leur dévouement et leurs hommages, le récompenseront des pertes qu’il a faites dans le peuple choisi, l, 1-11 ; ses souffrances, couronnées par une mort violente, achèvent sa mission de médiateur ; il réconcilie tous les pécheurs avec Dieu, lui, 12 b. — Après les* souffrances, la gloire et le triomphe : les grands de la terre se soumettront à lui, lui, 12 a ; il apporte aux nations la justice, xlii, 1, et la lumière, xlii, 6 ; il devient le centre du monde tout entier, xi, 10 ; toutes les nations se dirigent vers Sion, figure de l’Église qui est l’œuvre de Jésus-Christ, lx ; les Éthiopiens entrent dans le royaume de Dieu, xviii ; l’Egypte se convertira au Seigneur et sera consolée, xix, 18-25 ; Tyr aussi rendra hommage au Dieu d’Israël au temps du salut et de la rédemption, xxiii, 15-18. — Le Messie devient également le témoin, le chef et le législateur des nations, lv, 4 ; l’esprit dH Seigneur se repose sur lui, habite en lui, xi, 2 ; xlii, 1 ; lxi, 1 ; cet esprit du Seigneur se répandra, aux jours de sa venue, sur la terre, xxii, 15 ; xliv, 3 ; il détruira le péché, xi, 9, et la guerre, ii, 4. — Le Messie se sert des gentils pour opérer le salut du peuple de l’alliance, qu’il avait rejeté à cause de son infidélité, xi, 12 ; lx, 9-10 ; lxvi, 20-21 ; le retour à l’état d’innocence sera réalisé, lxv, 25 ; il y aura à la fin des temps de nouveaux cieux et une nouvelle terre, lxv, 17 ; lxvi, 22 ; quant

aux méchants, leur lot sera une éternelle réprobation, lxvi, 24. Cf. Trochon, lsaîe, p. 18-20 ; et Hengstenberg, Christology of the old Testament, trad. anglaise par E. Meyer, in-8°, Edimbourg, 1872, t. ii, p. 2-3.

XIV. Bibliographie. — I. commentateurs : Origène, Bomilim in visiones Isaïæ t. xiii, col. 219-254 ; S. Jérôme, t. xxiv, col. 901-936 ; Eusèbe, Comment, in Is., t. xxiv, col. 77-526 ; S. Basile, Comment, in Is. (les* seize premiers chapitres), t. xxx, col.117-667 ; S. Éphrem, In Es. explan., Opéra syriaca, Borne, 1740, t. ii, p. 20-97 ; S. Jean Chrysostome, Inlerpret. in Is., cap. viii, t. lvi, col. 11-94 ; Homil. vi in Oziam, seu de Seraphinis, col. 97-142 ; Homil. in locum Is., xlv, 7, col. 141-152 ; S. Cyrille d’Alexandrie, Comment, in Is., t. lxx, col. 91450 ; Théodoret de Cyr, In Is., eclogaria inlerpret., t. lxxxi, col. 215-494 ; Procope de Gaza, In Is. Epi-, tome, t. lxxxvii, part. II, col. 1817-2718 ; S. Jérôme, Comment, in Is., t. xxiv, col. 17-678 ; S. Thomas d’Aquin, In Es. expositio, Opéra, Anvers, 1612, t. xiii ; Foreiro, Comment, in Is., dans Migne, Cursus complétas Scripturæ sacrée, t. xviii ; *E. F. C. Rosenmûller, Scholia in Vet. Test., 3 in-8° 1829-1834, pars m", Isaiæ vaticinia complectens, x-xxiv, où l’on trouvera une liste des commentateurs protestants ; *Y. Ch. Dôderlein, Esaias ex recensione lextus hebraici, in-8°, Altorf et Nuremberg, 1775, 1778, 1780, 1789 ; * Lowth, Isàia, a new translation, in-4°, Londres, 1778, traduction allemande avec notes et observations par J. B. C. Koppe, 4 in-8°, Leipzig, 17791781 ; *C. G. Hensler, Jesaias, neu ûbersetzt mit Anmerkungen, in-8°, Hambourg^ 1788 ; * Paulus, Philologische Clavis ûber dos Alt. Test., Jesaias, in-8°, Iéna, 1793 ;

  • W. Gesenius, Der Prophet Jesaja (3 parties), in-8°,

Leipzig, 1820-1821 ; * F. Hitzig, Der Prophet Jesaja, in-8°, Heidelberg, 1833 ; *C. L. Hendwerk, Des Propheten Jesaia Weissagungen, 2 in-8°, Kœnigsberg, 1838-1843 ;

  • E. Ewald, Die Propheten des Allen Blindes, 2 in-8°,

1e édit., Stuttgart, 1840-1841 ; 2e édit, , 1867-1868 ; *F. W. C. Umbreit, Praktischer Kommentar ûber die Propheten des Alten Bundes, 1841-1846 ; * M. Drechsler, Der Prophet Jesaja, 3 parties, Stuttgart, 1845-1857 (n, 2, embrassant les chapitres xxviii-xxxix, édité après sa mort par Frz. Delitzsch et A. Hahn, et iii, embrassant les chapitres xl-lxvi, édité par A. Hahn, 1854-1857) ;

  • A. Knobel, Der Prophet Jesaia, dans le Kurzgef. exeg.

Handb., in-8°, 1843, 1854, 1861 ; 4e édit. revue par L. Diestel, Leipzig, 1872 ; * S. D. Luzzato, Il firofeta Isaia volgarizatoe commentato ad uso dégli Isræliti, Padoue, 1856-1867 ; P. Schegg, Der Prophet Isaias ûbersetzt und erklârt, 2 in-8°, Munich, 1850 ; L. Reinke, Die niessianischen Weissagungen bei den grossen und kleinen Propheten des Alten Testamentes, Giessen, 1858, 1860 ; A. Bohling, Der Prophet Jesaja ûbersetzt und erklârt, Munster, 1872 ; J. Bade, Christologie des Alten Testamentes, Mùnstèr, 1851, part, m ; B. Neteler, Dos Buch Isaias aus dem Vrtext ûbersetzt, Munster, 1872 ; Le Hir, Les trois grands prophètes, lsaîe, Jérémie, Ézéchiel, publiés par M. Grandvaux, in-12, Paris, 1877 ; Id., Études bibliques, 2 in-8°, Paris, 1869 ; W. Urwick, The Servant of Jéhovah, in-8°, Edimbourg, 1877 ; Trochon, lsaîe, in-8°, Paris, 1878 (dans la Bible de M. Lethielleux ) ; J. Knabenbauer, Erklàrung des Propheten Isaias, in-8°, Fribourg-en-B., 1881 ; Id., Comment, in Isaianv prophetam, 2 in-8°, Paris, 1887 (dans le Cursus Scripturæ Sacrse des Pères Jésuites) ; *Reuss, Les prophètes, ih-8°, Paris, 1876 ; édit. allemande, 1892 ; * Seinecke, Der Evangelist des Alten Testamentes, in-8°, Leipzig, 1870 ;. n’embrasse que les chapitres xl-lxvi ; *C. J. Breden-’kamp, Der Prophet Jesaja, Erlangen, 1886-1887 ; * C. von Orelli, Die ailes t. Weissagungen von der Wollendung des Gattesreiches, 1882 ; * G. A. Smith The Book of Isaia. (dans Expositor’s Bible), 1889-1890 ; Id., The Book of the twelve Prophète, 1896 ; *A. Dillmann, 5e édit. refondue du Commentaire de Knobel, 1890 ; R. Kitte),

& édit., de Knobel, 1892 ; *Nâgelsbach, Der Prophet Jesaja, dans le Bîbelwerk de Lange, Leipzig, 1877 ; * B. Duhm, Dos Buch Jesaia, dans le Hand-Kommentar de Nowack, Leipzig, 1892 ; * T. K. Cheyne, The book of Isaiah chronologically arrangea, 1870 ; Id., The Prophéties of Israël, 1880, 1884 ; Id., The Book of the prophet Isaiah, part, x de la Polychrome Bible, The sacred books of the old and new Testament, English translation, in-4°, Londres, 1898 ; Id., The Book of the prophet lsaïah, critical édition of the hébrew text, part, x de The sacred Books of t)ie old Testament, Leipzig, 1899 ; *M. L. Kellner, T/ie prophéties of Israël, Cambridge, 1895 ; *J. Skinner, dans Cambridge Bible for Schools, 1896 ; *A. B. Davidson, dans VExpositor, août et septembre 1883 ; février, avril, octobre, novembre, décembre 1884, sur les chapitres xl-lxvi. — II. critique et explication du texte : * David Kocher, Vindicte sacri textus hebr. Esaix vatis, adversus D. Rob. Lowthî criticam, Berne 1786 ; * A. Kroehmal, Haksaw Wehamichlow, 1875 ; *Paul de Lagarde, Semitica, i, 1878, p. 1-32 ; * J. Barth, -BeiJmje zur Erklàrung des Jesaias, 1885 ; *J. Bachmànn, Altlest. Untersuchungen, 1894, p. 49-100 ; *H. Oort, dans la Theol. Tijdschi-ift, 1886, p. 561-568 (sur Is., iii, 16-iv, 6) ; 1891, p. 461-477, Kritische Anteekeningen op. Jez. xl-lxvi ; *Grâtz, Émendationes in Vet. Testant., 1892. — ni. introduction :

  • C. P. Caspari, Beitrâge zur Einleitung in dos Buch

Jesaja, in-8°, Leipzig, 1848 ; * Giesebrecht, Beitrâge zur Jesajakritik, 1890 ; *T. K. Cheyne, Introduction to the Book of Isaiah, 1895 ; traduction allemande par J. Bôhmer, 1897 ; *E. Graf, De l’unité des chapitres XL-LXVI d’Ésaïe, 1895 ; * W. H. Kosters, Deutero-en Trito-Jezaja, dans la Theol. Tijdschrift, 1896, p. 577-623 ; * M. Brûck-, ner, Die Komposition des Bûches Jesaja cap. 38-33, 1897 ; *Ed. Kônig, The Exiles’Book of consolation, traduit de l’allemand par J. A. Serbie, 1899. — ir. histoire et théologie : *C. P. Caspari, Ueber den syrischephraimitischen Krieg, in-8°, Christiania, 1849 ; *B. Duhm, Die Théologie der Propheten, 1875 ; *A. Kuenen. De Profelen en de profetie onder Israël, 1875 ; traduction anglaise, Prophets and prophecy in Israël, 1877 ; * E. M. Krùger, Essai sur la théologie d’Ésaïe, . xl-lxvi, 1881 ; * W. R. Smith, The Prophets of Israël, and their place in history to the close of 8 th century £. C, 1882 ; 2e édit., par T. K. Cheyne, 1895 ; * H. Guthe, Das Zukuntfsbild des Jesaia, 1885 ; * S. R. Driver, Isaiah, his life and tintes, and the writings which bear his name, dans la série Men of the Bible, 1888, 1893 ;

  • H. Hackman, Die Zukuntfserwartung des Jesaja, 1893 ;
  • P. Volz, Die vorexilische Jahweprophetie und der

Messias, 1897 ; *J. Meinhold, Jesaja und seine Zeit, 1898 ; *E. Sellin, Serubbabel, 1898. — Voir Knabenbauer, Comment, in Isaïam prophetam, t. i, p. 19-25 ; Trochon, Isaïe, p. 21-24 ; *S. R. Driver, An introduction to the literalure of the old Testament, 7e édit., Edimbourg, 1898, p. 204-205 ; *D., K. Marti, Das Buch Jesaja, 1900, p. xxiv-xxv. V. Ermoni.

3. isaïe (Septante : ’Iuhtîixç ; Codex Alexandrinus : ’Ûoaiaç ; Vulgate : Isaias), lévite, ancêtre d’un des trésoriers du sanctuaire du temps de David. I Par., xxvi, 25. Son nom dans la Vulgate est écrit Jésias dans I Par., xxrv, 25. C’était le fils aîné de Rahabia, ùn des descendants de Gersom, fils de Moïse.

4. ISAÏE (hébreu : YeSa’eyàh ; Septante : ’Is-aïaç ; Codex Alexandrinus : ’Hirata ; Vulgate : Isaîas), fils d’Athalia, chef de la famille d’Alam qui revint avec Esdras de Babylonie. I Esd., viii, 7.

5. ISÀÏE (Ycia’eyâh ; Septante : ’Iaaia ; Vulgate : Isaias), lévite, de la famille de Mérari, qui revint de la captivité avec Esdras. I Esd., vai, 19.

6. ISJÛE (hébreu : Yééa’eyâh ; Septante : ’Ieata ; Codex Sinailicus : ’Uamâ ; Vulgate : Isaia), Benjamite, père d’Éthéel, dont les descendants furent désignés par le sort, en la personne de Sellum, pour résider à Jérusalem après le retour de la captivité de Babylone. II Esd., xi ; 7.

    1. ISARI##

ISARI (hébreu : hay-isri ; Septante : ’Ieo-pt), lévite, fils d’Idithun, chef du quatrième chœur de chantres dans le service du sanctuaire. I Par., xxv, 11. Au ꝟ. 3, il est appelé Sori.

    1. ISBAAB##

ISBAAB (hébreu : Yéséb’âb ; Septante : ’ItuBaiX), prêtre, chef de la quatorzième famille sacerdotale, lors de la division des descendants d’Aaron en vingt-quatre familles, sous le règne de David. I Par., xxiv, 13.

    1. ISBOSETH##

ISBOSETH (hébreu : ’ISbôSét ; Septante : ’Ieêooflé- ; Jcsèphe : ’leëooOdç), fils de Saûl, régna pendant quelques années, après la mort de son père, sur la plupart des tribus. Il n’est pas nommé au nombre des fils de Saûl,

I Reg., xiv, 49 (excepté dans la version syriaque, où il a été ajouté sous la forme : Echboschul). C’est le même personnage qu’Esbaal, le quatrième fils de Saûl. I Par., vm, 33 ; ix, 39. Voir t. ii, col. 1912. Voici comment on explique généralement aujourd’hui cette dualité de noms. Le véritable nom du fils de Saül était Esbaal, « l’homme de Baal. » Baal, qui signifie « maître, seigneur », désignait le vrai Dieu, en qualité de maître et de seigneur de toutes choses. Quand, plus tard, il devint le nom de dieux locaux (voir t. i ? col. 1315-1316), dont le culte idolâtrique s’introduisit chez les Juifs, on le remplaça dans plusieurs noms propres hébreux, dans lesquels il entrait comme composant, par bôSéf, « honte, ignominie, » nom donné aux idoles. Ose., ix, 10 ; Jer., iii, 24 ; xi, 3. Ainsi Yerubbd’al, surnom de Gédéon, Jud., VI, 32, fut changé en YérubbéSéf, II Sam., XI, 21 ; Meribbâ’al, I Par., viii, 34 ; ix, 40, devint MeftbôSét, II Sam., iv, 4. Cf. Clair, Les livres des Rois, Paris, 1884, t. ii, p. 9 ; F. de Hummelatier, Comment, in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 277.

Isboseth n’apparaît sur la scène qu’après la mort de son père et de ses frères à Gelboé. Abner, général en ch, ef de l’armée de Saûl, vint prendre, peut-être à Gabaa, ce seul survivant, avec Miphiboseth, II Reg., iv, 4, dj la maison royale qui avait péri à la bataille, I Reg., xxxi, 2, 8, et le conduisit à Mahanaïm. Il l’établit roi et il fit reconnaître peu à peu et successivement son autorité à Galaad, Gessur (voir col. 223), Jezraël, dans les tribus d’Ephraïm et de Manassé, et finalement dans tout le pays qui forma plus tard le royaume d’Israël. Isboseth avait quarante ans, quand il régna sur tout Israël, c’est-à-dire, selon l’interprétation la plus vraisemblable, lorsque son autorité fut reconnue dans toutes les tribus, excepté Juda, et son règne ainsi établi dura deux années.

II Reg., ii, 8-10. En effet, le règne de David à Hébron sur Juda fut de sept ans et demi. II Reg., ii, 11. Son eompétiteur occupa le trône pendant le même temps ; mais les deux années de son règne sont comptées à partir du jour où son autorité fut établie sur tout Israël. Clair, Les livres des Rois, t. ii, p. 10 ; Fillion, La Sainte Bible, t. ii, Paris, 1890, p. 338. Cependant Ms r Meignan, David, Paris, 1889, p. 34, pense qu’Abner hésita longtemps avant de prendre Isboseth comme roi, et il explique par ce retard de plusieurs années la courte durée du règne. Le P. de Hummelauer, Comment, in libr. Samuelis, p. 277, estime qu’Isboseth, placé sur le trône immédiatement après la mort de son père, ne régna réellement que deux ans, mais que, néanmoins, David ne fut reconnu par les tribus fidèles à la maison de Saûl, qu’au bout de sept ans et demi. Voir 1. 1, col. 62-63.

Prince faible, sans valeur et sans volonté, Isboseth ne fut qu’un instrument entre les mains d’Abner, qui te 987

ISBOSETH — ISENBIEHL

brisa après s’en être quelque temps servi. À la tête de son armée, Abner prit l’offensive contre David, et à Gabaon, il proposa à Joab un combat singulier, qui fut suivi d’une bataille générale et tourna au désavantage des partisans d’Isboseth. Voir t. i, col. 63-64. Dès lors, tandis que la maison de David progressa et se fortifia de plus en plus, celle de Saül tomba dans une décadence de plus en plus grande. II Reg., iii, 1. Isboseth s’aliéna bientôt Abner, qui était le véritable chef dé son parti, pour une querelle de harem. Abner avait pris pour lui Respha, concubine de Saûl. Isboseth, blessé dans son honneur et jaloux de cette union, qui pouvait passer pour un acte de prétendant au trône, adressa des reproches à Abner. Celui-ci qui, sans doute, se détachait déjà d’une cause dont il était Tunique soutien, répondit en colère : « Suis-je donc une tête de chien dans Juda ? (Voir t. ii, col. 702.) Moi, qui ai toujours été l’ami de la maison de ton père et qui ne t’ai pas livré aux mains de David ! Et après cela, tu me querelles aujourd’hui au sujet d’une femme ! » Puis, il s’engagea par serment à faire reconnaître l’autorité royale de David sur le pays tout entier. Isboseth, qui le craignait, ne trouva rien à répondre. II Reg., iii, 6-11. Abner entra aussitôt en pourparlers avec David. Celui-ci, acceptant les propositions d’Abner, redemanda son épouse Michol. Pour ne pas dévoiler les secrets desseins du général en chef, il s’adresssa à Isboseth lui-même. Le faible roi envoya chercher Michol et la fit prendre à son second mari, Phaltiel. II Reg., iii, 12-15. Jetant enfin le voile, Abner gagna à la cause de David les anciens d’Israël, mais il fut tué par Joab. Voir t.. i, col. 65-66. À la nouvelle de ce meurtre, Isboseth perdit courage ; les bras lui tombèrent et ses partisans, qui ne comptaient guère sur lui, furent troublés. II Reg., iv, 1. Deux frères, Baana et Réchab, chef de bandes qui étaient alors au service d’Isboseth, jugeant sa cause désespérée, le tuèrent. Ils s’introduisirent dans sa maison, à l’heure de la sieste, sans être aperçus, car la servante, qui gardait la porte, s'était endormie, en nettoyant du blé. Prenant du grain, afin de s’excuser s’ils étaient surpris, ils pénétrèrent à l’intérieur de la maison, et trouvant le roi couché dans son lit et endormi, ils le frappèrent à l’aine, le tuèrent, lui tranchèrent la tête et s’enfuirent toute la nuit. Ils vinrent à Hébron apporter à David la tête d’Isboseth, et pour excuser leur meurtre, ils présentèrent leur victime comme l’ennemi du roi, l’accusant d’avoir comploté la mort de David, et eux-mêmes comme les ministres de Dieu contre Saül et sa postérité. Repoussant toute solidarité dans cet attentat et proclamant l’innocence d’Isboseth, David fit tuer les meurtriers et ensevelir la tête du fils de Saül dans le tombeau d’Abner à Hébron. II Reg., iv, 5-12. Voir t. i, col. 1343. La mort d’Isboseth rattacha toutes les tribus à la personne de David. Cf. Danko, Historia revelationis divines V. T., Vienne, 1862, p.- 249-251 ; M. « r Meignan, David, Paris, 1889, p. 34-37 ; Dieulafoy, Le roi David, Paris, 1897, p. 142-158.

E. Mangenot.

    1. ISCARIOTE##

ISCARIOTE ('Iuxapi<ÔTiriç), surnom donné à l’apôtre Judas, qui trahit Notre-Seigneur, pour le distinguer de l’apôtre saint Jude et d’autres personnes du même nom. On regarde généralement ce surnom comme composé de n*i » "ip-tf’N, 'U et Qeriyôf, « homme de Carioth. » Voir Carioth 1, t. ii, col. 283, et Judas Iscariote.

    1. ISENBIEHL Johann Lorenz##


ISENBIEHL Johann Lorenz, théologien catholique allemand, né en 1744 à Heiligenstadt im Eichsfelde, mort le 26 décembre 1818 à Œstrich im Rheingau. Après avoir été ordonné prêtre à Mayence, où il avait fait ses études, il fut envoyé en 1769 à Gœttingue comme missionnaire, c’est-à-dire pour y remplir les fonctions de curé catholique dans cette ville. Il y suivit les cours de langue orientale de Jean David Michaëlis. Lorsque renseignement

fut réorganisé à Mayence en 1773, après la suppression des Jésuites, le prince électeur Emmerich Joseph von Breidenbach le nomma professeur ordinaire de langues orientales et d'Écriture Sainte. Il commença ses leçons par l’explication de la prophétie d’Isaïe, vii, 14. Contrairement à la croyance de l'Église qui, comme le dit saint Matthieu, reconnaît le Messie dans l’Emmanuel du prophète, Isenbiehl enseigna qu’Isaïe faisait allusion à une jeune fille qu’il voulait prendre pour épouse et qui devait lui donner un fils appelé Emmanuel. La Vierge dont parle le prophète n’est ni la Vierge Marie dans le sens propre ni dans le sens typique mais seulement dans un sens accommodatice. La faculté de théologie de Mayence et le Censor ordinarius refusèrent l’autorisation d’imprimer les thèses qui soutenaient cette opinion. L’auteur en fut dénoncé au prince électeur. Celui-ci se contenta de lui faire donner cet avis : « Alors même qu’il aurait raison en fait (in tkesï), il avait tort à cause des circonstances difficiles où l’on se trouvait (in hypothesi). Comme on devait éviter, à la suite de la nouvelle organisation de l’enseignement, tout ce qui pourrait amener des troubles, il devait s’en tenir encore pour le moment à l’ancien système. » Là-dessus Isenbiehl garda le silence, mais Emmerich Joseph étant mort le 12 juin 1774, le chapitre examina l’affaire et le nouveau prince électeur, Friedrich Karl Joseph von Erthal (qui fut élu le 18 juillet 1774), révoqua le professeur et l’obligea à passer deux ans dans le séminaire archiépiscopal afin d' y compléter ses études théologiques qu’on jugeait insuffisantes. Pendant ces deux ans, Isenbiehl rédigea un Corpus deeisionum dogmaticarum Ecclesiæ catholicæ, qui parut à Constance en 1777. Dans la préface de cet ouvrage, il dit : Definilio quam in conciliis Ecclesia tradit, censendavidetvr esse régula credendi certior ftrmiorque quam ipse sacer Codex. On ne voit guère comment cette proposition pouvait justifier dans sa pensée son opinion sur la prophétie d’Isaïe, qu’il avait travaillé en même temps à défendre dans une dissertation spéciale. Dès 1775, il avait envoyé un long exposé de ses idées sur ce sujet à plusieurs théologiens catholiques qui ne le désapprouvèrent pas, mais une copie de son mémoire parvint à la censure de Vienne et celle-ci le déclara opus falsum, temerariumeterroneum. Biblioth. Friburg. Eccles., t. iv, p. 258. Il fut néanmoins nommé en 1777 professeur de grec à l'école moyenne de Mayence, à la condition de ne point s’occuper d'Écriture Sainte dans son enseignement. Il accepta, mais il était bien loin de renoncer à ses idées. Cette même année 1777, il fit imprimer et publier sa dissertation par un libraire de Coblentz, et elle parut sous le titre de Joh. Lor. Isenbiekl’s Neuer Versuch ûberdie .Weissagung vorn Emmanuel, 1778. Elle fut imprimée à Coblentz, mais elle ne porte ni le nom du lieu d’impression ni le nom de l’imprimeur. La Préface est datée du 27 octobre 1777. Le libraire avait obtenu Vimprimatur d’un censeur de Trêves. La faculté de théologie de Mayence s’occupa aussitôt de cette publication et la condamna comme renfermant propositiones faUas, scandalosas, piarum aurium offensivas ac de socianisniO' suspectas. L’auteur fut suspendu et emprisonné par l’autorité épiscopale. Les facultés de théologie de Paris, de Trêves, de Strasbourg et d’Heildelberg condamnèrent aussi son œuvre. Voir H. Goldhagen, Religionsjournal, Mayence, 1777-1779, où se trouvent tous les ^documents relatifs à l’affaire. Enfin Pie VI, dans un Bref daté da 20 septembre 1779, la condamna tanquam conlinentem doctrinam et propositiones respective falsas, temerarias, scandalosas, perniciosas, erroneas, hæresi faventes et ksereticas, et en défendit la lecture sous peine d’excommunication réservée au Pape. BullariumRomanumPu VF, t. vi, n » ccxxx, Rome, 1843, p. 146. Isenbiehl signa le 25 décembre 1779 une déclaration par laquelle il se soumettait pleinement à ce jugement. En conséquence il fut remis en liberté et nommé chanoine à Arnoneburg en ISENBIEHL — ISMAEL

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mai 1780. Il garda son canonicat jusqu’à la sécularisation de l’électorat et reçut en 1803 une pension qui lui fut payée jusqu’à sa mort en 1818. Il avait publié en 1787 le tome 1 er d’un ouvrage dogmatique : De rébus divinis tractatus introducentes in universutn Veteris ac Novi Testamenti Scripturam et theologiam christianam, 1. 1, in-4°, Mayènce et Francfort-sur-le-Main, 1787. -^ Voir A. G. Hoffmann, dans Ersch et Gruber, À llgemeine Encyklopâdie, sect. ii, t. xxiv, p. 339 ; Reusch, dans YAUgetneine deutsche Biographie, t. xiv, 1881, p. 618 ; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. vi, 1887, col. 960 ; H. Hurter, Nomenclator literarius, 2e édit., t. iii, 1886, p. 588 à 590 ; Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviip siècle, 3e édit., t. v, 1855, p. 95-97. F. Vigouroux.

    1. ISHOD##

ISHOD (hébreu : ’IShôd, « homme de Hod ; » Septante : ’IctoûS ; Alexandrinwi : Eoû8), de la tribu de Manassé, fils de Hammoléketh, « la reine, » sœur de Galaad. I Par., vil, 18. La Vulgate a traduit les noms propres : Regina peperit virum décorum, « Reine enfanta Belhomme. » Voir Abiezer 1, t. i, col. 47.

    1. ISIDORE (SAINT)##


ISIDORE (SAINT), Isidorus, évéque de Séville et docteur de l’Église. — Il naquit vers 555-560, soit à Carthagène, dont son père avait été gouverneur, soit à Séville, où ses parents s’étaient réfugiés pour échapper aux persécutions du roi goth Agila (549554), arien déclaré. Il appartenait à la haute noblesse hispano-romaine, mais il resta orphelin de bonne heure, et ce furent es frères aînés, saint Léandre et saint Fulgence, ainsi que sa sœur sainte Florentine, qui se chargèrent de son éducation, comme nous l’apprend saint Léandre. Régula ad virgines, t. lxxii, col. 892. À vrai dire, ce fut saint Léandre, alors archevêque de Séville (576 ?-600 ?) qui eut la principale part dans cette éducation, au témoignage de saint Isidore lui-même. Epist. ad Claudium ducem, 12, t. lxxxiii, col 905. Isidore acquit sous cet excellent maitre une érudition sacrée et profane, qui s’étendait à tout ce que l’on savait de son temps. C’est grâce à cela qu’élevé plus tard à son tour sur le siège de Séville (vers 600) à la mort de son frère, il devint comme la lumière de son siècle par ses nombreux écrits. Us ont été souvent imprimés en tout ou en partie. Nous mentionnerons seulement, parmi les éditions embrassant toutes les œuvres du saint, celles de Margarin de la Bigne, Paris, in-f », 1580, la première en date ; celle de Grial, Madrid, in-f », 1599, entreprise par ordre de Philippe II ; enfin celle d’un ancien Jésuite, Fàustin Aravalo, in-4°, Rome, 1796-1806, la seule qui ait été faite d’après les manuscrits et dans une certaine mesure conformément aux règles de la critique, bien qu’aujourd’hui elle laisse beaucoup à désirer. — Saint Isidore ne paraît pas avoir composé de commentaire suivi sur aucun de nos Livres Saints, mais il en a expliqué beaucoup de passages. De plus il a dressé dans ses Étymologies et ailleurs, Etymolog., VI, 1, 19, t. lxxxii, col. 229 ; Proœmia in libros Veteris ac Novi Testamenti, t. lxxxiii, col. 155-160 ; De Ecclesiasticis officiis, I, Il et 12, col. 745-750 : 1° le canon des livres sacrés, tel qu’il existait de son temps, et tel que l’Église l’a maintenu depuis lors invariablement ; 2° la série des principales versions, qui faisaient autorité dans les VIe et VIIe siècles. Il a écrit aussi plusieurs opuscules plus ou moins étendus, dont le caractère est nettement exégétique. Ce sont : 1° Liber aUegoriarwm Scripturæ Sacrée, t. lxxxiii, col. 97-130. Le saint s’y occupe uniquement des personnes dont il est parlé dans la Sainte Écriture, soit que ces personnes portent un nom propre, comme Adam, Pierre ; soit qu’elles soient simplement désignées par leur office, ou quelques-unes de leurs qualités, et il s’en occupe en tant que les unes et les autres sont des figures de Notre-Seigncur, de l’Église, des élus, du diable,

des hérétiques, des réprouvés, etc. — 2° Liber de ortu, et vila Palrum, qui in Scripturis laudibus efferuntur, t. lxxxiii, col. 129-156, résumé substantiel de ce qu’on sait authentiquement de leur vie et de leurs actions. Les justes de l’Ancien Testament qui y figurent sont au nombre de 64 ; ceux du Nouveau, de 22, ce qui donne un total de 86 notices. L’authenticité de cet écrit a été révoquée en doute, mais sans doute à tort, car cette authenticité a pour garants deux contemporains tout à fait autorisés, saint Braulion, t. lxxxi, col. 15-17, et saint Ildefonse, ibid., col. 27-28, ainsi que le V. Bède, Retraclatioin Acla Apostol., t. xcii, col. 997 : ce qui nous rend absolument certains que l’écrit appartient en propre à saint Isidore de Séville. — 3° Proœmia in libros Veteri ? ac Novi Testamenti, t. lxxxiii, col. 155-180. C’est une sorte de préliminaire sur chacun des livres de l’Écriture. Le saint y fait connaître en peu de mots, mais d’unemanière très exacte, le caractère distinctif de chacun des 45 livres de l’Ancien Testament et des 27 du Nouveau. — 4° Qussstiones in Vêtus et Novum Testamentum, t. lxxxiii, col. 199-208, simplesérie de 41 question » sans importance, qui n’amènent que des réponses de quelques lignes. — 5° Myslicorum expositiones sacramentorum seu quæstiones in Vêtus lestamentum, t. lxxxiii, col. 207-424. Cet écrit est beaucoup plus étendu et plus important que le précédent. L’auteur y passe en revue tous les livres historiques de l’Ancien Testament. Il y explique le sens mystique de la plupart des faits qui y sont exposés. — 6° Liber numerorum, qui in Sanctis Scripturis occurrunt, t. lxxxiii, . col. 179-200. Il s’agit ici du sens mystérieux que saint Méliton et les autres Pères ont attribué aux nombres. Le saint Docteur s’y occupe : 1° des nombres depuis 1 jusqu’à 30 ; 2° des nombres 24, 30, 40, 46, 50, 60 et 153.

— Divers auteurs ont attribué à saint Isidore d’autres, travaux exégétiques, tels qu’une version particulière dite isidorienne de la Bible, et des commentaires suivis sur plusieurs de nos Livres Sacrés, mais ils l’ont fait sanspreuves suffisantes. En somme, le saint docteur espagnol s’est plus occupé du sens mystique des Écritures que de leur sens littéral, il a plus emprunté à saint Jérôme et à ses autres devanciers, qu’il n’a tiré de son propre fonds. Mais il a été beaucoup lii, surtout au moyen âge, et il a été le maitre d’un grand nombre en Écriture Sainte. — Voir Antonio, Eiblioteca Hispana Vêtus, Madrid, 1787, t. i, p. 282-359 ; F. Aravalo, Isidoriana ou recherches sur la vie et les écrits du saint. Les deux premiers volumes de son édition en 7 in-4° des. Opéra S. Isidori sont consacrés à cet objet. Les Isidoriana ont été reproduits dans la Patrologie latinede Migne et en forment le t. lxxxi tout entier. Voir aussi H. Dressel, De Isidori fontibus, in-8°, Turin, 187 ; W. S. Teufel, Geschichte der rômischen Lileratur, neu bearbeitet von L. Schwabe, 5e édit., 2 in-8°, Leipzig, . 1890, § 496, p. 1294-1295. F. Plaine.

    1. ISMAEL##

ISMAEL (hébreu : Ismff’êl, « Dieu exauce ; » Septante : ’Iutta^X), nom du fils d’Abraham et d’Agar et de cinq autres personnes. Ce nom est écrit quelquefois Ismahel dans la Vulgate. Voir Ismahel 1-5. Cette variante d’orthographe a sans doute pour but d’indiquer qu’il faut prononcer a ete en deux syllabes et non ee, parce que les Latins, écrivant toujours séparément a et e, comme dans Aegyptus, prononçaient néanmoins d’ordinaire ces deux lettres d’une seule émission de voix, commee ; en intercalant un h entre l’a et l’e, on marquait qu’il fallait prononcer ae en deux syllabes.

1. ISMAEL (Vulgate : Ismæl, dans la Genèse, xvi, 11, 15, 16 ; xvii, 18, etc., et Judith, ii, 13 ; Ismahel, dans I Par., i, 28, 29, 31), fils d’Abraham et d’Agar l’Égyptienne. Gen., xvt, 11, 15 ; I Par., i, 28. Son nom, révélé par un ange, fait allusion au cri d’affliction poussé

par sa mère au sein du désert et « entendu de Dieu ». Alors, en effet, qu’elle le portait encore dans son sein, et qu’elle s’enfuyait une première fois devant le mécontentement de Sara, l’envoyé du ciel la consola et l’encouragea en lui annonçant et le secours divin et les futures destinées de son fils. Gen., xvi, 10-12. Voir Ismaélites. A la naissance de l’enfant, Abraham, se’Conformant à la révélation dont il avait eu part, lui donna le nom d’Ismaël. Gen., xvi, 15. Ce nom, qui n’a pas de variantes en grec, est différemment orthographié dans les manuscrits et lés anciennes éditions de la Vulgate, où l’on trouve ; Hismæl, Ismahel, Hîsmahel, et Smahel. L’édition Clémentine elle-même écrit Ismaël dans la Genèse et dans Judith, ii, 13 ; Ismahel dans les Paralipomènes. Cf. C. Vercellone, Variée lecticmes Vulgatæ lalinæ, Rome, 1860, t. i, p. 56. Abraham, qui jusqu’alors, c’est-à-dire à quatre-vingt-six ans, Gen., xvi, 16, n’avait pas eu d’enfants, regarda celui-ci comme l’héritier que Dieu lui avait promis. Gen., xv, 4. Il le crut jusqu’au jour où le Seigneur lui annonça que le fils de la promesse naîtrait de Sara. Le patriarche, étonné ou confus d’une si grande faveur, se contenta de demander pour Ismaêl la vie et la prospérité. Dieu, tout en renouvelant sa prophétie relative à Isaac, accorda également au premier né ses bénédictions : « Quant à Ismaël, dit-il, je t’ai exaucé : voilà que je le bénirai, je l’accroîtrai et le multiplierai beaucoup ; il engendrera douze princes, et . je le ferai père d’une grande nation. » Gen., xvii, 18-20. A treize ans, le fils d’Agar fut circoncis. Gen., xvii, 23, 25, 26. Sara, l’ayant vu un jour s’amuser avec Isaac et peut-être se moquer de lui, dit à Abraham de le chasser avec sa mère. Celui-ci, dont le cœur paternel fut péniblement affecté de cette demande, n’obéit que sur l’ordre de Dieu. Se levant donc un matin, et prenant du pain et une outre d’eau, il en chargea l’épaule d’Agar, lui remit son fils et la renvoya. La pauvre mère reprit une seconde fois le chemin de l’Egypte, et alla s’égarer dans la solitude de Bersabée. Sa provision d’eau finie, elle laissa sous un arbre Ismaël épuisé de fatigue, et, pour ne pas le voir mourir, s’éloigna à une portée de trait, puis se mit à jeter de hauts cris. Dieu entendit sa voix et celle de son enfant. Il lui montra un puits plein d’eau, où elle remplit son outre et redonna un peu de force à celui dont le Seigneur allait faire le chef d’un grand peuple. Gen., xxi, 9-19. Voir Agar, t. i, col. 262. Le texte sacré présente dans le passage que nous venons de résumer certaines difficultés, pour lesquelles nous renvoyons aux commentateurs. On peut cependant, sans voir de contradictions dans les différentes parties du récit, admettre qù’Ismaël, à ce moment, n’était plus un enfant. Chassé de la maison paternelle, le fils d’Abraham demeura et grandit dans le désert, où il devint habile à tirer de l’arc. Il habita dans le désert de Pharan, appelé aujourd’hui Bddiet-et-Tih, situé à l’ouest de l’Arabah, entre les limites méridionales de la Palestine et le massif du Sinaï. Sa mère lui fit épouser une Égyptienne. Gen., xxi, 20-21. C’est la seconde fois que le sang égyptien allait se mêler au sang hébreu, et c’est de ce double mélange que sortiront les Arabes Ismaélites, qui participeront ainsi au caractère des deux races. Les fils d’Ismaël furent au nombre de douze : Nabaioth (hébreu : Nebayôf ; Septante : Naêaiti’6) ; Cédar (Qêddr, KT)8ap), Adbéel {’Adbé’ël, NaSSc^X), Mabsam (Mibèdm, Ma « raâ|x), Masma (MiSma’, Ma<iu.c<x), Duma (Dùtnâh, AoOjia), Massa (Maièd’, Ma<r<rîj), Hadar (ffàdar, XoSSSv), Théma (Têmâ’, ÔaitiS), Jéthur (Yetûr, ’Ie-coûp), Naphis (NdfîS, Naçlç), et Cedma (Qêdmàh, Ke8(ux). Ils furent eux-mêmes chefs des tribus de même nom. Gen., xxv, 12-16 ; I Par., i, 29-31. Pour la situation géographique de ces peuplades et leur histoire, voir Arabie, t. i, col. 856, et les articles spéciaux qui concernent chacune d’elles. Aux douze patriarches, enfants d’Ismaël, il faut ajouter une fille, nommée Mahéleth, Gen., xxviii, 9, Basemath, Gen., xxxvi, 3

(voir Basemath 2, t. i, col. 1492), et qui devint l’épouse d’Esaû. En dehors des événements que nous venons de raconter, la Bible ne nous apprend rien sur la vie d’Ismaël. Nous savons seulement qu’il se retrouva avec Isaac pour ensevelir Abraham dans la caverne de Makpélah. Gen., xxv, 9. Il n’était donc pas trop éloigné pour que la nouvelle de la mort de son père pût lui parvenir. Il mourut à l’âge de 137 ans. Gen., xxv, 17. Ses descendants « habitèrent depuis Hévila jusqu’à Sur, qui est en face de l’Egypte, en allant vers Assur ». Gen., xxv, 18. Voir Hévila 3, col. 688. C’est à eux principalement que s’applique le caractère prédit par Dieu lui-même à propos d’Ismaël, Gen., xvi, 12. Voir Ismaélites.

A. Legendre.
    1. ISMAEL##


2. ISMAEL, fils de Nathanias. Voir Ismahel 2.

    1. ISMAEL##


3. ISMAEL, le troisième des six fils d’Asel, descendant du roi Saül et de Jonathas par Méribaal, c’est-à-dire Miphiboseth. I Par., viii, 38 ; ix, 44. Dans ce dernier passage, la Vulgate écrit son nom « Ismahel ».

    1. ISMAEL##


4. ISMAEL, père de Zabadias. Voir Ismahel 4.

    1. ISMAEL##


5. ISMAEL, fils de Johanan. Voir Ismahel 5.

    1. ISMAEL##


6. ISMAEL, prêtre, descendant de Pheshur, qui avait épousé une femme étrangère. Esdras l’obligea à la renvoyer. I Esd., x, 22.

    1. ISMAÉLITES##

ISMAÉLITES (hébreu : hay-Ismëê’U, au singulier et avec l’article, I Par., ii, 17 ; xxvii, 30 ; JSmëê’Um, au pluriel et sans article, Gen., xxxvii, 25, 27, 28. ; xxxix, 1 ; Jud., viii, 24 ; Ps. lxxxii (hébreu, lxxxiii), 7 ; Septante : ’la|j.air)Xîrric, ’I<r(j.ar)), ÎTat : Vulgate : Ismælitse, Gen., xxxvii, 25, 27, 28 ; xxxix, 1 ; Jud., viii, 24 ; Ismahelites, Ismahelitæ, I Par., ii, 17 ; xxvii, 30 ; r Ps. lxxxii, 7), descendants d’Ismaël, fils d’Abraham et d’Agar. Gen., xxxvii, 25, 27, 28, etc.

I. Histoire.

Dans les passages indiqués de la Genèse et des Juges, le nom d’Ismaélites est une appellation générale qui s’étend aux tribus nomades des régions transjordanes, aux Madianites en particulier. Ils formaient, eneffet, parmi les Abrahamides, la population la plus nombreuse et la plus puissante. Du reste, par la communauté de leur origine, leur genre de vie, leur trafic, les Ismaélites et les Madianites pouvaient être facilement confondus. Il n’est donc pas étonnant de voir les deux noms appliqués aux marchands qui achetèrent Joseph. Gen., xxxvii, 25, 27, 28, 36 ; xxxix, 1. Dans le Ps. lxxxii (hébreu, lxxxiii), 7, les Ismaélites sont pris comme peuple particulier et cités parmi les nations habitant au sud et à l’est de la Palestine et coalisées contre le royaume théocratique. Enfin, dans I Par., n, 17 ; xxvii, 30, le nom ethnique est joint à celui de deux personnages, Jéther et Ubil. C’est tout ce que la Bible nous apprend sur ce peuple considéré dans son ensemble. Il ne reste plus que l’histoire particulière de chacune des tribus issues d’Ismaël, énumérées Gen., xxv, 13-15 : Nabaïoth, Cédar, Adbéel, Mabsam, Masma, Duma, Massa, Hadar, Théma, Jéthur, Naphis, Cedma. Si quelques-unes sont demeurées inconnues, les autres ont pu être identifiées, et nous connaissons, tantôt d’une façon précise, tantôt d’une manière générale, le territoire qu’elles ont occupé. Ce territoire est compris entre le Hedjâz actuel au sud et la Damascène, peut-être le golfe Persique au nord, la Palestine transjordane à l’ouest et les solitudes du désert syrien à l’est. Voir Arabie, t. i, col. 856, 862. Les Nabuthéens surtout ont laissé un nom et des monuments dans l’histoire. Les Ismaélites sont les Mustariba ou « devenus Arabes » dont parlent les historiens de l’Arabie. « Ce fait, qu’une partie des tribus de l’Arabie descendaient d’Ismaël, fils d’Abraham et de l’esclave égyptienne Iiagar, attesté de

jà parla Bible, est un des points les mieux établis de l’histoire de la péninsule. Il est le fondement d’une notable partie des légendes racontées dans le Coran. Fr. Lenormant et E. Babelon, Histoire ancienne dé l’Orient, Paris, 1881-1888, t. vi, p. 353. Cette nation fiait par absorber les tribus jectanides antérieures, et c’est sa langue qui, illustrée et immobilisée par le livre de Mahomet, répandue par les conquêtes de l’Islam dans toutes les parties du monde, est devenue l’arabe. Voir Arabe 2, t. i, col. 835.

II. Cabactère.

L’ange, annonçant la naissance d’Ismaël, traçait en quelques traits énergiques le portrait de cet enfant du désert : « Il sera, dit-il, un homme sauvage, — littéralement : « un onagre d’homme, » père’’âdânx ; — sa main sera contre tous, et la main de tous contre lui ; et eh face de tous ses frères 41 plantera ses tentes. » Gen., xvi, 12. Rapprochons de ces pa-Toles la description de l’onagre par Job, xxxix, 5-8, et nous aurons une peinture saisissante du caractère ismaélite :

Qui a lâché l’onagre en liberté,

Qui a exempté de tout lieu l’âne sauvage,

A qui j’ai attribué le désert pour maison,

Pour demeure la plaine salée (inculte) ?

Il se moque du bruit des villes ;

n n’entend pas les cris du conducteur.

D parcourt les montagnes où sont ses pâturages,

Et il cherche toute espèce de verdure.

Impossible de mieux caractériser l’amour de la liber£. té et l’esprit d’indépendance propres au Bédouin ou Arabe nomade, qui représente aujourd’hui les anciennes tribus ismaélites. Endurci à la fatigue, content de peu, jouissant avec délices du spectacle varié de la nature, il ne veut pour domaine que le désert avec ses maigres pâturages, mais aussi avec ses horizons sans fin. Plein , <le mépris pour son frère de la ville, qu’il appelle dédaigneusement « l’habitant des maisons », il ne souffre aucun joug et ne connaît la voix d’aucun dominateur. Un besoin et un plaisir, en quelque sorte plus forts que sa volonté, le poussent à errer de campement en campement, cherchant l’herbe verte pour ses troupeaux et le changement pour lui-même. Avec le sang chaud qu’il’porte dans les veines, sa colère s’allume facilement ; de là de perpétuelles et souvent irréconciliables rivalités entre les tribus elles-mêmes. Il attend que le fellah ait ensemencé son champ, pour aller lui ravir, dès qu’il commence à poindre, le fruit de son travail. Cette lutte entre l’Arabe sédentaire et le nomade pillard continue de nos jours comme au temps des Juges. Jud., vi, 3-5. Vaillant et fort, le Bédouin est habile à manier la lance, comme Ismaël et les fils de Cédar l’étaient à manier l’arc. Gen., xxi, 20 ; Is., xxi, 17. Sa richesse consiste en troupeaux de brebis, de chèvres, de chameaux. Il habite parfois dans des sortes de villages ou « lieux entoufés de clôtures », frâsêrîm, comme les douars des Arabes d’Afrique. Cf. Gen., xxv, 16. Les Ismaélites faisaient aussi le trafic et servaient d’intermédiaires entre les contrées lointaines de l’Arabie et les ports de la côte phénicienne ou l’Egypte. Leur descendants suivent encore de nos jours la route des marchands qui, au temps de Jacob, transportaient des parfums et des^esclaves dans la terre des pharaons. « Nous vîmes longeant la "vallée, dit un voyageur anglais, une caravane d’Ismaélites, qui venaient de Galaad, comme aux jours de Ruben et de Juda : leurs chameaux étaient chargés d’aromates, de baume et de myrrhe, et ils auraient certainement acheté volontiers un autre Joseph à ses frères pour le conduire en Egypte et le vendre comme esclave à quelque Putiphar. » E. D. Clarke, Travels in varions countrieê of Europa, Asia and Africa, If édit., in-4°, 4813, t. ii, p. 512-513. Pour compléter ce portrait, aussi bien que pour ce qui concerne la religion, on peut voir

.Arabe 1, t. i, col. 828.
A. Legendre.

riCT. DE LA BIBLE.

    1. ISMAHEL##


ISMAHEL, orthographe, dans plusieurs passages de la Vulgate, du nom d’Ismaël. Voir Ishæl 1, col. 990.

    1. ISMAHEL##


1. ISMAHEL, orthographe, dans la Vulgate, I Par., i, 28, 29, 31, du nom du fils d’Abraham et d’Agar, qui est écrit partout ailleurs Ismaël. Voir Ishæl, col. 990.

    1. ISMAHEL##


2. ISMAHEL, fils de Nathanias et petit-fils d’Élisama, de la race royale de Juda, contemporain du prophète Jérémie. Son histoire est racontée en quelques mots dans IV Reg., xxv, 23-25, et avec plus de détails dans Jer., xl, 7-xli, 18. Voir aussi Josèphe, Ant. jud., X, ix. Pendant que l’armée de Nabuchodonosor assiégeait Jérusalem*, Ismahel, comme beaucoup d’autres Juifs, s’était réfugié dans le pays des Ammonites, à la cour du roi Baalis. Après la prise et la ruine de la ville, le roi de Babylone nomma gouverneur de la Palestine Godolias, fils d’Ahicam, qui était animé des meilleures intentions. Son père avait été le protecteur de Jérémie. Jer., xxvi, 24. -Voir Godolias 3, col. 259. Un certain nombre de fugitifs, parmi lesquels Ismahel et Johanan, fils de Carée, rassurés par la nomination de ce gouverneur, lui firent leur soumission. Il les exhorta à rester paisiblement en Judée, ce que firent la plupart. Mais Ismahel retourna chez les Ammonites, et les Juifs fidèles apprirent qu’il aurait formé, probablement à l’instigation de Baalis, roi d’Ammon, le dessein d’assassiner Godolias ; ils se rendirent alors à Masphath, où résidait le gouverneur, au nord de Jérusalem, ils le prévinrent du danger qui le menaçait, et Johanan lui offrit de faire lui-même mettre son ennemi à mort. Godolias ne pouvant croire à tant de scélératesse, s’y opposa et Ismahel put ainsi exécuter son crime. Il arriva à Masphath avec dix compagnons. Le gouverneur les invita tous à un repas, et quand ils eurent fini de manger, ils le tuèrent à coups d’épée ; ils égorgèrent ensuite tous les Juifs qui se trouvaient dans la ville, ainsi que les Chaldéens. Le lendemain, Ismahel fit massacrer également soixante-dix pèlerins de Sichem, de Silo et de Samarie, qui, en habits de deuil, apportaient des offrandes à la maison de Dieu en ruines, et il n’en épargna dix autres que par cupidité ; il fit jeter ses victimes dans.une citerne ; alors, emmenant un grand nombre de captifs, parmi lesquels les filles du roi Sédécias, il se mit en route pour retourner dans le pays d’Ammon. Mais Johanan, ayant réuni à la hâte autant d’hommes qu’il avait pu, marcha à sa rencontre ; il le rejoignit « aux grandes eaux de Gabaon », probablement près de la piscine dont il est question, II Reg., iv, 13, voir Gabaon, col. 21, et il délivra tous les prisonniers. Ismahel réussit à s’enfuir, avec huit de ses hommes, en Ammonitide. Ces événements se passèrent au septième mois de l’an 587, environ trois mois après la prise de Jérusalem. Nous ne savons plus rien d’Ismahel, mais la frayeur qu’inspira son crime à Johanan et à ses compagnons, qui redoutaient la vengeance de Nabuchodonosor, les porta à s’enfuir en Egypte, malgré les conseils de Jérémie qu’ils y entraînèrent de force avec eux. Jer., xli, 17-18 ; xiiii, 5-7. Quel avait été le motif du crime d’Ismahel ? Son origine royale lui avait-elle fait espérer de reconquérir le trône de Juda ? avait-il été poussé par la jalousie ou par quelque sentiment de vengeance personnelle ? Il est impossible de le dire. Les Juifs insti-. tuèrent un jeûne national, celui du septième mois, en expiation du crime d’Ismahel. Cf. Zach., vii, 5 ; viii, 19. Ce jeûne est encore observé par les Israélites de nos jours le 3 de tischri. C. Frd. Keil, Die zwôlf kleinen Prophelen, 1866, p. 579.

    1. ISMAHEL##


3. ISMAHEL, fils d’Asel, de la famille de Saûl. I Par., ix, 44. Son nom est écrit Ismaël par la Vulgate dans I Par., viii, 38. Voir Ismaël 3.

    1. ISMAHEL##


4. ISMAHEL, homme de la tribu de Juda, père de

ni. - 32 995

ISMAHEL — ISRAËL (PEUPLE ET ROYAUME D’)

m :

Zabadias. Ce dernier était nâgîd, « chef » de la maison de Juda du temps du roi Josaphat. II Par., xix, 11.

    1. ISMAHEL##


5. ISMAHEL, fils de Johanan, de la tribu de Juda, un des commandants (iàrîm) de cent hommes, qui aidèrent le grand-prêtre Joïada à faire monter Joas sur le trône usurpé par Athalie. II Par., xxiii, 1.

    1. ISMAHÉLITE##


ISMAHÉLITE, orthographe, dans la Vulgate, I Par., ’S, 17 ; xxvii, 30, et Ps. lxxxii, 7, du nom ethnique écrit ailleurs Ismaélite. Voir Ismaélite.

    1. ISMIEL##

ISMIEL (hébreu : YeHmi’êl ; Septante : ’I<r|ia^X), de la tribu de Siméon, descendant de Séméi, chef d’une des branches de sa tribu. Sous le règne d’Ézéchias, il se joignit à plusieurs de ses frères pour aller s’emparer des riches pâturages situés du côté de Gador. I Par., IV, 36-41. Voir Gàdor, col. 34.

i. ISRAËL (hébreu : Iirâ’êl, « qui lutte avec Dieu, » de iârâh, « c combattre, lutter, » et’El, « Dieu ; » Septante : ’IffpaïjX), surnom donné à Jacob par l’ange contre lequel il lutta en vision pendant la nuit à Phanùel lors de son retour de Mésopotamie. Gen., xxxii, 28 ; cf. Ose., xii, 4. Saint Jérôme, Qusest. heb. in Gen., xxxii, 27, t ; xxiii, col. 988, au lieu d’interpréter ce nom par « celui qui lutte avec ou contre Dieu », l’explique de la manière suivante : « Sarith, d’où le nom d’Israël est dérivé, signifie, dit-il, prince. Le sens est donc : Ton nom ne sera pas supplanteur, c’est-à-dire Jacob, mais ton nom sera- : prince avec Dieu, c’est-à-dire Israël. Car comme je suis prince, ainsi tu seras appelé prince, toi qui as pu lutter avec moi. Si tu as pu combattre avec moi qui suis Dieu ou bien un ange (comme la plupart l’interprètent), à combien plus forte raison le pourras-tu avec )es hommes, c’est-à-dire avec Ésaû que tu ne dois point redouter. » — À la suite de cette vision, le fils d’Isaac fut appelé quelquefois Israël, Gen., xxxvii, 3 ; xlvii, 27 ; mais le texte sacré continue néanmoins à le nommer le plus souvent Jacob. Gen., xxxv, 22 ; xxxvii, 1, etc. Voir Jacob.

    1. ISRAËL (PEUPLE ET ROYAUME D’)##


2. ISRAËL (PEUPLE ET ROYAUME D’), peuple choisi de Dieu pour conserver au milieu des nations polythéistes la connaissance et le culte du seul et unique Dieu et de préparer l’avènement du Messie et de la religion chrétienne dans le monde.

I. Ses noms bibliques.

1° Le peuple d’Israël est appelé : 1° Benê Iirâ’êl, « c fils d’Israël, » Gen., xxxii, 32 ; xxxvi, 31 ; xlv, 21 ; xlvi, 8 ; Exod., i, 1, 7, 9, 13 ; ii, 23, 25, ete ; Luc, i, 16, pour désigner non pas seulement les douze fils de Jacob, mais leurs descendants et leurs tribus ; 2° Bef Iirâ’êl, « maison d’Israël, » Exod., xvi, 31 ; Matlh., x, 6 ; 3*>’Adafbenê Iirâ’êl, cœtus filiorum Israël, Exod., xii, 3 ; 4° Iirâ’êl, seul, Gen., xxxiv, 7 ; xlix, 7, 16, 24 ; Exod. iv, 22 ; v, 2, ete ; Ps.’xiii, 7 ; ou dans les expressions « anciens d’Israël, » Exod., iii, 16 ; « princes d’Israël, » Num., vii, 2 ; « tribus d’Israël, » Exod., xxiv, 4 ; Matth., xrx, 28 ; « homme d’Israël, » Josué, ix, 6 ; « Dieu d’Israël, s Exod., v, 1 ; « terre d’Israël, » I Reg., xiii, 19 ; Matth., D, 20 ; « peuple d’Israël, » Act., iv, 10 ; « roi d’Israël, » Joa., i, 49 ; « espérance d’Israël, » Act., xxviii, 20, etc. Par son origine et sa signification, le nom d’Israël est pour le peuple de Dieu un titre d’honneur. Pelt, Histoire de V Ancien Testament, Paris, 1897, 1. 1, p. 162-163.

2° La signification du nom d’Israël comme nom de peuple varia selon les époques. — 1. À partir de l’Exode, I, 9 ; vi, 5, etc., il fut appliqué par métonymie d’abord à tous les descendants de Jacob. Jos., vii, 15 ; Ruth, iv, 7 ; Jud., xi, 39 ; I Reg., ix, 9..— 2. Après le règne de Saûl, il désigna spécialement les tribus du nord, par opposition à la tribu de Juda, II Reg., ii, 9 ; x, 17, 18 ; six, 11, etc., quoiqu’il s’appliquât encore

quelquefois à l’ensemble des douze tribus. II Reg., i, 24 ; xxiii, 3. — 3. Quand le schisme eut été consommé, le royaume des dix tribus prit le nom de royaume d’Israël par opposition au royaume de Juda. III Reg., xiv, 19, etc. — 4. Enfin une des conséquences de la ruine de Samarie et de la captivité de Babylone fut de faire revivre le nom d’Israël dans son sens général, c’est-à-dire qu’il fut appliqué de nouveau à tous les descendants de Jacob. Jer., iii, 6 ; Ezech., iii, l, etc. L’auteur des Paralipomènes, Esdras et Néhémie l’emploient aussi dans ce sens, quel-. quefois même en parlant de l’époque antérieure à la captivité. II Par., xi, 3 ; xii, 1, etc. ; I Esd., ii, 2, etc. — Chez les mêmes écrivains, le nom d’Israël a, en outre, une acception particulière ; il désigne, comme on dirait de nos jours, les laïques, par opposition aux prêtres et aux lévites. I Par., ix, 2 ; I Esd., vi, 16 ; ix, 1 ; II Esd., xi, 3. — Dans les livres des Machabées, le peuple entier est nommé Israël. I Mach., 1, 12, 21 ; iii, 55 ; iv, 11, etc. Sur les monnaies des princes asmonéens, ’on lit la légende « sicle d’Israël ». Voir Sicle. — 5. Dans le Nouveau Testament, le nom d’Israël continue à désigner le peuple de Dieu, comme dans les derniers livres de l’Ancien, Matth., ii 6 ; Luc, i, 54 ; Act., iv, 10 ; Rom., xi, 2 ; Eph., h, 12, etc. Il a, de plus, un sens particulier, celui de vrai et fidèle adorateur de Dieu, cf. Joa, i, 47 (textegrec, 48), et dans cette acception il est dit même des Gentils qui sont devenus chrétiens. Gal., vi, 16 ; I Cor., x, . 18 ; Rom., ix, 6.

II. Son origine.

Par ses ancêtres, Jacob, Isaac, Abraham et Tharé, le peuple d’Israël se rattache aux filsde Sem, Gen., xi, 10-32, et fait partie avec les Édomites, les Ismaélites et les Térachides du groupe des Sémites. On peut se demander à quelle portion du groupe il serelie par la parenté la plus rapprochée. Généralement, on le fait dériver des Chaldéens et d’Arphaxad. Voir

1. 1., col. 1028-1029, et t. ii, col. 505-509. Cf. Vigouroux, Lai

Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896,, . t. i, p. 535-563. En disant qu’Abraham est sorti de la. Chaldée, la Genèse, xi, 31, indique nettement ses attaches de famille et montre que les Israélites sont très ; éloignés des Chananéens et des Babyloniens. Le P. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, dans lai Revue biblique, t. x, 1901, p. 27-54, les rattacherait plutôt aux Arabes du désert syrien et plus étroitement aux Araméens nomades.

III. Sa. vocation. — Dans le plan de la providence divine sur le genre humain, Israël fut choisi par Dieu, pour être son peuple, et Dieu a voulu être à un titrespécial son Dieu. Exod., vi, 6, 7 ; Lev., xxvi, 11, 12. Il se l’est attaché par des relations particulièrement étroites, dont toutes les autres nations sont exclues pour un temps, et il l’a déclaré sa propriété. Deut., vii, 6, 7 ; xxxii, 9. Il réalisait ainsi ses antiques promesses et il restait fidèle à l’alliance qu’il avait contractée avec Abraham, Gen., xv, 7-21, et qu’il renouvela avec les tribus d’Israël au pied du Sinaï. Exod., xxiv, 1-8. En vertu de ce pacte, le peuple d’Israël devait observer fidèlement les préceptes de son Dieu et lui rendre le culte que lui-même avait fixé et que lui refusaient les autres nations. Deut., xxvi, 16-19. De son côté, Dieu s’engageait, en retour, à exercer une providence spéciale à l’égard des Israélites. Il est leur père, il les a créés, nourris et élevés, Deut., xxxii, 6 ; Isa., i, 2 ; il les a tirés de l’Egypte et les a introduits dans un pays fertile, dont il les a mis en possession, Exod., iii, 7, 8 ; Lev., xxvi, 3-13 ; Deut., xxxii, 9-14. Il a établi sa demeure au milieu d’eux. Exod., xxv, 8 ; xxix, 45, 46. Sa providence s’exerça en Israël dans l’ordre spirituel encore plus qu’au point de vue temporel. Le peuple choisi ne conserva pas seulement la révélation primitive dans toute sa pureté ; il devint, en outre, le dépositaire de nouvelles révélations, qui firent de lui, au moins par destination divine, un peuple saint, prédestiné à devenir le levain qui fera fermenter un jour

la sainteté sur toute la terre. Exod., xix, 5, 6 ; Rom., iii, 1-2 ; Heb., i, 1. De lui enfin devait sortir le sauveur du genre humain. Joa., iv, 22 ; Rom., îx, 5. Cf. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, t. i., p. 110-112. Mais, hélas ! Israël ne se montra pas toujours digne de sa vocation divine, et Dieu dut intervenir constamment dans son histoire pour lui faire remplir sa mission. Cette mission religieuse met Israël hors de pair et le rend supérieur aux Égyptiens et aux Assyriens en influence sur la véritable civilisation.

IV. Son histoire.

Nous ne donnerons ici qu’un aperçu sommaire de l’histoire du peuple d’Israël. Pour les détails, voir les articles spéciaux ; pour la chronologie, voir t. ii, col. 727-734. On peut diviser l’histoire du peuple d’Israël en trois périodes : la première, d’Abraham à Moïse, pendant laquelle il se forme et devient une nation ; la seconde, de Moïse à la captivité, pendant laquelle il a une existence indépendante ; la troisième, de la captivité à la ruine de Jérusalem, pendant laquelle il est plus ou moins asservi aux grands empires païens.

1°> période. — D’Abraham à Moïse. — L’histoire des patriarches est le prélude de l’histoire d’Israël ; elle est la préparation de ce peuple à part, soit par la migration d’Abraham loin de son pays et de sa famille, soit par l’isolement dans lequel Abraham, Isaac et Jacob vivent au milieu des populations chananéennes, soit par l’élimination des branches secondaires, Moabites, Ammonites, Ismaélites, Édomités. Ces patriarches et leur famille ont passé, au pays de Chanaan, comme des étrangers et des nomades, jusqu’au jour où la famine obligea Jacob à descendre en Egypte auprès de Joseph, son fils, devenu providentiellement le premier ministre du pharaon Apapi II. Établis dans la terre de Gessen (voir ce mot, col. 218-221), les enfants de Jacob y demeurèrent quatre cent trente ans, Exod., xii, 40, d’abord favorisés par la dynastie des rois pasteurs qui se souvenait de Joseph, puis laissés en paix par les rois indigènes de la xviiie dynastie, enfin persécutés, à l’avènement de la XIXe dynastie, par un roi qui ne connaissait pas Joseph. Exod., i, 8. Les fils d’Israël s’étaient multipliés sur la terre étrangère et étaient devenus un grand peuple. Exod., i, 7. Parce que leur nombre l’inquiétait, le pharaon, probablement Ramsès II, voulut les empêcher de croître encore, d’abord en leur imposant des corvées extraordinaires, puis en faisant périr à leur naissance tous leurs enfants mâles. Ces mesures de persécution’n’empêchèrent pas les enfants d’Israël de se multiplier. Exod., i, 8-22. Le séjour en Egypte eut pour Israël d’importantes conséquences. Il contribua à le protéger contre le danger de l’idolâtrie et à maintenir en lui la vraie foi en raison de son isolement au milieu des Égyptiens et de l’aversion que la population indigène avait pour lui. Il servit aussi à faire son éducation politique, à changer ses habitudes non « K des en celles de la vie sédentaire, à lui apprendre là cul-’ture des terres, à l’initier aux sciences et aux arts et à lui &ire connaître la constitution d’un État organise.-Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, t. i, p. 114-115 ; 179-181, 188-192.

2> période. — De Moïse à la captivité. — 1. Pour arracher son peuple à l’oppression des Égyptiens, Dieu suscita en Moïse un libérateur, un chef et un législateur. Sauvé des eaux du Nil, élevé à la/cour même du roi d’Egypte, ce sauveur se préparait à la mission qui devait lui être confiée. Dieu se révéla à lui et le chargea de tirer son peuple de l’Egypte. Par une série de châtiments divins, Moïse amena le pharaon à consentir au départ des Israélites. Voir Moïse. Ceux-ci étaient alors au nombre d’environ six cent mille, sans compter lés enfants. Une foule d’étrangers se joignit encore à eux. Exod., xii, 37, 38. La sortie d’Egypte a une importance capitale dans l’histoire d’Israël ; elle est pour ainsi dire le jour de sa naissance comme peuple de Dieu. Il était sons le joug pesant du pharaon ; Dieu l’en affranchit et acquit

par là sur lui un véritable droit de propriété. Exod., vi, 6, 7. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 1 i, p. 183203. La date de cet événement important est fixée, selon l’opinion la plus accréditée, au régne de Ménephtah I er, et elle est confirmée par le témoignage d’une inscription triomphale de ce roi, dans laquelle les Israélites sont mentionnés pour la première fois sur un monument égyptien. Leur nom y figure dans cette phrase : « Ceux A’hraîlou sont arrachés, il n’y en a plus de graine. » Israîlou est l’équivalent exact, en caractères hiéroglyphiques, de l’Israël biblique, car il n’y a aucune vraisemblance que ce soit un autre Israël. Ce texte si laconique atteste au moins deux faits, l’existence d’une tribu d’Israllou et une défaite que cette tribu aurait subie. A le prendre à la lettre, il. s’agirait d’une extermination complète, puisque Israël « n’a plus de graine ». Mais l’exagération habituelle de ces sortes d’inscriptions autorise à réduire de beaucoup la métaphore royale. On peut y voir une allusion à la tentative que Ménephtah fit d’anéantir en Egypte les enfants d’Israël. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, ^’édit., Paris, 1896, t. IV, p. 682-683. Maspero, dans le Journal des Débats, 14 juin 1896, et Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, Paris, 1898, p. 444, propose deux hypothèses. L’ordre dans lequel les Isratlou sont cités au milieu des autres peuples vaincus indique qu’ils habitaient alors au sud de là Syrie, peut-être au voisinage d’Ascalon et de Gazer. On peut donc supposer qu’ils venaient à peine de quitter l’Egypte et de commencer leurs courses errantes. Mais il ajoute qu’on pourrait aussi reconnaître en eux un clan resté au pays de Chanaan, alors que le gros de la nation avait émigré sur les rives du Nil. Toutefois, il n’est guère probable qu’une partie des tribus israélites soit demeurée en Chanaan malgré la famine. Il y a plutôt une allusion à l’exode. Ayant quitté l’Egypte, les Israélites n’existaient plus pour Ménephtah ; ils avaient disparu avec leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux, ne laissant ainsi derrière eux aucune postérité, ou mieux peut-être, ils avaient abandonné leurs récoltes ravagées, ils n’avaient plus de blés. Cf. Bulletin critique, 2 « série, t> iii, 1897, p. 203, 204 ; Bévue d’histoire’et de littérature religieuses, t. ii, 1897, p. 561, 562 ; Revue biblique, t. v, 1896, p. 467, 468 ; t. viii, 1899, p. 267-277.

Parti de Ramessés et de Phithom, Moïse dirigea d’abord sa nombreuse caravane d’Israélites vers la terre de Chanaan. Mais à Étham (voir t. ii, col. 2002, 2003), il prit, sur l’ordre de Dieu, la direction du sud et conduisit le peuple, dont.il était le guide et le chef, sur les bords de la mer Rouge. Exod., xiii, 17, 18. Dieu voulait enlever aux Israélites toute possibilité de retourner en Egypte, en même temps que les préparer dans la presqu’île du Sinaï à se constituer en peuple. C’est aux pieds du Sinaï qu’il promulgua’laloi-religieuse et morale, qui devait en faire son peuple, et qu’il conclut avec eux une alliance perpétuelle. Exod.’, xix-xxxi. La révolte survenue à Cadèsbarnc fut châtiée par un séjour de trente-huit années dans le désert. Num., xiv. Quand la génération des rebelles eut disparu, le peuple réuni marcha vers le pays de Chanaan, dont il devait faire progressivement la conquête. Après avoir conquis par la guerre le droit de passage, Num., xx-xxxii, il accomplit, sous la conduite de Josué, le successeur de Moïse, la conquête et le partage de la terre promise par Dieu à ses ancêtres. L’alliance, conclue avec Dieu au Sinaï, fut renouvelée à Sichem. Jos., xxiv, 1-28. Une fois en possession du pays de Chanaan, Israël jouit complètement de son autonomie politique et nationale. Voir Josué.

2° D’étrangers et dé nomades qu’ils avaient été auparavant, devenus enfin sédentaires, les Israélites vécurent sous le régime patriarcal, restant indépendants les uns des autres, sans autre chef ordinaire que les chefs de famille et les chefs de tribu, et sans autre lien commun

que la religion. Ils furent d’abord fidèles à l’alliance jurée et servirent le Seigneur. Jos., xxiv, 31 ; Jud., ii, 7. Mais il surgit bientôt une génération nouvelle qui n’avait pas été témoin des merveilles que Dieu avait opérées en faveur de la précédente, et le peuple déchut rapidement au point de vue social et religieux. Les Israélites abandonnèrent Jéhovah qui avait tiré leurs pères de l’Egypte et adorèrent les idoles des tribus chananéennes. Jud. ii, 10-13. D’autre part, les tribus tendirent à s’isoler et à ne pas se secourir ; elles cherchèrent même.plus d’une fois à dominer les unes sur les autres. Chacun faisait ce que bon lui semblait. Jud., xiii, 6 ; xviii, 1 ; xxi, 24. Pour rappeler son peuple à là fidélité envers lui, Dieu le livra plusieurs fois aux mains de ses ennemis ; mais bientôt touché de son affliction et de son repentir, il suscitait des juges pour l’affranchir de l’oppression. Jud., ii, 14-49. Les juges, en effet, n’étaient pas des magistrats politiques, placés à la tête du gouvernement et chargés d’administrer tout Israël. Leur mission était temporaire et le plus souvent essentiellement militaire. Ils se mettaient à la tête des tribus opprimées, chassaient l’ennemi et rétablissaient la tranquillité et la prospérité. Chacun d’eux avait des attributions très différentes et exerçait son pouvoir suivant les circonstances et sur des territoires plus ou moins étendus. Voir Othoniel, Aod, 1. 1, col. 714-717 ; Débora, t. ii, col. 1331-1333, et Barac, 1. 1, col. 1443-1446 ; Gédéon, col. 146-149 ; Abimélech, 1. 1, col. 54-58 ; Jephté, Samson, Héli et Samuel. Seuls, Héli et Samuel ont rendu régulièrement la justice. Vigouroux, Manuel biblique, 1-Wdit., Paris, 1901, t. ii, p. 63. Voir Juges.

3° Samuel, le dernier des juges, reçut de Dieu la mission d’établir la royauté en Israël. Il était devenu vieux, et ses fils, qu’il avait donnés pour juges au peuple, se laissaient corrompre par des présents. À cause de ces abus, les anciens d’Israël demandèrent un roi. Samuel résista d’abord à cette demande ; mais, sûr l’ordre de Dieu, il y acquiesça, I Reg., viii, 1-22, et sacra Saûl, I Reg. x, 1, qu’il fit reconnaître par Israël. I Reg., x, 17-27. En abdiquant ses fonctions de juge, il rappela au peuple assemblé la loi de sa divine constitution, I Reg., xii, 1-15. Par ses désobéissances successives, Saül perdit pour sa famille l’espoir d’occuper le trône, I Reg., Xm, 13* 14, et fut lui-même, sinon déposé, du moins réprouvé par Samuel. I Reg., xv, 22, 23. Voir Sàul. Dieu se choisit un homme selon son cœur, et le vieux prophète sacra David, qui fut le chef de la dynastie de Juda. I Reg., XVI, 1-13. La conduite de Saül montra ce que ne devait pas être le monarque hébreu. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 105-106. David, préparé d’avance et de loin à sa haute destinée, cessa d’être un simple chef du peuple et commença à être un véritable roi, comme les monarques d’Egypte et d’Assyrie ; il établit une organisation politique et une administration régulière qui se maintinrent et durèrent, au moins pour le fond, jusqu’à la ruine d’Israël. Malgré ses fautes personnelles, il fut un grand prince, plus admirable encore par sa piété que par ses talents administratifs et militaires. Voir t. ii, col. 1311-1324. Dieu lui avait promis que ses descendants garderaient le trône. II Reg., vii, 12-13. Salomon, désigné pour succéder à son père, exerça pacifiquement la royauté et eut un règne prospère et glorieux, tant qu’il fut fidèle à Dieu. III Reg., iv, 20-28 ; ix, 10-28. Il eut aussi l’honneur, qui avait été refusé à David à cause du sang versé par lui dans les guerres, de construire un temple à Dieu dans sa capitale. Mais ses dernières^asnéesfurent assombries par sa volupté et son idoliMapes. Le Seigneur lui annonça qu’il punirait son inlidéliië par la scission de son royaume, dont une partie se séparerait de sa maison. III Reg., xi, 11-13. Voir Salomon. Le schisme n’eut pas lieu de son vivant ; mais Roboam, son fils et successeur, ayant refusé d’alléger les charges publiques, dix tribus cessèrent de lui obéir et prirent pour roi

Jéroboam I er, qui avait attisé leur rébellion. Voir Roboam et Jéroboam I er. Elles fondèrent ainsi un royaume distinct qu’elles appelèrent « Israël ». Roboam ne régna plus que sur Juda, en gardant Jérusalem comme capitale. III Reg., xii, 1-17. Il y eut dès lors deux royaumes séparés, celui de Juda (voir Juda [Royaume be]), et celui d’Israël dont nous allons résumer l’histoire.

4* Le royaume d’Israël est aussi appelé royaume d’Éphraîm à cause de la prépondérance que prit la tri’bu de ce nom. Voir t. ii, col. 1878, 1879. Beaucoup plus vaste que le royaume de Juda, il embrassait tout le nord de la Palestine depuis Béthel, et toute la contrée qui se trouvait au delà du Jourdain. Il eut successivement pour capitale Sichem, III Reg., xii, 25 ; Thersa, III Reg., xiv, 17 ; xv, 21, et Samarie, fondée par Amri. III Reg., xvi, 24. Son trône fut occupé par plusieurs dynasties qui se supplantèrent et se succédèrent. Malgré l’étendue de son territoire, le royaume d’Israël fut moins prospère que celui de Juda, et il marcha rapidement vers sa ruine. Les causes de sa décadence sont à la fois d’ordre religieux et d’ordre politique. Jéroboam, son fondateur, crut être habile politique, en empêchant ses nouveaux sujets d’aller au temple de Jérusalem pour adorer Jéhovah, parce que ce temple se trouvait dans la capitale du royaume ennemi. Il établit à Dan et à Béthel, aux deux extrémités opposées de son royaume, deux veaux d’or, qui n’étaient dans sa pensée que des symboles de Jéhovah. III Reg., xii, 26-33. Il opéra ainsi un schisme religieux en même temps qu’un schisme politique, qui dura jusqu’à la ruine de son royaume, en 721.

L’histoire du royaume d’Israël peut se résumer dans ses rapports avec le royaume de Juda. Les deux royaumes furent d’abord en guerre l’un contre l’autre. Jéroboam I er attira Sésac, roi d’Egypte, contre Roboam qui fut battu, III Reg., xiv, 25 ; mais Abia, fils de Roboam, remporta sur Jéroboam une grande victoire. Voir 1. 1, col. 41-43. Nadab, fils et successeur de Jéroboam, fut assassiné, après un règne de deux ans, à la suite de la conjuration de Baasa contre lui. Voir Nadab. Ainsi s’accomplissait la prophétie d’Ahia qui avait annoncé l’extermination de la race de Jéroboam. III Reg., xiv, 7-11 ; xv, 25-30. L’usurpateur du trône, Baasa, s’allia contre Juda avec Bénadad I er, roi de Syrie. Le prophète Jéhu lui prédit la ruine de sa famille. III Reg., xvi, 1-4. Voir t.’i, col. 1344, 1345. Éla, fils de Baasa, fut tué durant Un festin, la seconde année de son règne, par Zambri, un de ses officiers. III Reg., xvi, 8-14. Voir t. ii, col. 1629. Sept jours après, celui-ci fut détrôné par Amri, fondateur de Samarie et père d’Achab.

III Reg., xvi, 15-22. Voir t. i, col. 524-526. Sa maison fut en paix avec le royaume de Juda, mais elle introduisit en Israël le culte de Baal, malgré les prophètes Élie et Elisée. Voir t. ii, col. 1670-1676, 1690-1696. Achab remporta deux victoires sur Bénadad et conclut avec ce roi de Syrie une alliance contre l’Assyrie. Il fut défait à Karkar par Salmanasar II. Il s’allia avec Josaphat contre les Syriens ; mais les deux armées furent battues devant Ramoth-Galaad, et Achab périt sur le champ de bataille. Voir t. i, col. 120-124. Ochozias imita son père dans son idolâtrie. III, Reg., xxii, 53, 54. Élie lui prédit sa mort.

IV Reg., i, 16. Voir Ochozias, roi d’Israël. Joram, son frère, proscrivit le culte de Baal, IV Reg., iii, 2, et s’allia avec Josaphat contre les Moabites. IV Reg., iii, 4-27. Il fut blessé dans la guerre qu’il entreprit avec Ochozias de Juda contre Hazaël, roi de Syrie. IV Reg., viii, 28. Voir Joram, roi d’Israël. Jéhu, sacré roi d’Israël par Elisée tua Joram d’un coup de flèche dans la vigne de Naboth. IV Reg., ix, 24. Ce nouvel usurpateur extermina entièrement la maison d’Achab et extirpa le culte de Baal. TV Reg., x, - 1-27. C’est pourquoi Dieu assura le trône d’Israël à sa racé jusqu’à la quatrième génération ; mais parce que Jéhu n’avait pas renversé les veaux d’or de Dan et de Béthel, il fut défait par Hazaël IV. Reg., x, 28-33. Voir Jéhu. Son fils Joachaz fut aussi durement

opprimé par les Syriens. S’étant humilie 1 devant Dieu, il fut délivré de ce péril. IV Reg., un, 1-9. Voir Joachaz. Joas lutta contre Amasias, roi de Juda, et reçut d’Elisée mourant l’assurance d’une triple victoire sur les Assyriens. IV Reg., xiii, 10-25. Voir Joas. Jéroboam II rendit au royaume d’Israël ses anciennes frontières, en reprenant aux Syriens la. région qui est à l’est du Jourdain.

. IV Reg., xiv, 23-29. Voir Jéroboam II. Son fils

Zacharie fut assassiné après six mois de règne. IV Reg. XV, 8-12. Voir Zacharie. Sellum, son meurtrier, périt lui-même au bout d’un mois, victime d’une nouvelle conjuration. IV Reg., xv, 13-16. Voir Sellum. Manahem, le chef de cette conjuration, fut obligé de payer tribut à Phul(Théglathphalasar), roi d’Assyrie. IV Reg., xv, 17-20. Voir Manahem. Son fils Phacéïa fut tué après deux ans par Phacée. IV Reg., xv, 23-25. Voir Phacéïa. Le fils de Romélie s’associa avec Rasin, roi de Syrie, pour attaquer le royaume de Juda, IV Reg., xvi, 5, 6 ; mais ïhéglathphalasar III, roi d’Assyrie, appelé par Achaz, enleva à Israël la région transjordanique. IV Reg., xv, 29. Voir Phacée. Phacée fut assassiné par Osée, qui régna à sa place. Cet usurpateur fut le dernier roi d’Israël. Il refusa de payer le tribut aux Assyriens et chercha à s’allier avec les Égyptiens. Voir Osée, roi d’Israël. Salmanasar IV envahit Israël et commença le siège de Samarie. La ville fut prise par Sargon en 721, et les Israélites furent transportés en Assyrie. IV Reg., xvii, 1-6. Ce royaume périssait à cause de son idolâtrie, IV Reg., xvii, 7-23, que les prophètes, envoyés de Dieu, n’avaient jamais réussi à faire disparaître entièrement. Pas un seul de ses rois n’avait été fidèle à Dieu. Leur nombre fut de dix-neuf, appartenant à neuf familles différentes. La chute rapide des dynasties, qui était une punition divine, n’ouvrait pas les yeux des nouveaux usurpateurs, qui continuaient aveuglément la politique impie de leurs prédécesseurs. Le royaume d’Israël avait duré 240 ou 261 ans, selon les corn puis divers des règnes de ses rois et de ceux de Juda.

3e période. — De la captivité à la niine de Jérusalem par les Romains. — 1° Sur lts faits de la déportation des dix tribus d’Israël, sur les lieux de la déportation et sur la situation des déportés israélites, voir t. ii, col. 227229. Plus tard, Nahuchodonosor transporta en Babylonie les sujets des rois de Juda ; Voir ibid., col. 230-232. La captivité dura plus longtemps pour les Israélites que pour les habitants du royaume de Juda. La liberté fu rendue aux captifs, à l’avènement de Cyrus en 536. Voir t. ii, col. 1191-1194. Mais la plupart des Israélites ne profitèrent pas de l’édit de Cyrus ; ils demeurèrent en Assyrie et en Babylonie. Voir [t. ii, col. 239, 240. Ceux qui revinrent en Palestine furent en majorité des Judéens, et c’est’une des raisons pour lesquelles la communauté, reconstituée par Esdras et Néhémie, fut désignée sous le nom de Juifs.

2° Le retour des déportés dans leur patrie se fit graduellement. Une première caravane revint en Judée sous la conduite de Zorobabel et du grand-prêtre Josué. Voir Zorobabel et Josué grand-prètre. Dès l’année suivante, des préparatifs furent faits pour la reconstruction du Temple, qui fut interrompue à cause de l’opposition des Samaritains. I Esd., i-iv. Cinquante-sept ans pbas tard, la septième année d’Artaxerxés I er, Esdras ramena en Judée d’autres captifs ; il était autorisé à réorganiser le culte du vrai Dieu. Voir t. ii, col. 1929-1932. Une troisième caravane fut ramenée par Néhémie, échanson d’Artaxerxés ! ’: Voir t. i, col. 1039-1042. Néhémie rebâtit les murailles et les portes de Jérusalem, malgré les vives oppositions des peuples voisins. II Esd., l-vi. De concert avec Esdras, il prit les mesures les plus propres à assurer l’observation complète de la loi mosaïque, et plus tard, revenu de la cour d’Artaxerxés, il réorima les abus, qui s’étaient produits pendant son

absence. II Esd., vii-xur. Voir Néhémie. Noos ne sommes pas bien renseignés pour les temps postérieurs à ces événements. Nous savons seulement que l’autorisation accordée aux Juifs par les rois perses de retourner dans leur patrie et d’y vivre selon leurs lois, n’impliquait pas la restitution de leur autonomie politique. Rentrés en Palestine, les Juifs restaient les sujets de ces rois. Ils étaient obligés de reconnaître leur suzeraineté, de payer des impôts et de fournir un contingent de troupes auxiliaires. Si cette époque n’est pas la plus prospère de leur histoire, elle est du moins l’une des plus glorieuses au point de vue religieux. Détournés enfin de l’idolâtrie, ils furent dès lors pour la plupart irrévocablement attachés au service du vrai Dieu. Les prophètes, qui avaient lutté pendant des siècles contre l’invasion du polythéisme en Israël, disparurent avec Malachie. Ils furent remplacés par les scribes qui, s’ils ne reçurent plus de révélations nouvelles, conservèrent le dépôt des vérités révélées, qu’ils prêchaient et faisaient pratiquer au peuple. Voir Scribes.

3° La situation politique changea pour les Israélites, lorsque après la conquête de Tyr, en 332, Alexandre le Grand se rendit le maître de la Palestine. D’après le récit de Josèphe, Ant. jud., XI, viii, 3-6, le conquérant macédonien, après avoir châtié Gaza de sa longue résistance, s’avançait sur Jérusalem, parce que le grandprêtre Jaddus, par fidélité à Darius, lui avait refusé les secours demandés. Voir Jaddus. Mais fortement impressionné par sa rencontre avec Jaddus, qu’en songe il avait vu revêtu de |sës ornements sacerdotaux, il demanda qu’on offrit pour lui un sacrifice dans le temple de Jérusalem ; il laissa aux Juifs la liberté de vivre suivant leurs lois et il leur fit remise du tribut pour les années sabbatiques. Voir 1. 1, col. 345-348. Après la mort d’Alexandre survenue en 323, les Israélites passèrent alternativement sous la domination des Séleucides et des Ptolémées, qui se disputaient l’influence sur l’Orient. De sujets de Séleucus Nicanor qu’ils étaient d’abord, ils devinrent par voie de conquête ceux de Ptolémée Lagus. Pendant quinze ans, les hasards de la guerre les transportèrent d’un empire à l’autre. Après la bataille d’Ipsus, en 301, ils tombèrent pour un siècle sous la domination des Ptolémées. Ces princes se montrèrent généralement bienveillants à l’égard de leurs sujets de Palestine et leur accordèrent même une liberté plus grande que celle dont ils avaient joui auparavant. Ils cherchaient à faire pénétrer chez eux la civilisation et la culture d’esprit grecques. Beaucoup d’Israélites, dans les villes et en particulier à Jérusalem, surtout parmi les classes élevées, se laissèrent séduire et adoptèrent les mœurs païennes. Les Juifs, dispersés en dehors de la Palestine, ressentirent davantage encore les atteintes, de l’esprit hellénique. Il se forma dès lors des partis, qui divisèrent profondément le monde israélite. Les uns, nommés Assidéens ou les pieux, restaient strictement fidèles aux antiques traditions. Voir t. i, col. 1131-1132. Les autres, les hellénisants, penchaient fortement vers les innovations étrangères. La politique attisa les divisions religieuses. Les Assidéens étaient des patriotes, amis de l’indépendance juive ; les hellénisants acceptaient le joug étranger. La persécution d’Antiochus IV Épiphane fit passer la crise à l’état aigu. Voir t. i, col. 693-700.

4° Pour ne pas accepter les réformes religieuses que ce prince voulait imposer aux Israélites, le prêtre Mathathias et ses cinq fils, connus plus tard sous le nom. de Mâcha bées, provoquèrent un soulèvement général des Juifs, et après trente-quatre années de luttes héroïques, , remportèrent une victoire complète et rendirent à leur patrie sa pleine indépendance religieuse et politique. C’était en 143. Voir Machabées, Antiochus V Eupator, t. i, col. 700-703 ; Antiochus VI Dionysos, ibid., col. 703-704 ; Antiochus VII Su>ÈTES, i&irf., col. 704

706 ; Alcime, ïbid., col. 338-340 ; Bacchides, ibid., col. 1373-1374 ; Alexandre I er Balas, ibid., col. 348- » }50 Béhétrius I er Soter, t. ii, col. 1358-1362 ; Démétrius II Nicator, ibid., col. 1362-1364. la seconde année de son administration comme ethnarque et comme grandprêtre, Simon, le dernier des Machabées, vit sa double dignité proclamée, par le peuple, héréditaire dans sa famille. Son fils, Jean Hyrcan, lui succéda, en effet, dans le gouvernement du pays. Malheureusement, la dynastie des princes asmonéens ne demeura pas fidèle’à l’esprit religieux qui l’avait élevée sur le trône ; elle devint peu à peu le jouet des partis politiques et des’sectes religieuses qui divisèrent de plus en plus profondément le peuple juif. Alexandre Jannée fut l’ennemi mortel des Pharisiens, qu’Alexandre, sa veuve, favorisa pendant les neuf années de sa régence. L’Iduméen Antipater, qu’Alexandre Jannée avait nommé gouverneur de l’Idumée, s’immisça habilement dans les luttes d’Aristobule et d’Hyrcan, et fit décider par Pompée que le trône devait revenir à Hyrcan, qui fut confirmé dans sa dignité de grand-prêtre et de prince, mais sans le titre de roi et sous la suzeraineté de Rome. Cette intervention des Romains dans les affaires juives amena en peu d’années la perte de l’autonomie d’Israël.’5° Antipater fit nommer par César ses deux fils, Phasaël et Hérode, gouverneurs, le premier de Jérusalem, et le second de Galilée. Celui-ci, ambitieux et fourbe comme son père, réussit, en l’an 40, à se faire désigner par les Romains roi des Juifs. Il lui fallut trois années de lutte et le concours des armées romaines pour faire reconnaître sa dignité royale. Ce roi étranger entreprit la reconstruction du temple de Jérusalem. Voir Hérode le Grand, col. 641. C’est dans les derniers mois de son règne que naquit le Messie, prédit par les prophètes d’Israël comme le sauveur du monde. Par son testament, qu’Auguste ratifia en partie, Hérode avait partagé la Palestine entre ses trois fils. Archélaûs eut la Judée proprement dite, la Samarie et l’Idumée ; mais au Bout de dix ans, il fut exilé à Vienne en Gaule. Voir t. j, col. 927, 928. Son ethnarchie devint alors province romaine et fut gouvernée par un procurateur. Voir Procurateur. Cet événement marque la fin de l’autonomie d’Israël. Philippe, frère d’Archélaûs, fut tétrarque de l’Iturie et de la Trachonitide jusqu’en l’an 34 de l’ère chrétienne. À sa mort, sa tétrarchie fut annexée à la province de Syrie. Voir Hérode Philippe II, col. 649. Hérode, surnommé Antipas, fut tétrarque de la Galilée. Il mourut exilé dans les Gaules, après avoir été dépouillé de sa tétrarchie par Caligula. Voir Hérode Antipas, col. 647. Cet empereur, à son avènement, avait nommé Agrippa I er, frère d’Hérodiade, roi de Judée ; il lui donna encore la tétrarchie d’Antipas. À la mort d’Agrippa, en 44, la Judée redevint province romaine et fut de nouveau gouvernée par des procurateurs. Des révoltes éclatèrent, excitées par de faux messies. Agrippa II fut nommé roi, mais il n’eut que l’ombre du pouvoir et ne posséda aucune autorité. En 66, l’insurrection s’organisa à Jérusalem. Vespasien qui avait commencé la guerre, en qualité de légat impérial de Syrie, chargea son fils Titus de la poursuivre, lorsqu’il fut proclamé empereur. Après un terrible siège de plusieurs mois, la ville de Jérusalem fut prise et détruite par l’incendie, en l’an 70. Voir Jérusalem. Israël cessa d’être un peuple et ne recouvra plus jamais son autonomie politique. Sans temple, sans sacerdoce et sans sacrifice, il ne garda plus que l’ombre de son ancien culte. Il avait, d’ailleurs, rempli sa mission ; il avait conservé dans le monde la notion et l’adoration du vrai Dieu. Le Messie, qu’il devait préparer, était sorti de son sein et avait fondé une nouvelle société religieuse pour remplacer l’ancienne. Il était venu parmi les siens, et les siens ne l’avaient pas reçu. Joa., i, 11. Il avait prêché le salut aux Juifs, et quelques-ans seulement avaient prêté l’oreille à ses

enseignements. La nation l’avait fait mourir et s’était révoltée, une fois de plus, contre son Dieu. Un vin nouveau coulait pour l’humanité ; la vieille outre, usée, était mise hors de service..

Bibliographie. — 1° Ouvrages catholiques : Sulpice Sévère, Ckronic., 1-n, 27, t. xx, col. 95-144 ; S. Augustin, De eivilate Dei, xvi-xviii, t. Xli, col. 475-620 ; Pierre Comestor, Historia scholaslica, t. cxCvm, col. 1090-1538 ; Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, 1681, souvent réédité à part ou dans les œuvres complètes ; Calmet, Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament et des Juifs, 2 in-4°, Paris, 1718 ; voir t. ii, col. 74 ; Berruyer, Histoire du peuple de Dieu, Paris, 1728 ; ^oir t. i, col. 1627-1629 ; Noël Alexandre, Historia ecclesiastica, Paris, 1699 (le premier volume est consacré à l’histoire de l’Ancien Testament) ; voir t. i, col. 352 ; Stolberg, Gesckickte der Religion Jesu Christi, Hambourg, 1806, les quatre premiers volumes traitent de l’histoire sainte ; Krafft, Heilige Geschichte, 3 vol., Schaffhouse, 1854-1858 ; Rohrbacher, Histoire universelle de l’Église catholique, t. i, Nancy, 1842 ; Haneberg, Geschichte der gôttliche Offenbarung, 4e édit., Ratisbonne, 1876 ; trad. franc.- par Goschler, 2 in-8°, Paris, 1856 ; Danko, Historia revelationis divines. V. T., Vienne, 1862 ; Schuster, Handbuch zur biblisclie Geschichte, 1862, 4e édit., 1886 ; Zschokke, Historia sacra Antiqui Testamenti, Vienne, 1872 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. vi, Paris, 1888, p. 103-333 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 2 in-12, Paris, 1897. — 2° Ouvrages protestants : Usher, Annales V. et N. T., Londres, 1650-1654 ; Buddeus, Historia ecclesiastica V.T., Halle, 1715 ; H. Prideaux, The Oldand New Testament connected in the kislory of the Jews and neighbouring nations, 2 in-f°, Londres, 1716-1718 ; S. Shukford, The sacred and propliane hist. of the world connected, 2 in-8°. Londres, 1727-1728 ; K. G. Lange, Versuch einer Harmonie der heiligen und Profanscribenten in der Geschichte derWelt, d in-4°, Bayreuth, 1778-1780 ; Spanheim, 17t8t. eccl.ab condito Adamo usque ad tevum christ., Leyde, 1701 ; Basnage, Histoire du V. et du N. T, , 4 in-12, Genève, 1708 ; Hess, Geschichte der Israe’liten von den Zeiten Jesu, Zurich, 1776-1788 ; Kurtz, Lehrbuch der heiligen Gesch., Kœnigsberg, 1843, 13e édit., 1874 ; Id., Geschichte des Allen Bundes, Berlin, 1848, 3e édit., 1864. — 3° Ouvrages rationalistes : Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3 vol., Gœttingue, 1843-1852, 3e édit., 7 in-8°, 1864-1868 ; Bertheau, Zur Geschichte der Isræliten, Gœttingue, 1842 ; von Lengerke, Kenaan, Volks und Religionsgeschichle Isræls, t. i, Kœnigsberg, 1844 ; Eisenlohr, Dos Volk Israël unter der Herrschaft der Kônige, Leipzjg, 1855-1856 ; Menzel, Slaats-und Religionsgeschichte der Kônigreiche Israël und Juda, Breslau, 1853 ; Hasse, Geschichte des Alten Bundes, Leipzig, 1863 ; Weber et Holtzmann, Geschichte des Volkes Israël, 2 in-8°, Leipzig, 1867 ; Hitzig, Geschichte des Volkes Israël, Leipzig, 1869 ; Kuenen, De godsdienst van Israël tôt den ondergang vandenjoods clienstaat, Harlem, 1869-1870 ; Hengstenberg, Geschichte des Reiclies Gottes unter dem Alten Bunde, 3 in-8°, Berlin, 1869-1871 ; Kôhler, Lehrbuch der biblischen Geschichte A. T., Erlangen, 1875-1893 ; Seinecke, Geschickte des Volkes Israël, ^ in-8°, Gœttingue, 1876-1884 ; Wellhausen, Geschichte Isræls, Berlin, 1878 ; Id., Isrælitiscke und jùdische Geschichte, Berlin, 1894 ; Stade, Geschichte des Volkes Israël, 2 in-8°, Berlin, 1887 ; Renan, Histoire du peuple d’Israël, 5 in-8°, Paris, 18871893 ; Kittel, Geschichte der Hebrâer, 2 in-8°, Gotha, 1888-1892 ; Winckler, Geschichte Isræls, 1895 ; Klostermann, Geschichte des Volkes Israël, Munich, 1896 ; E. Montet, Histoire du peuple d’Israël, 2e édit., Genève, 1896 ; Piepenbring, Histoire du peuple d’Israël, Strasbourg, 1898 ; Cornill, Geschichte des Volkes Israël von denàlteslen Zeiten bis zur Zerslôrung Jérusalem durch

die Ppmer, Chicago, 1898 ; Fries, Moderne Darstéllungen der Geschichte Israël*, Fribourg-en-Brisgau, 1898 ; Guthe, Geschichte des Volkes Israël, Fribourg-en-Brisgau, 1899 ; Stærk, Studien zur Religions-und Sprachgeschichte des A. T., Berlin, 1899 ; Cheyne, Das religiôse Leben der Juden nach dem Exil, trad. allemande, Geissen, 1899 ; Lôhr, Geschichte des Volkes Israël, Strasbourg, 1900. — 4° Ouvrages juifs : Josippon, édité par Sébastien Munster, Bâle, 1541 ; Seder Olam rabba, édité par Meyer, Amsterdam, 1649 ; Jost, Allgenieine Geschichte des isrælitischen Volkes, 2 vol., Berlin, 1831 ; Id., Geschichte der Isræliten, Berlin, 1820 ; Munk, Palestine, Paris, 1845 et 1881 ; Herzfeld, Geschichte des Volkes Israël, Brunswick, 1847 ; Grâtz, Geschichte der Juden seit den âlteslen Zeiten, Il in-8°, Leipzig, 18541875 ; Geiger, Dos Judenthum und seine Geschichte, Breslau, 1864-1871 ; B*âck, Geschichte des j’àdischen Volkes und seine Literatur, Lissa, 1877 ; Friedlânder, Geschichte des isrælitischen Volkes, 1848 ; Baphall, Post-biblical Hislory of the Jews fromthe close of the Old Test, till the destruction of the second teniple in Iheyear 70, 2 in-8°, Londres, 1856 ; David Cassel, Lehrbuch der jûd. Geschichte und Literatur, Leipzig, 1879 ; Braun, Geschichte der Juden, Breslau, 1896 ; S. Œttli, Geschichte lsræls, Stuttgart, 1905.

£. Mangenot.

    1. ISRAËL##


3. ISRAËL, nom géographique. Dans un sens géographique, ’érés lira’êl, « terre d’Israël, » veut dire : 1° la Palestine, I Sam., xiii, 19 ; II (IV) Reg., vi, 23 ; Eiech., xxvii, 17 (et simplement lira’êl, au féminin, Is., xix, 24) ; if[’IorparjX, Matth., iꝟ. 20, etc. ; — 2° le territoire du royaume des dix tribus. Voir Israël 2.

    1. ISRAÉLITE##

ISRAÉLITE (hébreu : Iire’êli ; féminin : Iire’êlit ; Lev., xxiv, 10 ; Septante : ’laparikii-rn ; Vulgate : Israe-’lita), descendant d’Israël (Jacob) ou bien appartenant soit au peuple soit à la terre d’Israël, dans toutes les accep-’lions énumérées Israël. 2, col. 995. Lev., xxiv, 10 ; I Reg., xvii, 11, etc. Sur l’emploi de ce nom patronymique et ethnique comparé à Hébreu et à Juif, voir ces deux mots.

    1. ISRÉÉLA##

ISRÉÉLA (hébreu : Yeiar’êlâh ; Septante : ’LrepriJÀ ; Alexandrinus : ’laptrikà), lévite, de la maison d’Asaph, chef du septième des vingt-quatre chœurs de musiciens du Temple. Il était, à la tête de douze musiciens. I Par., xxv, 14. Son nom est écrit Asaréla dans I Par., xxv, 2. Voir Asaréla, 1. 1, col. 1058.

    1. ISSACHAR##

ISSACHAR (hébreu ; Mâ(s)kâr ; Septante : ’I « roc-y. ap), nom d’un patriarche, fils de Jacob, d’une tribu d’Israël et d’un lévite.

    1. ISSACHAR##


1. ISSACHAR, le neuvième fils de Jacob et le cinquième que lui donna Lia. Gen., xxx, 17, 18 ; xxxv, 23 ; I Par., ii, 1. Son nom, comme celui de ses frères, est rattaché à une circonstance particulière. En le mettant au monde, sa mère dit : « Dieu m’a donné ma récompense (hébreu : iekârî), parce que j’ai donné ma servante à mon mari. Aussi l’appela-t-elle Issachar. » Gen., xxx, 18. Voyant sa fécondité cesser après la nais--sance de son quatrième fils, elle avait demandé à Jacob de prendre sa servante Zelpha, Gen., xxx, 9, et c’est à cette abnégation, jointe à ses prières, Gen., xxx, 17, qu’elle attribua le bonheur’d’avoir ce cinquième enfant. Le nom hébreu est écrit et ponctuée "i : w’w>, IUdskai ;

T T*

dans le texte massorétique, qui ne tient pas compte du second sin, fr. Cependant l’orthographe i : w> est invariable dans le Pentateuque samaritain, la version samaritaine, les Targums d’Onkelos et du Pseudo-Jonathan, aussi bien que dans l’hébreu. Les massorètes ont donc employé les points-voyelles d’un . qeri perpétuel, comme s’il y avait ijifi, Iéiàkar, forme

niphal du verbe iâkar, dont la signification est alors : « il est obtenu en récompense. » Cf. Gen., xxx, 16, < èdkôr Sekarfikd ; Vulgate, mercede conduxi te, « je t’ai acquis en récompense. » C’est ainsi que Josèphe, Ant. jud., i, xix, 8, explique le nom : I<r<ràj£ a P l ? l*^ v i <"ii"tfvwv tov ir. (jLt(160’j "jev6]ievov, « Issachar, signifiant celui qui est né d’une récompense ». Mais le ketib peut aussi être ponctué de deux façons : isfew », Isiâiâkàr, ce

T T T.

qui serait une contraction de isto mw>, Usa’èdkâr, « il

TT f

(Dieu) apporte une récompense, » cf. J. Fùrst, Hebrâiscltes und Chaldâisches Handwôrterbuch, Leipzig, 1876. t. i, p. 561 ; ou bien-o W, liidkâr, pour 13ttr #>, yês

iâkdr, « il y a récompense. » Cf. A. Dillmann, Die Genesis, Leipzig, 1892. p. 344. Cette dernière expression se rencontre II Par., xv, 7 ; Jer., xxxi, 16. On trouve dans la Bible d’autres exemples de mots ayant une consonne doublée au ketib, et une simple ou qeri. Cf. II Par., vii, 6 ; xxix, 28 ; Jer., xxxvii, 13, 14. Issachar eut quatre lils : Thola, Phua, Job et Semron. Gen., xlvi, 13 ; I Par., vii, 1. L’Écriture ne nous donne pas d’autres renseignements sur ce patriarche, père

de la tribu qui porte son nom.
A. Legendre.
    1. ISSACHAR##


2. ISSACHAR, lévite, le septième des fils d’Obédédom, un des portiers de la maison de Dieu du temps de David. I Par., xxvi, 5.

    1. ISSACHAR##


3. ISSACHAR, une des douze tribus d’Israël.

i. Géographie. — La tribu d’Issachar occupait la grande plaine d’Esdrelon, ayant Manassé au sud et à l’ouest, Aser au nord-ouest, Zabulon et Nephthali au nord, et le Jourdain à l’est. La Bible n’en décrit pas les limites précises ; mais les villes principales qu’elle énumère et les détails qu’elle nous donne par ailleurs sur l’étendue des territoires voisins nous permettent d’en déterminer assez facilement les contours. Voir la carte, fig. 187.

I. villes principales.

Ces villes sont indiquées dans Josué, xix, 17-23. Nous ne donnons ici, en suivant l’ordre de la liste, que leur identification ou certaine ou probable, ’renvoyant pour le reste aux articles qui concernent chacune d’elles.

1. Jezraël (hébreu : Yzrëëldh ; Septante : Codex Vatinus : ’IaZr[k ; Codex Alexandrinus : ’l^f où), est aujourd’hui sans contredit le village de Zer’in, au pied du du mont Gelboé, vers le nord-ouest.

2. Casaloth (hébreu : hak-Kesultôf, avec l’article ; Septante : Codex Vaticanus : Xaua).(16 ; Codex Alexandrinus : ’Ax « iTEÀ<18), existe encore sous le même nom de lksâl ou Ksdl, au sud-est de Nazareth, à l’appui des premiers contreforts des collines galiléennes.

3. Sunem (hébreu : tsûnein ; Septante : Codex Vaticanus : Souviv, Codex Alexandrinus : So « vâ|i), actuellement Sôlâm ou Sûlem au pied du Djebel Dâhy ou Petit-Hermon.

4. Hapbaraim (hébreu : ffàfâraîm ; Septante, Codex Vaticanus : ’Afeîv ; Codex Alexandrinus : ’Açep « i[i)> la IJa-pu-ra-ma des monuments égyptiens. Cf. W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 153, 170. Son site est incertain. Les uns la placent à Khirbet el-Farrïyéh, au nord-ouest d’El-Ledjdjûn. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 48 ; G. Armstrong, W. WilsonetConder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 79. D’autres ont cherché à l’identifier avec le village d’El-Afûléh au nordouest de Zer’in. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 154.

5. Séon (hébreu : Ëî’ôn ; Septante, Codex Vaticanus : Stwvi ; Codex Alexandrinus : Stiâv). Eusèbe et S. Jérôme, Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870, p. 152, 294, la placent près du mont Tbabor. C’est d’après ce  »

renseignement’que les explorateurs anglais croient la retrouver à’Ayûn esch-Scha’in, au nord-ouest du Thabor. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the OUI and New Testament, p. 163. Cest sans doute le bourg de Sain signalé par R. J. Sclrwarz, Dos heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 131, entre Deburiyéh (Dabéreth) et Yâfa (Japhié). Douteux.

6. Anaharath (hébreu : ’Anâhârât ; Septante : Codex Vàticanus : ’Avaxepéô ; Codex Alexandrinus : ’AfpavéD), la Anûhertû des pylônes de Earnak, n » 52. Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 23. C’est aujourd’hui très probablement En-Na’urah, localité située à la partie septentrionale du Djebel Ddhy.

7. Rabboth (hébreu : hâ-Rabbit ; Septante : Codex Vaticanus : Aaéeip<Jv ; Codex Alexandrinus : Pa66cà6), actuellement Rdbd, au sud-est de Djénin. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in theOldandNewTest., p.iiS.

8. Césion (hébreu : Qisyùn ; Septante : Cod. Vat. : Keieriiv ; Cod. Alex. : Ke<hiôv), appelée Cédés (hébreu : Qédéi), I Par., vi, 72 (hébreu, 57). Avec ce dernier nom, elle peut être représentée par Tell Abu Qudéis, au sudest A’El-Ledjdjùn. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, t. ii, p. 48, 69.

9. Abès (hébreu : Â’bés ; Septante : Cod. Vat. : ’Piêtç ;. Cod. Alex. : ’Ae ; U), placée par certains auteurs à Khirbet eUBéida, à l’extrémité nord-ouest de la plaine d’Esdrelon. Cf. R. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 401. D’autres la chercheraient plus volontiers à Khirbet’Abâ, à l’est de Djénin. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Palàstina, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 204.

10. Aaméth (hébreu : Remet ; Septante : Cod. Vat. : ’Pé(ji(iaç ; Cod. Alex. : ’PajiàO), appelée Jaramoth (hébreu : Yarmûf ; Septante : Cod. Vat. : ’Pep.|juz() ; Cod. Alex. : ’IepiuiO), Jos., xxi, 29, et Ramoth (hébreu : Rd’tnâf ; Septante : ’Pa|u£8), I Par., vi, 73 (hébreu, 58). On a cherché à l’identifier avec Er-Râméh, au sudouest de Tell Dothdn, cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places etc., p. 150 ; ce point nous parait en dehors des limites d’Issachar.

11. Engannim (hébreu : ’Ên-Gannïm ; Septante : Cod. Vat. : ’Ie<Av xai To(jL|j.àv ; Cod. Alex. : ’H-yYavviti.) est aujourd’hui la petite ville de Djénin, à l’entrée de la plaine d’Esdrelon, lorsqu’on vient des montagnes de la Samarie.

12. Enhadda (hébreu : ’Ên-fladdâh ; Septante : Cod. Vat. : Aijiapéx ; Cod. Alex. : ’Hva86à), peut-être Kefr’Adân, au nord-ouest et tout près de Djénin. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, t. n. p. 45.

13. Bethphésés (hébreu : Bèt passés, « maison de la dispersion ; » Septante : Cod. Vat. : B^aa ?^ ; Cod. Alex. : Ba16 ?aor, ), inconnue.

A cette liste il faut ajouter les cinq villes suivantes, qui furent données à Manassé, Jos., xvii, 11 ; Jud., i, 27, mais n’en demeurent pas moins dans les limites d’Issachar, qu’elles nous permettent de fixer plus sûrement.

14. Bethsan (hébreu : Bèf Se’dn, « maison du repos ; > Septante : BcuDoiv), aujourd’hui Béîsân, non loin du Jourdain, à l’extrémité orientale de la vallée qui court entre le Petit Hermon et le Gelboé, et n’est que le prolongement de la plaine d’Esdrelon.

15. Jéblaam (hébreu : Ylle’dm ; Septante : omis Jos., xvii, 11 ; ’IeSXaâp, Jud., i, 27), la Belma du livre de Judith, vii, 3, la Jabluamu des monuments égyptiens, est reconnue par bon nombre d’auteurs dans Khirbel BeVaméh, au sud de Djénin.

16. Endor (hébreu : ’En Dur : Septante : omis Jos., xvii, 11 ; ailleurs, ’AeXSt&p, I Reg., xxviii, 7 ; ’Aevîwp, Ps. lxxxji, 11, existe encore sous le même nom de

Endôr ou Endûr, sur les dernières pentes septentrionales du Djebel Ddhy.

17. Thénac (hébreu : Ta’ânâk ; Septante : Cod. Vat. : omis ; Cod. Alex..-Tavox), ailleurs Thanach, Jos., xxi, 25, actuellement Ta’annûk, au nord-ouest de Djénin.

18. Mageddo (hébreu : Megiddô ; Septante : MafESSw), ville célèbre, connue chez les Égyptiens et les Assyriens sous le même nom, Magidi et Magidu, généralement identifiée aujourd’hui avec El-Ledjdjûn (de l’antique dénomination romaine Legio), au nord-ouest de Ta’annûk.

Il est enfin une cité lévitique attribuée à Issachar, Jos., xxi, 28, et qui n’est pas comprise dans la liste de Josué, xix, 17-23. C’est :,

19. Dabéreth (hébreu : Dâberaf ; Septante : Cod. Vat. : b166â ; Cod. Alex. : Ae6pà9), aujourd’hui Deburiyéh, à l’ouest et au pied du Thabor.

n. limites E T description. — Les villes que nous venons d’énumérer montrent dans son ensemble l’étendue du territoire d’Issachar. Le texte sacré ajoute, Jos., xix, 22 : « Et sa limite va jusqu’à Thabor, et Séhésima et Bethsamès, pour se terminer au Jourdain. » Séhésima (hébreu : Sahâsimâh ; Septante : Cod. Vat. : EaXrfjjL xarà èâÀaTvav ; Cod. Alex. ::£a<ret|xâ6) est inconnue ; mais nous avons dans Thabor, montagne ou ville, un point bien déterminé au nord, et dans Bethsamès la frontière opposée au sud-est, si l’on identifie ce nom avec’Ain esch-Schemsiyéh. Voir Bethsamès 2, t. i, col. 1730. En, tout cas, le Jourdain forme la limite orientale. Celle du nord n’est pas moins facile à fixer d’après la ligne de démarcation qui termine de ce côté la tribu de Zabulon. Pour décrire cette ligne, Josué, xix, 11, 12, prend comme point central Sarid (Tell Schadûd), d’où il se dirige d’abord vers l’occident par Merala (Ma’lûl), Debbaseth (peut-être Djébata), jusqu’au torrent qui est contre Jéconam, et ensuite vers l’orient, sur les frontières de Céséleth-Thabor (Iksâl) et du côté de Dabéreth (Deburiyéh). Si, d’autre part, il est permis de voir à-Edéma (Khirbet Admah) l’extrême limite méridionale de Nephthali, nous aurons le tracé exact de la frontière nord d’Issachar. Nous n’avons pas les mêmes ressources du côté de Mapassé, dont les limites sont indiquées d’une manière vague et obscure. Jos., xvii, 7-11. Il est cependant an point qui peut nous servir de jalon, c’est Aser (Teydsîr), donnné comme un des confins extrêmes de cette tribu, et marquant par là même une ligne d’arrêt dans la frontière méridionale d’Issachar. En remontant de là vers le nord-ouest, nous n’avons plus qu’à suivrela direction indiquée par les villes que la demi-tribu de Manassé fut obligée de prendre à sa voisine, c’est-à-dire Jéblaam, Thanach et Mageddo. Nous arrivons ainsi an Carmel, point de contact entre Aser et Issachar.

Comme on le voit, la tribu d’Issachar occupait la

grande plaine d’Esdrelon avec les vallées qui en sont le prolongement jusqu’au Jourdain. Cette plaine tiremême son nom de la première des villes qui formèrent l’héritage de la tribu, c’est-à-dire Jezraël, antique cité royale. Elle emprunta aussi sa dénomination de « plaine de Mageddo » à une autre place de ce nom, qui n’est pas moins importante. Profondément encaissée entre les montagnes de Samarie au sud, et celles de Galilée au. nord, elle est bordée à l’est par deux petites chaînes, dont l’une, le Djebel Fuqu’a ou mont de Gelboé, se rattache au massif méridional ; l’autre, le Djebel Dàhy ou Petit-Hermon, semble un fort avancé du massif septentrional. L’ensemble du territoire comprend deux versants bien distincts, celui de la Méditerranée et celui du Jourdain. Le premier, qui s’étend en pente douce, est drainé par le torrent de Cison ou Nahr elr-Muqatta’, dont les nombreuses ramifications pénètrent le sol, tantôt le creusant profondément, tantôt en transformant quelques coins en marais. Le second s’affaisse rapidement vers le Jourdain où descendent les torrent » Dictionnaire de la.Bible.

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qui prennent naissance dans le Gelboé et le Petit’Hermon. Cette plaine et ces vallées constituent une des parties les plus fertiles de la Palestine. Le Cison est entretenu non seulement par des torrents temporaires, mais encore par des sources assez abondantes, comme celle de Djénîn, et celles qui se rencontrent en assez grand nombre aux environs et au-dessus d’Él-Ledjdjûn. A travers cette campagne presque unie, ce sont d’interminables champs de blé ou de vastes espaces recouverts de grandes herbes et de chardons géants. Les alentours de Béisdn sont merveilleusement arrosés. De belles plantations de palmiers disaient autrefois l’un des ornements et l’une des principales richesses de Scyfhopolis. La vigne tapissait les flancs du Gelboé aux environs de Zer’în, comme nous l’apprend l’Écriture, III Reg., xxi, 1, et comme l’attestent encore aujourd’hui les antiques pressoirs creusés dans le roc. À ces avantages s’ajoute un magnifique réseau de routes qui faisaient de cette contrée Comme le carrefour des nations. Là se croisaient les voies militaires et commerciales qui mettaient en communication tous les pays environnants, jusqu’à l’Egypte et l’Assyrie. Pour plus de détails, voir Esdrelon, t. ii, col. 1945 ; Cison, t. ii, col. 781 ; Engannim 2, t. ii, col. 1802. On comprend après cela l’admirable exactitude de la prophétie de Jacob, nous représentant Issachar comme satisfait de la richesse de, son territoire, ne songeant qu’à son bien-être, et, pour jouir du repos, se rendant même tributaire des étrangers. Gen., xlix, 14-15 :

Issachar est un âne robuste ;

Couché dans son étable,

n voit que le repos est doux

Et le pays agréable :

n incline son épaule sous le fardeau,

Il s’assujettit au tribut.

II. Histoire.

Au moment où Jacob descendait en Egypte, les quatre fils d’Issachar formaient le noyau de la tribu. Gen., xlvi, 13 ; I Par., vii, 1. Lors du premier recensement fait au Sinaï, elle avait pour chef Nathanaël, fils deSuar, Num., i, 8 ; x, 15, et elle comptait 54 400 hommes en état de porter les armes. Num., i, 28-29. Dans les campements, elle avait sa place à l’est du tabernacle, aux côtés et sous les ordres de Juda, avec Zabulon, tous deux également issus de Lia. Kum., ii, 5. Elle fit au sanctuaire, par les mains de son prince, les mêmes offrandes que les autres tribus. Num., vii, 18. Parmi les explorateurs du pays de Chanaan, celui qui la représentait était Igal, fils de Joseph. Num., xiii, 8. Au second recensement, dans les plaines de Moab, elle comptait 64300 hommes, soit près de 10000 de plus qu’au premier. Num. xxvi, 23-25. — Au nombre des commissaires chargés d’effectuer le partage de la terre Promise, se trouvait un de ses enfants, Phaltiél, fils d’Ozan. Num., xxxrv, 26. — Lorsque les Hébreux prirent solennellement possession de cette terre dans la vallée de Sichem, la tribu d’Issachar se tint sur le mont Garizim pour prononcer les bénédictions. Deut., xxvii, 12. — Elledonna quatre villes aux Lévites fils de Gerson. Jos., xxi, 6, 28, 29 ; I Par., vi, 62-72 (hébreu, 47-57). - Ses chefs et ses guerriers sont comptés parmi les braves" qui combattirent avec Débora et Barac ; la lutte du reste se passait sur son territoire. Jud., v, 15. — Elle eut aussi l’honneur de donner un juge à Israël, Thola, fils de Phua. Jud., x, 1. — Au temps de David, elle était l’une des tribus les plus nombreuses et les plus puissantes avec ses 87 000 hommes, très vaillants à la guerre. I Par. vu, 5. Elle fournit son contingent, dont le chiffre n’est pas indiqué, pour l’élection royale de ce prince à Hébron. I Par., xii, 32. Malgré la distance qui la séparait de cette ville, elle y envoya des provisions, pour participer ainsi à la fête nationale qui s’y célébrait. I Par., xii, 40. — Sous Salomon, son territoire formait une des douze

préfectures établies pour l’entretien de la maison royale, et l’intendant chargé d’y lever les impôts se nommait Josaphat, fils de Pharué. III Reg., IV, 17. — Le troisième roi d’Israël, Baasa, fondateur de la seconde dynastie, était de cette tribu. III Reg., xv, 27. — Sous Ézé chias, à l’appel de ce pieux roi, une bonne partie de la population consentit à venir au temple et à célébrer la Pâque. II Par., xxx, 18. — Dans le nouveau partage de la Terre Sainte, d’après Ézéchiel, Issachar se trouve parmi les tribus méridionales, entre Siméon et Zabulon. Ezech., xlviii, 25, 26. Dans sa reconstitution idéale de la cité sainte, le même prophète, xlviii, 33, met au midi « la porte d’Issachar », entre celle de Siméon et celle de Zabulon. — Enfin, saint Jean, dans l’Apocalypse, vil, 7, cite Issachar entre Lévi et Zabulon.

III. Caractère.

D’après le résumé historique que nous venons de donner, on voit qu’lssachar a eu un rôle très effacé, sans influence sur le gouvernement et les destinées d’Israël. Nous en pouvons trouver la raison dans le caractère de cette tribu, tel qu’il ressort des paroles prophétiques de Jacob. Gen., xlix, 14-15. « Issachar est un âne robuste, » littéralement « d’os », ô’voc ô<rr<iSr] « , « un âne osseux, » selon la version d’Aquila. La comparaison, qui pourrait sembler déshonorante à nos yeux, était plutôt flatteuse, étant donnée l’estime des Orientaux pour cet animal, dont ils appréciaient les services dans la vie ordinaire et même le courage dans le combat. Issachar put donc imiter sa sobriété, son endurance, mais il n’eut aussi d’autre horizon que les riches « clôtures » au sein desquelles il aima à rester « couché ». Il eût pu combattre, mettre sa force et son activité au service de ses frères ; il trouva « le repos » plus « doux » que la gloire, la jouissance des biens qu’« un pays agréable » lui fournissait en abondance préférable même à la liberté. Car, pour conserver ou augmenter cette jouissance, il devint mercenaire (comparer èâltïr et èâkdr), corvéable, « inclinant son épaule sous le far.deau, s’assujettissant au tribut. » Il porta au rivage voisin, chez les Phéniciens, les produits de sa. terre. Il se fit le serviteur des nombreuses caravanes qui passaient par la plaine d’Esdrelon. Comme cette riche contrée fut souvent l’objet des convoitises, il aima mieux payer le tribut que de défendre sa propriété. — La prophétie de Moïse, Deut., xxxiii, 18-19, est plus obscure. Elle fait cependant allusion à la joie du repos dans les tentes, aux avantages que le trafic d’Issachar trouvera dans le voi-, sinage des ports de mer, aux trésors cachés dans le sable du Bélus, qui fournissait aux Phéniciens la matière nécessaire pour la fabrication du verre. — Enfin, d’un passage de I Par., xii, 32, les anciens commentateurs avaient conclu que la tribu d’Issachar se distinguait par une science particulière de l’astronomie et de la physique. L’hébreu porte littéralement : « Et des fils d’Issachar connaissant l’intelligence pour les temps, pour savoir ce que fera Israël. » On attribue simplement ici aux chefs de la tribu le sens politique apte à juger des circonstances, à comprendre ce qu’il convenait de faire à propos de l’exaltation de David comme roi.

A. Legendre.
    1. ISSARON##


ISSARON, dixième partie de l’éphi ou gomor. Voir Gomor, col. 273.

    1. ISTEMO##

ISTEMO (hébreu : ’Etyemôh ; Septante : Cod. Vat.r’E<rxatu.âv ; Cod. Alex. : ’E<rte[i, <i), ville de la tribu de Juda. Jos., xv, 50. Elle est appelée ailleurs Esthémo. Voir Esthémo, t. ii, col. 1972.

A. Legendre.
    1. ISTOB##

ISTOB (hébreu : ’JS-Tôb ; Septante : Cod. Vat. : EidT(16 ; Cod. Alex. : ’luxdê), nom d’un des petits royaumes situés à l’est du Jourdain, qui, avec la Syrie de Rohob et de Soba et Maacha, fournit un contingent de troupes aux Ammonites contre David. II Reg., x, 6, 8. L’hébreu écrit le nom eu deux mots 1011

ISTOB — ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

IMS

a"n3 tf>N, ’I ! rôftj ce qui voudrait dire a lès hommes de

Tob ». Voilà pourquoi on assimile généralement cette contrée à « la terre de Tôb », dans laquelle s’enfuit Jephté et qui se trouvait également dans la région transjordane. Jud., xi, 3, 5. Voir Tob. Il faut dire cependant que cette opinion a contre elle l’autorité des anciennes versions, qui ont lu’Istôb. De même Josèphe, Ant. jud., VII, VI, 1, tout en voyant ici un nom de roi, n’en donne pas moins’Lmfôo ;. Il semble aussi que, même dans le texte original, il serait plus naturel d’unir les deux mots ; au jh’8 surtout, pourquoi l’auteur sacré, en énumérant les troupes auxiliaires, aurait-il placé’U, « les hommes, » devant le seul mot Tôb, qui vient en troisième lieu, alors qu’il dit simplement, à propos des autres corps d’armée : « Et Aram Soba et Rohob et Maacha ? » On comprend d’ailleurs qu’au ꝟ. 6, la triple répétition de’U ait porté un copiste à séparer ce mot du suivant. Comme Istob et Tob sont des SuaÇ Xeyijisva, les données manquent pour prouver qu’ils ne désignent qu’une seule et même contrée. — On trouve encore aujourd’hui dans l’Adjlùn un endroit appelé lstib ou Khirbet lstib, el-Istib. On l’a identifié avec Thisbé, la patrie du prophète Élie. Ne rappelle-t-il point Tlstob du

livre des Rois ?,
A. Legendre.
    1. ISUHAIA##

ISUHAIA (hébreu : YeSôhâyâh ; Septante : ’IaoWa), un des chefs siméonites, descendants de Séméi, qui, dutemps du roi Ézéchias, s’emparèrent de riches pâturages dans les environs de Gador. I Par., iv, 36. Voir Gador, col. 34.

ITALA. Voir Latines (Anciennes versions) de la Bible.

    1. ITALIE##

ITALIE (grec : ’iTaXiet ; Vulgate : Ilalia), contrée dont Rome était la capitale. 1° Elle n’est pas nommée dans le texte original de l’Ancien Testament. On lit, il est vrai, son nom, trois fois dans la Vulgate, Italia, mais elle emploie ce mot pour désigner d’une manière générale les pays d’Occident, traduisant ainsi improprement l’hébreu Kiptîm (Septante : Kt’TTe£Ïov, Xirret’|i), dansNum., xxiv, 24, et dans Ezech., xxvii, 6, et Thubal (hébreu : Tûbal ; Septante : Wo6éX), dans Is., lxvi, 19. "Voir Céthim 2, h, t. ii, col. 470. — Dans le Nouveau Testament, il est question quatre fois de l’Italie. — 1° Saint Paul rencontra, à Corinthe, Aquila et sa femme Priscille qui venaient « d’Italie », parce que Claude avait ordonné à tous les Juifs de sortir de Rome. Act., xviii, 2. Voir Aquila, t. i, col. 809, et Claude !, t. ii, col. 707-708.— /2° Quand le même Apôlre en eut appelé au tribunal de César, le procurateur Festus le fit embarquer « pour l’Italie ». Act., xxvii, 1. — 3° Pendant le trajet, il changea de vaisseau à Myre et monta sur un navire d’Alexandrie qui se rendait « en Italie ». Act., xxvii, 6. Après un voyage accidenté il débarqua en effet à Pouzzoles, puis il se rendit à Rome en traversant Forum Appii et les Trois Tavernes. Act., xxviii, 13-16. — 4° Dans l’Épitre aux Hébreux, il salue les destinataires de cette lettre « de la part de ceux d’Italie ». Heb., xiii, 24. Voir Hébreux (Épître AUX), t. iii, col. 519. — La cohorte « italique » est nommée dans Act., x, 1. Voir ce mot. — 5° Le nom d’Italie désignait à l’origine le pays situé entre le Tibre et le mont Gargan. Avec lés progrès de la domination romaine il s’étendit à toute la péninsule. Jusqu’en l’an 42, la partie située au nord du Rubicon porta le nom de Gaule Cisalpine. À cette date, cette province fut supprimée par Auguste et l’Italie eut pour frontière les Alpes. " Cet empereur partagea l’Italie en onze régions, non compris la circonscription de la ville de Rome qui fut la douzième. Pline, H. N., iii, 40. Le préfet de la ville avait juridiction sur Rome et sa banlieue, le préfet du. prétoire snr le reste de l’Italie. Il y avait en Italie des colonies juives, notamment à Rome et à Pouzzoles. Cette

dernière ville était en relations permanentes avec Alexandrie. Le commerce y attirait les Juifs d’Egypte et un certain nombre d’entre eux s’y étaient fixés au temps d’Hérode et peut-être auparavant. Josèphe, Ant. jud., XVII, xii, 1 ; Bell, jud., II, vii, 1. Dans d’autres villes italiennes on trouve la trace de colonies juives, mais les inscriptions qui nous les font connaître sont toutes d’époque postérieure aux temps apostoliques. On en rencontre notamment à Brescia, Corpus inscript, latin., t. v, n » 4411 ; à Capoue, Corpus insc. latin., t. x, n° 3905. Sur les Juifs de Rome, voir Rome. Le christianisme avait déjà été prêché en Italie avant l’arrivée de saint Paul, en particulier à Rome au temps de Claude, Rom., i, 8 ; voir Claude 1, t. ii, col. 708 ; cf. Act., ii, 10, et à Pouzzoles, puisque des chrétiens accueillent l’Apôtre dans cette ville. Act., xxviii, 13. Voir Pouzzoles. Cf.E. Schùrer, Geschichte des jùdischen Vulkes im Zeitalter Jesu Christi, 3e édit., in-8°, Leipzig, 1898, t. iii, p. 37 ; Th. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. franc., t. ix, in-8°, Paris, 1892, p. 1-27.

Ë. Beurlier.

    1. ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE##


ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE. I. La Bible italienne au moyen âge.

L’histoire des traductions italiennes primitives de la Bible, pendant les derniers siècles du moyen âge, est obscure, et il est difficile d’en retracer les origines et le développement. On ne possède pas de renseignements précis sur les premiers traducteurs et sur l’époque où ils vivaient. Nous sommes en face d’un problème semblable à celui des origines de la Vulgate latine avant saint Jérôme ; nous ne pouvons avoir quelques renseignements qu’en étudiant les manuscrits parvenus jusqu’à nous. On peut voir l’excellent travail de Samuel Berger sur La Bible italienne au moyen âge, dans la Romania, t. xxiii (1894), p. 358-431. Ses recherches originales et sûres nous ont ouvert la voie pour cette étude. Le premier essai critique d’une histoire de la Bible italienne au moyen âge avait été esquissé au xviii » siècle par le P. 1. Le Long, dans sa Bibliotheca sacra, Paris, 1723, t. i, p. 353.

i. description des manvscrits. — 1° Le plus grand nombre d’entre eux contient différentes parties du Nouveau Testament, particulièrement des Évangiles. Ce sont quelquefois des extraits historiques sur la vie de Jésus, Magliabechiana, cl. xl, 41, ꝟ. 3-14 (xiv s.), choisis et coordonnés de manière à faire une Harmonie évangéligue, une histoire de Jésus-Christ tirée du texte des Évangiles, commençant par saint Matthieu, Magl., Conv. soppr-, C. 3, 172 ; par saint Luc, Riccardiana 1749 ; plus souvent par saint Jean, Laurenziana, pl. xxvii, 8, Rico. 1356 et 2335, tous du xive siècle. D’autres Harmonies appartiennent au xv 8 siècle : Laur., pl. xxvii, 14 (1427) ; pi. xxvii, 12 ; Magl., Conv, soppr., I iv, 9 ; Riccard. 1304 et 1354. Ces Harmonies sont le résultat d’une fusion, plus ou moins habile, des textes évangéliques lus au peuple pendant la messe des dimanches et des fêtes de l’année. En effet, plusieurs mss. n’ont que les Évangiles des dimanches et fêtes, ordinairement disposés dans l’ordre suivi par l’Église romaine, d’autres fois remaniés de façon à commencer par l’Évangile de saint Jean ou par les généalogies de saint Luc et de saint Matthieu et ne différant pas trop des Harmonies. Magl., Pal. 3 (xiv » s.) ; Ricc. 1657 (a. 1410) ont les seuls Évangiles des dimanches et fêtes ; Marciana, I ital. 80 (xiv s., xiii ?), Ricc. 1400 (a. 1463), Laur., pl. xxvii, 11 (a. 1475), Ashburn. 519 (a. 1481) et 1250 (a. 1483), Magl., Conv. soppr., F. 5, 178 (xv s.) ont aussi les textes ecclésiastiques des Épitres ; et Laur., pl. lxxxix, sup. 14 (a. 1474) même des Prophéties ; dans quelques manuscrits du xv siècle les textes évangéliques sont suivis par le commentaire, célèbre au moyen âge, du frère Simone da Cascia. Par exemple, Magl., Conv. soppr., E. i, 1336 ; Laur., Ashb. 730, Ashb. 545, Gadd. 121 (a. 1431). Enfin.

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ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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Mare., I ital. 3 (a. 1369), Laur., Pal. xxvii, 3 (a. 1395), .Ricc. 1787 (xrv* s. ?) et Laur. Med. Pal. 3 (xv « s.), exactement parallèle au précédent, nous donnent le texte entier et exclusif des Évangiles. — Deux mss. Laur., Ashb., 435 (xivs.) et PI. xxvii, 6 (xv) ont les Actes des Apôtres : d’autres reproduisent les Epitres de saint Paul, en partie, Siena, I, ii, 31 (fin xrv> s.), ou en entier, Ricc. 1325, 1382, 1627, tous les trois du xv » siècle ; quelquefois réunies aux Épitres catholiques, Ricc.’1321 (xv » s.). Le Magl., Pal. 5 (xrv » s.), renferme entre divers documents légendaires l’Épitre de saint Jacques : dans Laur., Strozzi, 10 (xiv « s. ?) aux Épitres pauliniennes et catholiques est jointe la première moitié des Actes. Trois mss. Laur., Ashb., 414 (xiv s.), Magl., Pal. 6 (xrv » s.), Ricc. 1349 (xv » s.) ont la seule Apocalypse ; Ricc. 1538 (xrv » s. commenc.) place les Épitres de saint Jacques et de saint Pierre après l’Évangile de saint Matthieu ; par contre, Ricc. 1658 (xrv » s. ?) donne aux Épitres la première place, tandis que Marc, I ital. 2 (xiv » s.), met entre Matthieu et l’Apocalypse des longs extraits d’autres parties du Nouveau Testament. Les deux, Siena, I v, 9 (xiv » s.) et Ricc. 1250 (xv » s.) contiennent le Nouveau Testament tout entier.

2° Sans doute, l’Ancien Testament n’eut jamais une si large diffusion ; cependant certains livres durent être assez répandus parmi les lecteurs de la Bible en langue vulgaire. C’est tout naturel, par exemple, que nous ayons encore quelques mss. du Psautier, Magl., Pal. 2 (xrv 8 s.), Marc, I ital., 57 (xiv> s, ), Vicenza, 2, 10, 5 (a. 1447), Laur., PI. xxviii, 3 (xv » s.), Magl., cl. xxxvii, 47 (a. 1481), Marucell., C. 300 (xv » s.), et d’autres de la Laurentienne, ont les seuls Psaumes de la pénitence. Remarquables sont deux mss. des Proverbes, Magl., Conv. soppr., B, 3, 173 (xive s.), Cl. xl, du xiv 8 siècle et dont le dernier ^contient aussi la version de l’Ecclésiaste. — Quant aux autres livres de l’Ancien Testament il ne semble pas que les lecteurs du moyen âge en aient fait des copies séparées ; la Genèse dans le Ricc. 1655 (a. 1399) est une curieuse exception. Aussi curieux est le ms. Siena, J v, 5 (xiv » s.), contenant la Genèse, une partie de l’Exode, les IV livres des Rois, une partie des livres des Machabées et une histoire légendaire de Samson, tirée et amplifiée du livre des Juges (ch. xiii-xvi), de manière à former, dans l’intention du compilateur, comme une histoire du peuple d’Israël, reproduite de la Bible. L’Ancien Testament tout entier est dans un autre Siena, F. III, 4, du xrv » au xv » siècle. — Quelques grands mss. durent être écrits en vue de contenir en entier la Bible en langue vulgaire : mais ils ne nous sont pas parvenus complets. Le Ricc. 1252 (xrv « s.) ne renferme que la seconde moitié de la Bible, de l’Ecclésiastique à l’Apocalypse ; le premier volume a disparu. Par contre, le Laur., Ashb., 1102, est le premier tome d’une Bible et va de la Genèse au Psautier (Ps. i-xiv) ; il date de 1466. C’est, sans doute, ce fameux ms. de F. Redi, que cet académicien avait légué dans son testament à la bibliothèque Laurentienne ; vendu après sa mort, il y est entré seulement plusieurs siècles après, avec la collection anglaise de lord Ashburnam. Cf. Enrico Rostagno, La Bibbia di Francesco Redi, dans la Rivista délie Biblioteche e degli Archivi, t. vi (1895), p. 95-109. En général ce ms. est parallèle au Siennois, F. III, 4. —Les deux premiers volumes d’une Bible italienne sont conservés à la Bibl. nat. de Paris (Ital. 3 et 4) ; ils ont été écrits en 1472, et appartenaient autrefois à la Bibliothèque royale de Naples. Un autre grand ms. de la Bibl. nat. (provenant de Naples), ital. 1 et 2, de la seconde moitié du xy » siècle, est la seule Bible italienne complète qui ait résisté au ravage des siècles. — Voir sur plusieurs de ces mss. les descriptions contenues dans les catalogues de Bandini [Laur.), Gentile (Magliab.), Mazzatinti, In--ventarii, etc. (Florence, Vicence, Paris).

II. CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES VEBS10NS. — L’exa men le plus superficiel des mss. nous’montre que la langue vulgaire employée dans les versions bibliques est en général le dialecte toscan, tel qu’il était parlé à Florence au xiv » siècle, et depuis lors est devenu la langue nationale d’Italie. Cependant, quelques mss. sont dans un dialecte particulier, qui mérite un examen à part. Ainsi le Psautier des mss. Marc ital. 57, Vicent 2, 10, 5, trahit une influence linguistique vénitienne. Qu’on en lise les premiers versets : « Beato lo homo lo quale nonn é andado in lo conseio di malvasi et in la via di peccadori non è stado, né in la cariega de la pest-ilencia non à sedudo. Ma in la leçe del Segnore la voluntà soa et in la soa leçe pensera lo die la note eçc. »

Il est clair que ce langage, s’il n’est pas du pur vénitien, est au moins du toscan qui a subi une grave altération littéraire d’influence vénitienne. Bien mieux, les Évangiles du Marc. I ital. 3 sont proprement rédigés en vénitien (xrv » s.) ; il suffit d’en lire quelques mots :

Luc., xv, 11 : « Un homo era loqual aveva. ij. fioly, e Uo plu çovene disse a so pare : Pare, dame la mia parte de lo chastello che me tocha.E lo pare parti la sustancia e de a queluy la soa parte. Et dentro brieve termene tute cose asemblade insembre ecc. »

Qu’on compare les deux textes avec les autres mss. toscans plus communs, et il en ressortira que nous sommes en face d’une version du Psautier et des Évangiles qui diffère absolument des autres, et qui dut être tirée, au moins pour le Psautier, d’une version toscane tout à lait indépendante de celle qui se trouve dans les autres mss. Ce n’est donc pas une version unique et et homogène que celle de la Bible en langue vulgaire toscane ; en effet, les mss. nous montrent bien plus qu’une simple variation d’une même œuvre modifiée par le temps et par les copistes ; ils représentent parfois des types de versions essentiellement divers, et d’origine indépendante. En voici la classification.

1° Le Pentateuque nous parait, dans les différents mss. qui le contiennent, avoir les caractères d’une version égale et unique, en dehors des variantes inévitables dans chaque copie. Un essai isolé d’un type divers de traduction nous est donné par le Ricc. 1655. Cette Genèse diffère considérablement de l’autre version, et malgré les nombreux rapports qui existent entre les deux, il faut conclure à une origine propre et séparée. En voici quelques versets parallèles :

Siena F. III, 4 : Nel cho minciamento créo Iddio lo

cieloe la terra. Ma la terra

era vanae vota, e le ténèbre

erano sopra a la faccia dello

abisso, e lo spirito di Dio era

portato sopra all’acque ecc.

Ricc, 1655 : Nel princîpio

credo in Deo ( !) il cieloe la

terra. Ma lia terra era vana

et vota, e lie ténèbre erano

sopra la faccia dell’abiso, e

lo spirito del Singniore era

menato sopra all’aque ecc.

Peut-être le traducteur du Ricc. travailla-t-il ayant sous les yeux la version commune. Les livres des Rois et plusieurs autres de l’Ancien Testament (Judith, Job, etc.) nous offrent dans les mss. deux manières de version ; l’une incorrecte, remplie de gloses, infidèle au latin et ressemblant plutôt à une paraphrase, et l’autre correcte et discrètement glosée, représentant plus fidèlement le mot et la pensée du latin. Voici, par exemple, le commencement du livre de Judith :

Siena, F. III, 4 : Ne le

parti di Media singnore giava uno re detto per nome

Afasath, il quale era molto

possente, e per la sua pos sança inchominciôe molto

ad aquistaree sottomettare

giente alla sua singnoria ecc.

Sommes-nous en présence de deux versions différentes dès l’origine, ou d’une seule et même traduction que l’usage populaire et la variété des copies ont considéra Par., B. N. ital. 3 : Adun que lo re Arphasath de Me dii moite avea soctoposte

al suo imperio, ed egli he difichô una cictà potentis sima, la quale egli appelle

Egabanis ecc.

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ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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blement altérée ? Certainement, même dans cette seconde hypothèse, on ne pourrait facilement décider lequel des deux textes représente la meilleure tradition. Encore, chaque ms. a-t-il ses variantes propres, et il est bien difficile d’en démêler le texte commun et original. Le Psautier toscan, par contre, bien qu’il ait été transcrit dans bon nombre de mss. ne présente pas trop de différences ; les variantes sont nombreuses dans chaque copie, mais l’unité de version, à part quelques tentatives particulières, est partout manifeste. Les livres de Salomon sont remarquables par le nombre de leurs versions : cinq mss. des Proverbes donnent au moins quatre traductions diverses et indépendantes, si ce n’est que deux d’entre elles (Paris, Bibl. nat., ital. 3, et Siena, F. III, 4) ont les mêmes références relatives aux livres des Rois. De l’Ecclésiaste on possède trois versions. Pour le reste de l’Ancien Testament, l’unité et l’égalité de la version rassortent asseï clairement de l’examen des mss. qui offrent toutefois grand nombre de variantes.

2° Peut-on dire aussi, en général, du moins, qu’il n’y a qu’une seule et même version pour le Nouveau Testament ? Les mss. donnent une si grande variété de textes, ont chacun des caractères si particuliers, qu’on serait presque amené à admettre une foule de versions différentes. Celui qui connaît l’histoire de la Vulgate latine se rappelle naturellement, lorsqu’il étudie les mss. italiens du Nouveau Testament, ce que disait saint Jérôme des textes bibliques latins de son temps : Pêne tôt eoceniplaria quoi codices. Cependant les Évangiles toscans, à part quelque exception, par exemple Magl., Conv. soppr., C. 3, 175, semblent bien se rapporter, malgré les variantes des mss., à une seule et même version. La diversité de rédaction des Actes des Apôtres est surtout dans les gloses, et c’est un fait que nous examinerons plus tard. Pour les épltres de saint Paul, le Ricc. 1252 paraît donner une version indépendante des autres, mais cela n’est pas tout à lait sûr. Qu’on en juge :

Ricc. 1252

(Rom., viii,

35) : Dunque ki nne dipar tirà dall’amore et dalla ca rità diCristo ?Tribolatione,

angoscia, scacciamento, fa mé, pericolo o coltello ?

Non, si ccome è scricto, ke

nnoi per te semo mortiûcati

d’ogni tenpo ecc.

Ricc. 1250 : Adunque

chi ssi dipartirà dall’amore

di Cristo ? Sarâe tribula tione o angoscia o persecu tione o famé o nuditade

o pericolo overo coltello,

che cci parta dal suo amo re ? Che egli è scritto nel

salterio : Messer Domene dio, per te ecc.

On doit dire plutôt que nous avons ici, comme dans d’autres livres, deux rédactions d’une même version, mais dont l’une est sans glose et l’autre glosée, car, au milieu de cette profonde différence des deux textes, on reconnaît des mots, des formes, des phrases, qui n’auraient pas pu être écrits, si l’auteur de la seconde rédaction n’eût pas connu la première. Les Épitres catholiques nous présentent, la même rédaction de deux textes, l’un incorrect et glosé, l’autre sans paraphrase. Pour l’Apocalypse, on rencontre généralement la même version dans les mss. ; une autre, toute différente dès l’origine, est contenue dans le Ricc. 1349 (commenc. du xv « s.).

111. ORIGINES HISTORIQUES DES VERSIONS : ÉPOQUE. —

1° Tous les mss. des versions italiennes, connus jusqu’à présent, sont du xv » et du xiv< siècle, et ne rémontent pas, excepté peut-être un seul sans importance, au un » siècle. Cependant, du caractère des versions et de l’arrangement des livres, on peut conclure qu’elles existaient déjà vers le milieu du xin » siècle, ou peu après. 2° Voici dans quel ordre sont placés les livres du Nouveau Testament. Le Ricc. 1250 reproduit l’ordre ordinaire des mss. latins au moyen âge : Évangiles, Paul, Actes, Épitres catholiques, Apocalypse ; mais le Ricc. 1250, les deux Parisiens, et peut-être aussi le Siennois,

ont : Évangiles, Éptlres catholiques, Paul, Actes, Apocalypse. Ce second classement est bien rare dans les mss. latins du moyen âge (xiv «-xv » s.) ; la comparaison avec les diverses familles des mss. latins montre qu’il est ancien et remonte au moins au un » siècle. La division en chapitres, dans chaque livre de la Bible italienne, est aussi remarquable. Les mss. siennois du Pentateuque divisent les chapitres d’une façon particulière, qu’on retrouve seulement dans les mss. latins antérieurs au milieu du XIIe siècle. Un ancien système de chapitres se trouve aussi dans les livres de Judith, d’Esther, d’Esdras (Siena, F. III, 4) ; le livre de Job (ibid.) est divisé en 22 chapitres au lieu de 42 ; cette dernière division est celle des textes latins à partir du milieu du xiii » siècle.

3° « Il a circulé dans le nord de l’Italie, jusqu’un peu après le milieu du un » siècle, une famille de textes très reconnaissable, et qui avaient, autant qu’on en peut juger, un système de chapitres analogue. Ces textes sont caractérisés par un certain nombre de leçons, qui ne se rencontrent jamais ailleurs. Or quelques-unes de ces leçons ont passé dans ces textes : Exod., xxxiv, 28 : Stetit ibi cum dorhino Moyses. « Istette adunque quine Moyses cho’l Singniore » (Sienne, F. III, 4 ; cf. B. N., 1) ; Num., m, 45, fin : In prteceptis meis ambulent. « Se eglino observaranno i miei chomandamenti » (Sienne, F. III, 4 = B. N., l) ; Jer., xxv, 28 : Deus Israël. « Il Dio d’Israël » (B. N., 2) (Berger, dans la Romania, 1894, p. 372). C’est donc une conformité positive et directe que les mss. italiens présentent avec les textes latins du XIIIe siècle ; conformité qui n’existe pas dans les textes liturgiques en usage au xve siècle, ni même au xiv » siècle. Comme il n’est guère . admissible que des traducteurs du xrv » siècle aient voulu d’un commun’accord, et sans aucun motif plausible, se détacher des textes latins courants pour suivre les textes anciens et surannés, il faut en conclure qu’en général la version italienne de la Bible fut terminée vers le milieu ou pendant la seconde moitié du xiii » siècle. Ce qui reste obscur et fort incertain, c’est si, au xme siècle, il se forma une édition complète de la Bible italienne, embrassant tous les livres dans leur ensemble. Nous verrons plus loin qu’on put avoir au xiv » siècle des motifs pour détruire les mss. du xitr siècle, et il ne faut pas s’étonne ? si aucun d’eux n’est parvenu jusqu’à nous.

iv. auteurs des traductions. — Les historiens de la littérature italienne ont fait sur ce sujet beaucoup d’hypothèses et ont même prétendu les donner comme affirmations certaines. On a cru, par exemple, que l’auteur de la version biblique imprimée à Venise, dans la seconde moitié du xv » siècle, était le B. Giovanni Tavelli da Tossignano, mort évêque de Ferrare. En effet, une ancienne vie de Jean Tavelli, rédigée en 1597 par un évêque de Ferrare, dit expressément que le B. Giovanni a. traduit Bernardi serrhones, Biblise ac moralium Gregorii majorent partem eleganli stilo in maternum sermonem.Ct Negroni. La Bïbbia volgare (Dedicatoria. e proemio), 1. 1, Bologne, 1882, p. xv. Malheureusement ce passage laisse indécis, si ce fut une version de la Bible tout entière, ou seulement d’une partie considérable. Quoi qu’il en soit, la traduction de Tavelli n’est pas certainement celle qui fut imprimée à Venise, ni. celle des mss. qui en sont la source ; parce que le B. Giovanni naquit en 1386, et son activité intellectuelle sa reporte entièrement au xv » siècle, tandis que la version, italienne est contenue dans des mss. qui datent positivement du xiv » siècle. Aussi cette traduction a-t-elle étéattribuée à des écrivains du xiv » siècle, et particulièrement aux célèbres Jacopo di Voragine, archevêque de-Gênes, Jacopo Passa vanti, Domenico Cavalca, tous les trois frères prêcheurs, et créateurs de la prose italienne avant Boccace. Mais, à vrai dire, de Jacopo di Voragine on. connaît seulement une traduction de légendes latinespieuses. Passavanti s’exclut lui-même du nombre des.

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ITALIENNES (VERSIONS) DE LA BIBLE

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traducteurs de la Bible, puisqu’il parle du caractère-des versions qui existaient déjà de son temps ; et Cavalca († 1342), le traducteur renommé de Vies des saints Pères, n’a traduit que les Actes des Apôtres, si même il les a traduits. Ces hypothèses n’ont pas d’autre fondement que le désir d’attacher à tort ou à raison l’origine du grand monument linguistique de la Bible italienne à un nom déjà célèbre et vénéré du xrve siècle. Le savant Negroni lui-même n’a pas su se défendre, après avoir rejeté les opinions précédentes, d’attribuer à la plume de Cavalca la plus grande partie de la version vulgaire. Negroni, Bibbia volgare, t. i, p. xx. Un simple examen des mss. suffit cependant pour montrer combien cette attribution est peu fondée : Une courte introduction aux Actes, de la main du célèbre écrivain, nous apprend à plusieurs reprises (cf. Ricc. 1250 ; Laur., PI. xxvii, 6, Ashb. 435) que ce livre a été travaillé par le frère Domenico Cavalca. Mais on ne peut pas conclure avec certitude de ses paroles que les Actes ont été traduits par le célèbre dominicain. Le prologue peut bien s’expliquer dans le sens que Cavalca soit non le traducteur, mais un nouveau rédacteur, voire le glosateur de la version préexistante. Que cette interprétation du prologue soit la seule vraie, on le prouvera par les mss. eux-mêmes. En effet, on rencontre au moins trois rédactions diverses des Actes, qui certainement ne sont pas tout à fait indépendantes les unes des autres, mais doivent être réduites à une même et seule version primitive : de Cavalca, dans les mss. désignés, du Ricc. 1252 ; du Laur, , Strozzi, 10. Or la comparaison des trois rédactions montre avec évidence, que Je texte du Ricc. 1252, qui est en général un texte ancien et se rapproche singulièrement du xme siècle, n’est que la version de Cavalca, plus incorrecte et presque sans gloses.

Ricc. 1252 : Il primo

sermone io feci, o Teofilo,

di tucte le cose ke Jhesù

cominciô a faree insegnare,

in fino al di che asciendècte

in cielo, cioè k’elli salio in

cielo, coramandando alli

apostoli li quali avea electi

per Ispirito santo, a’quali

dimostro se medesimo vivo

dopo la sua passione ecc.

Ashb. 435 : Lo primo

sermone, cioè lo vangelio’feci et compilai, o Teô philo, di tucte quelle cose

le quali Jesu incomincioe

a fare et a dire, in fino

adquel di et adquella hora

ch’elli comando alli appos toli, li quali ellesse per

Spirito sancto, c’andassero

ad predicare per lo morido

la fede sua, fu assumpto,

cioè salie te in cielo. Ai

quali appostoli si dimostroe

l vivo, cioè inventa d’unia a carne dopo la sua pas | sione ecc.

Certes, au xive siècle, on n’aurait jamais osé mettre la main sur une version de Cavalca, pour en ôter les gloses, et la changer à son plaisir : il est bien plus croyable que le célèbre dominicain ait cherché, pour satisfaire ses lecteurs, à reviser et à gloser, là où il le jugeait nécessaire, l’ancienne version des Actes. Le Laur., Strozzi, 10, nous sert à contrôler cette conclusion, puisqu’il contient la même traduction du texte latin que Cavalca (voire du Ricc. 1252) mais glosé d’une autre manière. "^

Laur., Strozzi, 10 : Lo primo mio parlamentoe sermone io feci, o Teofilo, di tulte quelle cose et opère le quali coinincio Jhesù di fare… in fino in quello die nel quale… fu levato in cielo et ricevuto ecc.

Il est impossible de supposer qu’on ait voulu au xvi » siècle substituer de nouvelles gloses à celles de Cavalca si appréciées par tout le monde. La version des Actes est donc plus ancienne et le travail de Cavalca n’a consisté qu’à la gloser. En outre, puisque le nom de cet écrivain ne se rencontre qu’en tête des Actes, et que jamais les mss. ne font allusion à d’autres versions de

livres bibliques qui lui appartiennent, il est établi que la traduction de la Bible en italien n’est nullement l’œuvre de Domenico Cavalca.

Aucun autre renseignement ne nous est donné par les mss. sur les auteurs de la Bible vulgaire. Il faut croire que si la version eût été l’oeuvre de quelque écrivafn connu du moyen âge, jouissant d’une autorité incontestée, nous aurions rencontré quelque part son nom, comme nous avons rencontré celui d’un simple glosateur, Cavalca. Il faut donc penser que le silence des mss. sur ce sujet provient de ce que ces traducteurs n’avaient en leur temps aucune importance personnelle, ou bien que s’ils jouissaient de quelque autorité, les copistes du xive siècle eurent quelque bon motif pour taire leur nom et en effacer la mémoire. Un examen plus approfondi des mss. mêmes nous donnera-t-il la clef de cette énigme ?

Y. CARACTÈRE POPULAIRE DES VERSIONS. — Ce qui

frappe le plus l’attention du critique, qui cherche à déterminer l’origine des mss. bibliques, c’est leur caractère populaire, si divers de celui qui est propre aux ouvrages du moyen âge. Les feuilles de garde des mss., les incipit, les explicit, sont bien riches de renseignements à ce propos ; ce n’est pas certainement avec le menu peuple, qui alors ne savait ni lire ni écrire, que nous avons affaire, mais presque toujours avec des gens du monde, et non du clergé ; ce sont eux qui paraissent se préoccuper des versions vulgaires de la Bible. À ce sujet le ms. peut-être le plus intéressant est le Marc. I ital. 3 des Évangiles, copié par un prisonnier politique, Domenico de Zuliani, Triestain, en 1369 « in civitate Venetiarum, in carcere que nominatur Schiava », un de ces affreux pozzi du palais des Doges, au delà du pont des Soupirs. Cf. Morpurgo S., Un codice scritto da un prigionierétriestino, daas VArchivio storico per Trieste, l’Istriae il Tridentino, t. n. L’explicit du ms. nous dit aussi qu’il a été copié « ad petitionem domini… » de quelque grand seigneur de Venise, dont l’autorité ou la générosité pouvait bien être utile au pauvre prisonnier, quoiqu’il eût été consolé par les paroles mêmes de Jésus et de son Évangile qu’il Copiait. — Un autre ms. bien curieux est le Ricc. 1655, qui se présente comme livre de comptes (1363-1367) des Ricci, grande maison commerciale de Florence aux xiv » et XVe siècles ; il est signé d’Ardingo di Chorso de’Ricci. Plus bas, il contient divers essais de versions vulgaires, entre autres la Genèse, écrits en 1399 par Romigi d’Ardingo, selon qu’il signe à la fin. Le volume est resté pendant longtemps chez les Ricci, et il porte encore les signatures de quelques membres de cette famille au xive siècle. Le Laur., pi. xxxii, 11 (Évang. dim.), a été copié « di propia mano » par « Piero di Gieri del Testa Girdami » en 1475 ; le pl. LXXXIX sup. 14 (Évang. dim.) en 1472 par « Piero di… », et en 1552 acheté par « Barone di ser Barone Baroni cittadino fiorentino » chez « Giacomino richatere et sensale àdine 18 di novembre… grossi sei d’ariento » ; suit une invocation à Dieu et à « messer sancto Giovanni Batista pastoree barone di questa misera citta di Firenze ». Ashb. 519, à la fin : « libro di tuttye vangiely e pistolee letione’che ssi dichano alla messa del nostro Singniore yho XPo sechondo la chorte di Roma, scritto per me Finosino di Lodovicho di Cere da Verazano del mese di luglio 1481 ; chompiessi di scrivere questo di xxi di luglio 1481 ; addio sia gratia. Scrissilo nel palazzotto di Pisa essendo là chastellano per piacere. » Le volume a passé après dans la possession de Nicholo de Finosino, comme nous le dit une autre inscription. De même le Ricc. 1252 appartint à « Ubertino di Rossello delli Strozzi » ; le Ashb. 1250 fut écrit par Agnioio di Bonaiuto di Nicholo Serragli ; le Ricc. 1356 (Harm. évang.) par un notaire florentin « Laynus de Carmignano » ; le Ricc. 1657 (Évang. dim.) « di mano di me Neri di ser Viviano de’Franchi da Firenze », qui fut

prieur, c’est-à-dire membre de la Seigneurie, an xv> siècle.

Plusieurs mss. trahissent leur origine de main populaire, par leur propre formation matérielle ; ainsi le Siennois I, v, 5, a été évidemment recueilli par quelque écrivain du peuple en but de composer comme une histoire du peuple d’Israël tirée de la Bible (Genèse, Exode, Rois, Machabées ; légende de Samson). D’autres contiennent, à côté des versions bibliques, certaines légendes de caractère entièrement populaire, et des récits de voyages en Palestine qui éveillaient tant la curiosité pieuse du peuple au.moyen âge. Le Magl., XL, 41, fait suivre les Évangiles d’un petit Évangile apocryphe ; le xxxvii, 47, « Bernardi de Brogiottis » après les Psaumes de la pénitence contient des relations sur la Terre Sainte et sur les pèlerins. Le Laur., pl. xxvii, 14., « libro de Vangieli rechato di gramaticha in volghare fiorentino » et « scritto per Andréa di Neri Vettori » contient à la suite un légendaire de Vies des saints. Le Magl., Corne, soppr., i, iv, 9 (Harm. évang.), a aussi la narration du voyage en Palestine fait, en 1385, par les trois citoyens de Florence, Giorgio Gucci, Andréa Rinuccini et Lionardo Freschobaldi, une épltre de N. S. tombée du ciel, etc. Le Ricc. 1749 (Harm. évang.), à l’aspect usé, est écrit en un langage plein d’idiotismes, de toscanismes, qui indiquent qu’il est l’œuvre d’un homme du peuple. Le Magl., XL, 47, joli petit volume de poche renfermant les Proverbes et l’Ecclésiaste, fut certainement écrit pour servir de manuel de lecture à une famille du peuple. À côté de ces indices d’un usage populaire, on rencontre çà et là dans les mss. la marque des ordres religieux du moyen âge, qui se rattachent au peuple plus qu’au clergé séculier par leur manière de penser et d’enseigner. Le Paris B. N. Ital., 3 et 4., a été écrit par le frère Nicholao de Neridono ; le psautier de Vicence par frate Lazzero da Venezia rumito ; le Siennois, I, v, 9, a une messe contre la peste (il date du xie siècle), des sermons vulgaires de saint Bernard ; Je Ricc. 1538 (très belles miniatures) « di Giovanni Mellini » contient aussi des légendes, une vision de saint Bernard ; le 1382 un traité de « frate Ghaligo », des lettres en langue vulgaire de saint Jérôme, très répandues parmi les ordres mendiants au moyen âge ; des sermons de saint Bernard ; le Marc, I, ital., 2, des mains d’un citoyen de Venise a passé par emprunt à la Chartreuse ; le Laur. xxvii, 6 (Actes), a une correspondance littéraire de Giovanni dalle Celle, moine à Vallombrosa, où l’on parle longuement contre les vices du haut clergé de l’Église romaine et contre le domaine temporel des papes au xive siècle ; le Magli., Pal. 5, a des sermons de saint Bernard, des lettres de saint Jérôme, dont une traduite par « mæstro Çanobi dell’ordine de’frati predicatori », l’autre par « Nicholo de Ghlno Tornaquinci s, illustre famille florentine ; deux autres mss. de la Magliab. appartenaient jadis au couvent de Santa Maria Novella des trères prêcheurs. D’autres mss. ont un cachet singulièrement franciscain : ainsi, par exemple, un recueil de proverbes de Jacopone da Todi se trouve dans le Ricc. 1304 ; et le 1354 (Harm. évang.) est suivi de quelques légendes de saints et d’une vie de saint François d’Assise, résumé des légendes courantes au xrve siècle. Il n’y a qu’un seul ms. qui soit de la main d’un membre du clergé séculier ; le Ricc. 1627 (Ep. Paul., fin xv> s.) écrit pare Giovanni Ciatini prêtre ».

Vf. PAJUSyTÉ HE LA BIBLE ITALIBNNB AVEC LES VER-SIONS romanes. — Un caractère remarquable des versions italiennes de la Bible, c’est la parenté qu’elles présentent assez fréquemment avec les autres versions du moyen âge, françaises, provençales, vaudoises, catalanes. Prenons Je Psautier, par exemple : il suffit de rapprocher nos meilleurs mss. avec les plus anciens de la version française (normande), pour voir aussitôt qu’il y a entre les deux textes une harmonie, un parallélisme

si parfait, qu’on ne peut l’expliquer qu’en admettant une dépendance directe l’un de l’autre :

Sienà F. iii, 4 : Beato è

quell’uomo che non. andô

nel chonsiglio de’malvagi

e non istette ne la via de’pecchatorie non sedette in

chattedra di pistolencia…

E gli malvagi non saranno

di taie maniera, ma ssaran no si chôme la polvare che’l

vento lieva di la terra, ecc.

[Berger, p. 374). Arse nal, 5056 : Beneùrez est H

homs qui n’ala pas ou con seil des félons, et qui n’es tut pas en la voie des pé cheurs et qui ne sist pas

en la chaiere de pest-illance,

… Li félon ne seront mie

en tele manière, mes ausi

corne la pouldre que li venz

lieve de la terre, etc.

Il est évident que le Psautier italien a été traduit presque mot à mot sur un Psautier français qui est plus ancien (xi-xii » s.) que toutes les traductions italiennes. —Le Nouveau Testament aussi offre de nombreuses ressemblances avec les autres versions romanes de la Bible. Le texte italien (toscan) des Évangiles, quoiqu’il se trouve si différent dans le mss. qu’il est presque impossible d’en restituer la leçon primitive, présente, même dans sa forme actuelle, des parallèles indéniables avec les versions françaises. Ainsi, par exemple, dans Matth., xxiv, 27, le mot fulgur de la Vulgate est traduit en italien il sole, qui est le mot de la Bible vaudoise, lo solelh. — La version de Luc, ii, 33 : Et era Joseph et Maria, et maravigliavansi molto Joseph et Maria, se rapproche de la vaudoise plus que de la Vulgate latine. — Luc, xviii, 28 : « Che dumque merito’nde averremo ? y c’est le texte de la Bible vaudoise et des mss. latins de Languedoc — Joa., i, 1 : Nel cominciamento era il Figliuolo di Dio (Ricc. 1252) ; Lo Filh era al cotnençament (ms. vaudois de Carpentras, et mss. provençaux) ; Au commenchement fu li Fieux (Desmoulins en 1295, qui paraît postérieur à la version italienne). Dans le même Évangile le surnom Didymus (de saint Thomas) est rendu en italien par incredulo, selon les textes provençaux, no crezentz (B. vaudoise, dubitos). Il est clair qu’une des versions a subi ici l’influence directe des autres et, dans le cas, c’est l’italienne, parce que le texte italien est celui qui rend le mot provençal ou français en s’éloignant du latin qu’on devait traduire. — La version commune des Actes présente un parallèle partiel (seconde moitié), mais pariait, avec une version vaudoise. Voir les deux textes rapprochés dans Berger (Romania, 1894), p. 392. On serait porté à dire, comme pour les autres livres, que c’est le texte italien qui dépend du vaudois. Mais notre version des Actes n’est autre que celle qui a été glosée par Cavalca et qui certainement lui appartient ; et par cela même, si étrange que soit le fait, il faut conclure que le texte vaudois n’est qu’une version du catholique italien. Comme nous l’avons déjà montré, la version primitive des Actes en italien est bien antérieure à Cavalca. Berger (Romania, 1894), p. 395, reconnaît à bon droit dans la version italienne de ce livre la même dépendance des. anciens textes provençaux et languedociens, que dans lesautres. On trouve aussi des ressemblances entre la version italienne et les versions françaises des Épltres pauliniennes et catholiques. Berger, p. 400. Il est toutefois difficile d’affirmer qu’il y a eu une influence directe des unes sur les autres, parce qu’il est possible que les traducteurs italiens se soient servis des textes latins, qui furent la source des versions provençales. Un point cependant parait être décisif en faveur d’une dépendance quelconque du texte italien : c’est l’expression de II Cor., viii, 18 (dans Jîice. 1250) : il nostro frate Luca, qui se retrouve seulement dans la version provençale (ms. de Lyon) et dans quelques mss. languedociens. La version commune de l’Apocalypse offre.aussi des parallélismes de dépendance avec les autres versions provençales ou vaudoises. D’autre part, la version singulière que nous avons remarquée dans le ms. Ricc. 1349 (xv> s.) est exactement une reproduction de la catalane du ms. de Mar

moutier. Cf. les textes dans Berger (Bomania, 1891), p. 403. Des ressemblances, des parallélismes plus on moins clairs se rencontrent aussi en comparant les textes français avec l’italien de l’Ancien Testament, sans compter le Psautier. Toutefois on ne peut pas en déduire une dépendance totale directe, du côté de l’italien : c’est plutôt une harmonie des textes latins qui ont servi aux différents traducteurs, et parfois des souvenirs du traducteur italien qui connaissait plus ou moins directement les leçons des textes français et provençaux.

VU. CAUSE ORIGINELLE DBS VERSIONS DE LA BIBLE AU

moyen AGE. — Dans ces observations des caractères particuliers aux mss., nous avons déjà la clef qui nous permet de comprendre la formation de la Bible en langue vulgaire en Italie ; c’est dans l’état social et religieux du XIIIe siècle, qu’il faut la chercher.

Les hérétiques (Albigeois de Provence, Pauvres de Lyon et de Lombardie, Vaudois de la Savoie, du Piémont, des Romagnes, Patarins de Lombardie et de Toscane ) prirent, comme point de départ d’une renaissance religieuse, la lettre des Saintes Écritures. Le Nouveau Testament fut pour eux la grande et unique autorité religieuse ; sur les Évangiles on voulut édifier la nouvelle conscience chrétienne ; les Actes, les lettres des apôtres et l’Apocalypse devaient représenter à l’imitation des fidèles la vie religieuse pure et simple des premiers chrétiens, ou bien le sort historique et apocalyptique du clergé et de l’Église, , qui suivant eux avait manqué leur mission. Cf., par exemple, ms. Laur. Ashb., 415, Dansl’Ancien Testament, au xil" et au xiiie siècle le peuple ne fit attention qu’au Psautier, le manuel par excellence de la prière chrétienne, et à quelques autres livres moraux ou mystiques. Quant aux livres historiques et aux prophètes, on sait que les Cathares et les sectes dérivées les regardèrent comme l’œuvre de l’espr".lu » ial, du diable, et qu’à leurs yeux l’Ancien Testament ne méritait que l’exécration.

Parallèlement à ce mouvement religieux chez les peuples du moyen âge, se développa un grand mouvement littéraire. La langue latine avait cessé peu à peu d’être parlée et elle mourait après s’être assimilée de nombreux éléments celtiques et germaniques, et en donnant nais-. sance à tout un groupe de langues nouvelles. Plusieurs siècles furent nécessaires à ces langues pour se former et pour se créer une grammaire et un dictionnaire, mais lorsqu’elles eurent grandi, elles portèrent leurs fruits. On vit alors éclore une littérature profane, française, provençale, catalane, italienne, et en même temps une littérature religieuse qui, à cause des tendances qui portaient les esprits surtout vers les Écritures, fut surtout une littérature biblique. Le latin fut encore la langue officielle de l’Église, qui ne crut pas nécessaire d’adopter les nouveaux idiomes populaires : mais le peuple commença lui-même à traduire, dans l’ordre de leur importance, les livres de la Bible qui faisaient le fond de la liturgie : les Évangiles, les Actes, l’Apocalypse, tout le Nouveau Testament ; le Psautier (parallèle aux Évangiles), les livres sapientiaux (Proverbes, Ecclésiaste, Cantique, Job, etc.), et enfin le reste de l’Ancien Testament. C’est ainsi que se forma en Italie la version de la Bible, pendant la seconde moitié du XIIIe siècle. L’extrême simplicité de cette traduction n’en fait pas une œuvre d’art littéraire ; elle fut seulement l’expression du mouvement religieux de cette époque. La comparaison de cette version avec les versions françaises (normandes) et provençales attestent que, particulièrement dans le Nouveau Testament, elle fut composée sous l’influence religieuse et à la fois littéraire de la France. Elle fut mise au jour primitivement dans un but de propagande très favorable à l’hérésie (vaudoise). Sur le caractère littéraire des versions bibliques de son temps, voir le frère Passavant], Specchio di vera penitenza, v, ch. 5.

TOI. USAGE DBS VERSIONS VULGAIRES DE LA BIBLE AU

j/v » et au xv siècle. — La science catholique dea docteurs, qui cherchèrent l’accord de la philosophie avec la foi, frappa d’un grand coup les hérésies qui se développaient au sein des peuples latins ; la sévérité de l’Inquisition romaine et des princes séculiers arrêta les progrès des hérétiques ; mais peut-être tout aurait été vain, si la Providence n’eût fait sortir du peuplé lui-même le principe de la restauration catholique. Elle suscita saint François d’Assise et saint Dominique. Les deux ordres qu’ils fondèrent, en leur donnant un caractère populaire, donnèrent l’essor à la renaissance religieuse de l’Italie et de la France ; ils établirent l’harmonie entre la foi catholique et les nouveaux besoins du peuple, et fournirent à l’Église romaine la force dont elle avait besoin pour purifier et renouveler l’état social au moyen âge.

Nous avons établi que la version de la Bible commença à se former en Italie vers le milieu du xiiie siècle et qu’elle fut probablement l’œuvre des hérétiques patarins et vaudois. Lorsque ces hérétiques disparurent, leur version devint comme l’héritage des religieux mendiants et de la masse populaire. La version de l’Ancien Testament (hormis le Psautier et les livres sapientiaux), la dernière à paraître, fut, vers la fin du xme siècle, l’œuvre exclusive de quelques frères franciscains ou dominicains. Mais le Nouveau Testament put être adopté par les catholiques, sans aucune revision, parce que les versions vaudoises de la Bible, malgré l’esprit qui les avait fait composer, étaient au fond orthodoxes, quant à la lettre de l’Écriture.

Au xiv siècle, la version de la Bible en italien est déjà regardée dans son ensemble comme une œuvre de source franciscaine et dominicaine. Plusieurs mss., comme nous l’avons remarqué, sont en effet de simples compilations de divers ouvrages appartenant au cycle franciscain et dominicain (Lettres de saint Jérôme, Sermons de saint Bernard, Voyages en Terre-Sainte, légendes apocryphes, etc.). Tandis que les franciscains propageaient les idées religieuses en langue vulgaire au sein du peuple, les dominicains, tels que Passavanti, Cavalca, Da V’oragine, Federico da Venezia, représentaient les maîtres de la doctrine catholique dans les plus hauts rangs de l’Église romaine et de l’épiscopat, mais entretenaient aussi la vie religieuse dans les classes populaires par leurs écrits en langue italienne. — En se plaçant à ce point de vue, on peut regarder l’édition complète de la Bible vulgaire italienne au xiv siècle comme une œuvre dominicaine ; mais la diffusion des plus intéressants des livres canoniques parmi le peuple italien, aux xiv » et xve siècles, fut plutôt l’effet de l’influence franciscaine.

ix premières bibles imprimées. — Pendant la seconde moitié du XVe siècle, qui vit naître l’imprimerie, la Bible italienne eut bien vite les honneurs de la presse. On en connaît deux éditions principales, parues à Venise. — La première fut publiée en août 1471, par le célèbre typographe allemand Wendelin, de Spire ; elle passe pour l’œuvre de Nicolo Malherbi : Biblia dignantente vulgarizata per il clarissimo religioso duon Nicolao de Malermi Veneziuno, etc. ; — à la fin du second volume, on lit : Impresso… négli anni m.cccc.lxxi. in Kalende de Augusto. Cette Bible est précédée d’une Epistola de Don Nicolo di Malherbi veneto al reverendissimo prof essore de la sacra theologia mæstro Laurentio, de l’ordine de sancto Francesco, dans laquelle l’auteur déclare avoir traducto tutto testo de la Biblia, et l’avoir enrichi de petits commentaires tirés des saints Pères et d’autres célèbres théologiens du moyen âge, par exemple Mæstro Michèle da Bologna de l’ordine di cartnelitani. La dédicace est suivie d’une réponse en latin du susdit Laurentius venelus theologorum minimus, ex ordine cordiferum, etc. Après l’Apocalypse on lit les Rime di Hieronimo Squarzafico de Alexau

dria en l’honneur du volume, et de Wendelin, que le poète met au même rang que Zeuxis, Parrhasius, Folyclète. Nicolô de Malherbi (on le trouve aussi écrit Manerbi, Malermi) était un moine camaldule : de Venise, des plus distingués du xve siècle (né vers 1422, mort en 1481). Cf.Mittarellie Costadoni, Annales camaldulenses, t. vii, p. 286-288 ; Foscarini, Délia letter. veneziana, Padoue, 1752, t. i, p. 170. Il fut « dil monasterio de sancto Michèle di Lemo abbaie dignissimo », comme dit le titre de la Bible imprimée sous son nom, et ensuite d’autres monastères vénitiens, Saint-Matnias de Murano, etc. Si l’on compare avec soin le texte de Malherbi avec les différentes rédactions manuscrites de la Bible des xiii «-xive siècle, on arrive à la conclusion certaine, que la prétendue version du camaldule vénitien n’est autre chose qu’une édition de l’ancienne Bible revue et corrigée par l’abbé de St. Michèle in Lemo. La correction de D. Malherbi eut spécialement en vue : 1° d’adapter le langage toscan des mss. à l’orthographe du dialecte usité à Venise de son temps ; 2° de rapprocher la version italienne de la Vulgate jlatine, d’où elle avait été tirée.' Par suite, l'édition de Malherbi, bien qu’elle reproduise foncièrement des mss. du xive siècle, se rapproche beaucoup du dialecte vénitien, et rappelle de près le latin ; mais elle n’est point une œuvre littéraire et classique de langue italienne. Zambrini, Opère volgari a stampa, Bologne, 1884, est d’ailleurs trop sévère pour Malherbi, et trop favorable au texte des mss., quand il dit que l’abbé de Lemo ebbe l’audacia siccotne sfrontato plagiario, non solamente manomettere quesV aureo volgarizzamento, ma ben anco attribuirlo a se stesso. Les gloses ne manquent pas dans cet ouvrage, par exemple aux Psaumes, au Cantique des cantiques, aux Proverbes ; mais, en général, elles sont beaucoup moins nombreuses et mieux justifiées que dans les mss.

Deux mois seulement après l'édition de Malherbi, une grande Bible parut à Venise. Elle est sans indication typographique, mais elle sortit sans doute des presses du fameux Nicolô Jenson. Ce sont deux gros volumes in-folio, dont le premier va jusqu’aux Psaumes ; l’autre comprend le reste de l’Ancien et le Nouveau Testament. C’est à tort que Negroni, Bibbia volgare, t. i, p. XII, et, d’après lui, Carini, Versioni italiane delta Bibbia, dans Vigouroux, Manitale biblico (S. Pier d’Arena, 1894J, t. i, p. 274, divisent la Bible de Jenson en trois volumes. Il est vrai que même l’exemplaire que j’ai examiné dans la Bibliothèque nationale de Florence, est en trois tomes (1° Gen., Mi - Esd., m ; 2° II Esd., m - Ezech. xxxiv ; 3° Ezech., xxxv - Apoc.) pour la commodité de la consultation, mais évidemment le typographe avait divisé les volumes là où les explicit et les incipit sont marqués en majuscules, c’est-à-dire à la fin du Psautier et de l’Apocalypse. — Cette Bible ne porte aucune mention d'éditeur qui, à l’exemple du P. Malherbi, en ait revu et corrigé le texte, et dirigé la publication. Ce n’est pas sans molif ; en effet si l’on compare cette version imprimée aux autres versions de cette époque, on reconnaît que ce n’est pas une œuvre personnelle, ni même une revision d’anciens textes, comme la Bible malherbienne ; elle ne fait que reproduire des textes déjà existants, que le typographe a mis tels quels aux mains des ouvriers. Ainsi la Bible de Jenson reproduit en grande partie le texte de quelques manuscrits connus, par exemple Sienne, F. iii, 4. De plus il y a des parties considérables qui sont la reproduction mot à mot de la version de Malherbi, publiée peu de temps avant par Wendelin, de Spire. Cet amalgame de textes est-il effet d’un jugement critique et comparatif de leur valeur ? Evidemment non : aucun critérium n’a présidé an choix de l’une ou de l’autre version. Non seulement le ms. est à plusieurs reprises abandonné et repris, ainsi que le texte malherbien, mais le changement des textes se fait

tout à coup, quelquefois au milieu d’un livre, au milieu même d’un verset, ou entre la fin et le commencement de deux feuilles d’impression. On doit conclure de là que, dans l'édition de Jenson, l’usage de deux textes différents n’a pas d’autre motif que des raisons typographiques. L'éditeur avait commencé l’impression simultanée de plusieurs parties de la Bible d’après un ms. d’assez bonne rédaction, mais qui n'était qu’une version glosée du moyen âge, mêlée d’erreurs, et faite avec une grande liberté d’allure vis-à-vis du latin de la Vulgate. Aussitôt que la Bible de Malherbi parut, N. Jenson crut mieux faire d’abandonner le ms. pour suivre entièrement la nouvelle édition princeps de la Bible en langue vulgaire. C’est précisément auꝟ. 22 du second livre des Machabées, et au commencement du Ps. xvii, que la Bible de Malherbi entra dans l’atelier de Jenson. Celui-ci publia son édition tout de suite « in kalende de octobrio », mais sans lasigner de son nom, reconnaissant sans doute l’imperfecfection de l'œuvre. — Les livres où Jenson suit de préférence le texte de Malherbi sont ceux du Nouveau Testament, le Psautier et quelques parties des Prophètes, par exemple les Lamentations, et les Machabées. Cf. Le Long, Bibliotheca, p. 354. On devine aisément, par ce que nous venons de dire, quel dut être le sort de ces deux Bibles. Celle de Malherbi, avec sa couleur vénitienne, avec ses fautes d’impression, était tout au moins une œuvre homogène, un texte qui représentait assez fidèlement l’original sacré ; aussi se répandit-elle bientôt dans toute l’Italie ; elle eut l’honneur de plusieurs réimpressions et fut en usage pendant presque un siècle ; on l’imprimait encore en 1567. Voir dans Carini, dans le Manuale biblico, t. i, p. 275-280, la description minutieuse de plusieurs éditions de Malherbi qui lui tombèrent sous les yeux, de 1477, 1481, 1484, 1487, 1490, etc. L'édition de 1490 a une importance particulière, parce qu’on dit (Carini, p. 277 n.) que les dessins dont elle est ornée proviennent de BellinietSandroBotticelli. Ils sont, en effet, remarquables. Voir l’exemplaire de la Nationale de Florence, passim, et fig. 188 (dans Mùntz, Histoire de l’art pendant la Renaissance, 1. 1, 1889, p. 10), la reproduction d’un de ces dessins qui représente Malherbi travaillant à son œuvre.

Au contraire, la Bible de Jenson, confusion de textes tout à fait disparates, qui ne représentaient bien ni les rédactions manuscrites du moyen âge, ni la nouvelle de Malherbi, et qui était remplie de fautes grossières, eut le sort qu’elle méritait ; on la mit de côté, et la première édition fut aussi la dernière. Comparée à la Bible de Malherbi, l'édition de Nicolô Jenson a néanmoins presque toujours le caractère d’un texte plus classique relativement à la langue (toscane) : les livres de Josué et des Juges se distinguent particulièrement de tous les autres par l'élégance et la pureté du langage, mais, dans l’ensemble, la Bible de Jenson, comme édition classique, laissé bien à désirer, et en général est inférieure même à l'édition de Wendelin, de Spire. Qu’on compare par exemple un verset quelconque (Tob., viii), selon les deux rédactions

Jenson : Alhora Tobia conforto la poncella : et disse allei : Leva su Sarrae pregiamo oggie dimanee posdomane. Impercio che in queste tre nocte sagiugneremo. Et passa ta la terza nocte saremo nel nostro malrimonio.

Malherbi : Alhora Thobias confortossi con la vergene et disseli : levati suso sarra et preghiamo Dio hogi et domane et l’altro di : imperho che in queste tre nocte ce iungeremo a dio : et passata la terza nocte saremo nel nostro matrimo Au xixe siècle, à l'époque de la renaissance des études du moyen âge et à un moment où les mss. des textes publics étaient encore peu connus, on crut bien faire en réimprimant la Bible Jensonienne devenue très rare et regardée alors comme un précieux monument de. la

langue italienne du xrv » siècle » Une tentative de réimpression fut faite, dans la première moitié du xix » siècle, à Venise, par la Société vénitienne des bibliophiles. Elle chargea de l'édition deux personnes bien préparées à cette tâche, Berlan et De Andreis. Mais l’impression n’alla pas plus loin que Deutéronome, xxix, par suite de difficultés faites par la curie patriarcale : Bïbbia volgare, testa di lingua seconda l’edizione del Ï471 di Nicolo Jenson, per cura ed a spese délia Société Venela dei bibliofili, gr. in-8°, Venise, 1846, 624 p. Elle est devenue une vraie rareté bibliographique, parce que tous les exemplaires en furent détruits en librairie. Plus tard, l’idée fut reprise par le sénateur Charles Negroni, de Novare, de l’Académie de ïa Crusca, au sein de la Commission royale pour les textes de langue dans les provinces de l’Emilie, et cette fois-ci avec succès ! Dans l’espace de quelques années la Bible de Jenson, si négligée pendant des siècles, parut en dis volumes, com 187. — Nicold Malherbt traduisant la Bible. Reproduction d’une gravure de 1490.

prenant à côté du texte italien celui de la Vulgate latine : La Bïbbia volgare, secondo la rara edizione del t° di ottobre mcccclxxi, ristapipata per cura di Carlo Negroni, 10 in-8°, Bologne, 1882-1887 ; les huit premiers volumes sont consacrés à l’Ancien Testament ; ils font partie de la Collezione di opère inédite o rare dei prinii tre secoli délia lingua, pubblicata per cura délia R. Commissione pe' testï di lingua nelle Provincie dell' Emilia. Cf. S. de Benedetti, L’Antico Testarrientoe la lelteratura italiana, Pise, 1883 ; Sopra la ristampa délia Bibbia volgare procurata da C. Negroni, Florence, 1389 ; G. Tortoli, Elogio di Carlo Negroni (fl896), dans les À tti délia R.Accademia délia Crusca, Florence, 1900. La Bible réimprimée par Negroni est précédée d’une longue et savante introduction de l'éditeur, dans laquelle il met en parallèle les deux Bibles deMalherbi et de Jenson, décrit celle-ci et l’exemplaire qui lui sert de source pour son édition, parle de l’auteur probable de la version, des mss. bibliques en langue vulgaire existant dans tes bibliothèques d’Italie, et de la méthode suivie dans la reproduction orthographique du texte jensonien. Mais la Bible de Jenson ne méritait guère les honneurs d’une réimpression. Nous avons constaté qu’en réalité, loin d'être un monument de littérature classique, elle n’est en grande partie qu’une reproduction de l'œuvre de Malherbi, et que celle-ci est elle-même un mauvais remaniement de la version du xiir 3 siècle.

X. BOTTIONS PARTIELLES LE LA BIBLE ITALIENNE LU

moyen AGE. — Epistole, lezioni et Evangeli, Venezia, per Cristoforo Arnoldo, 1472. Plusieurs autres éditions des Evangiles et des Épitres (le la messe parurent à Venise et à Florence au xve siècle (cf. Carini, dans F. Vigouroux, Manuale biblico, t. i, p. 286) ; — Vangelio di S. Giovanni, Firenze, monastero di Ripoli, 1460 (cf. Follini, Annali délia tipografia di Ripoli) ; — Apocalypsis Jesu Christi… in lingua volgare composta per


Fraie Federico da Venezia (en 1334), Venise, 1515, etc. ; — Psalterio de David, Venise, 1476 ; plusieurs éditions ; quelques autres éditions partielles de la Bible sont sans importance, comme celle des Psaumes pénitentiaux, cf. Carini, p. 282 ; — Volgarizzamento di Vangeli (extraits liturgiques), testa di lingua, par E. Cicogna, Venise, 1823 ; réimprimé à Parme, 1840 ; — I quattro Evangeli, par A. Rossi, dans ses Ricerche per le Biblioteche, Pérouse, 1859 ; l'édition n’alla pas au delà du chapitre x de saint Matthieu ; — Estratti di Vangeli, par F. di Mauro, dans le Propugnatore (Bologna), 1869 (Matth., i-vn) ; 1871 (Marc, i-iv) ; 1874 (Joa., xviii-xxi) ; — Contemplazioni sulla Passione di N. S. Jesu Christo (Évangiles et Épltres de la semaine sainte), par F. de Romanis, Rome, 1834 ; autre édition par F. de Angelis, Rome, 1846 ; — Passione di N. S. (en dialecte véronais), par C. Giuliari, dans le Propugnatore, 1872 ; — Volgarizzamento degli Atti degli Apostoli, di fra D. Cavalca, Florence, 1837 ; Parme, 1842 (par B.Puoti) ; Milan, 1847 (par F. Curioni), Milan, 1887 (par B. Ponsi, qui s’est servi d’une édition florentine de 1769), dans là Biblioteca scelta di opère italiane, t. 438 ; — Atti degli Apostoli ed Apocalisse, 1834 ; — La Epistola agli Efesini, par B. Sorio, Vérone, 1848 ; par C. Del Re, Florence, 1851 ; par L. Bencini, Florence, 1851 ; par A. Toti, Sienne, 1870 ; — La Leltera di S. Paolo ai Galali, par B. Sorio, Vérone, 1861 ; — Epistola di S.Paolo a Filenlone, Sienne, 1853 ; — Epistola caltolica di S. Jacopo, par P. Pessuti, Venise, 1859 ; par G. ïurrini (avec les chap. m et iv de saint Jean), Bologne, 1863, dans la Scelta di curiosité letterarie, t. xxx (nouvelle édition, à Vérone 1869) ; — L' Apocalisse, par

F. Nesti, Florence, 1834 ; par F. Berlan, Pistoie, 1842 ; par G. Breschi, Pistoie, 1842 ; par A. Miola, dans le Propugnatore, 1880 et 1884 ; — Serto di fiori (Judic, xi et xii), par F. Zambrini, Imola, 1882 ; — Volgarizzamento del libro di Ruth, par M. Vannucci, Lucques, 1829 ; — Passione di San Job, par Bekker, dans Berichte der k. Acad. der Wissenschaflen zu Berlin, 1851 ; par F. Zambrini, dans Miscellanea di Prose, Imola, 1879 ; — 1 selle Salmi penitenziali, par F. Fanfani, Florence (Il Borghini, t. I), 1863 ; — I Proverbi, par G. Bini, Florence, 1847 ; par P. Fanfani, Florence, 1865 ; — Il libro dell’Ecclesiaste, par F. Frediani, Naples, 1854 ; — Lamentazioni di Geremiae Cantico dei cantici, par G. Turrini, Bologne, 1863 (Scelta di cur. lett., t. xxxii) ; — Il Cantico dei cantici, par P. Ferrato, Venise, 1868 ; autre édition de 40 exemplaires, Mantoue, 1876 ; — Storia di Tobia, par G. Poggiali, Livourne, 1799 ; par A. Cesaiï, dans ses Vies des saints Pères, Vérone, 1799 ; par M. Vannucci, Milan, 1825 ; par G. Manuzzi, Florence, 1832 ; par A. Miola, dans le Propugnatore, 1887 ; — I libri di Tobia, di Giudittae di Ester, par F. Berlan, Venise, 1844 ; — Miracolo di Susanna, par Razzolini, Florence, 1852 ; — Storia délia reina Ester, par F. Zambrini, Bologne, 1864 (Scelta di cur. lett., disp. xliii). Voir Zambrini, Le opère volgarï a stampa dei secoli XIIIe xiv, Bologne, 1866 (nouvelles éditions en 1878 et en 1884, avec appendice). Des extraits de la Bible de Jenson, d’après Negroni, et spécialement des passages des Évangiles, ont été réédités en 1900-1901 par le professeur

G. M. Zampini avec des commentaires.

II. La Bible italienne a l'époque de la réforme. — La Réforme, qui se faisait au nom de la Bible, inspira de nouvelles versions.

I. version de brïïcioli.

Antoine Brucioli, ou Bruccioli, naquit à Florence vers la fin du xve siècle. Très jeune encore il fréquenta les célèbres réunions philosophiques et littéraires des Orti oricellari (cf. Bandini, Spécimen literat. florent^, t. ii, p. 87) et fut en relations étroites avec Bernardo Rucellai, Luigi Alamanni, et surtout Machiavel dans tonte sa gloire. Il devint vite un des plus ardents fauteurs de la liberté florentine, opprimée, far 1$ tyrannie oligarchique des Médicis. Après la mort

III. -33.

de Léon X, il prit part au complot de Luigi Âlamanni contre le cardinal Jules de Médicis (1522), le futur Clément VII ; mais la conspiration ayant été découverte, il prit la fuite, et se retira en France. Il retourna à Florence en 1527, après la chute du pouvoir des Médicis. Il revenait imbu des idées de la réforme ; il ne cessait , de parler contre le clergé et le catholicisme, de telle sorte que les Huit de la Seigneurie durent le mettre au ban du domaine florentin. Cf. Varchi, Storia fiorenlina, 1. vin. Il alla habiter chez ses frères imprimeurs, à Venise, où l’on jouissait alors d’une liberté de presse et de pensée, presque sans bornes ; là, il se donna tout entier aux études philosophiques et littéraires, entra en relations avec les hommes de lettres de Venise, parmi lesquels se distinguait alors le fameux libelliste et comédien Pierre Arétin. Avec les presses de ses frères, il publia plusieurs ouvrages ; mais ce qui l’a rendu célèbre, c’est surtout sa nouvelle version de la Bible. Il l’avait commencée du temps qu’il demeurait à Florence, vers 1528 ; mais il en avait conçu sans doute le projet en France. Quoi qu’il en soit, C’est à Venise seulement qu’il put la continuer, l’achever et l’imprimer, afin de propager en Italie la pensée de la réforme, comme Luther l’avait fait en Allemagne.

Le Nouveau Testament sortit le premier des presses de Lucantonio Giunti, en 1530, précédé d’une lettre dédicatoire au cardinal de Mantoue, Ercole de Gonzaga : Il Nuovo Testamento di Cristo Jesu Signoree Salvador nostro, di greco nuovamente tradotto in lingua toscana per Antonio Brucioli. Épigraphe : Predicate l’evangelo (Marco xvi). À la fin : impresso in Vinegia… nel niese di maggio 1530. Il fut réimprimé en 1532 et 1536 (Anvers, au lieu de Venise), en 1544 (dédié à la duchesse de Florence, Éléonore de Tolède), en 1548 (dédié au cardinal de Ferrare, Hippolyte d’Esté), en 1550 (à Lyon), en 1552 (dédié au cardinal de Tournon, archevêque de Lyon), etc. — En 1531, le même célèbre imprimeur florentin publia la version des Psaumes, par Brucioli : Psalmi di David nuovamente dalla Hebraica yerità tradotti in lingua toscana per A. B. Réimprimés plusieurs fois après (l'édition de 1534 est dédiée à Alphonso d’Avalos d’Aquino, marchese del Vasto), L’année d’après, la Bible entière dans la nouvelle traduction on toscan, sortit des mêmes presses, avec une lettre dédicatoire d’Antoine Brucioli à François I er, roi de France : La Bibbia, quale contiene i Sacri libri del V. T. Tradotti nuovamente da la hebraica verità in lingua toscana per A. B. Coi divini libri del N. T. Tradotti di greco in lingua toscana pel medesimo, in-f°. Cette version fut réimprimée plusieurs fois, les années suivantes ; le traducteur enrichit' son ouvrage de notes et de commentaires, qui furent publiés dans les éditions de 1540 à 1545. Voir I. Carini, dans le Manuale Biblico, t. i, p. 291-298, la description détaillée de plusieurs de ces éditions, avec ou sans commentaires. On fit aussi des éditions séparées des livres des Proverbes (1533), de Job (1534), de l’Ecclésiaste (1536), d’Isaïe (1537), du Cantique (1538, peut-être après quelques éditions), des Actes et de l’Apocalypse (1537), des Évangiles des dimanches et des fêtes (1539), des Épitres de saint Paul (1541-1558), de l'Épitre aux Romains (1545). La Bihle de Brucioli, avec ou sans commentaires, fut donc reproduite fréquemment, en partie ou en entier, dans la première et aussi dans la seconde moitié du xvie siècle, particulièrement durant la vie de l’auteur. Mais fut-elle véritablement Une version directe de l’hébreu ou du grec, comme le veulent les titres des éditions ? Il est probable que Brucioli a eu en France, à Lyon, et particulièrement à Florence et à Venise, l’occasion d'étudier les langues sacrées ; Florence était un centre de la culture grecque en Italie ; tandis que Lyon et Venise étaient peut-être les villes d’Europe les plus, fréquentées par les Juifs et leurs rabbins. En effet, l' Arétin, son ami, lui écrivait en

1537 qu’il était « un homme sans égal dans la connaissance des langues hébraïque, grecque, latine et chaldéenne », De même, le célèbre bibliothécaire de la Laurentienne, Bandini, le dit « homme d’un grand talent et savant dans plusieurs langues ». On peut ainsi justifier, jusqu'à un certain point, le témoignagne provenant de Brucioli lui-même, qu’il a traduit la Bible d’après le grec et l’hébreu. J’ai dit « jusqu'à un certain point », parce que Richard Simon, Histoire critique des versions da N. T., c. xl, a constaté que cet ouvrage ne dénotait pas une profonde connaissance de ces langues : au contraire, cette version dépend souvent d’une manière servile de la traduction interlinéaire de Santé Pagnino, . faite sur le texte hébreu et publiée en 1528, et de celle d'Érasme pour le grec du Nouveau Testament. Il semble donc que Brucioli n’avait de ces langues qu’une connaissance superficielle, et il dut ainsi s’aider de préférence des versions littérales contemporaines. On parle d’un rabbin, Élie, qui lui servit d’interprète pour traduire d’une façon exacte quelques passages de l’Ancien Testament. Cf. E. Comba, Storia délia riforma in Italia^ Florence, 1881, t. i, p. 524. En somme, Brucioli fit une œuvre plus protestante que catholique. Cela ressort clairement du caractère même de sa version, qui contrairement aux autres versions, jusque-là publiées en Italie, était directement tirée des textes originaux, sans tenir compte de là Vulgate latine, et par cela même elle reste si attachée à la lettre hébraïque, qu’elle devient obscure, et n’a presque aucune valeur littéraire. Mais ce qui révèle ericore plus l’intention protestante de cet ouvrage, c’est le large commentaire théologique que Brucioli y ajouta dans plusieurs éditions après 1540 ; ici la façon de parler et de penser du christianisme, du culte extérieur et de la Bible, né diffère presque en rien du langage des réformateurs. Même les lettres dédicatoires trahissent quelquefois l’idée de l’auteur, par exemple celle qu’il adresse en 1540 à Renée de France, duchesse de Ferrare, élève de Calvin et ouvertement favorable à la réforme. Il né faut donc pas s'étonner si Brucioli fut regardé, même par ses amis, comme un hérétique et un luthérien, et si après sa mort il fut condamné comme tel par plusieurs historiens. Cependant, jamais il n’abandonna la communion de l'Église catholique, il dédia maintes éditions de son ouvrage à des Cardinaux ou à des archevêques, et en 1551 il fit même présenter saBible au pape. Cf. Lettere di diversi scritte all’Aretino, t. ii, p. 412 ; t. v de l'édition avec commentaires, 1542. On ne connaît pas la date précise de sa mort. Sa version ne pouvait manquer d'être condamnée par l'Église. Elle figure dans l'édition de l’Index du pape Paul IV, publiée en 1559 par le célèbre imprimeur Antoine Blado. Jusqu’alors les éditions' de cette traduction avaient été nombreuses et très répandues dans la haute Italie ; après l’interdiction, on cessa de l’imprimer. Néanmoins, en 1562^ une nouvelle édition parut à Genève, pour l’usage des protestants italiens réfugiés dans cette ville. Elle avait été corrigée et retouchée par Filippo Rustici, de manière à en supprimer les hébraïsmes trop durs, qui la rendaient obscure et presque inintelligible : La Biblia… nuovamente trad. in lingua volgare… con moite et utili annotazionie figuree carte, etc. Quanto al N. T. è stato rivedutoe ricorretto… con una semplice dichiaratione sopra l’Apocalisse. Stanxpato appresso Francesco flurone, l’anno m.d.lxii, petit in-f ».

II. autres rBasiorrs du xvp. siècle. — Le contrecoup de la réforme luthérienne et la réaction catholique produisirent un certain nombre de versions totales ou partielles de la Bible en Italie. Il en parut plusieurs au xvie siècle, plus ou moins dépendantes de celle de Brucioli.'Une nouvelle version de toute la Bible parut à Venise en 1538, par le Père Santé Marmochino, des frères prêcheurs. Ce dominicain demeurait à Florence dans le célèbre couvent de Saint-Marc, et jouissait parmi ses contemporains d’une grande renommée

omme historien, mathématicien, théologue, archéologue,

helléniste et hébraïsant. Il fut professeur d’hébreu i Padoue et à Venise. Il mourut en 1545. V. Negri, Scrittori fioreniini, Ferrare, 1722, p. 490 ; Quélif-Échard, Script, ord. Prsedicatorum, t. ii, p. 124-125. 30n nom ne nous a été conservé que grâce à cette version de la Bible : La Biblia nuovaniente tradotta dalla kebraica venta in lingua thoscana per Mæstro Santi Marmochino fiorentino, Venise, mdxxxviii, in-f". Mais,

i l’on compare la version de Marmochino avec celle de

Brucioli, on est vite convaincu que, loin d’être un outrage original composé directement sur les textes hébreu 3u grec, il n’est qu’un remaniement de l’œuvre de Brucioli, corrigée et retouchée de manière à rendre plus fidèlement la pensée de la Vulgate latine. On explique jinsi comment le P. Marmochino put achever son ouvrage en moins de deux ans, comme il l’affirme. Cette rersion eut une seconde édition en 1545 où 1546. Un » utre frère prêcheur du même couvent à Florence, le ïère Zaccaria, publia en 1536 une version du Nouveau Testament grec, en langue toscane, dépendante aussi de Brucioli ou de Marmochiïio ; elle n’a aucune valeur scientifique : Il N. T. tradotto in lingua Toscanà dàl R. P. Fra Zaccheria, per L. A. Giunti, Venise, 1536, n-8°.

Vers la moitié du xvie siècle, plusieurs versions anonymes du Nouveau Testament parurent à Venise, à Lyon et à Genève, pour servir à la lecture privée ou mblique des protestants italiens réfugiés à l’étranger. Le célèbre littérateur Castelvetro passe pour avoir com)osé vers ce temps-là une version du Nouveau Testanent ; mais nous ne sachons pas qu’elle ait été jamais mprimée. Comba, Storia, t. i, p. 530 ; A. Muratori, Ipere varie de Lodovico Castelvetro, Lyon, 1727, p. 47. Jne autre version du Nouveau Testament, publiée dans

e même temps, est due à un moine bénédictin de Floence, Massimo Teofilo. Il y montra une connaissance

lu grec, telle qu’on n’en pouvait pas alors posséder une neilleure, et son ouvrage est remarquable. Dédiée à r rançois de Médicis, cette version porte cependant des races d’une tendance protestante, particulièrement dans es "notes à la fin du volume ; Cf. Rosenmûller, Hand<uch fur die Literatur der biblischen Kritik und Exewse, Gœttingue, 1800, t. iv. — En 1555, parut à Genève ine version du Nouveau Testament, par Jean-Louis Pasale, qui toutefois se donne comme éditeur et non comme uteur de la traduction : Del N. T. de Jesu Christo nosro Signore ; nuovae fedel traduttione dal testo greco n lingua volgare italiana… fuggendo sempre ogni anae indegna affettazione d’importunie malconvelienti toscanismi, per Giovan Luigi Pascale, mdlv. Cn 1551, Jean François Virginio de Brescia publia à ijon une. Parafrasi sopra le epistole ai Romani, Gaatî ed Ebrei, dédiée à Renée, duchesse de Ferrare. Pluieurs de ces éditions lyonnaises furent publiées par’imprimeur Guillaume Rouille.

Pendant le même xvi » siècle, surtout dans la seconde aoitié, un certain nombre de versions partielles furent mbliées avec ou sans commentaires ; elles n’ont pas de aleur scientifique et religieuse, et offrent rarement [uelque importance littéraire. Il suffira de îles noter ans leur donner plus d’attention. Ces versions avaient our but de satisfaire la piété des fidèles : aussi ce sont n général des traductions du Psautier ou bien des sept’saumes de la pénitence. Je n’ai rencontré, en dehors u Psautier, qu’une version de la Genèse, par Pierre xétin (1539), et deux versions de l’Ecclésiaste, par David e Pomi (Venise, 1571), et par Giovanni Francesco da’orro, jointe au Psautier (Venise, 1536 ( ?), 1548). Une ersion des Évangiles et Épitres des dimanches et fêtes ît publiée en 1578 par Francesco de’Catani da Diacceto, hanoine du Dôme de Florence, mort évêque de Fiesole,

en 1595, et une autre en 1575 par le frère Remigio Nannini, qui traduisit aussi les Psaumes. Les versions des. Psaumes sont assez nombreuses. En 1524, une traductionnouvelle fut publiée par Lodovico Pittorio à Bologne ; par Giovan Francesco da Pozzo, en 1548, à Venise, directement sur l’hébreu ; par Pellegrino Neri, en 1573 ; par B. Mariscotti, en 1573 ; une version anonyme de l’hébreu, , en 1583 ; une autre par le célèbre historien de Florence, Scipione Ammirato ; une autre anonyme en huitains, en 1583 ; en 1584, par David d’Angelico Buonriccio ; par Flaminio Nobili, en 1590 ; par G. C. Pascali, en vers, en 1592 ; et, en 1593, une autre en prose par le célèbre prédicateur Francesco Panigarola. Des sept Psaumes de la pénitence on connaît les versions de Pierre Arétin, en prose ; de Jeronimo Benivieni (1505), en terze rime ; de L. Alamanni, Adimari et Capponi, en vers ; de la célèbre poétesse d’Urbin Laura Battiferra degli Ammannati, en 1564 ; une version en vers par différents auteurs, en 1572 ; une paraphrase par Scipione di Manzano ; enfin, en 1604, une version envers, de MatteoBaccellini, publiée à Paris. 777. version de DiODATi. — D’une famille protestante de Lucques, passée alors à Genève, naquit le 6 juin 1576 Giovanni Diodati, le célèbre traducteur de la Bible. Il s’adonna de bonne heure à l’étude des sciences religieuses et des langues sacrées, et y fit de si grands progrès, que Théodore de Bèze le fit professeur de langue hébraïque, quand il avait à peine 21 ans. Il se mit aussitôt à composer une nouvelle version de la Bible en Italien, et il la publia tout entière, en 1607, avec des notes : La Bibbia, cioè 1 libri del Vecchioe del N. T. nuovaniente traslatati in lingua italiana da Giovanni Diodati di nation luccltese. In Gineva, appresso Gio. di Tornes, mdc. vu. In-f°. Le Nouveau Testament fut réimprimé à Genève en 1608, et en 1665 à Amsterdam. Agrégé comme pasteur, , en 1608, Diodati fut chargé, l’année d’après, de professer la théologie à l’Université même de Genève. U alla quelquefois à Venise et il eut, dit-on, de longs entretiens avec l’historien du Concile de Trente, Paul Sarpi, dans le but d’introduire en Italie une sorte de réforme protestante, comme l’aurait voulu peut-être le célèbre théologien de la République. En 1641, Diodati ajouta à une nouvelle édition de sa version de copieux Commentaires théologiques i La Sacra Bibbia tradotta in lingua italiana, ecommentata da Giovanni Diodati, di nation lucchese. Seconda editione, migliorata ed accresciuta, con Vag~ giunta de sacri Salmi, messi in rime per lo medesimo. Stampata in Geneva per Pietro Chovet, m. dc. xli. Eh 1644, Diodati publia une traduction française de la Bible travaillée sur sa même édition italienne : cette version est d’une médiocre valeur. La Bible de 1641 fut reproduite, en 1744, par le typographe J. D. Mùller, à Leipzig. A Genève, il était en grande considération ; déjà, en 1618, l’Eglise protestante de cette ville l’avait chargé de la représenter au congrès religieux de Dordrecht, où il dicta le texte des délibérations prises par cette fameuse assemblée. Il occupa la chaire de théologie jusqu’à l’âge de 69 ans ; et mourut en 1C49. Sa version est une œuvre remarquable au point de vue scientifique et littéraire. Incontestable est sa compétence pour l’Ancien comme pour le Nouveau Testament, car il connaissait à fond, l’hébreu et le grec, non moins que l’italien et le latin. Il est vrai qu’il ne tient pas compte de la Vulgate ; toutefois, il s’éloigne assez rarement du sens donné par saint Jérôme au texte hébreu, et, quand il le fait, c’est sciemment. Ainsi dans la version du texte grec du Nouveau Testament, il ne s’éloigne de la Vulgate que dansquelques passages d’importance théologique pour les protestants contemporains. Dans les Psaumes naturellement se manifeste une plus grande différence d’avec la Vulgate latine, parce qu’il traduitdirectement sur l’hébreu, , tandis que le latin n’est qu’une simple version dés Septante. En omettant dans sa version quelques livres bibliques, Diodati ne lit que suivre lès idées protestantes a

parmi ses contemporains d’une grande renommée comme historien, mathématicien, théologue, archéologue, helléniste et hébraïsant. Il fut professeur d’hébreu à Padoue et à Venise. Il mourut en 1545. V. Negri, Scrittori fiorenlini, Ferrare, 1722, p. 490 ; QuétifÉchard, Script, ord. Prxdicatorum, t. ii, p. 124-125. Son nom ne nous a été conservé que grâce à cette version de la Bible : La Biblia nuovamente tradotta dalla hebraica veritâ in lingua thoscana per Mæstro Santi Marmochino fiorentino, Venise, mdxxxviii, in-f ». Mais, si l’on compare la version de Marmochino avec celle de Brucioli, on est vite convaincu que, loin d'être un ouvrage original composé directement sur les textes hébreu ou grec, il n’est qu’un remaniement de l'œuvre de Brucioli, corrigée et retouchée de manière à rendre plus fidèlement la pensée de la Vulgate latine. On explique ainsi comment le P. Marmochino put achever son ouvrage en moins de deux ans, comme il l’affirme. Cette version eut une seconde édition en 1545 ou 1546. Un autre frère prêcheur du même couvent à Florence, le frère Zaccaria, publia en 1536 une version du Nouveau Testament grec, en langue toscane, dépendante aussi de Brucioli ou de Marmochi"no ; elle n’a aucune valeur scientifique : Il N. T. tradotto in lingua Toscana dal R. P. Fra Zaccheria, per L. A. Giunti, Venise, 1536, in-8°.

Vers la moitié du xvie siècle, plusieurs versions anonymes du Nouveau Testament parurent à Venise, à Lyon et à Genève, pour servir à la lecture privée ou publique des protestants italiens réfugiés à l'étranger. Le célèbre littérateur Castelvetro passe pour avoir composé vers ce temps-là une version du Nouveau Testament ; mais nous ne sachons pas qu’elle ait été jamais imprimée. Comba, Storia, t. i, p. 530 ; A. Muratori, Opère varie de Lodovico Castelvetro, Lyon, 1727, p. 47. Une autre version du Nouveau Testament, publiée dans ce même temps, est due à un moine bénédictin de Florence, Massimo Teofilo. Il y montra une connaissance du grec, telle qu’on n’en pouvait pas alors posséder une meilleure, et son ouvrage est remarquable. Dédiée à François de Médicis, cette version porte cependant des traces d’une tendance protestante, particulièrement dans les notes à la fin du volume. Cf. Rosenmùller, Handbuch fur die Literatur der biblisclien Krilik und Exégèse, Gœttingue, 1800, t. iv. — En 1555, parut à Genève une version du Nouveau Testament, par Jean-Louis Pascale, qui toutefois se donne comme éditeur et non comme auteur de la traduction : Del N. T. de Jesu Christo nostro Signore ; nuovae fedel traduttione dal teslo greco in lingua volgare italiana… fuggende sempre ogni vanae indegna affettazione d’importunie malconvenienli toscanismi, per Giovan Luigi Pascale, sidlv. En 1551, Jean François Virginio de Brescia publia à Lyon une Parafrasi sopra le epistole ai Romani, Galati ed Ebrei, dédiée à Renée, duchesse de Ferrare. Plusieurs de ces éditions lyonnaises furent publiées par l’imprimeur Guillaume Rouille.

Pendant le même xvi » siècle, surtout dans la seconde moitié, un certain nombre de versions partielles furent publiées avec ou sans commentaires ; elles n’ont pas de valeur scientifique et religieuse, et offrent rarement quelque importance littéraire. Il suffira de les noter sans leur donner plus d’attention. Ces versions avaient pour but de satisfaire la piété des fidèles : aussi ce sont en général des traductions du Psautier ou bien des sept Psaumes de la pénitence. Je n’ai rencontré, en dehors du Psautier, qu’une version de la Genèse, par Pierre Arétin (1539), et deux versions de l’Ecclésiaste, par David de Pomi (Venise, 1571), et par Giovanni Francesco da Porro, jointe au Psautier (Venise, 1536 (?), 1548). Une version des Évangiles et ÉpHres des dimanches et fêtes fut publiée en 1578 par Francesco de' Catani da Diacceto, chanoine du Dôme de Florence, mort évêque de Fiesole,

en 1595, et une autre en 1575 par le frère Remigio Nannini, qui traduisit aussi les Psaumes. Les versions des. Psaumes sont assez nombreuses. En 1524-, une traduction nouvelle fut publiée par Lodovico Pittorio à Bologne ; par Giovan Francesco da Pozzo, en 1548, à Venise, directement sur l’hébreu ; par Pellegrino Neri, en 1573 ; par B. Mariscotti, en 1573 ; une version anonyme de l’hébreu, en 1583 ; une autre par le célèbre historien de Florence, Scipione Ammirato ; une autre anonyme en huitains, en 1583 ; en 1584, par David d’Angelico Buonricciojpar Flaminio Nobili, en 1590 ; par G. C. Pascali, en vers, en 1592 ; et, en 1593, une autre en prose par le célèbre prédicateur Francesco Panigarola. Des sept Psaumes de la pénitence on connaît les versions de Pierre Arétin, en prose ; de Jeronimo Benivieni (1505), en terze rime ; de L. Alamanni, Adimari et Capponi, en vers ; de la célèbre poétesse d’Urbin Laura Battiferra degli Ammannati, en 1564 ; une version en vers par différents auteurs, en 1572 ; une paraphrase par Scipione di Manzano ; enfin, en 1604, une version envers, deMatteoBaccellini, publiée à Paris. /II. VEtisiON DE diodati. — D’une famille protestante de Lucques, passée alors à Genève, naquit le 6 juin 1576 Giovanni Diodati, le célèbre traducteur de la Bible. Il s’adonna de bonne heure à l'étude des sciences religieuses et des langues sacrées, et y fit de si grands progrès, que Théodore de Bèze le fit professeur de langue hébraïque, quand il avait à peine 21 ans. Il se mit aussitôt à composer une nouvelle version de la Bible en Italien, et il la publia tout entière, en 1607, avec des notes : La Bibbia, cioè 1 libri del Vecchioe del N. T. nuovamente traslatati in lingua italiana da Giovanni Diodati di nation lucchese. In Gineva, appresso Gio. di Tomes, une. vu. In-f ». Le Nouveau Testament fut réimprimé à Genève en 1608, et en 1665 à Amsterdam. Agrégé comme pasteur, , en 1608, Diodati fut chargé, l’année d’après, de professer la théologie à lUniversité même de Genève. Il alla quelquefois à Venise et il eut, dit-on, de longs entretiens avec l’historien du Concile de Trente, Paul Sarpi, dans le but d’introduire en Italie une sorte de réforme protestante, comme l’aurait voulu peut-être le célèbre théologien de la République. En 1641, Diodati ajouta à une nouvelle édition de sa version de copieux commentaires théologiques : La Sacra Bibbia tradotta in lingua italiana, e commentata da Giovanni Diodati, di nation luccltese. Seconda edilione, migliorata ed accresciuta, con l’aggiunta de sacri Salmi, messi in rime per lo medesimo. Stampata in Geneva per Pielro Chovet, sr. De. XLI. En 1644, Diodati publia une traduction française de la Bible travaillée sur sa même édition italienne : cette version est d’une médiocre valeur. La Bible de 1641 fut reproduite, en 1744, par le typographe J. D. Mûller, à Leipzig. A Genève, il était en grande considération ; déjà, en 1618, l’Eglise protestante de cette ville l’avait chargé de la représenter au congrès religieux de Dordrecht, où il dicta le texte des délibérations prises par cette fameuse assemblée. Il occupa la chaire de théologie jusqu'à l'âge de 69 ans ; et mourut en 1649. Sa version est une œuvre remarquable au point de vue scientifique et littéraire. Incontestable est sa compétence pour l’Ancien comme pour le Nouveau Testament, car il connaissait à fond l’hébreu et le grec, non moins que l’italien et le latin. Il est vrai qu’il ne tient pas compte de la Vulgate ; toutefois, il s'éloigne assez rarement du sens donné par saint Jérôme au texte hébreu, et, quand il le fait, c’est sciemment. Ainsi dans la version du texte grec du Nouveau Testament, il ne s'éloigne de la Vulgate que dans quelques passages d’importance théologique pour les protestants contemporains. Dans les Psaumes naturellement se manifeste une plus grande différence d’avec la Vulgate latine, parce qu’il traduitdirectement sur l’hébreu, tandis que le latin n’est qu’une simple version des Septante. En omettant dans sa version quelques livres bibliques, Diodati ne lit que suivre les idées protestantes,

de son temps. Au point de vue littéraire, la version de Diodati mérite de grands éloges. La langue est bonne et élégante ; le style soigné, et on doit seulement lui reprocher la fréquence de ces longues liaisons entre les phrases et les périodes, qui donnent l’illusion d’un langage solennel. Il faut se rappeler cependant que Diodati composait sa traduction de la Bible au xvii » siècle, en pleine décadence littéraire de l’Italie. La version de Diodati est encore la Bible officielle des protestants italiens, réimprimée plusieurs fois dans les siècles passés, et répandue dans un grand nombre d'éditions totales ou partielles à des milliers et milliers d’exemplaires, par la Société biblique d’Angleterre et par les imprimeries protestantes d’Italie, particulièrement à Florence par le collège des Vaudois. Carini, dans le Manuale biblico, t. i, p. 302. L’imprimerie Barbera, de Florence, a publié de nouveau, en 1880, l'édition de 1641, contenant, à côté du texte italien, les commentaires théologiques du traducteur.

IV. VERSIONS BIBLIQUES DES XVIP ET XVIII" SIÈCLES.

— La réforme vaudoise et allemande ayant pris la Bible en langue vulgaire comme son unique autorité religieuse, l'Église catholique dut se préoccuper des ravages que la lecture de la Bible, indifféremment permise à tout le monde, faisait parmi le peuple. Toutefois le Concile de Trente ne jugea pas nécessaire de défendre la lecture de la Bible en langue vulgaire, qui avait été jusqu’alors la.nôurriture spirituelle des chrétiens. Mais dans la suite des temps on finit par se convaincre qu’en réalité la lecture de la Bible en langue vulgaire ne faisait qu’accroître chaque jour parmi le peuple les adhérents à la réforme protestante. Pour ce motif on fut obligé, pour sauvegarder la foi catholique, de défendre absolument à tous la lecture de la Bible en langue vulgaire. Le pape Pie IV, en 1564, promulgua cette défense dans les règles de VIndex. On ne doit donc pas s'étonner si le xviie siècle ne nous donne pas un seul traducteur qui puisse être comparé à Diodati. Pendant près de deux siècles, le manque de versions bibliques en Italie fut absolu, et il suffira pour s’en convaincre de retracer ici les noms de quelques prétendus traducteurs aux xvii » et xvin » siècles. — Versions des Psaumes : A. Lomori, Davidde pénitente, Sienne, 1653 ; Davidde orante, Rome, 1663 ; — Mattei Loreto, 71 Salmista toscano, Macerata, 1671, en vers ; — Mattei Saverio, I libri poetici délia Bibbia, Naples, 1766, en vers ; son auteur dit « traduits de l’hébreu » ; une autre édition, Gênes, 1784, porte les seuls Psaumes adaptés à la musique ; c 'était bien le temps de Métastase ; — Capponi, Parafrasi poetica dei Salmi di Davide, del Sollecito, accademico délia Çrusca, Florence, 1682 ; — Cento salmi in rime italiane, avec musique, Gènes, 1683 ; — S. Conti, Salterio davidica, Bologne, 1696, en vers ; — Redi Gregorio, 1 Salmi di David, Florence, 1734, en vers ; — Abbé G. B. Vicini, I Salmi penitenziali, Carpi, 1755, en vers ; — Bracci, / Salmi davidici, Florence, 1769, en vers. — Livres de Job, Proverbes, etc. : G. M. Luchini, Le lezionidi Giobbe et il cantico di Ezechia, Lucques, 1731, en vers ; — G. Ceruti, Il libro di Giobbe, Turin, 1759, en vers ; l’auteur dit l’avoir traduit du texte hébreu ; — F. Bezzano, Jl libro di Giobbe, Roma, 1760, en huitains ; — M. de Talloni, Il libro di Giobbe vùlgarizzato in terza rima, Osimo, 1754 ; — G. M. Luchini, I Proverbi, Florence, 1733, en vers ; — B. Casa régi, I Proverbi, Florence, 1751, en vers ; — Vincenzio da S. Eraclio, J Proverbi di Salomone, Bologne, 1760, en vers ; — G. Vincioli, sous le nom de Leonte Prineo, L’Ecclesiaste di Salomone, Lucques, 1727, en vers ; — Pacchi Domenico, Jl libro délia sapienza, Lucques, 1777, en vers. — Cantique et Lamentations : G. Blanchini, La Cantica dei cantici, Venise, 1735, en vers ; — Cantica tradotta in versi anacreontici, Florence, 1786, par un auteur inconnu ; — N. Strozzi, Le Lamentazioni parafrasate, Rome, 1635 ; — Le Lamentazioni di Geremia, Piacenza, 1701,

paraphrase lyrique de l’académicien M. L ; — Menzini Benedetto, Lamentazioni di Gerem la espresse in terzarima ne' loro dolenti affetti ; tradotte in verso scioltoe : riformate dall' ebraico da Anton Maria Salvini, Florence, 1728 ; — P. Bossi, / treni di Geremia, il Cantio di Salomone, Salmi penitenziali, ecc., Padoue, 1745, en vers latins et italiens ; — F. B. Adami, I Cantici biblici ed allri Salmi con i treni di Geremia tradotti in versi da un accademico apatista, Florence, 1748 ; — F. M. Zampi, J Treni parafrasati, Venise, 1756, en vers. — Versions diverses : F. Lenci, La storia di Tobia tradotta dalla Vulgata da un accademico délia Crusca, Livourne, 1764 ; — Parafrasi délie Epistole di S. Paolo, Naples, 1766 ; etc.

III. Versions italiennes modernes.

Il y avait bien deux siècles que le peuple italien catholique ne lisait plus guère la Bible, lorsque le grand pape Benoit XIV jugea à propos, le 13 juin 1757, dé modifier les règles de VIndex et de permettre la lecture des versions de la Bible en langue vulgaire faites par des savants catholiques et approuvées par le saint-siège. Ce fut le point de départ d’une nouvelle série de versions italiennes de la Bible.

J. VERSION DE MARTINI ET VERSIONS CONTEMPORAINES. — 1° Antoine Martini naquit à Prato, petite ville près de Florence, en 1720. Il prit les ordres, et après avoir dirigé durant quatorze ans le collège ecclésiastique de Superga, à Turin, il fut obligé de le quitter pour cause de santé. Il fut nommé par Charles-Emmanuel III conseiller d'État avec une pension sur l’abbaye de SaintJacques-en-Besse. En promulguant le décret relatif aux versions de la Bible en italien, Benoit XIV avait exprimé à quelques cardinaux son très vif désir qu’un Italien, aussi savant que pieux, entreprit une nouvelle version de la Bible. Le cardinal Délie Lanze, de la maison de Savoie, qui avait plusieurs fois eu l’occasion d’apprécier le talent et le mérite de l’abbé Martini, lui fit connaître le désir du pape et le pressa de travailler lui-même à la nouvelle version biblique. Martini ne refusa pas ; il commença par l'étude du Nouveau Testament, fit de sérieuses recherches sur le texte grec comparé avec la Vulgate, et se mit à préparer la version et les notes. Mais l'état délicat de sa santé et les graves devoirs de ses fonctions l’empêchèrent d’aboutir tant qu’il fut recteur du collège de Superga. Il ne put avancer son travail qu’après avoir renoncé à la direction du collège. Mais les temps étaient alors changés ; Benoit XIV était mort, et l’on ne se montrait plus aussi favorable à son œuvre. Dans une lettre à son ami, le marquis Antoine Niccolini de Florence, datée de juillet 1761, Martini nous apprend lui-même qu’il avait terminé alors la traduction et les notes des deux Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc. Mais il n’avait plus, dans le succès de son œuvre, la confiance d’autrefois ; il déclare ne pas savoir si un très haut personnage (sans doute le cardinal Délie Lanze) sera satisfait de son travail ; il y parle des anciennes versions italiennes de la Bible (Malermi, Brucioli) comme de raretés bibliographiques dont on n’a plus aucune connaissance précise ; c’est à peine s’il connaît par luimême la version de Diodati. Cependant il ne s’arrêta point et il acheva le Nouveau Testament dans les premiers mois de 1769 ; vers la fin de la même année, le premier volume parut à Turin ; il contenait les deux premiers Évangiles, et était dédié au roi Charles-Emmanuel de Savoie. La revision ecclésiastique avait été faite par le théologien Marchini, professeur d'Écriture Sainte à l’Université, et, sur son témoignage, le Père dominicain vicaire du saint-office à Turin et le président du collège des théologiens l’avaient approuvé. Certaines expressions de l’abbé Martini, dans ses lettres à ses amis, ' font entendre qu’il avait eu bien des difficultés dans son entreprise ; mais, quoiqu’il en soit, l’archevêque de Turin, dès que le premier exemplaire de l’ouvrage lui eut

été présenté, adressa à l’auteur une lettre de vive approbation. — Les autres parties du Nouveau Testament furent publiées les années suivantes, 1670-1671, le tout en six volumes. Pendant ce temps, l'œuvre de Martini avait rencontré, d’une part, l’accueil le plus favorable et, de l’autre, lui avait attiré des ennemis implacables qui faisaient tout pour l’empêcher de la continuer et même travaillaient à la faire condamner par le saint-office. Tout en s’efforçant d’obtenir l’approbation de Rome, Martini continua son œuvre. La fin du Nouveau Testament parut en 1771, et reçut du public le meilleur accueil, de sorte que l'édition fut promptement épuisée. Un même temps, on faisait à Naples, sans le consentement de l’auteur, une autre édition qui fut également vite épuisée. Aussi, en 1773, l’abbé Martini annonça-t-il qu’il allait faire une édition nouvelle, revue et corrigée, et qu’il allait aussi publier la version de l’Ancien Testament. Cette seconde édition du Nouveau Testament parut à Turin en six volumes, de 1775 à 1778. En 1776, il publia le premier volume de l’Ancien Testament contenant la Genèse, et en 1778, la fin du Pentateuque. Il était dédié au roi Victor-Amédée de Savoie et approuvé par le P. Hyacinthe Cattaneo, dominicain, professeur à l’Université du roi, par le vicaire général du saint-office, et par ie grand chancelier.

A la fin de 1777, le ministre du roi de Sardaigne à Home, le commandeur Graneri, avait présenté l’ouvrage de Martini, en cours de publication, au pape Pie VI. Le £aint-père lui fit adresser un bref d’approbation. Le 17 mars 1778, le souverain pontife déclarait que le "travail de l’auteur était conforme aux règles de l’Index et à la constitution de Benoit XIV, et il louait la doctrine et la piété de Martini. Celui-ci fit imprimer le bref en tète de son ix « volume, qui parut en août 1778.

Peu de temps après, les jansénistes de Toscane, voyant que la version de Martini avait été approuvée par le saint-siège, cherchèrent à se l’approprier, et ils en commencèrent une nouvelle édition avec des notes hérétiques. Le premier volume du Nouveau Testament parut au mois de mars 1779. Martini, indigné de cette altération de son œuvre, se hâta de protester, mais, malgré ses réclamations publiques, la publication du Nouveau Testament se continua. On commença aussi celle de l’Ancien, mais on ne l’acheva pas ; elle s’arrêta à Isaïe. En 1781, Martini avait été nommé archevêque de Florence, et, en 1784, il réussit enfin à en arrêter l’impression.

Dès que Martini fut sur le siège de Florence, il prit soin de faire une nouvelle édition de tout son travail ; elle fut publiée par l’imprimerie archiépiscopale, de 1782 à 1792. En 1783, il apprit qu’on allait faire à Rome une édition spéciale de sa version « .corrigée » parordre du maître du sacré palais, Thomas Mamachi. Martini s’empressa d’en référer au pape Pie VI, qui lui fit écrire par le P. Mamachi que lesdites « corrections » ne regardaient que des fautes d’impression.

Au point de vue littéraire, la version de Martini est remarquable par la pureté et l'élégance du langage toscan, et c’est à juste titre qu’on l’a mise parmi les lesti di lingua de l’académie de la Crusca (séance du 28 juillet 1885), mais elle n’a ni l'énergie ni la concision des textes originaux, et si l’auteur connaissait bien le grec, il ne possédait pas suffisamment l’hébreu, quoiqu’il se ïlt aidera Florence par un rabbin appelé Terni. Sa traduction n’en a pas moins rendu de grands services aux -catholiques italiens. C. L. Begagli, Biografia degli uomini iltustri, Venise, 1840, t. vi ; Orazione funerale de M9 r Martini par le chan. Longo de Florence ; C. Guasti, Storia aneddota del volgarizzamento dei due Teslatnenti fatto dalV ab. Antonio Martini, dans la Rassegna nationale de Florence, 16 septembre 1885, t. xxv, p. 235282. Voir aussi : Apotogia del brève del sonimo pontefice Pio VI, à MonsMartini, arcivescovo di Firenze, tmvcro dotlrina délia Chiesa sut leggere la S. Scriltura

in lingua volgare, Pavie, 1784. Cette brochure, qui est maintenant une rareté bibliographique, parut anonyme, mais Guasti confirme que son auteur s’appelait Joseph Tavelli.

2° À la même époque, les jansénistes d’Italie faisaient de grands efforts pour répandre leurs erreurs. Le fa » méux Ricci, évêque de Pistoie, fit publier, en 1786, une version du Nouveau Testament avec le commentaire de Quesnel : Il Nuovo Testamento, con riflessioni morali sopra ciascun versetto. [Tradotto dal francese, per commissions di Mons. Ricci, vescovo di Pistoid, Pistoie, 1786-1789, 6 inr8°. — On publia aussi alors à Gênes une version italienne de la grande Bible française de PortRoyal, dite de Sacy : H V, e il N. T. gitista la Volgatà in italianoe latino, per Luigi Isacco Le Maistre de Sacy, tradotto dal francese, Gênes, 1787-1892, 24 in-4°. Dans la première moitié du XIXe siècle, on publia aussi à Milan (1830-40, 18 in-8°) une version italienne de la Bible française dite de Vence, giusta la quinta, edizione del sig. Drach con nuove illustrazioni di Bartolommeo Catena. Mais la version de Martini éclipsa toutes les autres, et demeura seule la Bible des catholiques italiens.

11. VERSIONS DE DE ROSSI ET DE LVZZATTO. - 1°

Jean Bernard de Rossi, le célèbre critique de l’Ancien Testament hébreu (A. de Gubernatis, Matériaux pour servir à l’histoire des études orientales en Italie, Paris, 1876, p. 121), naquit à Castelnuovo, dans le district d’Ivrée en Piémont, en 1742. Il fut reçu docteur en théologie à l’Université de Turin en 1766, au moment même où Martini travaillait à sa version du Nouveau Testament. Tout jeune encore, il apprit à fond les langues sémitiques et les principales langues européennes. Le duc de Parme l’appela comme professeur de langues orientales dans l’Université qu’il avait fondée dans cette ville ; dans le même temps, Bodoni y établissait sa célèbre imprimerie. L’abbé de Rossi eut ainsi le loisir de s’adonner aux plus profondes études de critique et de littérature hébraïque et rabbinique ; il recueillit, à ses frais, une précieuse et vaste collection de mss. hébreux ou rabbiniques, à l’aide desquels il publia ses célèbres Varies lectiones dû texte massorétique et de nombreux travaux sûr l’histoire de la littérature rabbinique, particulièrement en Italie. En 1809, de Rossi se retira de l’Université et revint à Turin, en Piémont, où, cinq ans plus tard, on lui offrit la place de conservateur de la bibliothèque du roi. Au milieu de ses travaux critiques, il traduisit plusieurs livres de l’Ancien Testament sur le teste hébreu original. On a ainsi de lui les Psaumes (1808), l’Ecclésiaste (1809), le livre de Job (1812), les Lamentations (1815), les Proverbes (1815). Ses versions sont assez élégantes et rendent bien la vigueur et la concision du texte sacré ; elles font amèrement regretter que l’abbé de Rossi ne voulût pas étendre son travail à toute la Bible.

2° La version de l’Ancien Testament fut reprise vers le milieu du xixe siècle, par le rabbin Samuel David Luzzatto. Cf. A. de Gubernatis, Matériaux, p. 83. Il naquit à Trieste, le 22 août 1800. Instruit dès son enfance, par sa famille, dans la langue sacrée, à l'âge de huit ansil pouvait lire le livre de Job. En 1829, [on le choisit comme professeur d’hébreu au collège rabbinique de Padoue, récemment fondé, et qui, grâce à lui, jouit bientôt d’une célébrité européenne. Des savants étrangers tels que Gesenius, Rosenmûller, Frz. Delitzsch, s’adressaient à lui pour résoudre des difficultés philologiques. Il publia d’excellentes grammaires des langues hébraïque et rabbinique et un grand nombre de travaux sur des textes hébreux particuliers. Il se proposa de faira une version de la Bible en italien, selon la méthode scientifique de la philologie comparée, et il travailla à cet ouvrage plusieurs années, quand, au milieu de ses travaux, il mourut en 1865. Il avait publié, en 1853, une version du livre de Job, en 1855 et l’année suivante, une

autre d’Isaïe et, en 1859-1860, du Pentateuque. Cependant, il était loin, lorsqu’il mourut, d’avoir achevé sa version. Mais comme plusieurs livres étaient plus ou moins prêts, quelques-uns de ses disciples et de ses collaborateurs résolurent de terminer son œuvre et de donner an public l’Ancien Testament en entier. Il fut publié en effet, en quatre volumes, de 1868 à 1875 : La Sacra Bibbia volgarizzata da Samuele Vavide Luzzalo e continuatori, Royigo. Le quatrième Volume contient des préfaces sur ces différents traducteurs. La version du Fentateuque et des Juges est de Luzzatto ; les livres de Samuel ont été achevés par A. Mains ter, du collège rabbinique de Padoue, et les livrés des Rois, par Eude Lolli, de Goritz, né en 1826, maintenant grand rabbin à Padoue. Le même Lolli corrigea les livres de Jérémie, d'Ézéchiel, de Joël, d’Amos (avec Philoxène Luzzatto), de Zacharie, de Malachie et le premier livre des Chroniques, et fît lui-même la version du second livre des Chroniques et d’Aggée : Mainster revisa aussi la version d’Abacuc, et fit celle de Nahum ; Ehrenreich termina les versions d’Osée et Michée (avec Pardo) et fit celles de Daniel, d’Esdras et de NéhémiejViterbi traduisit Sophonie et les Proverbes ; Mortara (né en 1815, mort rabbin majeur à Mantoue) revisa les Psaumes ; Foa traduisit le 'Cantique. — La version est divisée en chapitres et en versets, sans aucune explication historique, ou autre, qui aide le lecteur à pénétrer le sens des auteurs sacrés. Seulement, là où il est nécessaire, au milieu du texte, des mots entre parenthèses carrées ou rondes expliquent les hébraïsmes ou les incertitudes du sens littéral. La langue et le style en sont durs et sans élégance ; la version paraît plus occupée de rendre l’expression de l’hébreu, que de l’adapter au génie du langage italien. Pour ces motifs, cette traduction n’a pas franchi les frontières du judaïsme, et elle est inconnue des catholiques. Cependant c’est un ouvrage d’assez grand mérite. 3° Il suffira de mentionner ici quelques autres versions publiées pendant le xix° siècle par des juifs en Italie : une version des Psaumes (Vienne, 1845), du rabbin Lelio délia Torre, né à Cuneo en 1805, mort à Padoue en 1871 ; une autre, en 1874, par le rabbin Jacob Rakkach avec commentaire ; une version de Job et des Lamentations (1874-1875), par Benjamin Consolo ; du Cantique, avec commentaire, de Noftama Cheleni, en 1873 ; du Cantique et des Lamentations par G. Barzilai ; la Prière d’Habacuc par Vito Anau (Ancône, 1883).

111. YBRSIONS D’VGDULENA, DE CVRCl ET DE CASTELLl. — 1° Grégoire Ugdulena naquit à Termini de Sicile, en 1815. Dès sa première enfance, il s’adonna à l'étude des ilangues classiques, et particulièrement du grec où il fit 'd'étonnants progrès. Il prit ensuite les ordres sacrés et entra dans l’enseignement. En 1843, il obtint, par son mérite en littérature biblique, la chaire d’hébreu et d’herméneutique à l’Université de Palerme, mais il la perdit à la suite des événements politiques de 1848-1849, auxquels il prit une part assez considérable. Rentré alors dans la vie privée, en 1850, il commença une nouvelle version de la Bible, faite directement sur les textes .originaux, et accompagnée d’introductions et de commentaires. Le premier volume parut en 1859, et contenait le Pentateuque. En 1850, il obtint de nouveau sa chaire à l’Université, prit une part active à la vie politique ; il fut ministre de l’Instruction publique en Sicile 'et député au parlement italien. En 1862, il publia le .second volume de sa version, contenant les livres des Rois. En 1865, il fut élu professeur de grec à l’Institut d'études supérieures de Florence, et, en 1870, de grec et d’hébreu à l’Université de Rome, où il mourut en juillet 1871. La version de la Bible en resta là, comme un remarquable fragment scientifique et littéraire ; l’auteur était très compétent, soit comme traducteur italien, soit pour la connaissance des langues sacrées et du mouve# ment scientifique-biblique en Allemagne. Le célèbre

Manzoni et le pape Pie IX étaient des admirateurs du travail du professeur sicilien, à présent presque oublié, parce qu’il est resté incomplet. A. de Gubernatis, Matériaux, p. 169 ; I. Cari iii, Di Gregorio Ugdulenae délie sue opère, Palerme, 1872.

2° Une série de versions fut entreprise plus tard par Charles-Marie Curci, Napolitain. Il naquit en 1809, et en. 1826 entra dans la compagnie de Jésus ; il en sortit plusieurs années après, jouissant déjà d’une grande célébrité en Italie, et s’adonna aux études politiques. Dans les dernières années de sa vie, il s’occupa activement d'études bibliques. En 1873, il publia à Florence un petit volume, contenant la version des Évangiles avec quelques notes, dont il se vendit en Italie, et surtout en Toscane, près de trente mille exemplaires. Ensuite, il fit dans des églises de Florence un cours exégétique sur le Nouveau Testament (de 1894 à 1896), et traduisit quelques autres livres de l’Ancien, qu’il publia successivement. Le Nouveau Testament parut à Naples en 1879-1880. En 1883, il donna aussi une version des Psaumes, d’après le texte hébreu : Jl N. T. volgarizzato ed esposto in note esegetichee morali, Naples, 18791880, avec des longues introductions et des notes plus longues encore : 3 in-4°. — Les Lezioni esegetichee morali sopra i quatlro Evangeli sont un ouvrage distinct (en 5 in-8°), mais le même pour le fond. — Le virtù domestiche ossia il libro di Tobia esposto in 18 lezioni, Florence, 1877 ; cet ouvrage fut réimprimé avec l’exposition du récit de la Genèse touchant Giuseppe in Egitto. — Ces travaux ont été encore publiés à Turin par YVnione tipografica éditrice : — Il Sallerio volgarizzato dall' ebreo ed esposto in note esegetichee morali, Rome, 1883. Les travaux et les leçons de Curci eurent beaucoup de succès pendant la vie de l’auteur, mais en réalité leur valeur est bien médiocre. L’auteur a certainement connu les travaux critiques sur la Bible et particulièrement sur le Nouveau Testament ; mais, comme il avait abordé ce genre d'études dans un âge déjà avancé, il n’avait pas acquis une véritable compétence. Il a fait de la science biblique en prédicateur, plutôt qu’en savant. La critique textuelle et historique est faible. Le texte italien de ses versions est dur, sans élégance, quelquefois trop concis, d’autres fois trop diffus. Dans les Psaumes, il a montré qu’il connaissait imparfaitement l’hébreu, et la traduction même, qui prétend rendre le rythme hébreu, est assez barbare.

3° Il reste à parler d’un hébraïsant, juif de naissance, , le professeur David Castelli, mort le 13 janvier 1901. Il était né à Livourne, le 30 décembre 1836. Son père, très instruit, lui donna dès sa plus tendre enfance le goût de la langue sacrée, qu’ensuite il étudia à fond sous la direction du rabbin Piperno qui possédait une solide connaissance de l’hébreu biblique, targumique et talmudique, et fut l’auteur d’une partie (lettre M) de YEncyclopêdie talmudique publiée par Isaac Lampronti (xvii «-xviiie siècles). Cependant le R. Pipêrno n'était pas un philologue dans le sens moderne du mot ; et D. Castelli dut lui-même se former à la méthode scientifique par des études personnelles. En 1863, il alla s'établir à Pise, ou il fut nommé chancelier de l’Université juive et se donna à l’enseignement particulier de la philosophie et des langues classiques. En 1876, il fut désigné pour la chaire d’hébreu à l’Institut d'études supérieures à Florence, où il resta jusqu'à sa mort. On lui doit une version de l’Ecclésiaste (1866), du livre de Job (1897), dn Cantique des cantiques (1892), avec introductions critiques et notes. Dans ses volumes sur la poésie biblique (1878), la prophétie dans la Bible (1882), la loi du peuple juif et son développement historique (1887), il y a aussi de nombreux passages traduits de différents livres de la Bible. Castelli était un rationaliste de l'école d’Ewald, Wellhausen, Nowack, etc. Très bon écrivain de langue italienne, ce qui est rare parmi ceux qui sont nés juifs,

ses traductions se distinguent par une clarté, une élégance sévère, une concision qui est en harmonie avec le style de la Bible. Dans la prérace à son petit recueil de passages choisis de l’Ancien et du Nouveau Testament pour l’enseignement moral des jeunes gens (1898), il dit avoir eu la pensée d’une nouvelle version de la Bible, d’après les principes de la critique moderne. Hais il n’a pu mettre ce projeta exécution. A. de Gubernatis, Matériaux, p. 101-103.

iv. versions diverses. — Beaucoup de traductions partielles de la Bible parues dans le xixe siècle n’ont pas de réelle valeur scientifique. La plupart sont des versions en vers, dont le mérite littéraire est médiocre. Il suffira de les indiquer pour être complets : B. Silorala, I libri poctici délia Bibbia, en vers, Turin, 1847 ;

— A. Fava, Poésie bibliche, en vers, Milan, 1874 ; — G. Massi, Cantici di Sion, Turin, 1880, en vers ; — J. D. Gazzola, Il Salterio, Vérone, 1816, en vers, d’après une traduction en prose de G. Ventnri faite sur l’hébreu ;

— J.-B. Spina, Esperimento di traduzione di alcuni Salmi in terza rima, Rimini, 1823 ; — I Salmi tradotti 'la vari, Venise, 1835, dans la collection du Parnaso straniero ; — A. Fava, 1 Salmi, Florence, 1870, en vers ; — V. Barelli, Il Salterio recato in versi italiani, Florence, 1881 ; — N. Bilotta, I Salmi, Naples, 1882, en vers ; — F. Rezzano, H libro di Giobbe, Venise, 1834, en vers, dans le Pamaso slraniero ; — V. Talamini, Il libro di Giobbe, Venise, 1871, en vers ; — E. Leone, Canlico dei cantici, Florence, 1825, en vers ; — F. De Beaumont, Cantico dei cantici, Palerme, 1874, en vers ; — I. Sorio, Il Cantico dei cantici tradotto in vevsi quinari, Bassano, 1888 ; — G. Eroli, Il libro délia Sapienza, Nàrni, 1859 ; — E. Leone, I Treni, Florence, 1823, en vers ; — A. Maffei, I Treni, Florence, 1878, en vers ; — M. Villareali, Le profezie d’Isaiae le lamentazioni di Geremia tradotte in tcrza rima, Palerme, 1883 ; — G. Valentino, Parafrasi dei capitofo XSSlll di Ezechiele profeta, Cosenza, 1874 ; — A. Calciato, Il libro di Rut ; versione libéra in oltava rima, Piacenza, 1876 ; — A. C., Il libro di Tobia volijarizzato, Bassano, 1875 ; — I. Spano, Il vangelo di S. ifatteo volgarizzato in dialetlo sardo ; con osservazioni filologiche dei principe Luigi Luciano Bonaparte, Londres, 1866 ; — Pons, Epistola di S. Paolo a Filemone, Florence, .1875 ; — Apocalisse di Giovanni Teologo, spiegata da 689 santi angeli, Parme, 1876.

A cette liste, qui n’a qu’une valeur bibliographique, il faut ajouter trois ou quatre volumes qui contiennent des versions faites avec une méthode critique, et par des savants d’une véritable compétence. C’est d’abord la version de Cento Salmi par le célèbre exégète jésuite, F. X. Palrizi, professeur d’hébreu et d'Écriture Sainteau collège romain ; cet ouvrage a une grande valeur scientifique, mais non pas littéraire. Nicolas Tommaseo, littérateur de renom du xixe siècle, a publié à Florence, en 1875, une bonne traduction des bvangiles faite sur le textus receptus grec avec un petit commentaire tiré des Pères et de saint Thomas, mais le style a une élégance affectée et de mauvais goût. Deux autres versions sont d’un jeune professeur protestant, A. Revel ; il a traduit le Nouveau Testament et le premier livre des Psaumes ; ces deux traductions sont également remarquables~au point de vue scientifique et au point de vue littéraire.

L’Italie ne possède pas encore une version complète de la Bible répondant aux exigences de la science moderne. L’auteur de cet article s’est proposé, depuis plusieurs années, de traduire toute la Bible d’après les textes originaux, comparés avec la Vulgate, et mise au courant des progrés de la saine critique. Il a publié jusqu’ici la version des Psaumes (1895), des Lamentations (1897), du Cantique des cantiques (1898), d’après le texte hébreu avec introductions et commentaires ; et les Évangiles (1900), d’après la Vulgate comparée au texte grec, avec une courte introduction et des notes. Ces

essais ont été très favorablement accueillis en Italie, an double point de vue scientifique et littéraire, et l’auteur, ainsi encouragé à continuer son travail, ne déposera pas la plume, avant d’avoir achevé son œuvre.

S. MmoccHi.

1. ITALIQUE (COHORTE) (grec : 'ItoIixîj <nrc : 'pa ; Vulgate : cohors italica). Le centurion Corneille qui fut baptisé par saint Pierre, à la suite de la vision qu’eut cet apôtre, appartenait à une cohorte italique résidant à Césarée. Act., x, 1. Voir Corneille, t. ii, col. 1012. Les cohortes italiques étaient composées à l’origine, c’est-àdire au début de l’empire, de citoyens romains volontaires recrutés en Italie, c’est pourquoi on les appelait cohortes italicse civium romanomm volqntariorum. Voir Ephemeris epigraphica, t. v, 1884, p. 249. — Th. Mommsen, Res gestes divi Augusli, 2e édit., in-8°, Berlin, 1883, p. 72, n. 1, croit que tout à fait au début de leur organisation ces cohortes furent recrutées parmi les affranchis. Il appuie son opinion sur Suétone, August., 25, et Dion Cassius, lv, 31. Le nom de Corneille, qui était celui d’un affranchi ou descendant d’affranchi de la gens Cornelia, confirme son hypothèse. Il y eut jusqu'à trentedeux cohortes italiques. Par la suite, ces cohortes furent complètement assimilées aux autres cohortes auxiliaires et ouvertes aux pérégrins. La durée du service y était de vingt-cinq ans. Voir Cohorte, ii, t. ii, col. 827. Nous avons la preuve par les inscriptions qu’une de ces cohortes, celle qui portait le numéro deux, tenait garnison dans la province de Syrie et nous connaissons un optio (officier immédiatement inférieur en grade au centurion) de cette cohorte nommé Proculus ; l’inscription est antérieure à l’an 69. Archseolog. Epigr, Mittheilungen aus Œsterreich, 1862, p. 218. Grûter, Corpus inscript, latin., p. 434, n. 1, mentionne un tribun nommé L. Msesius Rufus ; il est, dit l’inscription, tribunus cohortis militarise ilalicæ quee est in Syria. La cohorte italique en garnison en Syrie comprenait donc mille hommes. — E. Schûrer, Geschichle des jïidischen Volkes im Zeilalter Jesu-Christi, in-8°, Leipzig, t. i, 1890, p. 386, prétend que c’est probablement par erreur que le texte des Actes place une cohorte italique à Césarée au temps du roi juif Agrippa, et que, pour ce motif, l’histoire du centurion Corneille est suspecte ; mais, comme le remarque F. Blass, Acta Apostolorum, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 124, on ne voit pas pourquoi une des cinq cohortes résidant à Césarée n’aurait pas été composée de citoyens romains qui avaient établi leur domicile dans cette ville. Cf. W. Ramsay, Cornelius and the italic cohort, dans The Expositor, septembre 1896, p. 194-201. E. Beurlier.


2. ITALIQUE (VERSION). Voir Latines (Akciennxs



VERSIONSj DE LA BlBLE.


ITHAÏ (hébreu : '/fat ; Septante : 'E<rtoï), fils de Ribaï de Gabaath, de la tribu de Benjamin, un des braves de David. II Reg., xxiii, 29. Il est appelé Éthaï, I Par., xi, 31. Voir Éthaï 2, t. ii, col. 2002.


ITHAMAR (hébreu : 'l(àmâr ; Septante : T81|iap), le quatrième et le plus jeune des fils d’Aaron. Exod., vi, 23 ; Num., iii, 2 ; xxvi, 60 ; I Par., vi, 3 ; xxiv, 1. Il fut consacré prêtre avec son père et ses trois frères Nadab, Abiu et Éléazar. Exod., xxviii, 1. Ses deux frères aînés, Nadab et Abiu, ayant été frappés de Dieu parce qu’ils avaient mis dans leurs encensoirs un feu étranger, Lev., x ; cf. Num., iii, 4 ; xxvi, 61 ; I Par., xxiv, 2, et étant morts sans postérité, Ilhamar et Éléazar devinrent la souche des deux familles sacerdotales. Num., iii, 3, 4 ; I Par., xxiv, 2. — Lorsqu’on changeait de campement dans le désert du Sinaï, Ilhamar avait sous ses ordres les Gersonites, chargés du transport des rideaux et des tentures du Tabernacle, ainsi que des Mérarites qui de- . *£

fi’1039

ITHAMAR — ITURÉE

1040

valent en transporter les cordes, les pieux et les planches. Exod., xxxviii, 21 ; Num., iv, 21-33 ; vil, 8. -- Le souverain pontificat passa dans la descendance d’Ithamar en la personne d’Héli, le juge d’Israël, et il y resta jusque sous le règne de Salomon. À cette époque, il rentra par’Sadoc dans la famille d’Éléazar comme l’avait annoncé Samuel, parce que le grand-prêtre Abiathar, descendant d’Ithamar, avait pris parti pour Adonias contre Salomon. I Reg., ii, 31-35 ; III Reg., ii, 26, 27, 35 ; cf. I Reg., xiv, 3 ; xxii, 9 ; I Par., xxiv, 3 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, i, 3. Voir Grand-Prêtre, col. 304. — Du temps de David, lorsque ce prince divisa les prêtres en vingt-quatre groupes pour le service du sanctuaire, la postérité d’Ithamar était moins nombreuse que celle d’Éléazar ; elle ne forma donc que huit séries contre seize et toutes-furent tirées au sort. I Par., xxiv, 4-6. — Parmi les prêtres qui revinrent de la captivité de Babylone du temps d’Artaxerxès est mentionné un descendant d’Ithamar appelé Daniel. I Esd., viii, 2. — Une tradition rabbinique place son tombeau près de celui de son frère Éléazar, à Aouçtah, dans les environs de Naplousè, mais cette tradition n’est pas fondée. V. Guérin, Samarie, t. i, 1874, p. 462. F. Vigouroux.

    1. ITHIEL##

ITHIEL (hébreu : ’Ifi’él, « Dieu est avec moi » ), nom, d’après un certain nombre d’interprètes, de l’une des deux personnes auxquelles Agur, fils de Jakéh (Yaqéh), adresse son discours dans les Proverbes, xxx, 1. Les Septante n’ont pas rendu ce mot dans leur version. La Vulgate l’a traduit par cum quo est Deus. Voir Agur, t. i, col. 288.

    1. ITURÉE##

ITURÉE (grec : Troupaïa ; Vulgate : Ituriea), district situé au nord-est de la Palestine et qui forma avec la Trachonitide le territoire de la iétrarchie de Philippe. Luc, iii, 1. Le* nom d’Iturée tire son origine de celui d’Jéthur, l’un des fils d’ismaël. I Par., i, 31. Lors de la conquête de la Terre Promise, la tribu de Ruben, ’qui " s’établit au delà du Jourdain, dut conquérir une partie de son territoire sur les Ituréens. I Par., v, 19. Dans ce passage le mot hébreu Yetûr est traduit dans les Septantepar’Iïoupaïoietdansla Vulgate par Iturœi. L’hébreu etles Septante disent simplement queles Rubénitès firent la guerre à ce peuple et s’emparèrent de son territoire ainsi que du pays de leurs alliés. La Vulgate donne pour motif de la guerre qu’ils avaient porté secours aux Agaréens. La quantité de butin que les Rubénitès firent sur les Ituréens et sur les peuples voisins prouve que ces nations étaient très prospères. Voir Agaréens, t. i, col. 263. L’Iturée resta en la possession de la tribu de Ruben jusqu’à la captivité. Il semble cependant qu’une partie de riturée demeura indépendante, - car Eupolème cite les Ituréens avec les Moabites, lés Ammonites et d’autres nations voisines, parmi les peuples à qui David fit la guerre. Eusèbe, Prsspar. evang., ix, 30, t. xxi, col. 748. Pendant la domination assyrienne, riturée fut occupée par des colonies étrangères amenées par les vainqueurs. En -185 avant J.-C, une partie du pays fut reconquise par Aristobule I er. Ce prince obligea les habitants à embrasser le judaïsme ou à s’exiler. Josèphe, Ant. jud., XIII, xi, 3. Depuis cette époque, on trouve fréquemment le nom des Ituréens dans les écrivains anciens, tantôt ils sont nommés avec les Syriens, Pline, H. N., V, xxiii, 31 ; tantôt avec les Arabes. Appien, Bell, civil., v, 7 ; Dion Cassius, lix, 12 ; Strabon, XVI, ii, 18. Les noms des soldats ituréens qu’on rencontre dans les inscriptions latines sont syriens, Corp. inscript, latin., t. iii, n « 4371, etc. Les habitants de ce pays étaient restés à moitié sauvages et se livraient au brigandage. Ils étaient renommés par leur habileté à tirer de’l’arc. Strabon, XVI, ii, 18 ; Cicéron, Philipp., ii, 112 ; Virgile, Georg., il, 448 ; Lucain, Plumai., vii, 230, 514. César employa des auxiliaires ituréens comme archers dans la guerre

d’Afrique. Bell, afr., 20. Marc Antoine en avait parmi ses gardes du corps et s’en servit pour terroriser le Sénat. Cicéron, Philipp., ii, 19. -112 ; xiii, 18. Sous l’empire, des cohortes d’archers ituréens figurèrent dans l’armée romaine. Corp. inscript, latin., t. iii, n »  » 1382, 3446, 3677, 4367, 4368, 4371. et p : 862, 866, 868, 888 ; t. vi, n° 421 ; t. viii, n » 2394, 2395, etc. ; Vopiscus, Vita Aureliani, 11.

Les Ituréens, comme beaucoup de peuples voisins, n’habitèrent pas toujours la même contrée. En effet, au temps de la conquête du pays de Chanaan, ils étaient à l’est de la mer Morte, I Par., v, 19 ; au temps de David, dans le voisinage des Moabites et des Ammonites. Eusèbe, Prsep. evang., ix, 30, t. xxi, col. 748. Les textes qui se rap 188. — Carte de l’Iturée.

portent à la période la plus connue de leur histoire nous lesmontrentdansleLibanou dans son voisinage. Strabon, XVI, ii, 10, place le pays des Ituréens dans les montagnes qui s’élèvent au-dessus de la plaine de Massyas ou Mars j as, plaine située entre le Liban et l’Anti-Liban, et leur donne pour capitale Chalcis ad Libanum. Dans une inscription romaine, Q. /Emilius Secundus dit qu’il fut envoyé par Quirinus(CïRiNus, t. ii, col. 1186) pour combattre les Ituréens dans le Liban. Ephemeris epigraphica, t. IV, 1881, p. 538. Lorsque Pompée s’empara du pays, les Ituréens faisaient partie d’une confédération qui avait pour chef Ptolémée, fils de Mennée, dont le royaume comprenait les montagnes de l’Iturée et la plaine de Massyas. Strabon, XVI, ii, 10 ; Josèphe, Ànt. jud.., XIV, vil, 4 ; Beil. jud., i, ix, 2. Le général romain détruisit les forteresses du Liban, mais il laissa la souveraineté du pays à Ptolémée qui devint vassal de Rome. Appien, Milhrid., 106 ; Josèphe, Ant. jud-, XIV, iii, 2.

Josèphe, Ant. jud., XIV, mi, 4, la désigne ainsi que ses successeurs sous le nom de dynastes. On lui a attribué les monnaies qui portent l’inscription grecque : « Ptolémée, tétrarque, grand-prêtre. » Eckhel, Doctrina numoruni, t. iii, p. 263 ; Mionnet, Description des médailles, t. v, p. 145, supplém., t..vin, .p. 19, etc. Mais cette attribution, est douteuse. Head, Historia numoruni, in-8°, Londres, 1887, p. 655. Ptolémée mourut en 40 avant J.-C. et eut pour successeur son fils Lysanias. Josèphe, Ant. jud.., XIV, xiii, 3 ; Bell, jud., i, XIII, 1 ; Dion Cassius, xlix, 32. À l’instigation de Cléopatre, Antoine fît exécuter ce prince, sous prétexte qu’il conspirait avec les Parthes, et donna une partie de son territoire à la reine d’Egypte. Josèphe, Ant. jud., XV, iv, 1 ; Bell, jud., I, xxii, 3 ; Dion Cassius, xlix, 32. On ignore si c’està lui ou à un autre prince de ce nom qu’il faut attribuer les monnaies qui portent l’inscription : « Lysanias tétrarque et grand-prêtre. » Mionnet, Suppl., t. viii, p. 119 ; Head, Historia numor., p. 655. À partir de cette époque, l’ancien royaume de Ptolémée fut divisé. En 23 ayant J.-C, un certain Zénodore reçut à ferme de Cléopatre m : „ partie du domaine de Lysanias, Josèphe, Ant. jud., W, ï, 1 ; Bell, jud., i, xx, 4, et probablement après la mort de cette reine la gouverna en qualité de tétrarque. Dion Cassius, Lix, 9. La part qu’il prit aux brigandages qui désolèrent la Trachonitide fit que les Romains lui enlevèrent ce pays^ pour le donner à Hérode le Grand. Josèphe, A nt. jud., XV, x, 1-2 ; Bell, jud., i, xx, 4. À sa mort, en l’an 20, Auguste donna au même Hérode le reste du pays. Josèphe, ibid. À Zénodore appartiennent certainement les monnaies qui portent l’inscription : « Zénodore tétrarque, grand-prêtre, » et les dates des années 280, 282, 287 de l’ère des Séleucides, c’est-à-dire 32, 30 et 25 avant J.-C. Eckhel, Doctr. num., t. iii, p. 496 ; Madden, Coins of the Jews, in-4o, Londres, 1881, p. 124 ; Head, Historia numoruni, p. 663.

Dans une inscription grecque, il est question d’un Zénodore, fils du tétrarque Lysanias ; il est très probable qu’il s’agit de celui-ci. E. Renan, Mission de Phénirde, in-4°, Paris, 1864, p. 317-319. Cf. Mémoires de l’Acad. des inscriptions et belles-lettres, t. xxvi, 1870, part. H, p. 70-79. Après la mort d’Hérôde, une portion de la tétrarchie de Zénodore fut donnée à Philippe, fils de ce prince. Josèphe, Ant. jud., XVII, xi, 4 ; Bell, jud., II, VI, 3. C’est d’elle qu’il est question dans saint Luc qui en énumère les deux parties, la Trachonitide etl’Iturée.La tétrarchie de Philippe passa ensuite entre les mains d’Agrippa I er, puis d’Agrippa II. Une partie de l’îturée était probablement restée en dehors du territoire soumis à Zénodore. C’est contre ces Ituréens indépendants que Q. /Emilius Secundus fit la guerre dont nous avons parlé plus haut. Au temps 4e Claude, il est question d’un royaume ituréen gouverné par Soemus et qui, après sa mort, fut annexé à la province de Syrie. Dion Cassius, lix, 12 ; Tacite, Annal., xli, 23. Elle fournit des soldats à l’armée romaine. Voir fig. 362, t. i, col. 1236. La contrée appelée aujourd’hui Djédour est très probablement l’ancienne Iturée, ou tout au moins une grande partie de ce pays. C’est un plateau ondulé et couvert de collines coniques. La partie située au nord est couverte de rochers de basalte. On y voit de nombreuses coulées de lave. Le Djédour renferme trente-huit villes ou villages pauvres et peu peuplés. Journal of biblical researches, juillet 1854, p. 311. — VoirFr. Mùnter, De rébus Iturseorum, in-8°, Copenhague, 1824 ; E. Kuhn, Die stâdtische vnd bûrgerliche Verfassung des rômischen Reichs, in-8°, Leipzig, 1864-1865, t. ii, p. 169-174 ; I. G. Wetzstein, Reise in den beiden Trachonen und uni das Haur &ngebirge, dans la Zeitschrift fur allgemeine Erdkunde, Berlin, 1859, p. 169-208, 265-319 ; E. Schûrer, Getchichte des Jûdischen Volkes im Zeilalter Jesu Christi, in*. Leipzig, t. 1, 1890. p. 593-608 ; C. Ritter, Die Erdkunde im Verltâltniss zur Katur und zur

Gssckichte des Menschen, 2e édit., in-8°, Berlin, 1848^ 1855, part, xvii, 1, 1854, p. 14-16 ; Th. Monomsen et J. Marquardt, Manuel des institutions romaines, trad. franc., t. ix, Organisation de l’empire romain, Paris, 1892, p. 343-345. E. Becrlier.

    1. ITURÉENS##

ITURÉENS (hébreu : Yetûr ; Septante : ’iToupaîos ; Vulgate : Iturœi), habitants de l’îturée. I Par., v, 19. Voir Ituhée.

    1. IVOIRE##

IVOIRE (hébreu : Sên, Sénhabbim ; Septante : êXlipaç, lJ.sçàvTivov, ôSdvTsc eJ.eip « vT(v « ( ; Vulgate : ebur), substance constitutive des dents chez l’homme et les mammifères, et, plus communément, la matière compacte, blanche et dure qui forme les défenses de l’éléphant. Cette matière est composée, pour un quart environ, de substance organique, pour le reste, de phosphate de chaux, de carbonate de chaux, de fluorure de calcium et autres sels calcaires.

I. L’IVOIRECHEZ LES ANCTENS PEUPLES.— l » Chez plusieurs

peuples anciens, où l’on ne connaissait les défenses d’éléphant que par le commerce d’importation, on a quelquefois pris ces défenses pour des cornes. Élien, Nat. animal., iv, 31 ; vii, 2 ; Pausanias, v, 12 ; Philostrate, Vit. Apollen., ii, 13 ; Pline, H. N., xviii, 1 (cf. cependant viii, 4) ; Martial, i, 73, 4. Ézéchiel, xxvii, 15, les appelle déjà qerànôp sên, « cornes d’ivoire. » — 2° Les Égyptiens ont connu l’ivoire de très bonne heure. Dès la cinquième dynastie, ils écrivent avec l’image d’un éléphant le nom de l’île d’Éléphantine, voisine de la première cataracte. Voir la carte, t. ii, col. 1605. Peut-être avaient-ils vu cet animal dans les premiers temps de leur installation dans la Thébaïde. Toujours est-il qu’ils estimaient beaucoup ses défenses et s’en faisaient apporter en tribut de tous côtés. — Sur un monument de la XVIIIe dynastie, on voit des Syriens qui apportent en tribut un éléphant et une défense (fig. 189). Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 285, 493. Ces tributs se perpétuèrent jusquesous lés dernières dynasties. Hérodote, iii, 97, 114 ; Diodore de Sicile, i, 55. Cf. Pline, H. N, , vi, 34. C’était surtout d’Ethiopie qu’ils leur arrivaient par dents et par demi-dents. « Ils le teignaient à volonté en vert ou en rouge, mais lui laissaient le plus souvent sa teinte naturelle et l’employaient beaucoup en menuiserie, pour incruster des chaises, des lits et des coffrets ; ils en fabriquaient aussi des dés à jouer, des peignes, des épingles à cheveux, des ustensiles de toilette, des cuillers d’un travail délicat, des étuis à collyre creusés dans une colonne surmontée d’un chapiteau, des encensoirs formés d’une main qui supporte un godet en bronze où brûlaient des parfums, des boumérangs couverts au trait de divinités et d’animaux fantastiques. » Maspero, L’archéologie égyptienne, Paris, 1887, p. 259. Le musée de Ghizéh et les musées d’Europe conservent u n grand nombre de figurines et de statuettes d’ivoire, dont plusieurs datent de l’ancien empire. Une figurine de la Ve dynastie garde encore des traces de couleur rose. On a découvert en Assyrie des ivoires égyptiens, un entre autres qui représente deux personnages assis l’un vis-à-vis de l’autre (fig. 190). Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pl. £9, 11. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. ii, p. 792 ; t. iii, p. 219, 323. — 3° Les Assyriens tiraient l’ivoire de l’Inde. Sur l’obélisque de Salmanasar III, sont représentés dès tributaires qui lui amènent un éléphant (voir Éléphant, t. ii, fig. 547, col. 1661) et d’autres qui paraissent porter sur leurs épaules des défenses de cet animal. C’est dé là d’ailleurs que les Syriens en importaient aussi chez les Égyptiens. Les rois assyriens aimèrent toujours à prodiguer l’ivoire dans leurs ameublements et dans la décoration de leurs palais. Cf. Layard, Nineveh and Babylon, p.195, 358, 372 ; Kinereh and ils reniains, X. i, p. 29, 391 ; t. ii, p. 205, 211, 420 ; Perrot, Histoire de l’art, t. ii,

p. 532, 758 ; Vigonroui, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iii, p. 386-387. On travaillait l’ivoire à Ninive et à Babylône. Mais on y employait beaucoup d’objets d’ivoire de fabrication étrangère, comme le démontrent les trouvailles faites à Nimroud. On y remarque « le style égyptien avec une exagération de naturalisme dont les Phéniciens sont seuls coutumiers. Nous pouvons conclure que ces pièces d’ivoire ont été

premier, quand il voulut imiter le faste des autres souverains orientaux. Il ût d’abord « un grand trône d’ivoire et le couvrit d’or pur ». III Reg^, x, 18 ; II Par., ix, 17. Ceci doit s’entendre d’un trône de bois avec des incrustations d’ivoire et des placages d’or pur sur le bois ; car on ne recouvrait pas d’or l’ivoire considéré lui-même comme matière précieuse et travaillé par le sculpteur. Pour se procurer cette matière plus abondamment, il la

189. Captifs de différentes nations apportant en tribut des éléphants avec leurs défenses. D’après Wilkinson, Manners, 2e édit., t. i, pl. 11.

- Thèbes, tombeau de Rekhmara.

fabriquées, comme les coupes de bronze, dans les ateliers de Phénicie. De là, les caravanes transportaient ces menus objets jusqu'à Ninive : nous savons que les marchands de Tyr et de Sidon avaient de nombreux comptoirs jusqu’au cœur même de la Mésopotamie ». Babelon, Manuel d’archéologie orientale, Paris, 1888, p. 448. — Pour le travail de l’ivoire chez les Phéniciens, voir Perrot, Histoire de l’art, t. iii, p. 846-853 ; G. Raw faisait venir directement de l’Inde, par sa flotte unie à celle d’Hiram. III Reg., x, 22 ; II Par., ix, 21. On sait que l’ivoire indien a été célèbre plus tard chez les Romains. Virgile, Georg., i, 57 ; Horace, Od., i, xxxi, 6. Dans le Cantique, v, 14 ; vii, 5, le corps de l'époux est comparé à l’ivoire poli, et le cou de l'épouse à une tour d’ivoire. — 2° Le Coraïte qui a composé le Psaume xliv (xlv), 9, y parle de « maisons d’ivoire », c’est-à-dire de

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190. — Ivoire égyptien, trouvé à Nimroud en Assyrie. British Muséum.

linson, Hislory of Phœnicia, in-8°, Londres, 1889, p. 293, 374. Sur le commerce de l’ivoire en Afrique, voir Periplus maris Erythrœi, 3, 16, 49, dans les Geographi minores, édit. Didot, 1. 1, p. 259, 261, 293.

II. L’ivoire chez les Hébredx. — 1° Bien que les premiers Hébreux aient vu l’usage qu’on faisait de l’ivoire en Egypte, ils ne l’ont pas employé, faute de pouvoir se le procurer aisément et surtout d'être à même de le travailler. Ce fut seulement Salomon qui s’en servit le

maisons dont les lambris sont ornés d’incrustations d’ivoire. Il n’est point dit que Salomon ait employé ce genre de décoration dans son palais ; mais plus tard, le roi Achab se construisit une « maison d’ivoire », c’est-àdire une maison dont la décoration intérieure comportait des placages et des sculptures en ivoire. III Reg., xxit, 39. Les anciens estimaient beaucoup ce genre de luxe. ; Homère, Odyss., iv, 73 ; Horace, Od., II, xv, 1, 2 ; Virgile, JEneid., x, 136 ; Lucain, x, 119 ; Élien, Var. hist., xii, 29 ;.

etc. Il est certain que les Hébreux ne travaillaient pas euxmêmes l’ivoire employé dans les maisons royales, mais qu’on s’adressait aux artistes phéniciens, experts en toutes sortes d’arts et d’industries. — 3° Amos, III, 15, annonce que les « maisons d’ivoire s périront avec tout le luxe des grands, qui ont maison d'été et maison d’hiver. Le même prophète maudit encore les grands d’Israël, qui s'étendent sur des « lits d’ivoire », c’est-à-dire sur des divans incrustés d’ivoire, pour se livrer à de scandaleux festins. Am., vi, 4. Le divan était chez les grands un

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191. — Ivoire gravé assyrien. Divinité ailée. Grandeur nature. British Muséum.

meuble d’apparat qu’ils aimaient à décorer luxueusement de matières précieuses et d’ivoire. Piaule, Stich., II, ii, 54 ; Horace, Sat., II, vi, 103. — 4° Dans sa prophétie contre Tyr, Ézéchiel compare cette ville à un vaisseau dont les bancs sont faits de buis incrusté d’ivoire. Ézech., xxvii, 6. Le buis est un bois dur qui se prête fort bien à des incrustations de cette nature. Virgile, Mneid., x, 137, parle aussi de « l’ivoire qui. brille incrusté dans le buis par l’artiste ». Cf. Buis, 1. 1, col. 1968. Le même prophète ajoute que Tyr faisait le commerce avec les marchands de Dedan ou Dadan, voir Dad&n 1, t. ii, col. 1202, et que, par l’intermédiaire de ces Arabes, la cité échangeait ses produits contre « des cornes d’ivoire et de l'ébène » provenant de beaucoup d’iles, c’est-à-dire de beaucoup de

pays asiatiques baignés par la mer. Ezech., xxvii, 15. Les Phéniciens ouvraient ensuite l’ivoire brut et le revendaient aux Assyriens, aux Hébreux, et aux peuples divers qui composaient leur clientèle. — 5° D’après la Vulgate, Esth., i, 6, il y avait dans le palais de Suse des tentures soutenues par des anneaux d’ivoire. Cette matière était sûrement à l’usage des rois perses, comme elle l’avait été sous leurs prédécesseurs assyriens et chaldéens. Cf. Babelon, Manuel d’archéologie orientale, p. 193. Mais, au lieu d’anneaux d’ivoire, le texte hébreu et les Septante parlent ici d’anneaux d’argent. — 6° La Vulgate mentionne encore des princes de Juda « plus rouges que l’ivoire antique », Lam., iv, 7, là où dans l’hébreu il est question de perles, penînim. Voir Corail, t. ii, col. 957, et Perles. Saint Jérôme, a sans doute songé aux ivoires que les anciens teignaient quelquefois en rouge. — 7° Parmi les marchandises qu’on apportait dans la grande Babylone, saint Jean mentionne toutes sortes d’objets en ivoire, xîv oxéïoç iÀeçàvrivov, oninia vasa eboris. Apoc, xviii, 12. H. Lesêtih ;.

    1. IVRAIE##

IVRAIE (grec : ïtïâvia ; Vulgate : zizania), plante nuisible qui croît dans les blés.

I. Description.

Herbe annuelle de la famille des graminées, comme le blé, le seigle et l’orge, mais en différant complètement par ses propriétés, puisqu’elle est vénéneuse. Les effets qu’elle produit sur l’organisme, comparés à ceux de l’ivresse, lui ont valu son nom vulgaire herbe-à-l’ivrogne ; pour la même raison Linné l’avait nommée Lolium temulentum (fig. 192). Le danger de l’ivraie résulte surtout de ce qu’elle croit habituellement parmi les moissons et sous tous les climats. Car, si sa tige plus grêle et ses épillets latéraux pourvus d’une seule glume à la base permettent de distinguer assez aisément la plante complète, il n’en est pas de même malheureusement pour les graines isolées. Elles se confondent avec celles des céréales au moment de la récolte, et leur mélange avec le bon grain communique des qualités malfaisantes à la farine, au pain et même aux boissons fermentées qui en proviennent. Leur absorption est suivie de nausées, de vertige, de délire ; enfin la mort même peut survenir, quand la dose a été trop forte. Toutefois les conséquences de l’empoisonnement sont rarement aussi graves, parce que la dessiccation et surtout la cuisson détruisent en partie le principe toxique de l’ivraie. Celui-ci réside essentiellement dans un alcaloïde, la témuline de Hoffmeister, agissant sur le système nerveux, et associé à divers corps gras auxquels seraient dus les accidents des organes digestifs.

L’existence d’une espèce dangereuse parmi les graminées a été longtemps une énigme inexplicable, car on sait que cette famille est une des plus naturelles pour l’ensemble de ses caractères et qu’elle renferme, par ailleurs, les plantes les plus estimées pour la haute valeur nutritive de leurs graines, formant ainsi, de temps immémorial, la base de l’alimentation chez tous les peuples civilisés. On se demandait dès lors si les mauvaises qualités de l’ivraie tenaient à sa nature propre ou si elles ne. devaient pas être plutôt attribuées à la contamination de ses tissus par un organisme étranger. Or cette dernière hypothèse vient d'être pleinement confirmée par des observations récentes. On a reconnu, d’abord, que plusieurs céréales avariées, telles que le seigle, avaient déterminé les mêmes effets toxiques que l’ivraie, or l’analyse de ces grains de seigle devenu enivrant décelait un champignon microscopique, nommé Endoconidium temulentum par MM. Prillieux et Delacroix. L’identité des symptômes produits conduisait à admettre l’analogie des causes. C’est ce que vient d'établir positivement M. Guérin en constatant la présence de filaments d’origine mycélienne dans la graine de l’ivraie, sur le pourtour de l’albu

men. La pénétration se fait dans la plante an moment de sa floraison, par la base de l’ovaire ; le nucelle est d’abord contaminé, puis la réserve interne de matières nutritives au voisinage immédiat des cellules formant l’assise-à-gluten. Quant à l’embryon lui-même, il reste indemne, ce qui explique pourquoi la jeune plante qui en naît, bien que sortie d’une graine infectée, reste saine pendant toute la première phase de sa vie végétative, jusqu’au moment où sa propre floraison l’expose à une nouvelle invasion du parasite. La présence de cet organisme étranger chez le Lolium temulentum parait si constante que l’auteur de cette découverte n’hésite pas à y voir un fait d’association normale ou de symbiose. Il en serait de même aussi pour deux espèces voisines, lés Lolium arvenseet linicola, qui, du reste, ne sont considérées par plusieurs que comme de pures variétés du précédent. Ces trois types, rendus vénéneux par suite de la cohabitation d’un champignon, forment en tous cas un groupe des plus naturels dans le genre Lolium, caractérisé par la longueur de la glume basilaire, qui atteint le sommet de l'épillet. Chez toutes les autres espèces, où la glume reste plus courte, l’infection semble très rare et accidentelle, d’où il résulte qu’elles peuvent être employées sans danger dans l’alimentation des animaux. Une d’entre elles constitue même l’un des fourrages les plus précieux, et se cultivé communément désignée sous le nom de ray-grass par l’agriculture, le Lolium perenne. — Voir P. Guérin, Sur la présence d’un champignon dans l’ivraie, dans le Journal de botanique, 1898, p. 230 ; Prillieux, Maladie des plantes agricoles, 1897.

IL Exégèse. —, L’identification du ÇiÇàviov (pluriel, ÇiÇâvia) n’offre aucune difficulté : c’est bien le nom de l’ivraie, non pas de provenance grecque (le iiom grec de cette plante était alpa, d’où le latin sera, Plin., H. N., i 19C. — L’ivraie. xviii, 44), mais sémitique. On

peut comparer le p’n, zônîn

du Talmud, le ^y^zeouân arabe que l’on fait dériver de ^U, zan, « nausée. » Le nom viendrait à cette plante de l’effet qu’elle produit : la graine en effet donne des vomissements, une sorte d’ivresse, des convulsions qui vont parfois jusqu'à la mort. Pline, fl. N., xviii, 44. C’est de là que vient le nom latin populaire ebriaca qui a fait notre mot ivraie. Elle n’est mentionnée que dans un seul endroit de la Sainte Écriture, dans S. Matth., xui, 24-30, 36-43. Les caractères de la plante indiquée dans la parabole conviennent d’ailleurs parfaitement à l’ivraie. Tant qu’elle est en herbe, cette graminée se confond avec le blé : il faut une très grande attention pour pouvoir les distinguer. C’est ce que remarque saint Jérôme, Comment, in Matth., xiii, 26, t. xxvi, col. 94. Mais quand l'épi a poussé, rien de plus facile. Matth., xiii, 26. Mais si la méprise est alors aisée à éviter, il n’est pas sans difficulté d’arracher l’ivraie sans déraciner le blé en même temps, tant les

tiges des deux plantes sont souvent mêlées, et leurs racines enchevêtrées. Matth., xiii, 29. Au contraire, lorsque, à l'époque de la moisson, la faucille a coupé les tiges, rien de plus facile que de séparer l’ivraie. Matth., xiii, 30. Quant au fait de l’ennemi qui vient, durant la nuit, semer l’ivraie dans le champ nouvellement ensemencé, il n'était pas inouï en Orient comme en Occident. Cette façon de se venger devait même être assez fréquente, puisqu’elle a été prévue dans le code pénal des Romains. Mais il n'était pas nécessaire d’une main ennemie, que la croyance populaire était disposée à voir dans ces accidents, car certaines conditions de la température produisaient ordinairement tout le mal. L’ivraie est très répandue en Orient, et en particulier en Palestine. Thomson, The Land and the Booh, in-8°, Londres, 1885, p. 421. L’enseignement de la parabole se dégage facilement : du reste le divin Maître a pris la peine d’en donner lui-même l’explication à ses apôtres. Matth., xiii, 36-43. Nous y voyons le pouvoir laissé ici-bas au démon pour éprouver les hommes, la juxtaposition des bons et des méchants dans la destinée terrestre de l'Église, et leur séparation, à l'époque du jugement final.

E. Levesque.

    1. IVRESSE##

IVRESSE (hébreu : Sikkdrôn, de Mkar, « enivrer, » d’où Hkhôr et Mkkor, « ivre ; » (ar'âlâh, l’ivresse qui fait tituber, de râ'al, « tituber, » d’où ra’al, « titubation » par ivresse ; yain, « viii, » cause prise quelquefois pour l’effet ; Septante : (j18r(, d’où (jsfl-itov, « ivre ; » xpaiitâXi) ; Vulgate : ebrietas, d’où ebrius, « ivre ; » crapula), état de celui qui a bu à l’excès des boissons fermentées.

I. L’ivresse proprement dite. — 1° Les exemples. — Noé fut le premier à s’enivrer, mais son ivresse fut involontaire, parce qu’il ne connaissait pas les effets du vin. Gen., ix, 21-24. Les deux filles de Lot enivrèrent leur père pour commettre ensuite l’inceste avec lui. Gen., xix, 32-35. Le riche Nabal était ivre quand sa femme Abigaïl vint le retrouver après son heureuse intervention auprès de David, et elle dut attendre jusqu’au lendemain matin pour pouvoir lui parler. I Reg., xxv, 36, 37. Voir Nabal. — Pour cacher son adultère avec Bethsabée, David enivra le mari de cette dernière, Urie, mais ne réussit pas à obtenir ce qu’il désirait. II Reg., xi, 19. — Ela, roi d’Israël, s’enivrait à Thersa quand Zambri vint le tuer. III Reg., xvi, 9. — Rénadad, roi de Syrie, faisait de même sous sa tente. III Reg., xx, 16. — Holopherne dormait sur son lit du sommeil dé l’ivresse quand Judith le décapita. Judith, xiii, 4, 19. — Quand Ptolémêe, gendre de Simon Machabée, voulut s’emparer du pouvoir à sa place, il l’attira avec ses fils dans la forteresse de Doch, les enivra et les massacra. I Mach., xvi, 16. — Isaïe, v, 11, 22, parle de ces buveurs qui, dès le matin, courent aux liqueurs enivrantes et s'échauffent encore par le vin bien avant dans la nuit, pleins de bravoure pour boire et de vaillance pour mêler les liqueurs fortes. Il cite les propos que tient un de ces ivrognes : « Venez, je vais chercher du viii, nous boirons les liqueurs fortes, nous recommencerons demain et bien mieux encore ! » Is., lvi, 12. — Saint Paul mentionne les ivresses nocturnes des païens. I Thess., v, 7.

Les effets.

Sous l’influence de l’ivresse, le trouble

saisit l’esprit et se manifeste par l’incohérence des paroles. Aussi Héli, à première vue, croit-il à l’ivresse d’Anne, qui ne fait que remuer les lèvres sans se faire entendre. I Reg., i, 13, 14, — Au jour de la Pentecôte, lorsque les Apôtres se mettent à parler sous l’action de l’Esprit-Saint, les Juifs étonnés disent qu’ils sont ivres. Act., ii, 15. — Après ce trouble viennent l'étourdissement et la titubation. Zach., xii, 2 ; Is., ii, 17, 22. Les phénomènes 'les plus répugnants se produisent ensuite : « Ils" chancellent dans le viii, les boissons fortes leur donnent des vertiges… Toutes les tables sont pleines de vomissements, d’ordures (fig. 193) : il n’y a plus de place. > Is., xxviii, 7 ; Jer., xlvui, 26. Un lourd sommeil succède

à cet état. L’homme fort de tempérament s’en réveille, Ps. lxxvii (lxxviii), 65 ; d’autres ne s’en relèvent pas, Jer., li, 39, 57, et beaucoup meurent des suites de leur orgie. Eccli., xxxvii, 34. — Mais les pires effets de l’ivresse se font sentir à l'âme. Quand le corps est en cet état, l'âme perd conscience d’elle-même ; l’intelligence et la volonté sont comme hors de service. L’homme ivre ne peut pas seulement se débarrasser d’une épine qu’il a dans la main. Prov., xxvi, 9. L’ivresse, surtout quand elle devient habitude et dégénère en ivrognerie, porte au mal, Eccli., xxx, 40, engendre la colère, Eccli., xxxi, 38, 40, et la luxure. Eccli., xxvi, 11 ; Hab., ii, 15 ; Eph., v, 18. Elle dégoûte du travail et conduit à la pauvreté. Eccli., xix, 1. Elle alourdit l’esprit, Luc, xxi, 34, fait perdre le sens, Ose., iv, ll, et égare les sages. Prov., xx, 1 ; Eccli., xix, 2. Elle fait oublier aux princes la loi et les droits des malheureux. Prov., xxxi, 4, 5. Elle attire le châtiment, Matth., xxix, 49, et enfin exclut du royaume de Dieu. I Cor., vi, 10 ; Gal., v, 21. Saint Paul avait ses raisons pour rappeler cette exclusion dans le monde grec qui, d’après Platon

193. — Femme égyptienne ivre. D’après Wilkinson, Manners, 2e édit., t. i, p. 392.

lui-même, Leges, VI, trad. Grou, Paris, 1845, t. i, p. 288, regardait l’ivresse comme décente « dans les fêtes du dieu qui nous a fait présent du vin ». — Aussi saint Paul recommande-t il de fuir la compagnie des ivrognes, I Cor., v, 11, et de se garder de l’ivresse. Rom., xiii, 13 ; Gal., v, 21. Il était même expressément recommandé de ne boire aucune liqueur enivrante au grand-prêtre, Lev., x, 9, à celui qui faisait le vœu du nazaréat, Num., vi, 3, et à certains personnages auxquels Dieu assignait Une mission spéciale, comme Manué, mère de Samson, Jud., xiii, 4, 7, 14, et saint Jean-Baptiste. Luc, i, 15.

II. L’ivresse improprement dite. — Les Livres Saints parlent quelquefois d’ivresse dans des circonstances où l’on ne fait que boire à sa soif et assez copieusement, comme il arrivait dans les festins. C’est en ce sens restreint que les frères de Joseph s’enivrèrent avec lui, Gen., XLin, 34, que les convives de Cana étaient enivrés, Joa., ii, 10, et que, dans les agapes des premiers chrétiens, l’un était ivre tandis que l’autre manquait de tout. I Cor., XI, 21. Dans ces passages, a s’enivrer » est un hébraïsme qui signifie « bien boire », de même que, par exemple, « haïr » signifie i aimer moins ». Cf. Gen., xxix, 31 ; Deut., xxi, 15, 16 ; Rom., ix, 13, etc. Aggée, i, 6, marque cette nuance quand il dit aux Juifs : t Vous buvez et vous n'êtes pas enivrés. » — Les Juifs entendaient sans doute parler de ce genre d’ivresse lorsque, dans une de leurs calomnies, ils accusaient Notre-Seigneur d'être oIvottotïiç, potator vini, <l buveur de vin. » Matth., xi, 19.

III. L’iVRESSEDANS LÉ SENS METAPHORIQUE. — L’ivresse

est prise par les écrivains sacrés comme terme de comparaison, quand ils parlent soit des passions qui mettent l’homme hors de lui, soit des choses qui se

présentent avec une abondance excessive. On peut être ainsi :  ! Ivre d’amour. L'époux du Cantique, v, 1, invite ses amis à s’enivrer d’amour. Voir aussi Prov., v, 18, 19. Mais d’autres fois, cette ivresse vient d’un amour criminel. Prov., vii, 18. Les hommes sont enivrés par le vin de l’impudicité que leur verse Babylone. Jer., li, 7 ; Apoc., xvii, 2. Que l’Israélite, infidèle à l’alliance du Seigneur, ne dise pas : « J’aurai la paix, même si je suis les penchants de mon cœur et si j’ajoute l’ivresse à la soif. » Deut., xxix, 19. — 2° Ivre de douleur. Jérusalem, après sa ruine, est ivre d’absinthe, symbole de la douleur. Lam., iii, 15 ; Ezech., xxiii, 33. — 3 « Ivre de frayeur, comme le navigateur pendant la tempête. Ps. cvi (cvii), 27. Jérémie, xxv, 27, dit aux ennemis d’Israël de la part de Dieu : « Buvez, enivrez-vous, vomissez, sans vous relever, à la vue du glaive que je vais envoyer au milieu de vous ! » Le prophète lui-même tremble comme un homme ivre, à la pensée des crimes de son peuple et des châtiments qui vont le frapper. Jer., xxiii, 9-12. — 4° Ivre de sang, quand on a répandu à profusion son propre sang, Is., xlix, 26, ou le sang des autres. Israël, soutenu par la force du Seigneur, s’enivrera du sang de ses ennemis vaincus. Zach., ix, 15 ; Ezech., xxxix, 19. Saint Jean représente Babylone comme une « femme ivre du sang dés saints et du sang des témoins de Jésus ». Apoc, xvii, 6. La métaphore est même employée quand il s’agit des choses inanimées. Le Seigneur enivrera ses flèches du sang de ses ennemis. Deut., xxxii, 42. L'épée du Seigneur s’enivre à l’avance du sang qu’elle va verser, ls., xxxiv, 5, 6. Au jour de la vengeance, son épée dévore, elle se rassasie, s’enivre du sang de ses ennemis. Jer., xlvi, 10. — 5° Ivre par suite de la malédiction divine. Les prophètes se servent fréquemment de la comparaison tirée de l’ivresse pour indiquer l’effet produit par la colère divine sur les pécheurs et sur les nations infidèles. Dieu fait errer les méchants comme des hommes ivres, qui tâtonnent dans les ténèbres. Job, XII, 25. — Les nations étrangères seront frappées de cette ivresse, qui comportera pour elles l'étourdissement, la titubation, l'égarement, la chute, le vomissement, le sommeil mortel. Ce sera le sort des ennemis d’Israël, Is., lxiii, 6 ; de l’Egypte, Is., xix, 14 ; de Ninive, Nah., iii, 11 ; de Babylone, Jer., li 39, 57 ; d'Édom, Lam., iv, 21 ; de Moab. Jer., XLvm, 26. Jérusalem est comme une coupe d'étourdissement pour ceux qui s’attaquent à elle. Zach., xii, 12. — Cette ivresse atteindra aussi le peuple de Dieu, devenu infidèle. Dieu abreuve son peuple d’un vin d'étourdissement, en déchaînant contre lui ses ennemis. Ps. lix (lx), 5. Les habitants de Samarie, les gens d'Éphraïm, et ceux de toute la Palestine sont traités d’ivrognes, à cause de leurs débauches et de leur insouciance. Is., xxviii, 1, 3 ; Joël, i, 5. La terre de Juda chancelle comme un homme ivre, à cause des crimes de ses habitants. Is., xxiv, 20. La malédiction divine porte l’ivresse à ses derniers excès. Is., xxviii, 7 ; Jer., xiii, 13. Jérusalem coupable est ivre, mais non de vin ; elle chancelle, parce que Dieu ne lui révèle plus rien. Is., xxix, 9, 10. Elle boit, de la main du Seigneur, la coupe de la colère et absorbe jusqu'à la lie la coupe de l'étourdissement. Is., li, 17, 21, 22. — Parmi les agrapha du papyrus de Behnesa, découvert en 1897, Sayings of Our Lord discovered and edited by B. P. Greafell and A. S. Hunt, Londres, 1897, la troisième sentence est ainsi conçue : « Jésus dit : J’ai été au milieu du monde et je leur suis apparu dans la chair, et je les ai trouvés tous ivres, (ie6ûovta « , et je ne n’en ai trouvé aucun d’altéré. » Les hommes n’avaient pas soif de la justice, Matth., v, 6, et l’ivresse des biens temporels les empêchait d'être altérés des biens spirituels. Cf. Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1897, p. 434 ; Revue biblique, Paris, 1897, p. 506.

H. Lesêtke.

    1. IVROGNE##


IVROGNE, IVROGNERIE. L’ivrogne est celui qui a l’habitude de boire avec excès, et l’ivrognerie est cette habitude vicieuse. Voir Ivresse.

IXION » mot par lequel la Vulgate rend l’hébreu râ'âh. Deut., xiv, 13. Le rà'dh, qu’on retrouve sous' la forme dâ'àh dans le Lévitique, xi, 14, est un oiseau que la loi défend de manger. Cet oiseau est vraisemblablement le busard. Voir Busard, t. i, col. 1974. Le Samaritain omet le motrà'âA ; l’Alexandrin et le Vaticanus ne le traduisent pas, alors que d’autres versions grecques le rendent par Urfç. Mais ce mot grec n’a jamais désigné un oiseau ; il veut dire seulement « gui » ou « glu ». Cf. Bailly-Egger, Dietionn. grec-français, Paris, 1895, p. 971. Quant à ixion, ce n’est pas un mot latin. Cf. FreundTheil, Grand dictionnaire de la langue latine, Paris, 1872, t. ii, p. 294. Il ne se lit qu’en cet endroit de la Vulgate. Il désigne en grec un personnage mythologique, 'Igiut, . Ixion, roi des Lapithes. Pindare, Pythie., ii, 59 ; Eschyle, Ëumen., 441, 718. Peut-être l’t et ixion proviennentils d’une mauvaise lecture, dans les manuscrits grecs, de îxtîvoc, « milan, « qui se trouve dans les deux mêmes versets du Lévitique et du Deutéronome.

H. Lesêtre.

IYAR, nom du second mois de l’année juive dans le. Talmud. Il commençait à la nouvelle lune d’avril. Comme les autres noms de mois du calendrier juif, il fut emprunté par les Hébreux de la captivité au calendrier assyro-babylonien, où il occupait aussi la seconde place, sous le nom i’ah-u. Ce mot vient probablement. de la racine ma, 'lôr, « lumière. » Le mois d’Iyar serait donc le mois « brillant », par opposition au mois « sombre », le mois d’Adar, racine : ns, qui commençait à la nouvelle lune de février. — Iyar était consacré au dieu Éâ. C’est dans ce mois qu’Asarhaddon proclama solennellement son fils Assurbanipal héritier légitime du trône d’Assyrie et qu' Assurbanipal lui-même rapporta à Babylone la statue de Marduk enlevée par un de ses prédécesseurs. — Le mois d’ijar,-i » iii, a passé du calendrier ba bylonien dans les calendriers palmyrénien, nabatéen et syrien, dans le ? Targums et le Talmud. Mais il ne se trouve pas dans la Bible. Le mois correspondant y est désigné tantôt par son rang de « second mois », II Par., . xxx, 2, tantôt sous le nom de ziv. I Reg., vi, 1, 37.

Ziv, iii, est un des anciens noms de mois chananéens. Le Targum de Jonathan, I Reg., VI, 1, 37, le qualifie de « mois des fleurs », n>jsj m>. Le Talmud de Jérusa T-TV —.lem (Rosch haschschanah, ch. l) rapproche ce mot de l’araméen Vf (cf. Dan., ii, 31 ; iv, 33 ; v, 6, 9, 10, etc.), « éclat,

splendeur, couleur du visage. » « En principe on nommait le mois de Ziv, en raison de l'éclat (ziv) de ce mois (d’Iyar) où toutes les plantes ont surgi et où les arbres se distinguent par leurs produits. » M. Schwab, Le Talmud de Jérusalem, Paris, 1883, t. vi, p. 61-62. — On le trouve dans une des inscriptions néo-puniques découvertes par Lazare Costa à Constantine (n° 70) sous la forme orthographique de basse époque 3>t. Cf. Corpus inscriptionum semiticarùm, 1. 1, p. 365. — Le mois de ziv n’est mentionné que dans deux passages de la Bible. I Reg., vi, 1, 37. C’est pendant ce mois, y est-il dit, que Saloinon jeta les fondements du Temple. — Voir.Die KeiUçhrifttexte Assurbanipal », édit. Winckler, Leipzig, 1875, i, 11-23 ; H. Rawlinson, The cuneiform inscription* of western Âsia, t. v, 43, 1. 3-8, a-b ; Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestïicke, 3e édit., Leipzig, . 1885, p. 92 ; Clermont-Gànneau, Études d’archéologie orientale, cxiir 5 fascicule de la Bibliothèque de l'École des Hautes Études, t. ii, p. 62-76 ; M. Jastrow, The religion of Bajbylonia and Assyria, Boston, 1898, p. 462, 464, 684 ; Lidzbarski, Handbueh der nordsemilischen Epigraphih, Berlin, 1898. F. Martin.

    1. IZRAHIA##

IZRAHIA (hébreu : Izrahyâh, « que Jéhovah fasse jaillir ou briller ; » Septante : 'Ieïpata), fils d’Ozi, chef d’une des familles de la tribu d’Issachar et père de Michaêl, d’Obadia, de Johel et de Jésia. I Par., vu, 3.

DICTIONNAIRE

DE LA BIBLE

TOME TROISIEME

DEUXIÈME PARTIE

J-K ENCYCLOPEDIE

DES

SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES

HÉDIGÉE PAR

LES SAVANTS CATHOLIQUES LES PLUS ÉMINENTS

DE FRANCE ET DE L’ÉTRANGER

1° DICTIONNAIRE DE LA BIBLE

Publié par F. VIGOUROUX, prêtre de Saint-Sulpic*

Ancien professeur i l’Institut catholique de Paris, Secrétaire de la Commitsion biblique

2° DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE

Commencé sont la direction de A. VACANT, prof, an Sém. de Nancy, Continué sous celle de Eug. MANGENOT, professeur a l’Institut catholique de Paris.

3° DICTIONNAIRE D’ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE

ET DE LITURGIE

Publié par le R me dom Fern. CABROL, abbé de Farnborongh et dom H. LECLERCQ.

DICTIONNAIRE D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE

ECCLÉSIASTIQUES

Publié par Mgr Alfred BAUDRILLART, recteur de l’Institut catholique de Paris, Albert VOGT, docteur es lettres, et Urbain RODZIÈS.

5° DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE

(En préparation)

DICTIONNAIRE

DE LA BIBLE

CONTENANT

TOCS LES NOMS DE PERSONNES, DE LIEUX, DE PLANTES, d’ANIMAUX

MENTIONNÉS DANS LES SAINTES ÉCRITURES

LES QUESTIONS THÉOLOGIQUES, ARCHÉOLOGIQUES, SCIENTIFIQUES, CRITIQUES

RELATIVES À L’ANCIEN ET AU NOUVEAU TESTAMENT

ET DES NOTICES SUR LES COMMENTATEURS ANCIENS ET MODERNES

PUBLIÉ PAR

F. VIGOUROUX

PRÊTRE DE SAINT-SULPICE

AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS

DEUXIÈME TIRAGE

vA-lTA A{, ^

TOME TROISIEME ?V*

DEUXIÈME PARTIE „- /. -.." ! "’"#*’* » rt v/

J — K

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PARIS

LETOUZEY ET ANE, ÉDITEURS

76 b, s, RUE DES SAINTS-PÈRES, 76 bis

1912

TOUS DROITS RÉSERVÉS Imprimatur Parisïis, die 27 Januarii 1903.

f Franciscus, Card. RICHARD, Arch. Par.

J. Dans la transcription des noms propres de lieux et de personnes, notre j rend Yiod initial hébreu, lorsqu’il est suivi des voyelles « , e, o ou u : Jabès = Yâbê $ ; Jacob = Ya’âqôb ; Jéhu = Yêhû’; Jérusalem = Yerû-sâlaïm ; Joseph = Yôsêf ; Jubal = Yûbal. Voir Iod, col. 920.

JAAS1A (hébreu : Yahzeyâh ; Septante : ’IaÇtai), fils de Thécué. I Esd., x, 15. Esdras chargea Jonathan et Jaasia de dresser, avec le concours de Mésollam et Sébéthai, le catalogue des Israélites qui avaient épousé des femmes étrangères. I Esd., x, 1-17. Le texte hébreu, ꝟ. 15 dit au contraire que Jaasia, Jonathan, Mésollam et Sébéthai s’opposèrent au dénombrement. Voir Sébéthaï.

    1. JABEL##

JABEL (hébreu : Yâbâl ; Septante : ’Iwê^X), fils de Lamech et d’Ada, frère de Jubal. Gen., iv, 20. Il fut le père des nomades ou de ceux qui habitent sous la tente, en élevant des troupeaux, c’est-à-dire qu’il fut le premier à mener ce genre de vie.

JABÈS. La Vulgate a rendu ainsi deuxiioms d’hommes et deux noms de ville qui ont deux orthographes différentes en hébreu : Ya’ebês (voir Jabès 2 et 5), et YâbêS, « sec. » Voir Jabès 1 et 3.

1. JABÈS (hébreu : YâbêS ; Septante : ’Ia6( « ; Codex Alexandrinvs : ’Aêefç ; Iaëef ;), père de Sellum, roi d’Israël. IV Reg., xv, 10, 13, 14.

2. JABÈS (hébreu : Ya’ebês ; Septante : ’I^ag^ç ; Codex Alexandrinus : ’Ia-yëifo, TaS^ç), descendant de Juda. I Par., IV, 9-10. Sa mère lui donna ce nom, dit le texte, parce qu’elle l’enfanta dans la douleur (axy, ’ôséb). Luimême fait un jeu de mots sur son nom dans une prière qui est reproduite par l’écrivain sacré : « Jabès invoqua le Dieu d’Israël, disant : Puisses-tu me bénir et étendre mes limites ; que ta main soit avec moi, et qu’elle me préserve du mal, en sorte que je ne sois pas dans la douleur (>axy, ’ô$bî) Et Dieu lui accorda ce qu’il demandait. » Ces détails sont donnés au milieu d’une sèche énumération généalogique, et sans indiquer à quelle famille de Juda appartenait Jabès. U est dit seulement qu’il était plus considéré que ses frères, lesquels ne sont pas nommés, non plus que son père et sa mère. Ce passage a ainsi un caractère fragmentaire et incomplet. On ne sait s’il existe quelque connexion entre la personne de Jabès et la ville appelée du même nom. I Par., ii, 55. Voir Jabès 5. Le Targum identifie Jabès avec Othoniel.

3. JABÈS-GALAAD (hébreu : YâbêS GiVâd, Jud., XXI.8, 10, 12, 14 ; I Reg., xi, 1, 9 ; xxxi, 11 ; II Reg., ii, 4, 5 ; xxi, 12 ; I Par., x, 11 ; ou simplement Yâbèi, I Reg., xi, 3, 5, 18 ; Yâbésdh, avec hé local, I Reg., xxxi, 12 ; I Par., x, 12 ; Septante : Codex Vaticanus claSitç TaXaiS, Jud., xxi, 8, 18, 12, 14 ; I Reg., xi, 1 ; II Reg., xxi, 12 ; ’Iaêsi’ç t ?i< r « X «  « SÎT160 « , I Reg., xxxi, 11 ; U Reg., ii, 4, 5 ;

laêtd seul, I Reg., xi, 3, 5, 9, 10 ; I Reg., xxxi, 12 ; I Par., x, 12 ; TalaâS seul, I Par., X, 11 ; Codex Alexandrinus : Elaêeiç, I Reg., xi, 9, 10 : xxxr, 11, 12, 13 ; II Reg., ii, 4, 5 ; Vulgate : Jabès Galaad, Jud., xxi, 8, 10, 12, 14 ; I Reg., xi, 1, 9 ; xxxi, 11, 12 ; II Reg., n, 4, 5 ; xxi, 12 ; I Par., x, 11 ; Jabès, I Reg., XI, 3, 5 ; I Par., x, 12), ville du pays de Galaad, à l’est du Jourdain. Jud., xxi, 8, 10, 12, 14, etc. Le nom, écut ira » et itf>a », veut dire « aride ». Josephe le transcrit par’Iâ61<Toç, Ant. jud., V, II, 11 ; ’laêli, Ant. jud., VI, v, 1, et’Iaêiinrôç, Ant. jud., VI, xiv, 8. L’antique cité est mentionnée pour la première fois dans le livre des Juges, XXI, 8-14, à propos de l’anathème porté par les Israélites contre la tribu de Benjamin à la suite du crime commis par les habitants de Gabaa sur la femme d’un lévite. Réunis à Maspha, les enfants d’Israël avaient juré de ne pas donner leurs filles pour femmes aux Benjamites, et en même temps de punir de mort ceux qui ne marcheraient pas contre les coupables obstinés. Or il se trouva que les habitants de Jabès-Galaad n’avaient pas pris part à la guerre. On envoya donc dix mille hommes qui en exterminèrent la population, sauf les jeunes filles nubiles, au nombre de quatre cents, qu’on donna aux Benjamites échappés au massacre. Cependant la ville ne tarda pas à se relever, car nous la voyons un peu plus tard assiégée par Naas, roi des Ammonites. I Reg., xi, 1. Ne pouvant obtenir un traité d’alliance, elle eut seulement la permission de réclamer le secours d’Israël. Ses envoyés vinrent à Gabaa, et Saùl convoqua tout le peuple, qui se leva en masse et forma une immense armée. Celle-ci, surprenant les Ammonites et lesattaquant des trois côtés à la fois, les frappa et les mit en déroute, et Jabès fut délivrée. I Reg., xi, 1-11. Les habitants montrèrent plus tard leur reconnaissance. En apprenant que les Philistins, vainqueurs de Saùl sur le Gelboé, avaient coupé la tête du roi et suspendu son corps à la muraille de Bethsan, ils résolurent d’aller l’enlever et l’arracher à la honte. Les hommes les plus vaillants se se levèrent donc, et, marchant toute la nuit, prirent les cadavres de Saul et de ses fils, et après les avoir brûlés, déposèrent les ossements « tous le tamaris de Jabès » (Vulgate : « dans le bois de Jabès » ). I Reg., xxxi, 11-13 ; I Par., x, 11, 12. David les félicita de leur belle conduite, II Reg., ii, 4, 5, et fit ramener les cendres royales dans le pays de Benjamin. II Reg., xxi, 12-14. — Cette expédition nocturne des habitants de Jabès montre que la ville ne devait pas être éloignée de Bethsan (aujourd’hui Béïsân), de l’autre côté du Jourdain. Le site en est jusqu’à présent resté inconnu, mais le nom s’est conservé dans celui d’un torrent, Youadi Yâbis, qui se jette dans le fleuve au sud-est de Béisân. Eusebe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 134, 268, nous disent que, de leur temps, c’était encore * un village, xwHtJ, à six milles (près de neuf kilomètres) de Pella, sur la montagne, en allant vers Gérasa (Djérasch) ». Voir la carte de Gad, col. 28. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 319, suppose que l’emplacement pourrait être fixé à Ed-Deir,

à la distance indiquée au sud-est de Khirbet Fahîl (Pella). L. Oliphant, The land of Gilead, Edimbourg, 1880, p. 174, préfère Miryamîn ; mais ce point est trop rapproché de Fahîl. D’autres enfin cherchent plutôt Jabès dans la proximité de Kefr 'Abîl, entre Miryamîn et Ed-Deir. Cf. J. P. van Kasteren, Bemerkungen liber einige alte Ortschaften im Ostjordanlande, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xiii, 1890, p. 211 ; F. Buhl ; Géographie des allen Palâstina, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 259.

A. Legendre.

4. JABÈS (LE BOIS DE) (hébreu : hâ-'êSél be-YâbêSâh, « le tamaris à Jabès ; » Septante :-f) apoupa-f) Iv 'IaëEt'?, « le champ » ou « le verger qui était en Jabès » ), endroit où les habitants de Jabès -Galaad ensevelirent les ossements de Saul et de ses fils, dont ils avaient enlevé les cadavres des murs de Bethsan. I Reg., xxxi, 13. La Vulgate en fait un bois, xii nemore Jabes. L’hébreu porte dans un endroit, I Reg., xxxi, 13, tahat hâ-'êéél, « sous le tamaris, » et dans l’autre, I Par., x, 12, tahat hâ-'êlâh, « sous le térébinthe. » Septante : i%6 rï)v SpOv ; Vulgate : subter quercum, « sous le chêne. » C'était donc un arbre très connu à Jabès, comme l’indique l’article.

Voir Jabès-Galaad.
A. Legendre.

5. JABÈS (hébreu : Ya’bês ; Septante : Codex Vaticanus : Tapée, Codex Alexandrinus : Faë-r^), ville de Juda où habitaient des scribes (hébreu : sôferîm). I Par., ii,

55. Elle est inconnue,
A. Legendre.
    1. JABIN##

JABIN (hébreu : Yâbïn), nom ou titre de deux rois d’Asor.

4. JABIN (Septante : 'Ia6î « ), roi d’Asor, qui vivait du temps de Josué. Voir AsoR 1, t. i, col. 1105 ; Jos., xi, 1. Effrayé par les victoires que Josué avait remportées contre les rois du sud de la Palestine, Jabin se mit à la tête d’une confédération des rois chananéens du nord, et ayant rassemblé une armée considérable, il marcha contre les Israélites. Les armées ennemies se rencontrèrent dans le voisinage du lac Mérom. Voir Mérom. Jabin fut battu et Josué, profitant de sa victoire, s’empara d’Asor et la brûla ; son roi fut tué, et finalement tout le pays soumis. Jos., xi, 1-17. Voir Josué.

2. JABIN (Septante : 'Iaêfv), roi d’Asor, qui vivait du temps de Débora et de Barac, juges d’Israël. C'était probablement un descendant, en tout cas le successeur du Jabin, roi de la même ville d’Asor, qui avait été tué par Josué. Les Chananéens, depuis la mort de Josué, avaient réussi à relever Asor de ses ruines et même à soumettre les Israélites du Nori auxquels ils avaient imposé un tribut. Jabin avait neuf cents chars de guerre qui faisaient la terreur des descendants de Jacob. Il ne commandait pas lui-même son armée, comme son prédécesseur ; il avait placé à la tête de ses troupes Sisara, dont la capacité militaire lui inspirait sans doute confiance. Lorsque les tribus du Nord, à l’instigation de Débora, refusèrent de continuer à payer le tribut à Jabin et se révoltèrent contre lui, sous la conduite de Barac, Sisara marcha contre elles ; mais il fut battu et périt dans sa fuite de la main de Jahel la Cinéenne. Jud., iv, 2, 7, 17. Jabin habitait à Haroseth des nations. Voir Ha.roseth, col. 433. Il ne paraît pas avoir pris part personnellement à la campagne, mais la défaite de son armée est justement considérée comme sa propre défaite. Jud., iv, 23 ; Ps. lxxxii, 10. Il ne se releva point du coup qui venait d'être porté à sa puissance, et les Israélites surent si bien mettre leur victoire à profit, qu’ils n’eurent plus rien à redouter des Chananéens. Voir Débora 2, L ii, col. 1231 ; Barac, t. i, col. 1443 ; Jahel, col. 1106.

    1. JABLONSKI Daniel Ernest##


1. JABLONSKI Daniel Ernest, théologien protestant

né dans un petit village près de Dantzig le 26 novembre 1660, mort à Berlin le 25 mai 1741. Il suivit les cours à l’université de Francfort-sur-1'Oder et visita la Hollande et l’Angleterre. De retour en son pays, il fut pasteur à Magdebourg, puis directeur du gymnase de Lyssa en Pologne. En 1693, il fut nommé prédicateur du roi à Berlin et, en 1733, l’académie royale de cette ville le choisit pour président. Il travailla longtemps et sans succès à la réunion des sectes protestantes. Trèy versé dans la connaissance de la langue hébraïque, il publia : Biblia hebraica cum punctis : item cum notis hebraicis et lemmatibus latinis, 2 in-4°, Berlin, 1699 ; la 2e édition a pour titre : Biblia hebraica… Subjungitur Leusdeni catalogus 2294 selectorum versicutorum quibus omnes voces Veteris Testamenti continentur, in-12, Berlin, 1712.

B. Heurtehize. 2. JABLONSKI Paul Ernest, orientaliste protestant allemand, né à Berlin en 1693, mort à Francfort-surPOder le 14 septembre 1767. Il suivit les cours de l’université de Francfort et s’attacha surtout à l'étude de la langue copte. Il visita divers pays et explora tout particulièrement les bibliothèques d’Oxford, de Leyde et de Paris. En 1721, il devint professeur de philosophie à Francfort, et l’année suivante obtint la chaire de philosophie. Parmi ses nombreux écrits nous mentionnerons seulement : Disquisitio de lingua Lycaonica ad locum Actorum, xir, 11, in-4°, Berlin, 1713 ; Bemphan, JEgyptiorum deus, ab Isrælitis in deserlo cultus, in-8 l>, Francfort-sur-1'Oder, 1731 ; Dissertationes academicse rm de terra Gosen, in-4°, Francfort, 1735 ; Dissertatw de sinapi parabolico ad Matth., xiii, 31 et 32, in-4°, Francfort, 1736 ; De ultimis Pauli apostoli laboribus a B. Luca prætermissis, in-4°, Berlin, 1746. Par les soins de J. Vater fut publié l’ouvrage suivant de P. E. Jablonski : Opuscula quibus lingua et antiquitas Mgyptiorum difficilia Sacrorum Librorum loca et historiée ecclesiasticse capita illustrantur, 4 in-8°, Lej’de,

1804-1813.
B. Heurtebize.
    1. JABNIA##

JABNIA (hébreu : Yabnéh ; Septante : 'Ioêvrip ; Alexandrinus.Iaëef ;), orthographe, dans II Par., xxvi, 6, de la ville de Juda qui est appelée Jebnéel, Jos., xv, 11, et Jamnia dans les Machabées. I Mach., iv, 15, etc. Voir Jamnia, col. 1115.

    1. JABOC##

JABOC (hébreu : Yabbôq ; Septante : 'Ia6t6y_ et 'I « <5<Sx ; Vulgate : Jaboc et Jeboc), rivière (nahal) de l’ancien pays de Galaad, à l’est du Jourdain (fig. 194).

I. Histoire et identification.

Jacob revenant de Mésopotamie, après s'être séparé de Laban, à l’entrée des monts de Galaad, vint à Manahaïm et de là descendit vers le Jaboc qu’il traversa à gué avec sa famille, pour se rendre ensuite à l’endroit qu’il appela Socoth et de là à Sichem. Gen., xxxii, 23 ; xxxiii, 17-20. Le patriarche ne s'était pas encore^éloigné des bords du fleuve quand se présenta à lui le personnage mystérieux avec qui il lutta jusqu’au matin ; c’est là qu’il reçut le nom d’Israël. Gen., xxxii, 24-30. — Le Jaboc, au temps du roi Og, formait la limite méridionale du royaume de Basan et la limite septentrionale du territoire de Séhon, roi d’Hésébon ; il divisait en deux parties presque égales le pays de Galaad. Jos., xii, 2 ; Jud., xi, 13-22. Il formait aussi la frontière nord du pays des Ammonites. Num., xxi, 24 ; Deut., ii, 37 ; iii, 16. Cf. Josèphe, Ant. jud., IV, v, 2, 3. — La Peschito nomme, Judith, ii, 24, la région du Jaboc parmi celles qui furent ravagées par les armées du roi d’Assyrie. Dans le grec, ibid., on lit à la place 'A6pwvdt ; et dans la Vulgate, ii, 14, Mambré. La lecture vraie paraît devoir être Chaboras. Voir Abronas, 1. 1, col. 92, et Mambré 3. — Le nom de Jaboc a depuis longtemps cessé d'être en usage. Induits en erreur par le nom de Djéser Ya’qùb, « pont de Jacob, » ou Djéter bendt Ya’qùb, « pont des filles de Jacob, » donné à un pont construit sur le Jourdain supérieur, à près de trois kilomètres de l’extrémité sud du lac Houléh, près d’un château nommé Qasr Ya’qûb, « le château de Jacob, » un grand nombre de voyageurs ont pris cet endroit, malgré l’écriture et l’histoire, pour le gué du Jaboc traversé par le patriarche Jacob à son retour de Mésopotamie ; ils l’ont souvent désigné sous le nom de vadum Jacob, « le gué de Jacob, » faisant ainsi de cette partie du Jourdain le Jaboc lui-même. Cf. Boniface Stéphani de Raguse (1555), De perenni cultu Terras Sanctæ, édit. de Venise, 1875, p. 272 ; de Radzivil (1582-1584), Peregrinatio hierosolymitana, in-f°, Anvers, 1614, p. 41 ; Aquilante Rochetta (1598), Peregrinatione di Terra Santa, tr. ii, c. xxi, Palerme, 1630, p. 99-100. Les descriptions de la Terre Sainte du xiie siècle et celles des siècles suivants indiquent le Jaboc traversé par Jacob, à deux milles (ou deux lieues) au sud du lac de Tibériade. Cf. Fretellus (vers 1120), De lotis sanctis, t. clv, col. 1042 ; Jean de Wurzbourg (1137), Descriptio Terræ Sanctæ, t. clv, col. 1069 ; Theodoricus (vers 1172), Libellus de locis sanctis, xlix, édit. Tobler, in-12, Saint-Gall et Paris, 1865, p. 107 ; Thietmar (1217), Peregrinatio, p. 8, à la suite de Peregrinationes medii ævi quatuor, 2e édit., Laurent, in-4°, Leipzig, 1873 ; Odoric de Portnau, en Frioul (vers 1330), De Terra Sancta, ibid., p. 155, etc. Les cartes d’Adrichomius dans son Theatrum Terræ Sanctæ, in-f°, Cologne, 1590, celle de Jacques Goujon, accompagnant son Histoire et voyage de la Terre Sainte, in-4°, Lyon, 1670, celle de J. Bonfrère, dans Onomasticon, édit. J. Clericus, in-f°, Amsterdam, 1707, et plusieurs autres montrent le Jaboc vers l’extrémité sud du lac de Tibériade ou de Génézareth, là où coule la rivière appelée aujourd’hui le Šerî’at el-Menâdréh. C’est le Hiéromax des Grecs et des Latins, et Yarmouk des écrivains juifs et arabes. Ce nom, pris à tort pour une forme ou une corruption de Jaboc, aura été la cause de cette identification. Si ces deux noms offrent une certaine ressemblance, ils ont cependant été employés simultanément pour designer deux cours d’eau différents. Le récit biblique, en traçant la ; marche de Jacob du nord-est au sud-ouest et en plaçant le passage du Jaboc après la station de Mahanaïm, semble désigner clairement la situation de ce fleuve au sud de cette localité qui elle-même doit être placée au sud du Yarmouk. Voir Mahanaïm.

Eusèbe de Césarée, à une époque où le nom de Jaboc ne devait pas encore avoir été remplacé par un nom arabe, indiquait ainsi la situation de cette rivière : « Le fleuve Jaboc… coule entre Ammon, qui est Philadelphie, et Gérasa, pour aller ensuite se mêler au Jourdain. ». Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 222, 224.

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194. — Le Nahr ez-Zerqa’à la sortie des montagnes. D’après une photographie de M. L. Heidet.

Saint Jérôme, dans sa traduction, ajoute, après Gérasa : « à quatre milles de celle-ci. » De locis et nom. hebr., t. xxiii, col. 963. La rivière qui coule entre’Amman, la Philadelphie des Grecs, et Djéras, la Gérasa des anciens, à quatre milles (environ six kilomètres) au sud de cette dernière localité, c’est le Nahr ez-Zérqa’. La tradition juive l’a toujours désignée comme l’ancien Jaboc : « À une journée à peu près au nord d’Hésébon, on trouve le fleuve Yabôq, appelé Ouadi’z-Zerqa’, » disait, au xiiie siècle, le rabbin Estôri ha-Parchi, dans son JCaftor va-Phérah, édit. Luncz, Jérusalem, 1897, p. 63. Au siècle dernier, le géographe Chr. Cellarius, suivant les indications de l’Écriture, d’Eusèbe et de saint Jérôme, remettait le Jaboc à sa véritable place. Notitiæ orbis antiqui, t. III, c. xiii, in-4°, Leipzig, 1706, t. ii, p. 650, et sur la Carte de Palestine. Les palestinologues modernes sont généralement d’accord pour reconnaître le Jaboc dans l’actuel Nahr ez-Zerqa’ et l’Ouadi’z-Zerga — Voir Gratz, Schauplatz der heil. Schrift, nouvelle

édit., in-8 « , Ratisbonne, 1873, p. 208, 428 ; de Saulcy. Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, in-12, Paris, 1877, p. 184 ; R. Riess, Biblische Géographie, in-f°, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 30 ; Àrmstrong, Wilson et Conder, iVar)ïes and places in the OUI Testament, in-8°, Londres, 1887, p. 91 ; Buhle, Géographie des alten Palàstina, in-8°, Fribourg et Leipzig, 1896, p. 122, etc. II. Description.

Le Nahr ez-Zerqa’, « la rivière bleue, » est, après le Sériât el-Menddréh, l’ancien Yarmouk, le plus considérable des affluents du Jourdain. « Le commencement de la Zerqa’, » râs ez-Zerqa’, selon la manière de parler des Arabes, se trouve près du château du même nom, Qal’at ez-Zerqa’, à 22 kilomètres au nord-est de’Amman, où il. reçoit les eaux abondantes du’Aïn ez-Zerqa’, « la source de la Zerqa’. » En réalité la vallée où elle a son lit et la rivière elle-même commencent un peu à l’ouest de’Amman avec Vovadi’Amman. Le cours d’eau traverse les ruines inférieures de’Amman et se dirige au nord-est jusqu’au Râs ez-Zerqa’. De ce point il fléchit au nord-ouest jusqu’à la rencontre de i’ouadi Djéras, au delà duquel il décrit ses nombreux méandres sur une ligne presque droite allant d’est en ouest jusqu’à l’issue des montagnes. En entrant dans le Ghôr, il incline au sud-ouest pour aller se jeter dans le Jourdain, près du pont d’Ed-Damiéh et en face de la montague appelée Qarn Sartabéh, après avoir parcouru avec ses sinuosités près de 100 kilomètres. Outre les eaux de Vouadi Djéras, le Nahr ez-Zerqa’reçoit encore sur son parcours le tribut des cours de plusieurs courants permanents, et l’hiver de nombreux torrents. Près de’Amman où la pente est moins forte et où elles sont quelquefois resserrées et ralenties dans leur cours par des digues, les eaux de la rivière dépassent un mètre de profondeur ; au delà de Youadt Djéras, la vallée assez large jusque-là se rétrécit et les eaux de la Zerqa’se précipitent sur la pente qui va s’abaissant rapidement vers le Ghôr, entre les flancs élevés et abrupts des anciens monts de Galaad. La largeur moyenne de la rivière en cette partie est d’environ 7 mètres, et sa profondeur de 60 centimètres. Pendant l’hiver, quand elle a été gonflée par des pluies torrentielles, elle devient souvent infranchissable. À la sortie des montagnes, la rivière s’élargit et s’approfondit, et presque en toute saison il est nécessaire de chercher un gué pour la passer. Jacob, se dirigeant vers Sichem, la franchit probablement en cette dernière partie, non loin du pied des montagnes. D’innombrables petits poissons aux écailles argentées, de la grandeur de la truite à laquelle ils ressemblent par la forme, se jouent dans des eaux limpides de la Zerqa’qui court entre deux haies d’oléandres touffus et serrés auxquels se mêlent çà et là quelques agnus-castus, de gigantesques roseaux, et des arbustes d’autres espèces. La vallée ressemble à un immense abîme creusé pour séparer en deux le pays au de la du Jourdain. Les deux côtés, , celui de la Belqa’, au sud, et celui de l’Adjloùn au nord, sont couverts de rétem, ou genêts, et en quelques endroits de buissons d’oliviers sauvages parmi lesquels des bergers, descendant des quelques villages qui couronnent les hauteurs, viennent faire paître leurs troupeaux de vaches, de moutons et de chèvres. Deux ou trois moulins ruinés sont les seules constructions qui paraissent s’être jamais élevées sur les bords de la Zerqa’, dans la partie profonde de la vallée.’L. Heidet.

    1. JACAN##

JACAN (hébreu : Ya’âqân ; Septante : ’Iaxîjj.), Horréen dont le nom est écrit Acan dans la Genèse, xxxvi, 27. Voir Acan, t. i, col. 105. C’est peut-être l’ancêtre des Benê-Ya’âqdn ou « fils de Jacan », qui avaient donné leur nom à Be’êrôt Benê-Ya’âqdn (Vulgate : Beroih filiorum Jacan), la vingt-huitième station des Israélites dans le désert du Sinai. Deut., x, 6. Voir BenéJACAH et Beroih 1, t. i, col. 1584, 1621.

    1. JACHAN##

JACHAN (hébreu : Ya’ekân ; Septante : ’laotyâv), cinquième fils d’Abihaïl, et petit-fils d’Huri, de la tribu de Gad. Il habitait, ainsi que ses six frères, dans le de Basan. I Par., ꝟ. 13-14.

    1. JACHANAN##

JACHANAN (hébreu : Yoqne’âm ; Septante : Codex Vaticanus : ’Isxôpi ; Alexandrinus : ’Isxovàji.), ville chananéenne, dont le roi fut vaincu par Josué. Jos., xii, 22. Elle est appelée ailleurs Jéconam. Jos., xix, 11. Voir Jéconam.

    1. JACHIN##

JACHIN (hébreu : Yâkin), nom de trois Israélites et d’une des deux colonnes du temple de Jérusalem.

1. JACHIN (Septante : ’Ayziv, Gen., xlvi, 10 ; ’Ia^siv), fils de Siméon et petit-fils de Jacob. Gen., xlvi, 10 ; Exod., vi, 15 ; Num., xxvi, 12. Il fut le chef de la famille des Jachinites. Num., xxvi, 12. Son nom ne figure pas sous cette forme dans la liste des fils de Siméon qui se trouve I Par., iv, 24, mais il y est altéré en Jarib. Voir Jarib 1. Dans ce passage, Jarib-Jachin occupe la troisième place, tandis qu’il est nommé comme le quatrième fils dans Gen., xlvi, 10, et Exod., vi, 15. Cela vient de ce que Ahod, le troisième fils de Siméon, n’y figure pas. Ahod devait être mort sans enfants ou bien sa descendance s’était confondue avec celle de ses frères, car il n’est pas nommé non plus dans Num., xxvi, 12. Voir Ahod 1, 1. 1, col. 295.

2. JACHIN (Septante : ’A-/îl, ’Iayt’v), prêtre de la famille d’Ithamar, chef de la vingt-et-unième classe sacerdotale du temps de David. I Par., xxiv, 17. Sa descendance forma la cinquième des huit classes sacerdotales issues d’Ithamar. Certains commentateurs croient que ce sont les prêtres de cette famille qui sont désignés sous le nom de Jachin parmi ceux qui revinrent à Jérusalem à la fin de la captivité de Babylone. I Par., ix, 10 ; II Esd., xi, 10. D’après d’autres, il s’agit d’un prêtre particulier de ce nom. Voir Jachin 3.

    1. JACHIN##


3. JACHIN, nom, selon l’opinion commune, d’un des prêtres qui s’établirent à Jérusalem au retour de la captivité de Babylone. I Par., ix, 10 ; II Esd., xi, 10. Voir Jachin 2.

4. JACHIN (Septante : ’ïayoifi, dans III Reg., vii, 21, et’Iu-/Cit « force, » traduction du nom hébreu, dansll Par., m, 17), nom d’une des deux colonnes du temple de Jérusalem, faites par l’architecte Hiram. III Reg., vii, 21 ; II Par., iii, 17. Voir Colonnes du Temple, t. ii, col. 856.

    1. JACHINITES##

JACHINITES (hébreu : Hay-Ydkînî ; Septante : ’Iax’vî), descendants de Jachin, de la tribu de Siméon. Voir Jachin 1.

    1. JACINTHE##


JACINTHE. Quelques rares auteurs ont voulu voir dans le hâbasséléf de Cant., ii, 1, la jacinthe, Hyacmthu ? orientalis, assez abondante en Palestine, mais sans pouvoir en donner aucune preuve. Généralement on y voit le narcisse, ou plutôt le colchique. Voir ces mots.

    1. JACKSON Arthur##


JACKSON Arthur, théologien anglais non conformiste, né à Suffolk en 1593, mort en 1666. Ses études terminées à Cambridge au collège de la Trinité, il exerça le ministère évangélique en diverses paroisses. Voici quelques-uns de ses écrits : À Help for the understanding of the Holy Scripture, 3 in-4°, Cambridge, 1643-1658 : il y est presque exclusivement question des livres historiques. L’ouvrage suivant fut publié par les soins de son fils : Annotations upon the whole book of Isaïa, in-4°, Londres, 1682. — Voir W. Orme, Biblioth. biblica, p. 257 ; Walch, Biblioth. theologica,

t. it, p. 467, 479, 480.
B. Heurtebize.
JACOB, nom d’un patriarche et du peuple issu de lui, ainsi que de deux autres Israélites. Le nom de Jacob se retrouve sous la forme I-qu-bu dans un contrat assyrien de la 18e année du roi Darius. Voir aussi Jacques.

1. JACOB (hébreu : יעקב, quelquefois יעקדב, Ya’àqôb ; Septante : Ἰακῶϐ), lils d’Isaac et de Rébecca. Il vint au monde en tenant d’une de ses mains le talon (עקב, ’âqêb) de son frère jumeau Ésau, ce qui lui fit donner par sa mère le nom de Jacob, c’est-à-dire « [celui qui] tient par le talon, qui supplante ». Gen., xxv, 25 ; cf. xxvii, 36 ; Ose., xii, 3. Sa vie se passa tour à tour dans le pays de Chanaan, dans la Mésopotamie, de nouveau en Chanaan et enfin en Égypte.

I. De la naissance de Jacob a son départ pour la Mésopotamie. — Dieu avait prédit à Rébecca, dès avant la naissance de ses deux fils, qu’ils seraient les pères de deux peuples et que la postérité de l’alné serait soumise à celle du plus jeune. Gen., xxv, 22-23. Cf. Ose., XII, 3. Lorsque les deux enfants eurent atteint l’âge d’homme, une circonstance fortuite prépara les voies à l’accomplissement de cette prédiction divine. Un jour qu’Ésau revenait de la chasse [exténué de fatigue, il demanda à son frère de lui donner un plat de lentilles que celui-ci avait préparé pour lui. Jacob le lui abandonna à condition qu’Ésaû lui céderait son droit d’aînesse en échrnge de ce service ; il exigea même que cette cession, à laquelle Ésau avait consenti, fût confirmée par serment. Gen., xxv, 29-34. Ce transfert du droit de primogéniture ne pouvait toutefois être valable sans l’autorité d’Isaac ; les privilèges du droit d’aînesse étaient attachés à la bénédiction paternelle, et c’est cette bénédiction qui devait nécessairement confirmer, au profit "de Jacob, l’abandon de ce droit par Ésau. Aussi Rébecca, dont Jacob était le fils préféré, Gen., xxv, 28, épiait-elle le moment favorable pour la lui assurer. Or, un jour, elle entendit le vieux patriarche ordonner à Esau d’aller à la chasse et de lui préparer un repas après lequel il le bénirait. Elle en prévint aussitôt Jacob et se hâta de tout disposer pour qu’Isaac fût amené à ratifier le marché conclu autrefois entre ses deux fils. Elle revêtit Jacob des habits de son frère et lui couvrit le cou et les mains de peaux de chevreaux, afin qu’Isaac, devenu presque aveugle, pût croire en le touchant qu’il touchait Ésau dont la peau était velue. Puis elle lui remit les aliments soigneusement choisis et préparés par elle et qu’il devait apporter à son père. Jacob s’était refusé d’abord à ce stratagème dans la crainte que sa supercherie, si elle était découverte, n’attirât sur lui la malédiction paternelle au lieu de la bénédiction qu’on voulait lui faire surprendre ; mais rassuré par Rébecca, il se présenta à Isaac en se donnant pour Esau, il l’invita à manger du gibier qu’il venait, disait-il, de chasser et le pria de le bénir ensuite. Isaac manifesta son étonnement d’un si prompt retour ; Jacob répondit en attribuant à Dieu l’heureux succès de sa chasse. Cependant le vieillard restait défiant, parce que la voix de son interlocuteur lui paraissait être. celle de Jacob ; il voulut donc le toucher pour s’assurer qu’il était bien Ésau, il l’interrogea même encore, et Jacob répéta son mensonge, car c’est bien ainsi et à bon droit que ce langage est communément qualifié, malgré ce qu’ont pu en dire pour le disculper plusieurs anciens avec saint Augustin. Serm. iv, De Jacob et Esau, xxii, t. xxxviii, col. 45 ; De mendac, v, t. xi, col. 491. Là-dessus^ le patriarche mangea et but ce que son fils lui offrait ; ensuite, l’ayant embrassé, il lui donna cette bénédiction solennelle qui le constituait l’aîné de la famille et « le seigneur de ses frères ». Ésau, qui avait autrefois montré tant d’indifférence pour son droit d’aînesse et l’avait vendu avec une si coupable légèreté, fut rempli de douleur et outré de colère lorsqu’il apprit, à son retour, ce qui venait de se passer. Voir Ésau, t. ii, col. 1910-1911. II ne parla de rien moins que de tuer son frère dès qu’Isaac serait mort. Ces menaces déterminèrent Rébecca à éloigner pour un temps son enfant de prédilection. Elle ne voulait pas d’ailleurs que Jacob, à l’exemple d’Ésa, épousât une femme de Chanaan. Ce fut ce dernier motif qu’elle fit valoir auprès d’Isaac pour le décider à envojer Jacob en Mésopotamie, afin qu’il y prit une épouse dans la famille de Laban. Gen. xxvii, 1-xxviii, 2.

Isaac envoya donc Jacob en Mésopotamie chez Laban, son oncle, frère de Rébecca ; mais il voulut, avant de se séparer de lui, confirmer en la renouvelant la bénédiction qu’il lui avait déjà donnée. Gen., xxviii, 3, 4. Le Seigneur allait ratifier à son tour l’acte d’Isaac et montrer ouvertement que le patriarche n’avait fait qu’exécuter le dessein divin, déjà révélé à Rébecca, c’est-à-dire l’élection de Jacob, à l’exclusion d’Ésau, comme héritier des promesses messianiques. Mal., i, 2 ; Rom., ix, 11-13. Cette manifestation céleste eut lieu à Luza, dans la région même où Abraham avait autrefois élevé un autel au Seigneur. Gen., XII, 8. C’est la seule halte mentionnée par la Bible dans le récit du voyage de Jacob de Bersabée à Haran. Voulant passer la nuit en cet endroit, il prit une des pierres qui s’y trouvaient, la mit sous sa tête et s’endormit. Il vit alors en songe une échelle posée sur la terre et dont l’extrémité touchait au ciel, et, le long de l’échelle, des anges qui montaient et descendaient, tandis que le Seigneur se tenait au-dessus et lui parlait. Il se révéla à lui comme Jéhovah, le Dieu d’Abraham et d’Isaac ; il lui donna, ainsi qu’à ses descendants, la propriété de la terre sur laquelle il dormait et il lui assura une postérité innombrable, en laquelle seraient bénies toutes les nations de la terre, cf. Gen., xxii, 18 ; il lui promit enfin de le protéger toujours et de le ramener dans le pays de Chanaan. Jacob se trouva saisi à son réveil d’une religieuse terreur. Il dressa la pierre sur laquelle il avait dormi et, répandant de l’huile sur le sommet en manière de consécration, l’érigea en monument. Il fit de plus, afin de témoigner sa reconnaissance pour cette vision et pour les bienfaits que Dieu devait lui accorder à l’avenir, le triple vœu d’honorer plus que par le passé Jéhovah comme son Dieu, de donner à cette pierre et à ce lieu le nom de Béthel ou maison de Dieu, et d’offrir au Seigneur la dîme de tous les biens qu’il aurait reçus de lui. Gen., xxviii, 10-22. Voir Bétyle, t. i, col. 1765.

II. Jacob en Mésopotamie.

Immédiatement après la vision de Béthel, la Genèse nous montre Jacob parvenu au terme de son voyage. Tandis que, arrivé dans le voisinage de Haran, il interrogeait au sujet de Laban des pasteurs qui stationnaient auprès d’un puits (fig. 195), Rachel, fille de Laban, arrivait précisément avec son troupeau. Jacob s’empressa d’ouvrir le puits, quoique l’heure ne fût point encore venue, et de faire boire les brebis de Rachel ; il se fit ensuite connaître à elle. Laban, à qui sa fille avait couru apporter la nouvelle de l’arrivée de Jacob, vint aussitôt recevoir le fils de sa sœur avec les démonstrations de la plus vive amitié et l’emmena dans sa maison. Gen., xxix, 1-14a.

Lorsqu’un mois se fut écoulé depuis l’arrivée de son neveu, il lui dit : « Devez-vous, parce que vous êtes mon parent, me servir gratuitement ? Dites-moi quel salaire vous désirez ? » Or Laban avait deux filles : Lia l’ainée, dont les yeux étaient chassieux (hébreu : « faibles » ), et Rachel, beaucoup plus belle. Jacob avait déjà conçu pour la plus jeune de ses cousines une grande affection. Il offrit donc à Laban sept ans de service pour avoir la main de Rachel. Sa demande fut agréée et, en conséquence, à la fin de la septième année, on célébra le mariage, avec de grandes réjouissances. Mais le soir, quand le moment vint de conduire à Jacob son épouse voilée, Laban substitua Lia à Rachel. Aux reproches que lui fit le lendemain son gendre, il répondit en alléguant

fallacieusement l’usage du pays qui ne permettait pas à un père de marier sa fille plus jeune avant l’ainée. Il dit cependant à Jacob que Kachel serait à lui et qu’il pourrait l’épouser après les sept jours de fête consacrés à la noce de Lia, cf. Jud., xiv, 12, s’il voulait le servir sept autres années. Jacob y consentit, et ce nouveau mariage eut lieu au jour indiqué. Laban donna à Rachel, à cette occasion, une servante du nom de Bala, de même qu’il en avait donné une, Zelpha, à Lia. Gen., xxix, 14°-29.

Jacob ne dissimulait pas sa préférence pour Rachel ; mais Dieu l’en punit en refusant à celle-ci la maternité tandis que Lia donnait successivement le jour à quatre flls : Ruben, Siméon, Lévi et Juda. Ce contraste excita l’envie de Rachel ; aveuglée par le dépit, elle s en prit d’abord à Jacob de sa stérilité, puis voulant en atténuer de quelque manière les effets, elle lui fit prendre comme épouse secondaire Bala, dont les enfants seraient censés les enfants de Rachel même. Cf. Gen., xvi, 1-3. Bala eut deux fils, Dan et Nephthali. Lia de son côté, voyant sa fécondité interrompue pendant quelque temps, suivit l’exemple de sa sœur et fit épouser à Jacob sa servante Zelpha, dont il eut également deux fils, Gad et Aser ; mais entre temps elle devint encore elle-même mère de deux autres fils, Issachar et Zabulon, et, en dernier lieu, d’une fille, Dina. Le Seigneur se souvint aussi de Rachel et exauça enfin ses prières en lui accordant un fils qu’elle appela Joseph. Gen., xxix, 30 ; xxx, 1-13°, 17-24. Ces onze fils, auxquels viendra s’adjoindre plus tard Benjamin, composent avec Dina, leur sœur, toute la famille de Jacob, telle que la Bible, nous la fait connaître. Il paraîtrait toutefois qu’il aurait eu d’autres filles, d’après le texte hébreu de Gen., xxxvii, 35 ; xlvi, 7, à moins qu’il ne faille entendre cette expression dans un sens large, c’est-à-dire celui de belles-filles.

La naissance de Joseph marquait la fin des quatorze années de service que Jacob s’était engagé à fournir à Laban. Le fils d’Isaac résolut de reprendre sa liberté et de revenir dans la terre de Chanaan pour y travailler au bien de sa propre famille. Mais Laban s’y opposa : « J’ai’connu par mon expérience, lui dit-il, que le Seigneur m’a béni à cause de vous ; fixez le prix que je dois vous donner » à l’avenir. Jacob consentit à rester et proposa en conséquence à son beau-père un traité dont les conditions sont différemment comprises par les interprètes. En cet endroit, en effet, il y a des divergences sensibles dans les diverses leçons du texte sacré qui d’ailleurs paraît offrir certaines lacunes. Cependant, si l’on néglige les détails secondaires, il est aisé de se former une idée très claire des conditions essentielles de ce pacte. Il revenait à ceci : les troupeaux étaient préalablement partagés d’après les conventions établies, et ensuite [séparés. [Jacob devrait donner à Laban tous les produits des siens qui seraient d’une seule couleur, blanche pour les brebis, noire pour les chèvres ; tout le reste, c’est-à-dire tous les petits tachetés ainsi que les agneaux noirs, d’après l’hébreu de Gen., xxx, 33, et, probablement encore par analogie, „ les chevreaux blancs seraient la part qui resterait à Jacob.’Celui-ci ne pouvait assurément se faire cette part plus modeste, car, les brebis ont communément, 1a laine blanche, et les chèvres le poil noir ; les sujets à robe mouchetée forment l’exception et même leurs petits sont d’ordinaire d’une couleur uniforme. Aussi Laban n’hésita-t-il pas à souscrire à ce marché qui paraissait tout à son profit. Cet homme cupide ne se contenta pas même de cet avantage ; autant qu’on peut en juger par diverses données du texte, il rendit pire encore la condition de Jacob par la manière dont il procéda à la répartition des troupeaux dans le but de lui laisser d’abord le plus petit nombre possible de têtes de bétail et de s’assurer à lui-même ensuite une plus forte proportion dans leur progéniture. Gen., xxx, 25--6. Mais les

choses allèrent tout autrement qu’il n’avait pensé, grâce au moyen industrieux qu’employa Jacob pour obtenir en grande quantité des brebis et des chèvres de la couleur qu’il souhaitait. Il prit des branches vertes de peuplier, d’amandier et de platane, les écorça incomplètement de manière qu’elles offrissent aux regards des parties blanches et des parties vertes, et les déposa dans les canaux où les troupeaux venaient boire. L’aspect de ces couleurs mêlées impressionnant l’imagination des brebis et des chèvres au temps de la conception, elles produisaient des petits tachetés de diverses couleurs, que Jacob séparait à mesure et qui devenaient sa propriété. Cependant, afin de rendre moins sensibles aux yeux de Laban les heureux effets de son habileté, il n’usait de ce procédé que pour la première portée de l’année, celle qui donne les animaux les plus forts, et il laissait les choses aller leur cours naturel pour la seconde portée. De la sorte il eut pour lui tout le bétail vigoureux, tandis qu’il ne restait pour son beau-père que les produits de qualité inférieure. Gen., xxx, 37-42. — Jusqu’à quel point faut-il attribuer à l’industrie de Jacob les merveilleux résultats qu’il obtint, c’est ce qu’on ne saurait dire. Il est certain, d’une part, que son procédé était conforme aux idées et à la pratique de plusieurs peuples de l’antiquité, et des savants modernes y voient une méthode fort admissible de sélection artificielle. Voir sur cette question F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édil., t. iv, p. 331-335. Mais, d’autre part, il est difficile d’attribuer uniquement à cet artifice le prodigieux succès de cette méthode, d’autant plus que Jacob en varia plusieurs fois l’application et toujours avec le même bonheur, produisant selon les besoins du moment tantôt une couleur uniforme, tantôt une couleur mélangée. En réalité le véritable auteur de ce qui arrive ici est Dieu même qui bénit les moyens employés par son serviteur ainsi que Jacob le déclara ensuite à Lia et à Rachel : « C’est Dieu, leur dit-il, qui a pris le bien de votre père pour me le donner. » Et il confirme cette déclaration par le récit d’un songe dans lequel Dieu lui avait dit qu’il connaissait tout ce qu’il avait eu à souffrir de Laban. Durant ce même songe une vision mystérieuse lui avait fait comprendre que Dieu approuvait l’emploi du moyen qui l’enrichissait ou peut-être même le lui avait-elle divinement appris, ce moyen. Gen., xxxi, 9-12. Le texte comporte l’un et l’autre sens. Si l’on adopte le dernier, Dieu se serait servi de ces branches, privées elles-mêmes de toute vertu naturelle, pour produire l’effet désiré par Jacob, comme il se servit plus tard d’un bois quelconque pour adoucir les eaux de Mara. Exod., xv, 25. Il faut remarquer toutefois que, dans ce cas, la vision aurait dû avoir lieu six ans auparavant, ce qui ne s’accorde guère avec Gen., xxxi, 31 b.

Laban, déçu dans ses espérances, exigea qu’on changeât les conditions du contrat et que la part de Jacob devint la sienne, et réciproquement. Mais le résultat fut toujours le même, et il revint aux premières conditions pour changer encore « jusqu’à dix fois », dit Jacob, Gen., xxxi, 7, 41, c’est-à-dire plusieurs fois, mais sans que jamais le succès répondit à son attente. Ces échecs répétés l’aigrissaient et l’indisposaient de plus en plus contre son neveu. Jacob le sentait, et il connaissait en même temps les critiques acerbes de ses beaux-frères. Il songea donc à s’éloigner ; mais le motif qui l’y détermina réellement fut l’ordre formel que Dieu lui en donna en lui réitérant la promesse de le protéger. Gen., xxxi, 1-3. Une difficulté sérieuse se présentait toutefois : il connaissait l’avarice de son beau-père, son tempérament dur et violent. Laban s’opposerait à son départ, fallût-il en venir pour cela à la violence. Gen., xxxi, 32. Il résolut donc de faire à son insu tous les préparatifs de ce départ et de s’éloigner secrètement. Il manda auprès de lui, au milieu des champs, Rachel et Lia, leur exposa ses griefs contre Laban, leur raconta la vision dont il a a - a

été parlé plus haut, en faisant suivre son récit de l’ordre que Dieu lui avait donné de quitter ce pays pour revenir à celui de son père. Il n’eut pas de peine à décider les deux filles de Laban, l’égoisme de leur père les avait déjà assez détachées de lui. Le départ eut lieu aussitôt, car. il fallait profiter de l’absence de Laban qui était allé tondre ses brebis. Gen., xxxi, 1-12. — Jacob put admirer alors comment Dieu avait tenu ses promesses de Béthel et combien il avait « béni ses travaux et rendu fructueux son labeur, en l’assistant contre les pièges qu’on lui avait tendus ». Sap., x, 10, 11. Lui qui était arrivé, vingt ans auparavant, n’ayant pour tout bien que son bâton, Gen., xxxii, 10, et qui n’avait demandé au Seigneur que le pain et le vêtement, xxviii, 20, il se voyait maintenant le père de douze enfants et le maître de nombreux serviteurs et servantes et d’un nombre incalculable de brebis, de chèvres, d’ânes et de chameaux. Gen., xxx, 43 ; cf. xxxii, 5 ; 13-15. C’est avec cette belle et riche caravane qu’il repassa l’Euphrate en se dirigeant vers la région que l’Écriture appelle par anticipation la montagne de Galaad. Gen., xxxi, 21.

III. Retour de Mésopotamie en Chanaan.

Laban n’apprit l’exode de Jacob que le troisième jour qui suivit. Cf. Gen., xxx, 36. Il réunit immédiatement ses frères, c’est-à-dire sans doute plusieurs de ses parents, et se mit à sa poursuite pendant sept jours jusqu’à ce qu’il l’eût rejoint au mont Galaad. Gen., xxxi, 22-23. Ce nombre sept a été substitué par quelque copiste, ou bien il faut supposer que, entre.la nouvelle de la fuite de Jacob et le départ de Laban, il s’est écoulé un certain temps nécessaire pour avertir les parents habitant divers lieux plus ou moins éloignés et attendre leur arrivée. Autrement on devrait admettre que Jacob a pu faire franchir en dix jours à des troupeaux de brebis une distance de près de 650 kilomètres, c’est-à-dire, en moyenne, plus de quinze lieues par jour. Cf. Gen., xxxiii, 13-14. Voir Hummelauer, Comment, in Gen., 1895, p. 493, et F. Vigouroux, La sainte Bible polyglotte, Paris, 1898, t. i, p. 163. Dieu, qui connaissait les mauvaises dispositions de cet homme, « vint à lui pendant la nuit » et lui défendit de parler durement à Jacob. Gen., xxxi, 24, 29. Aussi se contenta-t-il de se plaindre à son neveu qu’il lui eût caché son dessein et l’eût privé du plaisir d’embrasser ses filles et ses petits-enfants. Il lui reprocha ensuite de lui avoir dérobé ses dieux. On ne sait ce qui est désigné ici par ce mot remplacé, aux versets 19 et 34, par celui d’idoles, et qui traduit l’hébreu (erâfîm. On croit assez communément que c’étaient des objets superstitieux, des amulettes auxquelles on attribuait quelque vertu magique. Voir Theraphim. Rachel avait en effet emporté les (erâfîm de son père, Gen., xxx, 19 ; mais Jacob qui l’ignorait, et se croyait sûr de tous les siens comme de lui-même, invita son oncle à entrer dans toutes les tentes pour chercher à y découvrir ses idoles, dévouant d’avance à la mort le coupable s’il y en avait un. Mais ce coupab. trouva le moyen de déjouer ces recherches ; une ruse de Rachel les rendit infructueuses. Jacob alors, ne voyant sans doute dans l’accusation de Laban qu’une dernière injustice à son endroit, donna un libre cours à son indignation ; il retraça en termes véhéments le tableau des services qu’il avait rendus pendant vingt ans au frère de sa mère et des duretés et des injustices qu’il avait dû subir en retour. Laban n’avait rien à répondre, et d’autre part Dieu lui avait défendu de maltraiter Jacob, même en paroles ; il ne lui restait plus qu’à se retirer. Il voulut toutefois s’assurer contre tout retour offensif de son gendre. Il lui proposa donc un traité d’alliance. Jacob prit une pierre et l’érigea en monument ; puis, sur son ordre, les siens rassemblèrent des pierres et l’on mangea sur ce monceau, que Laban appela d’un nom chaldéen Yegar-Sâhadu (à’, tandis que Jacob le nomme en hébreu Gal’êd, « Monceau du témoignage. » Voir Galaad 4, col. 45.

Ils s’engagèrent l’un et l’autre par serment à considérer ce tumulus comme une barrière qu’aucun des’deux ne franchirait jamais pour aller attaquer l’autre. On immola ensuite des victimes, on prit un repas en commun et, la nuit suivante, Laban repartit pour Haran après avoir embrassé ses filles et ses petits-enfants. Gen., xxxi, 2225. « Jacob aussi s’en alla par le chemin qu’il avait pris, et les anges de Dieu furent à sa rencontre, et les ayant vus, il dit : C’est le camp de Dieu, et il appela ce lieu Mahanaim, camp. » Gen., xxxii, 1-2. Voir Mahakaim.

Sur le point de remettre le pied sur la terre natale, le souvenir d’Ésaù et de ses menaces effraya Jacob. Quelques-uns de ses serviteurs allèrent par son ordre au pajs de Séir, le saluer de sa part, avec recommandation de faire mention des présents qu’il lui destinait. Ésau partit aussitôt à la suite des envoyés pour aller au-devant de son frère, à la tête de quatre cents hommes. Jacob fut épouvanté. Il divisa le bétail et ses gens en deux troupes, séparées par un assez grand intervalle, espérant que si l’une d’elles tombait sous les coups d’Ésaù, il pourrait du moins sauver l’autre. Il adressa ensuite à Dieu une prière où éclataient son humilité et sa reconnaissance. Le matin suivant, il choisit dans les diverses espèces d’animaux qu’il possédait cinq cents tètes (cinq cent cinquante d’après l’hébreu) dont il fit plusieurs troupeaux qui devaient s’avancer à une certaine distance les uns des autres, à la rencontre d’Ésaù. Cette disposition est conforme aux mœurs des Orientaux ; ils veulent faire mieux ressortir par là le prix de ce qu’ils offrent. Voir Aon, t. i, col. 715. Mais elle avait aux yeux de Jacob un avantage plus précieux encore en ce moment, celui d’adoucir peu à peu et comme par degrés l’esprit de son frère. Les serviteurs avaient en effet pour instruction de répondre successivement à Ésau, à mesure qu’ils le rencontreraient 1 un après l’autre : Les bêtes que je conduis sont un présent que votre serviteur Jacob envoie à Ésau son seigneur ; et votre serviteur Jacob vient lui-même vers vous. Gen., xxxiii, 3-21.

Lorsque les présents furent partis, Jacob passa de grand matin le gué de Jaboc avec ses épouses, leurs enfants et tout ce qui lui appartenait, et étant resté seul en arrière, « voilà qu’un homme luttait avec lui jusqu’au matin ; voyant qu’il ne pouvait vaincre [Jacob], il toucha le nerf de sa cuisse (c’est-à-dire un tendon reliant la hanche à l’os du bassin) lequel se dessécha aussitôt. Et il lui dit : Laisse-moi, car déjà monte l’aurore. — Je ne vous laisserai point, si vous ne me bénissez, déclara Jacob. — Quel est donc ton nom ? lui dit-il. — Jacob. — Non, lui répliqua-t-il, ce n’est plus Jacob qu’on te nommera, mais Israël ; et si tu as été fort contre Dieu, combien plus prévaudras-tu contre les hommes ! » Voir Israël 1, col. 995. Jacob demanda à son adversaire de se nommer à son tour ; mais celui-ci refusa et le bénit. Et Jacob appela ce lieu Phanuel. Cependant le soleil se leva et Jacob se remit à marcher, mais il boitait de sa hanche (hébreu et Septante). De là vient que ses descendants ne mangent point de ce nerf que l’ange avait paralysé dans la hanche de leur père Jacob. Gen., xxxii, 24-32. Cette lutte ne fut pas imaginaire, car elle n’eut pas lieu en songe ; Jacob était éveillé et sur pied, il venait de faire traverser le gué de Jaboc à sa caravane ; d’ailleurs la claudication qui lui resta suffirait à montrer qu’il y avait eu une lutte réelle avec cet être mystérieux qu’Osée, xii, 3-4, appelle un ange, et sans doute c’en était un. Dieu, en limitant les forces de cet esprit céleste pour laisser la victoire à Jacob, réconforta une dernière fois son serviteur.

Les dispositions prises par Jacob en vue de l’arrivée d’Ésaù trahissent cependant encore quelque appréhension : il plaça en arrière ceux des siens qui lui étaient les plus chers. Quant à lui, , il alla au-devant de son frère en s’inclinant sept fois. Mais Ésaû avait oublié ses anciens griefs, il courût vers Jacob et le tint longtemps

embrassé en pleurant. Il ne voulait recevoir aucun de ses présents, se disant assez riche, et il ne les accepta que sur les instances de Jacob. Il lui proposa ensuite de l’accompagner dans son voyage. Mais Jacob lui objecta qu’il était obligé de faire marcher lentement ses troupeaux, aQn de n’en point perdre une partie par la fatigue. Il le pria donc de prendre les devants avec ses hommes, tandis que lui-même le suivrait à petites journées jusqu’à ce qu’il allât le rejoindre à Séir. Gen., xxxiii, 7-15. Nous ne lisons nulle part que Jacob ait effectué ce voyage à cette époque ou plus tard. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour nier qu’il l’ait jamais accompli, encore moins pour affirmer qu’il a menti à son frère en lui faisant cette promesse. Le mot rendu par « jusqu’à ce que » pourrait fort bien d’ailleurs signifier ici « en attendant que » je vienne, sans indication de temps. Saint Augustin pense que Jacob promit sincèrement*, mais qu’il changea ensuite d’avis. Qusest. CVl, inlleplat., t. xxxiv, col. 575.

Après qu’Ésaù se fut éloigné, Jacob se dirigea vers l’occident, du côté du Jourdain, et il vint en un lieu situé près du fleuve. Il y dressa ses tentes, ce qui lui fit donner à ce site le nom de Soccoth. Il y construisit même une maison. Cela permet de supposer qu’il avait l’intention de faire en cet endroit un séjourassez long ; La Bible ne nous donne toutefois aucune indication sur la durée de ce séjour à Soccoth et ne relate aucun fait so rapportant à Jacob qui s’y soit passé. Gen., xxxiii, 1617.

IV. Jacob établi de nouveau en Palestine.

La Genèse semble donner à entendre que Jacob ne demeura pas longtemps sur la rive gauche du Jourdain. « Il passa (d’après la Vugate) à Salem, ville des Sichémites, après qu’il fut revenu de Mésopotamie. » Gen., xxxiii, 18. Mais dans l’hébreu on lit : « Il arriva sain et sauf près de la ville des Sichémites. ï> C’était l’accomplissement du souhait que Jacob avait formé à Béthel, lorsqu’il partait pour la Mésopotamie. Gen., xxviii, 21. Le patriarche prit en quelque sorte possession de la Terre Promise en achetant une partie du champ où il avait planté ses tentes et qu’il paja cent agneaux (hébreu : qesitdh). Voir <Jesitah. Cf. Act., vii, 16. C’est ce champ que Jacob mourant donna à Joseph en sus de sa part. Gen., xlviii, 22 ; cf. Joa., iv, 5, 12. Il érigea aussi en cet endroit un autel et il invoqua le Dieu très fort d’Israël. Gen., xxxiii, 20. Peut-être entendait-il accomplir ainsi le vœu qu’il avait fait au Seigneur après la vision de Béthel ? Gen., xxviii, 22, et c’est ce qui expliquerait pourquoi il resta si longtemps à Sichem sans aller jusqu’à cette localité qui était cependant à si peu de distance.

Mais les desseins de Dieu étaient tout autres. Jacob ne devait pas se fixer en Chanaan, et il avait à remplir ses engagements envers le Seigneur à l’endroit qu’il avait désigné lui-même après avoir entendu les bénédictions fct reçu les promesses divines. Un événement imprévu l’obligea de s’éloigner de Sichem. Le fils du roi enleva Dina et lui fit violence, puis il vint la demander en mariage à Jacob. Soit qu’il ne sût à quoi se résoudre sur le moment et qu’il eût besoin de prendre conseil de « es fils, soit que, selon les usages de l’Orient, cf. Amnon, t. i, col. 501, et Gen., xxxiv, 31, il voulût laisser le soin de régler cette affaire aux frères utérins de Dina, enfants de Lia comme elle, le patriarche différa sa réponse jusqu’à l’arrivée de ces derniers. Révoltés/ et irrités de l’outrage fait à leur sœur, ils feignirent néanmoins d’agréer cette proposition ; puis, ayant mis, grâce -à une fraude habile, les Sichémites dans l’impuissance de se défendre, Siméon et Lévi, accompagnés sans doute’de leurs serviteurs, les attaquèrent et les massacrèrent ; ensuite les autres enfants de Jacob saccagèrent la ville et enlevèrent tous les biens des habitants avec leurs femmes et leurs enfants. Gen., xxxiv, 1-29. Voir Dina, t. ii, col. 1436, 1437, et Goêl, col. 262.

Cet acte d’épouvantable vengeance, auquel Jacob ne pouvait s’attendre, l’affligea profondément ; il se plaignit en termes amers à Siméon et à Lévi, qui en étaient les principaux auteurs, de ce qu’ils l’avaient rendu odieux par là aux habitants du pays et l’avaient voué à la mort avec toute sa maison. Gen., xxxiv, 30. Cette crainte, si naturelle en de telles circonstances, est le sentiment qui dut dominer les autres à cette heure et le seul que Jacob exprime ; mais cela ne’prouve point qu’il n’ait pas été touché de ce qu’il y avait d’injustice et de barbarie dans ces représailles, ni même qu’il n’ait pas manifesté sa réprobation, car l’Écriture ne dit pas tout. Les paroles sévères du patriarche sur son lit de mort, de longues années plus tard, et la translation du droit d’aînesse de Ruben à Juda, à l’exclusion de Siméon et de Lévi, témoignent combien cette indignation dut être vive et profonde. Gen., xlix, 5-7,

Dieu vint encore une fois au secours de son serviteur dans cette circonstance critique ; il lui ordonna de partir pour Béthel et d’y ériger un autel. C’était le moyen de le soustraire aux conséquences qu’aurait eues plus tard pour lui la vengeance de ses fils, et, pour le moment, il le protégea dans sa marche en répandant une sorte de terreur mystérieuse dans l’esprit des habitants du pays ; ils n’osèrent pas le poursuivre. Jacob voulut que, avant de partir pour aller remercier le Seigneur à Béthel, chacun des siens se purifiât et prît des habits décents ; il ordonna en même temps de rejeter tous les dieux étrangers, c’est-à-dire les idoles proprement dites ou les objets superstitieux, tels que les amulettes, etc., et particulièrement les ferdjîm de Rachel. Toutes ces choses, emportées de Mésopotamie ou pillées dans le sac de Sichem, furent enterrées sous « le térébinthe derrière la ville de Sichem ». Jacob s’éloigna alors de cette ville et vint à Luza. Il y construisit un autel et imposa une seconde fois à ce lieu le nom de Béthel, ou maison de Dieu, en mémoire de la vision dont Dieu l’avait favorisé lorsqu’il fuyait Ésaû. Gen., xxxv, 1-7 ; cf. xxviii, 12-19. Il eut là une nouvelle vision qui fait comme le pendant de la précédente. Dieu lui apparut, le bénit et lui déclara de nouveau qu’il ne s’appellerait plus Jacob mais Israël. Cf. Gen., xxxii, 23. Il lui réitéra aussi les promesses faites à Abraham et à Isaac relativement à sa glorieuse et innombrable postérité et à la propriété de la terre de Chanaan. Jacob érigea une stèle en mémoire de ce que Dieu venait de lui dire, y répandit des libations et de l’huile et confirma encore à ce lieu le nom de Béthel. Gen., xxxv, 9-15 ; cf. xxviii, 18-22.

De Béthel Jacob se dirigea vers Hébron. Une épreuve douloureuse l’attendait au cours de ce voyage. Lorsqu’il fut arrivé aux environs de Bethléhem, Rachel mit au monde Benjamin, le second de ses fils, et elle mourut dans les douleurs de l’enfantement. Voir Benjamin, 1. 1, col. 1588. Jacob dressa une pierre sur la tombe de cette épouse, objet de tant d’affection, et s’éloigna pour aller fixer sa tente par de la la Tour du troupeau. C’est pendant cette dernière station que Ruben, son fils aîné, se rendit coupable d’inceste avec Bala. Le patriarche ne fit pas éclater son ressentiment en apprenant cet outrage, se réservant de châtier plus tard Ruben, Gen., xlix, 4, en le privant de son droit de primogéniture. Gen., xxxv, 16-22. Jacob arriva enfin à Hébron où Isaac habitait. Trente ans s’étaient écoulés depuis qu’il s’était éloigné de son père, mais il est très probable qu’il était venu le visiter depuis son retour de Mésopotamie, pendant son séjour à Soccoth et à Sichem ; il n’y a en effet que deux journées de marche de Sichem à Hébron. La mort d’Isaac, à l’âge de cent quatre-vingts ans, est rapportée aussitôt après l’arrivée de Jacob, quoiqu’elle n’ait eu lieu, que douze ou treize ans plus tard. L’auteur sacré ajoute qu’Isaac fut enseveli par ses deux fils Ésaû et Jacob. Gen., xxxv, 29.

Hébron devait être naturellement, dans la pensée de

Jacob, le terme de ses pérégrinations, le lien où il achèverait paisiblement ses jours comme son père Isaac et son aïeul Abraham. Gen., xxxv, 27. Une fois encore il se trompait et lui-même, par son affection trop marquée pour Joseph, fournit à ses autres enfants l’occasion de commettre une faute qui devait empoisonner son existence et avoir pour conséquence de l’éloigner à jamais du pays de Chanaan. La jalousie causée par cette préférence avait en effet dégénéré en haine. Cette haine, dont Jacob ne voyait que trop les indices, sans toutefois s’en, plaindre ouvertement, Gen., xxxvii, 4, 11, s’accrut encore lorsque Joseph raconta naïvement à ses frères deux songes qui semblaient présager sa future élévation au-dessus d’eux. Il les avait d’ailleurs indisposés par les rapports défavorables qu’il avait déjà faits à son père contre les désordres des enfants de Bala et de Zelpha. Gen., xxxvii, 2-11. Leur animosité les porta enfin à se débarrasser de lui par un crime. Un jour Jacob, qui avait envoyé Joseph vers Sichem pour prendre des nouvelles de ses frères et de leurs troupeaux, vit arriver, au lieu de Joseph dont il attendait le retour, des hommes porteurs d’une robe ensanglantée qui lui dirent : « Nous avons trouvé cette robe : voyez si c’est ou non celle de votre fils. » Voir Joseph. Jacob reconnut aussitôt dans ce vêtement la tunique de Joseph et crut qu’une bête féroce l’avait dévoré. Il déchira ses habits et se livra à une douleur que ne purent adoucir les consolations des siens : « Je veux, disait-il, descendre en pleurant vers mon fils dans le scheôl. » Gen., xxxvii, 12-14, 32-35. Jacob avait alors environ cent sept ans, et Joseph en avait seize d’après la Vulgate. Les autres versions et l’hébreu lui en donnent dix-sept. Gen., xxxvii, 2.

V. Jacob en Egypte ; ses dernières années ; sa prophétie ; sa mort ; sa sépulture. — Vingt-deux ans après la disparition de Joseph, une grande famine sévit en beaucoup de pays et se fit sentir pareillement en Chanaan. Jacob apprit qu’on pouvait se procurer du blé en r.gypte ; il y envoya ses fils pour en acheter, ne gardant près de lui que le plus jeune, Benjamin. Or, lorsqu’ils revinrent auprès de lui avec le blé qu’ils avaient acheté, ils lui apprirent que l’intendant du royaume, à qui ils avaient dû faire connaître, pour répondre à ses questions, l’existence de Benjamin, exigeait qu’ils le lui amenassent ; en attendant, il retenait Siméon comme otage. Le vieux patriarche déclara qu’il ne laisserait point partir Benjamin, et longtemps il résista aux in* stances de ses enfants, ne pouvant se résoudre à ce sacrifice. Il finit cependant par se rendre aux prières de Juda, ou plutôt il céda à la nécessité, car la provision de froment était épuisée, et il permit que Benjamin descendit avec ses frères en Egypte. Il leur remit à leur départ des présents de toute sorte pour le gouverneur. Gen., xli, 56 ; xlii, 1-5 ; 29 ; xlhi, 15.

C’était la dernière épreuve par laquelle Dieu voulait faire passer son serviteur. Tandis que Jacob avait toujours l’âme troublée par la douleur de la perte de Joseph, que cette séparation renouvelait, et par ses craintes sur le sort de Benjamin, Gen., xlii, 36 ; xlhi, 6, 9, 14, ses fils revenaient tous sains et saufs. Us lui apportaient une nouvelle aussi inattendue qu’elle était heureuse : Joseph n’était point mort ; ce gouverneur de l’Egypte si redouté, c’était lui-même. Il priait son père de venir sans retard dans la terre des pharaons avec toute sa famille, et le roi de son côté joignait son invitation à celle de son ministre. Jacob n’en pouvait croire ses oreilles ; il était comme un homme qui se réveille à peine et ne comprend pas ce qu’on lui dit. Mais il dut bien se rendre à l’évidence, quand il vit les riches présents que lui envoyaient le pharaon et Joseph, de l’argent, des vêtements, du froment, des ânes et des ânesses, avec les chariots qui devaient servir à le porter lui, ainsi que les femmes et les enfants et tout le bagage. Et alorc son âme commença à « revivre » et il dit : « Mon

fils Joseph vit encore, cela me suffit ; j’irai et je le verrai avant de mourir. » Gen., xlv, 9-28.

Le départ paraît s’être effectué sans retard selon le désir de Joseph, Gen., xlv, 9, mais ce ne fut pas assurément sans que Jacob éprouvât des hésitations et des inquiétudes sur cette émigration. Cf. Gen., xlvi, 3. Elle paraissait opposée aux desseins de Dieu qui avait si souvent répété à Abraham, à Isaac et à lui-même la promesse de donner à leur postérité cette terre de Chanaan qu’il allait maintenant abandonner. Il savait d’ailleurs que Dieu avait autrefois défendu à Isaac de descendre en Egypte. Gen.. xxvi, 1. Ces considérations avaient peut-être fait naître dans son cœur le désir et l’espérance d’obtenir un éclaircissement divin. Arrivé à Bersabée, à la frontière même de la Palestine, il s’arrêta pour immoler des victimes au Dieu de son père Isaac. Le Seigneur répondit aux secrets désirs de son cœur et, l’appelant la nuit dans une vision, il lui dit : « Je ouis Dieu, le Dieu de ton père ; ne crains point, descends en Egypte, je te ferai père d’un grand peuple en ce pays. Moi-même, j’y descendrai avec toi et moi-même je t’en ramènerai lorsque tu en reviendras. » Et afin que Jacob comprît bien que ce n’était pas de son vivant qu’il reviendrait en Chanaan, le Seigneur ajouta : « Joseph te. fermera les yeux de ses mains. » Rassuré par cette vision, le patriarche reprit son chemin et arriva en Egypte avec toute sa famille. F. Hummelauer, Comment, in Genesim, Paris, 1895, p. 572-574 ; F. Keil, Comment, on the Pcntateuch, Edimbourg, 1872, t. i, p. 369-374.

Joseph averti par Juda, que Jacob lui avait envoyé pour le prévenir de son arrivée, vint en toute hâte dans la terre de Gessen, à la rencontre de son père, et se jeta dans ses bras en pleurant, tandis que celui-ci lui disait : « Je mourrai content, maintenant que je t’ai vu. » Joseph donna ensuite à ses frères des instructions sur ce qu’ils devaient dire au pharaon, afin de le déterminer à les établir dans la terre de Gessen, et les choses réussirent en effet comme il l’avait souhaité. Gen., xlvi, 28 ; xlvii, 6. Ce point réglé, ce fut le tour de Jacob d’être présenté au roi par Joseph. Il le bénit en entrant et en sortant, et lorsque le prince lui demanda son âge : « Les jours de mon pèlerinage sont de cent trente ans, petits et mauvais. » Le patriarche se retira ensuite avec ses fils dans la terre de Gessen, où l’affection de Joseph lui assura, en ce temps de famine générale, l’abondance de toutes choses et une existence tranquille et heureuse pendant les dix-sept années qu’il vécut encore. Gen., xlvii, 7-13.

Parvenu à l’âge de cent quarante-sept ans et se sentant près de mourir, il appela Joseph auprès de lui et lui fit promettre avec serment de ne point l’ensevelir en Egypte, mais de faire transporter son corps dans la terre promise à ses pères pour y reposer à côté d’eux dans le même tombeau. Joseph le lui jura, Gen., xlviii, 27-31. Le texte sacré donne à entendre que Jacob tomba malade peu de temps après. Joseph se rendit auprès de lui avec ses deux fils, Manassé et Éphraïm. Jacob s’assit sur son lit et, après avoir rappelé les promesses que Dieu lui avait faites à Béthel sur l’avenir de sa race, il déclara à Joseph qu’il voulait faire siens Manassé et Éphraïm et les rendre participants, à l’égal de ses propres fils, des effets de ces promesses. C’était là un suprême témoignage d’affection à sa chère Rachel dont il raconta une dernière fois la mort et la sépulture à Éphrata. Il bénit ensuite solennellement les deux fils de Joseph en plaçant sa main droite sur Éphraim le plus jeune et la gauche sur l’aîné Manassé, non point par mégarde et à cause que ses yeux s’étaient affaiblis, mais parce que Dieu lui révélait que si les destinées de Manassé devaient être grandes, Éphraïm occuperait une place plus glorieuse dans le futur peuple d’Israël. Le patriarche prédit ensuite à Joseph que Dieu ramènerait sa race dans la terre de ses pères. Gen., xlviii, 1-22. Jacob bénit eDfia

tous ses enfants. Son discours est un testament en même temps qu’une prophétie. En vertu de sa puissance patriarcale, Israël dépouille Ruben de son droit de primogéniture parce qu’il a, lui, « son aine et sa force, » violé les lois les plus saintes de la famille et outragé son père dans ce que l’honneur paternel a de plus délicat. Gen., xlix, 3-4. Il punit aussi Siméon et Lévi pour avoir, au mépris de l’autorité paternelle, ravagé Sichem .par le meurtre et le pillage, ꝟ. 5-7. Ce n’est pas à eux que sera transféré le droit d’aînesse enlevé à Ruben quoiqu’ils viennent immédiatement après lui dans l’ordre de la naissance. Si Jacob avait suhi seulement le mouvement de son cœur, on peut penser que c’est Joseph qu’il aurait mis à la tête de ses frères, mais le saint vieillard parle et agit en ce moment sous l’inspiration de Dieu, et c’est Juda, placé par sa naissance après les trois premiers, qui recevra la primauté dont ils ne se sont pas montrés dignes ; c’est lui qui doit avoir la gloire de compter le Messie dans sa postérité et de préparer la venue de ce Roi par l’autorité royale dévolue à ses descendants, ꝟ. 8-12. Son discours fini, Jacob ordonna à ses enfants de l’ensevelir à Hébron, dans le tombeau où reposaient ses pères, ainsi que Lia son épouse ; puis il s’étendit sur sa couche et mourut. Joseph donna les plus vives marques de douleur en voyant son père mort ; toute l’Egypte s’associa à son deuil et pleura Jacob soixante-dix jours. Il le fit embaumer par ses médecins et, à l’expiration du deuil, il alla, accompagné de ses frères et des gens de sa maison et suivi d’un nombreux cortège, conduire le corps du patriarche dans la terre de Chanaan. Le convoi s’arrêta en chemin à l’aire d’Atad, au delà du Jourdain, où l’on célébra pendant sept jours des funérailles avec de grandes lamentations, après quoi on vint à Hébron où le cercueil de Jacob fut placé, comme il l’avait prescrit, dans la caverne double achetée autrefois par Abraham à Ephron l’Héthéen. Gen., xlix, 29 ; l, 13.

VI. Vertus de Jacob.

Jacob a été l’objet d’accusations injustes : on a dénaturé ses actes en lm prêtant dans tout ce qu’il a fait des intentions mauvaises et des vues égoïstes, ou bien on a exagéré la gravité des fautes dont il s’est réellement rendu coupable, telles que ses mensonges réitérés, Gen., xxvii, 19, 24 ; son affection trop marquée pour Rachel, xxix, 31, et pour Joseph, xxxvii, 3-4, les procédés dont il usa à l’égard de son frère Ésau et de son oncle Laban. Plus faible qu’eux, il triompha de l’un et de l’autre par la ruse. Si les moyens qu’il employa pour réussir ne furent pas tous irréprochables, il ne faut pas néanmoins, pour le juger, oublier que ceux au milieu de qui ils vivaient n’appréciaient pas moins l’astuce que la force, et que, si^ tout n’est pas à louer dans sa vie, le bien l’emporte de beaucoup sur le mal. L’Esprit-Saint lui-même, qui nous fait connaître ces fautes, rend témoignage à la sainteté du patriarche : l’Écriture l’appelle juste, Sap., x, 10 ; elle l’associe à Abraham et à Isaac dans toutes les louanges qu’elle donne aux ancêtres du peuple juif, et Notre-Seigneur nous le montre à côté d’eux dans le royaume des cieux. Matth., viii, 11. Son histoire nous apprend combien il méritait ces éloges et cette récompense par ses vertus si éprouvées, qui firent de lui le digne fils d’Abraham et d’Isaac. Comme eux, il donna, selon les circonstances, l’exemple d’une foi vive, d’un profond esprit de religion, d’une obéissance prompte et parfaite aux ordres de Dieu^ d’une persévérante confiance en lui, accompagnée de l’humble sentiment de sa propre misère. Gen., xxxii, 9-12. Il mérita que son double nom de Jacob et d’Israël devint le nom même du peuple de Dieu dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, et que le vrai Dieu s’appelât le Dieu de Jacob, comme le Dieu d’Isaac et le Dieu d’Abraham. E. Palis.

2. JACOB, nom donné au peuple issu de Jacob. Ce

peuple est le plus souvent appelé Israël ou Benê Ièra’êl, « enfants d’Israël, » voir Israël 2, col. 995 ; mais il est aussi désigné par le nom de Jacob, spécialement dans les parties poétiques de l’Écriture, dans les Psaumes et dans les prophètes, où il est Qtoployé dans le parallélisme comme synonjme d’Israël. Gen., xlix, 7 ; Num., xxiii, 7, 10, 21, 23 ; xxiv, 5, 17, 18-19 ; Ps. xiii, 7 ; cxiii, 1 ; Is., xxvii, 6 ; Jer., ii, 4, etc. Tantôt il est nommé Jacob sans aucune addition, Deut., xxxii, 9 ; xxxiii, 10 ; Ps. XLHI, 5 ; Is., lix, 20 ; Jer., x, 25 ; xxxi, 11 ; Lam., Il, 3 ; Ainos, VI, 8 ; vii, 2 ; viii, 7 ; Rom., XI, 26 ; tantôt « maison de Jacob », Exod., xix, 3 ; Is., ii, 5, 6 ; viii, 17 ; xxvii, 9 ; Amos, iii, 13 ; ix, 8 ; Mich., ii, 7 ; Abd., 17, 18 ; « fils de Jacob, » III Reg., xviii, 31 ; Mal., iii, 6 ; « race de Jacob, » semen Jacob, Is., xlv, 19 ; Jer., xxxiii, 26 ; « assemblée de Jacob » (hébreu : qehillât Ya’aqôb ; Vulgate : multitudo Jacob). Deut., xxxiii, 4. — De même que le nom d’Israël, le nom de Jacob sert quelquefois à désigner le royaume schismatique des dix tribus. Is., ix, 8 ; xvii, 4 ; Ose., x, 11 ; xii, 2 ; Mich., i, 5. — Plus tard, lorsque le royaume d’Israël eut été détruit, le royaume de Juda fut désigné aussi quelquefois sous le nom de Jacob. Nahum, ii, 2. — Dans plusieurs passages des Livres Saints, le nom de Jacob, employé dans son acception ethnique, est considéré comme celui d’un individu : « Jacob, mon serviteur. » Is., xliv, 1 ; xlv, 4 ; XLvm, 20 ; Jer., xxx, 10 ; xlvi, 27, 28. Voir A. Ishâni, /aco6 and liræl, Ephraim and Juda ; or the discrinnnative use of thèse titles, in-12, Londres, 1854.

Le nom de Jacob semble avoir désigné sa postérité même avant l’époque de Moïse. On trouve du moins sur les trois listes de villes soumises par Thotmès III (voir A. Mariette, Karnak, in-f », Leipzig, 1875, pl. 17, 18, 19, n° 102) et représentées sur les pylônes du temple de Karnak, un nom de ville (le cent deuxième), qui es-t

écrit : À 1 A. i Iâ-q-ba-â-r (ou l), nom qui correspond probablement à l’hébreu bx-apy », Jacob-el, et semble la transcription égyptienne du nom hébreu Ya’âqôb, avec l’addition du nom de Dieu’El, ce qui fait du nom du patriarche un nom théophore comme tant d’autres que nous lisons dans l’Écriture, Ismæl, Samuel, etc. Cette forme complète du nom de Jacob se retrouve en assyrien, Yâqub-ilu, sur des contracts de l’époque d’Hammurabi, roi de Babylone, qui vivait probablement du temps d’Abraham (voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1. 1, p. 493). Cf. Fritz Hommel, Die Allisræhtische Ueberheferung, in-8°, Munich, 1897, p. 95, 203 ; A. H. Sayce, The Higher Critxcism and the Verdict of the Monuments, in-8°, Londres, 1894, p. 337-339 ; Ed. Meyer, Der Stamm Jakob, dans la Zeitschrift fur die alttestamentliche Wissensschaft, t. vi, 1886, p. 2-16 ; W. Max Muller, Asien und Europanach altagyptischen Denkmàler, in-8°, Leipzig, 1893, p. 162-165.

Iaqobel, dans les listes de Karnak, désigne une ville de la terre de Chanaan, située vraisemblablement dans la Palestine centrale, et l’on peut supposer, d’après son nom, qu’elle était habitée par des descendants de Jacob, de même que Josepal ou Joséphel, autre ville mentionnée sur les mêmes listes, aurait été habitée par des descendants de Joseph, pendant que le gros de la nation israélite était encore en Egypte. Le premier livre des Parahpomènes, vil, 21-24, rapporte que des descendants de Joseph avaient fait des incursions en Palestine avant la sortie d’Egypte. — Voir W. N. Groff, Lettre à M. Revillout sur le nom de Jacob et de Joseph en égyptien, in-4°, Paris, 1885, p. 5 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. iv, p. 373.

3. JACOB, nom, dans la Vulgate, I Mach., viii, 17, du grand-père d’Eupoleme que Judas MachaLée envoya

comme ambassadeur à Borne. Au lieu de Jacob, le texte 4jrec porte’Axxciç.Voirvccos 2, t. i, col. 115.

4. JACOB, fils de Mathan et père de saint Joseph, l’époux de la Sainte Vierge. Matth., i, 15, 16. Voir Généalogie 2, col. 170, et Joseph 2.

    1. JACOB (PUITS DE)##


5. JACOB (PUITS DE), puits d’eau vive, près de l’ancienne Sichem, ainsi appelé du nom du patriarche auquel on en fait remonter l’origine, et près duquel le Sauveur retournant de Jérusalem en Galilée, par la Samarie, s’assit fatigué et s’entretint avec la femme samaritaine qui était venue y puiser de l’eau. Joa., IV, 3-42. L’Évangile tout en le reconnaissant, par la bouche de la Samaritaine, pour un puits, çpéap, puteus, ꝟ. 11, 12, lui donne cependant le nom de miyr) toO’Iocxwë, fans Jacob, « fontaine de Jacob, » ꝟ. 6. Les anciens l’ont ordinairement désigné sous le nom de « puits de Jacob y,

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196. — L’église du puits de Jacob. D’après Arculf et Adamnan (vers 670).

comme les indigènes de langue arabe qui l’appellent ^constamment bîr Ya’qiib ; les chrétiens occidentaux font plus fréquemment usage aujourd’hui du nom de « puits de la Samaritaine ».

I. Situation et histoire.

On montre le puits de Jacob à deux kilomètres, à l’est, de l’entrée orientale deNâblûs, l’ancienne Sichem, à 200 mètres environ, également à l’est, du petit village de Balâfâh, à 500 mètres au sud-est du tombeau traditionnel de Joseph et à un kilomètre au sud-ouest du village d’El-’Askar ; il se trouve ainsi sur la limite occidentale de la plaine appelée en cette partie sahel el-’Askar, et plus au sud sahel Râgib et sahel Mahnèh, à la base de Djebel e{-fûr, le Garizim de l’Écriture, à l’endroit où ce mont fléchit brus--quement du sud à l’ouest, près du puits, à 500 pas à peine, où bifurquent les chemins de Naplouse à Jérusalem et à la vallée du Jourdain. Voir la carte du mont Garizim, col. 109. Chrétiens et musulmans, juifs et samaritains sont unanimes à reconnaître dans ce même puits celui creusé par le patriarche Jacob dont parle l’Évangile. Les descriptions de l’histoire prouvent l’ancienneté et la perpétuité de cette tradition.

L’Ancien Testament ne fait pas mention du puits de Jacob, mais ses récits font connaître l’usage des patriarches de creuser des puits aux endroits où ils s’établissaient pour leur commodité, et surtout pour éviter les -rixes avec les populations indigènes. Cf. Gen., Xxi, 30 ;

xxxvi, 15, 18-22. Par la narration de saint Jean, IV, 5, 12, nous constatons chez les Juifs et chez les Samaritains l’existence d’une tradition locale attribuant à Jacob l’établissement près de Sichar, en Samarie, tenue par quelques-uns pour une localité différente et par d’autres pour Sichem elle-même (voir Sichar), près de la montagne où adoraient les Samaritains, c’est-a-dire près du mont Garizim, et près du terrain donné par Jacob à son fils Joseph, d’un puits profond creusé pour l’usage de sa famille et celui de ses troupeaux. Ce terrain se trouvait près de Sichem à l’endroit qui fut habité par Jacob ; c’est là qu’après la conquête du pays par Josué furent ensevelis les ossements de Joseph rapportés d’Egypte. Cf. Gen., xxxiii, 18-20 ; xxxv, 4 ; xlviii, 22 ; Jos., xxiv, 32. Au ive siècle, « on montrait encore ce puits, » assure Eusèbe de Césarêe, Onomasticon, au mot X’jyip, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 346. Le pèlerin de Bordeaux, en 333, venant du Nord et allant à Jérusalem indique le puits de Jacob, après le tombeau de Joseph, prés du Garizim, de Sichar et de Sichem. ltinerarium, t. viii, col. 790. Vers la fin du même siècle, saint Jérôme traduisant VOnomaslwon d’Eusèbe, remplace l’indication citée par ces mots : « On vient maintenant d’y faire construire une église. » De locis et nom hebr., t. xxiii, col. 963. Sainte Paule Romaine, faisant son pèlerinage des Lieux saints, arrivée « au côté du mont Garizim, entra dans l’église bâtie autour du puits de Jacob ». Id., ’Efist. cvtn, t. xxii, col. 888. Le puits étant devant la grille du sanctuaire, ante cancellos altaris. Antonin de Plaisance (vers 570), De locis sanctis, 6, t. lxxii, col. 901. D’après la description et le dessin de l’évêque Arculf (vers 796), l’église avait la forme d’une croix dont les branches étaienttournées vers les quatrepoints cardinaux (voirfig. 196) ; le puits était au milieu, il avait quarante aunes (orise pour ôpYutaî) ou coudées de profondeur. Adamnan, De locis sanctis, t. II, t. lxxxviii, col. 802-803. Saint Willibald pendant son pèlerinage (723-726) visita « l’église [bâtie] sur le puits », près du Garizim. Acla sanct. Boll., Vitaseu HodœporiconS. Willibaldi, cap. iii, n. 20, juliit.ll, édit. Palmé, p. 508, 509. Le Commemoratoriumde Casis Dei (vers 804), édit. Orient, latin, Genève, 1880, p. 269-270, l’appelle « une grande église ». Pierre diacre, en parlant au commencement du XIIe siècle, d’après les anciens documents, l’indique « à deux milles (environ trois kilomètres) de la ville de Néapolis, l’antique Sichem, et à 500 pas du monument de Joseph » ; De locis sanctis, t. clxxiii, col. 1127. Le pèlerin Sévulf, en 1102, nomme « la fontaine de Jacob », sans faire mention de l’église, peut-être parce qu’elle n’existait plus. Cf. Peregrinatio, dans le Recueil de voyages de la Société de géographie, in-4°, Paris, 1839, t. iv, p. 849 850, soit qu’elle ait été détruite ou qu’elle tombât en ruines. On était occupé à la reconstruire quand Frétellus, probablement avant 1120, écrivit son livre De locis sanctis lerrm Jérusalem, t. CLV, col. 1045, 1046. Jean de Wurzbourg, quelques annéesplustard, latrouvaitrétablie. Ibid., co. 1058-1059. Les dispositions générales n’avaient point été modifiées : « Le puits sur lequel s’assit le Seigneur, distant d’un demi-mille de la ville [de Néapolis], est situé devant l’autel, dans l’église qui a été construite au-dessus et où de saintes religieuse.) se consacrent au service de Dieu, » dit Théodoric, vers 1172, dans son Lxbellus de loch sanctis, édit. Tobler, Saint-Gall et Paris, 1868, p. 94. Ernoul (vers 1187) appelle le « demi-mille » une « demilieue ». Fragments sur la Galilée, dans Itinéraires français, publiés par la Société de l’Orient latin, Genève, 1882, p. 73-74. D’après le moine grec Phocas (1185), la distance du puits à la ville serait « d’environ quinze stades ». De locis sanctis, Bolland., Acta sanctorum, maii t. ii, prelim. , xiii et xiv, p. iv. Trente ans après que les musulmans eurent rétabli leur domination sur le pays, Thietmar, visitant, en 1217, « le puits de Jacob, dans le voisinage de Néapolis, » ne mentionne plus l’église peut1077

JACOB

d076

être abattue déjà par les infidèles. Peregrinatio,-p. 25, à la suite de Peregrinationes medii sévi quatuor, 2e édit. Laurent, Leipzig, 1873. En 1336, Guillaume de Baldensel atteste positivement que l’église était en grande partie ruinée, les pèlerins, passant près de l’angle du Garizim, venaient cependant chercher encore le puits de Jacob, obstrué par les décombres. Cité par Quaresmius, dans Elucidalio Terrse Sanctse, in-f°, Anvers, 1627, t. ii, p. 800. Cf. Ishaq Hélo (vers 1338), dans Carmoly, Itinéraires de la Terre Sainte, Bruxelles, 1847, p. 25-1. Le P. Noé, franciscain, passant en 1508, près de Napolosa. à l’église du Saint-Sauveur, la trouve « toute fracassée » et dans

cette crypte ou au moins pour y jeter un regard furtif. Le puits bouché, et ordinairement à sec pendant l’été, était au milieu. Dans les ruines de l’église on remarquait deux tronçons de colonnes « de marbre gris » debout. Quaresmius, loc. cit., Peregr. V, t. VII, c. v, t. ii, p. 799803. Cf. de Radzivil, 1582-1584, Peregrinationes hierosolymitanæ, in-4°, Anvers, 1614, p. 236-238 ; Aquilante Rochetta (1598), Peregrinationedi Terra Santa, Palerme, 1630, p. 121, 122 ; Jean Cotovic (1598), ltinerarium hierosolymitanum, t. III, c. iii, Anvers, 1619, p. 333 ; Bernardin Surius (1644), Le pieux pèlerin, t. III, c. ii, Bruxelles, 1666, p. 548 ; Jacques Goujon (1668), Histoire

197.

Abside de l’égliss de la Samaritaine. Entrée de la crypte renfermant le puits de Jacob. D’apiès une photographie du P. Henrik.

l’église la fontaine de Jacob avec très peu d’eau ; en avant du puits était un autel, et derrière l’autel la pierre sur laquelle Notre-Seigneur s’était assis. Viaggio da Venetia al santo Sepolcro, Venise, 1676, G, 3. Au temps où Boniface Stefani, de Raguse, était custode de Terre Sainte 41551-1565), les catholiques venaient dans cette église, alors ruinée jusqu’au sol, pour offrir, une fois dans l’année, au jour de la lecture de l’évangile de la Samaritaine, le saint sacrifice au Très-Haut, sur l’autel de^ -meure à l’orifice du puits. Id., De perenni cultu Terrai Sanctse, édit. de Venise, 1878, p. 253-255. Au commencement du xviie siècle, les chrétiens grecs de Naplouse venaient encore quelquefois dans l’année célébrer la liturgie à cet autel. Il était renfermé dans une petite chapelle semblable à une grotte ; on y pénétrait avec peine par une ouverture étroite pratiquée dans la voûte. Cette ouverture était ordinairement fermée par de grosses .pierres ; les pèlerins les écartaient pour descendre dans

et voyage de la Terre Sainte, Lyon, 1670, p. 95-96 ; Morisson (1697), Relation historique, t. II, c. x, Toul, 1704, p. 236-238. Henri Maundrell qui visita le puits de Jacob, le 24 mars 1697, en donne cette description : « A une petite demi-heure de Naplosa, nous trouvâmes le puits de Jacob. Il y avait une grande église sur ce puits, mais il n’en reste aujourd’hui que quelques fondements, le temps qui dévore tout, et les Turcs ayant détruit le reste, le puits est couvert aujourd’hui d’une vieille voûte de pierre. L’on y descend par un trou étroit, et l’on découvre l’embouchure du puits en levant une grande pierre plate qui est dessus. Il est creusé dans un rocher et contient environ 9 pieds de diamètre et 105 de profondeur. Nous y trouvâmes cinq pieds d’eau. Ce puits est justement au bout de la vallée de Sichem, qui s’ouvre en cet endroit en un grand champ, et qui fait apparemment partie de la terre que Jacob donna à son fils Joseph. » Voyage d’Alep à Jérusalem, Paris,

1706, p. 103-104. ta description que donne du puits V. Guérin, après une exploration en 1870, nous le montre à peu près dans le même état. Parti du tombeau de Joseph, sept minutes après, l’illustre explorateur était arrivé au puits de Jacob : « Il est renfermé, dit-il, dans une petite crypte voûtée, ancienne chapelle tournée vers l’est et située elle-même à l’extrémité orientale d’une vieille église chrétienne, bâtie en forme de croix, dont les arasements seuls sont encore visibles maintenant. Quelques tronçons de colonnes en granit gris gisent sur l’emplacement occupé jadis par cette église… Pour parvenir au puits, il faut se laisser glisser r.ar une ouvcr habitants de Balàtah comme leur propriété ; les moines grecs les ont acquis avec le terrain environnant, en 1885. Le tout a été entouré d’un mur solide et élevé. Une petite habitation construite dans cette enceinte est occupée par le moine chargé de la garde du sanctuaire. Des fouilles faites autour du puits ont découvert les restes des trois absides de l’église du xiie siècle desquelles il y demeure une ou deux assises. La crypte dans laquelle se trouve l’ouverture du puits est sous l’abside du milieu (fig. 197). On y descend par deux escaliers parallèles s’ouvrant dans le sol de l’église immédiatement devant l’abside elle-même ; chacun a neuf degi es,

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198. — Crypte renferment le puits de Jacob. D’après une photographie du Père Henrik.

ture ménagée dans la voûte de la petite chapelle obscure qui le contient… Je me suis convaincu qu’il fut non pas creusé dans le roc, comme beaucoup de voyageurs l’ont affirmé, mais bâti avec des pierres d’assez faibles dimensions et régulièrement agencées entre elles. Très étroit à son orifice supérieur, il s’élargit ensuite un peu, et sa profondeur actuelle est d’environ 24 mètres. Elle était autrefois beaucoup plus grande ; car presque tous les pèlerins qui la visitent ont l’habitude d’y jeter des pierres pour savoir s’il contient encore de l’eau… Il est ordinairement à sec, la source qui lui fournissait de l’eau se trouvant probablement plusieurs mètres plus bas et obstruée par cet amas toujours plus grand de petites pierres. Néanmoins, à l’époque des grandes pluies, cette source se fait encore quelquefois jour à travers, et des voyageurs y ont signalé alors 3 ou 4 mètres d’eau. » Samarie, in-4°, Paris, 1874, t. i, p. 376-377.

II. État actuel.

Le puits de Jacob et les ruines de l’église ainsi abandonnés étaient considérés par les

dont trois au delà de la porte étroite donnant entrée dans la crypte. Elle est voûtée et était éclairée par une petitefenêtre ouverte entre les deux portes ; la brèche de la voûte par où on y pénétrait naguère a été fermée. Elle a été de nouveau disposée en chapelle (fig. 198). La partie la plus à l’est, moins large et dont le sol, pavé de grosses mosaïques blanches, est de 20 centimètres environ plusélevé, en forme le sanctuaire. Au fond, vers l’Orient, les Grecs ont élevé, à la place qu’oeccupait, ce semble, l’ancien, un petit autel, sous la table duquel se voit un fragment de colonne qui est peut-être la pierre dont parle le P. Noé. Le puits est devant l’autel. Une margelle antique rectangulaire, de l m 15 de long et de m 75 de large, percée d’une ouverture circulaire, marquée de stries profondes, creusées par la corde employée pour tirer l’eau, est posée à l’orifice pratiqué dans la voûle qui recouvre le puits. La profondeur, après le déblaiement, est de 25 mètres environ et sa largeur moyenne de 2 mètres et demi. L’eau, assure le gardien s’y main

lient maintenant tonte l’année, plus abondante cependant l’hiver. Deux tronçons de colonnes en marbre sont dressés sur les deux côtés de la chapelle. Le reste des ruines autour des absides du puits n’a pas encore été fouillé ; on y voit émerger d’autres tronçons de colonnes dont deux ou trois en granit gris, d’un diamètre assez considérable, les mêmes sans doute auxquels font allusion les voyageurs.

L’état actuel correspond trop exactement aux descriptions anciennes pour que l’on ne reconnaisse pas les mêmes ruines, la même église, le même puits recherché et vénéré depuis les âges les plus reculés. La situation étant d’ailleurs celle indiquée par l’Évangile et la Bible, avec les autres garanties générales que nous donne l’histoire locale, l’identité du puits de Jacob paraît une des mieux établies parmi tous les monuments que l’on fait remonter aux temps bibliques. Les objections fondées sur la distance de Sichem à ce puits, sur l’existence d’autres fontaines entre la ville et le puits dont nous venons de parler ont été résolues de diverses manières : 1° il n’est pas certain que Sichem et Sichar soient une seule et même ville ; 2° la position de l’ancienne Sichem devait être, probablement, beaucoup plus rapprochée du puits que ne l’est Naplouse ; 3°la Samaritaine pouvait préférer l’eau du puits de Jacob à celle des autres fontaines, par un sentiment de dévotion que n’empêche pas une vie déréglée ; 4° elle pouvait se trouver à la campagne et avoir le puits plus à sa portée qu’aucune autre fontaine — Outre les auteurs que nous venons de citer, on peut consulter encore entre autres : Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. m p. 326-335 ; Mo r Mislin, Les Saints Lieux, in-8°, Paris, 1868, t. iii, p. 323-330 ; R. Conder, Tent Work in Palestine, in-8°, Londres, 1878, t. i, p. 72-76 ; P. Séjourné, dans la Revue biblique, 1893, p. 242-244 ; 1895, p. 619-622 ; Fr. Liévin de Hamm, Guide indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. iii, p. SO-37 ; Survey of western Palestine, Memoirs, Londres, 18811883, t. ii, p. 172-185 ; Palestine exploration fund, Quarterly statement, Londres, 1873, p. 71 ; 1877, p. 72-75 ; 1879, p. 87-85 ; 1881, p. 195. L. Heidet.

    1. JACOB BEN-ASCHER##


6. JACOB BEN-ASCHER, exégète juif du XIV » siècle, qui mourut à Tolède vers 1340. Il a laissé un commentaire sur le Pentateuque qui se rattache étroitement à celui de Nachmanide au point de vue cabalistique. Il a été édité pour la première fois à Zolkiew, in-4°, 1806, puis à Hanovre, in-4°, 1838. On a aussi de lui les Parperaof’al hal-fôrâ/i, in-4°, Constantinople 1500, 1514 ; Venise, 1544, 1548 ; etc. Ses Quatre ordres, ’Arbd’âh turim, n’en sont guère qu’un extrait pratique, très souvent édité, sorte de code raisonné de la loi mosaïque et talmudique, si populaire qu’il a vahi à son auteur le nom de Ba’al hat-turîm, « le maître des ordres. »

E. Levesque.

j 7. JACOB BEN CHAYIM. Voir Rabbiniques (Bibles).

    1. JACOBA##

JACOBA (hébreu : Ya’âqôbâh ; Septante : T » xa6â ; Codex Alexandrinus : Maxaëâ), chef de famille de la tribu de Siméon qui alla s’établir avec d’autres Siméonistes dans la vallée de Gador. Son nom ne diffère que par la terminaison de celui de Jacob. I Par., iv, 36. Voir Gador, col. 34.

    1. JACQUES (’lixo)ooc)##


JACQUES (’lixo)ooc), nom de deux apôtres. D’après un certain nombre d’exégètes, il faudrait admettre un troisième et même un quatrième Jacques, sinon davantage, c’est-à-dire un Jacques fils d’Alphée, différent de Jacques le Mineur, voir Jacques 2, et un autre Jacques, d’ailleurs inconnu, qui aurait été le père de l’apôtre Jude. Luc., vi, 16 ; Act., 1, 13. On lit dans ces deux passages’lo-jôav’Iaxuiëou ; la plupart des interprètes sousentendent àSsî.çôv, « frère de Jacques ; » certains com mentateurs, au contraire, sous-entendent à tort uîiv, « fils de Jacques. » Ce Jacques père de Jude est tout à fait inconnu de la tradition. — Le nom de’Iixwëo ; est le même que celui de’Iocxrâê de l’Ancien Testament, voir Jacob l, col. 1061 ; mais les Septante ont traité ce nom comme indéclinable, tandis que les écrivains du Nouveau Testament lui ont donné une terminaison grecque qui leur a permis de le décliner. Ils ont conservé d’ailleurs la forme’IaxoSë, que l’usage avait adoptée pour le nom du fils d’Isaac et du père de saint Joseph. La Vulgate latine a fait de même : elle se sert de la forme Jacob pour les personnages de l’Ancien Testament, et de la forme Jacobus pour ceux du Nouveau. Nos noms français sont dérivés du latin, d’après cette règle générale que la syllabe tonique est toujours respectée, parce que c’est sur elle que la voix s’arrête, tandis que les syllabes qui la suivent sont abrégées. Jacob ayant l’accent tonique sur Vô n’a subi aucun changement, mais Jacobus ayant l’accent sur a s’est contracté en Jacques.

    1. JACQUES (SAINT) LE MAJEUR##


1. JACQUES (SAINT) LE MAJEUR, fils de Zébédée, et frère de saint Jean l’Évangéliste, un des douze Apôtres ; il est surnommé « le Majeur » pour le distinguer de son homonyme, le frère du Seigneur (fig. 199). — 1° L’Évangile, Matth.

iv, 21, 22 ; Marc, i,

19, 20 ; Luc, v, 10, 11,

nous fait connaître la

première rencontre de

Jacques avec Jésus. C’é tait sur les bords du lac

de Génésareth où Jac ques et Jean, son frère,

étaient occupés à rac commoder leurs filets.

Jésus les invita à le sui vre, et aussitôt ils lais sèrent leur père Zébédée

dans la barque avec les

mercenaires, pour obéir

à son appel. On ne sait

pas exactement à quelle

époque eut lieu cet évé nement ; on est porté à

croire que ce fut au

printemps ou dans l’été

de l’an 27. — L’année

suivante, probablement

au printemps de l’an 28,

Jacques fut appelé à l’a postolat avec les onze

autres disciples. Matth.,

x, 2-4 ; Marc, iii, 14 ; vi,

7 ; Luc, vi, 13-16 ; Act.,

i, 13. Dans la liste des

apôtres de Marc, iii, 16 19, Jacques occupe la

seconde place, immédia tement après saint

Pierre ; au contraire dans les listes de Matthieu, de Luc et des Actesj il occupe le troisième rang. — Dans le collège des Douze, Jacques, ainsi que Pierre, André et Jean, paraît avoir été un apôtre privilégié. Voir Apôtres, t. i, col. 782-787. Il paraît en effet dans quatre circonstances solennelles : Pierre, Jacques et Jean assistent seuls à la résurrection de la fille de Jaïre, Marc, v, 37 ; Luc, viii, 51 ; seuls ils sont admis à contempler la transfiguration de Jésus-Christ, Matth., xvii, 1-2 ; Marc, ix, 1 ; Luc, ix, 28, 29 ; seuls aussi ils sont témoins de son agonie, Matth., xxvi, 37 ; Marc, xiv, 33 ; ces trois mêmes apôtres avec André demandent au

Sauveur l’explication de ses paroles sur la fin du monde

199. — Saint Jacques le Majeur. D’après Giov. Santi. Il tient comme emblème le bourdon du pèlerin.

Voir Mrs. Jamoson, Sacred and Legendary Art, 2e édit., in-8° Londres, 1850, p. 140. 4083 JACQUES (SAINT) LE MAJEUR — JACQUES (SAINT) LE MINEUR 4034

et sur son second avènement, Marc, xiii, 3-4. — Le Sauveur changea le nom de Jacques et de Jean et les appeL Boanerges, ce qui signifie « fils du tonnerre », Marc., iii, 17, par allusion sans doute î la vivacité et à l’impétuosité de leur caractère. Voir Boanerges, t. î, col. 1821. Cf. Die Evangelien des Markus und Lukas, dans Kritisch exegetischer Kommentar, de H. A. W. Meyer, in-8°, Gœttingue, 1892, p. 55. Cette ardeur de caractère se manifesta surtout dans deux circonstances : la première fois ce fut durant le voyage de Jésus à Jérusalem. Luc, îx, 52-56. Les Samaritains ne voulurent pas le recevoir parce qu’il allait à Jérusalem ; indignés de ce traitement Jacques et Jean demandèrent à Jésus la permission de faire descendre Je feu du ciel sur les Samaritains pour les consumer ; Jésus les reprit d’une telle proposition. La seconde fois, ce fut encore durant un voyage à Jérusalem, Marc, x, 35-40 ; Jacques et Jean demandent à Jésus de les faire asseoir l’un à sa droite et l’autre à sa gauche dans son royaume. Cf. aussi Matth., xx, 20-23. Selon l’usage juif, la droite et la gauche indiquaient les places d’honneur. Josèphe, Ant. jud., VI, xi, 9. Le Sauveur refusa d’accéder à leur demande. — On ne sait plus rien de saint Jacques depuis le moment où il assista à l’agonie du Jardin des Olives, jusqu’après l’ascension. Lorsque le Sauveur fut monté au ciel, il se prépara par la prière avec les autres apôtres dans le cénacle à la descente du Saint-Esprit. Act., i, 13-14. Il fut le premier des Apôtres, qui versa, Act., xii, 2, son sang pour Jésus-Christ. S'étant rendu avec Pierre, à Jérusalem pour y célébrer la fête de Pâques, vers l’an 42, Hérode Agrippa I er s’empara de sa personne et le fit périr par le glaive. Act., xii, 2.. Cf. Eusèbe H. E., ii, 1, 9, t. xx, 136, 157 ; iii, 5, col. 221. V. Ermoni, Les Églises de Palestine aux deux premiers siècles, dans la Revue d’histoire ecclésiastique de Louvain, 2 « année, 15 janvier 1901, p. 16.

2° La tradition a ajouté les détails suivants au martyre de saint Jacques. Clément d’Alexandrie, au vii « livre des flypotyposes, dans Eusèbe, H. E., ii, 9, t. xx, col. 157, raconte que celui qui conduisait saint Jacques devant le tribunal, le voyant confesser si ferme, ment la foi de Jésus-Christ, fut rempli d'émotion et confessa lui-même qu’il était chrétien. Pendant qu’on les conduisait tous deux au supplice, son compagnon pria saint Jacques de lui accorder le pardon ; l’apôtre, après un moment de réflexion, lui dit : « La paix soit avec toi ; » et il l’embrassa. Tous deux eurent alors la tête tranchée. Cette tradition, ainsi que le fait de la conversion du magicien Hermogène, a été acceptée par le Bréviaire romain, 25 juillet, 2 S leçon du n « nocturne.

3* D’après des légendes plus récentes, saint Jacques le Majeur alla prêcher l'évangile en Espagne et retourna de là à Jérusalem où il subit le martyre. La première mention qu’on connaisse de cette prédication se trouve dans De vita et obitu sanctorum utriusque Testamenti, 71, attribué à saint Isidore de Séville, t.LXXXHi, col. 151. Une autre source légendaire fait transporter son corps à Iria, aujourd’hui El Padron, dans le nord-ouest de l’Espagne. Théodomir, évêque d’Iria (772), en fut le premier auteur. D’après lui. le corps de saint Jacques fut porté après son martyre à Joppé, et de là par mer à Iria où on le débarqua. On le conduisit alors à Liberum Donum, connu depuis sous le nom de Santiago ou saint Jacques de Compostelle. Compostelle est, selon les uns, une contraction de Jacomo Apostolo ; selon les autres, de Campus stellse, parce que ce fut une étoile miraculeuse qui révéla en 772 à l'évêque Théodomir le lieu où étaient ensevelies les reliques de l’apôtre. On commença vers 1082 à bâtir sur son tombeau une magnifique église qui devint cathédrale en 1112. C’est à cause de ces légendes que saint Jacques est devenu le patron de l’Espagne. Le pèlerinage de saint Jacques de Compostelle, en Galice, a été | pendant des siècles le plus célèbre de la chrétienté après i

celui des Lieux Saints. Les critiques s’accordent néanmoins à rejeter les deux légendes espagnoles relatives à saint Jacques. Voir Baronius, Martyrologium romanum, 25 jul., Anvers, 1589, p. 325 ; Acta sanctorum, julii t. VI, 1729, p. 73-114 ; Tillemont, Mémoires, Bruxelles, 1706, t. î, p. 899 ; Gams, Die Kirchengeschichte von Spanien, Ratisbonne, 1862. V. Ermoni.

    1. JACQUES (SAINT) LE MINEUR##


2. JACQUES (SAINT) LE MINEUR, fils de Marie, sœur de la sainte Vierge, et de Cléophas ou Alphée, Matth.', xxvii, 56 ; Luc, xxiv, 10 ; Joa., xix, 25 ; frère de Jude, Luc, vi, 16 ; Act., i, 13 ; Jud., i, et aussi frère (cousin) du Seigneur, Matth., xiii, 55 ; Marc, vi, 3, Gal., i, 19, etl’undes douze Apôtres. Matth., x, 3, Marc, iii, 18 ; vi, 3 ; Luc, vi, 15 ; Act., 1, 13 ; xii, 17 ; xv, 13 ; xxi, 18 ; ICor., XV, 7 ; Gal., Il, 9, 12 (fig. 200).

I. Identité de Jacques frère du Seigneur et de Jacques fils d’Alphée. — 1° Tout le monde reconnaît que Jacques fils de Zébédée (voir Jacques 1, col. 1082) et Jacques fils d’Alphée sont deux personnes distinctes ; mais un certain nombre de critiques veulent distinguer aussi Jacques fils d’Alphée de Jacques frère du Seigneur, contrairement à la tradition de l'Église latine. Cette identité a été reconnue par le concile de Trente, qui, Sessio xiv, De Extrema Unctione, c î, can. 1, 3, déclare que Jacques, l’auteur de la première ÉpUre catholique, et par conséquent le frère du Seigneur, est Jacques l’Apôtre, c’est-à-dire le fils d’Alphée. Elle s’appuie sur les raisons suivantes : — 1. Saint Paul, Gal., i, 19, affirme que Jacques, frère du Seigneur, était apôtre ; il est donc le même que le fils d’Alphée. Ce passage est péremptoire et il est confirmé par les autres écrits du Nouveau Testament. — 2. Saint Luc, vi, 13-16, dans sa liste des Apôtres, ne mentionne que deux personnages du nom de Jacques : l’un qu’il appelle simplement Jacques, ꝟ. 14, et l’autre qu’il appelle fils d’Alphée, j}. 15 ; le même saint Luc, après avoir mentionné dans les Actes, xii, 2, le martyre de Jacques, fils de Zébédée, identique à celui de Luc, vi, 14, de la liste des Apôtres, continue le parler dans les chapitres suivants de Jacques, évêque de Jérusalem, frère du Seigneur, qu’il identifie ainsi à celui de Luc, vl, 15, c’est-à-dire au fils d’Alphée. — 3. Jacques, frère du Seigneur, est représenté comme exerçant une grande autorité parmi les Apôtres, Act., xii, 17 ; xv, 13 ; xxi, 18 ; dans Gal., ii, 9-12, il est même mentionné avant Céphas et Jean, avec lesquels il est une des colonnes de l'Église ; or il ne pouvait occuper une telle place parmi les Apôtres que parce qu’il était apôtre lui-même. — 4. C’est ainsi que les anciens Pères ont compris ces passages du Nouveau Testament. Voir Papias d’Hiérapolis, dans Routh, Rehquix sacrse, Oxford, 1846, t. î, p. 16, 23, 43 ; Clément d’Alexandrie, Hypot., ru, dans Eusèbe, H. E., ii, 1, t. xx, col. 136 ; S. Jean Chrysostome, In Gal., i, 19, t. lxi, col. 632 ; S. Jérôme, Adv. Helv., xiii, t. xxiii, col. 195-196. Cf. Tillemont, Mémoires, 2 « édiU in-4°, Paris, 1701, p. 365.

2° L'Église grecque fait aujourd’hui dj Jacques le Mineur une personne différente de celle de Jacques fils d’Alphée, et célèbre leur fête à des jours distincts, le 25 et le 9 octobre. Nicétas Paphlagon, dans les Actes de Jacques d’Alphée, dit qu’il n’est pas le même que 1cfrére du Seigneur, t. cv, col. 148 ; Métaphraste, dans la Vie ; de Jacques frère du Seigneur, ne fait aucune mention du fils d’Alphée. L’autorité de ces écrivains n’est pas considérable ; celle de saint Épiphane qui soutient la même opinion, Hser., lxxix, 3, t. xiii, col. 744, n’a pas beaucoup plus de poids dans les matières de ce genre. Saint Grégoire de Nysse a embrassé la même opinion, Orat., n. De resur., xlvi, col. 648, mais c’est parce qu’il a confondu Marie de Cléophas avec la Sainte Vierge, et fait de Jacques un fils de saint Joseph. Cf. Acta sanctorum, 1680, maii t. î, p. 24-27. Les savants modernes qui se prononcent pour la dis

tinction des deux Jacques s’appuient surtout sur l’Écriture. — 1. Dans le Nouveau Testament, disent-ils, Jacques l’Apôtre est toujours appelé fils d’Alphée, tandis que Jacques, frère du Seigneur, est dit fils de Clopas ou CUopbas ; or, d’après eux, Alphée et Clopas sont deux personnages distincts. Il n’est nullement certain qu’Alphée et Cléophas soient deux personnes différentes. Voir Alphée 2, 1. 1, col. 418, et Cléophas, t. ii, col. 807. La question serait tranchée si le même écrivain distinguait Alphée et Cléophas, mais il n’en est pas ainsi. Les trois synoptiques qui nomment Alphée, Matth., x, 3 ; Marc, m, 18 ; Luc, vi, 15 ; Act., i, 13, ne nomment jamais de personnage appelé Cléophas, et saint Jean, qui nomme Cléophas, xix, 25, ne parle jamais d’Alphée, et ne nous donne d’ailleurs nulle part aucun catalogue des Apôtres.

Il est impossible de

prouver rigoureuse ment qu’Alphée et Cléo phas sont distincts ; si,

à cause de la différence

des noms, on ne peut

pas affirmer leur iden tité, on ne peut pas non

plus établir leur dua lité, qui est en contra diction avec la tradition

la plus commune. — 2.

D’après Joa., vii, 5, les

frères de Jésus, ajoute t-on, ne croyaient pas

à sa mission ; au con traire, Joa., vi, 69, 70,

les disciples de Jésus,

par la bouche de saint

Pierre, affirment leur

foi dans sa divinité et

sa mission ; il est donc

impossible d’identifier

Jacques frère du Sei ^ gneur, incroyant, avec

Jacques l’Apôtre,

croyant. — Lorsque

D : » près"L’.'"v7n M Leydèn."’n « "ent saint Jean dit 1 ue les dans la main le bâton du foulon, frères du Sauveur ne instrument de son martyre. Voir croyaient pas en lui, il Mrs. Jameson, Sacred and Legens’exprime d’une madary Art, p. 150. nière générale et non

mathématique. On ne

peut pas conclure de là qu’aucun de ses frères ne croyait en lui. — 3. D’autres textes qu’on allègue, tels que Joa., ii, 22, et Act., i, 14, etc., ne prouvent rien en faveur de la distinction.

II. Vie de saint Jacques.

1° Jacques est appelé dans saint Marc, xv, 40, jitxpôç, le « Mineur » ; on le distingue ainsi de l’autre Jacques surnommé le « Majeur ». Il reçut ce surnom, soit à cause de sa petite taille, soit â cause de sa jeunesse relative ; certains pensent même, ce qui est moins probable, qu’il se le donna lui-même par modestie. Il fut appelé à l’apostolat, vraisemblablement au printemps de l’an 26, avec son frère Jude ; ce dernier n’est même désigné qu’en rapport avec son frère : ’Ioiêav’Iax(660u. Luc, vi, 16. Après ces indicaions sommaires, le Nouveau Testament ne nous parle )lus de saint Jacques qu’après la résurrection de Notre-Seigneur. Jésus-Cnrist lui apparut après sa résurrection, I Cor, xv, 7 ; la tradition est d’accord pour voir dans

e Jacques le frère du Seigneur et non le fils de Zébédée.

Votre-Seigneur lui apparut probablement pour l’instruire, comme les autres Apôtres, des choses du royaume de Dieu. Act., i, 3. Nous trouvons dans la suite Jacques et les autres Apôtres, avec Marie à Jérusalem, attendant, dans la foi et la prière, les dons du Saint-Esprit. Act., i, 13-14. Oa le perd de vue à peu près pendant dix ans.

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200. — Saint Jacques to Mineur.

Trois ans après sa conversion, saint Paul se rendit à Jérusalem ; Barnabe l’introduisit chez Pierre et Jacques. Act., îx, 27 ; Gal., i, 18, 19. C’est probablement à cette époque qu’il fut élu évéque de Jérusalem. Lorsque saint Pierre fut délivré de sa prison, il en avertit Jacques et les frères. Act. xii, 17. Il se prononça dans la question des observances légales que lui avaient soumise, ainsi qu’à Pierre, Paul et Barnabe. Act., xv, 13-21. Nous avons déjà vu que saint Paul le nomme une des colonnes de l’Église. Gal., ii, 9. Certains fidèles, venant de la part de Jacques, rendirent hésitante la conduite de Pierre touchant les rites judaïques. Gal., ii, 12. Enfin, sans que l’on puisse préciser la date, Paul rendit visite à Jacques » chez lequel se réunirent tous les anciens [les presbylres]. Act., xxi, 18.

2° Jacques fut le premier évêque de Jérusalem. Eusèbe fl. E., ii, 1, t. xx, col. 136 (d’après les anciens : ioropoOdt) ; 23, col. 196 ; iii, 5, col. 221 ; 7, col. 236 ; 22, col. 256 ; iv, 5, col. 309 ; vii, 19, col. 681 ; S. Épiphane, User., xxix, 3, t. xli, col. 393. — Certains auteurs ont soutenu qu’il avait été établi évêque de Jérusalem par Notre-Seigneur lui-même ; ainsi S. Épiphane, Hser., lxxviii, 7, t. xlii, col. 709 ; S. Jean Chrysostome, d’après une tradition (léyezat). Hoin. xxxviii, in 1 Cor., 4, t. lxi, col. 326, qui paraît provenir des Récognitions clémentines, i, 43, t. i, col. 1232. — Saint Jérôme* nous affirme au contraire qu’il fut établi évêque de Jérusalem par les Apôtres, Devir. illustr., ii, t. xxiii, col. 609. Eusèbe a deux versions : dans un endroit, il nous dit qu’il fut établi évêque par les Apôtres, H. E., ii, 23, t. xx, col. 196 ; dans un autre passage, il dit qu’il fut établi, évêque et par le Sauveur et par les Apôtres, H.E., vii, 19, col. 681 ; c’est aussi le sentiment de l’auteur des-Constitutions apo$tohque$, viii, 35, t. i, col. 1137. Cf. aussi Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H.E., t. xx, col. 136. — Les historiens lui conservent son titrede « frère du Seigneur », Eusèbe, fl. E., i, 12, t. xx, col. 120 (d’après la tradition) ; ii, 1, col. 133 ; 23. col. 197 (d’après Hégésippe) ; iii, 7, col. 236 ; 22. col. 256 ; iv, 5, col. 309 ; il est aussi surnommé le « juste » à cause de ses grandes vertus, Eusèbe, H.E, ii, 1, t. xx, . col. 136 ; IV, 22, col. 380 (d’après Hégésippe), qui lui gagnèrent même l’estime des Juifs. Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 1. Après avoir gouverné saintement son Église pendant trente ans au dire de saint Jérôme, De vit : illustr., ii, t. xxiii, col. 613, il couronna sa vie par le martyre en 62, la huitième année du règne de Néron.

III. Traditions sur saint Jacques.

Hégésippe, dans son Histoire ecclésiastique, rapporte les traditions suivantes : Jacques fut sanctifié dès le sein de sa mère ; il ne but jamais ni vin ni cervoise ; il s’abstint de mangerla chair des animaux ; le rasoir ne passa jamais sur sa tête ; il ne s’oignait jamais d’huile, et ne prenait jamais, de bains ; ses vêtements étaient de lin ; il se rendait souvent au temple pour y prier pour les péchés du peuple ; a force de se tenir à genoux, ses genoux étaient devenus aussi durs que fa peau d’un chameau ; à cause de ses éminentes vertus il fut surnommé le « Juste » et « Oblias », qui signifie « secours du peuple » et « justice. » Après-avoir décrit son genre de vie, Hégésippe donne les détails de son martyre. D’après son récit à la fois simple et dramatique, où sousdes détails apocryphes on peut cependant découvrir un fonds de vérité historique, Jacques, en face de toutes les menaces des Juifs, resta ferme et inébranlable dans sa foi ; et à toutes les. interrogations il répondit courageusement en déclarant que Jésus est le Fils du Dieu vivant. Les scribes et les pharisiens, furieux d’une attitude si ferme et si digne, le précipitèrent du haut du pinacle du temple où ils l’avaient engagé à monter afin que sa voix fût entendue de tout le peuple ; ils attendaient de sa part un acte defaiblesse ; ils furent profondément déçus ; bien plus ils : craignirent que le peuple ne se rendit à ses exhortations1087 JACQUES (SAINT) LE MINEUR - JACQUES (ÉPITRE DE SAINT) 1088

et n’embrassât la foi à la divinité de Jésus. Comme il ne mourut pas de sa chute, ils voulurent l’achever à coups de pierres. Pendant qu’on le lapidait, le juste à genoux répétait les paroles du divin Maître sur la croix : « Je vous prie, Seigneur, Dieu Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Sur ces entrefaites, un des fils de Réchab, fils des Réchabites dont parle le prophète Jérémie, s’écria : « Cessez ; que faites-vous ? Le Juste prie pour vous. » Enfin comme la lapidation n’était pas un moyen assez expéditif aux yeux des persécuteurs, un foulon l’acheva à coups de bâton. Cf. Eusèbe, H. E., ii, 23, t. XX, col. 197-204 ; V. Ermoni, Les

201. — Tombeau dit de saint Jacques dans la vallée de Josaphat. D’après une photographie.

Églises de Palestine aux deux premiers siècles, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, janvier 1901, p. 17-18. Le même Hégésippe rapporte, col. 201, que Jacques fut enterré dans le lieu même de son martyre, et qu’on voyait encore son tombeau près du temple. Au témoignage d’Eusèbe, on conservait religieusement sa chaire. H. E., vii, 19, t. xx, col. 681 ; 32, col. 733. — D’autres données, qui paraissent avoir un caractère légendaire, se greffèrent sur la tradition relative à Jacques ; on dit qu’il était marié, peut-être à cause de I Cor., ix, 5 ; c’était un rigide ascète, un nazaréen vivant continuellement dans le temple, comme Anne la prophétesse. Cf. Routh, Reliquise. sacrée, Oxford, 1846. t. i, p. 228 ; Stanley, Apostolical âge, Oxford, 1847, p. 319. — L’historien Josèphe varie un peu les détails de son martyre ; ce qu’il y a de plus intéressant, c’est que le grand-prêtre Ananias fit comparaître Jacques et quelques autres devant le sanhédrin, et, les ayant accusés de violer la loi, les livra pour être lapidés. Ânt. jud., XX, ix, 1. — Saint

Épiphane mentionne d’au Ires circonstances. Sur la foi d’Eusèbe et de Clément, il nous apprend, Hser., xxix, 4, t. xii, col. 396, que Jacques portait sur la tête de irÉTa>ov ou lame d’or du grand-prêtre, Lev., viii, 9 ; H doit probablement confondre avec ce que Polycrate, évêque de Smyrne, dit de l’apôtre saint Jean. Eusèbe, H. E., v, 24, t. xx, col. 493. Il serait mort à l’âge de 96 ans, et aurait gardé la virginité perpétuelle. Hser., lxxviii, 13, t. xlii, col. 720. — Enfin si l’on en croit Grégoire de Tours, il aurait été enterré sur le mont des Oliviers dans un tombeau où il axait déjà fait enterrer Zacharie, père de Jean-Baptiste, et le saint vieillard Siméon. De glor. mart., i, 27, t. lxxi, col. 727, 728. Un des tombeaux de la vallée de Josaphat porte le nom de saint Jacques le Mineur (fig. 201). Il est situé vis-à-vis de l’angle sudest de l’esplanade du Temple de Jérusalem. C’est une excavation taillée dans le roc et comprenant plusieurs salles et des galeries. D’après la tradition locale, Jacques, frère du Seigneur, s’y serait réfugié pendant la Passion et y aurait été enterré après son martyre.

V. Ermoni.

    1. JACQUES (ÉPITRE DE SAINT)##


3. JACQUES (ÉPITRE DE SAINT), la première des Épltres catholiques. Voir Catholiques (Épures), t. ii, col. 350.

I. Destinataires.

L’Épître porte la suscription ; « aux douze tribus qui sont dans la dispersion, » ïaïç StiSsxa çuXaîç t<xïç èv xîj SiacjTropà. Jac., l, l.Les destinataires sont aussi les frères de i’auteur. Jac, i, 2. Quels sont-ils ? On a proposé trois opinions, dont deux, les extrêmes, sont fausses : — 1° opinion. — Quelques exégètes, entre autres Lardner, Macknight, Theile, Credner, Hug, pensent que l’Épître s’adresse à tous les Juifs sans distinction. Cette opinion n’est pas probable. — 1. Elle est écartée par la condition même des destinataires : ils sont les frères de l’auteur, Jac, I, 2, 19, etc. ; ils ont été engendrés avec lui par la parole de vérité ; ꝟ. 18, ils reçoivent le verbe qui peut sauver leurs âmes ; y. 21 ; ils portent « un bon nom », xoc), àv 6’vou.a, qui est invoqué sur eux, c’est-à-dire le nom de Jésus-Christ, il, 7 ; tout cela ne peut convenir qu’à des chrétiens. — 2. Jac, ii, 1, montre qu’ils ont la foi en Jésus-Christ, qu’ils pratiquent cette foi sans acception de personnes, c’est-à-dire sans respect humain ; cela ne convient non plus qu’à des chrétiens. — 3. Jac, v, 7, les exhorte à pratiquer la patience jusqu’à l’avènement du Seigneur ; ce langage ne peut s’adresser qu’à des chrétiens. — Les partisans de cette opinion opposent trois arguments : 1. Au commencement de l’Épître, disent-ils, il y a une salutation générale ; à la fin, il n’y a pas de bénédiction chrétienne, ce qui prouve qu’elle ne s’adresse pas exclusivement à des chrétiens. — En parlant ainsi, ils ne prennent pas garde que la salutation générale du commencement : « aux douze tribus, » est restreinte par les divers correctifs dont nous venons de parler ; et quant au manque de bénédiction à la fin, ce n’est pas un indice suffisant. — 2. Le chapitre m convient, assure-t-on, à tout le monde : aux Juifs aussi bien qu’aux judéo-chré-, tiens. — Sans doute, mais c’est parce que : a) il est des exhortations générales qui s’adressent à tout le monde et qui conviennent à toutes les situations ; b) certains indices de ce chapitre montrent que l’auteur parle à des judéo-chrétiens ; ainsi : iii, 1. fait évidemment allusion aux paroles de Jésus ; Matth., xxiii, 8 ; iii, 9, emploie un terme foncièrement chrétien : « Patrem. » — 3. Jac, iv, 1-10, prétend-on, vise les intrigues des Juifs, et particulièrement des zélotes. — Ce passage convient à tout le monde, car les discordes, dont il y est question, sont celles qui proviennent de nos passions et de nos mauvaises inclinations, Jac, iv, 1.

S 1 opinion. — Koster, Kern et de Wette ont prétendu que le titre 1, 1, « aux douze tribus, est purement symbolique ; au sens littéral il indiquerait les ethno-chrétiens, vivant en dehors de la Palestine et formant le , « c véritable Israël de Dieu j>, selon Gal., vi, -16. L’Épltre serait donc adressée aux ethno-chrétiens ; cf. V. Soden, dans les Jahrbâcher fur protestantisclie Théologie, 188Ï, p. 177. — Cette opinion n’est pas non plus soutenable :

— 1. La suscription, i, 1, « aux douze tribus » ne supporte pas une telle interprétation ; elle doit être prise dans son sens naturel et obvie, comme dans Act., xxvi, 7. — 2. Le ton et la terminologie de l’Épltre portent des marques juives ; on emploie le mot « synagogue » pour désigner le lieu de réunion des chrétiens, Jac, ii, 2 ; la loi est une autorité suprême, Jac, ii, 8, 10, 12 ; iv, 11 ; l’infidélité est désignée par le terme d’« adultère », Jac, iv, 4 ; l’obligation de s’occuper des orphelins et des veuves, Jac, i, 27, se rapporte naturellement aux prescriptions de la loi mosaïque. — 3. La doctrine est opposée à cette interprétation ; les erreurs réiutées dans l’Épltre paraissent se rapporter en grande partie au formalisme pharisaïque.

3’opinion. — C’est la vraie : l’Épltre s’adresse directement aux Juifs convertis. Cette opinion, vraie dans sa teneur générale, est cependant susceptible de modifications accidentelles : « Néanmoins il (saint Jacques( n’exclut pas les Gentils ; mais à l’exemple de Notre-Seigneur, Malth., xix, 28, et de saint Jean, Apoc, vii, 4, il considère les douze tribus comme la tige d’où le peuple chrétien doit sortir, et la postérité spirituelle d’Abraham se compose à ses yeux de tous les vrais croyants. Rom., iv, 11-12. Ces amis de Dieu, ces citoyens de la sainte Jérusalem sont dispersés en tous lieux et exilés icibas parmi les pécheurs, comme les Juifs l’ont été, au temps de la captivité, dans l’empire de Babylone. » Bacuez, Manuel biblique, 10e édit., t. iv, Paris, 1900, p. 583584. — On peut aussi admettre avec certains auteurs, en s’appuyant sur Act., viii, 1, que la Stadjrooâ embrasse aussi les Juifs de la Palestine dont Jérusalem était le centre. — Cependant on serait mal fondé à restreindre l’Épltre aux Juifs de la Syrie, quoiqu’elle ait été insérée immédiatement dans la Peschito destinée aux chrétiens de langue araméenne, et que Josèphe affirme que la plupart des Juifs de la dispersion se trouvaient en Syrie. Bell, jud., VII, iii, 3.

II. Occasion et but.

1° L’occasion de l’Épltre paraît avoir été les enseignements antichrétiens de certains docteurs simonites ou nicolaites. Ces docteurs que Jacques regarde comme des hommes présomptueux, Jac, m, 1, et qui abondaient en paroles, Jac, iii, 5-18, enseignaient que la foi sans les bonnes œuvres suffit au salut. Il semble même que, pour légitimer leur doctrine, ils s’appuyaient sur certains passages des Épîtres de saint Paul, ce que nous verrons plus loin. Cf. S. Augustin, De grat. et lib. arbit., vii, 18, t. xliv, col. 892. Averti du danger que faisaient courir ces fausses doctrines, saint Jacques écrivit cette Épitre pour çnrayer le mal. Il y était d’autant plus obligé que, en qualité d’évêque de Jérusalem, et juif de naissance et d’éducation, il inspirait la plus grande confiance aux judéochrétiens. — 2° L’objet de l’Épltre répond très bien au but que l’auteur se proposa. On voit en effet qu’il insiste tout particulièrement sur les points qui faisaient l’objet des enseignements des faux docteurs. Sans doute saint Jacques touche plusieurs points de morale : vanité des richesses, i, 9-11 ; ii, 1-7 ; iv, 4, 13-16 ; v, 1-6 ; nécessité de la patience, i, 2-4, 12 ; v, 7-11 ; mais on sent que dans sa pensée ce ne sont là que des objets secondaires. L’objet principal, celui auquel il revient le plus souvent, c’est qu’il est impossible de se sauver sans les bonnes œuvres, ii, 14-26 ; iv, 17 ; qu’il faut veiller sur ses paroles, m, 2-12 ; ne pas faire ostentation de vaine science, ni s’arroger la charge de docteur, iii, 1, 13, 14 ; mais remplir exactement les devoirs de la justice et de la charité, iv, 1, 2, 4, 11 ; v, 1-9, etc. L’objet de l’Épltre est donc une thèse dogmatique.

III. Date. —’Il n’est pas facile de déterminer avec


précision la date de la composition de l’Épltre. Les opinions des exégètes sur ce point sont très diverses ; pour* les uns, elle a été écrite vers 45, peu de temps avant le concile de Jérusalem. Cf. Kitto, Cyclopædia of bibhcal literature, in-8°, Edimbourg, 1870, t. ii, p. 462. Hilgenfeld la place entre 81 et 96, à cause de Jac, ii, 6-7 ; v, 6 ; Davidson, vers l’an 90. D’après Baur, elle fut écrite au 11e siècle, à cause de sa ressemblance avec l’Épltre de Clément de, Rome et le Pasteur d’Hermas. Holtzmann établit l’ordre suivant : Épitre de Clément de Rome, Épitre de Jacques, Pasteur d’Hermas. Pfleiderer la place même après le Pasteur d’Hermas. Cf. Davidson, An introduction to the study of the New Testament, in-8°, 3e édit., Londres, 1894, 1. 1, p. 288 ; Ad. Jùlicher, Einleitung in dos Neue Testament, in-8°, Fribourg et Leipzig, 1894, p. 142, 143. — D’autres exégètes admettent une date plus plausible, et la placent vers l’an 60, quelque temps avant le martyre de saint Jacques et la destruction de Jérusalem ; telle est l’opinion de Michælis, Pearson, Mill, Guericke, Burton, Macknight, Bleek. Cf. Kitto, Cyclopxdia, t. ii, p. 461. C’est le sentiment le plus probable. On ne peut en fixer la date précise avec certitude, mais l’Épltre a dû être écrite entre l’an 60 et l’an 66. 1° Il ne paraît pas possible qu’elle soit antérieure à l’an 60 : car — 1. avant cette date le christianisme ne devait pas avoir atteint le degré de diffusion qu’elle suppose.

— 2. Jac, ii, 2-4, accuse un grand amour pour la distinction des places dans les réunions des fidèles, une certaine ambition pour la prééminence, une sensible déférence pour les riches et de la négligence pour les pauvres. Cela prouve naturellement qu’il s’était glissé dans la communauté chrétienne des abus et même du relâchement. De tels abus eussent été impossibles aux environs de la Pentecôte, alors que les chrétiens étaient dans toute leur ferveur primitive et ne faisaient aucune distinction entre les riches et les pauvres, ni même à l’époque où saint Paul prêchait l’égalité absolue de toutes les conditions devant Dieu. — 3. L’Épltre suppose que saint Paul avait déjà écrit des lettres ; elle dépend, dans une certaine mesure, des Épîtres pauliniennes. Cette dépendance est double : a) quant à V interprétation ; ce que l’auteur dit sur la nécessité des bonnes œuvres, Jac, n, 14, 18, 24-26, paraît motivé par les fausses interprétations données à Rom., iv, 3 ; Gal., iii, 22. Cette fausse interprétation de certains passages de saint Paul laisse supposer que le grand apôtre n’était pas en ce moment en Asie Mineure, autrement on ne se serait pas permis de dénaturer son enseignement ; 6) quant aux idées et aux mots ; cette dépendance est très sensible comme le montre le tableau ci-dessous :

Épitre de saint Jacques. Épîtres de saint Paul.

r, 3 : Oro>fjt.ovï)v xaTspyâÇcxat, Rom., v, 3-4 ; 80xt(j, rç pour

So7.tiJ.iov 80xtu.£ov.

I, 4 : ôXoxXvipoi I Thess., v, 23.

r, 16 : [M| 7cXav3u9s. … I Cor.. vi, 9 ; xv, 33 ; Gal.,

vi, 7.

I, 22 : 7rapa>0YfÇ£<JTat… Col., Il, 4. I, 22, 23 : nouitric Xôyou, Rom., II, 13 ; vi|iou pour

àxpoaTïjt X&yov).ôyou.

1, 26 : vou-ov… tri ; IXeuBspi’a ;. Idée familièreà saintPaul.

il, 8 : vdpiov tsXeïv Rom., ii, 27.

il, 9 : icapaëÔTai Gal., Il, 18.

il, 11 : TCap<x6dcTY] ; vt5p.ou.. Rom., ii, 25, 27. H, 18 : àXX’èpeT Tt ;. … I Cor., xv, 35.

m, 6 ; iv, 1 : tiiÀT] FréquentdansRom.etCor

Rom., VI, 23, 19 ; X ii, 4 ;

I Cor., vi, 15 ; xii, 12 ; e t c. ni, 18 : xapTtôç 81xatoo13v/|ç. Phil., i, 11. IV, 1 : èv toïç fisXe<7t, àvu (TTpaT£UO().évOV, (TTpaTEUO uivuv Rom., vii, 23.

III. - 35 4091’JACQUES (ÉPITRE DE SAINT)

1092

Or ces Épltres de saint Paul, dont dépend celle de Jacques, ont étéécritesentre52et62. — 4.L’Épître aaussi d’évidentes attaches avec I Pet. (E. Vowincki, Die Grundgedanken des fakobusbriefes, in-8°, Gutersloh, 1899), et dès lors il y a entre les deux un lien de dépendance. Le tableau suivant montre ces diverses ressemblances :

a) Verbales.

Épître de saint Jacques. 1 Pet.

1, 1 : 81a<raop<x (appliqué aux chrétiens) i, 1.

I, 2 : 7tetpa<7[A0(… TtoixO.oi. i, 6.

I, 3 : xà ôox : (xiov û|j.<âv zf^s

rcioxsMç I, 7.

I, 18 ; v, 19 : àl-ffiua (in diquant le christianisme), i, 22.

I, 21 : 0virap ! a (souillure). iii, 21 : pûjroç.

I, 21 ; iii, 13 : npaOrr) ?… iii, 16.

I, 27 : « [JuavToc i, 4.

r, 27 : SottiXoç i, 19.

III, 13 : xair) ma.<npi<fé[.. iii, 2 : àYVïi ; 16 : àyaOï)

àvaurpoçT].

iv, 7 : Siâ60), o ; v, 8 (mot inconnu à saint

Paul).

iv, 8 : àyvi£siv xapSiaç… 1, 22 ; tyvyjii à la place de

xapSîaç.

iv, 11 : xaTO&aXsïv ii, 12 ; iii, 16.

V, 8 : yiyyixsv. IV, 7.

  • " b) Dans les idées.

I, 3 : Les tentations et les afflictions sont une

épreuve pour la foi i, 7.

1, 18 : La parole de vérité, moyen de régénération, i, 23.

m, 13 : Importance d’une bonne conversation, ii, 12.

îv, 1 : Les passions nous font la guerre ii, 11.

c) Dans les citations.

Jac, i, 10, 11 ; I Pet., i, 24, citent Is., xl, 6-8. v Jac, lv, 6 ; I Pet., v, 5, citent Prov., iii, 34. Jac, v, 20* ; I Pet., iv, 8, citent Prov., x, 12.

Il existe donc une dépendance entre les deux Épitres. Il est vrai que Davidson, Introduction, t. i, p. 286, fait dépendre Pierre de Jacques ; mais la plupart sont d’un avis contraire. La première Épître de saint Pierre étant au plus tôt de 60 ou 61, il est impossible de faire remonter l’Épltre de Jacques au delà de l’an 60. — On objecte contre cette solution que la situation des judéo-chrétiens auxquels l’Épître est adressée n’est pas celle des environs de l’an 60. On n’y fait aucune allusion aux discussions sur la valeur et la durée de la circoncision, l’autorité et la signification des lois rituelles, ni aux conditions dans lesquelles les Gentils convertis doivent être admis dans l’Église ; ces questions furent agitées au concile de Jérusalem. L’Épltre, qui n’en fait aucune mention, a dû donc être écrite, semble-t-il, antérieurement à ces discussions, avant que la prédication de saint Paul au milieu des Gentils eût appelé l’attention sur ces questions ; elle date donc probablement de l’an 45. Cf. Kitto, Cyclopxdia, t. ii, p. 461, 462. — Cette difficulté est sérieuse, mais elle n’est pas concluante : o) le caractère de l’Épltre s’opposait à ce que l’auteur s’occupât de telles questions ; au point de vue doctrinal, l’Épltre, comme nous l’avons vii, porte uniquement sur la nécessité des bonnes œuvres ; pour le reste, c’est une exhortation morale ; b) les destinataires sont des judéo-chrétiens ; or les questions en litige concernaient uniquement les ethno-chrétiens ; la différence des lecteurs rendait donc oiseux ce genre de discussions.

2° L’Épître n’a pu être écrite après l’an 70, époque de la destruction de Jérusalem. En effet : — 1. Rien n’y ressent l’agitation de cette époque ; pas un mot de la ré volte ni des horreurs du siège. — 2. Saint Jacques mourut en l’an 62 ; s’il est vraiment l’auteur de l’Épltre, comme nous le prouverons plus loin, on ne peut pas placer la date de la composition après l’an 62. — 3. Jac, v, 1, parait présager de grandes catastrophes ; peut-être avait-il en vue le siège et la destruction de Jérusalem, qu’il entrevoyait par l’esprit prophétique. — 4. La formule du serment, Jac, v, 12, est empruntée évidemment à Matth., v, 34-37 ; or, dans cette dernière formule, l’incise « ni par Jérusalem » suppose la ville encore existante. — 5. Enfin l’Épître fut écrite de Jérusalem, comme nous le montrerons bientôt ; saint Jacques en était évêque et la ville était encore debout. — Ceux qui assignent une date postérieure à notre Épître s’appuient : 1. sur les ressemblances qu’elle offre avec l’Épître aux Hébreux : l’une et l’autre citent l’exemple de Rahab, Jac, n, 25, etHeb., xi, 31 ; l’obéissance d’Abraham, Jac, ii, 21, et Heb., xi, 17 ; elles parlent de la foi morte, Jac, ii, 26, et des œuvres mortes, Heb., vi, 1 ; du fruit de la justice semé dans la paix, Jac, iii, 18, et du paisible fruit de la justice, Heb., xil, 11. Cf. Davidson, Introduct., t. i, p. 296. On en conclut que l’Épltre de Jacques a fait des emprunts à l’Épltre aux Hébreux, et, comme on suppose que cette dernière est de date tardive, on conclut que la première l’est aussi. — Mais ces hypothèses et ces conclusions ne sont pas fondées. Saint Jacques a pu emprunter directement les deux premiers exemples à l’Ancien Testament, Jac. ii, 25, et Jos., ii, 4 ; Jac, ii, 21, et Gen., xxii, 9-10 ; quant aux œuvres mortes et au fruit de justice, c’étaient des idées communes et courantes dans la primitive Église. — D’ailleurs dans le cas même^où l’on admettrait une dépendance entre les deux écrits, rien ne prouve que ce soit saint Jacques qui a emprunté à l’Épître aux Hébreux et non le contraire. — Enfin, alors même qu’il serait vrai que l’Épître de Jacques dépendît de l’Épltre aux Hébreux, notre opinion n’en subsisterait pas moins puisque l’Épître aux Hébreux a été écrite entre 6366 (col. 523). — 2. On a également prétendu, pour assigner une date tardive à l’Épître de Jacques, qu’elle contient des allusions à l’Apocalypse. Jac, i, 12, et Apoc, n, 10 ; Jac, ii, 5, et Apoc, ii, 9. — Le premier exemple, Jac, i, 12, semble plutôt être une allusion à Job, v, 17 ; les deux autres exemples sont trop vagues pour qu’on puisse y voir des allusions. — D’ailleurs, s’il y avait de vraies allusions, ce serait l’Apocalypse, composée sous Donatien, qui les aurait empruntées à l’Épître de Jacques. — 3. On a recours à des arguments plus futiles encore pour assigner à cette lettre une date plus récente. Elle ne respire nullement, dit-on, les temps apostoliques ; — le Christ y est à peine mentionné, et y est uniquement représenté comme le Juge du monde ; son rôle de Messie disparaît complètement ; — la foi est tantôt une science, Jac, ii, 14, tantôt une persévérance, Jac, 1, 6 ;

— l’auteur parle de la loi dans le style du IIe siècle, avec de l’enthousiasme pour la loi nouvelle ; — la religiosité a perdu tous les traits des temps primitifs ; elle n’est plus qu’une confiance en la bonté de Dieu, qui se traduit par la prière, et ne perd jamais l’espérance ; d’un autre côté l’accomplissement des commandements de Dieu, et l’exercice de la pure piété. Jac, i, 27 ; et., Julicher, Einleitung, p. 143. — Tous ces détails de critique interne ou portent à faux ou n’ont pas d’importance. Le Christ y est à peine mentionné ? Mais l’auteur se proclame son serviteur, i, 1 ; il indique à ses lecteurs quelle est la foi qu’ils doivent avoir en Jésus-Christ, ii, 1. — Où voit-on que la manière dont l’auteur parle de la loi soit celle du iie siècle ? Il n’y a aucune opposition dans la manière de concevoir la foi et d’en parler ; i, 6, l’auteur recommande la fermeté de la foi ; ii, 14, l’auteur prouve que la foi sans les œuvres est une foi morte, inefficace ; s’il parle spécialement de la confiance en Dieu, c’est que son but le réclamait ; nous avons déjà dit que l’Épître contient, outre sa thèse doctrinale,

une exhortation morale. Il faut donc placer la composition de l’Épitre dans l’intervalle de l’an 60 à l’an 62.

IV. Lieu de composition.

Des indices internes montrent que l’aut eur vivait dans les environs de Jérusalem en Palestine. Le pays de l’auteur n’était pas loin de la mer, Jac, i, 6 ; iii, 4 ; ce pays était riche en certains produits : figues, viii, huile, Jac, iii, 12 ; v, 14 ; il était exposé à la sécheresse, et les récoltes étaient souvent compromises par le manque de pluie, Jac, v, 17, 18 ; il était ravagé par des vents brûlants, Jac, i, 11 ; les pluies étaient tantôt hâtives, tantôt tardives. Jac, v, 7. Tous ces traits conviennent parfaitement à la Palestine. — Le lieu dut être Jérusalem même : l’auteur de l’Épitre, Jacques le Mineur, était attaché à Jérusalem par bien des liens, et probablement il ne s’en éloigna jamais. Cf. Act., xv, 13 ; xxi, 18-23 ; Gal., i, 19. De plus, seul l’évêque de Jésusalem, de la ville sainte, pouvait adresser une lettre circulaire aux judéo-chrétiens de la dispersion, car Jérusalem était le centre de ces fidèles, le lieu vers lequel se tournaient toujours leurs pensées et leur souvenir.

V. Authenticité.

i. preuve de l’authenticité. — L’Épitre est de saint Jacques le Mineur : 1° L’en-tête porte, i, 1 : « Jacques serviteur de Dieu. » C’est donc un personnage du nom de Jacques qui a écrit l’Épitre. On ne peut taire sur lui que trois hypothèses : ou bien c’est Jacques fils de Zébédée, ou un autre Jacques inconnu, selon l’opinion de Luther, ou enfin Jacques le Mineur. Or ce n’est pas Jacques fils de Zébédée, lequel fut mis à mort 7 ans après le martyre de saint Etienne, c’est-à-dire vers 43 (cf. Act., xii, 2 ; Eusèbe, H. E., iii, 5, t. xx, col. 221), époque où l’Épitre n’était pas encore écrite ; — l’hypothèse d’un autre Jacques inconnu est inadmissible. jamais un personnage du nom de Jacques, sans notoriété’n’eût réussi à faire accepter son Épître par les fidèles, et n’eût parlé avec tant d’autorité. Reste donc Jacques le Mineur. — 2° Le concile de Trente, dans deux endroits, attribue l’Épitre à Jacques l’Apôtre, sess. xiv, De Eoctrema Vnctione, can. 1, 3 ; dans ce cas, toute la difficulté est de savoir si Jacques l’Apôtre est réellement le même que Jacques le Mineur ; l’opinion affirmative est plus probable ; dans un troisième passage, ibid., cap. i, le concile attribue l’Épitre à Jacques apôtre et frère du Seigneur. — 3° La tradition confirme cette attribution : Eusèbe affirme que de son temps on regardait cette Épître comme étant de Jacques le Mineur. H. E., ii, 23, t. xx, col. 205. Origène parle de l’Épitre de Jacques ; In Lib. Jos., Hom. vii, 1, t. xii, col. 857 ; il nous dit également qu’il circulait une Épître sous le nom de Jacques, Comrn. in Joa., tom. xix, 6, t. xiv, col. 569 : dans d’autres endroits il cite l’Épitre sous le nom de Jacques l’Apôtre ; In Lev., Hom. ii, 4, t. xii, col. 419 ; In Exod., Hom. iii, 3, t. xii, col. 316 ; In Exod., Hom. vin, 4, t. xii, col. 355 ; cf. aussi Hom. IV in Ps. xxxvi, 2, t. xii, col. 1351 ; In Epist ad Rom., ir, 8, t. xiv, <tol. 990. Enfin saint Jérôme attribue, sans aucune hésitation, l’Épitre au frère du Seigneur, évêque de Jérusalem. De vit : illustr., ii, t. xxiii, col. 609. Il faut d’ailleurs remarquer que les Pères ont eu moins souvent l’occasion de parler de l’Épitre de saint Jacques que des Épitres de saint Paul. — 4° La critique interne s’accorde avec la tradition : a) « Tout le détail de l’Épître, l’état de choses qu’elle suppose, ce grand nombre de dogmatiseurs, ii, 1, 5, 13, ces disputes sur la foi et les œuvres, i, 22 ; iii, 14-20, ces persécutions, i, 12 ; v, 10^ 11, ces acceptions de personnes, ii, 1, 9, conviennent parfaitement à son pays et à son époque. » Man. bib., Î0e édit., t. iv, p. 582. — b) Le caractère pratique de l’Épitre est en parfaite harmonie avec ce que nous savons de saint Jacques le Mineur, qui était ennemi des longs discours et grand amateur de la pauvreté. — c) Le ton de l’Épitre, qui respire le langage de Jésus dans saint Matthieu et les deux autres synoptiques, les citations de l’Ecclésiasque, i, 10 ; ii, 1 ; des Proverbes, i, 19 ; iv, 6 ;

son style sententieux, conviennent également à saint Jacques ; Julicher lui-même le reconnaît, Einleïtung, p. 140. Cf. Kaulen, Einleïtung, 3e édit., in-8°, part, m », Fribourg, 1893, p. 646.

il. objections, ET réponses. — Les principales objections contre l’authenticité ont été résumées par Julicher, Einleïtung, p. 140-142. Apres avoir reconnu que l’Épitre répond au caractère de Jacques, évêque de Jérusalem, il se prononce pourtant contre l’authenticité pour trois raisons : — 1° Le grec de l’Épitre est très pur ; l’auteur est maître de la langue grecque ; il va même jusqu’à faire des jeux de mots : ii, 4, St£xp16r]Te et xpiToeî ; iv, 14, sauvons v » ) et içavijojiiv/i ; d’autre part, il n’est pas possible qu’un juif palestinien ait pu si bien manier la langue grecque. — a) Certains exégètes répondent à cette difficulté que le texte grec actuel n’est qu’une traduction de l’original araméen ; dans ce cas l’élégance de la langue grecque serait le fait du traducteur, mais cette hypothèse n’est guère vraisemblable. — b) La pureté de la langue, quoiqu’elle soit réelle, n’exclut pas des tournures sémitiques qui révèlent à quelle race appartient l’auteur. — c) Quoi qu’il en soit du reste, il est certain qu’au premier siècle de notre ère il y avait en Palestine des Juifs qui parlaient et écrivaient le grec, et saint Jacques a pu connaître suffisamment cette langue pour écrire sa lettre, en se taisant aider au besoin par un Juif helléniste.

2° Saint Jacques, continue Julicher, était zél_’pour la loi, au point que saint Pierre par crainte de cet apôtre n’avait pas osé s’asseoir à la table des ethno-chrétiens à Antioche. Gal., ii, 12. Il n’a donc pu écrire une Épître dans laquelle il n’est pas même tait mention de l’obligation des observances légales, où il est dit que la religion consiste dans la pratique des bonnes œuvres, Jac, l, 27 ; où l’on nous parle de la loi parfaite de liberté, Jac, i, 25 ; ii, 12, et de la loi royale de l’amour du prochain. Jac, ii, 8. — Il est vrai que saint Jacques ne dit rien des observances mosaïques, mais c’est parce qu’il n’avait aucune raison de le faire. — a) Son langage répond au but qu’il se proposait ; il n’aait pas besoin de recommander aux judéo-chrétiens la fidélité à des prescriptions qu’ils ne violaient pas, mais il était à propos d’insister sur les bonnes œuvres et d’exciter leur zèle sur ce point. Les circonstances à Antioche étaient différentes. Gal., ii, 12. Les partisans de Jacques empêchèrent saint Pierre de s’asseoir à la table des Gentils pour ne pas scandaliser les judéo-chrétiens ; c’était en soi chose indifférente, mais, en l’occurrence, inopportune ; dans notre Épître au contraire, rien de pareil ; dès lors saint Jacques peut parler le langage même de Jésus-Christ. — 6) Dans les passages où l’on prétend voir un idéal trop au-dessus d’un Juif, saint Jacques ne fait que relléter l’enseignement de Jésus, ou de saint Paul.

3° Ce qui paraît surtout inadmissible à Julicher, c’est que saint Jacques ait écrit le passage, ii, 14-26, qui expose avec tant de force la nécessité de la justification par les œuvres ; Jac, ii, 24, dit-il, est la négation même du texte de Rom., iii, 28, qui affirme que l’homme est, au contraire, justifié par la foi. Aux temps apostoliques, il était impossible qu’on eût une idée si fausse de la doctrine de saint Paul. — L’insistance même de saint Jacques sur la nécessité des œuvres montre que dès lors il y avait des judéo-chrétiens qui comprenaient mal l’Apôtre des Gentils, comme le fit Luther au xvr siècle. Saint Jacques écrit pour redresser leurs fausses interprétations, et, comme on le fait lorsqu’on veut corriger une erreur, il insiste avec beaucoup d’énergie sur la nécessité des œuvres pour le salut : de là ces expressions si fortes. Jac, ii, 14, 17, 20-22, 24-26. Il ne nie point d’ailleurs la nécessité de la foi pour la justification, et son enseignement n’est pas la contradiction, mais le complément et l’explication de ce que nous lisons dans l’Épitre aux Romains.

VI. Canonicitè.

L'Épître de saint Jacques fut rejetée par Luther et les centuriateurs de Magdebourg. Le cardinal Cajetan et Érasme eurent des doutes à son sujet. Généralement on la place parmi les deutérocanoniques. Le canon de Muratori ne la mentionne pas. Eusèbe la met au rang des <xvrtXeYÔ|i£va (écrits contestés), H. E. m, 25, t. xx, col. 269 ; voir son texte, Canon, t. ii, col. 173 ; ailleurs, pourtant, il déclare, comme nous l’avons vii, que la première des Épîtres catholiques est regardée comme étant de Jacques ; quoiqu’il ajoute, exprimant probablement son propre sentiment, qu’elle est apocryphe : ioréov M &ç voŒiiewct jiiv x. t. "I. H. E., n, 23, t. xx, col. 205. Il atteste néammoins dans ce même passage qu’elle est reçue, ainsi que l'Épitre de Jude, dans plusieurs Églises. Malgré ces hésitations et ces doutes, qu’on peut s’expliquer aux premiers siècles de l'Église, la canonicitè de l'Épitre de Jacques est certaine. — 1° Le concile de Carthage, 397, et le concile de Trente l’ont reçue comme canonique. — 2° Les plus anciens manuscrits et les plus anciennes versions, telles que la Peschito, la contiennent. — 3° La tradition patristique est aussi en sa faveur : — a) Pères apostoliques. Certains des Pères apostoliques paraissent citer l'Épître de Jacques ; saint Clément de Rome, I Cor., x, 1, dit : « Abraham, appelé l’ami [de Dieu], fut trouvé fidèle en ce qu’il fut obéissant aux paroles de Dieu ; » et n° 7 : « À cause de sa foi et de son hospitalité, il eut un fils dans sa vieillesse, et, à cause de son obéissance, il l’offrit en sacrifice à Dieu sur une des montagnes qui lui furent montrées. » Pat. Apost. opéra, édit. Oscar de Gebhardt et Ad. Harnack, in-8°, Leipzig, 1900, p. 5-6. Cf. Jac, ii, 53. Ce qui donne à penser que saint Clément cite dans ces passages l'Épître de saint Jacques, et non Gen., xv, 6, ou Rom., iv, 3, ou Gal., iii, 6, ce sont les mots : 6 çfXo ? izpoaayopzv^iii ;, et, xai çcXo ? ©eoO èxXt|911, qui ne se trouvent que dans Jac, ii, 23 b. Cf. aussi, de la même Épître de saint Clément, xvii, 2, p. 10 ; XII, 1, p 6, où se trouve cité l’exemple de Rahab, Heb., xi, 31 ; Jac, II, 25. Ci. A. Charteris, Canonicity, a collection of early testimonies to the canonical books of theNew Testament, in-8°, Edimbourg, 1880, p. 292 ; Von Soden, dans les Jahrbùcher fur protestantische Théologie, 1884, p. 171-172. — Hermas, Matid., xii, 5, s’exprime ainsi : « Si vous résistez [au démon], vaincu" il s'éloignera de vous avec contusion. » Pat. Apost. opéra, p. 166. CL Jac, IV, 7 : ressemblances verbales : âv-tiff-nivat çeûÇeToi, àç' ù|ifflv. Cf. aussi Sim., VIII, 6, édit. cit., p. 186, où on lit : è7tat<rxuv91vTeç tî> ô'vo(ia Kupt’ou tô siuxXviOèv iic' ayToûç, et Jac. ii, 7 : 6Xaffçr)n.o0<rtv…Tb È7uxXîr)ftèv tç' viiôé ;. — 6) Autres Pères. Saint Irénée cite mot à mot Jac, ii, 23, Cont. hær., IV, xvi, 2, t. vii, col. 1016, et. aussi xhi, 4, col.1009. Tertullien dit : « Abraham amicus Dei deputatus. » Adv. Jud., 11, t. 11, col. 600 ; cf. Jac, 11, 23 ; cf. Clément d’Alexandrie, Psedag., III, 11, t. viii, col. 573 ; viii, col. 613 ; Strom., vi, 18, t. ix, col. 397. Origène, In Joa., tom. xix, t. xiv, col. 569 ; In Epist ad Rom., iv, t. xiv, col. 989, 990 ; Rom. iv in Ps. zxxvi, t. xii, col. 1351 ; Hom. a in Lev., 4, t. xii, col. 418, cite Jac, v, 20, sous la dénomination d' « Écriture divine » ; Eusèbe, Comment. inPs. c, t. xxiii, col. 1244. Saint Athanase, Epist. fest., xxxix, t. xxvi, col. 1177, place l'Épître de Jacques dans son canon. S. Épiphane, Hser., xxxi, 34, t) xli, col. 540. Cf. S. Kirchhofer, Quellensammlung zur Geschichte des Aleutestamentlischen Canons bis auf Hieronymus, in-8°, Zurich, 1844 ; voir Canon, t. ii, col 179-182.

VIL Forme de l'Épître. — Comme on l’a déjà remarqué, elle ressemble bien plutôt à une instruction morale, à une exhortation, qu'à une lettre proprement dite. Le début, qui est une salutation aux tribus d’Israël, convient très bien à l'évêque de Jérusalem ; mais la fin n’est pas la conclusion d’une lettre, c’est une simple maxime qui clôture une instruction. Le genre est tout à fait sé mitique ; il porte l’empreinte de son auteur. Saint Jacques ne ressemble nullement à saint Paul ; pas de longs raisonnements, de considérations sur les mystères de la foi ; on dirait plutôt les Logia du Sauveur ; ce sont des sentences courtes et énergiques, des espèces d’aphorismes destinés à inculquer profondément les vérités que l’auteur annonce. Sous ce rapport, on pourrait l’appeler une Épître synoptique. Cf. Jac, 1, 14, et Matth., xv, 19 ; — Jac, iv, 12, et Matth., x, 28 ; — Jac, v, 1-6, et Luc, VI, 24. Les analogies avec le Discours sur la montagne sont très nombreuses et très frappantes. Cf. Jac,

1, 2, 12, et Matth., v, 10-12 ; — Jac, I, 4, et Matth., v, 48 ; ^- Jac, 1, 5, 6 ; v, 15, 18, et Matth., vii, 7-11 ; — Jac, 1, 20, et Matth., v, 22 ; — Jac, 11, 13, et Matth., v, 7 ; vi, 14, 15 ; — Jac, ii, 14-17, et Matth., vii, 21-23. ; — Jac, iii, 17, 18, et Matth., v, 9 ; — Jac, iv, 4, et Matth., vi, 24 ; — Jac, iv, 10, et Matth., v, 3, 4 ; — Jac, iv, 11, et Matth., vii, 1 ; — Jac, v, 2, et Matth., vi, 19 ; — Jac, v, 10, et Matth., v, 12 ; — Jac, v, 12, et Matth., v, 33. — L’enchaînement entre les idées est faible ; quelquefois même elles se suivent sans qu’on en voie bien la connexion. Lorsqu’un sujet est traité avec un certain développement, il se termine par une espèce de sentence épigrammatique. Jac, I, 5-8, 13-16, 22-27 ; II, 1-13, 14-26 ; m, 1-5, 6-8, 13-18 ; iv, 1-10, 13-17 ; v, 7-10. - C’est probablement à cause de ce caractère moral et gnomique de l'Épître que l’auteur en appelle à la loi et cite de préférence les livres didactiques de l’Ancien Testament. Jac, 1, 10, 12, 19 ; 11, 1 ; iv, 6.

VIII. Langue et style.

1° La langue est généralement pure ; nous l’avons déjà dit. On voit que l’auteur possède bien le grec ; dans la plupart des cas les mots sont bien choisis et appropriés aux idées et aux choses qu’ils expriment. On remarque pourtant quelques particularités propres à l’auteur ; les principales sont : 1, 11, iropsîoei, « voies ; » 1, 18, le participe (30uXïî8efç, « volontairement ; » I, 2, la phrase, ôtoev ireipa<r|Aot{ 7cepntl17r]Te iroixtXoï ;, « lorsque vous tomberez dans différentes tentations ; » I, 17, Tpoitîi ; àuoxiatriia. « l’ombre de changement ; » 1, 18, àTOxÛY]<Tev, « il engendra. » — Çà et là on rencontre même des expressions poétiques. L'Épitre contient même deux hexamètres : 1, 17 ; iv, 4. — 2° Le style est énergique et varié ; il est caractérisé surtout par des pensées fortes, 1, 11 ; ii, 5, 6 ; iv, 13-16 ; v, 1-3 ; - des images, 1, 6, 10, 11, 14, 15, 17, 23, 24 ; iii, 3-7, 11, 12 ; iv, 15 ; v, 2, 3 ; — des tours vifs et frappants, ii, 2-4, 15, 16 ; iv, 1 4, 13, 15 ; v, 1-6, 13-14 ; — des interrogations, ii, 4-7, 14-16 ; iii, 11-13 ; iv, 1, 4, 5 ; v, 13, 14 ; — des antithèses, 1, 9, 10, 19, 22-26 ; ii, 5, 10-12, 15 ; iv,

2, 4. Le ton est particulièrement autoritaire ; sur 108 versets, l'Épître contient une cinquantaine d’impératifs, 1, 1, 4, 5, 6, 7, 9, 13, 16, 19, 21, 22 ; 11, 1, 3, 5, 12, 16, 18 ; iii, 1, 13, 14 ; iv, 7, 8, 9, 10, 11 ; v, 1, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 16, 20.

IX. Texte.

Certains auteurs ont pensé que le texte grec actuel est la traduction d’un original araméen. Cette opinion est généralement rejetée. On croit que le texte original est le grec Trois manuscrits onciaux, le Sinaiticus, le Vaticanus et VAlexandrinus, contiennent intégralement les Actes et les Épîtres catholiques ; deux manuscrits onciaux, K, L, contiennent intégralement les Épîtres catholiques ; les manuscrits C, P, contiennent des fragments des Épîtres catholiques. Cf. Gregory, Novum Testamentum grseçe, édit. Tischendorf, t. iii, Prolegomena, Pars prior, in-8°, Leipzig, 1884, p. 409417. — Signalons quelques variantes importantes : principales inscriptions : Iay-woou emixToXir) ; — ç, [otxtoSou xaOoXixY] tmazoi.t) ; -ç% taxtoëoy tou omofffoXou zmtrcoXri xaOoXtxï) ; le Sinaiticus n’a pas d’inscription, mais il porte en souscription : etcistoXy] i « xw60u ; — dans le texte : 1, 12 ; omission de é xûpioç ; i, 19, "ors [latin scilis] pour <5<tts ; II, 5, tù xôdjKi) pour xoû xou[jloû ; iii, 1, m5XXv pour itoXXot ; iii, 12 ; oùSenfoc fQY^i « Xuxov xat y^u*" pour

o5ts &)a)xôv xa y*’j *ù ; iv, *31 itoiri<su>iz9a pour « op£U(rô|Aee « ; IV, 15, noi-r, au>ysy pour Çr|oo)[iev ; V, 16, xi ; â[iapTta ; pour t& xapaimâpaTa.

X. Division et analyse.

Outre un petit préambule, 1, 1, l’iipltre se divise en trois parties : 1° Exhortation à la constance et à la patience, i ; — 2° Reproches aux taux docteurs, ii-iv, 6 ; — 3° Devoirs des divers états, IV, 7-v. F’PARTIE, I. — L’épreuve est quelque chose de bon parce qu’elle conduit à la perfection, i, 2-4 ; — il faut demander la sagesse avec une foi vive, sans hésitation, y. 5-7 ; — il faut se glorifier dans l’humilité et la bassesse ; la tentation est une épreuve qui nous mérite la couronne de vie, ꝟ. 8-12 ; — tout le mal doit être attribué à l’homme, ꝟ. 13-16, et tout le bien à Dieu, ꝟ. 17, 18 ; — il faut éviter la colère qui ne produit pas la justice de Dieuꝟ. 19, , 20 ; — il faut observer la parole de vie, la loi, et s’appliquer aux bonnes œuvres, ꝟ. 21-27.

il’partie, ii-iv, 6. — L’auteur blâme : — 1° l’acception des personnes, défaut très pernicieux à une époque où il y avait tant d’inégalité dans les conditions sociales, II, 1-12 ; — 2° la présomption en matière de salut et le mépris des bonnes œuvres, sous prétexte que la loi seule sauve, ii, 13-26 ; — 3° l’ambition, le désir des charges et des dignités, les paroles imprudentes et tous les écarts de la langue, m ; — 4° un certain nombre de défauts : plaisirs et discordes, iv, 1-2 ; amour des choses de ce monde, ꝟ. 3-4 ; envie et orgueil, ꝟ. 5-6.

up partie, iv, 7-v. — Il faut se soumettre à Dieu, se détacher des choses de ce monde, pratiquer la miséricorde et l’humilité, iv, 7-10 ; il ne faut ni critiquer ni juger les autres, ꝟ. 11-13° ; — il faut se mettre en garde contre une excessive confiance en soi-même, et ne pas se perdre dans des projets chimériques touchant l’avenir, y. 13 b -17 ; — les riches doivent gémir, car leurs richesses ne leur auront servi à rien ; ils ont retenu le salaire des ouvriers, et ce salaire crie vengeance ; ils se sont plongés dans les plaisirs et ont tué le juste, v, 1-6 ; — par conséquent les chrétiens doivent pratiquer la patience, parce que le jour du Seigneur viendra, ꝟ. 711 ; — surtout ils doivent s’abstenir de tout serment, ꝟ. 12 ;

— se conformer toujours à la volonté de Dieu, ꝟ. 13 ; — si quelqu’un est malade, qu’il profite des moyens que l’Église met à sa disposition, ꝟ. 14-15 ; — que les fidèles confessent leurs fautes et qu’ils prient, car la prière est toute-puissante ; l’exemple d’ÉIie le prouve, ꝟ. 1618. — Il faut ramener les égarés, car quiconque sauvera un pécheur aura sauvé sa propre âme, v, 19-20.

XL Examen du passage dogmatique, v, 14-15. — Ces deux versets soulèvent une question théologique. S’agit-il du sacrement d’Extrême-Onction ? Les auteurs catholiques, l’affirment pour les raisons suivantes : 1° Le concile de Trente a ainsi interprété ce passage, sess. xiv, De Extrema Unctione, c. i, et can. 1, 4. — 2° On y trouve tous les éléments constitutifs du sacrement : la matière, qui est l’huile, la forme, qui est la prière, le ministre, qui est le prêtre, le sujet, qui est le malade, les effets, qui sont le salut, le soulagement et la rémission des péchés. — 3° Il ne peut s’agir d’un remède corporel : a) les derniers mots duꝟ. 15 sur la « rémission des péchés » s’opposent à cette interprétation ; b) si l’Apôtre eût voulu indiquer un remède corporel, il n’aurait pas indiqué le même pour toutes les maladies ; de plus il n’aurait pas conseillé d’appeler le prêtre mais le médecin. — 4° Il ne peut pas être question de guérisons miraculeuses : « Si l’on prétend qu’il s’agit d’obtenir des guérisons miraculeuses, comme celles que faisaient les Apôtres dans leurs premières missions, Marc, vi, 13, saint Jacques n’en aurait pas promis pour tous les cas ; il n’aurait pas dit d’en demander à tous les prêtres indistinctement, et l’Église n’aurait pas fait de cette pratique un rite permanent et obligatoire. » Man. bibl., 10e édit., t. iv, p. 590. — Les protestants, qui rejettent le sacrement de l’Extrême-Onction, ont prétendu que

l’apôtre parle dans ce passage d’un remède naturel destiné à guérir un malade, qui n’est pas moribond, comme celui à qui l’Église catholique confère le sacrement. W. Smith, À dictionary of llie Bible, t. i, Londres, 18C3, p. 927-928. — Il n’est pas nécessaire d’être sur le point de mourir pour recevoir l’Extrême-Onction. Voir Conc. de Trente, sess. xiv, De Extrema Unctione, c. m. Le texte de saint Jacques ne dit rien sur la gravité de la maladie ; il parle d’une maladie en général. Et si l’onction d’huile commandée par l’apôtre peut amener la guérison du malade, l’Église enseigne que l’Extrême-Onction procure assez souvent la guérison corporelle, lorsque cela est nécessaire au salut de l’âme. Cf. Conc. de Trente, ibid., c. n. Voir Extrême-Onction, t. ii, col. 2140.

XII. Enseignements pratiques. — L’Épître de saint Jacques contient d’importantes instructions morales. 1° Défauts à éviter : Il ne faut pas attribuer à Dieu les maux de ce monde, i, 13. On doit éviter le formalisme extérieur ou pharisaïsme, i, 27 ; le luxe immodéré et l’excès d’égards pour les riches, ii, 2, 3 ; les intempérances de la langue, iii, 2-12 ; l’esprit de parti, iii, 14 ; la médisance et la calomnie, iv, 11 ; l’orgueil et la jactance, IV, 16. — 2° Vertus à pratiquer : La patience dans les épreuves, I, 2, dans l’oppression, v, 7, dans les persécutions, v, 10 ; la confiance en Dieu, I, 6, etc. ; la, simplicité, i, 8 ; l’humilité, i, 9, 10 ; iv, 10 ; le bon usage des tentations, i, 12 ; la mansuétude, i, 19>>, 20 ; la pureté, i, 27>> ; iv, 8 b ; la modestie, iii, 17 ; la miséricorde, il, 13 ; le zèle pour la conversion des pécheurs, v, 19-20.

XIII. Bibliographie. — *Mor, Prxlectiones in Jacobi et Pétri Epistolas, Leipzig, 1794 ; *Gabler, De Jacobo, Epistolse eidem adscriptæ auctore, Altdorꝟ. 1787 ;

  • Credner, Einleitung in dos Neue Testament, in-8°,

Halle, p. 595-597 ; *Koster, dans Studien und Kritiken, 1831, n. 3, p. 581 ; *Kern, dans la Tubing. Zeitschrift, 1835, p. 15 ; Id., BriefJacobus, in-8°, Tubingue, 1838 ; * Schneckenburger, Annotatio ad Epistolam Jacobi perpétua, Stuttgart, 1832 ; A. Maier, Einleitung, in-8°, Fribourgen-B. , 1852, p. 394-405 ; *Alford, The greek Testament, in-8°, Londres, 1849-1861, t. IV, 274 ; Schegg, Jacobus der Brader des Hernn und sein Brief, in-8°, Munich, 1883 ; *P. Feine, Der Jacobusbrief, in-8°, Vienne, 1893.

V. Ermoni.

    1. JACQUES (PROTÉVANGILE DE)##


4. JACQUES (PROTÉVANGILE DE), Lvangile apocryphe. Voir Évangiles apocryphes, i re classe, 1°, t. ii, col. 2115.

    1. JACQUES BAR SALIBI##


5. JACQUES BAR SALIBI, auteur et commentateur syrien, monophysite, mort à Amid (Diarbékir) en 1171. Il fut consacré évêque de Marasch (Germanicie) en 1154, par le patriarche jacobite Athanase VIII et prit alors le nom de Denys ; l’année suivante, Athanase lui adjoignit en sus le diocèse de Mabboug et, en 1166, Michel le Grand, successeur d’Athanase, le transféra à Amid, où il mourut. « Il y eut un grand deuil dans toute l’Église, dit Bar Hébræus, car il avait compilé et écrit des commentaires soignés sur tous les livres des deux Jestaments, sur les docteurs, sur les centuries d’Évagre et sur les livres de dialectique, il avait encore composé beaucoup d’autres ouvrages. » — Son commentaire sur l’ancien Testament est conservé à Paris (Fonds syr. n° 66) et n’a pas encore été publié. Les divers livres sont commentés dans l’ordre suivant : le Pentateuque, le livre de Job, Josué, les Juges, les deux livres de Samuel, les livres des Rois, les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, Isaïe, Jérémie et les Lamentations, Ézéchiel, Daniel, les douze petits Prophètes, l’Ecclésiastique. Un certain nombre de livres ne sont donc pas commentés. En revanche les livres mentionnés ci-dessus ont en général deux et quelquefois trois commentaires chacun, l’un appelé matériel ou corporel, c’est-à-dire lifterai, et l’autre spirituel ou mystique, c’est-à-dire sjmbolique.

Le livre de Jérémie comporte trois commentaires, l’un fait sur les Septante, le second sur la Peschito, et le troisième matériel et spirituel. Pour faire comprendre ces deux derniers mots, nous dirons que les paroles du Ps. m sont toutes interprétées, au sens matériel, de la révolte d’Absalom contre David et, au sens spirituel, des sévices des Juifs et des démons contre l’humanité du Messie. — Le commentaire sur le Nouveau Testament se trouve dans la plupart des bibliothèques syriaques. Citons le manuscrit de Paris n° 67, écrit à Édesse en 1174, c’est-à-dire trois ans seulement après la mort de l’auteur, et un manuscrit de Dublin daté de 1197. Asséman a donné des extraits de cet ouvrage. Bibl. orient., t. ii, p. 157-170. Dudley Loftus a traduit en anglais une partie du commentaire sur saint Matthieu et le commencement du commentaire sur saint Marc : À clear and learned explication of the history of our Blessed Saviour J. C. taken out of above 30 greek, syriack and other oriental authors by way of catena by Dionysius Syrus and faithfully translated by Dudley Loftus, Dublin, 1695, et The exposition of Dionysius Syrus, written above 900 years sinee on the Evangelist St. Mark, translated by D. L., Dublin, 1672. — Voir Bar Hébrseus, Chronicon eccles., t. i, p. 513-515 et 559 ; Assémani, Bibl. orient., t. ii, p. 156-211 ; Rubens Duval, ha littérature syriaque, Paris, 1899, p. 79-80, 399-400.

F. Nau.

G. JACQUES D’ÉDESSE, écrivain syrien né au village d’Endêba, dans le district de Goumiah (Al-Djumah), province d’Antioche, vers 640 (peut-être en 633), et mort au monastère de Téléda, le 5 juin 708.

I. Sa vie et sa doctrine.

Une courte biographie de Jacques d’Édesse nous a été conservée par Bar Hébræus, Chron. eccles., t. i, p. 290-294. Il étudia avec soin la langue grecque et les Saintes Écritures au couvent d’Aphtonia ou de Kennesré (sur la rive gauche de l’Euphrate, en face d’Europus) et alla compléter ses études a Alexandrie. Il fut nommé évêque d’Edesse vers 684, par le patriarche Athanase II, son ancien condisciple, ^mais ne put supporter une cabale formée contre lui par certains clercs et abandonna spontanément son siège. Il se retira au monastère de Saint-Jacques de.Kaisoum (entre Alep et Édesse), puis fut invité par les moines d’Eusébona (diocèse d’Antioche) à venir demeurer parmi eux. Il y resta onze ans à expliquer les Psaumes et les Écritures d’après le texte grec, et à restaurer les études grecques tombées en désuétude. Il fut combattu par les frères qui n’aimaient pas les Grecs, et dut se retirer au grand monastère de Téléda (probablement le moderne TeU’âdi ou Tell’âde ; voir Sachau, Reisein Syrien und Mesop., Leipzig, 1883, p. 459), il y habita neuf ans et y fit une revision du texte de l’Ancien Testament. Il reprit possession de son siège épiscopal d’Édesse en 708, mais pour quatre mois seulement, et mourut au monastère de Téléda où il s’était rendu pour y chercher ses livres et ses disciples.

D’après M. Wright, Syr. Lit., Londres, 1894, p. 143, et Journal of Sacrtd Literature, 4 8 série, t. x, p. 430, Jacques tient dans la littérature de son pays la même place que saint Jérôme parmi les Pères latins. C’était, pour son temps, un homme de grande culture d’esprit, qui était familier avec le grec, l’hébreu et les anciens écrivains syriaques, c’était un àvTjp TptyXwrro ;. « À son « poque, dit P. Martin, dans le Journ. as., 1888, t. xi, p. 155, il n’y avait pas, dans le monde chrétien, un auteur qu’on pût lui comparer : un auteur plus laborieux et plus instruit, un auteur doué de connaissances plus variées et plus étendues, maniant la plume avec plus d’ardeur et , en faisant sortir de meilleures productions. » Il fit de nombreuses traductions du grec en syriaque, et une revision de l’Ancien Testament, commenta l’Écriture, écrivit un hexaméron, une chronique, une liturgie, des canons, de nombreuses lettres, etc. Jacques d’Édesse fut

un adversaire du concile de Chalcédoine. Cf. Lamy, Dis- _ sertatio de Syrorum fîde et disciplina in re euchanstica, Louvain, 1859, p. 206-214.

II. Sa revision de l’Ancien Testament. — Une partie de cette revision nous est conservée dans quatre manuscrits. Deux (add. 14429 et 14441) se trouvent à Londres, au British Muséum. Ils sont datés de 719 et ont donc été écrits onze ans seulement après la mort de Jacques d’Édesse. Le premier renferme les deux livres de Samuel, avec le commencement des Rois, le second contient Isaie et a été publié en majeure partie par Ceriani : Esaix fragmenta syriaca versionis anonymm et recensionis Jacobi Edessse, dans les Monum. sacra et prof., t. v, fasc. i, 1868. Les deux autres manuscrits se trouvent à Paris, à la Bibliothèque nationale ; l’un (Syr. n. 27) contient le livre de Daniel, il est daté de 720. Des fragments de ce texte et quelques-unes des gloses ont été publiés par Bugati, Daniel secundum edilionem LXx interpretum, Milan, 1788. D’après Bugati, Jacques revisa la Peschito à l’aide d’une version grecque qui n’est pas celle des Septante, mais dérive de Théodotion. L’autre manuscrit de Paris (Syr. n. 26) renferme le Pentateuque ; il fut décrit d’abord par Ladvocat, dans le Journal des savants, août 1765, p. 542-555. Cet auteur cite les notes placées à la fin des divers livres ; celle qui termine la Genèse porte : « Ici finit le premier livre de Moise, appelé le livre de la création, lequel a été rectifié (revisé) avec soin sur deux traditions (versions), tant des Grecs que des Syriens, du (par le) pieux évêque d’Orrhoaï (d’Édesse), l’an de Séleucus 1015 (704), dans le grand monastère du village de Téléda. » On trouve la même date à la fin de l’Exode et du Lévitique, mais à la fin des Nombres et du Deutéronome on trouve l’an 1016 de Séleucus (705). Ladvocat crut pouvoir en conclure que le manuscrit lui-même avait été écrit à cette époque ; il reconnaissait cependant qu’il ne pouvait être de la main de Jacques d’Édesse parce qu’on y relevait des transpositions et autres fautes qui étaient certainement le lait de copistes. Silvestre de Sacy, Notices et extraits des manuscnts, t. iv, p. 648-669, n’eut pas de peine à montrer que ces dates 701-705 se rapportent à la composition de l’ouvrage par Jacques et non à la transcription du manuscrit. Il fit remarquer de plus que ce manuscrit renferme d’assez nombreuses lacunes et qu’il est de deux mains et de deux époques différentes. Enfin M. Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. ii, fasc. i, p. x-xiii, écrivit que la partie la plus ancienne est du vin< siècle, et en publia quelques fragments : Gen., iv, 8-16 ; et v, 21-vi, 1. Ladvocat et Silvestre de Sacy sont d’accord d’ailleurs pour montrer par des citations et des extraits l’importance de cette revision. Jacques d’Édesse avait sous les yeux le texte grec (le texte des Septante d’après Bugati. mais nous croirions plutôt que c’était une revision de ce texte, ou un texte hexaplaire), car il cite parfois le mot grec ou le transcrit en marge. La version sjriaque dont il se sert semble différer souvent de la Peschito, S. de Sacy conjecture donc qu’il corrigeait l’ancienne version syriaque d’après la Peschito et les Septante. Il utilise aussi le Pentateuque samaritain et lui emprunte une addition, Exod., viii, 4, et Num., x, 10 ; il en avertit du reste en note. De même Deut., xxvii, 4, Jacques, comme le Samaritain, substitue le mont Garizim au mont Hébal et ajoute une longue note pour justifier cette leçon. En d’autres endroits, on constate que Jacques lisait certains mots hébreux autrement que les Massorètes. Nous avons constaté aussi qu’en Exod., xxviii, 22-29, et xxxvi, il suit le texte hébreu (ou celui de la Peschito). En somme, il voulut donner au vin » siècle une édition critique du Pentateuque basée sur les textes hébreu, grec, syriaque et samaritain. Notons encore que Jacques fut le père de la Massore syrienne. Voir Massore.

III. Ses traductions.

Jacques d’Édesse traduisit du grec en sjriaque en particulier les homélies de Sévère

d’Antioche qui traitent explicitement ou incidemment de nombreux sujets scripturaires, et la légende des Réchabites que nous avons éditée : Les fils de Jonadab, fils de Réchab, et îles les Fortunées, Paris 1899. Les descendants de Réchab, d’après cette légende, habitent dans une lie au milieu de l’Océan. Voir Réchabites.

IV. Son Hexaméron.

Le commencement de la Genèse avait déjà offert à plusieurs écrivains grecs un cadre commode pour y placer toutes leurs connaissances scientifiques ; Jacques d’Édesse, à l’imitation sans doute de Jean Philoponus d’Alexandrie, fut le premier qui introduisit ce genre chez les Sj riens ; son Heiaméron, commentaire sur les six jours de la création, servit de modèle à Moïse bar Képha, Emmanuel bar Schahharé, Jacques de Bartela, etc. Il est conservé dans quatre manuscrits : à Lyon (ms. daté du 8 mars 837), à Leyde, à Glasgow et à Paris (ce dernier est fragmentaire). Il a été étudié par l’abbé P. Martin, dans le Journal asiatique, 1888, t. xi, p. 155-219, 401-490, et par M. Hjelt : Etudes sur l’Hexaméron de Jacques d’Édesse, notamment sur les notions géographiques contenues dans le 3e traité, Helsingfors, 1892. Il est divisé en sept traités : 1° de la première création intellectuelle et incorporelle des puissances célestes et angéliques ; 2° de la création du ciel et de la terre et de tout ce qu’ils renferment, c’est-à-dire de la seconde création, corporelle et matérielle, des quatre éléments différents : la terre, l’eau, l’air et le feu ; 3° de la terre, qui sortit des eaux, apparut sèche et fut adaptée à la demeure de l’homme par l’ordre de Dieu ; des mers, des golfes, des îles, des lacs, des fleuves, des montagnes célèbres et grandes ; des semences, des racines et des arbres que Dieu fit pousser sur la terre ; 4° des astres que Dieu créa dans le firmanent des cieux ; 5° des animaux et des reptiles, que Dieu fit naître dans les eaux, et des oiseaux, qu’il fit également de la nature de l’eau ; 6° des animaux domestiques et sauvages, et des reptiles de la terre ; 7° de l’homme que Dieu créa à son image et qu’il constitua comme un autre monde, grand et merveilleux, dans ce petit monde. On trouve, çà et là, des citations de l’Écriture, faites d’après la revision de Jacques d’Édesse, et quelques détails personnels à l’auteur. On apprend en particulier, qu’au moment où il écrivait le cinquième traité, il avait soixante et quinze ans, et comme une autre note nous apprend qu’il mourut (en 708) pendant qu’il écrivait le septième traité, et que Georges, évêque des Arabes, son correspondant et ami, dut terminer son œuvre, il s’ensuit que Jacques d’Édesse naquit en 633, et non vers 640, comme on avait cru pouvoir le conclure d’un autre synchronisme donné par Bar Hébræus. — On a démontré depuis, que la géographie de Jacques d’Édesse était empruntée à Ptolémée, mais cet Hexaméron n’en demeure pas moins un tableau fidèle et intéressant des connaissances scientifiques chez les Syriens au vire siècle, qui eut grande influence sur la littérature postérieure.

V. Ses commentaires.

En sus de ce grand travail sur le commencement de la Genèse, Jacques d’Édesse composa encore des commentaires et des scolies sur l’Ancien et sur le Nouveau Testament qui sont cités parles auteurs postérieurs, par Jacques (Denjs) Bar Salibi, par Bar Hébræus et par le moine Sévère ; quelques-unes de ces scholies ont été publiées dans l’édition romaine des œuvres de saint Éphrem, t. iet n ; d’autres l’ont été par Philips d’après les mss. de Londres, add. 14483 et 17193 : Scholia on sonie passages of the Old Testament by Mar Jacob, Londres, 1864, et par Nestlé, Jacob von Edessa uber den schem hammephorasch, und andere Gottestament dans la Zeitschrift der deutschen morgent ândischen Geseltschaft, t. xxxii, 1878, p. 465. — On trouve aussi de nombreuses questions relatives à la Sainte Écriture dans ses lettres, encore inédites pour la plupart et contenues dans le manuscrit de Londres add. 12172. L’une a été publiée par M. Schroder dans

la Zeitschr. der deustch. morg. Gesellsch., 1870, t. xxiv, p. 261-300. Jacques d’Édesse montre que deux homélies sur la création attribuées à Jacques (de Sarug) sont l’œuvre d’un faussaire et même d’un hérétique. Deux autres l’ont été par M. Wright, Journal of Sacred Literature, 4e série, t. x, p. 430-461. Jacques y répond aux questions posées par son correspondant sur Gen., xv, 13 ; sur l’écriture avant Moïse ; sur la femme éthiopienne mentionnée Num., xii, 1 ; sur Job, ii, 6 ; sur Béhémoth ; sur Zacharie mentionné Matth., xxiii, 35 ; sur les auteurs des psaumes ; sur divers hérétiques, etc. Enfih nous avons commencé une édition des lettres de Jacques d’Édesse à Jean le Stylite en publiant, dans la Revue de l’Orient^ chrétien, suppl. trim. J900, la Lettre de Jacques d’Édesse à Jean le Stylite sur la chronologie biblique et la date delanaissance du Messie ; dans cet écrit, Jacques apprend à son correspondant que l’ancienne chronologie biblique est artificielle, on l’a obtenue en additionnant les dates données par la Bible et, comme ces dates diffèrent avec les versions et les exemplaires, il n’y a pas deux chronologistes qui soient d’accord ; d’ailleurs Eusèbe s’est trompé de trois ans dans le comput des rois de Syrie, et la naissance de N.-S. doit être placée l’an 309 et non l’an 312 de l’ère des Séleucides. — Jacques d’Edesse a encore composé d’autres écrits dont nous n’avons pas à nous occuper ici. — Voir Assémani, Bibl. orient., t. i, p. 468 ; t. ii, p. 335 ; Rubens Duval, La litt. syriaque, Paris, 1899, p. 70-71, 77, 376-378.

F. Nau.

    1. JACQUES DE SARUG##


7. JACQUES DE SARUG, théologien et poète syrien, né à Kourtam, sur l’Euphrate, probablement dans le district de Sarug, vers 451, mort à Balnan, principale ville du même district, le 29 novembre 521. Il fut longtemps périodeute (chorévêque) de Haura (Havra’), et fut nommé évêque de Batnan (ville qui, plus tard, fut appelée Sarug) en 519, à l’âge de 68 ans.

C’est par ses poèmes surtout que Jacques de Sarug excita l’admiration des Syriens. Il fut appelé « la flûte du Saint-Esprit, la harpe de l’Église orthodoxe, le docteur de la vérité, la colonne spirituelle ». Ses homélies métriques étaient au nombre de 760 (alias 763) et soixante-dix scribes étaient, dit-on, occupés à les copier, sans parler de ses autres ouvrages : lettres, interprétations, instructions, hymnes et cantiques. « Le Saint-Esprit, qui l’avait choisi, dit l’un de ses biographes, lui donna de révéler les mystères et les arcanes des Livres Saints. Il expliqua tout l’Ancien et le Nouveau Testament, et ses explications éclairent l’esprit de tous les sages. » Ces explications ne sont cependant pas des commentaires proprement dits, mais sont contenues dans des homélies métriques qui ont pour objet divers passages de la Bible. La première composition qui attira l’attention sur Jacques fut une homélie sur le char d’Ézéchiel. L’homélie qui nous reste sous ce titre ne renferme pas moins de 1400 vers. Cette prolixité est le défaut principal de Jacques de Sarug.

Il consacra sa vie à l’étude et se tint éloigné des polémiques religieuses qui agitaient alors l’Orient. Il ne tut donc pas poursuivi et exilé par Justin I er comme le furent Sévère d’Antioche, Philoxène de Mabbug et Paul d’Édesse. D’ailleurs le mystère de l’union (des natures divine et humaine en N.-S. ne faisait pas l’objet direct des homélies de Jacques de Sarug, ou du moins le manque de précision des termes employés permettait d’interpréter en sens divers les passages qui avaient trait à l’Incarnation ; aussi la doctrine de Jacques fut-elle longtemps regardée comme catholique. Cette thèse a été soutenue par Assémani, Matagne, Bickell, Abbeloos et Lamy. Néanmoins, Jacques était aussi réclamé par les monophysites, et l’abbé P. Martin a montré que ses sympathies avaient été pour ces hérétiques, et qu’il doit être rangé parmi les adversaires du concile de Chalcédoine. Cf. P. Marlm, Un évêque poète au V et au ri’siècle, ou Jacques de Sa

rug, sa vie, son temps, ses œuvres, ses croyances, dans la Bévue des sciences ecclésiastiques, 4e série, - 1. ai, oct.nov. 1876, p. 309, 385. Voir aussi la correspondance de Jacques de Sarug avec les moines du couvent de Mar Bassus près d’Apamée, éditée avec traduction française par l’abbé Martin dans la Zeitschrift des deutschen niorgent ândischen Gesellschaft, 1876, t. xxx, p. 217-275. D’ailleurs Jacques était du nombre des évêques qui, sous Justin I tr, consacrèrent Jean de Telia, un fervent monophysite. Voir Kleyn, Het Leven van Joh. van Telia, Leyde, 1882, p. vii, 31.

La plupart des œuvres de Jacques de Sarug existent encore, inédites, dans les manuscrits syriaques du Vatican, du British Muséum, de Paris, d’Oxford et de Berlin. Ms r Graffin a réuni des transcriptions et des photographies de ces manuscrits pour en donner une édition complète. Les homélies relatives à la Bible seront rangées dans l’ordre des livres et des récits qu’elles commentent. Citons, parmi les ouvrages édités, l’homélie sur le char d’Ezéchiel, publiée par Mœsinger, Monumenla syriaca, t. ii, p. 761, et par Cardohi, Liber Thesauri, Rome, 1875, p. 13 ; Sechs Homihen des h. Jacob von Sarug, traduites par Zingerle, BonD, 1867. Zingerle a aussi publié l’homélie sur Thamar, Sermo de Thamar, Inspruck, 1871, et Bickell a traduit en allemand quelques homélies dans la Bibliothek der Kirchenvâter de Thalhofer, n. 58, Kempten, 1872. Wenig en avait édité deux dans Hchola syrxaca, Inspruck, 1866, etc. — Voir Bar Hébræus, Chronicon ecclesiasticum, in-8°, Louvain, 1872-1877, t. i ; Assemani, Bibhotheca orientahs, in-f », Rome, 1719-1728, 1. 1, 283-340 ; t. ii, 321 ; t. iii, 385-388 ; Acta sanctorum, octobris t. xii, p. 824-831, 897 ; Abbeloos, De vita etscriptis sancti Jacobi Batnarum Sarugi in Mesopotamia episcopi, in-8°, Louvain 1867 ; Rubens Cuvai, La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 352-356.

F. Nau.

JAOA (hébreu : Yâdâ’; Septante : ’IaSaé et AaSai), de la tribu de Juda, second fils d’Onam, fils lui-même de Jéraméel et de sa seconde femme Atara. Voir Atara, t. l, col. 1 199. Le frère aîné de Jada s’appelait Séméi. Il eut pour fils Jéther et Jonathan. I Par., ii, 28, 32.

    1. JADAÏA##

JADAÏA (hébreu : Yeda’eyâh ; Septante : ’USovi.) chef, du temps de David, de la seconde classe sacerdotale. Ses descendants revinrent à Jérusalem après la captivité de Babylone. I Esd., ii, 36. Il est appelé ailleurs dans la Vulgate Idaîa, Jédéia, etc. VoirlDAiA 2, col. 806.

    1. JADASON##


JADASON, rivière mentionnée une seule fois dans Écriture, Judith, l, 6 ; et encore ne se trouve-t-elle que dans la Vulgate, car le texte grec porte Têaum) ?, l’Hydaspe. Ce dernier nom est lui-même une erreur évidente de transcription. Nous lisons, en effet, dans le grec, plus développé et plus exact que la version latine : « En ces jours-là, le roi Nabuchodonosor fit la guerre au roi Arphaxad dans la grande plaine qui est sur les confins de Ragaù ; et se joignirent à lui tous les habitants du district montagneux et tous les habitants des bords de l’Euphrate, et du Tigre, et de l’Hydaspe. » Or l’Hydaspe, la Vitasld de la géographie sanscrite, est une grande rivière de l’extrémité nord-ouest de l’Inde, appelée aujourd’hui Djélani, le plus occidental des quatre grands tributaires du Sindh ou Indus qui arrosent le Pendjab. L’énorme distance qui la sépare du Tigre et de l’Euphrate, aussi bien que des autres contrées signalées dans le récit, empêche de compter ses riverains parmi les peuples qui s’allièrent aux Assyriens pour combattre les Mèdes. Il est donc certain qu’il y a dans le texte une faute de copiste. Si l’on cherche dans la région indiquée ici un nom qui se rapproche de’l"îâ « nic> on trouvera facilement Xoiffmn et l’on comprendra que les deux aient pu être aisément confondus. Le Choaspès des Grecs est généralement identifié avec la Kerkha, en

turc Kara-sou, rivière de la région occidentale de la Perse, affluent gauche du Schatt-el-Arab, qu’il rejoint à une petite distance en aval du confluent de l’Euphrate et du Tigre. Son cours, qui est d’environ 600 kilomètres, ne baigne aucune cité considérable, mais seulement de rares villages et des ruines, parmi lesquelles celles de Roudbar, datant des Sassanides, et celles de Suse, l’ancienne capitale de la Perse. Nous arrivons à la même conclusion en suivant la version syriaque, qui, au lieu de’Yôi<jm)£, donne Ulai ; c’est le >W, ’Ulâi, de Daniel,

T

vin, 2, fleuve du pajs d’Elam, le nâr XJ-la-ai des inscriptions assj riennes, rEOiatoç, Eulieus, des Grecs et des Romains. Un certain nombre d’auteurs l’identifient aec le Choaspès ou la Kerkha ; d’autres cependant l’assimilent au Karûn ou Kurân, qui vient aujourd’hui déboucher en aval de Bassorah, dans le Schatt-el-Arab, par conséquent un peu au-dessous du premier. Voir Ulaï.

A. Legendre.
    1. JADDO##

JADDO (hébreu : Iddô ; Septante : ’IaSai), fils de Zacharie, chef de la tribu de Manassé transjordanique au temps de David. I Par., xxvii, 21.

    1. JADIAS##

JADIAS (hébreu : Yéhdeyâhû, « union de Jéhovah [ ?] ; » Septante : ’IaStaç), serviteur de David, originaire d’une localité inconnue appelée Méronath. Le roi lui avait confié le soin de ses ânesses, d’après l’hébreu (les Septante et la Vulgate lisent ôvwv et asmos, « les ânes » ). I Par., xxvii, 30. — Un autre Israélite, qui portait le même nom en hébreu, est appelé dans la Vulgate Jéhédéia. [ Par., xxiv, 20.

    1. JADIEL##


JADIEL, nom de deux Israélites. La Vulgate écrit ce nom Jadihel, excepté dans I Par., vii, 6. Voir Jadihel 1.

    1. JADIHEL##

JADIHEL (hébreu : Yedî’â'ël, « que Dieu connaisse » ), nom de trois ou de quatre Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate appelle deux d’entre eux Jadihel et elle appelle Jédihel les deux qui sont nommés dans I Par., xi, 45, et xii, 20. Voir Jédihel.

1. JADIHEL (Septante : ’leS(^À), fils de Benjamin et petit-fils de Jacob. I Par., vii, 6, 10, 11. Son nom est écrit Jadiel dans I Par., vii, 6. Il est nommé ici comme le troisième (ou plutôt le second fils) de Benjamin, tandis que, Gen., xlvi, 21, le troisième filsde cepatriarche (ou le second, voir Béchor, - t. i, col. 1636) est appelé Asbel. Asbel est dit le second fils de Benjamin, dans I Par., viii, 1, et il est probablement le même que Jadihel. Ses descendants, du temps de David, étaient au nombre de 17200 capables de porter les armes. I Par., vu, 11. Voir Benjamin 1, t. i, col. 1589.

2. JADIHEL (Septante : ’Ia8tY)X), lévite, second fils de Mésélémia, descendant de Coré, un des portiers de la maison de Dieu du temps de David. I Par., xxvi, 2.

    1. JADON##

JADON (hébreu : Yâdôn, « juge ; v » Septante : Eùdepwv ; il est omis dans les manuscrits Valicanus, Alexandrinus, Sinaiticus), un de ceux qui, après le retour de la captivité, du temps de Néhémie, travaillèrent avec les Gabaonites et lesgensdeMaspha à la reconstruction des murs de Jérusalem. Il était de Méronath. II Esd., iii, 7.

    1. JAFFA##

JAFFA, ville de Palestine. Voir Juppé.

    1. JAGER Jean Nicolas##


JAGER Jean Nicolas, prélat français, né à Grening (Moselle) le 17 juin 1790, mort à Paris le 5 février 1868. Après de bonnes études au collège ecclésiastique d’Isming, Jager entra, en 1809, au grand séminaire de Nancy où il reçut la prêtrise en 1813. Il devint ensuite pro-secrétaire de l’évêché de Nancy, puis supérieur, après Rohrbacher, du collège d’Isming. En 1810 il fonda à Vie une maison d’éducation et la dirigea jusqu’en . Royer-Collard le nomma alors principal du collège de Phalsbourg. À la demande de Mo r de Croy, grand-aumônier de France, l’abbé Jager accepta les fonctions d’aumônier du 9 « régiment de ligne (1820) en résidence à Phalsbourg, et fit en cette qualité l’expédition d’Espagne (1823). Au retour il fut nommé chapelain des Invalides à Paris (1825), et enfin, en 1841, professeur d’histoire ecclésiastique à la faculté de théologie de la Sorbonne, fonctions qu’il conserva jusqu’à sa retraite forcée, en 1857. Pie IX lui conféra, en 1863, la dignité de camérier secret, pour le récompenser de ses travaux qui ne furent interrompus que par la mort. — On a de lui, outre des travaux historiques : Vêtus Testamentum grsecum, cura J.N. Jager, 2 in-4°, Paris, 1855, avec une traduction latine en regard ; 1 in-4°, texte grec seul. Le texte grec et la version latine sont la reproduction de l’édition de Caraffa, ainsi qu’il est dit dans la préface, 1. 1, p. v ; Novum Testamentum grsece et latine in antiquis testîbus textum versionis Vulgatse latinse indagavit, lectionesque variantes Stephani Griesbachii notavil, venerabili Jager in consilium adhibito, Constantius Tischendorf, in-4 « , Paris, 1842, 1851, 1861. — La Sainte Bible (Ancien et Nouveau Testament), Traduction de Sacy, revue et corrigée sur les textes originaux, in-f°, Paris, 1838-1844 ; cette édition monumentale est enrichie de 48 gravures reproduisant les chefs-d’œuvre de Raphaël et de Rubens ; la même, 3 in-4°, avec 32 gravures, Paris, 1843. L’abbé Jager a aussi traduit l’Histoire de N.-S. Jésus-Christ et de son siècle, par le comte de Stolberg, in-12, Paris, 1842 ; 3e édit., 1858. - Voir J. E. Darras, Mgr Jager, notice biographique, in-8°, Paris, 1808.

0. Rey.

    1. JAGUR##

JAGUR (hébreu : Yâgâr, « hôtellerie ; » Septante, Vaticanus : ’Aiivp ; Alexandrinus : ’Iayoûp), ville de la tribu de Juda, située à l’extrémité méridionale, « près des frontières d’Édom. » Jos., xv, 21. La troisième de l’énumération, dans laquelle elle se trouve entre Éder et Cina, elle n’est mentionnée qu’en ce seul endroit de l’Écriture. Comme la plupart des autres cités de ce premier groupe, elle est restée jusqu’ici complètement inconnue. Les Talmuds signalent, il est vrai, dans les environs d’Ascalon un endroit appelé Yâgûr, cf. A. Noubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. C9 ; R. J. Schwarz, Dos heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 70, qui est sans doute représenté par El-Djûr ou Djûrah, au nord-est et tout près OCAsqalàn ; mais la situation ne répond aucunement à celle de l’antique

cité de la tribu de Juda.
A. Legendre.

JAHADDAl’(hébreu : Yàhedaï ; Septante : ’AB8a<), homme de la tribu de Juda dont les six enfants sont énumérés I Par., ii, 47. Le nom de son père ne figure pas dans les généalogies de ce chapitre, contrairement à l’usage, ce qui donne lieu de supposer qu’ily a une lacune dans le texte.

    1. JAHALA##

JAHALA (hébreu : Va’âlâ’; Septante : ’Ie^X), Nathinéen ou esclave de Salomon, dont les descendants retournèrent de la captivité de Babylone avec Zorobabel. II Esd., vii, 58. Il est appelé Jala dans I Esd., ii, 56.

    1. JAHATH##

JAHATH (hébreu : Yahat), nom de cinq Israélites dans le texte hébreu. Quatre seulement portent le nom de Jahath dans la Vulgate. Le cinquième, I Par., xxiii, 1011, par une erreur de lecture, est devenu Léheth dans notre version latine. Voir Léheth.

1. JAHATH (Septante : ’K6), fils de Raïa, père d’Ahumai et de Laad, de la tribu de Juda. I Par., iv, 2.

2. JAHATH (Septante : ’Iéfl), lévite, fils de Lobni et j>etit-fils de Gersom. I Par., vi, 20. Il fut un des ancêtres d’Asaph, ꝟ. 39-43. Au J. 43, la Vulgate l’appelle Jeth.

3. JAHATH (Septante : ’156), lévite, fils de Salémoth, de la famille de Caath, chef des Isaarites du temps de David. Voir Isaarite, col. 936.

4. JAHATH (Septante : lie), lévite, de la famille de Mérari, l’un des chefs qui dirigèrent les travaux de réparation du temple de Jérusalem sous le régne de Josias. II Par., xxxiv, 12.

    1. JAHAZIEL##

JAHAZIEL (hébreu : YahâzVël, « que Dieu voie » ), nom, dans le texte hébreu, de cinq Israélites. Dans la Vulgate, deux d’entre eux sont appelés Jahaziel ; le troisième est appelé Jéhéziel, I Par., xii, 4 ; le quatrième Jaziel, I Par., xvi, 6 ; et le cinquième Ézéchiel. I Esd., vin, 5. Voir ces mots.

1. JAHAZIEL (Septante : ’IeCi^X), lévite, de la famille de Caath, le troisième fils d’Hébron. I Par., xxiii, 19. Voir HÉBRON 1, col. 553. Il vivait du temps de David.

2. JAHAZIEL (Septante : ’Ol^X), lévite, fils de Zacharie, descendant d’Asaph, qui vivait du temps de Josaphat, roi de Juda. Il lui prédit la victoire, lorsque ce prince marcha contre les Moabites et les Ammonites. II Par., xx, 14-17. Les Moabites et les Ammonites s’entre-tuèrent en effet les uns les autres, et l’armée de Josaphat n’eut qu’à recueillir leurs dépouilles, ꝟ. 22-25.

    1. JAHEL##

JAHEL (hébreu : Yâ’êl ; Septante : ’Ia^X), femme du Cinéen Haber. Nous ne savons rien concernant Haber, sinon que la paix existait entre sa maison et Jabin, roi d’Azor, à l’époque où Débora et Barac mirent fin à la servitude des Hébreux, opprimés depuis vingt ans par ies Chananéens. Jud., iv, 17. Quant à Jahel, elle est restée célèbre par l’acte viril qui compléta la victoire des Israélites sur les Chananéens et enleva aux ennemis du peu pie de Dieu tout espoir de revanche. Le fait est raconté dans Jud., iv, 17-22. Sisara, fuyant du champ de bataille où son armée avait été anéantie, était parvenu jusqu’à la tente de Jahel. La Cinéenne alla au-devant de lui et l’engagea à entrer chez elle en l’assurant qu’il n’aurait rien à craindre dans cet asile. Le général chananéen entra donc et Jahel le cacha en le couvrant d’un semîkâh, « couverture » (Vulgate : pallium, « manteau » ). Dès que Sisara commença à goûter un peu de repos, il éprouva une grande soif, causée par la fatigue du combat et sa fuite précipitée ; il demanda de l’eau à Jahel. Celle-ci ouvrit une outre qui contenait du lait, lui en fit boire et le recouvrit de nouveau du manteau. Débora, Jud., v, 25, parle de lait et de beurre ou de crème présentée dans « la coupe des princes » ; mais la seconde partie du vers est une répétition synonymique de la première. Jud., IV, 19. Les voyageurs modernes qui ont reçu l’hospitalité sous la tente des Arabes y ont mangé du lait caillé ayant une certaine propriété soporifique et qu’on appelle lében. Certains ont pensé que c’est le rafraîchissement que Jahel donna au général chananéen. Sisara, ayant bu, recommanda à Jahel de se tenir devant la porte de la tente et d’écarter par une réponse négative quiconque voudrait savoir s’il y avait quelqu’un à l’intérieur. Il ne tarda pas à s’endormir, t. 21. Jahel prit alors un marteau et un des clous qui servaient à fixer la tente, s’avança avec précaution et silencieusement, plaça la poir_.e du clou sur la tempe de Sisara et, d’un coup de marteau, l’enfonça avec tant de force qu’il traversa le crâne et atteignit le sol. Sisara mourut sur le coup, non toutefois sans s’être agité dans une convulsion suprême, si les paroles de Débora, Jud., v, 27, ne sont pas une expression poétique. En ce moment, comme l’avait prévu le général de Jabin, survint Barac qui s’élait mis à sa poursuite. Jahel s’avança vers lui et lui dit : « Venez, je vais vous montrer l’homme ue vous cherchez. » Barac vît en ellet le coi’ps de Sisara

étendu par terre avec le clou encore enfoncé dans la tête. Jud„ iv, 17-22.

L’historien des Juges raconte l’action de Jahel sans l’approuver ni la blâmer. Beaucoup l’ont condamnée comme une violation des lois de l’hospitalité et une perfidie aggravée encore par cette circonstance qu’il y avait un traité de paix entre Jabin et la maison d’Haber. On va même jusqu’à accuser Jahel d’avoir attiré Sisara dans un guet-apens dressé d’après un plan prémédité. Ce dernier grief est une hypothèse toute gratuite, en contradiction formelle avec le récit. Jahel ignorait que Sisara viendrait lui demander asile.

Pour ce qui regarde le traité de paix, le livre des Juges, iv, 17, dit seulement : « Il y avait la paix entre Jabin, roi d’Azor, et la maison d’Haber le Ginéen, » locution qui signifie simplement que les rapports étaient bons entre le roi chananéen et le mari de Jahel. Cf. IV Reg., ix, 17-19. Cette circonstance valait la peine d’être notée ; car, étant donné l’étroite amitié qui existait entre les Cinéens et les Israélites depuis le temps de Moïse, voir Cinéens, t. i, col. 768-769, il semblait que Haber aurait dû prendre part au soulèvement du peuple de Dieu, et l’historien place ici cette observation pour expliquer la confiance de Sisara en la parole de Jahel. Ce qu’il y a de vrai dans l’accusation de perfidie contre Jahel, c’est qu’elle viola, en effet, la parole donnée et qu’elle tua Sisara de sa propre main après lui avoir promis de le dérober aux coups de ses ennemis. Mais on comprend sans peine comment dut se l’aire ce revirement dans les dispositions de la courageuse Cinéenne, lorsqu’elle vit endormi à ses pieds lechef des oppresseurs d’un peuple qui était en quelque sorte son peuple ; le tuer, c’était achever l’affranchissement des Hébreux et garantir pour l’avenir la sécurité de sa propre famille. Un élan de patriotisme lui inspira alors cet acte de vaillance qui mérita d’être chanté par Débora. Jud., v, 24-27. Il est comparable à tant d’autres que les historiens rapportent avec éloge dans les annales de l’antiquité profane. Les commentateurs catholiques justifient généralement la conduite de Jahel, non en elle-même, mais à cause de ses intentions. E. Palis.

    1. JAHÉLEL##

JAHÉLEL (hébreu : Yafrle’êl, « qui se confie en Dieu ; » Septante : ’Axw^X/, petit-fils de Jacob, le troisième fils de Zabulon. Gen., xlvi, 14 ; Num., xxvi, 26. Il fut le chef de la famille des Jalélites. Dans Nuiï.., xxvi, 26, les Septante l’appellent’AXX ?jX, et la Vulgate Jalel. On ne connaît de lui que son nom.

    1. JAHIEL##

JAHIEL (hébreu : Yefri’êl ; Septante : ’IeVriX), nom, dans le texte hébreu, de onze personnes. Huit d’entre elles sont appelées Jahiel dans la Vulgate ; elle écrit le nom des trois autres Jéhiel. I Esd., x, 2, 21, 26.

1. JAHIEL (Septante : ’Is’e^X), lévite qui vivait du temps de David. Il fut un de ceux qui accompagnèrent l’arche en jouant du nable lorsqu’elle fut transportée de la maison d’Obédédom sur le mont Sion. I Par., xv, 18, 20. Plus tard, il fit partie du chœur d’Asaph. IPar., xvi, 5.

2. JAHIEL (Septante : ’Ieïrp.), lévite de la famille de Gerson, qui vivait du temps de David. Il était le chef des Benê-Laadan (Vulgate : « fils de Léédan » ), I Par., xxiii, . 8, et la garde des trésors de la maison de Dieu lui fut confiée. I Par., xxix, 8 ; cf. xxvi, 21-22, où lui-même ou bien sa famille est mentionnée sous le nom de Jéhiéli. Voir Jéhiéli.

3. jahiel (Septante : ’IerçX), fils d’Hachamoni (voir ce mot, col. 388). Dans la liste des fonctionnaires du roi David, il est dit de lui et de Jonathan, oncle de David, qu’« ils étaient avec les fils du roi », c’est-à-dire probablement chargés de les diriger et de les élever. I Par., xxvii, 32.

4. JAHIEL (Septante : ’Ieïifa), troisième fils de Josaphat, roi de Juda, et frère de Joram, successeur de Josaphat. Son père lui avait donné de grandes richesses, ainsi qu’à ses autres frères, mais Joram les fit tous mettre à mort après son avènement au trône. II Par., xxi, 2-4.

5. JAHIEL (Septante : ’Ieïr, ).), lévite de la famille de Caath, descendant d’Élisaphan. Il vivait du temps d’Ézéchias et prit part à la restauration du Temple au commencement du règne de ce roi. II Par., xxix, 13.

G. JAHIEL (Septante : ’Ieïr, ), ), lévite descendant d’Héman qui prit part aux travaux de purification et de restauration du temple de Jérusalem au commencement du règne d’Ézéchias. Il Par., xxix, 14. C’est probablement ce Jahiel ou bien Jahiel 5 qui est nommé dans Il Par., xxxi, 13, parmi les lévites préposés à la garde des prémices et des dîmes offertes au Temple.

7. JAHIEL (Septante : ’IeiYJX), un des chefs du temple de Jérusalem à l’époque des réformes de Josias, roi de Juda. Avec Helcias et Zacharie, il donna aux prêtres deux mille six cents (brebis) et trois cents bœufs pour la célébration de la fête de Pâques. II Par., xxxv, 8.

8. JAHIEL (§eptante : ’Ieï/jX), descendant de Joab et père d’Obédia. Obédia était le chef d’une des familles qui revinrent avec Esdras de la captivité au nombre de 218 personnes. I Esd., viii, 9.

    1. JAHN Johann##


JAHN Johann, exégète et orientaliste catholique autrichien, né à Taswitz en Moravie, le 18 juin 1750, mort à Vienne (Autriche) le 16 août 1816. Après avoir fait ses études au gymnase de Znaym, à l’université d’Olmutz et au séminaire de Bruck, il reçut la prêtrise et exerça quelque temps les fonctions ecclésiastiques à Mislitz. En 1782, il obtint le grade de docteur à Olmutz et enseigna les langues orientales et l’herméneutique biblique à Bruck. Sa connaissance des langues et le succès qu’il eut dans son enseignement ne tardèrent pas à le rendre célèbre, et en 1789 il fut appelé à l’université de Vienne en qualité de professeur de langues orientales, de dogmatique et d’archéologie biblique. Il occupa sa chaire pendant dix-sept ans avec beaucoup d’éclat, mais la hardiesse de ses opinions finit par la lui faire perdre. On lui reprocha de soutenir que les livres de Job, de Jonas, de Tobie et de Judith n’étaient que des poèmes ou des fictions édifiantes, et que les démoniaques de l’Ancien Testament n’étaient que de simples malades. Le cardinal Migazzi déposa contre lui, en 1792, une plainte devant l’empereur François II ; une commission fut instituée pour examiner les griefs qu’on lui reprochait ; elle lui recommanda d’être plus réservé à l’avenir et de réformer les opinions incriminées. De nouvelles plaintes s’étant élevées contre Jahn, à la suite de la publication de quelques-uns de ses ouvrages, il fut destitué en 1806 et nommé chanoine de l’église métropolitaine de Saint-Étienne à Vienne, dignité qu’il garda jusqu’à sa mort.

— Il publia des grammaires, des chrestomathies, des vocabulaires de plusieurs langues orientales. Ses écrits relatifs à la Bible sont : Emleitung in die gôttlichen Bûcher des Allen Bundes, 1 in-8° en 2 tomes, Vienne, 1793 ; 2e édit., considérablement augmentée, i r « part., 1802 ; il » part., 1803 ; Biblische Archaologie mit Kupfern, 5 in-8°. Vienne, 1797-1805 ; les tomes I et n ont eu une seconde édition, 1817 et 1818 ; Bibha hebraica digessit et graviores lectionum varietates adjecit, 4 in-8°, Vienne, 1806 ; Introductio in hbros sacros Veteris Testamenti in compendium redacta, in-8°, Vienne, 1804 ; Archseologia bibhca in compendium redacta, in-8°, Vienne, 1806 ; 2e édit., 1814 ; Enchiridion hermeneuticæ gêneralis tabularum Veteris et Novi Fœderis, in-8°, Vienne, nos

JAHN — JAÏRE

1110

1812 ; Appendix hermeneuticx, seu exercitationes exegelicæ (Vaticinia de Messia), fasc. 1, 1813 ; fase. ii, 1815. Ces quatre derniers ouvrages furent mis à l’Index par un décret du 26 août 1822. Après sa mort, on publia, d’après ses manuscrits, Nachtrâge zu Jahns theologischen Werken nach seinem Tode ausgegeben von eînem seiner Freunden, in-8°, Tubingue, 1821, où se trouvent, entre autres, six dissertations sur divers sujets bibliques. Son successeur à la chaire de l’université de Vienne, L. Ackermann, publia, en 1825 et 1826, une nouvelle édition corrigée de VIntroduclio et de VArchscologia de Jahn. Voir Ackermann, t. i, col. 149 ; K. Werner, dans l’Attgemexiie deutsche Biographie, t. xill, 1881, p. 665 ; Id., Geschichte der neuzeitlichen christlich-kirchlichen Apologehk, in-8°, Schaffouse, 1867, p. 417.

F. Vigouroux.

    1. JAHVÉH##


JAHVÉH. Voir Jéhovaii.

à celle de Machir, dont l’importance était si considérable que son nom sert quelquelois à désigner la tribu de Manassé. I Par., ii, 21. — Jair se distingua par ses exploits dans la conquête de la Terre Promise à l’est du Jourdain. Il réussit à s’emparer d’un pays de très difficile accès et occupé par des Repliai m ou géants ; on l’appelait alors le paysd’Argob ; c’est le Ledjah actuel. Deut., m, 14. Voir Argob, t. i, col. 950. Jair donna aussi son nom (Havoth Jair) à plusieurs villages du royaume de Basan. Num., xxxii, 41 ; Deut., iii, 14 ; I Par., ii, 23. Voir Havoth Jair, col. 457. — L’histoire de ses descendants ne nous est pas connue ; il est cependant possible qu’il fut l’ancêtre de Jair 2, l’un des juges d’Israël, et d’Ira le Jaïrite. Voir Ira 1, col, 921, et Jairite, col. 1111. C’est sans raison que des exégètes modernes veulent confondre Jair, fils de Ségub, avec Jair de Galaad dont l’histoire est toute différente. Voir Jair 2.

JAIR (hébreu : Ya’ir, « qui brille ; » Septante : l « tp), 2. JAIR, de Galaad, juge d’Israël pendant vingt-deux

202. — Résurrection de la fille de Jaïre. Antique sarcophage d’Arles. D’après Edm. Le Blant, Étude sur les sarcophages chrétiens antiques de la ville d’Arles, 1868, pl. xvit.

nom de trois Israélites dans l’Ancien Testament. Jaïre, le chef de la synagogue dont la fille lut ressuscitée par Notre-Seigneur, Marc, v, 22, portait ce même nom ; mais les écrivains du Nouveau Testament ayant donné aux noms bébreux une forme déclinable, tandis que les Septante les avaient traités comme des mots indéclinables, le nom du chef de la synagogue est devenu en français Jaire. Le nom du père de Mardochée est écrit aussi une fois Jaire. Voir Jair 3. — Un autre Israélite, dont le nom peut se transcrire en français par Jair, s’appelait en hébreu Ya’îr, avec un am au lieu d’un aleph, « bois, bosquet. » Voir Jair 4.

1. JAÏR, fils de Ségub, descendant par sa mère de Manassé et par son père d’Hesron, de la tribu ds Juda. Cf. IPar., ii, 21-22. Son grand-père Hesron avait épousé une fille de Machir, père de Galaad, de la tribu de Manassé. I Par., vii, 14 ; ii, 21 ; cf. Gen., l, 22. C’est parce qu’il descendait par sa mère de Manassé et qu’il s’établit sur le territoire de cette tribu, à l’est du Jourdain, dans le pa} s qu’il avait conquis, que Jair est appelé « fils de Manassé » dans Num., xxxii, 41, et Deut., iii, 14 ; mais un souvenir de son origine paternelle de la tribu de Juda est peut-être resté dans la ville appelée Juda du Jourdain, dans Jos., XIX, 34. Cf. Matth., xix, 1. Voir Juda du Jourdain. Il était contemporain de Moïse et appartenait, comme on vient de le voir, par son origine à deux des familles les plus puissantes d’Israël, c’est-à-dire à celle de Juda, par son père, et, par sa mère,

ans. Le texte sacré nous apprend seulement qu’il avait trente fils, montés sur trente ânons, et qu’il possédait dans le pays de Galaad trente villes appelées Havoth Jair. L’écrivain hébreu fait un jeu de mots sur les mots « ânons » et « villes », qu’il appelle du même mot’âyârtm. La Vulgate ajoute que Jair appela « de son nom » les trente villes Havoth Jair, mais les mots « de son nom » ne se lisent ni dans le texte original ni dans les Ceptante. Ces Havoth Jaïr tiraient probablement leur nom de Jair, fils de Ségub, dont le juge d’Israël était peut-être un descendant. Voir JairI, et Havoth Jair, col. 458. Jair fut enterré à Camon. Jud., x, 3-5. Voir Camon, t. ii, col. 93. Aux détails donnés par l’Écriture, Josèphe, Ant.jud., V, vii, 6, ajoute que ce juge d’Israël était de la tribu de Manassé.

3. JAÏR, Benjamite, père de Mardochée, descendant de Cis et de Séméi. Esth., ii, 5 ; xi, 2. Dans ce dernier passage, que l’on n’a qu’en grec, le nom est écrit’Iocpoi ;, Jaïrus.

4. JAÏR (hébreu : Ya’îr [lien ; le chetib porte : Tirl ; Septante : ’Iotîp), père d’Elhanan. La Vulgate a traduit Elhanan par Adéodat, et Ya’îr par saltus, « bois. » Voir Adéodat, 1. 1, col. 215.

1. JAÏRE, père de Mardochée. Voir Jaïr 3.

2. J AÏRE(’Ideip o ;, voir IaïRjCoI. 1 109), chef de synagogue ;

{kpXiavvàfiù-foç ; voir Sïnagogue), dont Notre-Seigneur ressuscita la fille. Il est nommé par saint Marc, v, 22, et par saint Luc, viii, 41. Saint Mathieu, ix, 18-19, 2325, ne le désigne que par le titre d’apxwv, princeps, et ne raconte que sommairement le miracle. Les deux autres synoptiques entrent dans plus de détails. Lorsque le père alla implorer Jésus de sauver sa fille, elle était à l’extrémité, mais elle n’était pas encore morte. Jésus partit avec le père pour se rendre auprès de la malade. Chemin faisant, il guérit l’hémorrhoisse (voir col. 588). A ce moment, on vint annoncer au chef de la synagogue que sa fille était morte et qu’il était inutile de faire venir le Maître. Jésus dit au père de ne rien craindre, mais de croire que sa fille serait sauvée. Il ne laissa entrer dans la maison que Pierre, Jacques et Jean avec le père et la mère de l’enfant. On se lamentait àl’intérieur et l’on pleurait la mort de la jeune fille. « Pourquoi pleurez-vous ? leur dit Jésus, la jeune fille n’est pas morte, elle dort. » Marc, v, 39. On se moqua de ses paroles, mais lui, ayant fait sortir tout le monde, entra, avec ses trois disciples, le père et la mère, là où était la morte. Saint Marc, v, 41, par une rare exception dans les Évangiles, nous a conservé les propres paroles que prononça Notre-Seigneur dans la langue du pays, c’est-à-dire en araméen. La prenant par la main, il lui dit : Talithacumi ; « Jeune fille, lève-toi. » Aussitôt la jeune fille se leva et marcha et il ordonna qu’on lui donnât à manger. Elle était âgée de douze ans. — Aucun des Évangélistes ne nomme le lieu où s’accomplit le miracle. C’était probablement une ville située sur la rive occidentale du lac de Tibériade ou non loin de là. — Un antique sarcophage d’Arles (fig. 202) représente ce miracle de Notre-Seigneur. La morte est couchée sur un lit orné’de l’image d’un dauphin. À gauche, le père de la jeune fille, accompagné de suppliants, prie probablement Jésus assis de la guérir. À droite, le Sauveur la ressuscite en lui prenant la main. À côté du lit est l’hémorrhoisse. Cf. H. Detzel, Christliche Ikonographie, 2 in-8-, Fribourg-en-Brisgau, 1894-1896, t. i, p. 291 ; V. Schultze, Archéologie der altchristlichen Kunst, in-8°, Munich, 1895, p. 252.

    1. JAIRITE##

JAIRITE (hébreu : hay-Yâ’irî ; Septante : Iapsv ; Alexandrinus : à’IaEipd ; Vulgate : Jointes), surnom donné à Ira, kôhén de David. II Reg., xx, 26. Le sens ordinaire de kohén est celui de prêtre. S’il lallait l’entendre ici dans ce sens, il s’ensuivrait qu’Ira aurait été un descendant d’Aaron, et la signification de Jairite serait inexpliquée. Mais beaucoup de commentateurs admettent que kôhên peut signifier « conseiller » du roi ou « grand officier ». Le qualificatif de Jairite signifierait probablement dans ce cas descendant de Jair, fils de Ségub. Voir Ira 1, col. 921, et Jaïr 1, col. 1009. - Quelques critiques supposent qu’au lieu de Jairite il faudrait lire Jéthrite, c’est-à-dire de la ville de Jéther.

    1. JAKÉH##

JAKÉH (hébreu : Ydgé h /manque dans les Septante), nom du père d’Agur que la Vulgate a traduit par Vomens, « le Vomissant. » Prov., xxx, 1. Sur ce qu’il faut entendre par ce nom, voir Agur, 1. 1, col. 288, et Ithiel, col. 1039.

    1. JAKIM##

JAKIM (hébreu : Yâqim ; Septante : ’Iax(p)> nom de deux Israélites.

1. JAKIM, fils delSéméi, de la tribu de Benjamin, qui résidait à Jérusalem. I Par., viii, 19.

2. JAKIM, prêtre de la descendance d’Éléazar qui vivait du temps de David. Il fut le chef de la douzième famille sacerdotale. I Par., xxiv, 12.

JALA (hébreu : Ya’âlàh ; Septante : ’IerjXa ; Codex

Alexandrinus : ’IsXâ), chef d’une famille de Nathinéens. I Esd., ii, 56. Il est appelé Jahala dans II £sd., vii, 58. Voir Jahala, col. 1105.

    1. JALALÉEL##


JALALÉEL, nom en hébreu, YehalWêl, de deux Israélites, dont l’un est appelé dans la Vulgate Jalaléel et l’autre Jaléléel. — Jalaléel (Septante : ’lut^l) était le père du lévite Azarias, de la famille de Mérari. Il vivait vers l’époque d’Ézéchias. II Par., xxix, 12.

    1. JALEL##

JALEL, nom donné par la Vulgate, Nu m., xxvi, 26, au troisième fils de Zabulon, qu’elle appelle Jahélel dans Gen., xlvi, 14. Voir Jahélel, col. 1107.

    1. JALÉLÉEL##

JALÉLÉEL (hébreu : Yehallél’êl, « [celui qui] loue Dieu ; » Septante : ’AXe-TJX ; Alexandrinus : ’Ia)XîX7JX), descendant de Juda, dont les quatre fils sont nommés

I Par., IV, 16, mais sans que l’auteur sacré fasse connaître ses ancêtres immédiats. Son nom en hébreu est le même que celui d’un lévite que la Vulgate rend, dans

II Par., xxix, 12, par Jalaléel. Voir Jalaléel.

    1. JALÉLITES##

JALÉLITES (hébreu : hay-Yahle’êlî ; Septante : 6’AXX/ ; Xt ; Vulgate : Jalelitx), branche de la tribu de Zabulon, descendant de Jahélel. Num., xxvi, 26. On ne sait rien de son histoire.

    1. JALON##

JALON (hébreu : Yàlôn ; Septante : ’Iau.wv ; Alexandrinus .-’IaXtiv), le quatrième des fils d’Ezra, de la tribu de Juda. I Par., iv, 17.

1. JALOUSIE (hébreu : qine’âh ; Septante : îîjXo ? ; Vulgate : zelus, zelotypia, xmulatio) désigne proprement l’amour passionné qui fait craindre qu’un autre n’ait quelque part à une affection dont on veut jouir exclusivement. Num., v, 14 ; Prov., vi, 34 ; Cant., viii, 6 ; Eccli., ix, 1, etc. Par extension, ce mot signifie aussi colère, indignation. Ps. lxxviii, 5 ; Zach., 1, 14 ; viii, 2 ; I Cor., x, 22. Le terme « jalousie » s’entend, de plus, dans le sens que nous avons attaché spécialement au mot zèle, c’est-à-dire de l’ardeur avec laquelle le fidèle s’occupe des choses de Dieu et des intérêts religieux. Num., xxv, 11, 13 (Phinées) ; III Reg., xix, 10 (Élie) ; Joa., 11, 17 (Jésus-Christ par application de Ps. lxviii, 10) ; Rom., x, 2 (Juifs ; Vulgate : œmulatio) ; II Cor., xi, 2 (S. Paul). Il y a un zèle et une jalousie mauvais et condamnables, comme il y a un zèle et une jalousie bons et louables. I Mach., viii, 16 ; Rom., xiii, 13 ; I Cor., iii, 3 ; II Cor., xii, 20 ; Gal., v, 20. — L’Écriture attribuant â Dieu par anthropomorphisme les sentiments humains lui attribue celuide la jalousie. Dieu dit souvent de lui-même : « Je suis un Dieu jaloux (’El qannâ’). » Exod., xx, 5 ; xxxiv, 14 ; Deut., iv, 24 ; v, 9 ; vi, 15 ; Jos., xxiv, 19 ; Nahum, 1 2. Dieu considérant comme un mariage l’alliance qu’il a faite avec son peuple, il a droit à l’adoration exclusive de son peuple et, si Israël lui est infidèle par l’idolâtrie, son crime, semblable à un adultère, excite la jalousie de Jéhovah. C’est une des images qui reviennent le plus fréquemment dans l’Écriture. Deut., xxxii, 16 ; III Reg., xiv, 22 ; Is., ix, 6 ; xxvi, 11 ; xxxvii, 32 ; lvii, 8 ; Ose., 11, 2, 16 ; Ezech., v, 13 ; xvi, 38, 42 ; xxiii, 25 ; xxxvi, 5-6 ; xxxviii, 19 ; xxxix, 25 ; Joël, 11, 18 ; Zach., 1, 14 ; viii, 2. Cet anthropomorphisme, qui se retrouve dans tant de livres de l’Ancien Testament, est une preuve très forte de la croyance monothéiste du peuple d’Israël à toutes les époques. Jéhovah n’a jamais souffert de rival ; il n’a jamais admis que les descendants de Jacob adorassent un autre Dieu que lui. On ne peut rien avoir de plus expressif à cet égard que les paroles de Moïse aux Israélites, lorsqu’il leur rapporte pour la seconde fois les tables de la loi : « Tu ne te prosterneras pas devant un autre Dieu, parce que Jéhovah a pour nom le Jaloux ; il est Dieu Jaloux. » Exod., xxxiv, 14. F. Vigouroux.

    1. JALOUSIE##


2. JALOUSIE, nom donné aux fenêtres grillées de l’Orient. Voir Fenêtre, t. ii, col. 2202.

    1. JALOUSIE (EAU DE)##


3. JALOUSIE (EAU DE). Voir Eau de jalousie, t. ii, col. 1522.

4. JALOUSIE (IDOLE DE) (hébreu : sétnél haqqine'âh ; Septante : eïxwv toû îftXou ; Vulgate : idolum zéli), objet idolâtrique que.vit Ézéchiel, rai, 3-5, dans le parvis des prêtres du temple de Jérusalem, ainsi appelé parce qu’il excitait la jalousie et l’indignation divine. Cf. Deut., xxxii, 21. Cette idole était probablement une image symbolique de Baal ou d’Astarthé, peut-être celle-là même que Manassé avait placée dans le Temple. IV Reg., xxi, 7. Voir S. Jérôme, In Ezech., viii, 4, t. xxv, col. 78 ; J. Knabenbauer, Comment, in Ezech., 1890, p. 90 ; Baal, t. ii, col. 1320.

5. JALOUSIE (OFFRANDE DE) (hébreu : minhaf qena’ot ; Septante : Ovxrîa Çr, XoTuire’ac ; Vulgate : oblatio zelotypise), offrande que devait laire le mari, lorsqu’il voulait mettre sa femme à l'épreuve des eaux amères. Elle consistait en un dixième d'éphi de farine d’orge, sans huile et sans encens. Num., v, 15. Voir Eau de jalousie, t. ii, col. 1522.

    1. JAMBE##

JAMBE, partie du corps de l’homme et de l’animal qui s'étend depuis le genou jusqu’au pied.

I. La jambe proprement dite (hébreu : éôq ; chaldéen : Sâq ; Septante : xvtkj.ii ; Vulgate : crus, tibia). —1° On découvre les jambes pour passer un cours d’eau. Is., xlvii, 2. — Celles de l'épouse sont comme des colonnes de marbre, Cant., v., 15, mais celles du boiteux sont inégales. Prov., xxvi, 7. — Celles de la statue que Nabuchodonosor vit en songe étaient de fer. Dan., ii, 33. — Goliath couvrait les siennes de jambières d’airain. I Reg., xvii, 6. — Le Seigneur frappera d’ulcères aux genoux et aux jambes les Israélites qui lui seront infidèles. Deut., xxviii, 35. — Ce qui attire la bienveillance du Seigneur, ce ne sont pas les jambes de l’homme, ni la vigueur du cheval, c’est-à-dire ni l’agilité des guerriers de pied ni la force de la cavalerie. Ps. cxlvi, 10. — Il est dit que Samson frappa les Philistins $ôq 'alydrêk, « jambe sur cuisse. » Jud., xv, 8. Le sens exact de cette locution proverbiale n’est pas connu. D’après le contexte, il s’agit d’une rude leçon donnée par Samson à ses adversaires, soit qu’il les ait poursuivis de très près, la jambe sur leur cuisse, soit qu’il les ait mis en morceaux, jambe sur cuisse, soit qu’il leur ait brisé les genoux de telle sorte qu’ils soient tombés impuissants, la jambe retournée sur la cuisse. — 2° Durant la Passion, on brisa les jambes des deux larrons, mais non celles du Sauveur, conformément à ce qui avait été prescrit pour l’immolation de l’agneau pascal. Joa., xix, 31-33. — 3° Le mot Sôq s’emploie aussi quelquefois pour désigner les jambes des animaux, spécialement les membres antérieurs. Exod., xxix, 22, 27 ; Lev., vii, 32, 33 ; etc. Mais les jambes des animaux sont plus communément appelées d’un nom qui leur est particulier, kerâ'ayim, et que les versions traduisent par 7tô8eç, pedes, « pieds, » Exod., xii, 9 ; xxix, 17 ; Lev., i, 9, 13 ; iv, 11 ; viii, 21 ; ix, 14 ; entra, Am., iii, 12. — On désigne par le même mot les articulations dont la sauterelle se sert pour sauter. Lev., xi, 21.

II. La cuisse (hébreu : yârêk ; chaldéen : yarkâh ; Septante : iirjpdç ; Vulgate : fémur) constitue la partie supérieure des membres inférieurs de l’homme, par laquelle la jambe proprement dite est reliée au tronc. — 1° Ce sont les cuisses, prises dans leur ensemble, que l’on couvre avec le caleçon. Exod., xxviii, 42. C’est à la cuisse qu’on attache le glaive. Exod., xxxii, 27 ; Jud., iii, 16, 21 ; Ps. xlv (xliv), 4 ; Ezech., xxi, 12. Voir Hanche, col. 416. Comme la cuisse porte ainsi le signe de la

puissance, saint Jean dit que le vainqueur de Satan porte écrit sur sa cuisse : « Roi des rois, Seigneur des seigneurs. » Apoc, xix, 16. — 2° La cuisse peut être blessée et la marche devenir ainsi difficile, parce que les principaux muscles de la locomotion sont dans ce membre. Quand l’ange lutta avec Jacob, il lui toucha kaf yerêkô, « la cavité de la cuisse, » c’est-à-dire la cavité cotyloïde, partie de l’os iliaque dans laquelle s’emboite le fémur, et le muscle ischiatique en demeura paralysé. Gen., Xxxii, 25 (26), 32 (33). — À la femme accusée d’adultère, on souhaitait que sa cuisse tombât. Num., v, 21-22, 27. Voir Eau de jalousie, t. u. col. 1522. L’Ecclésiastique, xix, 12, compare la parole dans le cœur du sot à la flèche plantée dans la chair de la cuisse : le blessé cherche à se débarrasser de la flèche, comme le sot à retirer de son cœur tout ce qu’il sait. — 3° « Sortir de la cuisse » de quelqu’un est une expression figurée qui veut dire « être engendré ». Gen., xlvi, 26 ; Exod., i, 5 ; Jud., viii, 30. Cf. Eccli., xlvii, 21, et, dans un sens corrélatif, Judith, ix, 2. Dans la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 10, le « chef qui doit sortir de sa cuisse », YiyoOnsvo ; èx tmv [iijpfiv aùroO, dux de fentore ejus, n’est mentionné que par les versions. Il y a en hébreu : « Ne sortira pas le bâton de commandement d’entre ses pieds. » — 4° Abraham fait prêter serment à son serviteur Eliézer en lui disant : « Mets ta main sous (tahat) ma cuisse et je te ferai jurer. » Gen., xxiv, 2, 9. Jacob se sert de la même formule pour faire prêter serment à Joseph. Gen., xlvii, 29. Cette forme de serment ne se rencontre qu’en ces deux circonstances. Les anciens Juifs prétendaient qu’ainsi l’on jurait par une chose sacrée, la circoncision. Mais pourquoi l’exemple d’Abraham ne fut-il imité qu’une seule fois ? Josèphe, Ant. jud., i, xvi, 1, ne cherche pas à donner d’explication ; mais il suppose qu’Abraham et Eliézer se mirent mutuellement la main sous la cuisse et qu’ensuite ils invoquèrent Dieu comme témoin des choses futures. On a pensé aussi que le geste imposé fait allusion à la génération, comme les expressions rappelées plus haut, Gen., xlvi, 26 ; Exod., i, 5 ; Jud., viii, 30, par conséquent à la descendance choisie qui doit sortir d’Abraham et de Jacob. Le geste impliquerait, non un appel à la vengeance de la postérité envers le parjure, mais une obligation à l’amour et à la loyauté envers cette postérité. Cf. Winer, Biblisches Realwôrterbuch, Leipzig, 1833, t. i, p. 359, note ; Riehm, Handwôrterbuch des bibl. Altertums, Bielefeld, 1893, t. i, p. 359 ; Rosenmuller, Scholia in Gènes., Leipzig, 1795, p. 230. Les Pères admettent que cette forme de serment fait allusion à la génération ; mais c’est au Messie qui doit sortir d’eux qu’ils font songer Abraham et Jacob. S. Ambroise, De Abraham., i, 9, t. xiv, col. 450 ; S. Jérôme, Hebraic. quæst. in Gènes., xxiv, 9, t. xxiii, col. 975 ; S. Augustin, Quxst. in Heptateuch., i, 62, t. xxxiv, col. 564 ; De civ. Dei, xvi, 33, t. xli, col. 512. Cette explication ne saurait être littérale. De plus, il reste toujours à rendre raison du caractère si exceptionnel de cette forme de serment. Voir Jurement. — 5° Se frapper la cuisse avec les mains est une manière d’exprimer sa douleur. Jer., xxxi, 19 ; Ezech., xxi, 12. Cette expression se retrouve avec le même sens dans l’Iliade, xii, 162 ; xv, 397 ; xvi, 127, et l’Odyssée, xiii, 198. On voit encore souvent dans nos pays des hommes qui, sous l’empire d’un violent désappointement ou d’une vive douleur, se frappent instinctivement la cuisse du plat

de la main.
H. Lesêtre.
    1. JAMBIÈRE##

JAMBIÈRE (hébreu : mishâh ; Septante : xv^iiiSeç ; Vulgate : ocrese), armure destinée à protéger les jambes des soldats. Il n’est question de jambière que dans l’armement du géant philistin Goliath. I Reg. (I Sam.), xvii, 6. Ces jambières étaient d’airain. Voir Cuissard, t. ii, col. 1152-1154. E. Beurlier.

    1. JAMBRÈS (’Iapigpf##


JAMBRÈS (’Iapigpf, !), nom, dans le texte grec de II Tim., iii, 8, d’un des magiciens d’Egypte qui résistèrent à Moïse. La Vulgate l’appelle Mambrès. Voir Mambrès et Jannès.

    1. JAMBRI##

JAMBRI (Septante : ’Iaiiëpi), nom d’un chef de famille dont les descendants habitaient Madaba, à l’est du Jourdain. Peu après la mort de Judas Machabée (161 avant J.-C), ils surprirent, en sortant de la ville, Jean Machabée, fils aîné de Mattathias, avec les hommes qui l’accompagnaient chez les Nabuthéens, et les firent tous périr. Jonathas et Simon, ses frères, vengèrent sa mort ; ils tendirent une embuscade aux Jambrites, lorsqu’ils célébraient un grand mariage, en tuèrent un grand nombre, mirent les autres en fuite et firent un grand butin. I Mach., ix, 36-41. Le nom de Jambri qui se lit dans le Codex Vaticanus et dans la Vulgate n’est peut-être pas correct. Le Sinaiticus N’et Complute ont’A[ ».gpi. Quelques manuscrits cursifs portent’A|16poî ; le syriaque Ambrei ; Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 2, ol’Ajtapaiou wat& « . Plusieurs critiques pensent que Josèphe se rapproche de la vraie leçon et qu’il faut lire « les fils de l’Amorrhéen ». On suppose qu’il s’agit d’une famille amorrhéenne qui se serait établie anciennement à Médaba. Cf. Num., xxi, 31, et L. W. Grimm, Das erste Buch der Maccabàer, in-8°, Leipzig, 1853, p. 139. Voir Jean Gaddis.

    1. JAMIN##

JAMIN (hébreu : Yâmîn), nom de trois Israélites. Le mot yâmîn signifie « (main) droite, (côté) droit » et « bonheur ». Il entre comme second élément dans le nom de Benjamin, fils de Jacob. Voir Benjamin 1, t. i, col. 1588. — Les Septante ont fait à tort du nom commun hébreu yêmîm, « eaux chaudes, » de Gen., xxxvi, 24, un nom propre qu’ils ont rendu’Iajjtsîv. Voir Ana 2, t. i, col. 532.

1. JAMIN (Septante : ’Iafjisiv, Gen., xlvi, 10 ; ’IajiEÎpi, Exod., vi, 15 ; ’Iapuv, Num., xxvi, 12 ; I Par., iv, 24), second fils de Siméon et petit-fils de Jacob. Il fut le chef de la famille des Jaminites.

2. JAMIN (Septante : ’Iajjuv ; Alexandrinus : ’Iaësi’v), second fils de Ram, de la tribu de Juda, de la famille d’Hesron et de Caleb. I Par., ii, 27.

    1. JAMIN (omis dans les Septante)##


3. JAMIN (omis dans les Septante), un des lévites qui lurent la loi au peuple du temps d’Esdras et de Néhémie. II Esd., viii, 7.

    1. JAMINITES##

JAMINITES (hébreu : hay-Yâminî ; Septante : &’Iajivî ; Vulgate : Jaminites), descendants de Jamin, second fils de Siméon. Num., xxvi, 12.

    1. JAMNÉ##

JAMNÉ (hébreu ilmnâh ; Septante : ’hfjivâ ; ’Iapiv), fils aîné d’Aser. Gen., xlvi, 17 ; Num., xxvi, 44. La Vulgate l’appelle Jemnadans Num., xxvi, 44, et dans I Par., vu, 30. Ses descendants sont appelés Jemnaites dans JSJum., xxvi, 44.

    1. JAMNIA flcevvsta##


JAMNIA flcevvsta, I Mach., iv, 15 ; la^vi’a, I Mach., v, 58 ; II Mach., xii, 8, 40 ; ’Ia^si’a, I Mach., x, 69 ; xv, 40), ville située sur les frontières de Juda et de Dan, non loin de la Méditerranée, dont il est question principalement dans les livres des Machabées, I Mach., iv, 15 ; v, 58 ; x, 69 ; xv, 40 ; II Mach., xii, 8, 40, mais qui est mentionnée ailleurs sous d’autres noms (fig. 203).

I. Noms.

Jamnia est appelée en hébreu Yabne’êl, « Dieu bâtit. » Septante : Asëvâ ; Codex Vaticanus : As [j.vâ ; Codex Alexandrinus : ’luëvr} ; Vulgate : Jebneel, Jos., xv, 11 ; et Yabnéh ; Septante : ’Ia6vi, p ; Codex Vaticanus : ’Aêvririp ; Codex Alexandrinus : ’laêttç ; Vulgate : Jabnia, II Par., xxvi, 6. C’est aussi la Iepivâa de Judith, ii,

28. Le nom ethnique est’Ia|iviTai. II Mach., xii, 9. Il semble que, par sa position dans la plaine des Philistins, entre Azot et Jaffa, elle aurait dû laisser quelques traces dans les inscriptions égyptiennes ou assyriennes. On ne trouve cependant rien de positif. Cf. W. Max Muller, Asien und Europa nach altdg jptischen Denkmdlern, Leipzig, 1893, p. 165 ; E. Schradei, Die Keilinschriften und das Allé Testament, Giessen, 1883, p. 167. À l’époque des croisades, elle reparaît sous les noms de Ibelim, Ybelim ou Hibelin. Sous ces formes comme sous les dénominations grecques ou latines, avec les permutations naturelles entre les consonnes 6, iii, ii, l, il est facile de reconnaître la forme primitive Yabnéh ou Yabne’êl, qui s’est conservée jusqu’à nos jours. Le nom actuel est, en effet, L*-o, Yebnd, suivant Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1841, t. iii, Appendice par E. Smith, p. 235 ; àJL*f, Yebnéh, selon V. Guérin, Judée, t. ii, p. 56 ; t _ 5° ot)’Vbna, ou t _ 5 *Lo, Yubna d’après les géographes arabes ; cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 602, 603. C’est exactement l’hébreu rua », Yabnéh.

IL Situation et description. — Si la correspondance est exacte au point de vue onomastique, elle ne l’est pas moins au point de vue topographique. Les données des auteurs sacrés aussi bien que des écrivains profanes nous conduisent au même terme. D’après Josué, xv, 11, Jebnéel se trouvait à la frontière nord-ouest de Juda, avant d’arriver à la mer. Voir la carte de Juda ou celle de Dan. Les autres passages de l’Écriture nous la montrent dans le voisinage d’Azot (Esdûd) et de Joppé ou Jaffa. II Par., xxvi, 6 ; Judith, ii, 28 (texte grec) ; IMach., IV, 15 ; II Mach., xii, 8. Josèphe la place de même entre ces deux villes, au nord de la première, au sud de la seconde. Ant. jud., XIII, vi, 6 ; XIV, iv, 4 ; XVII, viii, 1 ; Bell, jud., IV, iii, 2. Strabon, xvi, p. 759, compte environ 200 stades (37 kilomètres) de Jamnia à Ascalon. L’Itinéraire d’Antonin, Amsterdam, 1735, p. 150, la si-’gnale à douze milles (plus de 17 kilomètres) au sud dû Diospolis ou Lydda. Enfin, d’après la Table de Peutinger, elle est à dix milles (près de 15 kilomètres) au nord d’Azot. Tous ces témoignages concordent pour aboutir au même point et font de Yebnéh ou Yebna le représentant incontestable de Jamnia. C’était, du temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 132, 266, une petite ville, iroXtyvï], entre Diospolis et Azot. Cf. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 822824.

Yebnéh est aujourd’hui un grand village situ" sur une colline dont le pourtour est de 1200 mètres et dont les pentes sont plantées de tabac, de figuiers, d’oliviers et d’abricotiers. Un assez grand nombre de puits y ont été creusés. Près d’un réservoir qui paraît avoir été construit avec d’anciens matériaux, trois fûts de colonnes de marbre blanc sont étendus à terre et proviennent évidemment d’un édifice antique. Sur le plateau de~ la colline sont bâties en amphithéâtre des maisons confusément groupées, la plupart très basses et ressemblant à de véritables huttes. Les plus grandes sont précédées d’une cour qu’environne un petit mur d’enceinte. Cet amas informe d’habitations en terre et en briques crues est dominé par un minaret à base carrée et de forme polygonale, dont le sommet est en partie détruit. II s’élève à l’un des angles d’une mosquée qui a remplacé une église chrétienne, probablement l’ancienne chapelle du château d’Ibelim, Ybelim ou Hibelin, à l’époque des croisades. On remarque au-devant d’une autre mosquée un fût de colonne mutilé gisant sur le sol, et, à l’intérieur, deux colonnes antiques de marbre grisâtre.

La ville dont nous venons de décrire l’emplacement était la Jamnia « intérieure », qu’il faut, d’après Pline, H. N., V, xiii, distinguer de la Jamnia maritime. Plolémée, Geogr., V, xvi, mentionne également le port de

Jamnia, ’Ictjivmwv Iiiltjv, entre Joppé au nord et Azot au sud. Il en est du reste question dans le second livre des Machabées, xii, 9. Judas Machabée, ayant appris que les habitants de la ville voulaient maltraiter les Juifs qui y demeuraient, se rendit de nuit de Joppé au port de Jamnia, qu’il brûla avec tous les vaisseaux qu’il contenait. A environ quinze minutes au sud de l’embouchure du Nahr Rûbîn, en suivant le bord de la mer, on aperçoit une petite baie entourée de rochers formant une sorte de jetée naturelle. Cette anse constituait autrefois le Maiumas Jamnise ou l’ancien établissement maritime de Jamnia : le nom aciuel est Minet Rûbîn, dont le premier élément n’est qu’une corruption du grec), prjv. Elle

Elle fut assignée à la tribu de Juda, dont elle forme un point de la frontière nord-ouest. Jos., xv, 11. Josèphe, Ant. jud., V, I, 22, prétend qu’elle fut plus tard concédée aux Danites. En réalité, elle dut retomber de bonne heure sous la domination des Philistins, et c’est à ce peuple qu’elle appartenait, lorsqu’elle fut prise et démantelée par Ozias, roi de Juda. II Par., xxvi, 6. Dans le texte grec de Judith, ii, 28, elle est citée sous le nom de’Izpvuâ parmi les villes qui tremblèrent à l’approche d’Holopherne. À l’époque des Machabées, ce fut une place forte d’une certaine importance. Judas, aant défait les troupes de Gorgias non loin d’Emmaus, les harcela jusque du côlé d’Azot et de Jamnia. I Mach., iv, 15.

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203. — fuits de Yabneû. D’apiès une photographie.

s’arrondit entre deux promontoires, dont l’un, celui du sud, est rocheux et paraît avoir été jadis fortifié. Les flancs sont recouverts d’un appareil de petite maçonnerie, qui jadis probablement était revêtu lui-même d’un second appareil en pierres de taille. Sur le sommet de ce promontoire on remarque quelques vestiges de constructions renversées. Quant à la ville qui s’étendait autour du port, elle a presque entièrement disparu ; ses débris sont ensevelis sous les énormes dunes de sable qui s amoncellent en deçà des falaises du rivage. Le promontoire méridional est connu parmi les indigènes sous le nom de Ed-JÇ>erbéh, « le coup, » sans doute parce que les vagues s’y brisent sans cesse et qu’il semble les frapper lui-même. Les ruines qui le recouvrent sont pareillement appelées Khirbet ed-Qerbéh. Cf. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 54, 56 ; Survey of western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 268, 441 ; W. M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1881, t. i, p. 145-157.

III. Histoire.

Jamnia est une antique cité chananéenne, qui, sous le nom de Jébnéel, existait déjà à l’époque où les Hébreux envahirent la Terre promise.

Mais, en 164 avant J.-C, deux de ses capitaines ayant, en son absence et malgré ses ordres, combattu le même Gorgias, établi dans cette ville, furent vaincus par lui. I Mach., v, 58. Le héros asmonéen brûla, comme nous l’avons dit, le port et les vaisseaux qu’il renfermait, lorsqu’il eut appris que les habitants de Jamnia préparaient un affreux guet-apens contre les Juifs qui demeuraient au milieu d’eux. II Mach., xii, 8, 9. Plusieurs de ses soldats succombèrent dans une bataille, et leur mort lut regardée comme une punition de leur désobéissance à la Loi. Lorsqu’on voulut, en effet, leur donner une sépulture honorable on trouva sous leurs tuniques des ex-voto des idoles qui étaient à Jamnia. II Mach., xii, 40. C’est de cette ville qu’Apollonius, général syrien, envoya provoquer Jonathas au combat. I Mach., x, 69. Sous Antiochus VII Sidétès, Cendébée, établi commandant du littoral, vint à Jamnia, où il commença à irriter le peuple et à ravager la Judée. I Mach., xv, 40. C’est à ces détails que se borne l’histoire de la ville dans l’Écriture. D’autres documents nous permettent de la continuer ainsi. L’an 63 avant J.-C, Jamnia fut enlevée aux Juifs par Pompée, qui la rendit à ses anciens hahi

tants. Josèphe, Ant. jud., XW, iv, 4. En 57, comme elle avait beaucoup souûert par suite de la guerre, elle fut repeuplée et dut être réparée, avec d’autres villes, par l’ordre de Gabinius, gouverneur de Syrie. Bell, jud.,

I, viii, 4. L’an 30, elle retourna sous la domination des Juifs par la donation qu’Auguste en fit au roi Hérode, qui, avant de mourir, la donna à Salomé, sa sœur ; et celle-ci la légua elle-même, à son tour, à Livie, épouse d’Auguste. Ant. jud., XVÏI, viii, l ; XVIII, ii, 2 ; Bell, jud.,

II, ix, 1. Elle fut occupée par Vespasien avant le siège de Jérusalem. Bell, jud., IV, iii, 2 ; viii, 1. Le canton de Jamnia était alors eitraordinairement peuplé ; la ville et les villages de sa dépendance pouvaient mettre sur pied quarante mille soldats. Strabon, xvi, p. 759. Philon, Légat, ad Caium. (cf. Reland, Palseslina, t. ii, p. 823), appelle également Jamnia l’une des villes les plus populeuses de la Judée, et nous dit que, de son temps, la plupart de ses habitants étaient Juifs ; les autres étaient des étrangers venus des pays voisins.

C’est à cause de cette grande affluence de population Israélite qu’elle joua un certain rôle, comme centre intellectuel et religieux, dans l’histoire juive des derniers temps. Le siège du sanhédrin y avait été transféré un peu avant la destruction de Jérusalem ; il y resta jusqu'à l'époque de la guerre de Bar Cosiba, époque à laquelle il fut transporté en Galilée. La ville vit fleurir dans son sein une grande académie rabbinique, dont les docteurs sont souvent cités avec éloges dans le Talmud. R. Yohanan ben Zakai, après avoir prédit à Vespasien qu’il deviendrait empereur, lui demanda la grâce de Yabnéh et de ses savants. Talmud de Babylone, GUtin, 66 a. Après la ruine de la Ville sainte, elle jouissait, relativement à l’exercice des pratiques religieuses, des mêmes privilèges que la capitale avait eus précédemment. Mischnah, Rosch haschanah, iv, 1, 2, 3. Le lieu où siégeaient les membres de sanhédrin est appelé, dans le Talmud de Jérusalem, Berakôt, iv, 1, « le vignoble à Yabnèh, » expression qui rappelle l’Académie des Grecs. Benjamin de Tudéle, Itinerarium, édit. Const. L’Empereur, Leyde, 1633, p. 89, prétend avoir vu la place occupée par la célèbre école de Jamnia. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 4868, p. 73-76. — L’histoire ne nous dit pas à quelle époque le christianisme s’y introduisit ; tout ce que nous savons, c’est qu’elle avait une église et un évêché au commencement

du ive siècle.
A. Legendre.
    1. JAMNITES##

JAMNITES (Septante : al h 'Ia^vet' », o ! 'Iajivîtai ; Vulgate : Jamnitse), habitants de Jamnia. II Mach., zn. 9 ; cꝟ. 8, 40. Voir Jamnia.

    1. JAMNOR (omis dans les Septante)##


JAMNOR (omis dans les Septante), homme de la tribu de Siméon, ancêtre de Judith. Judith, viii, 1.

    1. JAMRA##

JAMRA (hébreu : lmrâh, « obstination ; » Septante ; 'I(ipiv), de la tribu d’Aser, nommé le cinquième parmi les onze fils de Supha, fils d’Hélem. I Par., vii, 36.

    1. JAMUEL##

JAMUEL (hébreu : Yemû'êl ; Septante : 'Iejiou- » ))), fils de Siméon, petit-fils de Jacob. Gen., xlvi, 10 ; Exod., vi, 15. Il est appelé Namuel dans I Par., iv, 24.

    1. JANÀI##

JANÀI (hébreu : Ya’enaï, « Jéhovah exauce ; » Septante : lavi’v), un des chefs de la tribu de Gad qui s'établirent dans le pays de Basan. I Par., v, 12. Les Septante en ont fait un scribe ; ils ont pris à tort le nom propre qui suit, Saphat, pour un nom commun.

    1. JANNÉ flxwx##


JANNÉ flxwx, probablement variante du nom de/ohannes, Jean), fils de Joseph et père de Melchi, dans la généalogie de Notre-Seigneur. Luc, iii, 24.

1. JANNÈS (Tavvî ; 0, nom, dans II Tim., iii, 8, d’un

des magiciens égyptiens qui s’opposèrent à Moïse à la cour du Pharaon. Saint Paul nomme avec lui Mambrès (ou Jambrès). L’Exode, v, 11, ne dit rien du nom ni du nombre des magiciens du roi d’Egypte. Origène, In Matth., Comm. Séries, 117, t. xiii, col. 1769, croit que saint Paul avait emprunté le nom de Jannès et de Jambrès à un « livre secret » ou apocryphe, intitulé « Livre de Jannès et de Jambrès ». Théodoret, In II Tim., m, 8, t. lxxxii, col. 847, supposait que saint Paul avait connu ces noms par la tradition orale juive, èx ttjî « Ypiiçoti tûv 'IouSaîtov StSasxaXiaç. Cf. Targum de Jonathan, sur Exod., i, 15 ; vii, 11, etc. Cette opinion est la plus en faveur aujourd’hui. Cf. Ch. J. Ellicott, The pastoral Epistles of St. Paul, 4e édit., 1869, p. 147. Quoi qu’il en soit d’ailleurs de la source, le nom de Jannès ifait connu un peu partoutà l'époque apostolique et dans les premiers siècles de notre ère. On le trouve dans Pline, H. N., xxx, 1, 14, et au n s siècle dans Apulée, Apol., 90 ; dans Numénius (Eusèbe, Preep. evang., vii, 8, t. xxi, col. 696, et dans Origène, Cont. Cels., iv, 51, t. xi, col. 1112, et la note ibid.) ; dans l'Évangile de Nicodt’j ?ie(Tischendorf, Evangelia apocrypha, 2 S édit., 1876, Acla Pilati, v, p. 235, et la version copte, p. 236) ; dans les Acla Pauli et Pétri (voir Lipsius, Apocryphe Apostelgeschichte, t. ii, p. 302 ; dans les Constitutions apostoliques, viii, 1, Patr. Gr., t. i, col. 1064) ; dans Pallade, Lausiaca, 19-20, t. lxxiii, col. 1113, où il est question du tombeau des deux magiciens. — On a nié l’origine égyptienne du nom de Jannès, et plusieurs savants ont soutenu que c'était une corruption du nom de Joannes, mais c’est à tort. Un fragment de Manéthon, conservé par Josèphe, Cont. Apion., i, 14, édit. Didot, p. 344, mentionne un roi 'Ioevtac, ou 'Iawâç, dans Historié, grsec. fragm., édit. Didot, t. ii, p. 567, portant un nom semblable à celui de Jannès. M. Ed. Naville, Bubastis, in-4°, Londres, 1891, p. 23, croit avoir trouvé le nom hiéroglyphique de ce roi dans les ruines de Bubaste. Ce nom et des noms analogues étaient assez communs en Egypte. Cf. aussi D. J. Heath, Bibhcal R.esearch. Jannès and Jambrès, dans le Palestine exploration fund, Quarterly Statement, 1881, p. 211-217.

Les traditions rabbiniques et talmudiques sur Jannès et Jambrès sont nombreuses, mais contradictoires et sans fondement. D’après le Zohar, 90, 2, ces deux magiciens étaient fils de Balaam. D’après le Targum de Jérusalem, sur Num., xxii, 22, ils étaient seulement ses serviteurs, et néanmoins, d’après le même Targum, sur Exod., i, 15, ils se trouvaient aussi à la cour du Pharaon, où ils interprétaient un songe du roi comme annonçant la naissance de Moïse ; ce qui amena la persécution contre les Israélites. La même source, sur Exod., vii, 11, les désigne par leur nom, comme les adversaires de Moïse. Cependant, d’après le Yalkut Reubeni, 81, 2, les derniers miracles du libérateur des Hébreux les frappèrent si* vivement qu’ils devinrent prosélytes et suivirent le peuple de Dieu dans le désert du Sinaï avec « la multitude mélangée » (Vulgate : vulgus promis-. cuum), dont parle l’Exode, xii, 38. Ce furent ces deux magiciens qui poussèrent Aaron à fabriquer le veau d’or. Tikkunim, 106, 4. Le Targum de Jérusalem, sur Num., xxii, 22, ne les fait pas moins venir de Péthor, ville de Mésopotamie, avec Balaam au camp de Balac. D’autres légendes contredisent d’ailleurs formellement ces dernières, et les font périr soit dans la mer Rouge au moment de la sortie d’Egypte, soit dans le massacre qui suivit l’adoration du veau d’or. Il est vrai que, selon d’autres, ils ne périrent qu’après que les Israélites infidèles, victimes du conseil perfide de Balaam, se furent initiés au culte impur de Béelphégor. Toutes ces légendes sont réunies et citées dans Wetstein, Novum Testarnentum, in II Tim., iii, 8, t. ii, p. 362. — Voir Zetngrav, Disserlatio de Janne et Jambre, in-4°, Strasbourg, 1669 ; J. Grot, Dissertatio de Janne et Jambre,

in-4°, Copenhague, 1707 ; J. G. Michælis, Dissertatio de Janne et Jambre, in-4°, Halle, 1747 ; Buxtorf, Lejcicon chaldaicum, édit. -Fischer, p. 481 ; E. Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes, 2e édit., t. ii, 1886, p. 689 ; L.E.lselin, Jannes und Jambres, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1894, p. 321-326. — Les légendes arabes donnent aux magiciens qui résistèrent à Moïse les noms de Sabour et de Gadour, et racontent sur leurs rapports avec Moïse les détails les plus fabuleux. Voir d’Herbelot, Bibliothèque orientale, article Moussa ben Amran, t. ii, 1777, p. 747-748. Voir aussi Barges, Une tradition musulmane sur les magiciens de Pharaon, dans le Journal asiatique, juillet-août, 1843, p. 73-84.

F. Vigouroux. 2. JANNÈS ET JAMBRÈS (LIVRE APOCRYPHE). Ce livre, qui racontait l’histoire des deux magiciens du Pharaon de l’Exode (voir Jannes 1), est mentionné par Origène, In Matth., Comment, séries, 117, t. xiii, col. 1769, et par l’Ambrosiaster, In Il Tim., iii, 8, t. xvii, col. 494. Il figure dans le Decretum Gelasii parmi les livres condamnés sous le titre de Liber qui appellatur Pœnitenlia Joannis et Mambrse. Patr. Lat., t. lix, col. 163. Cet apocryphe n’a pas été retrouvé jusqu’ici, excepté peut-être un fragment. Voir Fabricius, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenti, t. i, p. 813-825 ; t. ii, p. 105-111 ; Thilo, Codex apocryphus Novi Testamenti, t. i, p. 553 ; M. R. James, À Fragment ofthe Pénitence of Jannes and Jambres, dans The Journal of theological Studies, juillet 1901, p. 572-577.

    1. JANOÉ##

JANOÉ, nom de deux villes de Palestine, l’une appartenant à la Samarie, Jos., xvi, 6, 7, l’autre à la Galilée. IV Reg., xv, 29.

4. JANOÉ (hébreu : Yânôhâh, avec hé local ; Septante, Valicanus : 'Itvmxû ; Alexandrinus : 'Iavci, Jos., xv, 6 ; Vat. : Ma^w, Jos., xvi, 7), ville frontière de la tribu d'Éphraim, mentionnée dans un seul passage de l'Écriture. Jos., xvi, 6, 7. Elle sert à déterminer la limite orientale, et est citée entre Thanathsélo d’un côté, Ataroth et Naaratha de l’autre. Thanathsélo, hébreu : fa'ânaf Silôh, est aujourd’hui Ta’na, au sud-est de Naplouse ; Ataroth est jusqu’ici restée inconnue, mais Naaratha, hébreu : Na'ârâlâh, peut se retrouver à Khirbet Samiyéh ou à Khirbet el-Audjéh et-Tahtdni. Voir la carte d'ÉPHRAiM, t. ii, col. 1876. C’est donc entre ces deux points qu’il convient de chercher l’antique cité dont nous parlons. Nous lisons par ailleurs dans Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 133, 267 : « Janon, 'I « v<6, de la tribu d'Éphraim ; ce fut l’une des villes prises par le roi des Assyriens ; il existe encore aujourd’hui un village appelé Janon, 'Iavw, dans l’Acrabatène à 12 milles de Néapolis vers l’orient. » Ces écrivains confondent ici, au point de vue historique, Janoé d'Éphraïmavec une autre ville du même nom appartenant à la Galilée, et qui tomba au pouvoir de Théglathphalasar. Cf. IV Reg., xv, 29 ; voir Janoé 2. Mais leur renseignement, appliqué à la localité éphraimite, n’en est pas moins précieux. L’Acrabatène avait pour capitale Akrabiim, aujourd’hui 'Aqrabéh, au sud-est de Naplouse. Or, un peu au-dessus de cette ville, légèrement au nord-est, se trouve le village de Yanûn, qui correspond aux indications données. En réalité, il est au sud-est de Naplouse et n’en est même pas éloigné de dix milles (14 kilomètres) par la route directe ; mais les distances indiquées par Eusèbe ne sont pas toujours de la plus grande exactitude, et peut-être aussi mesurait-il le chemin en passant par 'Aqrabéh, chef-lieu du district, ce qui fournirait les 12 milles (17 kilomètres). Ce qu’il y a de certain, c’est que, outre la concordance topographique, il y a ici également concordance onomastique entre l’arabe ^j^yb, Yânûn, et l’hébreu n- : », Yânôâh, dont le ii, hct h

iînal, avec le patach furtif, a pu tomber après une


voyelle longue, pour devenir Ydnô, 'Iavw, et ensuite Yânôn, Yânûn. Cf. G. Kampffmeyer, Alte Nanten xiii heutigen Palâstina, dans la Zeitschrift des Deutschen PalâstinaVereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 43. — Yânûn n’est plus aujourd’hui qu’un pauvre amas de maisons voûtées, encore aux trois quarts debout, mais abandonnées, couvrant la partie supérieure d’une colline. Un assez grand nombre de citernes et de caveaux sont pratiqués dans le roc, et doivent dater de l’antiquité. Cf. Van de Velde, Reise durch Syrien und Palâstina, Leipzig, 1855, t. ii, p. 268 ; Robinson, BMical researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 297 ; Survey of western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 387 ; Guérin, Samarie, t. ii, p. 6-7.

A. Legendre.

2. JANOÉ (hébreu : Ydnôah ; Septante, Vaticanus : 'Avt « >x, ' Alexandrinus : 'Iav<x>x), ville prise, du temps de Phacée, roi d’Israël, par Théglathphalasar, roi d’Assyrie, qui en transporta les habitants dans son pajs. IV Reg., xv, 29. Elle est mentionnée avec Aion, Abelbeth-Maacha (Abîl el-Kamh), Cédés (Qadès), Asor, la Galilée et toute la terre de Nephthali. Elle semble donc bien faire partie de la Galilée septentrionale, et c’est pour cela qu’on la distingue généralement de la ville du même nom appartenant à la tribu d'Éphraim. Jos., xvi, 6, 7. Voir Janoé 1. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 133, 267, ont à tort confondu les deux. On trouve, non loin et à l’est de Tyr, un village dont le nom : _, _j3b, YdnûJi, reproduit exactement l’hébreu nw, Yâuôal.i. Bâti sur le sommet d’une colline »

- T

entouré de figuiers, d’oliviers, de grenadiers, avec une source et des citernes, il ne comprend que 150 habitants. Cf. Survey of western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. i, p. 51. Voir la carte de la Galilée, col. 88. On peut y reconnaître la Janoé biblique. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder. Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 95. La distance qui sépare cet endroit des autres villes citées, IV Reg., xv, 29, et situées plus à l’est, empêche certains auteurs d’accepter l’identification. Cf. F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, Leipzig, 1896, p. 229. Suivant l’ordre d'énumération, qui représente, selon eux, la marche du roi d’Assyrie, ils cherchent Janoé entre Abil el-Kamh ou Abel-beth-Maacha et Qadès ou Cédés. Or, entre ces deux localités, se trome une place importante, dont la forteresse du moyen âge semble avoir succédé à une autre plus ancienne ; c’est Hûnîn, « dont le nom, sans reproduire exactement celui de Yanûah, offre du moins quelque ressemblance avec ce dernier. » V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 372. Tel est aussi le sentiment de Van de Velde, Memoir to accompany the map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 323. ii, faut avouer, en effet, que l’arabe ^^^-oyt, Hûnîn, n’a qu’une ressemblance imparfaite avec Yânoah. La correspondance onomastique, aussi précise qu’elle peut être, doit-elle le céder icf à la convenance topographique, qui paraît résulter du texte sacré? Ce n’est pas sûr. L’invasion du monarque assyrien porta non seulement sur les villes en question, mais sur le territoire de Nephthali et la Galilée. Rien ne nous dit par conséquent que Janoé ne représente pas un point séparé des autres. La question, on le voit, est difficile à trancher. — On trouve encore dans la tribu d’Aser, au nord-est de Saint-Jean-d’Acre ('A kka), une autre localité du nom de Ydnûh. Cf. V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 18. Comme l’invasion semble avoir atteint surtout la partie septentrionale de la Galilée, on peut se demander si

elle descendit jusque-là.
A. Legendre.
    1. JANSÉNIUS Corneille##


1. JANSÉNIUS Corneille, théologien belge, évêque de Gand, né à Hulst en 1510, mort à Gand le Il avril 1576. U suivit les cours de l’université de Louvain et, tout

III. - 36

1123

JA.NSENIUS — JANUM

1124

en s’adonnant à la théologie, acquit une connaissance approfondie du grec et de l’hébreu. En 1534, les prémontrés de Tongerloo l’appelèrent dans leur abbaye pour y enseigner la théologie. Il devint ensuite curé de Saint-Martin de Courtray et, en 1560, doyen de la faculté de théologie de Louvain. Philippe II l’envoya au concile de Trente, et en 1564 le désigna pour l’évèché de Gand, élection qui ne fut confirmée que quatre ans plus tard par le pape saint Pie V. Corneille Jansénius a laissé des commentaires fort estimés sur divers livres de l’Écriture Sainte et en particulier sur les Évangiles : Paraphrases in omnes Psalmos Davidicos cumargumentis eorum et annotationibus : adjuncta est paraphrasis in ea Veterxs Testamenti eantica quæper singulasferias ecclesiasticus usus observât, in-4°, Louvain, 1569 ; Commentarius m Provcrbia Salomonis, in-4°, Louvain, 1569 ; Annolationes in librum Sapientiseet commentariiin Ecclesiasticum, in-4°, Anvers, 1569 ; Concordia Evangelica et ejusdem concordise ratio, in-8°, Louvain. 1549, Cornelii Jansemi episcopi Gandavensts commentarius in suam Concordiam ac totam historiam evangekcam, in-f », Louvain, 1572. De ce dernier ouvrage Mathieu do Castro a publié un résumé sous le titre : Ccmeih Jansenii episcopi Gandavensis epitome commentariorum in suam concordiamac totam historiam evangelicam, in-80, Anvers, 1593. — Voir Valère André, Biblioth. belgica, p. 152 ; Richard Simon. Histoire critique du Nouveau Testament (1693), p. 595 ; Dupin, Hist. des auteurs ecclésiastiques

du xvie siècle (1703), p. 403.
B. Heurtebize.

2. JANSÉNIUS Corneille^ évêque d’Ypres, né à Acquoi près Leerdam, le 28 octobre 1585, mort à Ypres le 6 mai 1638. Fils de Jean Otto, il commença ses études à Utrecht et les termina à Louvain au collège d’Adrien où les doctrines de Bams étaient en honneur. Ce fut à cette époque qu’il prit le nom de Jansens ou Jansénius, « fils de Jean, y En 1604, il vint à Paris où il se rencontra avec Jean du Vergier de Hauranne, son ancien condisciple, qui l’emmena à Baronne. En 1617, il fut rappelé à Louvain et placé à la tête d’un collège nouvellement fondé. Le 25 octobre 1619, il se fit recevoir docteur en théologie et deux fois l’université l’envoya en Espagne pour essayer d’empêcher les jésuites d’enseigner la philosophie dans leur collège de Louvain. En 1636, il fut nommé évêque d’Ypres. Jansénius est surtout connu par son fameux livre : Augustinus seu doctrina S. Augustini, in-f », Louvain, 1640, où il prétend exposer la vraie doctrine du saint évêque d’Hippone sur la grâce, et qui fut publié par les soins de Libert Fromond et d’Henri Calenus. Outre cet ouvrage qui a donné naissance à la secte des jansénistes, l’évêque d’Ypres avait publié divers autres écrits parmi lesquels : Tetrateuchus, sive commentarius in quatuor Evangelia, in-4°, Louvain. 1639 ; Pentateuchus, sive commentarius in quïnque libros Moysis, in-4°, Louvain, 1641 ; Analecla in Proverbia, Ecclesiasten, Sapientiam, Habacuc et Sophoniam, in-4°, Louvain, 1644. — Voir Lebrun, Dissertationes de C. Jansenu vita et morte, in-4°, Utrecht, 1694 ; R. Rapin, S. J., Mémoires publiés par L. Aubineau (1865), t. i, p. 2 ; Id., Hist. du jansénisme publiée par l’abbé Domenech, in-8°, Paris (sans date) ; Valère André, Bibl. belgica, p. 149 ; Richard Simon, Hist. critique du Nouveau Testament (1693), p. 664 ; Dictionnaire des livres jansénistes (1755), 1. 1, p. 120 ; A. Vandenpeereboom, C. Jansénius, in-8°, Bruges, 1882 ; C. Callewært, Jansénius, in-8°, Louvain, 1893.

B. Heurtebize.
    1. JANSONIUS Jacques##


JANSONIUS Jacques, théologien catholique, né à Amsterdam en septembre 1547, mort à Louvain le 30 juillet 1625. Il fut admis comme boursier au collège d’Adrien VI à Louvain, grâce à la protection de Michel Baius. Licencié en théologie en 1575, il fut cette même année nommé président du collège de Saint-Augustin, et

cinq ans plus tard il obtenait une chaire de philosophie. Après la mort de Baïus, il devint président du collège d’Adrien VI et, en 1590, recteur de l’université. Jansonius obtint en 1598 la chaire d’Écriture sainte et fut admis dans le chapitre de Saint-Pierre dont il devint doyen en 1614. Disciple de Baius, il fut le maître de Jansénius le futur évêque d’Ypres. Les divers commentaires laissés par cet auteur sont peu estimés : In Canticum canticorum Salomonis commentarius, in-12, Louvain, 1596 ; In Psalterium et eantica quibus per horas canonicas Romana utitur Ecclesia expositio, in-4°, Louvain, 1597 ; Vitta coccinea, sive enarralio Dominicse Passionis ex verbis utriusque Testamenti aliisque contexta, in-12, Louvain, 1600 ; In librum Psalmorum, et eantica Offlcii romani expositio iterata, in-4°, Louvain, 1611 ; In propheticum librum Job enarratio, in-f°, Louvain, 1623 ; In Evangelium S. Joamus expositio, in-12, Louvain, 1630. Les commentaires de Jansonius sur les Lamentations de Jérémie et sur l’Apocalypse n’ont pas été imprimés. — Voir J. Massius, Elogium et vita Ex. D, Jacobi Jansonn, en tête du commentaire sur saint Jean ; Valère André, Biblioth. belgica, p. 414 ; Paquot, Mémoires pour servir à l’hist. littéraire des Pays-Bas,

t. v (1765), p. 195.
B. Heurtebize.
    1. JANSSENS Jean Hermann##


JANSSENS Jean Hermann, théologien catholique belge, né à Mæseyck le 7 décembre 1783, mort à Engis le 23 mai 1853. Après avoir terminé ses études théologiques à Rome, il devint professeur au collège de Fribourg en Suisse (1809-1816). C’est là qu’il composa son Herméneutique, mais il ne la publia qu’en 1818, lorsqu’il fut devenu professeur d’Ecriture Sainte et de théologie dogmatique au séminaire de Liège. Les doctrines qu’il y enseigna suscitèrent des plaintes et, en 1823, il fut obligé de cesser son cours. Il fut nommé curé d’Engis et il administra sa paroisse jusqu’en 1828. Il accepta alors, malgré la défense de ses supérieurs ecclésiastiques, la chaire de logique, d’anthropologie et de métaphysique au collège philosophique de Louvain, et il l’occupa jusqu’à ce que la révolution de 1830 eût fait disparaître le collège avec le gouvernement protestant qui l’avait fondé malgré l’opposition des catholiques. Il se retira alors à Engis et y composa son Histoire des Pays-Bas, 3 in-8°, Liège, 1840, écrite dans un sens tout à fait orangiste. Janssens, hors de la Belgique, est surtout connu par son Hermeneutica sacra seu Introduclio in omnes et singulos libros sacras Veteris et Novi Fœderis, in usum prselectionum pubhcarum seminarii Leodiensis, 2 in-8°, Liège, 1818 ; 2 tomes en un volume in-8° et in-12, Paris, 1835, 1851, 1853. Une nouvelle édition corrigée et stéréotypée, mendis innumeris expurgata, parut à Turin, in-8°, en 1858. Elle a été souvent réimprimée dans cette ville. Une 19e édition y a été donnée en 1897. J.-J. Pacaud a publié une traduction française avec des corrections de l’auteur : Herméneutique sacrée ou Introduction à l’Écriture Sainte en général, 2 in-8°, Paris, 1828 ; 2e édit., 3 in-8°, Paris, 1833, revue par l’abbé Glaire ; 3e édit., revue par l’abbé Sionnet, 1 in-8°, Paris, 1841, 1845 ; 5e édit., revue par l’abbé Glaire et augmentée par l’abbé Sionnet, 1855. — Voir Alf. Journez, dans la Biographie nationale, Bruxelles, t. x, 1888-1889, p. 145.

F. VlGOUROUX.

    1. JANUM##

JANUM (hébreu : Yânîm, au ketib ; Yânûm, au qeri ; Septante, Vaticanus : ’Iefiâeiv ; Alexandrinus : Iavoûfji), ville de la tribu de Juda, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., XV, 53. Citée entre Esaane Beththaphua, elle fait partie du deuxième groupe de « la montagne », principalement déterminé par Hébron. Beththaphua existe encore aujourd’hui sous le nom de Taffûh, à cinq kilomètres à l’ouest d’El-Khalil (Hébron). Mais on n’a pu jusqu’ici retrouver aucune trace sérieuse de Yanum. On a bien proposé de l’identifier avec Béni Na’im, à l’est et près d’Hébron, cf. G. Armstrong,

W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 96, mais c’est une simple supposition, qui n’a d’autre fondement que

la convenance topographique.
A. Legendre.

1. JAPHETH (hébreu : Yéfét ; Septante : ’Iiçeft), fils de Noé. On admet généralement qu’il était le plus jeune des trois fils de Noé ; il est en effet toujours nommé à la dernière place, Gen., v, 31 ; vi, 10 ; vii, 13 ; IX, 18 ; x, 1, 2 ; I Par., i, 4. Malgré ces textes, qui paraissent bien concluants, certains commentateurs prétendent qu’il était le second fils de Noé et plus âgé que Charn ; ils traduisent à tort Gen., x, 21, par « Sem frère de Japheth, son aine » ; le vrai sens est : « Sem, frère aîné de Japheth, » comme nous le lisons dans la Vulgate. — Le nom de Japheth est expliqué diversement par les lexicographes : selon les uns, il dérive depâtdh, « s’étendre, se dilater, » selon les autres, de yâfàh, « être beau, » élymoiogie peu justifiable grammaticalement, etc. C’est en faisant allusion à la signification de pdlâh, que Noé, dans sa bénédiction, prédit à Japheth que, en récompense du respect qu’il lui avait témoigné ainsi que Sem (voir Cham, t. ii, col. 513), Dieu dilaterait sa race sur la terre et la ferait habiter dans les tentes de Sem. Gen., x, 21. Elle se répandit en effet dans « les îles des nations », Gen., x, 5, c’est-à-dire sur les bords de la mer Méditerranée en Europe et en Asie Mineure, d’où elle s’avança peu à peu vers le nord dans toute l’Europe, et occupa une partie considérable de l’Asie. — On a remarqué depuis longtemps que celui que les Grecs regardaient comme leur ancêtre, ’Icrasrôç, Japetus, avait le même nom que Japheth. Japet fut le père de Prométhée, et des autres Titans par sa femme Asia. Hésiode, Theog., 507-616 ; Apollodore, I, I, 3 ; Diodore, v, 66. On sait que, d’après la mythologie grecque, Prométhée forma le premier homme. La race de Japheth, comme celle de Japet, se montre partout audacieuse et entreprenante. Audax Japeti genus, dit Horace, Odes, t. I, od. iii, v. 27, et l’on peut appliquer ce mot à toute la famille japhéthique. Fr. Lenormant a longuement étudié la question Japheth = Japet, dans ses Origines de l’histoire, 1882, t. i, part, i, p. 173-195. — D’après la Genèse, Japheth eut sept fils qui devinrent la souche d’autant de peuples : Gomer, Magog, Madaï, Javan, Thubal, Mosoch et Thiras. Gen., x, 2 ; I Par., i, 5. Voir ces noms.

F. Vigourodx.

2. JAPHETH ('I<iq>s6), nom d’une contrée mentionnée une seule fois dans l’Ecriture, Judith, ii, 15 (grec, 25), et jusqu’ici restée inconnue. Le texte grec, plus complet que celui de la Vulgate, dit : « [Holopherne| se rendit maître des frontières de la Cilicie, tailla en pièces tous ceux qui lui résistèrent et atteignit le territoire de Japheth, qui s’étend au sud, en face de l’Arabie, et il enveloppa tous les enfants de Madian, et il brûla toutes leurs tentes et il pilla tous les parcs où étaient leurs troupeaux. » Le général assyrien se dirigea donc du nord au sud, faisant le long de sa route une grande razzia, et il vint jusque chez les Arabes nomades, dont il dévasta les campements. C’est dans ces contrées méridionales que se trouvait Japheth, dont l’identification exerce depuis longtemps la sagacité des commentateurs. « Il y en a (Grotius) qui croient qu’il faut lire Jépleth ou Jéphléti, au lieu de Japheth. On lit Jephléti dans Josué, xvi, 3, sur les confins d’Éphraim. D’autres veulent que Japheth soit la ville même de Joppé, aujourd’hui Jaffa, ville maritime de la Palestine, mais il est visible que l’Écriture parle ici d’une province opposée à la Cilicie. Si l’Ionie et les autres provinces peuplées par Japheth et ses descendants étaient au midi de la Cilicie ou de la Palestine, je croirais qu’il s’agit de ce pays, mais tout cela est au couchant ou au septentrion de ces provinces. Si, au lieu de Japheth, on lisait Saphar, ou Sapha, ’ou Saphta, il serait aisé d’expliquer ce passage, puisque,

dans l’Arabie Heureuse, on trouve des villes de ce nom et même un peuple, nommé Sapharites. » Calmet, Commentaire sur Judith, Paris, 1722, p. 383. M. Rohiou, dans la Revue archéologique, Paris, août 1875, p., 85,. émet une autre conjecture. Il explique le nom de Japheth, comme terme géographique, par l’extrême affinité des muettes labiales et du iii, et y reconnaît celui de Hamath, ville de Syrie, que l’on rencontre exL marchant vers le sud, après avoir quitté les frontières de la Cilicie ou des territoires de Kiliza, peu éloigné de ; Carchamis. L’expression xatà Kpiataizov r ?jç’Apagi<isç„ « en face de l’Arabie, » et la mention des Madianites^ qui habitaient sur les deux rives du golfe tlanitique, , semblent placer plus bas la contrée dont il est kà

question.
A. Legendre.
    1. JAPHIA##

JAPHIA (hébreu : Yâfîa’), nom d’un roi de Lachis et d’un fils de David. Une ville de Palestine porte aussi Je même nom dans le texte hébreu. Dans la Vulgate, Jos., xix, 12, elle est appelée Japhié.

1. JAPHIA (Septante : ’leipôs ; Alexandrinus : ’laqué.), roi de Lachis. Jos., x, 3. Il vivait du temps de Josué et était l’un des cinq rois amorrhéens qui allèrent attaquer les Gabaonites. Il fut battu avec ses confédérés par Josué et se cacha comme eux dans la caverne de Macéda » mais il en fut tiré et mis à mort. Jos., x, 3-26.

2. JAPHIA (Septante : ’Isçtlç, II Reg., v, 16 ; ’Iaçt£, I Par., iii, 7 ; xiv, 6), fils de David, le dixième des quatorze qu’eut ce roi lorsqu’il se fut établi à Jérusalem. On ne connaît de Japhia que son nom.

    1. JAPHIÉ##

JAPHIÉ (hébreu : Yâfîa’; Septante : Vaticanus : ^ayyai ; Alexandrinus : ’Iaça-fai), ville frontière de Zabulon, mentionnée une seule fois dans l’écriture. Jos., xix, 12. — 1° Citée entre Dabéreth, aujourd’hui Deburiyéh t aa pied du mont Thabor, et Gethhépher, généralement identifié avec El-Meschhed, au nord de Nazareth, elle devait par là même se trouver dans le voisinage de cette dernière. Or, un peu au sud, on rencontre le village de Yâfa, qui, au double point de vue onomastique et topograr phique, représente bien l’ancienne localité dont nous parlons. Le nom actuel, lib, Yâfa, ne reproduit pas la gutturale finale de l’hébreu yis » Yâfia’, mais la chute

— * T

de cette aspirée peut s’expliquer par l’analogie du nom avec celui de la ville maritime plus connue, Jaffa. Cf. G. Kampffmeyer, Alte Namen im heutigen Palâslina und Syrien, dans la Zeitschrift des Deutschen Paldstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 2, 44. Cette identification est admise par R. J. Schwarz, Dos heUige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 135 ; Robinson^ Eiblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 343 ; V. Guérin, Galilée, t. i, p. 104, et les explorateurs anglais, Names and places in the Old and New. Testament, Londres, 1889, p. 96.Ilestclairentoutcasque Reland, Palssstina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 826, d’après une indication d’Eusèbe et de saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 133, 267, a tort de chercher le représentant de Japhié dans l’antique Sycaminum ou Épha, ’Hepâ, aujourd’hui Khatfa, plus exactement Henfa, à la pointe du Carmel. Outre le rapprochement onomastique, les données topographiques s’opposent à cette assimilation. Yâfa est sans doute la ville forte, de J la< ?& que Josèphe mentionne plusieurs fois dans la Bassa Galilée. Bell.jud., II, xx, 6 ; III, vii, 31 ; Vita, 37, 45, 52. 2° Le village actuel de Yâfa, divisé en deux quartiers, occupe deux monticules adjacents et compte quatre cents habitants, tant latins que grecs schismatiques et musulmans. L’antique cité dont il ne reste plus que de misérables débris, tels que cinq ou six tronçons de colonnes, un certain nombre de belles pierres de taille brisées et une trentaine de citernes plus ou moins in

factes, s’étendait beaucoup plus au sud, sur une autre colline maintenant livrée à la culture et qu’environnent de trois côtés de profondes vallées. Elle comprenait ainsi trois collines de difficile accès, excepté vers le nord, où l’abord est plus aisé. Près de l’église, on remarque un très curieux souterrain, qui remonte sans doute à une assez haute antiquité. Il se compose de trois étages successifs de chambres superposées et pratiquées dans le roc. Une ouverture circulaire, juste assez large pour livrer passage à un homme et que fermait hermétiquement une pierre, permettait, en relevant cette dalle, de se laisser glisser d’une chambre dans l’autre. C’est en déblayant l’une d’entre elles que l’on a trouvé, en 1869, un vase renfermant environ deux cents monnaies marquées aux coins de différents empereurs romains, et enfouies là probablement à une époque de guerre. Ce souterrain est aujourd’hui en partie comblé. Il en est de même d’un autre semblable, qui contenait pareillement plusieurs étages de chambres creusées dans le roc les unes au-dessus des autres. Ces deux grands hypogées prouvent à eux seuls, par les difficultés qu’il a fallu vaincre pour les excaver, l’importance, depuis longtemps disparue, de la localité où ils se trouvent. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 103, 104. Voir aussi Palestine exploration fund. Quarterly stalement, Londres, 1873, p. 57, 58 ; Survey of western Palestine, Memoirs, Londres, 1881, t. i, p. 353, 354. Le siège que Yâfa soutint contre les soldats de Vespasien et de Titus est demeuré célèbre et montre quelle était la forte position de cette ville. Cf. Josèphe, Bell, jud., III, vii, 31. — D’après certaines traditions, Yâfa est la patrie de Zébédée, père des

deux apôtres Jacques et Jean.
A. Legendre.
    1. JAPONAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE##


JAPONAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.

Catholiques.

Il ne paraît pas que les missionnaires

catholiques du xvi » siècle aient traduit les Livres Saints en japonais. Depuis la rentrée des missionnaires dans l’Empire du Japon, on s’est occupé de combler cette lacune. Le premier essai de ce genre est dû au P. Cousin, aujourd’hui évêque de Nagasaki. Ce missionnaire publia en 1879 une Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cet ouvrage a eu trois éditions dont chacune a été un perfectionnement de la précédente. En 1895, les PP. Péri et Steichen publièrent à Tokyo une traduction des deux premiers Évangiles avec l’assistance et sous la signature d’un éminent littérateur japonais, M. Takahashigorô, qui avait déjà travaillé pour la mission protestante ; deux ans plus tard les mêmes auteurs publièrent la traduction des deux derniers Évangiles. Cette traduction est très appréciée même des protestants.

Version des missionnaires russes.

L’Église russe

n’a pas encore de traduction japonaise de la Bible. Les missionnaires orthodoxes se sont bornés à adopter une traduction chinoise protestante du Nouveau Testament, à modifier les noms propres d’après leur propre prononciation et à ajouter aux caractères les signes conventionnels qui indiquent aux Japonais les interversions à faire dans ]a lecture du chinois pour se conformer au génie de leur langue. Il paraît qu’en ce moment on travaille, sous la direction de l’évêque Nicolaï, à une traduction qui différera sensiblement de celles qui existent déjà.

Protestantes.

En 1836, Charles Gutzloff fit à Macao

une traduction de l’Évangile selon saint Jean et des Actes des Apôtres ; il eut, pour l’aider dans cette œuvre, le concours d’un marin japonais naufragé à Macao. Cette traduction fut imprimée à Singapore en Eata-Kana, écriture syllabique carrée du Japon. S. Well William traduisit aussi à Macao la Genèse avec la collaboration de ce même marin, mais ce travail n’a jamais été imprimé. E. J. Bettelheim, résidant aux îles Lyûk^û ou Luchu, traduisit les quatre Évangiles et les Actes dans la langue de ces lies, et plus tard en japonais avec l’aide d’un Japonais étudiant aux États-Uois. Cette traduction fut im primée à Vienne en 1872 en Hira-Kana, écriture syllabique ronde ; elle n’eut pas de vogue à cause de ses nombreusesimperfections. — Dès 1859, lesmissionnaires protestants pénétrèrent au Japon. En 1871 J. Goble de la mission baptiste publia en Hira-Kana une traduction de saint Matthieu, qui n’eut pas grand succès. L’année suivante, le gouvernement japonais se montrant moins intolérant à l’égard du christianisme, un Japonais, Okuno Masatsuna, fit imprimer à Yokohama les Évangiles de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Jean et les Actes, traduits par Ballagh, Thomson et Hepburn, et revus par ce dernier avec le concours de S. P. Brown. Cette même année eut lieu à Yokohama la première conférence de toutes les sectes protestantes travaillant au Japon. La conférence décida de reviser les parties du Nouveau Testament déjà traduites, et de traduire les autres ; à cet effet on nomma une commission composée de S. R. Brown, D. C. Green et du docteur Hepburn. Le travail commença en 1874, avec la collaboration de MM. Matsuyama, Takayashi, Okuno Masatsuna et Takahashi gorô, littérateurs japonais distingués ; le Nouveau Testament fut publié six ans après (novembre 1879). Cette version, qui ne présente que de légères modifications, est en usage dans toutes les sectes protestantes. Les Baptistes ont cependant une édition spéciale, plus modifiée, qui se rapproche davantage de la doctrine catholique. A la suite de la conférence tenue à Tokyo en 1878, on nomma une commission, composée de G. F. Verbeck, B. K. Fyson, Green, et du docteur Hepburn, chargée de préparer la traduction de l’Ancien Testament. La commission, aidée des trois littérateurs japonais dont nous avons parlé plus haut, mena à bonne fin son œuvre, et la traduction de l’Ancien Testament, à l’exception des livres deutérocanoniques, parut en 1888. Cf. Lnteru Kyôhô (Revue luthérienne du Japon), n. 8, février 1901.

V. Ermoni.

JARA, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites qui s’appellent d’une manière différente en hébreu.

4. JARA (hébreu : Yârôâh ; Septante : ’liai ; Alexandrinus : A8at), un des chefs de la tribu de Gad, fils de Galaad et père d’Huri. I Par., v, 14.

2. JARA (hébreu : Ya’erâh, et dans quelques manuscrits : Ya’eddh ; Septante : ’laSâ), de la tribu de Benjamin, fils d’Ahaz et père d’Alamath, descendant de Saùl. I Par., ix, 42. Dans la liste de I Par., viii, 36, son nom est en hébreu Yehô’addàh (Vulgate : Joada) r ce qui semble indiquer que l’orthographe des manuscrits qui portent Ya’eddh, en sous-entendant le nom divin abrégé Yahô, est la bonne.

    1. JARAMOTH##

JARAMOTH (hébreu : Yarmûf ; Septante : Vaticanus : ’Ps|j.(i.â8 ; Alexandrinus : ’Ispu.w6), ville de la tribu d’Issachar, donnée avec ses faubourgs aux Lévites fils de Gerson. Jos., xxi, 29. Dans la liste parallèle de I Par.) VI, 73 (hébreu, 58), elle est appelée Ramoth, hébreu : Râ’môt ; Septante : ’Pajuie, et, dans l’énumération des villes de la tribu, Raméth, hébreu : Réméf ; Septante : Vaticanus : ’Pépias ; Alexandrinus : ’Pa(j, â8. Les trois noms ne diffèrent que par la forme, et se rattachent à une racine qui signifie « hauteur ». Ils représentent donc une seule et même ville, qui est partout mentionnée immédiatement avant Engannim (il est probable, e » effet, qu’Anem de I Par., vi, 73, n’est qu’une contraction d’Engannim), et qu’il faut par là même chercher aux environs de Djénîn. Voir la carte d’IssACHAR, col. 1008. Mais aucune localité, dans ces parages, n’a pu jusqu’ici fournir une identification suffisante. On a propesé de reconnaître Jaramoth ou Ramoth dans le village d’Er-Râméh, au nord de Sébastiyéh ou Samarie, Cf. Survey of western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 154 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conter, Names and places in the Old and New Testa*

ment, Londres, 1889, p. 96, 148, 150. La correspondance onomastique est exacte ; mais ce point est trop au-dessous et en dehors des limites d’Issachar pour qu’on puisse admettre cette hypothèse. Quelques-uns ont cherché Jaramoth sur le Djebel Fuqu’a ou mont Gelboé, au village de Vézar (EUMézar, selon V. Guérin, Samarie, t. i, p. 325), sous prétexte que uézar en arabe a le sens de « montagne élevée » ou de hauteur comme Ramoth. Cf. Knobel, dans Kcil, Josaa, Leipzig, 1874, p. 154, note 1.

Vulgate : horltts, paradisus, pomarium), enclos diversement planté en vue de l’agrément ou de l’utilité. Le karmél est un jardin ou un verger ; les versions n’ont pas compris ce sens et ont simplement reproduit le mot hébreu : y, épu, £i, . xipî<- » iXov, charmel, carmelm. Le pardês est un jardin plus considérable, une sorte de parc tel que le concevaient les Perses. Le mot pardês ne se lit que dans de rares passages de la Bible hébraïque. Cant., iv, 13 ; Eccle., ii, 5 ; II Lsd., ii, 8 ; cf. Eccli.,

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204. — Jardin entourant une villa égyptienne, xviii’dynastie. D’après ReseUini, Monurnenti storici, pl. lxi^.

C’est une simple conjecture sans appui suffisant. De même nature est l’opinion de V. Guérin, Galilée, t. i, p. 132, qui serait disposé à placer l’antique cité hébraïque à Kaukab el-Haua, au nord de Béisân ou Scythopolis, situé sur un point élevé et dont la forteresse est désignée par les historiens du moyen âge sous le nom de Belvoir ou de Belvédère. Nous sommes obligés de conclure que l’emplacement de Jaramoth est inconnu.

A. Legendre.
    1. JARCHI##


JARCHI. Voir Raschi.

    1. JARDIN##

JARDIN (hébreu : gan, gannâh, ginndh, en assyrien : gânnatu ; karniél ; pardês, du zend pairidaêza, en assjrien : pardisu : Septante : xtjtco ;, irapccôei<roc ;

xxiv, 41 ; XL, 17, 28. Par contre, la traduction 7tapâ8siiroc, paradisus, a été introduite par les versions dans bon nombre de passages où l’hébreu porte gan. Gen., ii, 8, etc. ; m, 1, etc. ; xiii, 10 ; Ezech., xxviii, 13 ; xxxi, 8, 9.

I. Jardins mentionnés dans la Bible v — 1° Le jardin de l’Éden. — Ce jardin s’appelait gan Edèn, « jardin de volupté, » Gen., ii, 15 ; iii, 23-24 (n, 3 gdn be-’Éden), c’est-à-dire destiné à procurer à l’homme l’agrément le plus complet. Le Seigneur lui-même l’avait planté, ce qui signifie qu’il avait préparé en ce lieu, avec une attention particulière, tout ce qui pouvait plaire à l’homme. Les Septante ayant traduit gan’Édén par irapâSciiro ; èv’ESép., Gen., ii, 8, et par itapiSstiTo ; t » jî Tpuçîjç, Gen., ii, 15 ; iii, 23, 25 et la Vulgate à leur suite, par paraduus

vtsluptat is, le nom de « paradis » est resté à ce jardin. Gen., ii, 8, 15 ; iii, 23, 24. Voir Paradis terrestre.

Jardins d’Egypte.

Les grandes maisons égyptiennes

possédaient ordinairement un jardin ou parc assez étendu, dont l’un des côtés longeait le Nil ou un canal (fig.204). Dans celui dont le plan est ici représenté, l’entrée est sur le canal ; des allées, qui font le tour de l’enclos, sont plantées de palmiers et de conifères ; une vigne forme au centre un large berceau, quatre pièces d’eau servent aux ébats d’oiseaux aquatiques, et des kiosques élevés çà et là ménagent au promeneur l’ombre et le rqpos. Outre ces jardins luxueux, il y avait un grand nombre de jardins potagers que le petit peuple cultivait sur le bord des canaux et dans lesquels, au moyen d’irrigations intelligentes, on obtenait d’abondants et

à ce roi la création des jardins d’Étham, dans l’ouadi Ourtas, à environ quatre kilomètres au sud-ouest de Bethléhem. Voir Aqueduc, 1. 1, col. 798, et fig. 191, col. 801. C’est là que se voient encore les bassins nommés vasques ou étangs de Salomon, dans une vallée d’une fraîcheur et d’une fertilité merveilleuses. Il est possible que Salomon ait tenu à avoir de vastes jardins plus rapprochés de la ville. On sait qu’il en exista d’assez considérables au sud de la ville* à proximité de la fontaine de Siloé, dans la vallée du Cédron, un peu au-dessus de sa jonction avec celle de Géennom. Il est en effet question de « jardin du roi » en cet endroit, au moment de la prise de Jérusalem par les Chaldéens. IV Reg., xxv, 4 ; Jer., xxxix, 4 ; lii, 7. Après la captivité, on refit « le mur de l’étang de Siloé, près du jardin du roi ». II Esd.,

K.

[[File: [Image à insérer]|300px]]
205. — Jardin assyrien. D’après Layard, Discoveries in the ruins of Nzneveh and Babylon, 1853, p. 232.

superbes légumes. Voir Irrigation, col. 926. L’ensemble de ces cultures donnait à la vallée du Nil un aspect de riante fertilité. Telle était, avant la destruction de Sodonie et de Gomorrhe, la plaine du Jourdain du côté de Ségor, « un jardin de Jéhovah comme la terre d’Égjpte, » Gen., xiii, 10, par conséquent un pays d’une extrême richesse. La terre de Chanaan, pourtant si iavorisée, n’était pas à comparer, sous le rapport de la fertilité, avec les jardins potagers de l’Egypte. Deut., xi, 10. » 2° Jardins royaux de Palestine. — 1. Le roi Salomon raconte qu’il se fit des jardins, gannvt, et des vergers, ipardêsîm, qu’il y planta des arbres à fruit de toute espèce, et qu’il créa des étangs pour arroser la forêt où .croissaient les arbres. Eccle., Il, 5, 6. Dans le Cantique, ’v, 12, 16 ; vi, 1, 10, il est également beaucoup parlé de jardins. Il est assez probable que le roi en ménagea quelques-uns dans ses palais, surtout dans celui qu’il construisit pour la reine, fille du roi d’Egypte, habituée aux jardins de son pays. III Reg., ix, 24. L’emplacement « les autres jardins de Salomon n’est pas indiqué par la Sainte Écriture. Josèphe, Ant. jud., VIII, vii, 3, attribue

m, 15. Ce jardin^duroi date-t-il de Salomon ? Josèphe, Ant. jud., VII, xiv, 4, semble le croire, quand il place « hors de la ville, près de la fontaine qui est dans le jardin roj al >/, la scène d’Adonias cherchant à se laire couronner roi avant Salomon. III Reg., i, 9. Toujours est-il qu’il existait avant la captivité, et que rien ne s’oppose à ce qu’il remontât à une époque notablement antérieure.

— 2. Le Cantique des cantiques, dont les scènes se déroulent dans un cadre tout champêtre, parle plusieurs fois de jardins. La bien-aimée est un <r jardin fermé », dans lequel il y a une fontaine d’eaux vives et où poussent toutes sortes de plantes aromatiques. Cant., iv, 12, 13, 15. Il est possible qu’une allusion soit faite ici aux jardins de l’ouadi Ourtas, qui sont comme enfermés dans des collines. Voir Étam, t. ii, fig. 612, col. 1991. L’époux a de son côté un jardin où les fleurs et les fruits répandent leurs parfums, v, 1 ; vi, 1, 10, et l’épouse a aussi le sien, viii, 13. — 3. Le roi Achab s’empara par iolence de la vigne de Naboth, dans la plaine de Jezræl, pour s’en faire un jardin potager. III Reg., xxi, 2, 16. Ochozias, roi de Juda, poursuivi par Jéhu, s’enfuit non d ! 33

JARDIN

1134

pas « parle chemin de la maison du jardin », comme traduit la Vulgate, qui prend comme nom commun un nom propre, mais par Beth Haggan. IV Reg., ix. 27. Voir Beth Haggan, t. i, col. 1685. Les deux rois de Juda, Manassé et Amon, reçurent la sépulture dans le jardin d’Oza. IV Reg., xxi, 18, 26. Voir Oza.

Jardins de Babylone.

Une des magnificences de

Babylone était ses jardins (fig. 205), en particulier ses jardins suspendus, c’est-à-dire plantés au-dessus de substructions en maçonnerie. Cf. t. i, col. 1357, fig. 408 ; Josèphe, Ant. jud., X, xi, 1. Les Juifs captifs furenttémoins de ces merveilles. Mais dans une ville quinze fois vaste comme Paris, J. Oppert, Expédition en Mésopotamie, t. i, p. 234, il y avait place pour beaucoup de jardins particuliers. Pour faire entendre aux captifs que leur exil se prolongera bon nombre d’années, Jérémie, xxix, 5, 28, leur recommande de se planter des jardins dans la ville. Ils auront le temps d’en recueillir les fruits. Le prophète fut obéi. À l’époque où Daniel se trouvait à Babylone, un riche Juif, du nom de Joakim, époux de Susanne, avait un grand jardin près de sa maison. Susanne s’y promenait tous les jours. On pouvait en fermer la porte à volonté, mais la verdure y était assez épaisse pour que plusieurs personnes pussent s’y cacher sans être aperçues. Dans le jardin était pratiqué un bassin où l’on prenait des bains. Dan., xiii, 4, 7, 8, 15, 16, 20.

Jardins de Suse.

Plusieurs des principales scènes

du livre d’Esther se passent dans un jardin royal et un bâtiment nommé bîtân. Esth., 1, 5 ; vii, 7-8. Les découvertes de M. Dieulafoy, L’acropole de Suse, Paris, 1891, p. 376, permettent de se rendre un compte exact des lieux. Voir le plan, t. ii, fig 607, col. 1974. Le jardin planté d’arbres occupe l’un des angles de l’acropole. On peut y pénétrer directement de la maison des femmes. Le bi{ân, en susien, Vapadâna, était un bâtiment soutenu par des colonnes, Esth., i. 6, et élevé au milieu des arbres du pardês. Un vaste vestibule en terrasse le précédait et pouvait aisément donner place aux nombreux convives de Xerxès I fr. D’après ces données, on explique clairement les incidents notés par le livre d’Esther. Le jardin porte en hébreu le nom de ginnâh, que la Vulgate traduit par hortus et nemus, « jardin et bois, » Esth., i, 5, à cause des grands arbres dont il était planté. Plus tard, pendant le repas que Xerxès prenait chez la reine, c’est dans ce jardin qu’il se retira quelque temps, après que la conduite d’Aman lui eût été révélée. Esth., vii, 7, 8. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1896, t. iv, p. 626-634. Les rois perses avaient d’autres jardins hors du palais et des parcs en différents pays. Néhémie fut en rapport avec un intendant de ces parcs, un s’orner hap-pardês, « garde du jardin. » II Esd., ii, 8. Voir le jardin royal de Téhéran en Perse, t. ii, fig. 608, col. 1975.

6° Jardin de Gethsémani ou des Oliviers, dans lequel eut lieu l’agonie de Notre-Seigneur. Joa., xviii, 1, 26.Voir Gethsémani, col. 229, et le jardin des Oliviers, fig. 47, col. 23L^

Jardin du Calvaire.

Tout près du Golgotha, sur

lequel fut crucifié le Sauveur, se trouvait un jardin, Joa., xix, 41, et dans ce jardin un sépulcre taillé dans le roc. Marc, xv, 46 ; Luc, xxiii, 53. Ce sépulcre, et par conséquent le jardin environnant, appartenaient à Joseph d’Arimathie. Matth., xxvii, 60. Ils occupaient, à l’ouest, une petite colline moins élevée que le Golgotha, mais couverte de verdure, et en étaient cependant séparés par la route de Damas. Voir le plan, fig. 206. A. Legendre, Le Saint-Sépulcre depuis l’origine jusqu’à nos jours, Le Mans, 1895, p. 7-11. On mesure une trentaine de mètres entre le Golgotha et le Saint-Sépulcre. Cf. Calvaire, t. ii, col. 77, et Liévin, La Terre Sainte, Jérusalem, 1887, p. 202.

S Jardins idolâtnques. — Les prophètes se plaignent plusieurs fois de la conduite des Israélites qui pratiquaient, dans certains jardins, le culte des idoles. Ils trouvaient

en ces lieux l’ombrage et le mystère que réclamaient leurs sacrilèges. Des bois sacrés et des arbres touffus étaient déjà consacrés à cet usage, à l’imitation des nations étrangères. Voir Bois sacré, 1. 1, col. 1839, et t iii, fig. 116, col. 451. Un jour, les hommes de Juda auront

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206. - Le Calvaire et le Saint-Sépulcre. D’après M. Schick.

honte des térébinthes qu’ils aiment tant, ils rougiront des jardins dans lesquels ils se plaisent. Is., i, 29. C est dans ces jardins qu’on se cachait pour sacrifier aux idoles et pour se soumettre aux purifications idolâtriques ; on s’y rendait mystérieusement, un à un, et l’on y célébrait des festins avec de la chair de porc, de souris et d’autres choses immondes. Is., lxv, 3 ; lxvi, 17.

Jardins de Jérusalem.

Outre les jardins royaux

et le jardin des Oliviers ou de Gethsémani, où Notre-Seigneur aimait à se retirer, Joa., xviii, 2, il devait exister au moins des bosquets de verdure dans les palais, spécialement dans celui d’Hérode et dans l’Antonia. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, mentionne une porte de Gennath, c’est-à-dire des Jardins, d’où partait la deuxième muraille s’étendant jusqu’à la tour Antonia. L’emplacement de cette porte n’est pas déterminé. Elle n’était pas très éloignée de l’angle rentrant que faisait la seconde muraille avec l’enceinte d’Ézéchias. Voir de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, Paris, 1866, p. 223, 224. En tout cas, elle donnait sur des jardins, et ceux-ci se trouvaient précisément dans les environs du jardin de Joseph d’Arimathie. En dehors même de la troisième enceinte, au nord en allant vers le Scopus, il existait d’autres jardins qui faillirent être funestes à Titus. S’étant avancé vers la muraille avec une faible escorte, il fut subitement attaqué par les défenseurs de la place, et il eut la plus grande peine à s’échapper, à travers les jardins entourés de murailles et les fossés destinés à la culture. Josèphe, Bell, jud., V, ii, 2. Il n’est point question d’autres jardins autour de Jérusalem ; les pentes escarpées qui occupaient trois côtés de la ville étaient d’ailleurs peu favorables à la culture.

H. Culture des jardins. — 1° La Sainte Écriture mentionne deux sortes de jardins, le jardin potager ; gan yârâk, xîjiïo ; Xa^âvinv, hortus (olerum), Deut, VÎ, 10 ; III Reg., xxi, 2, et le jardin d’agrément. Dans le

premier, on cultivait les légumes et les herbes comestibles, lentilles, fèves, laitue, endive et herbes amères servant de salade, porreau, ail, oignon, nielle, cumin, menthe, aneth, sénevé, Luc, xii, 19, etc., toute espèce de plantes. Is., lii, 11. Voir ces mots. Les pastèques, les melons, les concombres, et les autres cucurbitacés venaient aussi dans les jardins, et occupaient parfois des champs entiers, comme lemiqsâh, oixoripiiTov, cucumerarium, « champ de concombres, » dont parle Isaie, i, 8. Les anciens jardins potagers de Syrie étaient célèbres. Pline, H. N., xx, 16. — Les jardins d’agrément renfermaient des arbres capables de donner l’ombrage, des arbustes et des plantes portant des fleurs et des fruits. Voir Arbres, t. i, col. 889-894 ; Fleur, t. ii, col. 2288 ; Fruit, t. ii, col. 2412. Les plantes odoriférantes et balsamiques étaient particulièrement recherchées. Cant., iv, 16 ; vi, 2. Cf. Munk, Palestine, Paris, 1881, p. 20, 21. On ne se contentait même pas de la flore indigène, et l’on faisait venir des plantes de l’étranger. Is., xvii, 10.

— 2° La Loi défendait de mêler ensemble des semences différentes. Lev., xix, 19 ; Deut., xxii, 9. Cette prohibition rappelait aux Israélites qu’ils ne devaient pas se mélanger eux-mêmes avec les peuples étrangers ; elle avait aussi pour but de’prévenir l’inconvénient signalé par Notre-Seigneur, Matth., xiii, 29, dans le cas où les deux semences n’arrivent pas à maturité dans le même temps. La Mischna, Kilaim, iv, 3, 4, a formulé des règles méticuleuses pour assurer l’exécution] de ce point de la Loi. — 3° Chacun cultivait son jardin. Il y avait cependant des ouvriers spéciaux qui s’occupaient de jardinage. Le roi Ozias avait à son service des cultivateurs dans les montagnes et dans son jardin, II Par., xxvi, 10. Un jardinier, xT]Kovp6c, hortulanus, était sans doute aux gages de Joseph d’Arimathie. Joa., xx, 15. Le principal outil de jardinage devait être la houe. Voir Houe, col. 766. Le jardinier prenait soin des plantes, et n’ignorait pas l’art de les greffer. Rom., XI, 17, 19, 23-24. La Mischna, Kilaïm, i, 7, 8, défendait encore de mettre sur un sauvageon une greffe d’espèce différente. Pour protéger les jeunes pousses contre l’avidité des oiseaux, le jardinier dressait au milieu d’elles un épouvantail, irpoëa<rxâviov, formido, auquel Baruch, VI, 69, compare les statues des idoles, parce que les voleurs ne craignent pas plus l’idole que l’épouvantail. On mettait du fumier au pied des arbres et des plantes. Luc, xiii, 8. Comme les vignes, les jardins étaient entourés de haies ou de murs en pierres sèches. Is., v, 5 ; Prov., xxiv, 31 ; Matth., xxi, 33 ; Marc, xii, 1. Parfois même, un gardien y résidait dans nne sorte de hutte. Job, xxvii, 18 ; Is., i, 8. Ces précautions étaient indispensables pour empêcher les jardins d’être ravagés par les bêtes sauvages ou pillés par des passants sans scrupule. Il y avait cependant des dévastations qu’on ne’pouvait prévenir ; telle, par, exemple, celle des sauterelles. Am., iv, 9. —, 4° Dans un pays chaud comme la Palestine, la proximité de l’eau était la condition essentielle de la prospérité et même de l’existence d’un jardin. On n’en pouvait donc planter que dans le voisinage des sources. Le jardin royal de la vallée du Cédron était auprès de la fontaine de Rogel, III Reg., i, 9 ; ceux de l’ouadi Ourtas auprès des eaux de l’Aïn-Saléh. Voir Aqueduc, t. i, col. 799. L’irrigation était de toute nécessité et la grande préoccupation de l’horticulteur était de dériver à son profit un peu des eaux de la source voisine ou d’aller lui-même y puiser. Eccli., xxrv, 42, 43. Un jardin sans eau n’avait bientôt que des plantes flétries. Is., i, 30. — 5° Les ombrages d’un jardin bien cultivé et bien arrosé constituaient un séjour des plus agréables, dans lequel on pouvait se livrer à la joie de l’existence. Amos, ix, 14, promet aux Israélites revenus de captivité qu’ils replanteront des jardins et en mangeront les fruits. Par contre, quand leur pays est dévasté par la colère de Dieu, les Moabites ne peuvent plus seréjouir dans leurs jardins. Is., xvi, 10 ; Jer., xlvui, 33.

III. Comparaisons tirées des jardins.

1° Un jardin planté sur le bord des eaux et bien arrosé est l’image d’une grande prospérité, ordinairement due à la bénédic’don divine. Num., xxiv, 6 ; Is., li, 3 ; lviii, 11 ; Jer., xxxi, 12 ; Ezech., xxxvi, 35. Parfois cependant cette prospérité est accordée à des méchants. Job, tiii, 16. Le roi de Tyr et le roi d’Egypte sont comparés à un « jardin de Dieu », c’est-à-dire à un jardin magnifique, Ezeck., xxviil, 13 ; xxxi, 8, 9, à cause des biens temporels dont ils ont été comblés. — 2° Le jardin dévasté, desséché, brûlé, est le symbole des effets de la malédiction divine. Is., i, 30 ; x, 18 ; Joël, ii, 3.

H. Lesêtre.
    1. JARDINIER##

JARDINIER (xETtoûpoç ; Vulgate : hortulanus), celui qui cultive un jardin. Saint Jean, xx, 15, fait allusion au « jardinier » de Joseph d’Arimathie. Le jardinier n’a pas de nom particulier dans l’Ancien Testament, mais Néhémie parle du gardien des jardins du roi de Perse (voir Jardin, 5°, col. 1133) et l’on peut voir aussi dans le gardien qui se fait un abri contre le soleil, Job, xxvii, 18, un homme qui garde un jardin. Cf. Is., i, 8 ; II Par., xxvi, 10.

JARÉ (hébreu : Ye’rah ; Septante : ’Iapâx), le quatrième des treize fils de Jectan, descendant de Sem par Héber. Gen., x, 26 ; I Par., i, 20. Il fut le père d’une tribu de l’Arabie méridionale. L’identification de cette tribu est douteuse. — 1° D’après Bochart, les descendants de Jaré sont les Aliléens, qui habitaient près de la mer Rouge, dans une contrée où l’on trouvait de l’or. Diodore de Sicile, III, xlv, 6, édit. Didot, t. i, p. 159. Comme Yérah a le sens de lune, Bochart suppose qu’Aliléens signifie « fils de la Lune » ou d’Alilat à laquelle ils rendaient un culte. Hérodote, iii, 8. — 2° D’après J. D. Michælis, Spicilegium, ii, 60, comme dans la Genèse Jéra est nommé après Asarmoth (hébreu : Hâsarmdvé() qui correspond à l’Hadramaut, c’est près de ce dernier pays qu’il faut chercher la tribu issue de Jéra, en un lieu que les géographes arabes appellent Djabbiïlqamar, « rive ou côte de la lune, » et JDjébeliïl-qamar, « montagne de la lune, » à l’est de l’Hadramaut, non loin de Schorma. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 630. — 3° M. D.S. Margoliouth, dans Hastings, Dictionary ofthe Bible, t. ii, 1899, p. 568, croit que Jaré peut désigner les habitants de Yâruhou de Yarâh, villes situées dans le "Yémen et dans le Hedj’az, ou bien un autre endroit appelé Warâfy. Toutes ces explications ne reposent que sur des hypothèses contestables. F. Vigouroux.

    1. JAREB##

JAREB (hébreu : Yârêb ; Septante : ’Iapsî|i ; ’Iapsfê, dans Théodoret de Cjr, In Ose., v, 13, etx, 6, t. lxxxi, col. 1581, 1605 ; Jarib dans saint Jérôme, In Vse., i, 13, t. xxv, col. 864-865, qui déclare que la lecture Jarim, avec un m final, - est fautive ; Vulgate : ultor, traduction du mot hébreu), nom d’un roi d’Assyrie dans Ose., v, 13 ; x, 6, d’après un grand nombre de commentateurs. Plusieurs y ont vu un nom de pays, comme la version syriaque (l’Egypte, d’après saint Éphrem), d’autres, un nom allégorique. Un grand nombre y voient aujourd’hui un nom propre, celui d’un roi d’Assyrie. Il est en effet difficile de ne pas admettre qu’il s’agit d’un roi de ce pays. « Quand Éphraim a vu son mal et Juda sa blessure, dit le prophète, Éphraim s’est tourné vers Assur, et il a envoyé [des messagers] au roi Jareb ; mais il ne pourra ni vous guérir ni panser votre blessure… Sa gloire sera transportée en Assyrie comme un présent au roi Jareb. » II Ose., v, 13 ; x, 6. Mais Jareb est-il le nom propre de ce roi, ou bien un surnom ou enfin une épithéte par laquelle le désigne le prophète et signifiant soit « vengeur », comme a traduit saint Jérôme, soit « l’ennemi » ou « le roi du [peuple] ennemi », comme l’expliquent d’autres exégètes ? Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1286. D’après W. Max Mûller, dans la Zeit&chrift fur allteslanienll. It’a

senschaft, 1897, p. 334, Jareb ne serait pas autre chose que le titre si commun dans les inscriptions assyriennes, « grand roi, » de 23-1, râbab, « être grand. » — La question est difficile à résoudre. On n’a découvert aucun roi d’Assyrie du nom de Jareb. M. H. Sayce a émis l’hypothèse que Jareb désigne Sargon (voir Sargon) et que c’est le nom que portait ce roi avant son avènement au trône. Was Jareb the original name of Sargon ? dans le Babylonian and oriental Record, t. 11, 1887-1888, p. 18-22 ; cf. p. 127, 145 ; Id., Higher crilicism, 1894, p. 417 ; A. Neubauer, Sargon-Yareb, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. iii, 1888, p. 103. Cette hypothèse est plausible, mais non démontrée. Le problème n’est pas définitivement résolu. F. Vigouroux.

    1. JARED##

JARED (hébreu : Yéréd ; à la pause : Yaréd ; Septante : ’ïâpeS), [nom d’un patriarche antédiluvien et d’un Israélite.

1. JARED, patriarche antédiluvien dans la descendance de Seth, fils de Malaléel et père d’Hénoch. Gen., v, 15-20 ; I Par., 1, 2 ; Luc, iii, 37. Son père Malaléel l’engendra à l’âge de 65 ans (Septante : 165) ; il devint lui-même père d’Hénoch à 162 ans et il mourut à 962 ans.

2. JARED, fils d’Ezra par sa femme Judaia, de la tribu de Juda, père, c’est-à-dire très probablement fondateur de Gedor. I Par., iv, 18. Voir Gedor 3, col. 152. Les rabbins ont prétendu que Jared, dont le nom vient de la racine ydrad, « descendre, » était un titre de Moïse, parce que le législateur des Hébreux avait fait « descendre » la manne du ciel. Cette explication, qui ne s’appuie que sur un jeu de mots, est en contradiction avec le texte, car Moïse n’était pas de la tribu de Juda, mais de Lévi.

    1. JARÉPHEL##

JARÉPHEL (hébreu : Irpe’êl, « Dieu guérit ; » Septante : Codex Vaticanus : Ka ?âv ; Codex Alexandrinus : ’IepçocïjX), ville de la tribu de Benjamin, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., xviii, 27. Elle est citée entre Récem et Tharéla, qui sont toutes deux inconnues et ne peuvent par là même nous guider dans la recherche de son emplacement. Les explorateurs anglais proposent de l’identifier avec Rafât, village situé au nord A’El-Djib. Voir la carte de Benjamin, t. 1, col. 1588. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. iii, p. 13, 154 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 92. On peut accepter cette opinion. Le village s’élève sur un monticule et ne contient guère qu’une centaine d’habitants. Dans quelques maisons, plusieurs pierres de taille mêlées à de menus matériaux offrent une apparence antique ; dans l’une entre autres, on remarque un fragment de colonne brisée.

Cf. V. Guérin, Judée, t. 1, p. 392.
A. Legendre.
    1. JARIB##

JARIB (hébreu : Ydrîb ; Septante : ’Iapsê), nom de" trois ou de quatre Israélites.

1. JARIB, fils de Siméon et petit-fils de Jacob, d’après IPar., iv, 24. Comme, d’une part, un des fils de Siméon, appelé Jachin dans les passages parallèles, Gen., xlvi, 10 ; Exod., vi, 15, et Num., xxvi, 12, n’est pas nommé dans I Par., iv, 24, et que, d’autre part, Jarib ne figure pas sous cette forme dans le Pentateuque ; il y a tout lieu de croire que Jarib est une forme altérée de Jachin. Voir Jachin 1, col. 1060.

2. JARIB, un des princes du peuple pendant la captivité. La tribu à laquelle il appartenait n’est pas indiquée. Esdras, au moment où il préparait son retour de Babylone à Jérusalem, l’envoya avec quelques autres à Casphia pour y chercher des descendants de Lévi qui retournassent avec eux en Palestine. IEsd., viii, 16.

3. JARIB, prêtre de la famille de Josué, fils de Josédec, qui vivait du temps d’Esdras. Il avait, comme plusieurs de ses frères, épousé une femme étrangère et consentit à la quitter. I Esd., x, 18.

4. JARIB, nom, dans I Mach., xiv, 29, d’un ancêtre deMathathias, père des Machabées. Dans I Mach., 11, 1, il est appelé Joarib, qui est la forme véritable de son nom. Voir Joarib.

    1. JARIM##

JARIM (MONT) (hébreu : Har Ye’drim ; Septante : Codex Vaticanus ; nôXiç’Iapsiv ; Codex Alexandrinus : ’Iapfp.), montagne mentionnée une seule fois dans l’Écriture, à propos des frontières de Juda. Jos., xv, 10. C’est sur un de ses versants que devait être bâtie la ville de Cheslon. Voir Cheslon, t. 11, col. 673.

A. Legendre.
    1. JARRET##

JARRET (Vulgate : poples), partie postérieure de la jambe, derrière l’articulation du genou. Le jarret n’est mentionné que par la Vulgate, dans un passage où l’hébreu et les Septante parlent de genou. Jud., vii, 6. Voir Genou, col. 188. Il est vrai que, chez les classiques, le mot poples a aussi le sens de « genou ». Virgile, JEneid., xii, 927 ; Quinte Curce, vi, 1 ; etc. C’est ce sens que

saint Jérôme aura eu en vue.
H. Lesêtre.

JASA (hébreu : Yahas, Is., xv, 4 ; Jer., xlviii, 34 ; Yahsâh, Num., xxi, 23 ; Deut., 11, 32 ; Jos., xiii, 18 ; Xïi, 36 ; Jud., XI, 20 ; I Par., VI, 78 (hébreu : 63) ;. Ter., xlviii, 21 ; Septante : Codex Vaticanus : EîVo-a, Num., xxi, 23, ’Iao-o-â, Deut., 11, 32 ; Is., xv, 4 ; ’Iatri, Jud., XI, 20 ; Bauâv, Jos., xiii, 18 ; ’Iâïrjp, Jos., xxi, 36 ; Peçâç, Jér., xlviii, 21 ; aî jtdXecç aùr&v, Jer., xlviii, 34 ; Codex Alexandrinus : ’Iao-uâ, Num., xxi, 23 ; Deut., ii, 32 ; Jos., xiii, 18 ; Jer., xlviii, 21, 34 ; ’Iasi, I Par., vi, 78 ; ’Iopar|X, Jud., xi, 20 ; Vulgate : Jasa, Num., xxi, 23 ; Deut., 11, 32 ; Jud., XI, 20 ; Is., xv, 4 ; Jer., xlviii, 21, 34 ; Jassa, Jos., xiii, 18 ; I Par., vi, 78 ; Jaser, Jos., xxi, 36), ville où les Israélites défirent Séhon, roi des Amorrhéens. Num., xxi, 23 ; Deut., 11, 32 ; Jud., xi, 20. Elle fut plus tard assignée à la tribu de Ruben, Jos., xiii, 18, et donnée avec ses faubourgs aux lévites fils de Mérari, I Par., vi, 78 ; dans le passage parallèle de Jos., xxi, 36, les Septante et la Vulgate portent Jaser, mais le texte hébreu a Yahsâh. À l’époque d’Isaie, xv, 4, et de Jérémie, xlviii, 21, 34, elle faisait partie du royaume de Moab. Elle est du reste mentionnée sous le même nom de yrv, Yahas, dans la stèle de Mésa, lignes 19, 20, où

nous lisons : « Et le roi d’Israël avait bâti Yahas et y habitait quand il combattit contre moi. Et Chamos le chassa de devant sa face : je pris de Moab deux cents hommes, toute sa tête (ses chefs). Je les conduisis contre Yahas, et je la pris pour l’annexer à Dibon. » Cf. A.-H. de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine et conservés au musée du Louvre, Paris, 1879, p. 2, 3 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6 € édit., t. iii, p. 473.

Voici quelles sont les données scripturaires concernant l’emplacement de Jasa. Cette ville se trouvait au nord de l’Arnon, ce qui ressort du récit de Num., XXI, 13, 19, 23 ; Deut., A, 24, 32 ; Jud., xi, 18, 20, et du fait qu’elle appartenait à la tribu de Ruben, Jos., xiii, 18, les possessions d’Israël n’allant pas au delà de ce torrent. La place qu’elle occupe dans l’ênumération de Josué, xiii, 16-20. nous la montre entre Dibon (Bhïbân), Baalmaon (Ma’in) d’un côté, Cédimoth et Cariathaiin (Quretyat) de l’autre. Voir la carte de Ruben. Isaïe, xv, 4, nous représente les cris de douleur poussés à Hésébon (Hesbân) et à Eléalé (EWAÏ), retentissant jusqu’à Jasa, et Jérémie, xlviii, 34, ceux de la première ville parvenant jusqu’aux deux autres. — Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœltingue, 1870, p. 131, 261, nous disent que, de leur temps, on rencontrait encore Jassa, ’Iso-oa, entre Medaba et Debus. On regarde généralement Début, Àr.ëov ;, comme l’équivalent de Dibon, bien que Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p 825, se demande s’il ne faut pas plutôt lire’Eo-êoûc, Hésébon. Toutes ces indications, on le voit, sont loin de préciser la position de la ville qui nous occupe. Aussi les hypothèses sont-elles assez nombreuses. Quelques-uns l’ont cherchée à Muhatet el-Hadj, au sud de l’Arnon ; mais cet emplacement est en contradiction avec les données de l’Écriture que nous venons de rappeler. Cf. H. B. Tristram, The land ofMoab, Londres, 1874, p. 124, 125. R. J.Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 180, signale, comme pouvant le représenter, le village de Jazaza, au sud-ouest de Dhibân ; mais aucune carte ne donne ce nom. D’autres portent leurs investigations plus au nord, à Zza, au sud-est d’Hesbân ; à El-Djéreinéh ou Kefeir Abu Sarbût, entre cette dernière ville et Madeba ; àRujm Makhsîtjéh, au nord-est d’Hesbân. Cf. Smith, Dictionary of the Bible, 2e édit., Londres, 1893, 1. 1, part. II, p. 1506. Dans cette incertitude, il y a lieu de s’en tenir au renseignement donné par

l’Onomaslicon,
A. Legendre.
    1. JASER##

JASER, nom de deux villes situées au delà du Jourdain, d’après la Vulgate. Jos., xiii, 25 ; xxi, 36, 39.

1. JASER (hébreu : Yahsâh ; Septante : ’IoeÇïjp), ville lévitique de la tribu de Buben. Jos., xiii, 36. L’autorité du texte hébreu et le passage parallèle de I Par., vi, 78 (hébreu, 63), qui porte Yahfâh ; Septante : Codex Alexandrinus : ’Iauâ ; Vulgate : Jassa, font généralement regarder Jaser comme le nom corrompu de Jasa

ou Jassa. Voir Jasa.
A. Legendre.

2. JASER (hébreu : Ya’zêr ; Septante : ’IaÇvjp), ville lévitique de la tribu de Gad. Jos., xiii, 25 ; xxi, 39. Elle est appelée ailleurs Jazer, Num., xxi, 32 ; xxxii, 3, etc. ; Jézer, I Par., vi, 81 (hébreu, 66) ; Gazer, I Mach., v, 8.

Voir Jazer.
A. Legendre.

JASI (hébreu : Ya’âèav [chetib] ; Ya’asai [ieri] ; les Septante ont traduit comme si ce nom était un verbe : xai luoi’rçuav, « et firent » ), un des descendants de Bani qui avait épousé du temps d’Esdras une femme étrangère et qui dut la quitter. 1 Esd., x, 37.

    1. JASI EL##


JASI EL, nom de trois Israélites dans la Vulgate. Il correspond a deux noms différents en hébreu.

1. JASIEL (hébreu : Tcahse’êl, « Dieu donne en partage ; » Septante : ’Xair^X, ’Iot<71r, X), fils aîné de Nephthali. 45en., xlvi, 24 ; Num., xxvi, 48 ; I Par., vii, 13. Il fut le père de la famille des Jésiélites. Num., xxvi, 48. Dans ce dernier passage, Jasiel est appelé Jésiel.

2. JASIEL (hébreu : Ya’âèî’êl, « que Dieu a fait ; » Septante : ’Iestr » )}), un des vaillants soldats de David, originaire de Masobia. Il est nommé le dernier parmi les braves de David, dans I Par., xi, 46 (47), et il ne figure pas dans la liste du livre des Rois.

3. JASIEL (hébreu : Ya’âsïêl ; Septante : ’Iamr, )), Denjamite, fils d Abner, chef de sa tribu sous le règne de David. I Par., xxvii, 21. D’après quelques exégètes, il est le même que Jasiel 2, mais cette identification est peu probable, l’un étant donné comme fils d’Abner, et l’autre comme originaire de Masobia.

    1. JASON (’Ioco-mv)##


JASON (’Ioco-mv), nom de quatre ou de cinq personnages qui ont vécu à l’époque des Machabées ou plus tard. Ce nom était très commun chez les Grecs. Voir Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 3e édit., 1863- j 1870, t. i, P- 5TÎ1. Il dérive peut-être du verbe ïàoûai, i « guérir., i Au temps de l’influence’grecque en Palestine, des Juifs hellénisants l’adoptèrent comme équivalent de l’hébreu Josué ou Jésus, avec lequel il avait une analogie de son et auquel on pouvait attacher également une analogie de sens, selon l’interprétation de « sauveur », donnée au nom de Jésus.

1. JASON, fils d’Éléazar. Il fut envoyé à Rome avec Eupolème par Judas Machabée, en 161 avant J.-C, pour conclure un traité avec les Romains au nom des Juifs.

I Mach., viii, 17 ; Josèphe, Ant. jud., XII, x, 6.

2. JASON, père d’Antipater, peut-être le même que Jason 1. Son fils Antipater fut envoyé à Rome avec Numénius par Jonathas Machabée pour renouveler le traité d’alliance avec les Romains. I Mach., XII, 16 ; xiv, 22 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 8.

    1. JASON DE CYRÈNE##


3. JASON DE CYRÈNE, historien juif du second siècle avant J.-C. Tout ce que nous savons de lui est contenu dans le second livre des Machabées, II, 24. « Nous avons tâché, dit l’auteur de ce livre, d’abréger en un seul volume ce qui a été écrit en cinq livres par Jason de Cyrène. » Le nom de Jason était assez commun à cette époque parmi les Juifs hellénistes. L’historien dont il est question ici appartenait par son origine à la colonie juive de Cyrène, mais nous ignorons s’il a vécu dans ce pays ou ailleurs. Les cinq livres qu’il avait composés racontaient les événements de la période qui commence en 175 pour finir en 160 avant J.-C, c’est-à-dire depuis l’attaque du temple par Héliodore, sous Séleucus IV, jusqu’à la victoire de Judas Machabée sur le général syrien Nicanor. L’ouvrage de Jason est donc postérieur à cette date. Il était écrit en grec et devait être d’une lecture assez aride. Il contenait un grand nombre de chiffres que l’auteur du second livre des Machabées a supprimés dans son abrogé, « considérant la multitude des nombres et la difficulté qui existe pour ceux qui veulent apprendre les récits de l’histoire à cause de l’abondance de la matière, nous avons fait en sorte que ce livre soit une jouissance de l’esprit pour ceux qui voudront le lire, que les hommes studieux puissent le confier plus facilement à leur mémoire et que tous les lecteurs y trouvent de l’utilité. » II Mach., il, 25-26. Au ꝟ. 25 la Vulgate a traduit-t’o yy>.a tôv àpiôjjiwv, « l’abondance des nombres, » par multitude » librorum, « la multitude des livres. » Il faut s’en tenir au texte grec ; cinq livres ne sont pas une multitude ; il s’agit évidemment des chiffres que contenait l’ouvrage de Jason de Cjrène ; dates par années, mois et jours, évaluation du nombre des combattants, des morts et des prisonniers. On a essayé de retrouver la division de cinq livres de Jason, et on a proposé la répartition suivante : livre I correspondant à II Mach., m ; livre II à

II Mach., iv-vh ; livre III à II Mach., viii, i-x, 9 ; livre IV à II Mach., x, 10-xiii, 26 ; livre V à II Mach., xiv, 1-XV, 27. Mais c’est là une conjecture sans preuve. M. D. A. Schlatter, dans un mémoire intitulé : Jason von Kyrene. Em Beitrag zu seiner Wiederherstellung, in-4°, Munich, 1897, a essayé de reconstituer le récit de Jason. En comparant les deux livres des Machabées, il est arrivé à cette conclusion que le premier, aussi bien que le second, dépend de Jason. Selon lui, l’auteur du premier livre n’a pas connu le texte grec de Jason, mais seulement un remaniement hébraïque de son ouvrage. En comparant les récits parallèles des deux livres, il croit arriver à retrouver ce qui était contenu dans les cinq livres de Jason. Ce sont les récits suivants : 1° Les causes du conflit, II Mach., iii, et I Mach., i, 1-10. 2° Les combats des partis à Jérusalem, II Mach., iii, 1-v, 10 ; I Mach., i, 11-15. 3° Antiochus IV à Jérusalem, II Mach., v, 11-28 ; I Mach., i, 16-28. 4° Apollonius à Jérusalem, II Mach., v, 24-26 ; I Mach., l, 2J-10. 5° L’interdiction du culte juif, Il Mach.,

vi, 1-10 ; I Mach., i, 41-61. 6° Les martyrs, II Mach., vi, 12-vil, 42, I Mach., i, 62-63. 7° L’exploit de Matathias, Il Mach., v, 27-vn, 11 ; I Mach., u. 8° Les petits combats, II Mach., viii, 1-7 ; 1 Mach., iii, 1-26. 9° La guerre contre Nicanor, H Mach., viii, 8-29 ; I Mach., m. 27-iv, 25. 10° La purification du Temple, II Mach., x, 1-8 ; I Mach.. iv, 36-61. 11° Les combats contre les Iduméens et contre Timothée, IIMach., x, 15-38 ; cf. viii, 30-33 ; I Mach., v, 3-8. 12° La première campagne de Lysias, II Mach., xi ;

I Mach., iv, 28-35. 13° Le massacre des Juifs dans les villes voisines et l’expédition de Judas à l’ouest du Jourdain, II Mach., xii, 1-31 ; I Mach., v, 1-2, et ix, 62. 14° Les nouveaux combats en Idumée, II Mach., xii, 32-45 ; I Mach., v, 65-68. 15° La mort d’Antiochus Épiphane, II Mach., ix ; I Mach., vi, 1-17. 16° La seconde campagne de Lysias, II Mach., xiii ; I Mach., vi, 18-63. 17° Le souverain sacerdoce d’Alcime, II Mach., xiv et xv ; I Mach., vu. — Cf. aussi H. Willrich, Juden und Griechen, in-8°, Gœltingue, 1895, p. 64-77 ; E. Schurer, Geschichte des judischen Volkes, 2e édit., t. i, p. 33 ; t. ii, p. 739-741. E. Beurlier.

4. JASON, grand-prêtre, fils de Simon II et frère d’Onias III. L’ambition le porta à briguer le souverain pontificat au détriment de son frère aîné Onias et lui fit commettre les plus grands crimes. Après la mort de Séleucus IV Philopator, Jason se rendit auprès d’Antiochus IV Épiphane et acheta de ce roi (175 avant J.-C.) le sacerdoce suprême en s’engageant à lui verser des sommes considérables et à introduire à Jérusalem les usages païens, un gymnase (voir col. 369) et un éphébée (t. ii, col. 1830). II Mach., iv, 7-10. Il tint parole autant qu’il le put ; il persécuta les Juifs fidèles et lorsqu’on célébra à Tyr les jeux quinquennaux en l’honneur de Melqarth ou Hercule (voir col. 602), il envoja dans cette ville trois cents drachmes d’argent pour offrir un sacrifice à la divinité tutélaire de la ville. Ses messagers eux-mêmes n’osèrent pas exécuter jusqu’au bout leur mission.

II Mach., iv, 18-20. Quelque temps après, cet ambitieux reçut Antiochus IV en grande pompe à Jérusalem. Il Mach., iv, 21-22. Cependant la faveur dont il jouissait auprès d’Épiphane ne fut pas de longue durée. Peu après, en 172, il envoya Ménélas, frère de Simon, pour porter au roi une somme d’argent. Le messager ne valait pas mieux que l’indigne grand-prêtre. U trahit Jason et le supplanta en offrant trois cents talents d’argent de plus à Antiochus qui, toujours besogneux, accepta. Voir Ménélas. Jason fut obligé de s’enfuir dans l’Ammonitide. II Mach., iv, 23-26. Pendant qu’il était dans ce pays, le bruit se répandit faussement qu’Épiphane était mort. À cette nouvelle, le grand-prêtre dépossédé se mit promptement à la tête de mille hommes déterminés, se porta contre Jérusalem, et réussit à y pénétrer. Ménélas fut obligé de se mettre à l’abri dans la citadelle, et son rival exerça sa cruauté contre ses concitoyens ; mais Jason ne put tenir, et une seconde fois il fut obligé de se retirer dans le pays d’Ammon. Il ne put y vivre en paix et dut mener une vie errante, cherchant en vain un asile en Egypte, après avoir été prisonnier d’Arétas, Toi des Arabes. Il mourut enfin à Lacédémone. II Mach., v, 5-10. F. Vigouroux.

5. JASON, parent et disciple de saint Paul. Il habitait Thessalonique et donna l’hospitalité à l’Apôtre, ainsi qu’à Silas son compagnon. Les Juifs, mécontents des prédications de Paul et de Silas, voulurent s’emparer de leurs personnes, mais ne les ajant pas trouvés à la maison de Jason, ils conduisirent celui-ci avec d’autres disciples auprès des politarques qui le renvojèrent après avoir reçu caution. Act., xvii, 5-9. Cf. S. Jean Chrysostome Hom. xixvji, 2, in Act., t. lx, col. 265. Saint Paul, dans l’Épitre aux Romains, xvi, 21, nomme Jason parmi ceux de ses parents qui envoient leurs salutations aux

fidèles de Rome. On admet généralement que ce Jason est celui de Thessalonique. D’après la tradition grecque, Jason devint évêque de Tharse en Cilicie et mourut à Corfou. Voir Acta sanetorum, junii t. v, p. 4-6.

    1. JASPE##

JASPE (hébreu : yâsefêh, et ydSeféh ; Septante : ïxamç ; Vulgate : jaspis), nom d’une pierre précieuse.

I. Description.

Le jaspe est un quartz anhydre, cryptocristallin, dont la nature se rapproche de celle du silex (lig. 207). Il paraît essentiellement composé de

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207. — Jaspe égyptien.

silice, d’argile et de fer, unis dans des proportions variables, qui produisent les diverses variétés de jaspes, si différentes au premier aspect, et rendent même certaines variétés fusibles au chalumeau ordinaire, ce qui n’a pas lieu pour le quartz et ses variétés à peu près pures. Sa pesanteur spécifique varie de 2, 3 à 2, 7. Sa cassure est conchoide comme celle du silex, mais plus terne. Le jaspe est complètement opaque, même en plaques minces ; il peut recevoir un poli très brillant.

— Il existe des jaspes de toutes nuances, sauf le bleu et le violet purs. Les minéralogistes établissent généralement les variétés suivantes : 1° Le jaspe commun qui comprend le jaspe blanc, le jaune, le rouge, le bleu (lavande), le vert, le violet (sale), le noir. — 2° Le jaspe rubanné, dont les sous-variétés sont le jaspe onyx, l’héliotrope, le sanguin, rayé, œillé, panaché, taché, fleuri. — 3° Le jaspe égyptien, vulgairement caillou d’Egypte, qui présente une disposition particulière de couleurs, avec des dessins zonaires ou rubanncs irréguliers, mais à peu près concentriques, d’un brun jaune sur jaune fauve, qui le rend très reconnaissable. On le trouve dans les sables de l’Egypte. — Le jaspe se rencontre soit par couches, soit en rognons épais à la manière des silex, généralement dans les la es ; il accompagne surtout les agates : il existe dans presque toutes les chaînes de montagnes, dans les Pj rénées, en Italie, en Chypre, en Hongrie, en Bohême, en Sibérie, dans les monts Altai, dans les Indes, — Le jaspe en petits morceaux, de qualité supérieure, est employé pour les bijoux comme pierre précieuse. On peut aussi le graver et le tailler : les gros morceaux ser ent à faire des vases et à décorer les objets d’ameublement. Les Égyptiens donnaien

au jaspe (vert) le nom de uadj ; ""-ri B|. C. H. Frd. Wen del, Ueber die in altâgyptischen Texten erwànhnten Bauund Edelsteine, in-8°, Leipzig, 1888, p. 98. En arabe, c’est le yachf (Ibn el-Beithar) et au moyen âge le dehenic (Lapidaire d’Alphonse X), en sanscrit le jystirasa, (Finot), en chinois le yu, qui est en réalité le jade ; mais dans toute l’antiquité, la pierre néphrétique et le jaspe se sont confondus, et la distinction n’en était pas encore faite au xvii » siècle, lors de la publication du De gemmis de Boetius de Boot. — Les plus anciens traités de minéralogie parlent du jaspe. Théophraste le signale, mais n’indique pas les propriétés qui" lui sont attribuées l’iine, au contraire, h. A’., xxxvii, pré

cise les lieux d’où il était tiré et mentionne le jaspe de l’Inde qui ressemble à l’émeraude, celui de Chypre, vert foncé, celui de Perse, couleur du ciel, aerizou sa. Celui du Thermodon était bleu ; celui de Phrygie, pourpre ; il était le plus estimé. On avait aussi le terebentzion, couleur du térébinthe ; le capnias, couleur de fumée, enfin le grammatias, traversé et rubanné de lignes blanches. — De ses vertus magiques, Pline ne cite que celle de faire bien parler. Dioscoride signale une [variété qui a l’aspect du phlegme ; c’est certainement la pierre néphrétique, le jade ; il ajoute que le jaspe est excellent comme amulette. Les Lapidaires de l’Ecole d’Alexandrie, les Cyranides (F. de Mély, Les Lapidaires grecs, in-4°, Paris, -1897, p. 3 et 137), attribuées à Hermès, et les Lilhica d’Orphée, recueils des plus anciennes traditions orientales, font mention, les premières, de sa vertu de rendre puissant et redoutable, d’apprivoiser les bêtes sauvages, de chasser les maux d’estomac, quand il portait gravées certaines représentations, les secondes, d’être utile aux agriculteurs, en fécondant leurs champs, et de faire tomber la pluie d’un ciel sans nuages sur les terres desséchées. Les alchimistes grecs rattachaient le jaspe à la planète Mercure. Les Lapidaires arabes, toujours indispensables à consulter dans ces études sur l’Orient, lui croient de grandes affinités avec l’émeraude, ces deux pierres ayant pour origine commune l’argent. De leur temps, ils tiraient le jaspe de l’Yémen et en signalent une variété bleue, mais qui n’est, disent-ils, « qu’une production de l’art. » Ils ne connaissent pas le jaspe rouge. Saint Épiphane, De XII gemmis, t. xliii, col. 297, rapproche aussi le jaspe de l’émeraude ; il appartient, dit-il, au genre amathusien. Il ajoute que les mjthologues lui attribuent la vertu de chasser les fantômes, d’écarter les bêtes sauvages ; c’est la tradition hermétique qu’on retrouve ici. On attribuait également au jaspe la propriété d’aiguiser la vue par sa couleur verte, d’arrêter les hémorragies ; c’est apparemment de Galien, chez lequel on trouve cette fable pour la première fois, qu’est tirée cette tradition qui se perpétue jusqu’au moyen âge. Sans doute, les petites taches rouges du jaspe sanguin, qui ressemblent effectivement à des gouttes de sang, auront fait supposer qu’il l’arrêtait en le recueillant, et le symbolisme aussitôt le rapproche de la chair du Christ, dont les gouttes de sang coulant à travers sa chair, se répandent sur la terre pour sauver le genre humain (Pierre de Capoue). Il est curieux de voir dans le symbolisme de Pierre Bersure que le jaspe monté en argent est meilleur que celui monté en or, on ne peut que voir là l’influence arabe signalée plus haut. D’après saint Bruno d’Asti, la dureté du jaspe symbolise la foi ; sa verdeur, l’éternité des choses divines. F. de Mély.

XL Exégèse. — Le nom du jaspe dans les langues indo-européennes, en particulier en latin, jaspis, et en grec, î’a<rm ;, est un emprunt aux langues sémitiques, hébreu : yâseféh ; assyrien : aSpû (lettres de Tell-elamarna : yaspu), arabe : yaSf. Il semble qu’il ne devrait pas exister de difficulté d’identification. Cependant dans les deux listes parallèles des pierres précieuses du rational, Exod., xxviii, 18, et xxxix, 11, c’est la sixième pierre, yahâlâm, que les Septante rendent par îa<n : i ? (Vulgate : jaspis), et la douzième yâëeféh, qu’ils traduisent par ovjjriov (Vulgate : beryllus). Mais il n’est guère croyable que le faaictç grec ne soit pas identique au yâseféh hébreu. Bien que tous les manuscrits hébreux actuels soient d’accord sur l’ordre des pierres, il y a tout lieu de croire que, dans le manuscrit traduit par les Septante, la sixième pierre devrait être le ydseféh, et le yahâlôni était seulement à la douzième place. Les deux noms commençant par un yod, et ayant le même sombre de lettres avec une certaine ressemblance de forme dans l’ancienne écriture, ont pu être écrits l’un pour l’autre. L’ordre d’ailleurs n’a pas toujours été le

même dans la disposition des douze pierres, s’il faut en croire la liste donnée par Josèphe, Ant. jud., III, vii, 5. Mais là du moins le jaspe est dans la seconde rangée (à la cinquième place, il est vrai, au lieu de la sixième) et le béryl est bien à la quatrième rangée et à la douzième

place. Dans le syriaque le jaspe, o<Su£, yaspéh, vient en douzième lieu ; de même en arabe, <_su£o, yasf,

et dans le texte samaritain, ^3*"(Tf, aipéh. Dans la liste donnée par Ézéchiel, xxviii, 13, et qui rappelle celle de l’Exode, le yâseféh, qui vient en sixième lieu, est justement rendu dans les Septante par ta<nci{. Dans cet endroit, la Vulgate traduit néanmoins comme dans les passages de l’Exode yahâloni par jaspis et yâseféh par beryllus. On peut donc admettre comme légitime l’identification du yâseféh avec le jaspe, malgré le désaccord apparent des Septante. — Le jaspe se présente comme une des pierres du rational du grand-prêtre, Exod., xxviii, 18 ; xxxix, 11 ; la douzième selon le texte massorétique, ou la sixième selon les manuscrits suivis parles Septante. S’il faut lui donner le douzième rang, c’est sur elle suivant plusieurs commentateurs qu’aurait été inscrit le nojn de Benjamin. Le jaspe est aussi mentionné parmi les neuf pierres précieuses (douze selon les Septante) de la parure du roi de Tyr. Ézech., xxviii, 13. Dans l’Apocalypse nous trouvons plusieurs fois ie jaspe : il figure parmi les pierres précieuses qui servent de fondement à la Jérusalem céleste. Apoc., xxi, 19. Ce sont les mêmes pierres que dans le rational du grandprêtre, mais placées dans un autre ordre. Dans la cité sainte, le jaspe occupe la première place. Apoc, xxi, 19. La muraille est aussi bâtie en pierre de jaspe. Apoc, xxi, 18. Aussi, quand le prophète vit la Jérusalem nouvelle descendre du ciel, elle avait à première vue l’aspect d’une pierre de jaspe, mais qui en même temps aurait été éclatante comme un cristal. Apoc, XXI, 11. Il est à remarquer que Dioscoride, v, 160, parle d’un jaspa qui a l’éclat d’un cristal, xpuoTocXXtoôri ;. Cette comparaison avec le cristal a amené plusieurs auteurs à identifier le jaspe de l’Apocalypse avec le diamant. Smith, Diction, of the Bible, 1863, t. i, p. 935. Mais l’Apocahpse ne compare pas le jaspe au cristal sous le rapport de la transparence. Dans la vision du Seigneur sur son trône, iv, 3, celui qui était assis avait l’aspect d’une pierre de jaspe. — Les Sfeptante et la Vulgate ont rendu par jaspe le nom hébreu kadkôd, dans Is., liv, 12 : mais il faut entendre par ce mot une autre pierre précieuse, peut-être le rubis. — E. F. K. Rosenmuller, Handbuch des biblische Alterthumskunde, Leipzig, 1830, t. iv, p. 43 ; I. Braun, Vestitm sacerdolum hebrxorum, in-8°, Leyde, 1680, p. 740-744. E. Levesque.

    1. JASSA##

JASSA (hébreu : Yahsâh ; Vaticanm : Bceaiv, Jos., xiii, 18° ; Alexandrinus : ’Ia.<s<jâ, Jos., xiii, 18 ; ’Ia<7 « , I Par., VI, 78), ville lévitique de la tribu de Ruben. Jos., xiii, 18 ; I Par., vi, 78. Elle est appelée ailleurs Jasa. Num., xxi, 23 ; Deut., ii, 32, etc. Voir Jasa, col. 1038.

A. Legendre.
    1. JASSEN##

JASSEN (hébreu : YâSën ; Septante : ’Aua-.), père de Jonathan, d’après la Vulgate. II Reg., xxiii, 22. Dans I Par., xi, 34, Jassen est devenu Assem. Voir Assem, 1. 1, col. 1127 et Jonathan 3.

    1. JASUB##

JASUB (hébreu : Ydsub ; Septante : ’IauoûS), nom de deux Israélites. De plus YâSûb est le second élément du nom prophétique d’un fils d’Isaie, SearYdsûb ; la Vulgate a traduit la première partie du nom : reliquise convertentur, et elle a conservé la seconde : Jasub. Is., vii, 3.

1. JASUB, troisième fils d’Issachar. Gen., xlvt, 13 ; Num., xxvi, 24 ; I Par., vii, 1. Dans la Genèse, son nom est altéré en Job, par suite de la suppression de la.

1145

JASUB

JAVAN

1146

lettre v, S, laquelle s’est conservée dans le Pentateuque samaritain. Il fut le père de la famille des Jasubites.

2. JASUB, fils d’Isaie, voir Sciiear-Jaslb.

3. JASUB, descendant de Eani qui, du temps d’Esdras, avait épousé une femme étrangère et la quitta. Esd., x. 29.

    1. JASUBÉLÉHEM##

JASUBÉLÉHEM (hébreu : YâSubî làhêm), nom propre qui a été traduit dans les Septante par : xoe’i à7ts<7Tpei{<5v kùtoûc, » et il les ramena, » et dans la Vulgate par : et qui reversi sunt in Lahem. I Par., iv, 22. C’est un nom de personne ou plus probablement de lieu, du reste inconnu.

    1. JASUBITES##

JASUBITES (hébreu : hay-YâSubi ; Septante : i’Iauouêc ; Vulgate : Jasubitse), descendants de Jasub, de la tribu d’Issachar. Num., xxvi, 24. Voir Jasub 1.

    1. JATHANAEL##

JATHANAEL (hébreu : Yafnî’êl ; Septante : ’IevourjA ; Alexandrinus : NaOavdé), lévite, le quatrième des sept enfants de Mésélémias, descendant de Coré, portier du Tabernacle du temps de David. I Par., xxvi, 2.

    1. JAUNISSE##

JAUNISSE (hébreu : yèrdqôn ; Septante : î’xTepo ;  ; Vulgate : aurugo), ou ictère, coloration en jaune de la surface du corps, quand la bile s’infiltre dans le sang et pénètre les tissus. La jaunisse est moins une maladie qu’un symptôme de maladies diverses. La grande frayeur peut la causer. Sous l’empire d’une crainte un peu vive, les vaisseaux du corps se resserrent et empêchent la circulation normale des liquides organiques. La bile, constamment produite par le foie, ne trouvant plus de passage suffisant vers l’intestin, est résorbée par les tissus et arrive jusqu’à la peau qu’elle colore en jaune. — Jérémie, xxx, 6, parlant de l’effroi des Israélites captifs, dit qu’ils sont comme des femmes en travail d’enfantement et que leur visage tourne au yêràqôn. Ce mot désigne la couleur jaune, voir t. ii, col. 1067. Il est également employé, ainsi que le latin aurugo, à propos de la rouille des végétaux, qui les fait jaunir et dépérir. Deut., xxviii, 22 ; II Par., vi, 28 ; Am., iv, 9 ; Agg., ii, 18. Il a donc bien ici le sens de jaunisse que lui donnent les versions. Quelques-uns le traduisent seulement par « pâleur » ; mais la pâleur d’un visage brûlé par le soleil, comme le visage des Orientaux, est nécessairement jaunâtre et terreuse. L’apparence est à peu prés la même que dans la jaunisse ; seulement elle est transitoire. La comparaison que Jérémie fait, dans le même verset, de l’Israélite épouvanté avec une femme en travail, semble réclamer ensuite une image plus forte que la simple pâleur. Il s’agit donc ici, bien plus probablement, de la jaunisse, ainsi que l’ont compris les versions. Cette affection n’est point nommée ailleurs dans la Bible.

H. Lesèire.

JAUS (hébreu : Ye’uS ; Septante : ’Iwâs), lévite, le troisième des quatre enfants de Séméi, qui vivait du temps de David. I Par., xxhi, 10. Il descendait de Gersom. Son plus jeune frère Baria, ayant eu comme lui peu de postérité, leurs deux maisons ne furent comptées que comme une seule famille. I Par., xxiii, 10-11. Trois autres personnages dans la Bible portent le même nom hébreu, mais la Vulgate a écrit leur nom Jelius. Voir Jéhus.

    1. JAVAN##

JAVAN (hébreu : Yâvdn ; Septante ; ’Iwùav, y|’EXXi ;  ; Vulgate : Javan ; Grsecxa), nom d’un fils de Japheth et d’une ville ou d’une contrée de l’Arabie. Gen., x, 2, 4 ; Is., "lxvi, 19, etc. ; Ezech., xxvii, 19.

1. JAVAN (hébreu : Ydvân, Gen., x, 2, 4 ; I Par., i, 5 7 ; Is., ixvi, 19 ; Ezech., xxvii, 13 ; Dan., viii, 21 ; x, 20 ; xi, 2 ; Zach., ix, 13 ; [benê] hay-Yevànîm, Joël, iii, 6 ;

Septante : ’Iwùocv, Gen-, x, 2, 4 ; I Par., i, 5, 7 ; ^’E/Xâç, Is., lxvi, 19 ; Ezech., xxvii, 13 ; ol "E)Xï]v5ç, Dan., viii, 21 ; x, 20 ; xi, 2 ; Zach., ix, 13 ; Joël, iii, 6 ; Vulgate : Javan, Gen., x, 2, 4 ; I Par., i, 5, 7 ; Grsecia, Is., lxvi, 19 ; Ezech., xxvii, 13 ; Dan., xi, 2 ; Zach., ix, 13 ; Grxci, Dan., viii, 21 ; x, 20 ; Joël, iii, 6), quatrième fils de Japheth, Gen., x, 2 ; I Par., i, 5, qui donna lui-même naissance à plusieurs peuplades grecques, Elisa, Tharsis, Céthim et Dodanim. Gen., x, 4 ; I Par., i, 7. Il est facile de déterminer et l’origine et l’extension de ce nom.

De tout temps on a reconnu, d’après la Bible et la tradition, que le nom de Javan n’est autre que celui des Ioniens, "Icave ? étant la torme contractée de Tâoveç, laquelle était primitivement TiFovsç, avec le digamma, et était encore conservée à l’époque de la composition des poésies homériques. L’hébreu p>, Ydvàn, qu’on trouve identique dans tous les passages de l’Écriture (une seule fois au pluriel, hay-Yevdnim, Joël, iii, 6), est donc bien la transcription régulière et inaltérée de’IâFtov. La dénomination grecque désigne une fraction spéciale de la race hellénique, c’est-à-dire les Ioniens proprement dits, distingués des Éoliens et des Doriens, mais comme cette fraction fut le plus en contact avec les peuples asiatiques, son nom engloba chez eux tous les Grecs sans diclinction. C’est ce que nous constatons d’abord dans la Bible. Dans le tableau ethnographique de Gen., x, 2, 4, et I Par., i, 5, 7, Javan, issu de Japheth, détermine l’ensemble des peuplades helléno-pélasgiques avec leurs deux divisions primitives, européenne et asiatique, dont on explique l’origine de la manière suivante. La migration aryenne, qui s’était déversée dans l’Asie Mineure, peupla le plateau de cette presqu’île de tribus de race phrygienne. Le peuple grec, en s’en séparant, constitua, par le développement de ses institutions et de sa langue, un rameau distinct qui se subdivisa à son tour en deux branohes. L’une traversa l’Hellespont et la Propontide, s’installant dans les plaines de l’intérieur de la Thrace et de la Macédoine, défendues par des montagnes ; l’autre demeura en Asie et s’avança graduellement du plateau de l’intérieur, en suivant les vallées fertiles que forment les rivières, jusque sur la côte, où elle s’établit à leur embouchure, rayonnant ensuite au nord et au sud. De là les Grecs orientaux et les Grecs occidentaux, autrement dit les Ioniens et les Hellènes, dans le sens strict du mot. Dès une époque fort reculée, ce peuple occupa la région environnant la mer Egée, qui devait devenir le théâtre de son histoire. Les Ioniens s’avancèrent dès le principe jusqu’au bord le plus extrême du continent asiatique, d’où ils se répandirent dans les lies ; les Hellènes, au contraire, se cantonnèrent dans la vaste contrée montagneuse située plus avant en Europe, et dans les vallées fermées où ils se fixèrent. Plus tard, inquiétés dans leurs défilés par de nouvelles migrations, repoussés au sud, ils vinrent s’abattre par masses successives dans la presqu’île européenne, sous les noms d’Éoliens, d’Achéens et de Doriens. Cf. Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1881, t. i, p 296. Telle est l’origine commune de la descendance de javan. VoirÉLiSA, t. ii, col. 1686 ; Tharsis ; Céthim, t. ii, col. 466 ; Dodanim, t. ii, col. 1456. - Les prophètes prennent ce nom dans le même sens plus ou moins étendu, et c’est ainsi que l’ont compris les anciennes versions en traduisant par « la Grèce, les Grecs ». Dans Isaïe, lxvi, 19, Javan est associé à des peuples de l’Asie Mineure, comme Lûdou la Lydie, Tùbal ou les Tibaréniens, et avec « les îles lointaines », c’est-à-dire les rives et les îles de la Méditerranée. Ézéchiel, xxvii, 13, parle du commerce d’esclaves et de vases d’airain que la Phénicie entretenait avec les cités grecques de la côte d’Ionie et de Carie, alors dans tout l’éclat de leur splendeur. Joël, m (hébreu, iv), 6, reproche à Tyr et à Sidon d’avoir vendu les fils de Juda et de Jérusalem « aux fils des Yevànim », c’est-à-dire des Grecs.

Dans les visions de Daniel, le mélèk Yâvân, viii, 21, leSâ-Ydvân, x, 20, est Alexandre le Grand, et malkûf Yâvân, XI, 2, représente le royaume de Macédoine, d’où sort ce conquérant. Enfin Zacharie, ix, 13, prédit un conflit entre les enfants d’Israël et les fils de Javan, ce qui s’applique à la lutte d’indépendance nationale soutenue par les Machabées contre les Séleucides. — Dans le langage talmudique, Yâvân est toujours la Grèce et la nation grecque dans sa totalité, en Europe comme en Asie : leSôn Yâvân, « la langue grecque ; » hokmaf yevdnîf, « la science grecque, » etc. Cf. J. Levy, Chaldâisches Wôrterbuch, Leipzig, 1881, p. 330.

On trouve chez les peuples anciens le nom de Javan sous la même forme et avec la même signification. Dans une de ses inscriptions, Sargon se vante d’avoir chassé « comme des poissons les gens du pays de Javan, mât Ja-av-na-ai, qui est au milieu de la mer ». C’était là une conséquence naturelle de sa prise de possession de l’ile de Cypre, qui assura pour un temps à la monarchie assyrienne l’empire de la mer dans les eaux de la Syrie et dans l’Asie Mineure méridionale. Les Javnai, dont le roi purgea ces eaux, étaient les pirates grecs, pour la plupart Ioniens, que nous voyons au siècle suivant intervenir d’une façon définitive dans l’histoire de l’avènement de Psammétique au trône d’Egypte. Sennachérib nous dit que ce furent des charpentiers de Syrie (Llatti) qui construisirent ses vaisseaux et qu’il y installa comme équipages des matelots de Tyr, de Sidon et de Ja-av-na-a, capturés par ses mains. Les inscriptions de Darius mentionnent également le pays (mal) de Ja-ava-nu ou Ja-va-nu. Cf.. Frd. Delitzsch, Wo lag dos Parodies ? Leipzig, 1881, p. 248-250 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 81-82. En Egypte, le copte nous offre les termes de Oueinin, Oueeien, Oueeinin, pour « Grec », d’où l’abstrait metoueinin, « langue grecque, hellénisme. » Cf. A. Peyron, Lexicon linguee coplicse, Turin, 1835, p. 148. La forme correspondante, dans le texte démotique des inscriptions de Rosette et de Philæ, et du décret de Canope, est Oumen et Ouaiani. W. Max Muller, Asien und Europa nach altagyptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 370, reconnaît le nom de Javan dans celui d’un peuple allié des Héthéens, à l’époque de Ramsès II, sous

la forme hiéroglyphique « *>- Sa. x. —*-, Ye-van-na,

ou encore Ye-van, Ye-van-u. Sur les premiers établissements des Grecs en Egypte, cf. D. Mallet, dans les Mémoires de la mission archéologique française au Caire, Paris, t. xii, 1 er fasc, 1893. On trouve enfin le même nom en syriaque, en perse, en sanscrit. L’arabe désigne par. « SUjj, Yûnânî, ou Yûnânun la nation des Grecs antiques et païens, à la différence de celle des Grecs chrétiens de l’empire de Constantinople, qui est er-Rûm. — Cf. Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire,

Paris, 1884, t. ii, II « part., p. 1-29.
A. Legendre.

2. JAVAN (hébreu : Yâvân ; Vulgate : Grœcia), ville on contrée mentionnée dans Ézéehiel, xxvii, 19, comme fournissant au commerce de Tyr du fer travaillé et des parfums (casse et roseau aromatique). Ce passage est très obscur, parce que la vraie lecture est incertaine. L’hébreu massorétique porte : Vedân ve Yâvân me’Uzzâl, « Vedân et Javan de Uzzal » pourvoyaient tes marchés. Les Septante ne parlent pas de Vedân ou Dân, mais en mettant, ꝟ. 18, xa o’vov, « et du vin » [ils apportaient sur ton marché], ils ont dû lire ] » i, ve-yain, au lieu de ]vi, ve-Yâvân. La Vulgate a traduit par Grsecia, comme dans d’autres passages prophétiques. Is., lxvi, 19 ; Ezech., xxvii, 13 ; Dan., xi, 2 ; Zach., ix, 13. Voir Javan 1. Mais il est impossible de voir ici une allusion à la Grèce, les localités et les peuples dont il est question dans ce passage appartenant à l’Arabie. Uzal, en effet, pour ne citer que ce nom, est l’antique dénomination de San’à, la ca pitale du Yémen. Voir Huzal, col. 786. Cr. Corpus inscriptionum semilicarum, Paris, part. IV, 1. 1, p. 1. L’expression me-’Uzzâl, « de Uzzal, » indique-t-elle la factorerie d’où Vedân et Javan exportaient leurs marchandises, ou ne sert-elle qu’à déterminer Javan, qui serait alors une colonie grecque établie en Arabie ? Il est difficile de trancher la question. Pour F. Lenormant, Les origines de l’histoire, Paris, 1884, t. ii, II « part., p. 16, « ce que mentionne le prophète est bien un Yâvân arabe parallèle au Yavana arabe des Indiens. Et le nom parait en être resté dans la géographie du Yémen, car le Qâmoûs y connaît une ville de Yawan. » Cf. Gesenius,

Thésaurus, p. 588.
A. Legendre.
    1. JAVANAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE##


JAVANAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE. Le

javanais, parlé dans l’île de Java, est une des langues malaises dérivée du kawi. Le kawi, corruption du sanscrit, langue littéraire et sacrée, cessa d’être en usage au xive siècle. Le javanais comprend trois dialectes ou, pour parler plus exactement, trois manières de parler appelées le kromo, le madhjo et le nyoko. On se sert du premier quand on s’adresse aux grands et à ses supérieurs, du second, quand on s’adresse à ses égaux et du troisième quand on s’adresse à des inférieurs. Ces trois formes de langage se mêlent dans la littérature comme dans la conversation. — Il n’y a pas eu de traduction javanaise de la Bible avant le xixe siècle. Une traduction protestante du Nouveau Testament par un Allemand, Gottlob Brùckner, fut imprimée à Sérampour en 1831. Une nouvelle édition revue du Nouveau Testament fut éditée en 1848 par la Société biblique des Pays-Bas. Elle publia en 1857 la version de l’Ancien Testament. On a réimprimé aussi depuis de nouvelles éditions ou revisions. — Voir G. Bruckner, Introduction à la grammaire javanaise, in-8°, Sérampour, 1830 ; Gericke, Premiers éléments de la langue javanaise, Batavia, 1831 ; Cornets de Groot, Grammaire javanaise, in-8°, Batavia, 1833 ; Roorda, Dietionnuire néerlandais et javanais, Kampen, 1834, etc. Tous ces ouvrages sont en hollandais. Cf. Bagsler, The Bible ofevery Land, in-4°, Londres, 1860, p. 369-370.

    1. JAVELOT##

JAVELOT (hébreu : Sélah ; Septante : StcXov, (5&oç ; Vulgate : lancea, armatura), arme de jet.

I. Description.

La forme du javelot était celle de la lance ; ces deux armes ne différaient guère que par la dimension. Elles se composaient essentiellement d’un manche de bois auquel était adaptée une pointe de métal, Le fer du javelot se composait d’une douille étranglée à la naissance de la pointe. La partie offensive était généralement en forme de feuille avec deux ailes. Le javelot n’avait pas de talon. Il est très difficile de distinguer la lance du javelot sur les monuments et même dans les textes. En effet, on se servait quelquefois de la lance pour la projeter contre l’ennemi, ainsi fait Saul contre David et contre Jonathas. I Reg., xviii, 10, 11 ; xix, 9, 10. L’arme dont il se sert dans ces deux circonstances est le hânip qui est la lance longue et lourde. Cependant il semble qu’il faille traduire par javelot le mot Sélah, dérivé du verbe Sâlah qui veut dire « lancer, projeter ». II Par., xxiii, 10 ; xxxii, 5 ; II Esd., iv, 17, 23 ; Job, xxxiii, 18 ; xxxvi, 12 ; Joël, ii, 8. Nous ne savons du reste rien sur la nature de l’arme à laquelle s’appliquait ce nom. Les Septante traduisent sélah par des termes vagues oirtov, II Par., xxiii, 10 ; xxxii, 5 ; it<SXe|ioç, Job, xxxiii, 18, ou par des noms d’armes différentes : Xôyx’i, II Esd., iv, 17 ; la seule traduction exacte est donnée dans Joël, ii, 8 : fîéXo ;, encore ce mot est-il ailleurs employé pour désigner les flèches. Voir Flèche, t. ii, col. 2285. Il en est de même dans la Vulgate qui se sert des mots lancea, II Par., xxiii, 9 ; armatura, II Par., xxxii, 5 ; gladius, Job, xixiii, 18. Dans Joël, ii, 8, la traduction latine per fenestras cadent n’a de rapport ni avec le texte hébreu ni avec le teite grec. Voir Lance. O

Une confusion semblable se retrouve souvent dans les passages où il est question des armes employées par les Hébreux, elle vient de l’ignorance des traducteurs en la matière. Le même manque de précision se rencontre sou vent du reste dans les textes des auteurs anciens relatifs aux armes des peuples dont ils racontent les guerres.

II. Usage. —’1° Chez les Égyptiens, — Les peuples avec lesquels les Hébreux furent en contact se servaient

208. — Javelots égyptiens trouvés à Thèbes. D’après Wilkinson, Manners, 2e édit., t. i, p. 206, 278.

du javelot, soit à la guerre, soit à la cbasse. Les javelots des Égyptiens étaient de bois, terminés par des pointes de formes diverses (fig. 208). L’extrémité opposée était garnie d’une sorte de balle en bronze ornée de deux glands. Cette balle servait de contrepoids à la pointe. Les Égjptiens se servaient quelquefois de ce javelot comme d’une pique. G. Wilkinson, The manners and customs of the ancient Egyptians, 2e édit., in-8°, Londres, 1878, t. i, p. 208, 209, n° 39, fig. 2 ; cf. p. 278, n° 92, fig. 9. D’autres javelots également en bois n’avaient pas à leur extrémité inférieure la balle de métal. Leur pointe était en bronze, en forme de pyramide rectangulaire ou triangulaire, ou en forme de feuille. G. Wilkinson, Manners, p. 209, n° 39, fig. 3, et n » 41. Enfin une dernière sorte de javelot plus légère encore servait à la chasse et à la pêche. Ces javelots avaient pour manche un roseau et une pointe de métal. On les lançait à l’aide d’une corde attachée à son extrémité inférieure. G. Wilkinson, Manners, t. i, p. 209.

Chez les Assyriens.

Il est à peu prés impossible

de distinguer sur les monuments assyriens si les sol 209.

— Javelot grec avec Yamentum. D’après la Bévue archëologigue, 1860, t. ii, p. 211.

dats de ce pays usaient de javelots. En tout cas, ces javelots n’auraient différé des piques ou des lances que par la longueur.

Chez les Grecs.

Le javelot portait le nom

d’àx<5vctov. Les cavaliers s’en servaient comme les fantassins. Il se composait d’un manche en bois armé d’une

pointe de métal, mais sans talon (fig. 209). Le javelot grec avait toujours Yamentum ou ày%-J).ï|, c’est-j-dii’e une courroie adaptée au bois pour faciliter le jet de l’arme et en augmenter la portée. Revue archéologique, t. ir, 1860, p. 211 ; Museo Borbonico, in-f », Naples, 1821- ! 867, t. vii, pl. xxxvi.

Chez les Latins.

Dans la langue latine, le mot jaculum

n’a pas le sens précis du mot àv.ôvrtov en grec ; il désigne toute espèce d’armes de jet. Le piluni des lé 210. — Soldat romain portant Yhasta amentata. Musée de Mayence. D’après L. Lindenschmit, ’Tracht und Bewaffnung des romischen Heeres, in-4’, pl. V, fig. 1 ; cf texte, p. 21.

gionnaires romains, Yhasta des troupes légères (fig. 210), étaient des jacula. Tite-Live, XXVI, iv, 7.

E. Beurlier. JAZER (hébreu : Ya’zêr ; Septante : ’IaÇrjp, Num., xxi, 32 ; xxxii, 1, 3, 35 ; Jos., xiii, 25 ; xxi, 39 ; I Par., xxvi, 31 [Codex Alexandrinus] ; Is., xvi, 8, 9 ; Jer., XLViil, 32 ; I Mach., v, 8 [Codex Sinatticus] ; ’E), i=Çe^ [Codex Vaticanus], ’EXiâÇvip [Cod. Alex.], II Reg., xxiv, 6, par l’addition fautive de la particule hébraïque’él, « vers, » au nom propre Ya’zêr ; ’PtâÇr, p [Cod. Vat.], I Par., xxvi, 31 ; TaÇéç, [Cod. Vat.], Ta^ [Cod. Alex.],

I Par., vi, 81 [hébreu, 66] ; ’Iaftv [Cod. Alex.], IMach., v, 8 ; Vulgate : Jazer, Num., xxi, 32 ; xxxii, i, 3, 35 ;

II Reg., xxiv, 6 ; I Par., xxvi, 31 ; Is., xvi, 8, 9 ; Jer.,

xlviii, 32 ; Jaser, Jos., xiii, 25 ; xxi, 39 ; Jezer, I Par., VI, 81 ; Gazer, I Mach., v, 8), ville située au delà du Jourdain, dans le pays de Galaad. Num., xxxii, 1 ; I Par., xxvi, 31. Elle était au pouvoir des Amorrhéens, lorsque Moïse la prit avec les bourgs qui en dépendaient. Num., xxi, 32. Comme le pays était fertile, propre à nourrir de nombreux troupeaux, les enfants de Ruben et de Gad la demandèrent avec plusieurs autres cités. Num., xxxii, 1, 3. Rebâtie par les fils de Gad, Num., xxxii, 35, elle fut donnée à leur tribu, Jos., xiii, 25, et assignée aux Lévites fils de Mérari, Jos., xxi, 39 ; I Par., vi, 81 (hébreu, 06). Au temps de David, on y compta 2700 hommes vaillants de la famille des Hébronites, établis dans la région transjordane pour le service de Dieu et du roi. I Par., xxvi, 31. Au moment du dénombrement ordonné par le roi, Joab passa par Jazer pour se rendre ensuite en Galaad. II Reg., xxiv, 6. Isaie, xvi, 8, 9, et Jérémie, xlviii, 32, nous représentent les vignes si renommées de Sabama comme s’étendant jusqu’à Jazer, qui d’ailleurs devait être soumise aux mêmes fléaux. Judas Machabée, dans sa guerre contre les Ammonites, s’empara de cette ville. I Mach., v, 8.

Eusèbe et saint Jérôme, Onornastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 131, 264, nous donnent des renseignements précis sur l’emplacement de Jazer, qu’ils signalent à dix milles (près de quinze kilomètres) à l’ouest de Philadelphie, c’est-à-dire Rabbath Ammon, aujourd’hui Ammân, el à quinze milles (vingt-deux kilomètres) d’Hésébon ou Hesbân. Voir la carte de Gad, col. 28. Ils ajoutent que « de là sort un grand fleuve qui est reçu par le Jourdain ». Or, à la distance et dans la direction indiquées, on rencontre le Khirbet Sâr, qui peut fort bien correspondre à l’antique cité transjordane. Des ruines importantes couvrent une étendue très considérable : au centre se trouvent les restes d’un monument qui a dû être un temple païen ou une église, peut-être l’un et l’autre successivement ; sur les côtés, des arcades de 1° » 50 de diamètre forment des espèces de petites chapelles : il y a aussi des colonnes, des chapiteaux, des bases dont l’une a plus d’un mètre de diamètre, le tout bj zantin. La vue est magnifique tant sur la plaine que sur la partie montagneuse et boisée. C’est un point stratégique qui commande toute la contrée. Des deux flancs de la colline sortent, d’un côté les eaux de l’ouadi Sir, de l’autre les eaux de l’ouadi Esch-Schita, qui se réunissent plus loin dans l’ouadi Kéfréin pour former un des principaux affluents du Jourdain. C’est vraiment là, du côté oriental, l’entrée des montagnes de Galaad. Cf. Revue biblique, Paris, 1894, p, 620-621. Le point en question n’est pas loin non plus d’El-Djubéikdt, l’ancienne Jegbaa, avec laquelle Jazer est mentionnée. Num., xxxii, 35. Le rapprochement onomastique laisse plus à désirer. On se demande comment l’hébreu ttï>, Ya’zêr,

a pu devenir X*o, Çâr, ou, L « , Sâr. Cf. G. Kampff meyer, Aile Namen im heutigen Palâstina und Syrien, dans la Zeilschrift des Deutschen Palàstina-Vereins Leipzig, t. xv, 1892, p. 24 ; t. xvi, 1893, p. 43. Malgré cela, cette identification, proposée des 1806 par Seetzen, Reisen durch Syrien, Palâstina, etc., édit. Kruse, Berlin, 1854, t. i, p. 397, 398, nous semble pouvoir être acceptée. — D’autres hypothèses cependant ont été faites par différents auteurs. J. L. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, Londres, 1822, p. 355, pense qu’une source nommée Ain, Hdzeir, située près de Khirbet-es-Sùg, au sud d’Es-Salt, pourrait rappeler l’antique Jazer. L. Oliphant, The Land of Gilead, Edimbourg, 1880, p. 231, la placerait plutôt à Yadjûz, au nord d’Amman. Enfin les explorateurs anglais la retrouveraient plus volontiers à Beit Zér’ah, à cinq kilomètres environ au nord-est d’Hesbân, à seize kilomètres au sud-ouest d’Amman. Cf. Palestine exploration fund, Quarterly slatemenl, Londres, 1882, p. 9 ; G. Arms trong, W. Wilson et Conder, Kames and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 97. Ces hypothèses ne répondent en aucune manière aux indi-, cations d’Eusèbe et de saint Jérôme, et l’onomastique justifie encore moins les deux dernières que celle qui concerne Khirbet Sâr. — Jérémie, xlviii, 32, dit que les rejetons de la vigne de Sabama s’étendaient « jusqu’à la mer de Jazer ». Y. aurait-il eu aux environs de la ville un étang assez grand pour porter le nom de « mer », et qui serait aujourd’hui disparu ? C’est peu probable. Le texte est plutôt à corriger en cet endroit. Les Septante n’ont pas lu ce second ydm, qui peut être une répétition fautive du premier, dont il n’est séparé que par la particule’ad. Ensuite ce passage de Jérémie n’est qu’une reproduction d’Isaie, xvi, 8, 9, qui ne parle pas de « la mer de Jazer ». A. Legendf.e.

    1. JAZIEL##


JAZIEL, nom, dans la Vulgate, de trois Israélites. Chacun d’eux porte en hébreu un nom différent.

1. JAZIEL (hébreu : Izî’êl keri] ; le chetib porte : bxiT » ; Septante : ’Itafy), un des vaillants soldats qui étaient allés se joindre à David pendant qu’il était à Siceleg. Jaziel était de la tribu de Benjamin. Il avait été accompagné à Siceleg par son frère Phallet. Leur père s’appelait Azmoth. I Par., xii, 3. Voir Azmoth 3, t. i, col. 1306.

2. JAZIEL (hébreu : Ydâzi’êl, « Dieu console ; » Septante : ’OÇitJX), père de Zacharie, un des lévites qui jouèrent des instruments de musique (Jevant l’arche, du temps de David. I Par., xv, 18. Si l’Oziel du ꝟ. 20 est le même que Jaziel, ce qui paraît fort probable, ce lévite jouait du nable. La Vulgate ne donne pas Jaziel comme le père de Zacharie ; elle fait un nom propre du mot hébreu bên qui signifie « fils » et traduit « Zacharie et Ben et Jaziel », au lieu de : « Zacharie, fils de Jaziel. » Les Septante ont omis complètement le mot bên.

3. jaziel (hébreu : Yahâzî’êl [ voirai ahaziel, col. 1106] ; Septante : ’OÇit|X), prêtre qui vivait du temps de David et qui jouait de la trompette devant l’arche d’alliance.

I Par., xvi, 6.

    1. JAZIZ##

JAZIZ (hébreu : Yâzlz ; Septante : ’IaÇtÇ), Agaréen (t. i, col. 273), à qui David avait confié la garde de ses troupeaux de brebis et de chèvres, probablement à l’est du Jourdain. I Par., xxvii, 31.

    1. JEABARIM##

JEABARIM (hébreu : ’Iyyê hâ-Abârîm, Num., xxi,

II ; xxxiii, 44 ; ’Iyyîm, Num., xxxiii, 45 ; Septante : Vaticanus .-XaXyæi, Num., XXI, 11 ; Tas Iv zù> irépav, Num., xxxiii, 44 ; Val, Num., xxxiii, 45 ; Alexandrinus : ’A-/sXYai, Num., xxi, 11 ; Vulgate : Jeabarim, Num., xxi, 11 ; Ijeabarim, Num., xxxiii, 44, 45), une des dernières stations des Israélites se rendant dans la Terre Promise. Num., xxi, 11 ; xxxiii, 44, 45. — 1° Le nom appelle certaines remarques. L’hébreu’iyyim, état construit : ’iyyê, signifie « monceau de pierres » suivant l’interprétation de saint Jérôme. Jer., xxvi, 18 ; Mich., i, 6 ; iii, 12. Les Septante l’ont rendu par Vai, Num., xxxiii, 44 (uni à un autre mot, XaX-yocet, ’A'/eX-yai, Num., xxi, 11), se-^ Ion leur mode de transcription des lettres hébraïques, d’après lequel y, ’aïn, est représenté quelquefois par T, G, exemple : ’Azzdh, TâÇa, Gaza. Voir Heth, col. 669. Les variantes’A^sX, XaX, qui ne se trouvent que Num., xxi, 11, indiquent probablement une leçon nahal, « torrent, » avant’Iyyê. Le second mot hd-’Abârim distingue cette station de Iim (hébreu : ’Iyyim) de Juda. Jos., xv, 29. Voir col. 840. On croit généralement qu’il désigne les monts Abarim ou la chaîne de montagnes qui domine la mer Morte à l’est, depuis le Nébo au nord jusqu’à la limite du Moab au sud. Les Septante, en met

tant èv rà rclpav, Num., xxxiii, 44, ont pris la signification étymologique du nom, c’est-à-dire « au delà ». 2° L’emplacement de Jéabarim est déterminé, Num., XXI, 11, par ces mots : « dans le désert (midbdr) qui est en face de Moab, à l’orient du soleil, » et Num., xxxiii, 44, par ceui-ci : « sur la frontière de Moab. » L’expression « à l’orient du soleil » indiquerait l’orient de Moab : mais si Abarim désigne réellement ici la chaîne qui porte ce nom, elle est inconciliable avec le texte. Il faudrait donc la supprimer comme une addition fautive, qui d’ailleurs nejigure pas Num., xxxiii, 44. Cf. M. J. Lagrange, L’itinéraire des Israélites du pays de Gessen aux bords du Jourdain, dans la Revue biblique, 1900, p. 286. Tout ce qu’il y a à retenir de la tradition consignée dans cette glose, c’est qu’Israël n’avait pas pénétré sur le territoire moabite. Il faut en conséquence chercher Jéabarim à l’extrémité sud des monts Abarim. La station dont nous parlons est placée, Num., xxi, 10-12, entre Oboth et le torrent de Zared. Or on a reconnu Oboth dans l’ouadi Oueibé, à l’est de l’Arabah et un peu au-dessus de Khirbet Fenân, l’ancienne Phunon. D’autre part, le torrent de Zared est communément identifié avec l’ouadi el-Ahsa ou el-Hesi, petite rivière qui se jette dans la partie sud-est de la mer Morte et est presque aussi escarpée, aussi remarquable que l’ouadi Môddjib ou Arnon. C’est là la limite entre le Djébâl et le territoire de Kérak, comme autrefois entre le pays d’Édom et celui de Moab. II faudrait donc, d’après le récit des Nombres, chercher Jéabarim au sud de l’ouadi el-Alysa. On a cependant découvert, au nord du torrent, entre Kérak et Khanziréh, un Khirbet’Ai, qui semblerait répondre à VJyyê biblique. Il représente, en effet, VAhie, Ali], qu’Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 86, 211, assimilent à YAchalgai, ’Ay^eX-jal, des Septante, et signalent non loin d’Aréopolis, dans l’ancien pays de Moab. C’est aussi l’Aî’oc de la carte de Mâdaba. Telle est du moins l’opinion du P. Lagrange, Revue biblique, 1900, p. 443. M. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1897, t. ii, p. 169, pense que « Aî’a ne peut guère être la AitJ visée par Eusèbe et placée par lui à l’est d’Aréopolis ». D’un autre côté, l’identification de Khirbet’Aï avec Iyyê est contraire à l’ordre suivi par l’historien sacré dans l’itinéraire des Israélites. Le problème, on le voit,

n’est donc pas complètement résolu.
A. Legendre.

JEAN flwâwïiç : Vulgate : Joannes, forme grécisée de l’hébreu Yôhânân ; voir Johanan), nom, dans l’Écriture, de dix personnages, appartenant tous à l’époque des Machabées ou à l’époque de Notre-Seigneur.

1. JEAN, père de Matthathias et grand-père de Judas Machabée. I Mach., ii, 1.

2. JEAN GADDIS floxxvvri ; 6 StaxaXoofJiivo ; Ka86t’ç ; Vulgate : Joannes qui cognominabatur Gaddis), fils aine de Mattathias. I Mach., ii, 2. Le surnom qu’il portait équivaut probablement au mot hébreu Gaddi et signifie l’heureux. Cf. Josèphe, Ant. jud., XII, VI, 1 ; XIII, i, 2. D’après toutes les vraisemblances, c’est lui qui est appelé Joseph, par erreur de copiste, dans II Mach., viii, 22, et x, 19. Dans cette hypothèse, il aurait été placé par son frère Judas à la tête d’un corps de 1 500 hommes et plus tard chargé, avec Simon et un certain Zachée, du siège de deux forteresses iduméennes. Lorsque Jonathas devint chef du peuple d’Israël, à la place de son frère Judas, il envoya Jean demander aux Nabuthéens, alliés des Israélites, l’autorisation de laisser chez eux ses bagages, pendant qu’il irait combattre Bacchide. Une tribu arabe ou amorrhéenne, les fils de Jambri (col. 1115), apprenant cela, sortirent de Madaba, se saisirent du convoi et firent périr Jean. Jonathas et Simon vengèrent leur frère, en surprenant les

DlCT. DE LA BIBLE.

fils de Jambri au milieu d’une fête nuptiale. Après en avoir massacré un grand nombre, ils s’emparèrent de leurs dépouilles. I Mach., nt, 32-42 ; Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 2-4. Voir Bacchide, t. i, col. 1373.

E. Beurlier.

3. JEAN, père d’Eupolème qui fut envoyé en ambassade à Rome par Judas Machabée. I Mach., viii, 17 ; II Mach., iv, 11. Voir Eupoleme, t. ii, col. 2050.

4. JEAN HYRCAN fWw/) ;), fils de Simon Machabée. Dans la Bible, il est désigné seulement sous le nom de Jean. 1 Mach., xiii, 54, etc. D’après Eusèbe, Chronic. ii, ann. R. 630, t. xix, p. 511, et Sulpice Sévère, ii, 26, t. xx, col. 144, il aurait reçu ce surnom à la suite de ses victoires sur les Hyrcaniens, pendant la campagne d’Antiochus VII Sidète contre les Parthes. Cette hypothèse explique pourquoi ce nom ne lui est pas donné dans le livre I desMachabées qui ne raconte que la première période de sa vie. Ce nom était porté avant lui par des Juifs appartenant à la colonie transportée en Hyrcanie par Artaxerxès Ochus. Cf. II Mach., iii, 11 ; Josèphe, Ant. jud., XII, iv, 6-11. — Jean était le troisième fils du grand-prêtre Simon Machabée. Son père, qui avait reconnu en lui un guerrier vaillant, le nomma commandant en chef des troupes juives dont le quartier général était à Gazara. I Mach., xiii, 54. Voir col. 125. Lorsque le roi Antiochus VII mit Cendébée à la tête d’une armée syrienne avec ordre de soumettre les Juifs par les armes, Jean vint de Gazara pour avertir son père. Simon trop âgé pour combattre mit à la tête de la nation ses fils Judas et Jean et ceuxci marchèrent contre Cendébée avec 20 000 hommes d’infanterie et des cavaliers. Ils rencontrèrent Cendébée à Modin et le battirent. Judas fut tué, mais Jean poursuivit Cendébée jusqu’à la ville de Cédron (t. ii, col. 386) que le général syrien avait bâtie. I Mach., xvi, 1-10. Ptolémée, fils d’Abobus, gouverneur syrien de Jéricho, après avoir perfidement assassiné Simon et deux de ses fils, envoya des affidés à Gazara pour tuer Jean. Mais celui-ci, prévenu, fit saisir les émissaires de Ptolémée et les mit à mort. I Mach., xvi, 19-22. Ici s’arrête dans l’Écriture l’histoire de Jean. « Le reste de ses œuvres, des guerres et des grands exploits qu’il accomplit et de la construction des murailles qu’il bâtit et de ses entreprises, tout cela, dit l’auteur du premier livre des Machabées, xvi, 23-24, est écrit au livre des annales de son sacerdoce, depuis le temps où il fut établi prince dès prêtres après son père. » Ces annales ont malheureusement péri. Sixte de Sienne raconte dans sa Bibliotheca sancta, in-f°, Venise, 1566, 1. 1, p. 39, qu’il avait vu dans la bibliothèque de Santé Pagnini, à Lyon, un livre grec des Machabées, rempli d’hébraismes et qui contenait l’histoire de trente et une années, et commençait par ces mots : « Après le meurtre de Simon, Jean, son fils, devint grand-prêtre à sa place. » Il est possible que ce livre ait été une traduction grecque des annales de Jean. Malheureusement la bibliothèque de Santé Pagnini brûla peu de temps après. L’histoire de Jean nous est connue par Josèphe. Jeanse hâta de se rendre à Jérusalem où il arriva avant Ptolémée. Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 4. Il assiégea la forteresse de Doch ou Dagon (t. ii, col. 1454) près de Jéricho où Ptolémée s’était réfugié ; il aurait pris la ville et aurait puni le meurtrier des siens, si celui-ci n’avait eu la précaution de garderen otage la mère de Jean. Chaque fois qu’un assaut était tenté. Ptolémée amenait la pauvre femme sur les remparts et menaçait de l’égorger. Le siège traîna en longueur et fut interrompu par l’année sabbatique. Ptolémée n’en mit pas moins à mort la mère de Jean et s’enfuit. Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 1 ; Bell, jud., i, ii, 3, 4.

Jean avait donc perdu son père, sa mère et ses deux frères, sans pouvoir tirer vengeance de leur mort. En 135-134, Antiochus VII envahit la Judée, dévasta toute la contrée et mit le siège devant Jérusalem. Jean soutint

III. - 37

vaillamment l’attaque. Antiochus avait entouré la ville de tranchées et de fortifications. Jean opéra de nombreuses sorties ; il fit partir de la ville tous les noncombattants pour faire durer plus longtemps les vivres, mais Antiochus ne les laissa pas passer et la plupart périrent de faim entre la ville et les assiégeants. Ce ne fut qu’à la fête des Tabernacles que Jean les reçut de nouveau dans Jérusalem. Pour la célébration de cette fête, Antiochus accorda un armistice de sept jours et offrit des présents pour le sacrifice. Cette générosité donna à Jean l’espoir d’obtenir une capitulation favorable. Après de longues négociations la paix fut conclue aux conditions suivantes : « Les Juifs rendraient leurs armes, paieraient un tribut pour Joppé, donneraient des otages et 500 talents. » Ces conditions étaient dures, mais Jean fut encore heureux de les obtenir. Les murs de la cité furent détruits. Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 2-3 ; Diodore, xxxiv, 1. La modération relative <T Antiochus fut due à l’intervention des Romains à qui Jean avait envoyé une ambassade. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 22. Jean n’en fut pas moins vassal d’Antiochus et, en cette qualité, il fut obligé de prendre part à la guerre contre les Parthes en 129, mais il échappa au désastre de l’armée syrienne. Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 4. Justin, xxxviii, 10 ; xxxix, 1 ; Diodore, xxxiv, 15-17. Les troubles qui suivirent en Syrie la mort d’Antiochus VII, permirent à Jean de faire des conquêtes. Il s’empara de Medaba, de Sichem, du mont Garizim, détruisit le temple des Samaritains, prit les villes iduméennes d’Adora et de Marissa et obligea les Iduméens à se soumettre à la circoncision. Josèphe, Ant. jud., XIII, IX, 1 ; Bell, jud., i, ii, 6 ; cf. IV, lv, 4. Jean Hjrcan attaqua enfin Samarie même, prit la ville après une année de siège et la rasa jusqu’au sol. Josèphe, Ant. jud., XIII, X, 2-3 ; Bell, jud., i, II, 7.

Sur ses monnaies (iig. 211), Jean Hyrcan s’appelle « grand-prêtre » et « [chef de] la communauté des Juifs ».

Il est le premier qui ait pris ces titres. Madden, Coins ofthe .Tews, m-4°, Lonares, 1881, p. 74-81. Dans la treizième année de son règne, Jean brisa avec le parti des Pharisiens pour s’unir aux Sadducéens. Josèphe, À nt. jud., XIII, x, 5-6. Cette rupture eut lieu à la suite d’un repas dans lequel un Pharisien nommé Éléazar lui dit qu’il devait abdiquer le souverain sacerdoce et se contenter d’être le chef civil du peuple, parce que sa mère avait été captive sous Antiochus IV Épiphane. Josèphe, ibid. ; U. Derenbourg, Histoire de la Palestine depuis Cyrus jusqu’à Adrien, in-8°, Paris, 1867, p. 7980 ; Montet, Le premier conflit entre Pharisiens et Sadducéens d’après trois documents orientaux, dans le Journal asiatique, t. ix, 1887, p. 415-423 ; Wellhausen, D-.e Pharisàer und Sadducâer, in-8°, Greifswald, 1874, p. 89-95. Deux ordonnances de Jean en opposition avec les doctrines pharisaïques sont mentionnées dans la Mischna, Maaser Scheni, v, 15 ; cf. H. Derenbourg, Histoire, p. 71. — En somme, le règne de Jean Hyrcan fut particulièrement heureux pour les Juifs. Josèphe, Bell, jud., V. vi, 2, 7 ; vii, 3 ; ix, 2 ; xi, 4 ; VI, ii, 10, mentionne le tombeau du grand-prêtre Jean parmi les monuments voisins de Jérusalem. C’est peut-être le tombeau de Jean Hjrcan. Cf. Werner, Johann Hyrcan, ein Beitrag zur (ieschichte Judâas mi ziveiten vorchristlichen Jahrhundert, in-8°, Wernigerode, 1877 ; E. Schûrer, Ceschichte des Judxschen Volkes im Zeit 211. — Monnaie de Jean Hyrcan. — Double corne d’abondance, entre lesquelles est une tête de pavot. —

$. D’Tinm ~am Vnn pan pmn », « Jobanan, le grand-prêtre et la communauté des Juits. »

alter Jesu Christi. 2e édit., in-8°, Leipzig, 1890, t. r, p. 202-216. E. Beurlier.

5. JEAN, envoyé des Juifs avec Abésalom auprès de Lysias, général de l’armée syrienne. II Mach., Xi, 17. Voir Lysias.

6. JEAN-BAPTISTE (SAINT) (’Iweévv » ]C 6 panTMrttfe ; Vulgate : Joannes Baptista, Matin., iii, 1), précurseur de Notre-Seigneur, ou, comme dit Tertullien, Adv. Marc, iv, 33, t. ii, col. 441, « avant-coureur et préparateur des voies du

Seigneur. » Son surnom de Baptiste, c’est-à-dire « baptisant », lui vient du ministère qu’il remplit : la collation du baptême (fig. 212). I. Naissance et

    1. ENFANCE DE JEAN##


ENFANCE DE JEAN. —

1° Par son rôle et sa

mission historique,

dit encore Tertullien, ibid., Jean est

comme la limite entre l’ancienne et la

nouvelle Loi, qui

termine le judaïsme

et commence le

christianisme. — Sa

naissance avait été

annoncée parles prophètes, Mal., iii, 1,

et Matth., XI, 10 ;

Luc, vii, 27 ; Marc,

I, 2 ; cf. Luc, I, 17°,

ainsi que sa mission,

Is., xl, 3, et Matth.,

n, 3 ; Marc, i, 3 ;

Luc, iii, 4 ; Joa., i,

23. Son père fut Za charie et sa mère

Elisabeth. Luc, i,

13, 59, 60. Voir ces

noms. Il était de

race sacerdotale, car

son père était prêlre

de la famille d’Abia, qui tenait le huitième rang parmi les familles sacerdotales descendant d’Aaron. I Par., xxiv, 10. — Sa conception et sa naissance furent précédées de circonstances tout à fait miraculeuses. Luc, i, 5-14, 18-25. Voir ZACHAME.Un ange annonça à son père la naissance d’un fils qui serait appelé Jean. Zacharie n’ajouta pas foi à cette promesse et l’ange lui prédit, en guise de châtiment, qu’il perdrait l’usage de la parole jusqu’à la naissance de l’enfant ; quelque temps après, Elisabeth conçut et se tint cachée pendant cinq mois, rapportant à Dieu toute la gloire de sa maternité. Dès le sein de sa mère, l’enfant connut Jésus et tressaillit d’allégresse, Luc, i, 44 ; c’est là ce qu’on pourrait appeler sa première manifestation surnaturelle. Au temps voulu, Elisabeth enfanta un fils. On croit généralement que la naissance de Jean précéda de six mois celle de Jésus. L’enfant fut circoncis au huitième jour ; sa mère et son père le firent appeler Jean. Luc, i, 57-63. — On ne connaît pas le lieu de la naissance de Jean-Baptiste : les rabbins opinent pour Hébron ; des auteurs chrétiens croient qu’il naquit à Jutta, petite ville de la Judée ; d’autres, ailleurs. Voir Jeta. — 2° Les destinées futures de l’enfant avaient été annoncées. — 1. D’abord par l’ange, qui avait prédit sa naissance : il sera grand devant Dieu, ne boira ni vin ni cervoise,

212. — Plomb représentant saint Jean-Baptiste. Grandeur réelle. C’était une enseigne de pèlerinage. Ce plomb est conservé aujourd’hui au Musée de Cluny, n* 8769. — Le saint est représenté avec une chevelure inculte, vêtu d’une peau de bête, serrée par une grossière ceinture de cuir. Cf. Marc, i, 6. H tient l’Agneau de Dieu dans la main droite, avec un petit étendard, et le montre de la main gauche. Cf. Joa., i, 29-36. Trouvé au pont Notre-Dame en 1856.'

et sera rempli de l’Esprit-Saint dés le sein de sa mère, Luc, i, 15 ; cela montre que saint Jean fut sanctifié dès le sein de sa mère ; cf. aussi ꝟ. 41 ; S. Ambroise, In Luc, i, 33, t. xv, col. 1547 ; Origène, Hom. ir in Luc., t. xiii, col. 1811 ; — il convertira beaucoup d’enfants d’Israël au Seigneur, leur Dieu, ꝟ. 16 ; — enfin il marchera devant le Seigneur dans l’esprit et la vertu d’Élie, pour ramener les cœurs des pères aux fils et les incrédules à la prudence des justes, et préparer au Seigneur un peuple parfait, ꝟ. 17. — 2. Au moment de sa nativité, frappés de tant de merveilles les voisins se demandèrent avec étonnement ce que serait cet enfant, car la main du Seigneur, ajoute l’évangéliste, Luc, i, 66, était avec lui. — 3. Son père dans le cantique Benedictus, Luc, i, 76, 77, prédit que son fils sera appelé le prophète du Très-Haut et préparera les voies au Seigneur, et qu’il apprendra à son peuple la science du salut pour la rémission de ses péchés. — 4. Saint Jean, dans son Évangile, I, 7-8, résume la mission du précurseur en disant qu’il venait pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui.

II. Prédication de Jean-Baptiste.

Selon toutes les vraisemblances, Jean-Baptiste passa les trente premières années de sa vie dans le désert de Juda, dans les exercices de l’ascétisme. Son genre de vie, dur et mortifié, impressionnait vivement les foules et préparait sa prédication future. Il était vêtu de poils de chameau ; il avait autour de ses reins une ceinture de peau, et se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Matth., iii, 4 ; Marc, I, 6 ; cf. aussi Luc.xi, 22 ; IV Reg., iv, 8. Aussi le renom de sa vertu et de ses grandes austérités ne tarda-t-il pas à se répandre et à lui attirer la vénération. Notre-Seigneur fait de lui les plus grands éloges : Jean-Baptiste est une lampe ardente et luisante, Joa., v, 35 ; il n’est pas un roseau agité par le vent, Matth., xi, 7 b ; Luc, vii, 24 b ; il n’est pas vêtu mollement, Matth., xi, 8 ; Luc, vii, 25 ; il est plus qu’un prophète ; il est le terme des prophètes et de la Loi ; personne parmi les enfants des hommes n’a été plus grand que Jean-Baptiste, Matth., XI, 9, 11, 13 ; Luc, vii, 26, 28, il est l’Élie de la nouvelle alliance. Matth., xi, 14 ; xvii, 12 ; Marc, ix, 12. Tant de vertu lui acquit une grande influence auprès de tous les Juifs. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 2. Il put ainsi préparer efficacement les voies au Messie par sa prédication et par la collation de son baptême. — 1° Il commença à prêcher dans le désert de Judée, Matth., iii, 1, la quinzième année du règne de Tibère ; ce désert, dans l’Ancien Testament, désigne la région peu habitée et à peu près inculte, située à l’ouest de la mer Morte, et prolongée par les déserts de Thécué, d’Engaddi, de Ziph et de Maon. Cf. Jos., XV, 61 ; Jud., i, 16 ; Ps. lxii (hébreu, lxiii), 1 ; voir Désert de Juda, t. ii, col. 1391. Dans le Nouveau Testament, le désert de Judée s’entend aussi de la plaine qui s’étend entre le Jourdain et Jéricho. Le sujet de sa prédication était la nécessité de faire pénitence parce que le royaume de Dieu est proche, Matth., iii, 2 ; le baptême de pénitence pour la rémission des péchés, Marc, i, 4 ; Luc, iii, 3 ; Act., xiii, 24 ; l’obligation de faire de dignes fruits de pénitence, Matth., iii, 8 ; Luc, iii, 8°, pour échapper à la colère à venir, car la cognée est déjà à la racine de l’arbre, et tout arbre, qui ne produit pas de bons fruits, sera coupé et jeté au feu, Matth., iii, 7, 10 ; Luc, iii, 7 b, 9 ; la pénitence seule est efficace ; la descendance d’Abraham ne suffit pas à justifier devant Dieu. Matth., i, 9 ; Luc, iii, 8 b. Jean recommandait particulier’rement à ses disciples la pratique du jeûne et de la prière. Matth., ix, 14 ; Luc, v, 33 ; xi, 1. À la foule qui l’interroge pour savoir ce qu’il faut faire, le Précurseur répond qu’il faut donner une tunique si l’on en a deux à celui qui n’en a pas, et partager sa nourriture ; aux publicains qui lui demandent ce qu’ils doivent faire, il répond qu’il faut pratiquer la justice et n’exiger rien de plus que la taxe légitime ; enfin aux soldats qui lui posent la

même question, il répond qu’il ne faut user de violence envers personne, qu’il faut éviter la calomnie, et se contenter de sa paye. Luc, iii, 10-14. — 2° Son baptême. — Tout en adressant des exhortations, saint Jean baptisait ceux qui venaient à lui. Frappée de sa prédication et encore plus de son éminente vertu, la foule accourait à lui de Jérusalem et de la Judée pour recevoir lebaptême, Matth., iii, 5, 6 ; Luc, iii, 7° ; il baptisait dans les eaux du Jourdain. Marc, i, 5. Josèphe, Ant. jud., XVIII, v, 2, nous apprend que Jean ordonnait de recevoir le baptême aux Juifs qui pratiquaient la vertu, la justice les uns envers les autres, et la piété à l’égard de Dieu. Pour la nature et la valeur du baptême de saint Jean, voir t. i, col. 1433-1435. Tout en conférant son baptême, Jean-Baptiste annonçait un baptême plus parfait et indiquait en même temps la différence essentielle qui existe entre son baptême et celui de Jésus ; quant à lui il baptise dans l’eau pour la pénitence, mais celui qui viendra, et des souliers de qui il n’est pas digne de délier la courroie, baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. Matth., iii, 11 ; Marc, t, 7-8 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 2627 ; cf. Act., i, 5 ; xi, 16 ; xix, 4. — Notre-Seigneur lui-même se rendit de la Galilée sur les bords du Jourdain près de saint Jean-Baptiste pour se faire baptiser. Matth., iii, - 13 ; Marc, I, 9°. Jean-Baptiste, dans son humilité, refusait de conférer le baptême au Sauveur, en objectant que c’est lui-même qui doit être baptisé par Jésus. Matth., iii, 14. Notre-Seigneur insista et Jean le baptisa ; le baptême de Jésus fut accompagné de circonstances miraculeuses. Matth., iii, 15, 16 ; Marc, t, 9M1 ; Luc, iii, 21-22. — C’est au moment où il administrait le baptême au delà du Jourdain qu’il affirma nettement son vrai rôle et sa mission de Précurseur. Les prêtres et les lévites étant allés lui demander qui il était, il répondit qu’il n’était ni le Christ, ni lilie, ni un prophète, mais la voix de celui qui crie dans le désert : « Redressez la voie du Seigneur. » Joa., i, 19-23. En voyant Jésus venir à lui, Jean lui rendit témoignage ; il l’appela l’agneau de Dieu qui efface les péchés du monde et le Fils de Dieu. Joa., i, 29, 34, 36. — Jean-Baptiste qui connaissait certainement le Sauveur comme son supérieur lorsqu’il se présenta pour recevoir le baptême, Matth., iii, 44, dit en saint Jean, i, 31, qu’il ne le connaissait pas, soit parce qu’il ne l’avait jamais vu avant son baptême, soit parce qu’il ne le connaissait pas encore comme le Messie promis, avant qu’il eût vu les miracles qui se produisirent alors. Joa., i, 32-34 ; cf. Cornélius a Lapide, In Joa., t. xvi, in-4°, Paris, 1860, p. 318. Le Précurseur remplit sa mission avec une abnégation admirable. Pendant qu’il baptisait à Ennon (t. ii, col. 1809), ses disciples apprenant que ceux de Jésus baptisaient aussi, en furent jaloux, et en manifestèrent leur mécontentement à leur maître. Mais avec la même humilité avec laquelle il avait répondu aux Juifs de Jérusalem qui étaient venus l’interroger qu’il n’était que la voix qui annonçait le Messie, Joa., i, 1923, il dit à ses disciples qu’il n’était point le Christ et qu’il fallait que le Christ croisse et qu’il s’eftace devant lui. Joa., iii, 27-30. Parmi les premiers chrétiens, quelques-uns furent d’abord baptisés du baptême de saint Jean. Act., xix, 1-6. Apollo, son disciple, avait aussi baptisé quelques Corinthiens. Act., xviii, 24-25. Voir t. i, col. 774. On trouve au commencement de l’Église les traces d’une secte hérétique appelée les Joannites qui ne confèrent que le baptême de Jean.’III. Emprisonnement et mort de Jean-Baptiste. — Hérode Antipas le fit jeter en prison. Matth., iv, 12 ; Marc, i, 14° ; Luc, iii, 20. On pense que cet événement eut lieu vers 781. Josèphe, And. Jud., XVIII, v, 2, dit que Jean fut. empoisonné à Machéronte, petite ville à l’est de la mer Morte. D’après cet historien, ibid., Hérode le fit emprisonner parce qu’il craignait une révolte de la part du peuple ; en réalité, le vrai motif de cette iniquité, ce

furent les réprimandes adressées par Jean-Baptiste à Hérode à cause de sa vie scandaleuse. Hérode Antipas avait répudié sa femme légitime, fille d’Arétas, roi de Pétra, et s’était uni à Hérodiade, femme de son frère Hérode-Philippe, et sa propre nièce. Voir Hérode 3, et Hérodiade, col. 647 et 652. Saint Jean-Baptiste le reprit sévèrement de sa conduite scandaleuse, Marc, vi, 17 ; Luc, iii, 19, et prononça pour la première fois le Non licet. Matth., xiv, 4 ; Marc, vi, 18. Dès lors Hérodiade ne songea plus qu’à perdre Jean, mais d’une manière sournoise, car le roi craignait le peuple qui avait le Précurseur en grande vénération. Matth., xiv, 5 ; Marc, vi, 1920. — Ce fut pendant que Jean était en prison que Jésus commença son ministère galiléen. Matth., iv, 12 ; Marc, 1, 14 ; cf. aussi Luc, iv, 14 ; Joa., iv, 43. Jean, ayant appris dans sa prison les œuvres du Christ, lui envoya deux de ses disciples pour lui demander s’il était vraiment le Messie. Jésus lui répondit en indiquant les signes et les miracles qu’il opérait et à l’aide desquels on pouvait reconnaître le Messie. Matth., xi, 2-6 ; Luc, vii, 18-20, 22-23. — On ne sait pas au juste combien de temps Jean passa en prison. L’heure de son martyre était arrivée : on connaît les circonstances du drame ; on célébrait le jour de la naissance d’Hérode ; la lille d’Hérodiade dansa devant la cour assemblée et charma le monarque. Hérode jura de lui donner tout ce qu’elle demanderait ; la jeune fille, à l’instigation de sa mère, demanda qu’on lui apportât sur un plateau la tête de Jean-Baptiste ; Hérode fut épouvanté, mais il n’osa pas reculer ; il envoya donc des émissaires qui tranchèrent la tête de Jean-Baptiste dans sa prison et la lui apportèrent sur un plateau : le monarque donna le plateau à la jeune fille, et celle-ci à sa mère ; ainsi le crime était consommé. Matth., xiv, 6-11 ; Marc, vi, 21-28. — Les disciples de saint Jean-Baptiste ensevelirent son corps et annoncèrent à Jésus le triste événement. Matth., xiv, 12 ; Marc, vi, 29. — De tout temps l’uglise a célébré deux fêtes du Précurseur : celle de sa décollation et celle de sa naissance. Quant à la découverte et aux péripéties de ses reliques, que plusieurs églises prétendent posséder, il a circulé autrefois un certain nombre de traditions, dont quelques-unes jouissent d’un crédit assez sérieux. Cf. Tillemont, Mémoires, in-4°, Bruxelles, 1732, t. i, p. 44-47, 217-222. IV. Bibliographie. Eusèbe, H. E., i, 11, t. xx, col. 113, 116 ; * Hottinger, HistoHa orientahs, Zurich, 1660, p. 144-149 ; *Wits, Exercitaliones de Joanne Baptiste, dans ses Miscellanea sacra, t. ii, p. 367 ; * G. E. Leopold, Johannes der Taàfer, Hanovre, 1825 ; *Usteri, Nachrichten von Johannes dem Taufer, dans les Studien und Kritiken, 1829, p. 439 ; * L. von Rohden, Johannes der Taùfer, Lubeck, 1838 ; Acta sanctorum, junii t. iv, 1707, p. 687-806 ; Chiaramonte, Vita di san Giovanni Battista, 3 in-8°, Turin, 1892 ; *Sol ! ertinsky ; The death of St. John the Baptist, dans The journal of theological sludies. V. Ermoni.

    1. JEAN (SAINT)##


7. JEAN (SAINT), apôtre et évangéliste (fig. 213). Les faits de sa vie nous sont connus par des documents d’origine différente. Ceux de la première partie sont relatés dans les écrits du Nouveau Testament ; ceux de la dernière nous ont été transmis par la tradition ecclésiastique, et parfois embellis ou dénaturés par la légende.

D’après les écrits du Nouveau Testament.

Jean

était fils de Zébédée, Malth., iv, 21, et de Salomé, Marc, xv, 40 ; xvi, 1 ; Matlh., xxvii, 56, et le frère puîné de saint Jacques le Majeur. Voir col. 1082. Sa famille semble avoir joui d’une certaine aisance, car son père, quoique simple pêcheur, possédait plusieurs barques et employait des mercenaires, Marc, i, 20, et sa mère était une des saintes femmes qui accompagnaient Jésus en Galilée et l’entretenaient de leurs biens. Marc, xv, 40, 41 ; Luc, vin, 3. Comme la plupart des Apôtres, Jean était de la province de Galilée et probablement de Bethsaide. Ilfutd’abord

disciple de Jean-Baptiste, le précurseur de Jésus, et c’est lorsque ce premier maître lui eut désigné Jésus comme « l’agneau de Dieu » qu’il le suivit avec André. Joa., i, 35-40. Pendant plusieurs mois, il accompagna son nouveau Maître avec quelques autres disciples, assista aux noces de Cana, alla célébrer la Pâque à Jérusalem et revint en Galilée par la Samarie. Étant retourné à ses occupations ordinaires, pendant qu’il péchait sur le lac

213. — Saint Jean l’Evangëliste. D’après Raphaël. Voir Ad. Gutbier et W. Lubke, Rafæl-Werk, 2e édit., 3 in-4-, Dresde, 1881, t. ii, pl. 69, et t. iii, p. 183. — À côté de l’apôtre est l’aigle qui est son emblème comme évangéliste. Il tient un livre de la main droite. Dans sa main gauche est un calice d’où sort un.serpent. Saint Jean est souvent représenté ainsi. Le serpent est quelquefois remplacé par un dragon. On donne de ce symbole des explications diverses. La plus commune est que le reptile figure le poison qu’on avait versé dans une coupe. Aristodeme, grand-prêtre de Diane, à Éphèse, l’aurait défié de boire une coupe empoisonnée pour prouver la vérité de sa doctrine, et l’apôtre t’aurait fait sans en éprouver aucun mal. S. Isidore, De ortu et obitu Patr., lxxii, 128, t. Lxxxiii, col. 151 ; Acta Johannis, 9, dansTischendort, Acta Apostolorum apoçrypha, 2e édit, t. i, 2, Leipzig, 1898, p. 156.

de Tibériade, il fut définitivement attaché à la suite de Jésus avec Pierre, André et Jacques, son frère. À l’appel du Maître, il quitta tout pour devenir pêcheur d’hommes. Matth., iv, 18-22 ; Marc, I, 16-20 ; Luc., v, 311. Il fut choisi pour être un des douze Apôtres. Dans les listes du collège apostolique, il est placé tantôt au deuxième rang, Act., i, 13, tantôt au troisième, Marc, ni, 17, et tantôt au quatrième. Matth., x, 3 ; Luc, vi, 14-Voir 1. 1, col. 783-784. Avec Pierre et Jacques, son frère, il entra bientôt dans l’intimité de Jésus, et ces trois disciples privilégiés, à l’exclusion des autres apôtres, assistèrent à plusieurs événements remarquables de la vie du Maître, à la résurrection de la fille de Jaire, Marc, v, 37 ; à la transfiguration, Matth., xvii, 1 ; Marc.. IX, 1 ; Luc, ix, 28, et à l’agonie de Jésus au jardin des Oliviers. Matlh., xxvi, 37 ; Marc, xiv, 33 ; Luc, xxii, 39. Jean fut

l’un des quatre Apôtres qui interrogèrent Jésus sur les signes de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde. Marc, xii, 3. La veille de la dernière Pâque du Sauveur il fut chargé avec Pierre des préparatifs de la fête. Luc, xxii, 8. On admet généralement que lui-même s’est désigné sous le nom du « disciple que Jésus aimait » et qui, à la dernière cène, reposant sa tête sur le sein de Jésus, demanda au Maître le nom du traître. Joa., xiii, 23-26. Jean, qui était d’une nature aimante, répondait à la prédilection de Jésus par un attachement sans limite et par un zèle ardent jusqu’à l’indiscrétion. Les Samaritains ayant refusé de laisser passer le Sauveur, les deux fils de Zébédée demandèrent de faire tomber sur eux le feu du ciel ; mais Jésus le leur reprocha, et leur apprit que l’esprit de sa doctrine était différent. Luc, IX, 51-56. On pense que c’est par allusion à l’impétuosité de leur caractère, manifestée en cette circonstance, que Jésus leur donna le surnom de Boanergès, « fils du tonnerre. » Marc, iii, 17. Voir t. i, col. 1821. Jean avait déjà interdit à un homme de chasser les démons au nom de Jésus, parce qu’il ne faisait pas partie du collège apostolique. Luc, ix, 49. Si l’ambition pousse les deux lrères à se joindre à leur mère pour demander les premières places auprès du Christ triomphant, la générosité de leur âme se montre dans leur empressement à accepter de boire le calice de douleur que Jésus leur présente. Matth., xx, 20-23 ; Marc, x, 35-41. Cependant, à l’heure de l’arrestation du Sauveur, Jean prend la fuite comme les autres Apôtres. Bientôt, avec Pierre, il suit la cohorte qui emmenait Jésus, et, comme il était connu (on ne sait à quel titre) de Caiphe, il put pénétrer à l’intérieur de la maison du pontife et assister a l’interrogatoire. Joa., xviii, 13. Il se trouva aussi debout au pied de la Croix, et Jésus, apercevant son disciple bien-aimé, lui confia sa mère que Jean reçut dès lors dans sa propre maison. Joa., xix, 26, 27. Quand Marie-Madeleine vint apprendre, au matin de la résurrection, que le tombeau de Jésus était vide, Jean courut plus vite que Pierre et arriva le premier au sépulcre ; à la vue de la disposition des linges, il crut que Jésus était ressuscité. Joa., xx, 2-8. Lorsque Jésus se manifesta aux Apôtres, qui étaient retournés pêcher dans le lac de Tibériade, Jean fut le premier à le reconnaître et à le signaler à Pierre. Joa., xxi, 7. C’est en cette circonstance qu’après avoir annoncé à Pierre le genre de mort qui lui était réservé, sur la demande du chef des Apôtres, Jésus refusa de faire connaître le sort qui attendait le disciple bien-aimé. Plus tard, les chrétiens interprétèrent ses paroles comme la prédiction que Jean ne mourrait pas, et en terminant son évangile, l’apôtre eut le soin d’affirmer que telle n’avait pas été la pensée de son Maître. Joa., xxi, 20-23. Après l’ascension de Jésus au ciel, Jean demeura quelque temps à Jérusalem avec les autres Apôtres. Act., i, 13. Il monta avec Pierre au temple et fut témoin de la guérison du boiteux à la Belle-Porte. La foule les suivit au portique de Salomon, Act., iii, 1-11, et après le discours de Pierre au peuple, les deux Apôtres furent saisis par les prêtres et mis en prison. Le lendemain, ils comparurent devant le Sanhédrin et rendirent témoignage à Jésus ressuscité. Les sanhédrites, admirant la constance de ces hommes sans lettres et sans instruction, les laissèrent en liberté, après leur avoir inutilement ordonné de ne plus prêcher Jésus de Nazareth. Act., iv, 1-21. Jean subite encore de la part des prêtres juifs la persécution, commune à tous les apôtres, Act., v, 17-33, et il fut battu de verges à cause de Jésus. Joyeux d’avoir souffert, il continua à prêcher Jésus-Christ. Act., v, 40-42. Il prit part à l’élection des diacres, Act., vi, 2, et il demeura à Jérusalem même après la persécution qui suivit la mort de saint Etienne. Act., viii, 1. Il fut envoyé avec Pierre en Samarie pour donner le Saint-Esprit aux nouveaux -convertis. Act., viii, 14-17. Quand, trois ans plus tard,

saint Paul vint à Jérusalem, Gal., i, 18, 19, il n’y vit pas saint Jean, qui était sans doute parti pour une course apostolique. La persécution d’Hérode Agrippa, qui fit périr Jacques, frère de Jean, et emprisonner Pierre, n’atteignit pas Jean, alors absent de Jérusalem. Act., xii, 1-3. Il était revenu à la ville sainte, lorsque s’y tint, en 51 ou 52, l’assemblée connue sous le nom de concile de Jérusalem. Voir t. ii, col. 890. Saint Paul, Gal., ii, 9, le nomme avec Pierre et Jacques le Mineur comme ceux qui paraissaient être les « colonnes » de l’Église et qui lui donnèrent la main d’association. À son dernier voyage à la ville sainte, l’apôtre des gentils ne fut plus reçu que par Jacques le Mineur. Act., xxi, 18. L’Apocalypse, qui est l’œuvre de l’évangéliste saint Jean, nous apprend que son auteur fut relégué dans l’île de Patmos à cause de la parole de Dieu et du témoignage rendu à Jésus-Christ. C’est là qu’un dimanche l’apôtre reçut la « révélation de Jésus-Christ », qui débute par les letires aux sept Églises d’Asie Mineure, Apoc, i, 9-11, que saint Jean connaissait et sur lesquelles il avait une autorité évidente. Les trois lettres qui lui sont attribuées ne contiennent aucun renseignement personnel. La suite de la vie de saint Jean ne nous est connue, et encore bien incomplètement, que par la tradition ecclésiastique.

D’après la tradition.

Tous les anciens écrivains

ecclésiastiques ont unanimement affirmé que l’apôtre saint Jean vint s’établir, à une époque qu’il est difficile de fixer d’une manière absolue et qu’on croit généralement postérieure à la mort de saint Pierre et de saint Paul et antérieure à la ruine de Jérusalem par les Bomains, à Éphèse et qu’il y vécut jusqu’à la plus extrême vieillesse, exerçant une autorité incontestée sur les églises de l’Asie proconsulaire. C’est là qu’il aurait composé l’Apocalypse, le quatrième Évangile et les trois Épitres qui portent son nom. Cette tradition est indépendante du témoignage de l’Apocalypse elle-même et des attestations de l’origine apostolique de ce livre prophétique. Voir t. i, col. 742-746, et Dictionnaire de théologie catholique, de M. Vacant, t. i, Paris, 1901, col. 1467-1470. Il suffit de rappeler quelques affirmations très explicites. Saint Irénée, Cont. hær., ii, 22, n. 5, t. vii, col. 785, en appelle aux anciens qui ont vécu en Asie avec Jean, le disciple du Seigneur, qui est demeuré avec eux jusqu’au temps de Trajan. Il cite, ibid., III, 3, n. 4, ibid., col. 853-855, la rencontre de l’apôtre avec Cérinthe aux bains d’r-phèse et il dit que l’église d’Éphèse, qui a été fondée par Paul et a été habitée par Jean jusqu’aux temps de Trajan, est un témoin véridique de la tradition des Apôtres. Dans sa lettre à Florin, son ami d’enfance, qui s’était laissé séduire par les gnostiques, il remémore la doctrine des anciens qui avaient été les disciples des apôtres et l’enseignement de Polycarpe qui leur racontait ses relations avec Jean et avec les autres qui ont vu le Seigneur, et qui répétait ce qu’il avait entendu d’eux sur le Seigneur, sur ses miracles et sur sa doctrine. Eusèbe, ’.fl. E., v, 20, t. xx, col. 485. Les témoignages de saint Irénée que M. Harnack, Die Chronologie des altchristlichen Literatur bis Eusebius, t. i, Leipzig, 1897, p. 320-381, et M. Jean Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 9-18, ont cherché à infirmer, gardent toute leur valeur en faveur du séjour de saint Jean à Éphèse. Labourt, De la valeur du témoignage de S. Irénée dans la question johannine, dans la Revue biblique, t. vii, 1898, p. 59-73 ; A. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore disserlatio, Louvain, 1899, p. 128-138. L’évêque de Lyon écrit au pape Victor que son prédécesseur Anicet n’a pu persuader Polycarpe, qui avait vécu familièrement avec Jean le disciple de Notre-Seigneur et avec les autres Apôtres, d’adopter les observances romaines relatives à la célébration de la fête de Pâques. Eusèbe, H. E., v, 24, t. xx, col. 508. Quelques pages auparavant, ibtd., col. 493-496, Eusèbe avait cité une lettre de Polycrate, évêque d’Éphèse, au « 63

JEAN (APÔTRE) « 64

même pape, dans laquelle il rappelait les grandes lumières éteintes en Asie, à savoir l’apôtre Philippe et Jean, qui reposa sur le sein du Seigneur, qui fut prêtre et porta la tiare et qui mourut à Éphèse. Pour rejeter le témoignage de Polycrate, on a vainement prétendu qu’il avait confondu l’apôtre Philippe avec le diacre ou évangéliste du même nom, et qu’il avait attribué à saint Jean le souverain pontificat des Juifs. La confusion des deux Philippe, explicable pour les traditions d’fliérapolis de la part d’un évéque d’Éphèse, ne nuit pas à son attestation sur la tradition de sa propre église relativement à saint Jean. S’il lui attribue le pontificat, il ne veut pas parler du souverain sacerdoce des Juifs, car saint Jean n’était ni de la tribu de Lévi, ni de la famille d’Aaron, mais du sacerdoce chrétien, comme l’a compris saint Jérôme, De vir. illust., 45, t. xxiii, col. 659. Apollonius, dans un écrit contre les montanistes, rapportait que Jean, l’auteur de l’Apocalypse, avait par la toute-puissance divine ressuscité un mort à Éphèse. Eusèbe, H.E., v, 18, t. xx, col. 480. Clément d’Alexandrie, Quis dives salvetur, 42, t. ix, col. 648, affirme qu’après son exil à Patmos, l’apôtre saint Jean revint à Éphèse, gouverna les Églises d’Asie et ramena dans la bonne voie un jeune homme qu’il avait converti et qui était devenu chef de brigands. En citant ce témoignage ainsi que celui de saint Irénée, Eusèbe, H.E., iii, 23, t. xx, col. 256264, admet que l’apôtre et évangéliste saint Jean a vécu en Asie. Saint Justin, Dialog. cum Tryph., ’81, t. vi, col. 669, discutant à Éphèse même, affirme que saint Jean, un des apôtres du Christ, y composa l’Apocalypse.

Cette tradition, si ancienne et si fortement appuyée, est cependant rejetée par quelques critiques qui, pour nier l’origine apostolique des écrits de saint Jean, soutiennent que la tradition ecclésiastique a confondu l’apôtre Jean, qui n’a pas séjourné et n’est pas mort en Asie, avec le « prêtre Jean », auteur des ouvrages johanniques. Pour M. Harnack, Die Chronologie, t. i, p. 678680, le prêtre Jean est un Palestinien, un Juif devenu helléniste et un disciple du Seigneur au sens large. Pour M. Bousset, Die O/fenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 48-51, le seul Jean, qui ait eu autorité dans les Églises de l’Asie Mineure, est le prêtre Jean. La confusion entre ce personnage et l’apôtre Jean était déjà faite à l’époque de saint Justin et de saint Irénée. Mais elle est en soi d’autant plus invraisemblable qu’elle aurait dû se produire entre l’an 100 et l’an 130, dans le milieu même où, d’après tous les témoins de la tradition au il » siècle, a vécu l’apôtre saint Jean. D’ailleurs, l’existence du prêtre Jean, distinct de l’apôtre, n’est pas certaine. Les Asiates ne le connaissent pas plus que les

"Aloges. Saint Denys d’Alexandrie, quoique le P. Corluy affirme le contraire, t. i, col. 743, ne le connaît pas ; ’il parle seulement d’un Jean quelconque, d’un simple homonyme de l’apôtre, dont il suppose l’existence, afin de lui attribuer la paternité de l’Apocalypse. Il rapporte aussi un on-dit, suivant lequel il aurait existé à Éphèse deux tombeaux élevés à la mémoire de deux personnages nommés Jean. Eusèbe, II. E., vii, 25, t. xx, col. 677701. Ce vague bruit était sans fondement, et Éphèse n’a jamais conservé qu’un seul mausolée, celui de l’apôtre Jean. Seul, Eusèbe de Césarée, H. E., iii, 39, t. xx, col. 296-300, admet l’existence du prêtre Jean, qu’il trouve indiquée dans un texte de Papias. L’évêque d’Hiérapolis rapporte que lorsqu’il rencontrait quelqu’un qui avait vécu avec les anciens, il s’informait curieusement de ce qu’avaient dit ces anciens à savoir, André, Pierre, Philippe, Thomas, Jacques, Jean, Matthieu et les autres disciples du Seigneur, de ce que disaient Aristion et le prêtre Jean, disciples du Seigneur. Eusèbe observe que le nom de Jean revient deux fois dans ce témoignage. Il est joint d’abord aux noms des Apôtres et il désigne l’évangéliste Jean. Il est répété en dehors de la liste des Apôtres et à la suite d’Aristion, il désigne le prêtre Jean.

On connaît assez les efforts inouïs des historiens et des critiques pour interpréter les paroles de Papias. Sans résumer tous les débats, disons seulement qu.’Eusèbe en a certainement déduit l’existence de deux Jean, l’évangéliste et le prêtre, dont les tombeaux, prétend-il, se voyaient à Éphèse. Mais on peut penser que l’exégèse d’Eusèbe est ici en défaut. Les « anciens », dont parle Papias, sont des apôtres et des disciples du Seigneur, et Papias avoue avoir été directement en relations avec quelques-uns d’entre eux. Si Jean est nommé deux fois d’abord avec les apôtres dont Papias recueillait les paroles de la bouche de ceux qui les avaient fréquentes, puis avec Aristion, comme disciple immédiat du Seigneur, c’est que l’évêque d’Hiérapolis avait été son auditeur, ainsi que l’affirment saint Irénée, Cont. hær., v, 33, n. 4, t. vii, col. 1214, et Eusèbe lui-même, Chrome, t. xix, col. 551. Quand l’évêque de Césarée déduit du fragment de Papias l’existence du prêtre Jean, distinct de l’apôtre, il se met en contradiction avec lui-même ; il est, d’ailleurs, désireux de trouver un auteur à l’Apocalypse. Enfin André de Césarée, Anastase le Sinaite, Maxime le Confesseur et peut être Georges Hamartolos, qui eurent entre les mains l’ouvrage de Papias, s’accordent à dire que Jean d’Éphèse fut l’apôtre Jean. L’existence du prêtre Jean demeure très problématique, et on peut soutenir que ce personnage est un être fictif, imaginé aux m » et iv siècles au sujet des controverses ; relatives à l’auteur de l’Apocalypse. Toutefois, si l’on admet son existence réelle, les témoignages de saint Justin, de saint Irénée et de leurs contemporains gardent leur valeur et prouvent la venue de l’apôtre saint Jean en Asie, et on n’a pas le droit d’attribuer au prêtre Jean, que l’antiquité ecclésiastique n’a pas connu, un rôle prépondérant dans l’es affaires ecclésiastiques de l’Asie Mineure ; ce serait attribuer trop d’autorité à une phrase obscure de Papias et à une tradition douteuse sur les deux tombeaux d’Éphèse. Camerlynck, De quarli Evangehi auctore, p. 98-128v Personne n’attache aucune importance à la donnée des Constitutions apostoliques, vu, 46, t. i, col. 103, et de Salomon de Bassora, d’après laquelle un prêtre Jean aurait suceedé à l’apôtre saint Jean sur le siège d’Éphèse.

On invoque parfois contre le séjour de l’apôtre saint Jean à Éphèse le silence que saint Ignace garde à son sujet dans ses- êpîtres aux Églises de l’Asie Mineure, et spécialement dans sa lettre aux Éphésiens. Ce silence qui prouverait aussi bien contre te prêtre Jean, que saint Ignace ne mentionne pas, a été expliqué par Lightfoot, Apostolic Fathers r t. ii, p. 63. L’évêque d’Antioche, mené au martyre, ne parle que de saint Paul qui, comme lui, passa à. Éphèse en allant de l’Asie à Rome. L’analogie des circonstances, qui appelait sous sa plume la mention de saint Paul, ne l’amenait pas à parler de saint Jean, et son silence ainsi expliqué ne prouve rien contre le séjour de saint Jean à Éphèse. Il y a peu de fond à faire sur un renseignement fourni par un manuscrit, le Coislinianus du xe siècle, de la Chronique de Georges Ilarmatolos auteur du ixe siècle, et reproduit dans un manuscrit du xiv « ou du xve siècle, le Barrocianus dépendant peut-être indirectement de l’Histoire ecclésiastique de Philippe Sidètes. Ces deuxtextes contiennent un extrait de Papias, d’après lequel Jean le Théologien et son frère Jacques auraient été tués par les Juifs. La citation, si elle est réelle, a subi des altérations, et les critiques ont proposé différentes restitutions qui mettent hors de cause l’apôtre’saint Jean ou son genre de mort. C. de Boor, JVewe Fragmente des Papias, Hegesippus und Piemus, dansTexte und Untersuchungen, t. v, 2e fasc, Leipzig, 1888, p. 170, 176-179 ; Funk, Opéra Patrum apostolicoram, t. it, Tubingue, 1881, p. 294-2%. D’ailleurs, à supposer qu’ils n’aient pas subi d’altérations, , des textes si récents n’auraient pas par eux-mêmes grande valeur et ne suffiraient pas à contre-balancer l’ancienne tradition, si

unanimement favorable au séjour de saint Jean à Éphèse. A. Camerlynck, De quarli Evangelii auctore, p. 52-72 ; Zahn, Forschungen zur Geschichte des newtestamentlichen Kanons, t. vi, Leipzig, 1900, p. 112-217.

Le séjour de saint Jean à Éphèse étant démontré, il reste à relater les rares événements des dernières années de l’apôtre, que la tradition nous a conservés. Il faut placer en premier lieu son martyre à Rome dans une chaudière d’huile bouillante, et sa relégation à l’île de Patmos. Tertullien, De prxscript., 36, t. ii, col. 49, parle des deux faits et de leur succession, mais sans en déterminer la date. Saint Jérôme, Cont. Jovinian., 1, 26, t. mu, col. 259, les a appris de Tertullien. Le même docteur, In Matth., xx, 23, t. xxvi, col. 143, les répète d’après les histoires ecclésiastiques. Cf. De vir. Ml., 9, t. xxiii, col. 625. Comme ce fait est mentionné dans les Actes apocryphes de saint Jean et leurs divers remaniements, voir t. i, col. 159-160, M. Corssen, Monarchianische Prolog zu den vier Evangelien, dans les Texte und Vnttrsuchungen, t. xv, 1 er fasc, Leipzig, 1896, p. 79-80, 8688, a cherché à prouver qu’il n’avait pas d’autre fondement que les Actes de Leucius. Mais sa conclusion est forcée. L’Église a reconnu la réalité du martyre de saint Jean à Rome, et elle en célèbre l’anniversaire, le 6 mai, par la fête de saint Jean devant la Porte latine. C’est durant son exil de Patmos que, suivant la tradition, l’apôtre composa l’Apocalypse. Voir t. i, col. 746. Domitien régnait alors, ainsi que le rapportent S. Irénée, Cont. hxr., v, 30, n. 3, t. vii, col. 1207 ; S. Victorin de Pettau, In Apoc, x, 11 ; xvii, 10, t. v, col. 333, 338 ; S. Jérôme, (oc. cit., et Eusèbe, H. E., iii, 18, t. xx, col. 252. Dans sa Chronique, ii, t. xix, col. 552, ce dernier fixe l’exil de saint Jean à Patmos à l’an 14 de Domitien. Saint Épiphane, User., li, n. 12, 33, t. xli, col. 909, 949, affirme que l’apôtre revint de Patmos sous l’empereur Claude. Son témoignage, parfois erroné surtout en matière de chronologie, ne suffit pas seul à contre-balancer les affirmations des Pères, plus rapprochés des événements et généralement mieux renseignés. Cf. Revue biblique, t. ix, 1900, p. 236-243.

Nerva ajant rendu la liberté à tous ceux que son cruel prédécesseur avait bannis, saint Jean revint à Éphèse et y reprit son ministère. Eusèbe, H. E., iii, 23, t. xx, Col. 256-257, l’affirme sur l’autorité de saint Irénée et de Clément d’Alexandrie, el il emprunte à ce dernier l’histoire du jeune homme devenu, après sa conversion, chef de brigands et paternellement ramené dans le bon chemin par saint Jean. L’apôtre écrivit alors son Évangile et ses Épîtres à une date et dans des circonstances qui seront déterminées plus loin. La tradition nous a conservé quelques épisodes des derniers jours de saint Jean. Nous avons déjà cité le fait de la rencontre de Cérinthe aux bains publics d’Éphèse. Irénée, Cont. hær., m, 3, n. 4, t. vii, col. 853 ; Eusèbe, H. E., iv, 14, t. xx, col. 337. Cassien, Collât., xxiv, 21, t. xux, col. 13121315, rapporte que le vieillard jouait pour se délasser avec une perdrix apprivoisée. Enfin, saint Jérôme, In Gal., vi, 10, t. xxvi, col. 433, relate que dans les assemblées religieuses, où ses disciples devaient le porter, il ne disait plus que cette parole : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. » Les assistants lui ayant demandé pourquoi il répétait toujours ce conseil, il répondit : « C’est le précepte du Seigneur ; bien gardé, il suffit. » Les Pères se sont plu à dire que saint Jean était demeuré vierge et qu’en récompense de sa pureté virginale, Jésus l’avait aimé d’un amour de prédilection et lui avait confié sa mère. S. Jérôme, Epi&t. cxxrn, ad Principiam, 5, t. xxii, col. 1090 ; Cont. Jovinian., i, 26, t. xxiii, col. 246 ; In Isa., lvi, 5, t. xxv, col. 541 ; S. Augustin, In Joa. tract, cxziv, 8, t. xxxv, col. 1976 ; De bono conjugio, 21, t. XL, col. 391 ; Cont. Faust, manich., xxx, 4, t. xlii, col. 493. Corssen, Monarchianische Prologe, p. 78-79, 83-86, a prétendu que cette tradition pro venait exclusivement des Actes apocryphes de saint Jean. Si quelques témoignages dérivent de cette source, il n’est pas démontré que tous en dépendent. Leucius lui-même a pu mettre en œuvre une tradition antécédente. Les Pères, d’ailleurs, n’affirment pas la perpétuelle virginité de saint Jean comme un fait certain. Elle demeure néanmoins très vraisemblable.

L’apôtre parvint à une extrême vieillesse et vécut jusqu’au règne de Trajan. Il mourut soixante-huit ans après la passion de son divin Maître. S. Irénée, Cont. hær., n, 22, n. 5, t. vii, col. 785 ; iii, 3, col. 855 ; Eusèbe, H.E., m, 23, t. xx, col. 257. Il fut enseveli à Éphèse, au témoignage de Polycrate, évêque de cette ville, témoignage rapporté par Eusèbe, H. E., iii, 31, t. xx, col. 280 ;ꝟ. 24, col. 493. Son tombeau devint célèbre et on éleva plus tard au-dessus une église, dédiée à l’apôtre et nommée VApostohcon. Voir t. ii, col. 1847-1849. La légende, dérivant des Actes apocryphes de saint Jean, a ajouté que le vieillard, sentant sa fin prochaine, fit creuser son sépulcre et, disant adieu aux frères, s’y coucha comme dans un lit. Quand on revint, il était mort. Corssen, Monarchianische Prologe, p. 81-82, 89-90. Comme on ne l’avait pas vu mourir, quelques-uns prétendaient qu’il vivait dans son tombeau et qu’il n’était qu’endormi, Saint Augustin, In Joa. tract, cxxir, t. xxxv, col. 1970, rapporte qu’on voyait la terre doucement agitée par son haleine. Le misérable village, qui occupe aujourd’hui l’emplacement de la ville d’Éphèse, porte le nom d’Ayassoulouk, ou le Saint-Théologien, qui est le surnom donné par les Pères à l’apôtre bien-aimé. Voir t. ii, col. 1834 ; Le Camus, Les sept Églises de l’Apocalypse, Paris, 1886, p. 142-144. — VoirTillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique des six premiers siècles, Paris, 1701, t. i, p. 330-335, 600-602 ; Trench, The life and character of St. John the evangelwt, Londres, 1850 ; Baunard, L’apôtie saint Jean, 4e édit., Paris, 1883 ; Macdonald, The life and writings of S. John, Londres, 1877 ; Farrar, Early days of christianity, 2e édit., Londres, 1884 ; Dictionary of the Bible, de Smith, 2e édit., Londres, 1893, t. i, n » part, p. 17311736 ; Realencyklopâdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3° édit., t. iii, Leipzig, 1900, p. 272-285.

E. Mangenot.

8. JEAN, père de l’apôtre saint Pierre qui est appelé trois fois par NotreSeigneur « Simon fils de Jean » en S. Jean, xxi, 15-17. Au lieu de Joannes, son nom est écrit Jona, Joa., i, 43. Dans S. Matthieu, xvi, 17, au lieu de t fils de Jean », nous lisons Bar-Jona, qui en araméen a la même signification. Voir Bar-Jona, t. i, col. 1461.

9. JEAN, descendant d’Aaron et membre du sanhédrin à l’époque apostolique, tut l’un des juges qui avec Anne, Caiphe, etc., firent comparaître devant eux les apôtres Pierre et Jean, lorsque ceux-ci eurent commencé à prêcher Jésus-Christ et guéri le boiteux à la porte du Temple. Le tribunal les renvoya, après leur avoir défendu, mais inutilement, d’enseigner au nom de Jésus. Act., iv, 6. On a tenté d’identifier ce membre du sanhédrin avec Johanan ben Zaccai, qui présida la grande synagogue à Jamnia, après la destruction du Temple ; mais cette hypothèse et d’autres semblables ne reposent que sur une similitude de nom qui peut être purement accidentelle et n’autorise pas à conclure à l’identité des personnages. Le nom de Johanan ou Jean était très commun à cette époque.

10. JEAN MARC, fils de Marie, Act., xii, 12, et parent de Barnabe. Col., iv, 10. Marc était son surnom. Act., xii, 12, 25. C’est dans la maison de sa mère que se réfugia saint Pierre lorsqu’il fut délivré miraculeusement de la prison où l’avait enfermé Hérode. Jean Marc accompagna Paul et Barnabe dans leurs prédications à Séleu

cie et en Chypre, leur rendant surtout des services matériels (ÛTtepÉTris), Act., xii, 25 ; xiii, 5, mais il n’eut pas le courage de les suivre à Pergé en Pamphylie, et lorsque plus tard il voulut de nouveau se joindre à eux, dans un autre voyage de missions, saint Paul refusa de le prendre, malgré les instances de Barnabe qui se sépara de l’Apôtre à cause de ce refus. Act., XV, 35-39. Voir Barnabe, t. i, col. 1462. Jean Marc n’est ainsi nommé que dans les Actes. Saint Paul le nomme simplement Marc dans les salutations qui terminent les Épttres aux Colossiens, iv, 10, et à Philémon, ꝟ. 24. Il avait donc pardonné à Jean Marc son ancienne faiblesse. Il fait même son éloge à son disciple Timothée et lui recommande de le prendre et de îe lui amener à cause des services qu’il peut lui rendre. II Tim., iv, 11. Saint Pierre appelle Marc « son fils », I Pet., v, 13, ce qui a fait supposer que c’était le prince des Apôtres qui l’avait converti au christianisme. Papias dit que Marc fut « l’interprète de Pierre ». Eusèbe, H. E., III, 39 ; cf. ii, 15, t. xx, col. 300, 172. Il y a cependant des critiques qui distinguent le Jean Marc des Actes et de saint Paul de celui de saint Pierre, et en font deux personnages différents. Voir H. W. Kienlen, Noch ein Wort ûber das Zeuyniss des Papias fur unser Markusevangelium, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1843, p. 423-429. Baronius et Tillemont ont soutenu la distinction des deux Marc. On admet cependant généralement que Jean Marc est le même que l’évangéliste. Cf. Acta sanctorum, septembris t. vu (1760), p. 383. Voir Marc.

11. JEAN (ÉVANGILE DE SAINT). — I. AUTHENTICITÉ. — Le titre EûafYsXtov xari’Iuivvriv, Evangelium secundum Joannem, qu’on lit en tête des manuscrits grecs et latins et des éditions du quatrième Évangile, sans être de l’auteur lui-même, est ancien et prouve l’antique croyance de l’Église à l’origine apostolique de cet écrit. Voir t. ii, col. 2060-2061. Il est certain, en effet, que l’antiquité ecclésiastique tout entière, sauf les Aloges, a admis et affirmé que le quatrième Évangile canonique était l’œuvre de l’apôtre saint Jean, du disciple que Jésus aimait. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle que les premiers doutes furent émis par Evanson, The dissonance of the four generally received evangehsts, 1792. Bretschneider, Probabilia de Evangelii et Epistolarum Joannis indole et origine, 1820, souleva de nouvelles difficultés. L’école de Tubingue fit de cet Évangile une œuvre de parti et de tendance, d’origine tardive et sans valeur historique.. Mais de récents travaux ont fait entrer la question de l’authenticité du quatrième Évangile dans une phase nouvelle. Si Albert Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 330-359, et son fils, Jean Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 314-320, restent encore attachés en partie aux vues de l’école de Tubingue, d’autres critiques les abandonnent entièrement. Ils tiennent le quatrième Évangile pour une histoire authentique de Jésus-Christ, mais ils en attribuent la composition non pas à l’apôtre saint Jean, mais au prêtre Jean qui vivait à Éphèse à la fin du i sr siècle de l’ère chrétienne, ou au commencement du second. Delff, Das vierte Evangelium, ein authentischer Berichl ù ber Jésus von Nazareth, 1890 ; Bousset, Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 36-51 ; Harnack, Die Chronologie der altchrïstlichen Literatur, t. 1, Leipzig, 1897, p. 673680. Sur l’histoire de la controverse, voir Luthardt, Der johanneische Vrsprung des vierten Evangeliums, Leipzig, 1874 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 1-14. Nous envisageons l’authenticité du quatrième Évangile spécialement au point de vue de ces derniers travaux, et nous prouverons que ce récit de la vie de Jésus provient, non pas du prêtre Jean, mais bien de l’apôtre saint Jean.

" Témoignage des écrits johanniques. — La communauté d’origine des écrits attribues à saint Jean, Épitres

Évangile, Apocalypse, souvent niée par les rationalistes modernes (voir t. i, col. 744-746), est en voie d’être admise aujourd’hui et d’être acceptée pour certaine. Rompant définitivement avec les conclusions de l’école de Tubingue, M. Harnack, Chronologie, t. i, p. 675, note, a déclaré se rallier à l’hérésie critique qui reconnaît l’unité d’auteur de l’Apocalypse et du quatrième évangile. Or l’auteur de l’Apocalypse se nomme lui-même Jean ; il met par écrit les révélations qu’il a reçues en Asie Mineure, où il occupe une situation élevée et où il jouit d’une autorité incontestable sur les sept églises auxquelles il adresse des lettres. Son nom suffit à recommander son œuvre, et il est assez connu pour qu’il ne soit pas nécessaire de le distinguer d’aucun autre homonyme. Bien qu’il ne se soit pas dit l’apôtre Jean, les écrivains de l’Asie Mineure au iie siècle font désigné expressément et n’ont pas parlé du prêtre Jean. Les Aloges et le prêtre romain Caïus, qui nient l’origine apostolique de l’Apocalypse, l’attribuent à Cérinthe ; ils ne connaissent pas le prêtre Jean. Saint Denys d’Alexandrie recourt à l’hypothèse d’un Jean quelconque, qui aurait été le témoin de Jésus. Seul, Eusebe de Césarée suppose timidement que l’Apocalypse pourrait bien être l’œuvre du prêtre Jean, dont il croit trouver le nom dans un fragment de Papias. L’auteur de l’Apocalypse est donc bien l’apôtre saint Jean. Il est aussi l’auteur du quatrième évangile, dont les différences ne suffisent pas à prouver la diversité de mains. Il existe encore entre cet évangile et les épîtres, attribuées à l’apôtre, des rapports aussi nombreux que frappants, et fa première a pu être avec raison considérée comme la lettre d’envoi de l’Évangile. Nous expliquerons plus tard la signification du titre de irpea-ëÛTEpoç. que saint Jean prend dans les deux dernières. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 17-23. D’ailleurs, l’auteur du quatrième évangile se rend à lui-même témoignage. Bien qu’il ne se présente pas explicitement comme l’apôtre Jean, bien qu’il se cache sous le voile de l’anonyme, il laisse voir clairement qu’il faisait partie du collège apostolique. Il se donne comme un témoin oculaire des faits qu’il raconte, Joa., i, 14 ; xix, 35, et la précision des détails, la vivacité des traits et la fraîcheur des tableaux de son récit confirment ce témoignage. « Le passage, xix, 5, loin de distinguer l’auteur du témoin oculaire mis en cause, semble bien plutôt supposer leur identité. Le parfait, employé dans le premier membre, ne contredit point cette supposition ; il se justifie pleinement comme allusion à toute la vie passée, apostolique, de l’évangéliste ; celui-ci avait attesté le fait dont il fut témoin, dans sa prédication orale. D’autre part, le présent, employé dans le second membre, nous semble difficilement se comprendre en dehors de l’hypothèse que c’est le témoin oculaire lui-même qui tient la plume. » Van Hoonacker, dans la Revue biblique, t. ix, 1900, p. 230. L’auteur a vécu dans l’intimité du Sauveur ; il a assisté à des événements que lui seul rapporte ; il a été le disciple bien-aimé de Jésus, Joa., xiii, 23 ; xix, 26 ; xx, 2 ; xxi, 7, 20, et c’est ce disciple lui-même qui a rendu témoignage à ce qu’il a vu et qui a écrit le quatrième Évangile. Joa., xxi, 24. Des trois disciples privilégiés du Seigneur, Pierre, Jacques et Jean, ce dernier seul a pu composer le quatrième Évangile. Jacques, son frère, est mort en Palestine longtemps avant la composition de cet Évangile. Act., xii, 2. Pierre ne peut être le disciple aimé, qui écrivit les faits racontés, puisque ces deux personnages entrent plusieurs fois en scène en même temps et sont expressément distingués l’up de l’autre. Joa., xiii, 23, 24 ; xviii, 15, 16 ; xx, 2 ; xxi, 7, 20. Il reste donc que ce ne peut être que Jean, fils de Zébédée et frère de Jacques le Majeur. Il faut en conclure qu’il se désigne aussi lui-même par des expressions anonymes, telles que « un disciple », Joa., i, 40 ; « l’autre disciple. « Joa., xviii, 15. En vain, dira-t-on que l’auteur

ne se nomme pas apôtre, et que les épithétes honorifiques par lesquelles Jean est toujours désigné ont été employées par un de ses disciples qui voulait ainsi honorer son maître. Ce prétendu disciple, qui a coutume d’indiquer les surnoms des autres apôtres, Joa., xi, 16 ; xiv, 22, n’a pas distingué de la même manière le précurseur qu’il appelle constamment Jean, sans ajouter son titre de Baptiste. Il est plus simple de penser que l’apôtre, parlant de lui-même, a estimé que personne ne le confondrait avec le fils de Zacharie. Il ne nomme pas davantage sa mère ni son frère Jacques. Les deux frères sont appelés « les fils de Zébédée ». Joa., xxi, 2. Bacuez, Manuel biblique, 1e édit., Paris, 1891, t. iii, p. 171-174 ; Fillion, Évangile selon saint Jean, Paris, 1887, p. xxx-xxxii ; Kaulen, Emleitung m die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 435, 436 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, Bruges, 1900, p. 313-324.

Existence du quatrième Évangile au commencement du w siècle.

Il résulte des allusions que

l’on rencontre dans les écrivains du début du IIe siècle, que le quatrième Évangile était déjà composé et était connu. On a relevé minutieusement les moindres traces. Comme nous l’avons dit, t. ii, col. 2064, les ressemblances constatées entre les prières eucharistiques de la Aifia^ï] twv SûSsxa 'AîroffTÔXwv et le quatrième Évangile, ne sont pas suffisantes pour démontrer un emprunt direct ; elles prouvent seulement la communauté de fond et d’idées, qui proviendrait de l’enseignement de Jésus, transmis par la tradition orale. Les rapprochements, établis entre l'Épitre de saint Barnabe et le quatrième Évangile ne sont pas plus concluants. La dépendance des Lettres de saint Ignace d’Antioche relativement à l'Évangile de saint Jean, admise par de savants critiques, a été soumise à un sérieux examen par E. von der Goltz, Ignatius von Antiochien als Christ und Theologe, dans les Texte und Untersuchungen, t. xii, 3° fasc, Leipzig, 1894, p. 118-144, 196-206. Quoique ce critique n’admette pas cette dépendance et prétende que les ressemblances proviennent seulement d’un fonds commun d’idées, alors répandues en Asie Mineure, nous maintenons que parfois la ressemblance des mots euxmêmes et plus souvent celle des idées, malgré de notables divergences, prouvent que saint Ignace connaissait le quatrième Évangile. Ainsi Joa., viii, 29, est cité, Ad Magn., viii, 2, Funk, Opéra Pat. apostolic, 2e édit., Tubingue, 1887, p. 196 ; Joa., vi, 27, Ad Rom., vii, 3, p. 220 ; Joa., iii, 8, Ad Philad., vii, 1, p. 228. — Papias, qui d’après Eusèbe, H. E., iii, 39, t. xx, col. 300, citait la I rt Épitre de saint Jean, ne pouvait guère ignorer l'évangile avec lequel elle a de si étroits rapports. Si la citation que saint Irénée, Cont. hær., v, 36, n. 2, t. vii, col. 1223, fait des anciens, qui avaient été disciples des Apôtres, est, comme le pensent plusieurs critiques, empruntée à l’ouvrage de Papias, il en résulterait que l'évêque d’Hiérapolis se servait du quatrième Évangile, puisqu’il cite là Joa., xiv, 2. L’hérétique Basilide semble avoir fait quelques emprunts au quatrième Évangile et il paraît certain que ses disciples s’en servaient. Philowphoumena, vii, 20-27, t. xvi, 3e part., col. 3301-3321. Le Pasteur d’Hermas présente des affinités avec l'Évangile de saint Jean. La Seconde épître de saint Clément fait des allusions à son texte. Voir t. ii, col. 2067. On ne peut plus douter que saint Justin n’ait connu le quatrième Évangile. Ainsi Joa., i, 18, est visé Dial. cuni Tryph., 105, t. vi, col. 720, 721 ; Joa., iii, 4, Apol. l, 61, ibid., col. 420 ; Joa., vi, 70, Dial. cum Tryph., 139, col. 796. D’ailleurs, saint Justin désignait certainement le premier et le quatrième Évangiles, œuvres des.apôtres saint Matthieu et saint Jean, par son expression accoutumée de Mémoires des Apôtres pour nommer les évangiles. Tatien, disciple de saint Justin, cite des paroles empruntées au qualtièine Évangile qu’il a, du reste, lait

entrer dans son Atà Ts<r<rœpwv. Voir t. ii, col. 2069. Les hérétiques connaissaient l'évangile de saint Jean. Marcion l’excluait. Valentin lui empruntait ses éons. Son disciple, Héracléon, avait composé un commentaire, dont parle Origène, In Joa., tom. xiii, 59, t. xiv, col. 513 Ptolémée et Marc, autres disciples de Valentin, se servaient de cet évangile. S. Irénée, Cont. hær., i, viii, 5, t. vii, col. 533-537 ; I, xiv-xv, col. 593-616. Voir t. ii, col. 2070. On trouvera de plus amples développements dans Resch, Aussercanonische Paralleltexte zu den Evangelien, part, iv, dans les Texte und Untersuchungen, t. x, 4e fasc, Leipzig, 1896, p, 1-35. De ce que nous venons de dire il résulte clairement que le quatrième Évangile était connu et lu dès le temps de Trajan, surtout en Asie Mineure. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 29-42.

Cette conclusion suffit pour renverser une opinion singulière de M. Corssen, Monarchianische Prologe, p. 118-134. D’après ce critique, les Actes apocryphes de saint Jean, dont il fixe la rédaction à l’année 140, loin d’emplojer le quatrième Évangile, ont, au contraire, servi de point de départ et d’occasion à sa composition. Le quatrième Évangile aurait été écrit, vers l’an 150, en vue de rétuter le docétisme que les Acta Joannis attribuaient à cet apôtre. L’examen minutieux des rapprochements entre ces deux écrits montre que les Actes de Jean supposent la connaissance et l’emploi du quatrième Évangile. D’abord, les Actus Pétri cum Simone, qui sont du même auteur que les Acta Joannis, contiennent des expressions spécifiquement johanniques. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, Leipzig, 1892, p. 848-855. Ensuite, les Acta Joannis eux-mêmes font de nombreuses allusions au texte du quatrième Évangile. En outre, l’apôtre saint Jean, qui parle dans ses faux Actes, semble, au début de son discours, laisser entendre que, dans ses autres écrits, il n’a pas traité des mystères aussi profonds que ceux qu’il va aborder. Il est, d’ailleurs, en soi plus vraisemblable que les Actes aient été rédigés postérieurement à l'évangile en faveur des doctrines gnostiques et docètes, plutôt que l'évangile postérieurement aux Actes en vue d’en réfuter les erreurs. Enfin, les Actes apocryphes de Jean sont de la fin du n » siècle plutôt que de l’an 140, par conséquent d’une date trop tardive pour avoir fourni l’occasion de la composition du quatrième Évangile. Zahn, Gesclnchle des Neutestamentlichen Kanons, t. i, Leipzig, 1889, p. 784-788 ; t. ii, 1892, p. 856-865 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 42-52.

_ 3° Tradition sur l’origine johannique du quatrième Évangile. — Il est hors de toute contestation qu'à la fin du IIe siècle, les chrétiens étaient généralement persuadés, même ceux d’Asie, que le quatrième Évangile avait été composé par l’apôtre saint Jean durant son séjour à tphèse. Saint Irénée, disciple de saint Polycarpe, l’affirme expressément : 'Iwâvvï)ç 6 |i.aOr)Tr, ; tou Kupiou, 4 za’t iiz zq ot ?, 90ç ajTOÛ àvotTceffwv, xa ayrbç illStoxe tî> EùaYyéXiov, êv 'Eç>£so> t7, ; Auia ; Starps'ëcDv. Cont. hær., III, i, n. 1, t. vii, coi. 845. Saint Théophile d’Antioche, Ad Autolyc, ii, 22, t. vi, col. 1088, cite le prologue du quatrième Évangile sous le nom de saint Jean. Le fragment de Muratori, qui a été composé à Rome vers l’an 170, quelle que soit la valeur des circonstances de son récit, attribue explicitement le quatrième Évangile à l’apôtre Jean. Voir t. ii, col. 170. Preuschen, Analecla, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 129, 130. II n’y a pas lieu d’opposer la qualité de « disciple » qui lui est donnée, à celle d' « apôtre », jointe au nom d’André, car il n’y a pas d’opposition formelle. Les disciples sont les mêmes personnages que les apôtres, et au sujet des Épitres, saint Jean est présenté comme un témoin oculaire des laits qu’il rapporte. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 96-98. Clément d’Alexandrie assure que Jean écrivit son Évangile à la demande de ses amis et

fut le dernier des évangélistes. Eusèbe, H. E., VI, 14, t. ix, col. 552. Tertullien, Cont. Marcion., iy, 2, 5, t. ii, col. 363, 367, pose comme un principe que l’Évangile a pour auteurs des apôtres ou, au moins, des hommes apostoliques. Or deux apôtres, Jean et Matthieu, ont enseigné ce que nous devons croire sur Jésus-Christ. Il appuie enfin l’origine apostolique des Évangiles sur l’autorité des églises apostoliques. Saint Cyprien, Testim., i, xii, t. iv, col. 685, cite le quatrième Évangile sous le titre cata Joannem, et il entend certainement parler de l’apôtre saint Jean. Saint Victorin de Pettau, In Apoc, t. v, col. 325, dit que Jean l’Évangéliste, pareil à un aigle, élève ses ailes dans les hauteurs et parle du Verbe. Tous les écrivains ecclésiastiques dans les siècles suivants ont reçu et transmis la même tradition. Camerlynk, De quarti Evangehi auctore, p. 190-206.

Dans l’antiquité ecclésiastique, il s’est produit une seule opposition formelle à l’origine apostolique du quatrième Évangile, celle des Aloges. Saint Irénée, Cont. hscr., III, xi, 9, t. vil, col. 890-891, signale des hérétiques qui rejetlent l’Évangile de saint Jean, parce qu’il renferme la promesse du Paraclet et qu’eux-mêmes refusent de reconnaître tout esprit prophétique. Ce ne sont donc pas, comme l’ont pensé quelques critiques, les montanistes qui, au contraire, croyaient à l’esprit prophétique, et appuyaient leurs rêves chimériques sur les ouvrages de saint Jean, mal interprétés. Ces hérétiques anonymes sont plutôt ceux que saint Épiphane a appelés « Aloges ». Hxr., li, t. xli, col. 892. Ils repoussaient tous les écrits "de saint Jean. Les motifs pour lesquels ils ne voulaient pas de son Évangile, étaient d’ordre critique. Il ne peut pas être l’œuvre de saint Jean, parce qu’il n’est pas d’accord avec les écrits des Apôtres ; il est en particulier en contradiction avec les trois premiers Évangiles soit pour la disposition des récits, soit pour l’ordre chronologique des faits ; il est dissonant et inharmonique. Saint Épiphane, Hser., li, t. xli, col. 893-945, répond longuement à ces objections et prouve l’accord du quatrième Évangile avec les synoptiques. Saint Philastre, User., lx, t. xii, col. 1174, 1175, ajoute que les Aloges attribuaient le quatrième Évangile à Cérinthe. Par là, ils rendaient indirectement témoignage à l’origine apostolique du quatrième Évangile, puisqu’ils contredisaient, pour des raisons purement internes, l’attribution à saint Jean généralement admise de leur temps, et puisqu’ils rapportaient l’œuvre de saint Jean à un de ses contemporains. Leur erreur relativement au quatrième Évangile n’a été partagée par personne, sinon, au jugement de Corssen, Monarchianische Prologe, p. 30-50, par l’auteur romain du prologue de l’Évangile de saint Marc. L’existence des Aloges romains n’est pas démontrée. Rose, La question johannine. Les Aloges asiates et les Aloges romains, dans la Revue biblique, t. VI, 1897, p. 516-534. Certains critiques conjecturent, il est vrai, que les Capita adversus Caium, de saint Hippolyte. faisaient partie de son traité’Titàp toû xoctà’I<oàvvi, v E0aYY^, tou xcxi’ArçoxoiXû’J’Eii) :. Si cette conjecture était vraie, il en résulterait que le prêtre romain Caius rejetait le quatrième Évangile aussi bien que l’Apocalypse. Mais l’hypothèse n’est pas démontrée. Quant à saint Denys d’Alexandrie, qui a connu l’opinion de Caius et qui en est tributaire, il doute que l’Apocalypse soit de l’apôtre saint Jean, mais il lui maintient l’attribution de l’Évangile et des Épitres, puisqu’il argumente des divergences qu’il constate entre les écrits de saint Jean et l’Apocalypse pour nier l’origine johannique de ce dernier livre. Eusebe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 701, l, 704. L’opposition des Aloges au quatrième Évangile, fondée seulement sur des motifs intrinsèques de peu de valeur, loin d’infirmer la tradition ecclésiastique qui attribue cet évangile à l’apôtre saint Jean, la confirme plutôt et lui apporte un solide appoint. Camerlynck, De quarti Evangehi auctore, p. 145-172.

Les adversaires modernes de l’origine apostolique du quatrième Évangile s’en rendent si bien compte qu’ils ne veulent nullement attribuer cet écrit à Cérinthe. Ils en sont réduits à attaquer le point de départ de la tradition ecclésiastique ; ils ne la croient pas primitive et ils cherchent à remonter plus haut. L’école de Tubingue faisait valoir l’attitude des églises d’Asie dans la controverse pascale comme incompatible avec l’attribution de l’Évangile à l’apôtre Jean. La plupart des évêques de ces églises justifiaient leurs usages sur la célébration de la fête de Pâques par l’autorité de saint Jean. Or, le quatrième Évangile ne favorise pas les prétentions des quarto-décimans, puisqu’il semble dire que la Pâque fut célébrée par Jésus la veille de la Pâque juive. Voir t. ii, col. 409. Il ne peut donc être l’œuvre de saint Jean. Les critiques reconnaissent généralement aujourd’hui que la controverse pascale ne peut être invoquée contre l’origine johannique du quatrième Évangile. Quelle que soit l’opinion qu’on adopte sur l’accord ou le désaccord de cet Évangile et des sj noptiques relativement à la date de la fête de Pâques, il est de fait que ni les quarto-décimans ni leurs adversaires n’ont pas constaté ce désaccord et ne s’en sont pas prévalu les uns contre les autres. Le quatrième Évangile est donc absolument étranger au débat, et l’opinion des évêques d’Asie relativement à la date de la célébration de la Pâque ne prouve rien contre son attribution à saint Jean. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 14-17.

Certains critiques expliquent autrement la tradition ecclésiastique touchant l’origine johannique du quatrième Évangile. Ils sont obligés de reconnaître qu’à la fin du second siècle l’auteur de cet Évangile était généralement tenu comme identique à l’apôtre saint Jean, qui aurait séjourné à Éphèse jusqu’à sa mort. Mais cette persuasion universelle, au lieu d’être une tradition authentique, ne serait que le résultat d’une confusion, par laquelle l’opinion publique aurait auparavant substitué l’apôtre Jean à un personnage du même nom, ayant joui d’une grande autorité en Asie et qu’Eusèbe et Papias appelaient le prêtre Jean. Cette substitution de l’apôtre Jean au prêtre, son homonyme, n’est qu’une hypothèse, échafaudée sur un ensemble de considérations peu concluantes. L’existence du prêtre Jean, nous l’avons dit précédemment, n’est pas certaine ni admise par tous les critiques. Supposons-la démontrée. Eusebe, sur le témoignage de qui on s’appuie, tend visiblement sans doute à attribuer l’Apocalypse au prêtre Jean ; mais il accepte le quatrième Évangile comme l’œuvre authentique et incontestée de l’apôtre Jean. Qu’on ne dise pas qu’il a adopté la tradition qui, depuis saint Irénée, rapportait universellement cet Évangile à l’apôtre, car Eusèbe a eu entre les mains l’ouvrage de Papias, que nous ne possédons plus, et s’il y a trouvé une attestation en faveur de l’existence du prêtre Jean, il n’y a certainement rien lu qui soit contraire à l’origine apostolique du quatrième Évangile. Son silence prouve, au moins, que Papias ne disait rien qui soit opposé à l’attribution de cet Évangile à saint Jean. Les Aloges, qui ont précédé saint Irénée, ne connaissent pas le prêtre Jean ; ils rejettent tous les écrits johanniques ; ils n’y peuvent reconnaître des œuvres apostoliques ; les voilà en quête d’un autre auteur, ils ne pensent pas au prêtre Jean, mais à Cérinthe, à l’adversaire de l’apôtre Jean à Ephèse. De plus, la substitution de l’apôtre au prêtre Jean, si elle a existé, est antérieure à saint Justin, qui attribue expressément l’Apocalypse à l’apôtre saint Jean. DiaU cum Tryph., 81, t. vi, col. 670. Or si Justin n’a écrit son dialogue qu’entre 155 et 160, il s’est converti au christianisme à Éphese en l’an 130. Son témoignage en faveur de l’apôtre Jean remonte donc à l’époque de sa conversion, et il reproduit celui de l’église d’Éphèse, de cette église que l’apôtre a gouvernée jusqu’à son extrême vieillesse. Il faudrait donc admettre que la confusion

des deux Jean s’est produite à Éphèse même avant l’an 130, durant le court Intervalle qui s’est écoulé entre la mort de saint Jean et la conversion de saint Justin. Une pareille conclusion, qui ne repose sur aucun document et qui n’est qu’une pure supposition, nous paraît tout à fait invraisemblable. Avec saint Irénée, Cont. hær., III, m, 4, t. vii, col. 854, 855, nous tenons l’église d’Éphèse comme un dépositaire fidèle des traditions apostoliques, et avec elle, nous regardons l’apôtre saint Jean comme l’auteur du quatrième Évangile.

II. Intégrité.

L’authenticité apostolique du quatrième Évangile démontrée, il reste à prouver que tout le contenu actuel de cet écrit a appartenu à l’œuvre primitive. Beaucoup de critiques, même du nombre de ceux qui admettent l’origine johannique de l’ensemble, en excluent trois passages, Joa., v, 3 b et4 ; vii, 53-vin, 11 ; xxi, qu’ils tiennent comme non authentiques ou, au moins, comme fort douteux.

I. l’anob he la piscine de bethsaÏde. Joa., v, 3 b et 4.

— Les derniers mots du ꝟ. 3 : 6xês/°H l - v( « >v ty)v toû CSaTo ; xiv » ](7tv, qui accompagnent l’énumération des malades, rassemblés autour de la piscine Probatique, « attendant le mouvement de l’eau, » et le ꝟ. 4 tout entier : "A^eXo ; Y « p Kvpiov xotTà xatpôv xaiéëavsv êv Trj xoX>x.6rfipa xal iiâpaidev tô 08<op- ô o5v TCpwTo ; è|iëà{ ; j.£Tà tï|v tapoexV toO C ?atoç ûyir| ; ÈfsvsTO, <S S^tojts xaTSix^TO von^n-t, manquent dans les éditions critiques de Tischendorf (7 « et 8 « ), de Trégelles, de Hort etWestcott, et de Nestlé.

— Hort et Westcott, The New Testament in the’original greek, Introduction, Appendix, Cambridge et Londres. 1882, p. 77, les tiennent pour une interpolation « occidentale et syrienne ». Indiquons les documents qui sont favorables ou défavorables à l’authenticité de ces deux versets.

Manuscrits.

Tandis que la grande majorité des

manuscrits grecs, soit onciaux, soit cursifs, contiennent, avec quelques variantes sans doute, ces deux versets, cinq onciaux, N, A, B, C, L, omettent la fin du ꝟ. 3, et quatre, N, B, C, D, le ꝟ. 4. Des cursifs qui sont cités par les critiques en faveur de l’omission, trois seulement doivent être mentionnés : le cursif 157 omet les deux versets, le 18 la fin du ꝟ. 3, et le 33 le ꝟ. 4. Les onciaux S, A, II et dix-sept cursifs pour le moins, 8, 14, 21, 24, 32, 36, 145, 161, 166, 230, 299, 348, 408, 507, 512, 575, 606, accompagnent ces versets d’astérisques ou d’obèles, que les critiques interprètent comme des signes de doute sur leur authenticité. On ne peut nier qu’en plusieurs de ces manuscrits ces signes, de formes différentes, ne soient défavorables ; mais cela n’est pas certain pour tous et il est légitime de penser qu’ils avaient, à l’origine, une signification liturgique. Tous les Évangéliaires grecs contiennent les versets contestés, avec quelques divergences toutefois ; ils l’ont même en deux leçons, dont l’une comprend les versets 1-4, et l’autre les versets 1-15. La leçon du quatrième dimanche après Pâques, du dimanche du Paralytique, est confirmée par les vers qu’on chante à l’office et qui sont un commentaire de toute la section. Les euchologes ont tous, au moins, une des deux leçons. Saint Chrysostome, In Paralyt., t. xlvhi, col. 803, mentionne la lecture de cette leçon liturgique.

Versions.

Les manuscrits des anciennes versions

latines ont ces versets, excepté d f l q ; ceux de la recension de saint Jérôme les ont aussi, sauf O Z * (+ Z 2) durmach. corp. canl. 197. sangall. 1395, Wirceburg. mp. th. ꝟ. 67. Les Capitula iii, Evangelium secundum Joftannem, publiés par Wordsworth et White, Novum Testamentum D. N. J. C. latine, fasc. iv, Oxford, 1895, p. 494-497, et fasc. v, 1898, p. 703, ne font pas allusion à l’ange de la piscine. Les manuscrits latins présentent dans le texte d’assez nombreuses variantes, et MM. Wordsworth et White, op. cit., fasc. iv, p. 533, 534, ont distingué trois recensions différentes. La péricope tout entière est lue dans l’Église latine au deuxième

vendredi de carême. Cette leçon est ancienne, puisque saint Ambroise, De sacramentis, ii, 2, t. xvi, col. 425, et saint Augustin, Sermo, cxxiv, t. xxxviii, col. 686, affirment qu’elle était lue à l’office liturgique, sans toutefois indiquer le jour. Le Liber comitis, faussement attribué à saint Jérôme, la contient, t. xxx, col. 499, aussi bien que le Liber comicus, publié par dom Morin, Anecdota Maredsolana, 1. 1, Maredsous, 1893, p. 228. On la trouve encore dans la liturgie mozarabique, t. lxxxv, col. 576, 577. Les versions syriaques la possèdent, sauf celle de Cureton et celle du manuscrit sinaitique, fortement apparentée à la précédente. A. Bonus, Collatio codicis Lewisiani rescripti Ev. sac. syriacorum cum codice Curetoniano, Oxford, 1896, p. 82. On a remarqué cependant des obèles placés en face de ce passage dans quelques manuscrits de la philoxéno-héracléenne. Naturellement, les lectionnaires et évangéliaires syriaques de toutes les sectes contiennent les versets discutés. Les versions coptes ne les ont pas, sinon dans les manuscrits de date récente. Ils ne sont pas non plus employés dans la liturgie de l’Église copte La version arménienne n’a que la fin du ꝟ. 3, qui est lue à la messe du septième jour de la troisième semaine après Pâques.

Pères.

Si les Pères grecs les pius anciens ne

mentionnent pas l’intervention de l’ange à la piscine de Bethsaide, on n’en peut rien conclure contre l’authenticité des versets contestés, car ces Pères n’ont pas eu l’occasion de citer un épisode si restreint, et d’ailleurs, toutes leurs œuvres ne nous sont pas parvenues. Mais on trouve ces versets signalés ou reproduits textuellement dans Didyme, De Trinitate, ii, t. xxxix, col. 708 ; S. Cyrille d’Alexandrie, In Joa. Ev., t. lxxiii, col. 336, 340 ; Ammonius d’Alexandrie, Fragmenta in Joa., t. lxxxv, col. 1429 ; S. Chrysostome, In Parahjlic, t. xlvhi, col. 803 ; Hom. in S. Pascha, t. lii, col. 771 ; In Joa. hom. xxxvi, t. Lix, col. 204 ; Théophylacte, Enarrat. in Joa. Ev., t. cxxiii, col. 1257 ; Euthymius, Com. in Joa., t. cxxix, col. 1208. Les témoignages des Pères latins sont plus favorables encore. Tertullien, De bapt., 5, t.i, col. 1205, fait allusion à l’intervention de l’ange. Saint Ambroise, De myster., 4, n. 22, t. xvi, col. 395 ; De sacrament., ii, 2, t. xvi, col. 425, cite et commente ce passage. Saint Jérôme, Dialog. contra Lucifer., 6, t. xxiii, col. 169, fait allusion à l’action de l’ange dans la piscine de Bethsaide. Saint Augustin, In Joa. tract, xvii, n. 3, t. xxxv, col. 1528 ; Sermo cxxv, n. 3, t. xxxviii, col. 690, en parle très explicitement. On voit une allusion en saint Grégoire le Grand, In septem Ps. pœnit. exposit., Ps. v, 31, t. lxxix, col. 623. Bède, In S. Joa. Ev. exposit., t. xcii, col. 691, résume les explications de saint Augustin. — Les témoignages des auteurs syriens ne laissent pas le moindre doute sur la présence des ꝟ. 3 et 4 dans le chapitre v de saint Jean. Saint Éphrem faif une allusion manifeste à l’ange de la piscine dans son explication du Aià Tcffaâpwv de Tatien. Mosinger, Evangehi concordantis expositio, Venise, 1876, p. 146. Jacques de Sarug a une homélie sur la section du paralytique. Rabban Lazare de Beith Kandaça, du vin » siècle, commente ce passage presque dans les mêmes termes que Jacques de Sarug, ainsi qu’un autre commentateur anonyme de la même époque. Les nestoriens lisent le même texte que les jacobites. Aboulfaradjben-Attaib explique les versets controversés, ainsi que Ichouad, évêque de Hadeth ; DenysBar Tsalibi, évêque d’Amid au xiie siècle, les interprète, sans parler des controverses sur leur authenticité ; Bar fWbræus est le premier écrivain ecclésiastique qui, au xme siècle, atteste que « quelques personnes prétendent que ce verset (le ꝟ. 4) n’appartient pas à l’Évangile ». Il n’attache pas beaucoup d’importance à ce bruit qu’il rapporte le premier, puisqu’il explique néanmoins le passage contesté. P. Martin, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament, Partie pratique, !, iv, .

Paris, 1885-1886, p. 31-42. Les Arméniens ont possédé, dès le début de leur littérature, des traductions du Aià Te<TOTxpu>v de Tatien et des homélies de saint Chrysostome. Ils ont connu par ces écrits l’épisode de l’ange qui descendait dans la piscine pour mouvoir l’eau.

En résumé, le plus grand nombre des documents anciens est manifestement favorable à la présence des ꝟ. 3 et 4 dans le chapitre v de l’Évangile de saint Jean. Seuls, quelques manuscrits grecs onciaux et cursifs, qui leur sont apparentés, quelques manuscrits latins et syriaques, les versions coptes et arménienne leur sont opposés. Le partage des autorités, si l’on ne considère que le nombre, peut être invoqué en faveur de leur authenticité. Si l’on envisage la valeur des témoins, on n’est plus d’accord. Par suite d’un engouement excessif pour les onciaux grecs, beaucoup de critiques contemporains se rangent à leur suite et excluent des éditions critiques du Nouveau Testament les versets controversés. Il leur reste à expliquer l’origine de la leçon qu’ils rejettent. Ils y voient une interpolation. « C’est une note ajoutée de très bonne heure pour expliquer le ꝟ. 7, quand la tradition juive relative à la piscine était encore iraîche. » Westcott, The Boly Bible according to the authorized version, New Testament, t. ii, p. 81. Elle s’est formée progressivement, puisqu’on la trouve en deux états, d’abord en germe, dans la finale du ꝟ. 3, puis, en pleine éclosion, dans le ꝟ. 4, et elle s’est développée de plus en plus, comme le montrent les variantes qu’elle présente. Mais l’autorité, accordée à des manuscrits onciaux qui datent au plus du-ive siècle, est contre-balancée fortement par le témoignage des Pères antérieurs et par celui des versions. La leçon du texte reçu est ancienne, parce qu’elle est originale. Non seulement, elle s’harmonise parfaitement avec le contexte comme toute addition habilement insérée dans un texte, mais le contexte lui-même l’exige. En l’absence des ꝟ. 3 et 4, en effet, le ꝟ. 7 s’explique difficilement ; on ne voit pas pourquoi, faute d’avoir quelqu’un pour le jeter dans la piscine aussitôt après l’agitation de l’eau par l’ange, le paralytique est resté si longtemps sans jouir de l’heureuse influence d’un bain. On peut donc conclure que les versets 3 et 4 ont disparu des documents qui ne les contiennent plus par suppression. Reuss, La théologie johanmque, dans la Bible, Paris, 1870, p. 167. La suppression a été produite à cause de la difficulté d’interprétation que présentait le récit évangélique. Plusieurs textes même avaient conservé la finale du ꝟ. 3 comme une trace irrécusable de la phrase supprimée. Corluy, L’intégrité des Évangiles en face de la critique, dans les Études religieuses, 5 « série, t. XI, 1877, p. 59-65 ; Id., Comment, in Ev. S. Joannis, 2e édit., Gand, 1880, p. 109-111 ; P. Martin, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament, partie pratique, t. iv, Paris, 1885-1886, p. 1-177.

II. LE RÉCIT DE LA FEMME ADULTÈRE, Joa., VII, 53-VIII,

11. — Celte célèbre péricope est moins documentée que le verset relatif à l’ange de la piscine de Bethsaide, et par conséquent elle est exclue de plusieurs éditions critiques du Nouveau Testament. Voici l’exposé sommaire du partage des documents anciens.

Manuscrits.

Un nombre relativement considérable

de manuscrits grecs ne contiennent pas cette section. Parmi les onciaux, a, B, N, T, X, l’omettent purement et simplement ; A, C, sont mutilés à cet endroit, mais on a calculé que les feuillets manquants n’auraient pu contenir les douze versets ; L, À présentent un vide qui, dans le premier, est assez étendu pour recevoir la section, mais qui est trop petit dans le second. Quarante-quatre cursifs à texte continu ne la possèdent pas non plus, aussi bien que quarante-sept cursifs, accompagnés, comme l’oncial X, de commentaires. D’autres, 47, 77, 237, 242, 324 et 344, n’omettent que Joa., viii, 311. Enfin, dans une dernière.catégorie, cursiꝟ. 9, 15, 31,

40, 105, 109, 179, 232, 284, 353, 509 et 588, le texte de la section a été ajouté après coup. L’omission de Joa., vin, 3-Il s’explique dans plusieurs cas, par l’usage liturgique ; cette partie du récit n’entrant pas dans une leçon publique a été délaissée par le copiste. De plus, les onciaux E, M, S, A, n et cinquante-huit cursifs, au moins, marquent le texte de la section d’astérisques, d’obèles ou d’autres signes, destinés à attirer sur lui l’attention du lecteur. Les critiques modernes, adversaires de l’authenticité du passage, les prennent pour des indices de doute et de négation. Le fait est indéniable pour plusieurs cas ; mais ces signes n’ont pas toujours et partout un sens de suspicion, et souvent ils ont trait aux usages liturgiques des Grecs et signalent un passage, dont la lecture doit être omise à certains offices. Pour compléter la liste des manuscrits grecs qui sont en apparence opposés à l’authenticité de la péricope de l’adultère, il faut signaler ceux qui, la contenant, y joignent des scholies, et ceux qui la déplacent. Les scholies constatent, en des termes différents, la diversité des manuscrits plus anciens, les uns omettant cette section, les autres la reproduisant. Elles renseignent sur la controverse telle qu’elle était connue de leurs auteurs, et comme elles disent généralement que la section se trouve dans la plupart des manuscrits, elles sont plutôt favorables que défavorables à son authenticité. Certains cursifs, au lieu de contenir Joa., vii, 53-vm, 11, à la place ordinaire, le renvoient à la fin de l’évangile ; quelques-uns toutefois ne déplacent ainsi que Joa., viii, 3-11. Ce déplacement n’est pas nécessairement une preuve de non-authenticité du passage déplacé. Parfois, les notes marginales en font foi, c’est une simple omission, réparée à la fin du manuscrit ; plus rarement, elles indiquent l’absence de la section dans certains manuscrits. Quand le texte est accompagné de commentaires, celui de la péricope de l’adultère est mis à part, parce qu’il n’a pas été commenté par les Pères grecs. Les cursiꝟ. 13, 69, 124, 346 et 556, qui forment un groupe bien distinct, ont la section en dehors de l’évangile de saint Jean ; elle y est placée après Luc, xxi, 38. Ces manuscrits, dont le texte est rapproché de celui des anciens onciaux, dérivent d’un original unique et proviennent tous du sud de l’Italie ou de la Sicile. Cette transposition singulière peut s’expliquer par un rapprochement établi entre Luc., xxi, 37, 38, et Joa., viii, 1, 2, qui se ressemblent ; mais elle peut provenir aussi, comme l’insertion de Luc, xxii, 43, 44, après Matthieu, xxvi, 39, qu’on trouve dans les mêmes manuscrits, d’un usage liturgique particulier à quelques églises qui réunissaient dans la même leçon Luc., xxi, 37, 38, et Joa., vii, 53-vm, 11. Dans le cursif 348, qui est de la même famille et qui est un peu plus ancien, la section de l’adultère est à sa place ordinaire en saint Jean. P. Martin, Quatre manuscrits importants du Nouveau Testament auxquels on peut en ajouter un cinquième, Amiens, 1886. Enfin le cursif 225 transporte l’épisode de la femme adultère après Joa., vii, 36. Les critiques hostiles interprètent ces déplacements comme un indice de non-authenticité ou de doute relativement au passage déplacé. Mais à cette somme, imposante de prime abord, de manuscrits grecs qui omettent la section de l’adultère ou la contiennent dans des circonstances exceptionnelles, nous pouvons opposer la masse des manuscrits connus du Nouveau Testament. Le plus grand nombre, en effet, la contiennent. Les onciaux D, E, F, G, ii, K, M, S, U, V la reproduisent à sa place habituelle. E, M, S présentent sans doute des astérisques ou des obèles devant la section entière ou une partie de ses versets ; mais E et M sont complètement adaptés à l’usage liturgique, et il est vraisemblable que ces signes n’ont d’autre but que de marquer d’une manière plus visible les versets qu’il faut passer dans la lecture publique. L et À ont des blancs plus ou moins étendus à la place de la section ; cette omission volontaire est une attestation indirecte de

l’existence de la pêricope que le scribe ne transcrivait pas. Le témoignage de ces onciaux, moins anciens, il est vrai, contre-balance l’autorité des plus anciens, qui, ayant une origine commune et dérivant tous de l’Egypte, ne constituent qu’une recension, celle des critiques égyptiens du v « et du vie siècle. Les cursifs en immense majorité contiennent la section controversée. Beaucoup de ces manuscrits présentent en face du texte une note marginale ainsi conçue : ï rapï rîj ; [i.oixaXt80 ;, pour désigner le dixième utXoç du quatrième Évangile. Voir t. ii, col. 559, 560. Or on sait que le nombre des titXoi en saint Jean est de 18 ou de 19, de 18 quand le dixième n’existe pas, et de 19 quand il existe. S’il est impossible de démontrer que le dixième tïtXoî est primitif et qu’il a été retranché dans les manuscrits qui ne le reproduisent pas, il est certain que la majorité des manuscrits ou le contiennent ou y font allusion. Dans les manuscrits ordinaires, à texte continu, adaptés à l’usage liturgique, la section de l’adultère est accompagnée du sigle de Vhyperbase et d’une note, prévenant le lecteur que le jour de la Pentecôte, à la lecture publique, il faut passer la section tout entière. Leurs (synaxaires fournissent la même indication ; mais ils donnent encore d’autres renseignements, et nous apprenons que les Grecs lisaient la section de l’adultère aux fêtes des saintes pécheresses qui ont fait pénitence. Les ménologes et les évangéliaires proprement dits contiennent les mêmes rubriques. Ces derniers omettent la section de l’adultère dans la leçon de la Pentecôte, mais ils la reproduisent au nombre des Évangiles etç Staipépouç ^l|j.sp « < comme leçon des fêtes des saintes pécheresses, e’ç èloftoXoYoûjievoeç yuvaîxaç. Ils témoignent ainsi de l’emploi de la pêricope de l’adultère dans les offices publics de l’Église grecque, et ils permettent de penser que Vhyperbase du jour de la Pentecôte a pu produire dans quelques manuscrits l’omission de’a section qu’on ne lisait pas dans l’ordre régulier des lectures publiques.

Versions.

Les anciennes versions se partagent

comme les manuscrits pour ou contre la section de la femme adultère. Des traductions syriaques ni la Peschito ni la Curetonienne ni la version sinaitique ni la philoxénienne ne possèdent cette pêricope. Seule la version dite hiérosolymitaine la contient, mais c’est un évangéliaire du vi" ou du vue siècle seulement. Une autre traduction de ce passage, contenue dans les éditions modernes, serait, d’après une note marginale du manuscrit additionnel 14470 du Musée britannique, l’œuvre d’Abbas Mar Paul qui, ayant trouvé le texte grec dans un manuscrit alexandrin, l’aurait traduit en syriaque. Les versions arménienne et gothique ne l’ont pas non plus. Des traductions coptes, la sahidique ne l’a pas, mais la bohairique la contient. La version éthiopienne la possède aussi. La plupart des manuscrits des anciennes versions latines la reproduisent ; elle manque seulement dans a b’f l’q. Tous ceux de la revision de saint Jérôme l’ont reproduite, et c’est pourquoi MM.Wordsworthet White l’ont admise dans leur édition critique de la Vulgate, Novum Testam. D. N. J. C. latine, t. ï, fasc. 4, Oxford, 1895, p. 561, 562. D’ailleurs, tous les systèmes de capitula latins, sauf un, mentionnent la section de l’adultère. Ibid., fasc. 4, p. 498, 499, et fasc. 5, 1898, p. 703. Les liturgies mozarabique, ambroisienne et romaine en ont toujours fait lecture. Elle est donc indiquée dans le Liber comitis, t. xxx, col. 500, et une partie, Joa., vii, 53-vm, 2, est employée dans le Liber comicus, édité par dom Morin, Anecdota Maredsolana, 1. 1, p. 140.

Pères.

Aucun Père grec n’a commenté la section

de l’addltère, et il faut arriver au moyen âge pour rencontrer un commentaire grec de ce passage. Euthymius est le premier et le seul qui l’ait interprété en cette langue. Il affirme que les versets controversés ne se

lisent pas dans les manuscrits exacts, 7tapa toïç àxp16é<nv àvTiYpifo’.ç, ou qu’ils y sont marqués de l’obèle. C’est pourquoi ils lui paraissent avoir été écrits après coup et n’être qu’une addition. Comm in Joa., t. cxxix, col. 1280. On ne sait pas de quels exemplaires exacts Euthymius parle, et Matthsei, Novum Test, grrnce, Riga, 1786-1788, t. IV, p. 362, 363, a conjecturé qu’il s’agissait de manuscrits des Évangiles, accompagnés de commentaires marginaux, dans lesquels la section manque généralement. Cependant, s’il est vrai que ce passage n’a jamais été commenté dans l’églige grecque, son existence n’en est pas moins attestée par quelques allusions ou citations. La Synopse, attribuée à saint Athanase, marque sa place dans l’Évangile de saint Jean, t. xxviii, col. 401. Mais parce qu’elle la met après Joa., viii, 20, et que le mot êvTa09a, « là, » est employé au lieu de eî-cæ, « ensuite, » les critiques hostiles regardent la phrase comme une maladroite interpolation, comme une note marginale introduite dans le contexte. Toutefois la Synopse contient d’autres transpositions, et quelques lignes plus haut, le chapitre ix de saint Jean, résumé en une phrase, est placé après Joa., vii, 30. On peut penser nue l’expression IvToeOOa a été choisie à dessein par l’auteur de la Synopse pour indiquer l’endroit où il faut transcrire la section de l’adultère, que certains manuscrits déplacent. Au lieu de dire : « Vient ensuite, » il dit : <i C’est ici que doit être placée la section de îa femme adultère. » Les Constitutions apostoliques, ii, 24, t. ï, col. 653-656, joignent à la pécheresse de saint Luc, vii, 47, une autre pécheresse, que Jésus renvoya sans la condamner. Dans le sectionnement d’Eusèbe de Céoarée, voir t. ii, col. 2052, les versets controversés font partie de la 86e section de la dixième table, qui comprend Joa., vii, 45-vm, 18 ; mais on ne peut pas affirmer qu’ils y étaient compris pas plus que dans le sectionnement d’Ammonius. Il n’est pas certain non plus qu’ils étaient insérés dans le Atà Tscraâpuv de Tatien ; le commentaire de saint Éphrem et la version arabe ne les ont pas, bien qu’ils se lisent dans le Codex fuldensis, t. lxviii, col. 316. Antipater, évêque de Bostra en Arabie au Ve siècle, a prononcé sur cette section une homélie, dont un fragment se trouve dans les actes du vu 8 concile. Hardouin, t. iv, p. 169. Les écrivains syriens ne l’ont guère connue non plus. Au xiil » siècle, Barïkiirœus rapporte, sans y joindre de commentaire, qu’on a trouvé dans un manuscrit d’Alexandrie le chapitre relatif à la femme adultère, et il reproduit la leçon, suivant laquelle Jésus écrivit par terre les péchés des accusateurs. Schwartz, Gregom Bar Ebhraya in Ev. Johannis commentarius, Gœtlingue, 1878, p. 12, 13. Au xile siècle, Denys Bar-tsalibi, tout en constatant que l’histoire de la femme adultère ne se trouve pas dans tous les exemplaires, l’analyse et la commente. Le seul témoignage syrien, antérieur au Xe siècle et favorable à la section, provient de la A18a<raa-Xt’oc Ttov’AraxrroXwv, 5. L’exemple de Notre-Seigneur, ne condamnant pas la femme adultère, est proposé aux évêques. P. de Lagarde, Didascaha apostolorum syriace, Leipzig, 1854, p. 31. Une histoire syrienne, rédigée au VIe siècle, rapporte que le récit de la femme adultère ne se lit dans aucun autre exemplaire que celui de Maras, évêque d’Amid. Historia miscellanea, dans Land, Anecdota syriaca, t. m. Cet évêque monophysite avait composé un commentaire sur les quatre Évangiles, dont il ne reste que les titres de la préface. C’est dans ce commentaire qu’il parlait de la femme adultère. On ne sait où il avait appris à connaître son histoire évangélique. Comme il est le premier écrivain « 5 rien qui en parle, il paraît bien établi que les Syriens ne l’ont connue qu’au commencement du VIe siècle. — Les commentateurs arméniens des Évangiles passent aussi sous silence la section de l’adultère. Cependant, elle n’était pas entièrement ignorée parmi eux, puisque, au xe siècle,

Grégoire de Nareg y fait une allusion évidente dans son commentaire sur le Cantique ; il cite Joa., viii, 11, et il distingue ce verset de Luc, vii, 48. Nicon reproche aux Arméniens d’avoir enlevé des saints évangiles l’histoire de la femme adultère. Ils la rejettent, dit-il, « prétendant qu’elle est nuisible à la plupart de ceux qui la lisent ou l’entendent lire. nPatr. G>, t. i, col. 657. Au xme siècle, Varton Partzpertsi n’hésitait pas à proclamer apocryphe la section de l’adultère ; il l’attribuait à l’hérétique Papias.

— La littérature copte est muette sur cette controverse ; mais les Pères latins sont nettement favorables à la péricope contestée. Si l’on n’en trouve aucune mention dans les écrits de Tertullien et de saint Cyprien, même dans ceux où ils traitent du péché d’adultère, c’est que l’épisode évangélique est en dehors de leur argumentation. Tertullien discutait la rémissibilité ou l’irrémissibilité des péchés graves, et saint Cyprien traitait des chrétiens apostats ; la conduite de Jésus à l’égard de la femme coupable n’allait pas directement à leur thèse. Quoi qu’il en soit, les Pères latins du iv siècle sont en possession certaine du récit de saint Jean. Saint Ambroise en a parlé trois ou quatre fois. Il y fait une allusion indiscutable, Exposit. Ev. sec. Luc, v, 47, t. xv, col. 1649. Dans une première lettre à un juge qui lui avait demandé s’il pouvait condamner à mort les coupables, l’évêque de Milan propose l’exemple de miséricorde du Sauveur qui a renvoyé la femme adultère sans la condamner. Epist., xxv, 4-7, t. xvi, col. 1041. Il revient sur le même sujet dans une seconde lettre à ce juge, et il atfirme, Epist., xxvi, 2, ibid., col. 1042, que le récit de ce fait si discuté et de cette absolution célèbre se trouve dans l’Évangile selon saint Jean. La discussion est devenue plus vive, quand les évêques ont déféré eux-mêmes aux tribunaux les grands coupables, les uns justifiant par là la peine de mort, les autres, au contraire, accusant les évêques de se souiller de sang, les comparant aux Juifs et leur opposant la conduite de Jésus. Après avoir exposé les circonstances dans lesquelles la scène s’est passée, Ambroise commente de nouveau tout le récit et conclut que Jésus a corrigé la coupable, sans justifier son crime. Ibid., col. 1042-1046. Le même saint docteur, ou l’auteur de VApologia altéra prophètes David, 1-2, t. xiv, col. 887-889, qui lui est attribuée, considère que l’adultère de David et la leçon de l’Évangile qu’on vient de lire et qui expose la miséricorde de Jésus à l’égard de la femme coupable du même crime, seraient de nature à induire en erreur et à entraîner au mal des auditeurs inattentifs. Jésus s’est-il donc trompé ? Sans répondre directement à cette question, l’auteur cherche à justifier David et dit que la leçon évangélique nous avertit à propos que, même quand le péché est public, ce n’est pas au premier venu, mais au juge, à juger. Saint Augustin revient souvent sur l’histoire de ! a femme adultère. Il la cite, Epist., cliii, 4, 9 ; 5, 15, t. xxxiii, col. 657, 660 ; Enarrat. in Ps. l, 8, t. xxxvi, col. 589-590 ; Enarrat. in Ps. en, 11, t. xxxvii, col. 1325, 1326 ; Sermo mi, 4-5. t. xxxviii, col. 108, 109. Il la commente à la suite d’une homélie sur une leçon liturgique. Tract, xxxiii in Joa., t. xxxv, col. 1647-1651. Dans le De conjug. adulter., ii, 6-7, t. XL, col. 474, il en tire cette conclusion morale que le mari, à l’exemple du Christ, doit pardonner à sa femme adultère. « Mais, ajoute-t-il aussitôt, cette manière d’agir fait horreur aux infidèles. C’est pourquoi quelques hommes de peu de foi, ou pour parler plus justement, ennemis de la foi, craignant sans doute qu’on n’accordât à leur femme l’impunité de leurs crimes, ont supprimé dans leurs manuscrits le passage où le Seigneur miséricordieux pardonne à la femme adultère. » Pour échapper à ce témoignage si formel de l’évêque d’Hippone, les critiques hostiles sont réduits à prétendre que l’affirmation qu’il contient est sans fondement. Fauste le Manichéen, cité par saint Augustin, Cont. Faustum manich., xxxiii, 1, t. xlii,

col. 511, rapportait la sentence rendue par Jésus au sujet de la femme adultère au milieu d’autres faits évangéliques. Le saint docteur nous apprend encore dans le même livre, xxii, 25, ibid., col. 417, que les païens se moquaient de Jésus qui, interrogé par les pharisiens, au lieu de répondre, avait écrit sur la terre avec son doigt. Saint Jérôme, Dialog. cont. Pelag., ii, 17, t. xxiii, col. 579-580, commente la section de la femme adultère qui se trouve en beaucoup de manuscrits grecs ou latins de l’Évangile selon saint Jean. Il n’ignore donc pas qu’elle manque dans quelques-uns de ces manuscrits, mais il sait qu’elle existe dans un grand nombre et il n’élèrc pas le moindre doute sur son authenticité. La tradition latine se continue jusqu’au moyen âge, toujours favorable à la section de l’adultère. Bornons-nous à indiquer les principales références : S. Léon le Grand, Sermo lxii, 4, t. liv, col. 352 ; S. Prosper, De vocatione omnium gentium, i, 8, t. li, col. 656 ; Liber de promiss, et prxdict. Dei, ii, 1, 22, ibid., col. 768, 793 ; S. Gélase, Adversus Andromach., t. lix, col. 111 ; Vigile de Tapse, Cont. Varimad., ii, 78, t. lxii, col. 428 ; Cassiodore, Exposit. in Ps. xxxi, t. lxx, col. 219 ; Exposit. in Ps. lvj, ibid., col. 403 ; S. Grégoire le Grand, Moral, in Job, xiv, 29, t. lxxv, col. 1057 ; S. Isidore, Allégories quædam Script, sac, t. lxxxhi, col. 128 ; Bède, In S. Joa. exposit., t. xcii, col. 735-737 ; Hom., i, xx, t. xciv, col. 106-109 ; Smaragde, Coïlect. m Epist. et Ev., t. en, col. 145-148 ; S. Bruno de Segni, Hom. xlvi, t. clxv, col. 799 ; Hildebert, Libellus inscript, .christ., t. clxxi, col. 1283 ; S. Bernard, In Annunt. sermo iii, t. clxxxiii, col. 392-398 ; Beleth, lïalionale divin, offle, 92, t. ccii, col. 93.

Arguments internes.

Les critiques hostiles

recherchent dans le texte même de la section de l’adultère des preuves contre son authenticité. Ils constatent d’abord le nombre considérable de variantes que présentent les douze versets de ce récit. Aucun autre passage de l’Évangile, de même longueur, n’en renferme davantage. Or c’est un fait d’expérience que les passages criblés de variantes n’ont été l’objet de retouches que parce que leur authenticité est contestable. Le texte de la péricope se présente à nos yeux, en effet, sous diverses formes singulières, qui s’expliquent suffisamment par la nature particulière du récit, paraphrasé pour être rendu plus clair ou plus acceptable, par la négligence que les scribes ont mise à le transcrire, quand il était placé à part, et enfin par les altérations du commencement et de la fin, introduites dans la leçon liturgique et transportées des Évangéliaires’dans les manuscrits à texte continu. Une de ces formes singulières contient la glose curieuse, suivant laquelle Jésus écrivait avec son doigt sur la terre les péchés de chacun des accusateurs de la femme coupable. Cette variante figure dans une quinzaine de manuscrits grecs, mais ne se rencontre pas dans une seule version. Elle est trop peu documentée pour avoir fait partie du texte original. C’est une glose ajoutée pour rendre vraisemblable une action que les païens, au rapport de saint Augustin, Cont. Faust, manich. , xxii, 25, t. xlii, col. 417, trouvaient puérile et sotte, et produite par une’pure hypothèse, pareille à celle que faisait saint Jérôme, Dialog. cont. Pelag., ii, 17, t. xxiii, col. 579. Mais si l’on ne tient pas compte de ces singularités et si l’on considère seulement les textes qui ont joui d’un crédit réel et étendu dans la société chrétienne, on ne trouvera pas dans ces versets plus de variantes que dans beaucoup d’autres passages de l’Évangile, de même longueur. Ces textes sont d’accord pour l’ensemble, et leurs variantes se réduisent à des détails insignifiants. — Le style du récit diffère du style de saint Jean dans l’emploi des mots et dans la syntaxe. Ainsi saint Jean n’a pas les termes m ôpoç tûv èXai&v, o£ ypajifiaret ;, xxraxpiva) qu’on rencontre dans les synoptiques. Il ne se sert pas non plus de r.ài ô Xao ;, qui est

fréquent en saint Luc, ni de êpOpou, mais de îrpwt ou upwfat, ni de xa61<r » c èôtSauxev, ni de juope-jso8at dans . le sens d’« aller » et sans indication d’un but particulier. Les particularités de vocabulaire ne prouvent pas que la section de l’adultère n’est pas de saint Jean. Elles peuvent être des âna ? Xe.y61uvx, et on en trouverait d’aussi caractéristiques dans d’autres pages du quatrième Évangile, dont l’authenticité n’est pas pour cela mise en cause. Sous le rapport de la syntaxe, ajoute-t-on, la liaison continue des phrases par êl est tout à fait sans précédent en saint Jean, dont la plupart des phrases ne sont pas liées les unes aux autres. Si l’Évangéliste emploie ici neuf fois de suite la particule 8é, elle est cependant répétée plusieurs fois et combinée avec tîv, Joa., vi, 10-12 ; xviii, 14-19. Ces différences de langage, dont la force et l’étendue ont été parfois exagérées, ne sont pas assez sérieuses pour prouver certainement un auteur distinct de saint Jean. — Cette conclusion est corroborée par cette considération que le fond du récit garantit sa vérité et son origine apostolique. Les critiques hostiles avouent eux-mêmes que les caractères internes plaident en faveur de l’authenticité. Les objections que Théodore de Bèze, J.-C. D.N. Novum Testamentum, 1642, p. 257, et Wetstein, Novum Test, grmee, t. ii, p. 891, ont tirées du récit, ne sont pas répétées par les critiques plus récents. Du reste, le fait lui-même est, en soi, on ne peut plus vraisemblable, et il s’adapte admirablement avec le caractère sage, miséricordieux, prudent et ferme de Jésus. Enfin, l’épisode prend naturellement sa place dans le contexte, et il ne rompt pas la succession des événements. Qu’il ait eu lieu le dernier jour de la fête des Tabernacles ou le lendemain, peu importe ; il est un incident de la lutte de Jésus avec les pharisiens, justement placé entre Joa., vii, 45, et Joa., vm, 13. La liaison nâXtv oïv, Joa., viii, 12, rattache le récit suivant à Joa., viii, 11, aussi bien qu’à Joa., vii, 52. Ces arguments internes ont une telle valeur que plusieurs critiques modernes, tout en niant l’origine johannique de la section de l’adultère, pensent qu’elle est née dans la sphère des traditions apostoliques et qu’elle a reçu sa forme définitive d’une personne animée du souffle des Apôtres. Hort, The New Test, in the original greek text, Introd., Appendix, p. 87. Les raisons d’exclure saint Jean ne sont pas suffisantes.

Conclusion.

Après l’exposé des éléments du

problème, il faut chercher une solution et déterminer si la sectioD de l’adultère est une portion authentique du quatrième Évangile, ou une addition faite a l’original après sa rédaction primitive et par une autre main que celle de saint Jean. Si c’est une addition, quelle est la provenance du récit et quel est l’auteur de l’interpolation ? Plusieurs critiques pensent qu’elle est un emprunt fait à l’Évangile des Nazaréens. Ils s’appuient sur le témoignage d’Eusèbe, au rapport de qui Papias racontait l’histoire d’une femme accusée de beaucoup de péchés auprès du Seigneur, histoire qui existe dans l’Évangile selon les Hébreux. H. E., iii, 39, t. xx, col. 300. L’identité du récit avec celui de la femme adultère, acceptée par Rufin dans sa traduction de « l’Histoire ecclésiastique » d’Eusèbe, paraît douteuse, puisqu’il s’agit, d’un côté, d’une femme accusée de nombreux péchés et, de l’autre, d’une femme accusée du seul crime d’adultère. Pour expliquer son insertion dans l’Évangile de saint Jean, on ne peut faire que des hypothèses invérifiables. Prétendre qu’elle a été faite dans un texte occidental relativement moderne, et qu’elle a passé, à la fin du ive siècle, d’un texte grec, qui circulait au m « dans une petite sphère, en un plus grandnombrede textes, puis dans les manuscrits latins, pour être de plus en plus répandue au vie siècle, c’est prendre dans un sens trop strict les résultats bruts des anciens documents, et ne pas tenir compte des faits antérieurs, auxquels ils font allusion ou qu’ils supposent. Il faudrait enfin expliquer

les raisons qui, en dehors de l’origine johannique du récit, l’ont fait rédiger, puis introduire dans l’évangile et accepter généralement comme authentique. Les critiques hostiles ne peuvent fournir ces explications. D’ailleurs, une addition, commençant par Joa., vii, 53, est invraisemblable au premier chef. — Tous les faits de la transmission de cette section évangélique, son absence des manuscrits et des versions, son déplacement et la présence des signes qui accompagnent le texte s’expliquent par la suppression d’un fragment dans lequel la miséricorde divine pouvait paraître exagérée. On a compris un peu diversement les raisons de cette suppression. Comme l’affirme saint Augustin, De conjug. adult., ii, 6-7, t. XL, col. 474, des chrétiens, obéissant à une inspiration de prudence excessive, préféraient retrancher de leurs manuscrits un récit qui pouvait paraître plutôt un encouragement au désordre qu’un sujet d’édification morale. Cette disposition dut se rencontrer bien auparavant, et de bonne heure on crut bon de soustraire aux regards de populations païennes, si profondément perverties, une page sublime de miséricorde et de pardon. D’autres critiques soupçonnent que la suppression est due à un préjugé dogmatique. Dès le h » siècle, il y eut des sectaires, les montanistes par exemple, rigoristes outrés, qui se scandalisèrent de la clémence de Jésus et qui appliquèrent à l’Évangile les ciseaux de leur critique intolérante. Si la section de l’adultère a ainsi disparu du quatrième Évangile, il en résulte qu’elle était l’œuvre de saint Jean. Corluy, L’intégrité des Evangiles en face de la critique, dans les Études religieuses, 5 « série, t. xi, 1877, p. 65-74, 145-158 ; Id., Comment, in Ev. S. Joannis, 2e édit., Gand, 1889, p. 206-213 ; P. Martin, Introduction à la critique textuelle du Nouveau Testament, partie pratique, t. IV, Paris, 1885-1886, p. 178-516 ; A. Loisy, études bibliques, Paris, 1901, p. 139-142. /II. le dernier CHAPITRE, Joa., xxi. — Comme ce chapitre est reproduit dans tous les manuscrits et dans toutes les versions, et comme les Pères ne donnent aucun motif de douter de son authenticité, celle-ci est contestée par les critiques, uniquement pour des raisons internes. Les ꝟ. 30 et 31 du chapitre xx paraissent être la conclusion du quatrième Évangile ; le chapitre xxi est une reprise du récit, une addition faite à l’œuvre primitive. La date de cette addition est fixée au ꝟ. 23, qui laisse entendre que saint Jean était mort à l’époque de la rédaction Le ꝟ. 24 en fait connaître l’auteur : c’est l’église d’Éphèse qui atteste le témoignage véridique du disciple bien-aimé. Pour corroborer ces conclusions, on a ajouté que le style, le genre et la méthode de l’écrivain n’étaient plus dans ce chapitre les mêmes quedans le reste de l’Évangile. Jean Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 305-314. Mais ces arguments intrinsèques sont loin d’être décisifs. De ce que le chapitre xxi suit la conclusion du récit principal, on est en droil de conclure seulement qu’il est un épilogue, une pièce complémentaire, un post-scriptum. Il ne ressort pas nécessairement du jꝟ. 23 que l’apôtre était mort déjà, quand cette explication d’une parole du Sauveur fut donnée. Saint Jean lui-même, continuant à se cacher sous le voile de l’anonyme, corrige l’erreur qui s’était répandue de son vivant à son sujet. Le début duꝟ. 24 répond à la même manière d’agir, qui est fréquente dans le quatrième Évangile. Le pluriel oiSajuv du second membre de la phrase signifie une attestation collective, ou au moins établit une distinction entre celui ou ceux qui rendent , témoignage, et le disciple à qui bon témoignage est rendu. Un apôtre qui est inspiré par l’Esprit de Dieu, peut, comme saint Paul, Rom., ix, 1, se rendre témoignage au nom de celui qui l’inspire. Il y a comme deux personnes en sa conscience : la sienne et celle de l’Esprit, et il peut écrire de lui-même : « Nous savons que son témoignage est véritable. » Batiflol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 115-116. Le style

enfin et la méthode sont ceux du quatrième Évangile. On a constaté dans ce chapitre les termes caractéristiques du style de saint Jean, la facture de ses phrases et sa façon habituelle de parler de lui-même. Le chapitre XXI a donc fait partie du quatrième Évangile dès la première publication ; le fond et la forme de ce récit complémentaire sont bien de saint Jean. Calmes, Comment se sont formés les évangiles, 3e édit., Paris, 1900, p. 58, 59 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, 1900, p. 324330 ; Harnack, Die Chronologie, t. i, Leipzig, 1897, p. 676-677.

III. Temps et lieu de la composition.

Temps.


Les anciens écrivains ecclésiastiques ont affirmé d’une voix unanime que saint Jean avait écrit son Évangile après les trois autres évangélistes. S. Irénée, Cont. hser., III, i, 1, t. vii, col. 845 ; Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552 ; S. Épiphane, Hier., li, 12, t. xli, col. 909 ; S. Jérôme, De vir. illust., 9, t. xxiii, col. 625 ; Eusèbe, H. E., ii, 24, t. xx, col. 265. — Saint Victorin de Pettau, In Apoc., x, 11 ; xvii, 10, t. v, col. 333, 338, dit que saint Jean composa son Évangile après l’Apocalypse. Or il est d’accord avec les autres Pères pour rapporter la rédaction de l’Apocalypse au règne de Domitien. Voir t. i, col. 746. Tous n’ont aussi qu’une voix pour assurer que saint Jean l’a écrit lorsqu’il était déjà parvenu à une grande vieillesse. Les caractères intrinsèques du quatrième Évangile confirment nettement les assertions des anciens. Il est évident que son auteur a connu les trois Synoptiques. Une foule de détails montrent qu’il écrit longtemps après les événements qu’il rapporte. Ainsi, il traduit des mots hébreux, Joa., i, 39, 42 ; iv, 22 ; xx, 16 ; il représente le peuple juif comme ayant perdu sa nationalité, et Jérusalem comme une ville détruite, xi, 18, xviii, 1 ; xix, 41, la race élue comme rebelle à l'Évangile, i, 11 ; iii, 19, etc. Il signale la réalisation des prophéties messianiques, viii, 24 ; x, 25, 26 ; vi, 37, 45 ; x, 16 ; xii, 33, 52, et de la parole de Jésus relative à la mort de Pierre, XXI, 19. La détermination précise de la date varie beaucoup suivant les sentiments. Voir t. ii, col. 2062. Les critiques hostiles à l’authenticité johannique la rabaissent plus ou moins après la mort de saint Jean. J. Réville, Le quatrième Évangile, p. 321-326. Les critiques favorables à l’authenticité la placent entre 80-100, ou dans des limites plus restreintes, entre 85-95. Quelques-uns même la font remonter peu après la mort des apôtres saint Pierre et saint Paul, vers 70.

Lieu.

Les anciens diffèrent dans l’indication du

lieu de la rédaction. La plupart parlent de l’Asie Mineure et, dans cette province, de la ville d'Éphèse. S. Irénée, Cont. hær., III, i, 1, t. vii, col. 845. Son témoignage a entraîné la majorité des suffrages, d’autant plus qu’il s’accorde très bien avec l’antique tradition du séjour de l’apôtre en cette ville. Cependant, plusieurs écrivains moins anciens et d’une moindre autorité ont prétendu que saint Jean avait composé son Évangile dans l’ile de Patmos. Ils sont d’autant moins recevables qu’ils dépendent des Actes apocryphes de saint Jean et qu’ils ont confondu l’uvangile avec l’Apocalypse. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 202-205. — M. Resch, Aussercanonische Paralleltexte, t. iv, dans les Texte und Untersuchungen, t. x, 4e fasc, Leipzig, 1896, p. 32, 33, après avoir changé la leçon : Johannes ex discipulis du canon de Muratori en celle de : Joannes ex Decapoli, conclut que le quatrième Évangile a été écrit à Pella, dans la Décapole. Mais la correction proposée est insuffisamment motivée. Revue biblique, t. vi, 1897, p. 479 ; Patrizi, De Evangeliis, I, Fribourg-enBrisgau, 1853, p. 102-118 ; Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 206-208.

IV. Occasion.

Une tradition consignée à la fin du IIe siècle dans le canon de Muratori (t. ii, col. 170) rapporte que l’apôtre, cédant aux exhortations des disciples

et des évêques, ordonna un jeûne de trois jours, après lequel il ferait ce qui aurait été révélé, et que, la même nuit, il fut révélé à André et aux Apôtres qu’ils aient à. reconnaître et à approuver tout ce que Jean écrirait en leur nom. Preuschen, Analecta, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 129, 130. On s’est demandé quelle valeur historique avait cet antique témoignage et s’il représentait fidèlement la tradition primitive de l'Église. En dehors de la difficulté d’interprétation du texte, qui est en mauvais état, la mention d’André et des Apôtres est contraire à la tradition qui fait écrire le quatrième Évangile à la fin de la longue carrière de saint Jean, longtemps après la mort des autres Apôtres. Comme, d’autre part, la mention d’André et de la révélation qu’il a reçue se trouve dans les Actes apocryphes de saint Jean, composés par Leucius. il est permis de penser que le canon de Muratori leur a emprunté ce détail, purement légendaire. Clément d’Alexandrie est un écho plus fidèle de la tradition ecclésiastique, lorsqu’il rapporte que Jean, le dernier survivant des Apôtres, a écrit son Évangile sur la demande de son entourage. Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 551. Saint Irénée, Cont. hær., III, xi, t. vii, col. 879-880, ajoute que saint Jean, en écrivant son Évangile, voulait réfuter les erreurs de Cérinthe et des nicolaites, qui se répandaient alors. Réunissant les deux renseignements précédents, Victorin de Pettau, Scholia in Apoc., xi, 1, t. v, col. 333, dit qu'à cause des hérésies de Valentin, de Cérinthe, d'Ébion et d’autres encore, les chrétiens de toutes les provinces voisines se réunirent auprès de saint Jean et le pressèrent de consigner par écrit son témoignage sur Jésus-Christ. Saint Jérôme, De vir. Must., 9, t. xxiii, col. 623, répète la même chose. Dans le prologue de son commentaire sur saint Matthieu, t. xxvi, col. 19, il est plus précis encore et parle d’un jeûne et d’une révélation, d’après une histoire ecclésiastique qu’il ne désigne pas autrement. Théodore de Mopsueste, Comment, m Joa., t. lxvi, col. 728, rapporte que saint Jean approuva les trois premiers Évangiles et, sur la prière de ses frères, rédigea le sien pour compléter les précédents. Ces données ont été souvent reproduites dans les temps postérieurs. Corssen, Monarchianische Prologe, p. 80, 81, 88, 89, 102-109, a prétendu que tous ces témoignages dépendent des Actes apocryphes de saint Jean ; mais sa démonstration n’est pas péremptoire, car indépendamment des détails légendaires que ces Actes seuls contiennent, il y a une tradition catholique, sur laquelle la légende s’est greffée et qui affirme que saint Jean a écrit son Évangile à la demande des chrétiens. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 194-206. Le P. Calmes, Comment se sont formés les Évangiles, 3e édit., Paris, 1900, p. 57, en conclut que les disciples de l’apôtre ont pris l’initiative de la rédaction et ont eu une certaine part à la publication du quatrième Évangile.

V. Bdt.

Lebut que saint Jean se proposait d’atteindre, en écrivant son Évangile, a été déterminé de manières bien différentes. — 1° Plusieurs Pères ont pensé que l’apôtre avait eu le dessein de compléter les Sjnoptiques, qu’il connaissait et qu’il approuvait. Pour les uns, S. Jérôme, De vins illust., 9, t. xxiii, col. 623 ; Eusèbe, H. E., iii, 24, t. xx, col. 265, Théodore de Mopsueste, Comm. in Joa., t. lxvi, col. 727, il voulait raconter la partie de la vie publique, qui avait précédé l’emprisonnement de Jean-Baptiste et qu’avaient omise les trois premiers Évangélistes. Pour les autres, Clément d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 552 ; S. Éphrem, Evangelii concordantes expositio, Venise, 1876, p. 286 ; S. Épiphane, User., li, 12, t. xli, col. 909 ; S. Jean Chrysostome, In Joa., hom. iv, 1, t. lii, col. 47, il se proposait d'écrire l'Évangile « . spirituel », alors que les Synoptiques n’avaient rédigé que l'Évangile « corporel ». C’est un fait certain et un fait reconnu par les critiques les moins favorables au quatrième Évangile, que soa

auteur a connu les trois premiers. Il les suppose, s’appuie sur eux et leur emprunte des faits, des idées, des images et même des expressions. Les ressemblances de fond sont évidentes et décisives pour le récit de la passion ; les coïncidences verbales n’existent que dans la narration de la multiplication des pains. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 212-229. Mais c’est un autre fait, également certain, que le quatrième Évangile, dans la plupart des récits et dans tous les discours de Jésus, est indépendant des trois autres. Des sept miracles qu’il rapporte, deux seulement sont dans les Synoptiques. À considérer le ton général de l’écrit et l’esprit qui l’anime, la différence est bien plus grande encore. Voir t. ii, col. 2079. Il en ressort clairement que le quatrième Évangéliste n’a pas copié les Évangiles précédents ; il s’est appliqué à ne pas répéter ce qu’ils contenaient. En conclurons-nous qu’il a suivi sa tradition à lui, telle qu’elle existait dans son milieu, sans s’inquiéter des autres et sans chercher à les mettre d’accord, ou qu’en taisant généralement ce qu’ils disaient, il a voulu les compléter et en donner les paralipomènes ? Nous dirons seulement que, s’il a introduit dans l’histoire évangélique beaucoup d’éléments nouveaux, il a reproduit le même ensemble d’événements et a répété plusieurs faits avec les mêmes circonstances. Il ne semble donc pas qu’il se soit directement et exclusivement proposé de compléter les Synoptiques, quoiqu’il produise des faits nouveaux. Il parle de souvenirs personnels, de choses vues et entendues ; il sait plus qu’il ne dit et il ne livre pas tous ses trésors. Il est donc l’écho d’une tradition apostolique, conservée oralement et interprétée par l’enseignement théologique. Ses souvenirs gardent une prodigieuse fraîcheur. Ces considérations expliquent l’indépendance du quatrième Évangile relativement aux rtrois premiers, sans nuire à la vérité de son témoignage historique.

2° Le but principal du quatrième Évangile fut essentiellement didactique et dogmatique. L’auteur l’a expressément déclaré lui-même : « Jésus a opéré en présence de ses disciples beaucoup d’autres miracles qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ceci a été écrit pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, en croyant, vous ayez la vie en son nom. » Joa., xx, 30, 31. Prouver la messianité et la divinité de Jésus, telle est l’intention qui se manifeste d’un bout à l’autre de l’Évangile de saint Jean. L’ensemble et les détails du récit convergent vers ce but. Le prologue révèle cette tendance dogmatique : il affirme que le Verbe éternel et divin, source de la vie surnaturelle, s’est manifesté aux hommes dans la personne de Jésus, qui est venu apporter le salut au -monde. Dans le corps de son récit, l’Évangéliste le jnontre accomplissant sa mission par des discours dogmatiques, dans lesquels Jésus aborde avec les docteurs de la loi les questions abstraites de la métaphysique chrétienne, et prouvant sa mission divine par des miracles qui sont des signes ou des preuves de sa divinisé. Les Pères, d’ailleurs, ont reconnu ce but dogmatique du quatrième Évangile. Origène, In Joa., i, 6, ’t. xiir, col. 29 ; S. Jérôme, In Matth., prolog., t. xxvi, col. 19 ; Eusèbe, H. E., iii, 24, t. xx, col. 268 ; S. Augustin, De consensu Evangelist., 1, 4, t. xxiv, col. 1045, In Joa., xxxvi, 1, t. xxxv, col. 1662 ; S. Épiphane, Hser., jli, 19, t. xli, col. 924, affirment que saint Jean prouve la divinité de Jésus-Christ. Toutefois, ce « théologien » ne compose pas un traité de théologie ; il écrit un livre historique en vue de prouver un dogme. Il n’idéalise pas non plus l’histoire, il la raconte de manière à montrer la portée dogmatique des faits.

3° Beaucoup de Pères attribuent, en outre, à saint Jean dans la composition de son Évangile une intention polémique, celle de réfuter les hérésies naissantes. Saint Jrénée, Cont. hær., III, xi, t. vii, col. 879, 880, parle des

DICT. DE LA. BIBLE.

erreurs de Cérinthe et des nîcolaïtes. Tertullien, De prsescript., 33, t. ii, col. 46 ; saint Jérôme, De viris ilhtst., 9, t. xxiii, col. 623 ; saint Épiphane, User., lxix, 23, t. xlii, col. 237, nomment encore les Ébionites. Mais les critiques modernes nient généralement cette intention polémique qui ne se trahit en aucun endroit du ! quatrième Évangile. Saint Jean ne s’est pas proposé de réfuter un système gnostique quelconque, auquel il aurait opposé un système orthodoxe, la véritable gnose. Les, gnostiques du iie siècle, loin de trouver dans le qua- 4 trième évangile la réfutation de leurs erreurs, lui-ont emprunté des termes caractéristiques pour dresser généalogie de leurs éons. Mais, en fait, l’Évangile de saint Jean n’est pas plus gnostique qu’il n’est antignc— stique. Dans ses Épîtres, l’apôtre combat les erreurs des Docètes, I Joa., i, 1-3 ; II Joa., 7, et dans l’Apocalypse, n, 6, 15, celles des Nicolaites. Dans l’Évangile, il ne combat directement aucune secte. Il procède par affirmations, et non par discussions ; son œuvre n’est pas un écrit de polémique. Il reste seulement vrai que son exposition didactique réfute indirectement les erreurs docètes et gnostiques.

Quelques critiques ont supposé que saint Jean, lorsqu’il fait appel au témoignage du Précurseur en faveur de la divinité de Jésus, visait les disciples de Jean-Baptiste, qui se seraient perpétués et qui auraient formé une secte hérétique. Baldensperger, Der Prolog des vierten Evangeliums, sein polemiscli-apologetischer Zweck, Fribourg-en-Brisgau, 1898. La supposition est t gratuite et l’appel de saint Jean au témoignage du Précurseur a une autre raison d’être : il sert à démontrer la divinité de Jésus. A. Loisy, Études bibliques, Pans, 1901, p. 131-133. On pourrait dire avec plus de raison que le quatrième Évangile est écrit contre les Juifs, sinon pour les réfuter, du moins pour les convertir. Son v caractère antijudaique paraît évident à M. Schanz, Commentai

  • uber das Evangelium des heiligen Johannes,

Tubingue, 1885, p. 34-41, à Mo r Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 120-125, et à M. Loisy, Études bibliques, p. 129-131. Mais les arguments indiqués pour justifier cette intention polémique ne sont que les preuves qui répondent à la thèse de l’évangéljste et qui démontrent la divinité de Jésus-Christ. Knabenbauer, Comment, m Ev. secundum Joannem, Paris, 1898, p. 13-16. Ici encore, l’intention polémique, si elle a existé, n’a pas été directe, mais tout au plus indirecte. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 282-293.

VI. Ordre et plan.

Tous les commentateurs du quatrième Évangile ont remarqué la parfaite unité du plan et ont constaté que le développement logique de l’exposition historique répondait exactement à la fin que l’auteur se proposait d’atteindre et démontrait progressivement la divinité dé Jésus-Christ. Ils ont divergé dans la manière d’énoncer et d’exposer ce plan, méthodique. Il serait trop long de discuter les divergences de leurs vues. Nous nous bornerons à résumer le plan signalé par saint Thomas d’Aquin, Com. m Joa., c. ii, lect. 1, et développé par le P. Cornely, Introductio speciahs in singulos N. T. hbros, Paris, 1886, p. 253-259. Cf. Camerlynck, De quarti Evangelii auctore, p. 294301. L’Évangile de saint Jean commence par un prologue, 1, 1-18, et se termine par un court épilogue, xxi, 24, 25. Le récit lui-même, qui forme le corps de l’ouvrage, com-’prend ], 19-xxi, 23.

^ I. prologue, i, 1-18. — Ce prologue ne peut être considéré ni comme un résumé philosophique de l’histoire du monde, ni comme le programme qui sera développé dans tout l’évangile. Il sert cependant de fondement, dogmatique au récit tout entier, et il indique le point de ue général auquel saint Jean envisagera Jésus. Il remplace l’histoire de l’enfance du Sauveur, racontée par saint Matthieu et par saint Luc. L’auteur a voulu dès l’abord orienter ses lecteurs et leur rappeler que le hô UI. - 38

ros de son histoire est le Verbe éternel et créateur, qui s’est fait chair pour sauver l’humanité. Toutefois, il ne le présente pas sous une forme purement abstraite et métaphysique, car il écrit une histoire et non des spéculations ; mais il expose la métaphysique divine elle-même en termes concrets et historiques. Il raconte que le Verbe éternel et consubstantiel à Dieu n’a pas été connu par les hommes, bien qu’il se soit manifesté par la création et la révélation surnaturelle, 1-5 ; que, même annoncé par son précurseur et venu lui-même chez les siens, - il n’a pas été reçu par tous, quoiqu’il réservât la dignité d’enfants de Dieu à ceux qui le recevraient, 6-13, et que néanmoins, incarné et habitant parmi les hommes, il avait manifesté sa gloire en répandant la grâce et la vérité, 14-18. Voir A. Resch, Paralleltexte zu Johannes, dans les Texte und Untersuch., t. IV, Leipzig, 1896, p. 49-65 ; Baldensperger, Der Prolog des vierten Evangeliums, Fribourg-en-Brisgau, 1898 ; Calmes, Le prologue du quatrième Évangile et la doctrine de Vincarnation, dans la Revue biblique, t. viii, 1899, p. 2322 48 ; G. Weiss, Der Prolog des heiligen Johannes, eine Apologie in Antithesen, dans les Strassburger theologische Studien, t. iii, fasc. 2 et 3, Fribourg-en-Brisgau, 1899 ; Van Hoonacker, Le prologue du quatrième Evangile, dans la Revue d’histoire ecclésiastique, de Louvain, t. ii, 1901, p. 5-14. Ce serait ici le lieu de réfuter les tenants attardés : Albert Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 330-341, Jean Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 75-109, d’une opinion surannée d’après laquelle la doctrine du Logos a été empruntée par l’auteur du quatrième Évangile à Philon ou à la théologie judéo-hellénique. Le Logos de saint Jean diffère essentiellement du Logos de Philon. Camerlynck, De quarti Evangehi auctore, p. 244-269.

II. CORPS de l’écrit. — Il se divise naturellement en deux parties, dont la première, I, 19-xii, 50, manifeste la gloire divine dans la vie publique de Jésus, et la seconde, xiii, 1-xxi, 23, manifeste la même gloire dans la passion et la mort du Sauveur. Chacune de ces parties se subdivise en trois sections, qui se correspondent en quelque sorte et dans lesquelles la manifestation de la divinité de Jésus se fait progressivement.

1° Première partie : Manifestation de la divinité de Jésus durant la vie publique. I, 19-J.il, 50. — I" section. — Jésus est reconnu comme Dieu parles hommes de bonne volonté, mais encore à des degrés différents, i, 19-IV, 54. — 1° Il trouve une foi parfaite : 1. de la part de Jean-Baptiste, son précurseur, qui lui rend, témoignage devant les envoyés du sanhédrin, I, 19-28, et plus clairement encore devant ses propres disciples, i, 29-34 ; 2. de la part de ses premiers disciples, qui reconnaissent en lui le Messie que Jean leur a montré, i, 35-42, et que signalent sa science divine, i, 43-51 et sa toute-puissance, aux noces de Cana, ii, 1-12. — 2° Jésus obtient une foi moins parfaite : 1. à Jérusalem, où il manifeste à la première Pâque sa gloire en chassant les vendeurs du temple, ii, 13-17 ; les uns demandent un signe et ils n’obtiennent que le signe de la résurrection, ii, 18-22 ; à ceux qui n’en réclament pas, des signes sont donnés qui ne les gagnent pas pleinement, ii, 23-25 ; Nicodème est initié au mystère de la renaissance spirituelle, iii, 1-21 ; 2. en Judée, où Jésus baptise pendant plusieurs mois, tous viennent à lui, mais les disciples du précurseur ont encore besoin d’un témoignage nouveau pour croire en lui, iii, 22-36. — 3° La foi est complète : 1. dans la Samarie, iv, 1-42 ; 2. de la part des Galiléens qui, venus pour la Pâque, sont témoins des prodiges qu’il opère, et de la part de l’officier de Capharnaum, dont il guérit le fils, iv, 43-54.

w section. — La manifestation de la gloire du Christ est attaquée par les pharisiens, v, 1-xi, 56. — 1° À la seconde Pâque, l’incrédulité des Juifs de Jérusalem éclate. Parce qu’au jour du sabbat Jésus a guéri un pa ralytique, il est accusé de violer le sabbat, v, 1-18. Pour se justifier, il en appelle au témoignage des œuvres, v, 19-30 ; à celui de Jean-Baptiste, v, 31-35 ; à celui de son Père, v, 36-38, et, à celui de Moïse, v, 39-47. — 2° A la troisième Pâque, l’infidélité se montre même parmi les disciples de Galilée. Deux miracles, la multiplication des pains et la marche sur les eaux du lac, manifestent la gloire de Jésus, vi, 1-21. Mais les Juifs demandent des prodiges plus grands encore, vi, 22-31. Pour leur répondre, Jésus se propose comme le pain de vie, qu’il faut manger par la foi, VI, 32-42, et qu’il donnera plus tard en nourriture, VI, 43-60. Les Juifs trouvent dure cette parole et s’en vont, mais les douze croient et confessent que Jésus est le fils de Dieu, vi, 61-72. — 3° La même année, à la fête des Tabernacles, la lutte devient de plus en plus violente à Jérusalem. Jésus se rend à cette fête, en secret, à cause de la haine des Juifs, vii, 1-13. Au milieu de la semaine, il se montre au temple et justifie sa divine mission ; les auditeurs ne sont pas tous convaincus, et les pharisiens envoient des émissaires pour s’emparer de lui, mais il sort, après avoir prédit sa mort violente, vii, 14-36. Au dernier jour de la fête, il se proclame source de vie ; les pharisiens n’osent pas l’arrêter, et Nicodème le défend devant le sanhédrin, vii, 37-53. Trois jours après, il confond les accusateurs de la femme adultère, viii, 1-11, et se proclame la lumière du monde, viii, 12-20. Cette déclaration provoque une vive altercation entre ses auditeurs ; Jésus annonce sa passion et réplique à ses adversaires, viii, 21-47. Ceux-ci l’accusent de blasphème et veulent le lapider, viii, 48-59. Le samedi suivant, la guérison de l’aveugle-né soulève un nouveau conflit. Les pharisiens ferment les yeux à la lumière, ix, 1-41, et montrent qu’ils sont de mauvais pasteurs, x, 1-6. Jésus, lui, est le bon pasteur, x, 7-21. — 4° Deux mois plus tard, à la fête de la Dédicace, Jésus, interrogé s’il est le Christ, affirme qu’il est l’égal de son Père et en appelle au témoignage de ses œuvres, qui est le propre témoignage du Père. Il échappe aux embûches qui lui sont tendues en se retirant dans la Pérée, x, 22-42. — 5° De là, il revient à Béthanie ressusciter Lazare pour confirmer par ce miracle la foi de ses disciples et montrer qu’il est la résurrection et la vie. Les témoins croient en lui, xi, 1-45. Ce miracle est dénoncé au sanhédrin, qui décide de faire mourir Jésus, retiré à Éphrem, xi, 46-56. IIP section. — Avant que cette décision ne reçoive son exécution, Jésus est glorifié, xii, 1-36. Six jours avant la dernière Pâque, Marie l’honore à Béthanie en répandant sur lui un parfum précieux, et beaucoup de Juifs, venus pour le voir, croient en lui, xii, 1-11. Le lendemain, il fait à Jérusalem une entrée triomphale, xii, 1219. Les gentils désirent le voir, et une voix du ciel proclame sa gloire, xii, 20-36. Ces signes ne convertissent pas tous les ennemis de Jésus, qui n’ont pas la foi véritable, celle que demande Jésus, xii, 37-54.

2° Deuxième partie : Manifestation de la gloire du Christ dans sa passion et dans sa mort, xiii, i-xxi, 23. — F* section. — Cette manifestation est reçue avec foi par les. disciples à la dernière cène, xiii, 1-xxii, 26. — 1° Récit de ce suprême repas, marques d’affection que Jésus y donne aux siens et exhortation à la charité réciproque, xiii, 138. — 2° Discours de consolation adressé aux disciples qu’il va quitter, xiv, 1-31. — 3° Exhortation à l’union avec lui, à la charité et à la confiance en face des persécutions du monde, xv, 1-xvi, 4. — 4° Nouveaux motifs de consolation. Son départ, qui est nécessaire pour l’envoi du Saint-Esprit, ne durera pas longtemps, xvi, 5-33.

— 5° Prière que Jésus adresse à son Père, xvii, 1-26.

IF section. — La manifestation de la gloire de Jésus est combattue par ses adversaires qui le font mourir, xviii, 4-xix, 37. Récit de la Passion, dans lequel la divinité de-Jésus paraît au jardin de Gethsémani, en présence du grand-prêtre et de Pilate, et dans la mort elle-mème >

/

puisque Jésus ne meurt que parce qu’il le veut bien. /// section. — Manifestation de la gloire de Jésus dans son triomphe sur ses ennemis, xix, 38-xxi, 23. — 1° Joseph d’Arimathie et Nicodeme se déclarent ouvertement ses disciples et ensevelissent honorablement son corps, xix, 38-42. — 2° Ressuscité d’entre les morts, Jésus apparaît à Marie-Madeleine, aux disciples, en l’absence de Thomas et en sa présence, xx, 1-31. — 3° Il se montre aux disciples sur le lac de Tibériade et constitue Pierre le chef suprême de tout son troupeau, xxi, 1-23.

m. épilogue. — Témoignage que le récit est véritable et incomplet, xxi, 24-25.

VII. Caractère historique.

Quelle que soit l’opinion qu’ils professent sur l’authenticité du quatrième Évangile, les critiques rationalistes contemporains diminuent grandement son autorité historique, et ils refusent de le tenir pour une source authentique et pure de la vie de Jésus. Ils font ressortir les différences qui existent entre lui et les trois Synoptiques, non seulement dans les faits racontés, dans le cadre tout autre de l’histoire de Jésus, mais surtout dans la manière de concevoir et de présenter Jésus lui-même. Dans le quatrième évangile, Jésus est transfiguré systématiquement, idéalisé ; c’est le Verbe fait chair, agissant pour prouver sa divinité et dissertant subtilement sur ses relations avec le Père. Au lieu des enseignements simples, clairs et naturels qu’il donne dans les Synoptiques, on met sur ses lèvres des discours dont le ton, le style, les allures, les doctrines n’ont rien de commun avec le sermon sur la montagne et. les paraboles adressées aux foules de la Palestine. Un livre qui contient de tels enseignements mystiques ne peut être l’œuvre d’un compagnon de Jésus. Ce n’est plus une histoire, c’est un exposé de philosophie religieuse sous forme d’histoire ; ou bien, si c’est une histoire, c’est une histoire telle que la comprenait un alexandrin du second siècle. Telle est la forme sous laquelle se présente la question dite « johannine ». Comment un témoin oculaire des faits, un disciple immédiat du Sauveur, a-t-il été amené à présenter l’histoire et la doctrine de son Maître sous une forme aussi différente des Synoptiques, tout en demeurant conforme à la réalité des faits et des enseignements ? — L’explication de ces divergences, qui sont réelles, mais ne vont jamais jusqu’à la contradiction, se trouve principalement dans le but que se proposait l’apôtre. Saint Jean raconte la vie de Jésus et rapporte ses discours, non dans leurs propres termes, mais dans leur fond ; il raconte des faits dont les autres Évangélistes n’ont pas eu l’occasion de parler ; il s’occupe spécialement des événements qui ont eu lieu à Jérusalem et qui sont passés sous silence par les synoptiques (voir Jésus-Christ, IV, iv) ; il rapporte les discours du Sauveur dans leur sens complet, tels qu’il les a entendus, tels qu’il lésa saisis, et tels que son ami divin les lui a fait comprendre dans ses confidences intimes, de sorte que la doctrine est la doctrine du Maître, reproduite fidèlement par le disciple sous l’action de l’Esprit-Saint. Écrivant à la fin de sa carrière apostolique et dans un but déterminé, pour démontrer la divinité de Jésus, il groupe les faits et les paroles qui vont à son dessein ; sans rien leur enlever de leur réalité objective et historique, il présente un Christ réel et vivant, mais glorieux et divin dans son humanité même. Knabenbauer, Comment, in Ev. secundum Joannem, Paris, 1898, p. 27-53 ; Fontaine, Les infiltrations protestantes et le clergé français, in-12, Paris, 1901, p. 144-169. VIII. Style.

Au point de vue de la disposition générale du plan, le quatrième évangile est une œuvre savamment conçue et habilement exécutée. Il a été coulé d’un jet et directement composé en vue du but à atteindre, pour démontrer la divinité de Jésus-Christ. Les laits et les discours s’enchaînent, s’expliquent les uns les autres et se complètent dans une magnifique unité. Ils sont ordonnés de façon à montrer comment la foi en

Jésus s’est établie progressivement dans les cœurs droits et quelles ont été, d’autre part, l’incrédulité et l’obstination des Juifs infidèles. La langue originale a été certainement le grec, ce grec post-classique, qui était parlé et écrit au I er siècle de notre ère. Saint Denjs d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 704, a loué sa correction sous le rapport des expressions et l’absence de barbarismes, de solécismes et même d’idiotismes A ce dernier point de vue, le jugement de l’évêque d’Alexandrie a été manifestement influencé par le dessein d’opposer le style du quatrième Évangile à celui de l’Apocalypse. Quoiqu’il soit plus pur que dans l’Apocalyse, ce style a néanmoins, pour la construction de la phrase, un cachet juif bien marqué. Il est d’une extrême simplicité. Au lieu d’employer les périodes dans lesquelles se complaisait le génie grec, saint Jean énonce ses pensées, à la manière des Hébreux, en sentences brèves et détachées, en phrases simplement juxtaposées, et non reliées par des conjonctions ou des pronoms relatifs. Cette simplicité de construction des phrases ne nuit pas toutefois à l’effet de l’exposition. Non seulement la richesse et la profondeur des pensées compensent la simplicité de la phrase, mais encore leur opposition se manifeste dans la structure extérieure, et l’antithèse produit souvent le parallélisme. Les propositions brèves se succèdent d’une façon presque rythmée. La même idée est aussi fréquemment répétée en termes identi ques ; certains mots abstraits, tels que Çuiq, QôvaTo ;, àX^6eia, irXfipwjia, ôptapTia, etc., sont d’usage courant avec une signification symbolique. Tous ces caractères donnent au style du quatrième évangile une physionomie propre et une profonde originalité. Kaiser, De speciali Joannis aposloli grammatica, culpa negligentise Hberanda ; Davidson, Introduction to thestudy of theN. T., t. ii, p. 462 ; Westcott, Introduction to the study of the gospels, 5e édit., p. 260 ; Luthardt, Das johanneisclie Evangelium, t. i, p. 14-62. IX. Commentateurs.

Au temps des Pères.


1. Chez les Grecs. Pour réfuter le gnostique Héracléon, Origène a composé ses Commentark in Evangelium secundum Joannem, en trente-deux tomes, dont dix étaient déjà perdus à l’époque d’Eusèbe, H. E., VI, 24, t. xx r col. 577, et dont il ne reste plus que neuf avec quelques fragments, t. xiv, col. 21-829, Une nouvelle édition a été publiée par Brooke, The commentary of Orxgen on St. John’s gospel, 2 in-8°, Cambridge ; 1896. Saint Chrysostome a prononcé quatre-vingt-huit Homiliee in Evangelium Joannis, t. lix, col. 23-482. Les commentaires de Théophylacte, t. cxxiii, col. 1133-1347 ; t. cxxiv, col. 10-317, et d’Euthymius, t. cxxix, col. 1107-1501, sont en. grande partie des extraits des homélies de saint Chrysostome. Saint Cyrille d’Alexandrie a fait un Commentarius in Joannis Evangelium, t. lxxiii-lxxiv, col. 9-756. Nonnus a publié en hexamètres grecs une Paraphrasis Evangehi secundum Joannem, t. xliii, col. 749-920. La Catena Patrum grsecorum in S. Joannem, éditée par Cordier, Anvers, 1630, contient des commentaires de Théodore de Mopsueste, t. lxvi, col. 727-786V d’Apollinaire de Laodicée, d’Ammonius, etc. Cramer a édité, Oxford, 1844, une autre chaîne, reproduisant d’autres citations des Pères grecs. Voir t. ii, col. 484. Theodori Mopsuesteni Commentanus in Evangelium D. Johannis, a J. B. Chabot editus, in-8°, Paris, 1897., t. I (texte syriaque). — 2. Chez les Latins, saint Augustin a expliqué au peuple d’Hippone le quatrième Évangile : Tractatus cixiv in Evangelium Joannis, t. xxxv, col. 1379-1976. Le vénérable’Bède les a résumés : Evan~ gelii Joannis expositio, t. xcii, col. 635-938. Saint Patère, t. lxxix, col. 1073-1086, et Alulfe, ibid., col. 1239-127<V ont recueilli dans les œuvres de saint Grégoire le Grand les explications le plus souvent allégoriques de. quelques, passages du quatrième Évangile.

Au moyen âge.

Saint Bruno d’Asti a composé

des Commentaria in Evangelium Joannis, t. clxv, caL.

451-604. Rupert a publié quatorze livres In Evangelium S. Joannis, t. ctxix, col. 205-826. Il ne nous est parvenu que le prologue et quelques parties du commentaire de Jean Scot, t. cxxii, col. 283-348. D’Albert le Grand nous avons des Enarrationes in Joannem, dans Opéra. t. xxiv, Paris, 1899 ; de saint Thomas d’Aquin, une Expositio in Evangelium Joannis, dans Opéra, t. xix-xx, Paris, 1876 ; de saint Bonaventure, un Commentarius in Ev. S. Joannis, dans Opéra, t. VI, Quaracchi, 1893, p. 239, 532, et des Collationes inEv. S. Johannis, ibid., p. 536634. Les scholies de Bar Hébrasus sur saint Jean, tirées de son Trésor des mystères, ont été éditées par Schwartz, Greg. Bar Ebhraya m Ev. Joannis commentarius, Gœttingue, 1878.

Dans les temps modernes.

1. Catholiques : Cajetan,

dans Opéra, t. iv, Lyon, 1639 ; Guillaud, Enai*rationes in Evangelium Johannis, Paris, 1550 ; Tolet, In sacros. Joannis Ev. commentarii, Cologne, 1589 ; Maldonat, Comment, xii quatuor Evangeha, _Pom-à-Mousson, 1576-1597 ; Ribera, Comment, xii Johannis Ev., Ljon, 1613 ; Jansénius, Telraleuchus sive commentarius in quatuor Evangelia, Louvain, 1639 ; les commentaires qui embrassent tout l’Ancien Testament ou seulement tout le Nouveau ; Klee, Commentar uber das Evangelium nach Johannes, Mayence, 1829 ; A. Maier, Commentar uber das Ev. des Joannes, Carlsruhe et Fribourg-en-Brisgau, 1843-1845 ; Patrizi, In Joannem comment’., Rome, 1857 ; Mesmer, Erklarung des Johannes-evangeliums, Insprùck, 1860 ; Bisping, Erklarung des Ev. nach Johannes, Munster, 1869 ; Haneberg, Evangelium nach Johannes, édité par Schegg, 2 in-8°, Munich, 1878-1880 ; Corluy, Comment, in Ev. S. Johannis, 2e édit., Gand, 1880 ; Poelzl, Kurzgefasster Commentar zum Ev. de ? hl. Johannes, Gratz, 1882, 1896 ; Liagre, Comment, m libros hist. N.T., t. iii, Tournai ; Schanz, Commentar uber das Ev. des hl. Johannes, Tubingue, 1885 ; L. Cl. Filhon, Évangile selon S. Jean, Paris, 1887 ; Mac Evilly, An exposition of tlte Gospel of Ht. John, Dublin, 1889 ; Klofutar, Commentarius in Ev. S. Joannis, 2e édit., Vienne, 1894 ; Knabenbauer, Comment, xii Ev. secundum Joannem, Paris, 1898. — 2. Protestants : Brentz, In D. Johannis Evangelium exegesis, 1534 ; Calvin, In Evangelium secundum Joannem commentarius, Genève, 1555 ; Lampe, Comment, analylico-exegeticus tam literalis quam realis Evangelix Joannis, Amsterdam, 1724 ; Lucke, Commentar Mer das Evangelium des Johannes, 1820 ; 3e édit., 1840 ; Hilgenfeld, Das Evangelium und die Briefe Johannis, Halle, 1849 ; Tholuck, Commentar zu dem Evangelium des Johannes, Hambourg, 1827 ; 7e édit., 1857 ; Meyer, Krxtxsch eœegetisches Handbuch uber das Evangelium des Johannes, Gœttingue, 1832 ; 5 8 édit., 1869 ; 8e édit., par Weiss, 1893 ; Luthardt, Das Johanneische Evangelium, Nuremberg, 1850 ; Ewald, Die Joannexschen Schriften, Gœttingue, 1861-1862, Hengstenberg, Das Evangelium des hexl. Johannes, Berlin, 1861-1863 ; ’Daumlein, Commentar uber das Ev. des Johannes, Stuttgart, 1863 ; Godet, Commentaire sur l’Évangile de saint Jean, 2 in-8°, Paris, 1864-1865 ; Scholten, Het evangelxe naar Johannes, 1867 ; E. Reuss, La théologie johannique, Paris, 1870 ; Abbott, An illustrated commentary on the Gospel of St. John, Londres, 1879 ; Milligan et Moulton, À popular commentary on the Gospel of St. John, Edimbourg, 1880 ; Westcott, St. John’s Gospel, Londres, 1880 ; Plummer, The Gospel aecording to St. John, Londres, 1881 ; Watkins, The Gospel aecording to St. John, Londres, 1881 ; Keil, Commentar uber das Evangelium des Johannes, Leipzig, 1881 ; Sadler, The Gospel aecording to St. John, Londres, 1883 ; Wîchelhauss, Das Evangelium des Johannes, Halle, 1884 ; Bugge, Das J ohannes-Evangehum, Stuttgart, 1894 ; H. J. Holtzmann, Johannes Evangelium, Fribourg-en-Brisgau, 1892. E. Maigexot.

12. JEAN (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT). — I. AU-THENTICITÉ. — Bien qu’elle soit anonyme et qu’elle n’ait pas de titre qui fasse connaître son auteur, la première des trois Épîtres attribuées à l’apôtre saint Jean, est réellement l’œuvre du disciple bien-aimé du Sauveur et de l’Évangéliste. Les arguments extrinsèques et intrinsèques qui prouvent cette authenticité et la communauté d’origine de cette Épître et du quatrième Évangile, emportent la conviction de la majorité des critiques et résistent aux objections des adversaires de l’authenticité des deux écrits.

Arguments extrinsèques.

La première Épltre de

saint Jean était déjà connue de Polycarpe et de Papias, disciples l’un et l’autre de l’apôtre. Saint Polycarpe, Phil., viii, Funk, Patrum apostolic. opéra, Tubingue, 1887, t. i, p. 274, appelle « antéchrist » quiconque ne reconnaît pas que Jésus-Christ est venu dans la chair, et sans être une citation textuelle cette déclaration dépend évidemment de I Joa., vi, 2-3. Au témoignage d’Eusèbe, H. E., III, 39, t. xx, col. 300, Papias reproduisait des passages empruntés à la I re Épître de saint Jean. Sans doute, Polycarpe et Papias n’affirment pas que l’Épltre qu’ils citent est l’œuvre de l’apôtre, leur maître ; mais ils ne disent rien à l’encontre et leurs témoignages prouvent à tout le moins l’existence de cette lettre, que les Pères vont attribuer expressément à saint Jean. Saint Irénée, Cont. hær., III, xvi, n. 8, t. vii, col. 927, cite deux passages de cette Épltre, Joa., iv, 1-3 ; v, 1, qu’il affirme avoir été écrite par Jean, le disciple du Seigneur. Eusèbe, H. E., v, 8, t. xx, col. 449, confirme qu’Irénée mentionnait la I™ Épître de Jean et en citait de nombreux passages. Le Canon de Muratori rapporte le premier verset de cette Épître et en conclut que saint Jean avait été le témoin oculaire et auriculaire des faits qu’il raconte et des miracles du Sauveur. Voir t. ii, col. 170. Tertullien, De prmscript., 33, t. ii, col. 46, signalant les hérésies que les apôtres ont combattues dans leurs écrits, dit que saint Jean, dans son Épltre, appelle « antéchrists » ceux qui nient que le Christ soit venu dans la chair et que Jésus soit le Fils de Dieu. Cf. I Joa., iv, 2-3 ; Adv. Marc, m, 8, xbid., col. 331. Il cite Adv. gnost. scorpiace, 12, t. ii, col. 147-148, des passages de cette même npitre, qu’il attribue à l’apôtre Jean, auteur de l’Apocalypse. Il fait de même, Adv. Praxeam, 15, t. ii, col. 173. Saint Cyprien cite divers passages de cette Épître sous le nom de l’apôtre saint Jean. Epist., xxv, n. 2, t. iv, col. 296 ; Episl., lvi, 2, col. 360 ; De bono patxentise, 9, col. 652. Clément d’Alexandrie, Pœdag., iii, 11, 12, t. viii, col. 661, 677 ; Strom., ii, 15, col. 1004 ; iii, 4, 5, 6, col. 1137, 1148, 1149, et Origène agissent de même. De orat., 12-22, t. ix, col. 484, etc. Eusèbe, H. E., vi, 25, t. XX, col. 584, témoigne qu’Origène n’avait aucun doute sur l’origine apostolique de la I™ Épltre de saint Jean. Denys d’Alexandrie, qui refusait à l’apôtre la paternité de l’Apocalypse, ne faisait aucune difficulté de lui attribuer le quatrième Évangile et l’Épître catholique. Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 697, 700. Il se séparait ainsi des Aloges, dont il avait subi, au moins indirectement, l’influence. Ces critiques peu avisés sont les seuls qui, dans l’antiquité chrétienne, ont rejeté en bloc tous les écrits de saint Jean, les Épîtres aussi bien que l’Évangile et l’Apocalypse, et qui les ont attribués, pour des motifs critiques et sans argument traditionnel, à l’hérétique Cérinthe. S. Épiphane, Hær., Ll, 3, 34, t. xli, col. 892, 949. Leur opposition à l’authenticité de la I re Épître de saint Jean, n’a été reprise que par quelques critiques modernes, dont les arguments purement intrinsèques n’ont pas obtenu les suffrages de tous les savants..

Arguments intrinsèques.

D’ailleurs, la I re Épître

de saint Jean a toujours partagé le sort du quatrième Évangile et, comme lui, elle a été généralement regardée comme une œmre apostolique. Elle a, en effet, avec lui les ressemblances les plus frappantes, au point que « 93

JEAN (PREMIÈRE ÉPITRE DE SAINT)

1194

les adversaires de leur origine johannique les ont attribués tous deux au même auteur. Les commentateurs ont relevé entre eux de nombreuses ressemblances de vocabulaire, de style et de dialectique, les mêmes expressions caractéristiques, les mêmes images, les mêmes répétitions, les mêmes antithèses, le même procédé d’exposition et d’argumentation. Les deux prologues se ressemblent pour lefondetla manière. Lesdogmes enseignés sont identiques ; le but poursuivi est le même. C’est le même accent, la même simplicité, le même caractère. Tout concourt à faire reconnaître l’auteur du quatrième Évangile. S’il ne se nomme pas, s’il se tait sur ses prérogatives apostoliques, il ne s’en révèle pas moins de la manière la plus manifeste. Il affirme qu’il a été témoin de ce qu’a fait sur terre le Verbe de vie ; il parle avec autorité et il combat les erreurs qui commencent à se glisser dans les Églises. Les divergences de locutions et de doctrines que quelques critiques constatent avec complaisance et non sans exagération, voir, 1. Réville, Le quatrième Évangile, Paris, 1901, p. 52-54, ne suffisent pas à prouver la diversité des auteurs. Si donc le quatrième Évangile est l’œuvre de l’apôtre Jean, la I re Épître, qui est manifestement du même auteur, a aussi une origine apostolique.

IL Intégrité. — Si l’origine apostolique de la I™ Épître de saint Jean n’a jamais, sinon dans ces derniers temps, été sérieusement contestée, on discute depuis trois siècles sur l’authenticité du verset dit des trois témoins célestes, et du début du verset suivant. I Joa., V, 7-8 : "Ote Tp£i ; £Ï<jtv o (jiapTupoûvTSç [èv tû oupavû, ô irarrçp, & Xo’yoc xa’i r’o ây’ov ïcveûjia, xai outoi oi rpete ïv eîoiv. Kat xpeïç sîoiv oi u.apTvpoOvT£ ? Iv T » j yf ; ], to irveOu.a xui tô tfëtûp xai tô aî(j.a, xai oi xpeïç si ; tô Sv eitiv. La discussion porte sur l’authenticité des mots mis entre crochets. Existaient-ils dans le texte primitif de l’Épître apostolique, ou bien ne sont-ils pas une interpolation introduite postérieurement dans les manuscrits de la Yulgate latine 9 Pour répondre à ces questions, il est nécessaire d’exposer auparavant sles éléments du problème.

Manuscrits grecs.

De tous ceux qui sont connus

aujourd’hui et qui ont été collationnés, il n’y en a que quatre qui contiennent le verset controversé. Ce sont des cursifs, de date assez récente. Le plus ancien, le cursif 83 et 173 des Actes, qui est du xie siècle, ne l’a xju’en marge et d’une écriture qui n’est que du xvie ou du xviie siècle. Le Codex Ravianus, qui est à Berlin, est seulement de la fin du xvi » siècle ou du commencement du xvii » ; il paraît n’être qu’une copie de l’édition de la Polj glotte d’Alcala. Le Montfortianus, cursif 61 des Évangiles, au Collège de la Trinité, à Dublin, est du commencement du XVIe siècle. On pense qu’il est le manuscrit anglais, duquel Érasme a pris le verset des trois témoins célestes pour sa troisième édition du Nouveau Testament grec. L’Oltobonianus 296 du Vatican, cursif 162 des Actes, est un manuscrit grec-latin du XVe siècle. Les onciaux connus et la masse des cursifs n’ont pas le verset discuté. Il manque aussi dans les manuscrits des Épistolaires grecs et il ne se trouve pas même dans toutes les éditions imprimées de 1’'Atc( ! o-toXo « . En y ajoutant les quelques manuscrits grecs qui sont censés l’avoir contenu, on n’arriverait jamais qu’à un nombre infime de documents de cette sorte.

Versions.

On ne connaît aucun manuscrit de la

Peschito qui ait ce verset et les éditions imprimées qui y le reproduisent ne l’ont qu’au moyen d’une traduction faite sur le texte latin de la Vulgate. La version de Philoxéne ne l’a pas davantage. On ne l’a encore retrouvé dans aucun manuscrit des versions coptes et éthiopienne. Les anciens manuscrits arméniens ne le contiennent pas, et les plus récents qui le possèdent ont subi l’influence latine à partir du XIIe siècle. Quant aux manuscrits latins, deux seulement des anciennes ver sions le reproduisent, le Monacensis, q, du VIe siècle, qui paraît être le texte dont se servait Fulgence de Ruspe, et le Spéculum, iii, qui a été faussement attribué à saint Augustin, et qui est du viii « ou du ix » siècle. Le plus grand nomb.-e des anciens manuscrits de la Vulgate hiéronymienne ne l’ont pas. On le trouve dans la Bible de Théodulfe, 9380, à la Bibliothèque nationale de Paris, du viii s siècle, dans le Cavensis, du rxe siècle, le Toletanus, du Xe, et le Demidovianus, du xii", etc., mais avec des transpositions et des variantes notables. A partir du XIIe siècle, la plupart des manuscrits latins le contiennent. Son absence dans les anciens manuscrits latins est constatée par le célèbre Prologue aux Épîtres catholiques, faussement attribué à saint Jérôme. Cette pièce est déjà reproduite dans. le Fuldensis et, par suite, remonte à la fin du v siècle ou au commencement du VIe. Or, son auteur se plaint des traducteurs latins qui, au grand détriment de la foi, ont omis dans leurs versions un témoignage si importanten faveur de la sainte Trinité. Pair, lat., t. xxix, col. 828-831.

Pères et écrivains ecclésiastiques.

1. Antérieurement

au XIIe siècle, il n’y a pas un seul écrivain grec qui ait cité expressément le verset des trois témoins célestes, soit dans un commentaire des Épîtres catholiques, soit dans un traité théologique sur le mystère de la Trinité. On a bien signalé dans les œuvres des Pères grecs, de prétendues allusions au ꝟ. 7 du chapitre v de la I™ Épître de saint Jean ; mais quand on examine de près ces témoignages, il faut convenir qu’ils se rapportent plutôt à d’autres passages du Nouveau Testament, dans lesquels l’unité divine est explicitement affirmée. Le ꝟ. 7 non seulement n’est pas cité, isolément et à part, mais il manque dans les écrits des Pères qui citent un groupe de versets contenant le huitième et le neuvième. Ainsi en saint Cyrille d’Alexandrie, Thésaurus, t. lxxv, col. 616, et dans les commentaires d’CEcuménius, t. exix, col. 676-677, et de Théophylacte, t. cxxvi, col. 61. Mais au IVe concile de Latran, en 1215, le verset des trois témoins fut cité en grec et en latin dans la condamnation de Joachim de Flore. Mansi, Concilia, t. xxii, p. 984. Cette citation prouve que les Grecs le recevaient alors aussi bien que les Latins. Des écrivains postérieurs, Calécas, De principiis fidei catholiese, 3, t. ciii, col. 516, et Joseph Bryenne, cité par Griesbach, Novum Testamentum, 1806, t. ii, appendix, l’ont connu. Aucun écrivain sj rien ne l’a reproduit. Au rapport de Galanus, Concihatio Ecclesise armense cum romana, t. i, p. 436, 461, 478, des évêques et des conciles arméniens du XIIIe et du xive siècle citaient ce verset, mais on ne l’a encore trouvé dans aucun écrit arménien antérieur. — 2. Toutefois, si l’Église orientale ne connaît ce verset que très tardivement, les écrivains de l’Église latine s’en sont servis plus tôt. Plusieurs critiques estiment que Tertullien, Adv. Praxeam, 25, t. ii, col. 188, en parlant de l’unité divine dans la trinité des personnes, fait allusion au verset contesté. L’allusion, il faut l’avouer, n’est guère transparente, et si l’Africain vise un texte sacré, c’est plutôt Joa., x, 30, qui est immédiatement cité explicitement. Le témoignage de saint Cyprien, De unit. Ecclesise, 6, t. iv, col. 519, est à première vue plus formel. Au passage, Joa., x, 30, l’évêque de Cartilage joint une autre citation biblique : Et iterum de Pâtre et Filio et Spiritu Sancto scriptum est : Et hi très unum sunt. Ce second texte scripturaire relatif aux trois personnes divines, paraît bien être le verset des trois témoins célestes. Saint Fulgence, Responsio contra Arianos, t. lxv, col. 224, cite le verset tout entier de la première Épître de saint Jean et rapporte dans ce sens le témoignage de saint Cyprien. Une allusion au même verset se retrouve encore dans saint Cyprien, Epist. ad Jubaian., 12, t. iii, col. 1117. On

<>st en droit d’en conclure que l'évêque de Carthage lirait ce texte dans « on exemplaire du Nouveau Testament. Les adversaires de l’authenticité prétendent que la citation : Et hi très unum sunt, est empruntée, non ! pas au jl. 7, qui n'était pas encore dans la Bible latine, mais au ꝟ. 8 que beaucoup de Pères ont interprété de la Trinité au sens mystique. Il est juste de leur répliquer qu’on ne trouve dans les œuvres de saint Cyprien aucune trace de cette interprétation mystique et que rien n’autorise à la lui attribuer, sinon le témoignage de Facundus d’Hermiane, Pro defensione trium capit., i, 3, t. lxvii, col. 535-536, qui explique les paroles de saint Cyprien dans le sens de l’interprétation mystique du ꝟ. 8. Les autres écrivains de l'Église d’Afrique, sauf saint Augustin, citent fréquemment ce verset contesté. Ainsi saint Fulgence, en dehors du passage déjà indiqué, le reproduit encore, De Trinit., 4, t. lxv, col. 500, et en tire une conclusion dogmatique pour réfuter Arius. Le traité Pro fide catholica, qui est attribué à saint Fulgence. mais qui est plutôt d’un écrivain africain du même temps, contient ce verset parmi les témoignages invoqués en faveur de la Trinité, 8, t. lxv, col. 715. Voir aussi Contra Fabianum fragm., 21, ibid., col. 777. Victor de Vite, De persecut. vandalica, iii, 11, t. lviii, eol. 227, rapporte une profession de foi des évêques d’Afrique réunis en concile en 484 dans laquelle le verset de saint Jean est apporté en preuve de l’unité de nature dans la trinité des personnes. Vigile de Tapse le cite expressément plusieurs fois, De Trinit., i, t. lxii, col. 243, 246 ; v, col. 274 ; x, goI. 297 ; Contra Varimadum, i, 5, col. 359. — Ces témoignages comergents des écrivains ecclésiastiques de l’Afrique seraient assez concluants, s’ils n'étaient contrebalancés par deux faits certains, qui diminuent leur force probante. Le premier de ces faits est la divergence des citations du même verset ; le texte latin, à tout le moins, n'était pas encore dans un état stable. Le second fait, qui est beaucoup plus important, est le silence du grand docteur. de l’Afrique, saint Augustin. Non seulement on ne trouve nulle’part dans ses œuvres si nombreuses ni une citation nette et explicite du ꝟ. 7, ni même une allusion, mais dans son traité Contra Maximinum, ii, 22, n. 23, t. xlii, col. 794-795, scrutant tous les passages bibliques où se lisent les mots : unum sunt, il ne connaît de l’apôtre saint Jean dans l'Épitre comme verset des trois témoins que le fi. 8, qu’il entend mystiquement de la sainte Trinité. Dom Sabatier, Bibliorum sac. latinse versiones antiques, Reims, 1743, t. iii, p. 978, en a conclu : « Il est plus clair que le jour que saint Augustin ne connaissait pas le verset 7. * — 3. Si, .quittant l’Afrique, nous interrogeons les écrivains ecclésiastiques des autres provinces de l'Église latine, nous constatons dans les œuvres de saint Jérôme, le même silence que dans celles de saint Augustin. On a parfois invoqué son témoignage, mais c’est en lui attribuant le Prologue aux Épîtres catholiques, qui contient tant d’indices de non authenticité, et qui lui est postérieur en date. Toutefois d’autres écrivains latins connaissent le verset des trois témoins célestes. Un évêque espagnol, l’hérétique Priscillien, Tract. 1 apologet., dans Corpus script, eccl., in-8°, Vienne, 1889, t. xviii, p. 6, le cite sous cette forme particulière : Sicut Joannes ait : Tria sunt quæ testimonium dicunt in terra, aqua, caro et &anguis : et hsec tria in unum sunt ; et tria sunt quæ testimonium dicunt in cœlo, Pater, Verbum et Spintus : et hsec tria unum sunt in Çhristo Jesu. La formule actuelle est reproduite par saint Eucher, Liber formularum, ' II, n. 3, t. L, col. 770 ; mais, Inslruct., i, ibid., col. 810, cet écrivain ne cite que le verset 8. Cassiodore, Complexiones in Epist. Apost., t. lxx, col. 1373, résume le texte du chapitre v de la I r * Épitre de saint Jean de façon à y inclure le J. 7, mais à la suite du }. 8. À partir de cette époque, le Jꝟ. 1 gagne de plus en plus du

terrain dans l'Église latine ; il est généralement citéjpar tous les écrivains du moyen âge. et on peut dire qu’il fut dès lors d’un usage universel dans l'Église latine.

Arguments intrinsèques.

Si on considère le

texte en lui-même, on constate qu’il est en parfaite conformité avec le style et les enseignements de saint Jean. Les expressions employées sont propres au langage de l’apôtre, ainsi (jiapTUpeïv pour exprimer le témoignage rendu aux personnes divines ; ainsi AcSyoç et LXvsîjjia pour désigner la deuxième et la troisième personnes de la Trinité ; ainsi la formule xoù outoi oJ Tpeî ; ev e’ktiv. On objecte, il est vrai, que saint Jean appelle ailleurs la troisième personne m àyiov IIveOivx, que les mots Iv tw oùpavw rendent la phrase obscure. Enfin, il est difficile de soutenir que le contexte exige nécessairement le }. 7, car le lien logique-des idées se justifie suffisamment en son absence. L. Janssens, Summa theologica, Fribourgen-Brisgau, 1900, t. iii, p. 154-161. — S’appuyant sur ces arguments, les critiques se sont divisés en deux camps opposés. Les uns, frappés surtout de l’absence du ꝟ. 7 dans les documents les plus anciens, manuscrits, versions, écrits des Pères, et aussi des variantes nombreuses qu’il présente aux premiers moments où l’on constate son existence, le tiennent pour une interpolation qui s’est glissée au v 8 siècle de notre ère dans la Bible latine, en Afrique ou en Espagne. Il serait une formule théologique, énonçant clairement l’unité substantielle des trois personnes divines, qui de la marge des manuscrits se serait introduite dans le texte et y aurait peu à peu obtenu droit de présence. Les autres, considérant surtout les témoignages des écrivains ecclésiastiques latins, concluent qu’il a toujours existé dans la version latine dont l'Église romaine s’est servie et que le concile de Trente a déclarée authentique, et que, par conséquent, il est original et primitif. Si les premiers ont à expliquer la date, le lieu et les motifs de l’interpolation, les seconds doivent rendre compte de l’omission du ꝟ. 7 dans le plus grand nombre des manuscrits et de son absence dans les œuvres des Pères grecs, syriens, arméniens, et dans celles des principaux Pères latins. L’omission dans tant de manuscrits ne se justifie pas complètement par l’hypothèse d’une erreur de transcription en raison d’un ohoiotéXs’jtov, c’est-à-dire de la ressemblance d’une partie des ꝟ. 7 et 8, ressemblance qui auraitamené les copistes à sauterie p. 7, ni par l’hypothèse d’une altération des manuscrits faite par les Ariens. Le non-emploi par les anciens Pères ne s’explique suffisamment ni par la loi du secret qui n’a jamais défendu d’enseigner le mystère de la sainte Trinité, ni par la prudence des Pères qui, dans leurs discussion ? avec les hérétiques, n’invoquaient pas un texte dont leurs adversaires rejetaient l’autorité. À s’en tenir au point de vue purement critique, il reste, des deux côtés, des difficultés à résoudre, quoique les arguments défavorables à l’authenticité paraissent prédominer.

Mais le théologien et même le simple fidèle ont d’autres devoirs que le critique, si une autorité, à laquelle ils doivent le respect, leur impose formellement l’obligation de ne pas rejeter un texte que la critique seule est impuissante à démontrer authentique. Or, bien qu’on ne puisse pas affirmer avec une certitude absolue que le concile de Trente, en déclarant la Vulgate latine authentique, ait englobé dans cette authenticité extrinsèque un verset, dont il n’a pas été question une seule fois dans les débats préliminaires, ni que les papes Sixte V et Clément VIII, en présentant à l'Église l'édition officielle de cette Vulgate latine, en aient rendu Obligatoire tout le contenu, même tous les passages dogmatiques, puisqu’ils ont reconnu que cette édition n'était pas absolument parfaite, néanmoins pour mettre fin aux discussions dont l’authenticité du p. 7 de la première Épitre de saint Jean avait été l’objet, il est intervenu, le 13 janvier 1897, une décision du Saint-Office, approuvée

deux jours plus tard par Léon XIII, déclarant qu’on ne peut pas tuto nier ni même révoquer en doute l’authenticité de ce verset. Tout catholique doit se soumettre à cette décision disciplinaire et maintenir le verset contesté dans les éditions du Nouveau^ Testament. — Cf. Wiseman, Lettres sur la première Épitre de saint Jean, dans Mélanges, trad. F. de Bernhardt, Paris, 1858, p. 223290 ; Le Hir, Études bibliques, Paris, 1869, t. ii, p. 1-89 ; Danko, Historia revelationis divin » N. T., Vienne, 1867, p. 506-512 ; Franzelin, Tractatus de Deo trino, 3e édit., Rome, 1881, p. 41-80 ; Cornely, JntradMctio specialis in singulos N. T. Ubros, Paris, 1886, p. 668-682 ; P. Martin, Introduction à la critique textuelle du N. T., partie pratique, Paris, 1885-1886 (autog.), t. V ; Id., Le verset des trois témoins célestes, I Joa., v, 7, et la critique biblique contemporaine, Amiens, 1887 ; Studium Snlesmense, De Deo trino, Solesmes, 1894, p. 32-47 ; Lamy, La décision du Saint-Office sur I Jean, v, 7, dans la Science catholique, 1898, t. xii, p. 97-123 ; M. Hetzenauer, ’Hxottvr) Aia8^xri, Insprûck, 1898, t. ii, p. 385-394 ; Id., Wesen und Principien der Bibelkrihk, Insprûck, 1900 ; L. Janssens, Summa theologica, Fribourg-en-Br. , 1900, t. iii, p. 136-166 ; K. Kunstle, Comma Johanneum, Fribourg-en-Br., 1905.

III. Destination et but.

Destination.

L’auteur

ne fournit aucune indication précise à ce sujet. Sa lettre n’a ni titre, ni adresse au début, ni salutations à la fin. Saint Augustin, Queest Evangel., ii, 39, t. xxxv, col. 1353 ; In Epist. Joa. eut Parthos tract., x, col. 1977, lui donne le nom d’Épître aux Partîtes. D’autres écrivains latins répètent ce titre. Vigile de Tapse, Cont. Varimad., i, 5, t. lxii, col. 359 ; Cassiodore, De instit. div. litt., 14, t. lxx, col. 1125, etc. On en pourrait conclure que cette Epitre a été envoyée aux chrétiens qui habitaient chez les Parthes. Mais, outre que saint Jean n’est jamais allé, que l’on sache, dans cette contrée de l’empire perse, rien dans le contenu de l’Épitre ne justifie cette attribution. On admet généralement aujourd’hui que le litre d’Epistola ad Parthos est le résultat d’une erreur de lecture. On pense que le titre îtpè> «  itap91vouç, donné à la II* Épître de saint Jean, voir Clément d’Alexandrie, Adumbratio in II Joa., t/ix, col. 737, aurait été rapporté à la I re, et, par suite de l’abréviation Ttpôç « âpOouç, interprêté faussement ad Parthos. À défaut d’indications certaines fournies par l’apôtre ou par la tradition, les critiques en sont réduits à déterminer quels furent les destinataires de l’Épître, d’après le contenu de la lettre elle-même. Elle leur paraît adressée à des chrétiens, sortis pour la plupart de la gentilité, car la recommandation de s’écarter des idoles, I Joa., V, 21, ne conviendrait guère à des judéo-chrétiens. D’autre part, l’apôtre se montre très familier avec ses lecteurs ; il les connaît très bien, comme ayant vécu longtemps au milieu d’eux. Enfin, il les prémunit contre des hérétiques qui cherchent à répandre leurs erreurs dans les églises. Il en résulte que saint Jean s’adresse aux chrétiens d’Asie Mineure, qu’il a évangélisés si longtemps et qui sont en butte aux attaques de l’erreur. Sa lettre n’est envoyée ni à des particuliers, ni à une seule Église, mais plutôt aux diverses Églises qu’il a administrées depuis Éphèse. C’est donc une lettre circulaire ou encyclique.

But.

Pour le fixer, il faut recourir aux seuls arguments

internes. Les critiques les ont interprétés dans un sens un peu différent. — 1. Beaucoup de commentateurs modernes, considérant les ressemblances saisissantes de fond et de forme et la communauté de but direct de cette Épitre et du quatrième Évangile, en ont conclu’que la lettre était destinée à servir de préface, d’introduction ou de lettre d’envoi à l’Évangile. Selon eux, l’apôtre, voulant adresser son Évangile aux Églises d’Asie Mineure, leur en aurait exposé à part le sujet et le but, comme pour les préparer à le mieux compren dre et à retirer plus de fruit de sa lecture. D’où l’Épitre est moins une lettre qu’un traité, qu’une instruction pastorale sur la divinité de Jésus-Christ et une réfutation des erreurs opposées. L’envoi de l’Évangile aurait été l’occasion de la composition de cette Épitre. Ces conclusions ne sont pas certaines, et il ne semble pas nécessaire que saint Jean ait dû écrire une lettre d’envoi pour présenter son Évangile. Son autorité était assez grande pour le faire accepter partout, d’autant que la lettre d’introduction ne contient pas plus de renseignements personnels que l’Évangile lui-même. — 2. Quoi qu’il en soit, le but direct de l’apôtre et de combattre les fausses doctrines qui se répandaient dans les Églises de l’Asie Mineure. Il est polémique et il vise les hérétiques qui divisaient la personne de Jésus-Christ, attaquaient le mystère de l’incarnation et tiraient les conséquences morales de leurs erreurs en prêchant la discorde et la dissolution la plus effrénée. Par suite, les enseignements de saint Jean sont tour à tour dogmatiques et moraux. En même temps qu’il affermit les chrétiens dans la foi à la divinité de Jésus-Christ, à la réalité de son sacrifice et à l’universalité de la rédemption, il s’efforce de les convaincre de la nécessité de pratiquer la vertu, et notamment la charité fraternelle. Les erreurs qu’il combat sont celles de Cérinthe, des Ébionites et des Nicolaites.

IV. Temps et lieu.

Si la I" Épître de saint Jean a servi de lettre d’envoi de l’Évangile, elle aurait donc été composée au même temps à peu prés et au même lieu que cet Évangile. Les critiques qui n’admettent pas cette opinion, reconnaissent cependant que l’Épitre a été composée après le quatrième Évangile, par conséquent dans les dernières années du ie siècle et à Éphèse, où saint Jean est mort. Il est impossible de préciser davantage la date de la publication de cette lettre.

V. Contenu et division.

L’apôtre annonce aux chrétiens ces trois vérités : 1° que Jésus-Christ est vraiment Fils de Dieu et en même temps vraiment homme, qu’il a effacé leurs péchés et qu’il est médiateur auprès de son Père ; 2° qu’ils doivent s’aimer les uns les autres ; 3° qu’ilsdoivent haïr le monde. Mais au lieu de les exposer séparément et méthodiquement, il passe constamment de l’une à l’autre, en revenant sur ses précédents enseignements et répétant familièrement sa doctrine. Par suite, il est à peu près impossible de faire une analyse logique de sa I re Épître. L’analyse qui suit n’est donc qu’une énumération des pensées de l’apôtre dans l’ordre de leur exposition. Après un court exorde, i, 1-4, dans lequel saint Jean semble présenter son Évangile aux fidèles, il expose : 1° que Dieu est lumière, i, 5, et il en conclut que les chrétiens doivent être des enfants de lumière, ꝟ. 6, 7, en confessant qu’ils sont pécheurs, ꝟ. 8-10, en ne péchant plus et en gardant les commandements, n, 1-6, en pratiquant enfin le précepte de la charité fraternelle, ꝟ. 7-11. Pour les amener à être des hommes de vertu, ꝟ. 12-14, il leur signale deux vices, que les enfants de lumière ne doivent pas suivre l’amour du monde, ꝟ. 15-17, le commerce avec les hérétiques, " qui nient Jésus-Christ et le Père, jt. 18-23. En les fuyant, ils resteront fidèles aux enseignements de la foi et se prépareront au second avènement de Jésus, ꝟ. 24-29. — 2° Les chrétiens sont les enfants de Dieu, iii, 1, 2. Ils doivent en remplir trois conditions : 1. ils doivent être saints et ne pas commettre le péché, qui les rendrait fils du diable, ꝟ. 3-8 ; 2. ils doivent pratiquer la charité fraternelle, que détestent les fils du démon, ꝟ. 10-15, qu’a pratiquée le Christ, ꝟ. 16-18, et dont les fruits sont la confiance en Dieu et l’exaucement des prières, jt. 19-22 ; 3. ils doivent croire au Fils de Dieu, ꝟ. 23-24, malgré l’enseignement des taux docteurs, IV, 1-3, que les enfants de Dieu n’écoutent pas, ꝟ. 4-6. — 3° Les chrétiens se reconnaissent à la pratique de la charité. Dieu leur en a : nonné l’exemple, en livrant son Fils pour eux, ꝟ. 7-11. Ellepro

cure l’union à Dieu, la foi et la confiance, ꝟ. 12-21. La foi est le principe de la charité ; elle fait aimer Dieu et le prochain et elle assure la victoire sur le monde et la vie éternelle, v, 1-12. — Épilogue. Saint Jean a écrit pour que la foi produise ces fruits dans l’âme de ses lecteurs ; il leur recommande encore de s’abstenir du péché, de fuir le monde et d’éviter l’idolâtrie, v, 13-21.

VI. Commentaires.

Des Pères.

Clément

d’Alexandrie, Adumbrat. in Epist. I Joa., t. IX, col. 733738 ; Didyme, InEpist.Uoa. ewarra(., t.xxxrx, col. 17751808 ; S. Augustin, In Epist. Joa. ad Parthos tract. X, t. xxxv, col. 1977-2062 ; Cassiodore, Complexiones m Epist. apostol., Epist. S. Joa. ad Parthos, t. lxx, col. 13691374 : Bede, Exposit. inl Epist. S. Joa., t. xciii, col. 85, 120 ; Walafrid Strabon, Glossa ordinaria, Epist. IB. Joa., t. cxiv, col. 693-704 ; Œcumenius, Comment, in Epist. 1 Joa., t. cxix, col. 617-684 ; Théophylacte, Exposât, in Epist. I S. Joa., t. cxxvi, col. 9-66. — 2° Du moyen âge. — Martin de Léon a fait un commentaire plutôt homilétique qu’eiégétique de la 1°> Épître de saint Jean. Nicolas de Gorham, Exposit. in septem Epist. canonicas, attribuée à saint Thomas d’Aquin, Opéra, Paris, 1876, t. xxxi, p. 421-463 (pour la première Épître). Hugues de Saint-Cher. Nicolas de Lyre et Denys le Chartreux ont commenté cette Épître dans leurs commentaires sur la Bible entière.

— 3° Des temps modernes. — Sans parler des commentateurs qui ont expliqué toute la Bible ou seulement le Nouveau Testament, nous signalerons les ouvrages d’Estius, de Lorin, de Justiniani, de Sérarius, de Capiton, de M. de Palacios et de Fromond sur les sept Épîtres catholiques. Nous y joindrons ceux de Bisping, de Drach, de Dewilly et de Maunoury au xixe siècle. Des commentaires protestants, on peut citer ceux d’Olshausen, de Meyer, de Lange et de Wette. Tous les Manuels exégétiques d’Allemagne et d’Angleterre contiennent un commentaire de la I » Epître de saint Jean. E. Mangenot.

13. JEAN (SECONDE ÉPÎTRE DE SAINT). — I. AU-THENTICITÉ. — Bien qu’elle soit anonyme et que son auteur ne se fasse directement connaître que par le titre de npsffëûrepo ;, cette seconde Épître a été justement, comme la première, attribuée à l’apôtre saint Jean.

Arguments extrinsèques.

Des allusions évidentes,

faites par les Pères apostoliques, prouvent au moins son existence, sinon son attribution à saint Jean. Saint Polycarpe, Philip., vii, 3, dans Funk, Opéra Patr. apostol., Tubingue, 1887, t. i, p. 274, cite II Joa., 7, plutôt que I Joa., iv, 2, 3. Saint Ignace, Smyrn., iv, 1, ibid., p. 236, donne, au sujet des hérétiques, les mêmes avis que II Joa, 10, 11. Saint Irénée, Cnnt. hssr., 1, 16, n. 3, t. vii, col. 633, cite II Joa., 11, comme une parole de Jean, disciple du Seigneur. Il fait de même, iii, 16, n. 8, col. 927, pour II Joa., 7, 8, tout en rapportant, par erreui de mémoire, cette parole à la 1° Épître de saint Jean. Le Canon de Muratori parle des Épîtres de saint Jean au pluriel, en citant un verset de la I™. Voir t. ii, col. 170. Ce pluriel est à tout le moins une attestation favorable à la IIe Épître, car plus loin l’auteur de ce canon mentionne explicitement deux Épîtres catholiques de saint Jean. Il semble dire toutefois qu’elles ont été écrites par les amis de Jean en son honneur comme la Sagesse de Salomon. Tertullien, De pudic, 19, t. ii, col. 1020, parlant de la I re Épître de Jean, dit expressément qu’elle est la « première ». Sa façon de s’exprimer manifeste qu’il connaît au moins une « seconde » lettre du même écrivain. Dans un concile de Carthage, tenu sous saint Cyprien, un évêque nommé Aurélien, a cité II Joa., 10-11, comme parole de l’apotre saint Jean, Patr. lai., t. iii, col. 1072. Clément d’Alexandrie témoigne de la même manière. U cite la I™ Épître de saint Jean comme « la plus grande » des Épîtres de l’apôtre, Strom., ii, 15, t. viii, col. 1004 ; il en connaît donc au moins une plus petite. Il a, d’ailleurs, « commenté » la IIe, t. ix, col. 737-740. Origène, In hb. Jeiu

Nave, honi. ru, 1, t. xii, col. 857, attribue à saint Jean plusieurs Épîtres. Dans un fragment de son commentaire sur l’Evangile de saint Jean, rapporté par Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xx, col. 584, il sait qu’il existe des doutes sur l’authenticité de la IIe et de la IIIe Épîtres de saint Jean ; mais s’il les mentionne, il ne les approuvepas entièrement. Saint Denys d’Alexandrie, l’adversairerésolu de l’origine johannique de l’Apocalypse, loin de douter de l’attribution de la IIe et de la III’Épîtres à saint Jean, se sert de la différence qu’il remarque entre elles et l’Apocalypse pour attaquer cette dernière. Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 700. Saint Jérôme attribue trois Épîtres catholiques à saint Jean, Epist., lui, n. 8, t. xxii, col. 548, et la seconde nommément. Epist., cxxiii, 12 ; cxlvi, 1, col. 1053-1054, 1193. Cependant, il sait que la IIe et la IIIe sont attribuées au prêtre Jean, dont on montre encore le sépulcre à Éphèse, De vir. illust., 9, t. xxiii, col. 635, et dont parle Papias, ibid., 18, col. 670. Il affirme même que cette attribution des deux dernières Épîtres, non à l’apôtre Jean, mais au prêtre Jean, est admise par la plupart des anciens. Mais cette affirmation est contraire aux faits, tels qu’ils résultent de notre précédent exposé. Origène qui, comme on l’a vu plus haut, a mentionné, sans les approuver, des doutes contraires à l’authenticité johannique de ces deux Épîtres, n’a pas parlé du prêtre Jean. L’opinion rapportée par saint Jérôme est celle d’Eusebe de Césarée. Celui-ci range parmi les Écritures contestées la IIe et la IIIe Épître de saint Jean, qu’elles aient réellement été écrites parl’évangéhste ou par un autre écrivain du même nom. H. E., iii, 25, t. xx, col. 269. Cependant, il n’avait pas hésité à les attribuer à l’apôtre et à l’évangéliste. Dem. en., iii, 5, t. xxii, col. 216. Sous l’influence de saint Jérôme peut-être, le canon biblique du pape saint Damase, reproduit plus tard par le pape saint Gélase, a maintenu la distinction des deux Jean, attribuant la I re Épître à l’apôtre et les deux autres à un autre Jean, prêtre. Voir t. ii, col. 178. Mais le concile d’Hippone, tenu en 393° saint Augustin, De doct. christ., ii, 8, t. xxxiv, col. 41, et la lettre du pape saint Innocent I er à l’évêque de Toulouse ont rétabli l’attribution des trois Épîtres à l’apôtre Jean. De cet exposé, il résulte clairement que la tradition ecclésiastique est favorable à l’authenticité johannique de la II’Epître, et on ne peut pas nier que les. anciens en majorité n’aient reconnu cette Épître pour l’œuvre de l’apôtre saint Jean.’Le contenu de ce petit écrit n’est pas opposé à cette attribution.

Arguments intrinsèques.

L’origine apostolique

de la IIe Épître est confirmée par sa ressemblance de fond et de forme avec la I™ et avec le quatrième Évangile. Ce sont les mêmes idées et les mêmes expressionscaractéristiques : « demeurer dans la vérité, dans la lumière, dans les ténèbres. » Les erreurs contre lesquelles l’auteur met ses lecteurs en garde sont les mêmes ; le but est identique et on peut dire que la II* Épitre de saint Jean est un résumé de la I re. L’auteur parle avec la même autorité, et s’il s’est désigné par l’expression 6 mpsaêÛTSpo ;, « le vieillard, » ce n’est pas pour se distinguer de l’apôtre ; c’est plutôt parce que ce terme était de nature à le faire reconnaître certainement de ses lecteurs. C’était son surnom propre et personnel qui le distinguait de tout autre personnage et quL lui convenait spécialement en raison de son grand’âge.

II. Canonicité.

Eusèbe de Césarée, H. E., iii, 24, t. xx, col. 268, après avoir constaté que la I re Épitre desaint Jean était admise par tous sans conteste au nombre des Écritures canoniques, ajoute que les deux autres étaient controversées. Il les classe parmi les àvTtXsYÔp.eva, qu’elles soient l’œuvre de l’Évangéliste ou d’un autre Jean. Ibid., iii, 25, col. 269. Ces doutes, qui existaient dans quelques églises, notamment en Syrie, puisque la Peschito ne comprenait pas primitivement les deux dernières Épîtres de saint Jean, étaient loin d’être

universels. Ils ne semblent pas avoir eu d’autre cause que l’absence de citation de cette Épitre de la part des anciens Pères. A. Loisy, Histoire du canon du N. T., Paris, 1891, p 130. Le canon de Muratori, encore qu’il s’exprime d’une façon obscure sur leur origine apostolique, les range résolument au nombre des Ecritures canoniques. Origène, Clément et Denys d’Alexandrie les reconnaissaient comme canon’ques. Les doutes qu’Eusèbe a signalas à leur sujet, ont existé en Syrie et dans 1 Église d’Antioche, témoin un discours placé parmi les œuvres de saint Chrysostome, t. lvi, col. 424. Voir t. H, col. 175. Partout ailleurs, elles sont acceptées comme Écriture et elles figurent dans toutes les listes canoniques. Si en se rapprochant des origines, on ne les trouve citées expressément par aucun écrivain ecclésiastique, il ne faut pas s’en étonner ; leur brièveté ne donnait pas lieu à de nombreuses citations. Leur canonicité est donc certaine. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. r, 1, Erlangen, 1888, p. 209220.

III. Destinataire, but et contenu. — 1° Destinataire. — Saint Jean adresse sa II" Épitre à èx>.exTÎ) xuptî xat to ?c Tsxvotç aÔTÎi « . On a regardé cette destinataire ou comme une personne privée du nom d’Électa ou de Kyria, ou plutôt comme une église particulière de l’Asie Mineure. -Voir t. ii, col. 1652-1653. — 2° But. — L’apôtre exhorte cette femme et ses enfants, ou mieux cette église et ses fidèles à se tenir fermement attachés à la foi de Jésus-Christ et à fuir les hérétiques et leur fausse doctrine, aussi bien qu’à observer les préceptes du Seigneur et en particulier celui de la charité fraternelle.

— 3° Contenu. — 1. Dans le titre du début, l’apôtre dit à ses lecteurs qu’il les aime, parce qu’ils ont reçu la vérité et qu’ils y demeurent, ꝟ. 1-3 — 2. Après leur avoir exprimé la joie que lui cause leur persévérance, il leur rappelle le précepte de la charité, jꝟ. 4-6. — 3. Mais puisque des séducteurs nient l’incarnation du Verbe, il exhorte ses lecteurs à ne pas s’exposer à perdre la vie éternelle, en suivant leurs erreurs, et il leur ordonne de s’abstenir de tout commerce avec eux pour n’avoir pas part à leurs œuvres mauvaises, ꝟ. 7-11.

— 4. Sa lettre est courte, parce qu’il les visitera bientôt ; il les salue au nom de l’Église dans laquelle il réside, ꝟ. 12-13.

IV. Temps et lieu.

On ne sait rien de précis sur l’époque et le lieu de la composition de cette Épitre. La tradition ne fournit aucun renseignement à ce "sujet. Comme la IIe Épître de saint Jean résume la I re, on estime généralement avec raison qu’elle lui est postérieure et qu’elle date des dernières années de la vie de saint Jean et de son séjour à Éphèse.

V. Commentateurs.

Ce sont à peu près les mêmes que ceux de la I". Mentionnons Clément d’Alexandrie, t. IX, col. 737-740 ; Didyme, t. xxxix, col. 18091810 ; Cassiodore, t. lxx, col. 1373-1376 ; Bèdë, t. xciii, col. 119-122 ; Walafrid Strabon, t. cxiv, col. 703-706 ; Œcumenius, t. cxix, col. 683-696 ; Théophylacte, t. cxxvi, col. 67-80 ; Nicolas de Gorham, dans Opéra de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1876, t. xxxi, p. 464-467 ; Poggel, Der zvoexte und der dntte Brief des Apostels Johannes, Paderborn, 1896. E. Mangenot.

14. JEAN (TROISIÈME ÉPITRE DE SAINT). — I. AU-THENTICITÉ. — Les preuves de l’origine johannique de la IIIe Épitre sont à peu près les mêmes que celles de l’authenticité de la IIe. — 1° Arguments extrinsèques. — Il existe un accord d’idée et d’expression entre Hom. clément., xvii, 19, t. ii, col. 404, et III Joa., 8. Des critiques pensent que l’auteur du canon de Muratori, en parlant de l’Évangile de saint Jean, cite un passage de la I’e Épître qu’il joint ainsi à l’Évangile, et ils en concluent que les Épitres de l’apôtre, qu’il mentionne plus loin, sont la IIe et la IIIe.

Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ii, 1, Erlangen et Leipzig, 1890, p. 93 ; A. Loisy, Histoire du Canon du Nouveau Testament, Paris, 1891, p. 99. Des témoignages de Tertullien et de Clément d’Alexandrie, qui appellent la I re Épitre de saint Jean, l’un la première, l’autre la plus grande, on peut inférer que ces écrivains en connaissaient d’autres plus petites, celles que la tradition a nommées IIe et IIIe. Origène attribue à saint Jean plusieurs Épitres et il n’ignore pas les doutes qui existent déjà de son temps sur l’authenticité ^e la IIe et de la IIIe. Saint Denys d’Alexandrie reconnaît l’origine johannique de la IIIe Épître. Eusèbe de Césarée et saint Jérôme relatent l’opinion suivant laquelle la IIe et la IIIe Épitres seraient, non pas de l’évangéliste Jean, mais du prêtre Jean. Cette opinion a été exprimée dans le canon du pape saint Damase. Pour l’indication des témoignages patristiques, voir l’article précédent. A partir de la fin du ive siècle, les doutes isolés relativement à l’origine johannique de la IIIe Épître disparaissent pour n’être plus repris que dans les temps modernes. — 2° Arguments intrinsèques. — La IIe et la IIIe Épitres attribuées à saint Jean se ressemblent et sont incontestablement du même auteur. C’est le même upssjg-j-repo ; qui les a écrites. Ce « vieillard » n’est pas le prêtre Jean, dont l’existence n’est pas certaine, mais l’apôtre qui seul avait assez d’autorité pour blâmer et reprendre Diotrèphe (t. ii, col. 1438), l’un des chefs, peut-être l’évêque d’une église d’Asie Mineure. Pour se faire écouter, Jean n’avait pas besoin de revendiquer ses droits supérieurs d’apôtre ; il lui suffisait de se désigner par le nom de irpsuëûtepoc, sous lequel il était universellement connu à cause de son grand âge.

II. Canonicité.

La IIIe Épître de saint Jean a eu la même destinée que la IIe, à laquelle elle a toujours été étroitement unie, et elle a été rangée avec elle parmi les écrits contestés du Nouveau Testament. Les doutes sur la canonicité ont été restreints aux églises d’Antioche et de Syrie. Mais le canon de Muratori, Origène, Clément et Denys d’Alexandrie reconnaissaient à ces deux Épitres l’autorité canonique. Les doutes ont disparu au IVe siècle, et depuis lors, la IIIe Épître de saint Jean a occupé nne place incontestée dans le canon de la Sainte Écriture.

III. Destinataire, but et contenu. — 1° Destinataire.

— Saint Jean a adressé sa IIIe Épître à un chrétien d’Asie Mineure, nommé Gaius ou Caius. Voir col. 44. — 2° But.

Il voulait le louer de son zèle à exercer l’hospitalité

envers les frères, les chrétiens et spécialement les docteurs itinérants, qui prêchaient partout l’Évangile. Il blâme, par contre, Diotrèphe, un des chefs, peut-être l’évêque de l’Église dont Gaius était membre, de ne pas bien remplir les lois de l’hospitalité envers la même catégorie d’étrangers. Voir t. ii, col. 1438. —3° Contenu.

— Après la salutation du début, ꝟ. 1-2, l’apôtre exprime à Gaius la joie qu’il a ressentie en apprenant ses vertus et en particulier sa généreuse hospitalité, et il l’exhorte à continuer d’aider à l’avenir, autant qu’il le faudra, les missionnaires de l’Évangile, ꝟ. 3-8. Il blâme fortement Diotrèphe de ce que lui, le chef de l’église, loin d’exercer personnellement l’hospitalité, chasse de son église ceux qui reçoivent les docteurs étrangers. Quand il reviendra bientôt, il mettra ordre à cette situation, t- 9-10. Il termine sa courte lettre par l’avertissement général d’accomplir toujours le bien ; il recommande Démétrius, le porteur de la missive, voir t. ii, col. 1365, et il salue son correspondant, ꝟ. 11-14.

IV. Temps et lieu.

Comme pour la IIe Épitre, il n’y a rien de certain sur la date et le lieu de composition de cette IIIe lettre ; mais il est très vraisemblable qu’elle a été rédigée à la fin de la ^ ie de l’apôtre et à Éphèse.

V. Commentateurs.

Mentionnons Didyme, t. xxxrx, col. 1811-1812 ; Cassiodore, t. lxx, col. 1375-1376 ; Bède, t. xciii, col. 121-124 ; Walafried Strabon, t cxiv, col. 1203 JEAN (TROISIÈME ÉPITRE DE SAINT) — JEAN DAMASCÈNE

1204

705-706 ; Œcuménius, t. cxix, col. 697-704 ; Théophylacte, t. cxxvi, col. 79-84 ; Nicolas de Gorham, dans Opéra de saint Thomas d’Aquin, Paris, 1876, t. xxxi, p. 467-470 ; les commentateurs de la I™ et de la IIe Épltre ; A. Harnack, Ueber den drilten Johannesbrief, dans les Texte und Untersuchungen, t. xv, 3e fasc, Leipzig, 1897. E. Makgenot.

15. JEAN CHRYSOSTOME (SAISIT), docteur de l'Église, patriarche de Constantinople, né à Antioche en 344 ou 347, mort près de Comane dans le Pont le 14 septembre 407. Il étudia la rhétorique sous le célèbre Libanius et embrassa la carrière du barreau à laquelle il renonça pour se livrer à la méditation des Saintes Écritures. En 369, saint Melèce, évêque d’Antioche, lui conféra le baptême et l’ordonna lecteur. Quelques années plus tard, apprenant qu’on voulait le faire évêque, il s’enfuit dans la solitude. Saint Flavien, successeur de Mélèce l’ordonna prêtre en 386 et lui confia le ministère de la prédication près des fidèles de son diocèse. C’est de cette époque que datent ces homélies qui valurent à saint Jean le surnom de Bouche d’Or. À la mort de Nectaire, patriarche de Constantinople, saint Jean Chrysostome fut choisi pour lui succéder malgré l’opposition de Théophile d’Alexandrie. Il fut sacré le 26'février 398 et, continuant de vivre comme un moine, il se consacra tout entier à l’instruction de son peuple et à la réforme des abus. Mais bientôt une coterie se forma contre le zélé pasteur et sous l’inspiration de Théophile irrité de ce que le patriarche de Constantinople avait accueilli quelques moines origénistes chassés du" désert de Nitrie, une assemblée d'évêques se tint dans le faubourg du Chêne, près de Chalcédoine. Dans ce conciliabule, saint Jean Chrysostome, qui avait refusé d’y comparaître, fut déclaré coupable, déposé et renvoyé devant le tribunal de l’empereur sous une fausse accusation de lèse-majesté. Le faible Arcadius confirma le décret de déposition et rendit un décret d’exil contre le patriarche de Constantinople. Effrayés par l'émeute et par divers prodiges, l’empereur et l’impératrice Eudoxie s’empressèrent de rappeler le saint évêque qui reprit aussitôt possession de son siège. Mais l’orage ne tarda pas à éclater de nouveau. Dans les derniers mois de 403, une statue de l’impératrice Eudoxie avait été élevée devant la basilique de SainteSophie et des jeux bruyants avaient été organisés selon la coutume pour l’inauguration de ce monument. Saint Jean Chrysostome se plaignit de ce que ces divertissements prolongés pendant plusieurs jours troublaient le service divin. Eudoxie en fut très irritée et provoqua la convocation d’un nouveau concile qui, trop soumis aux ordres de la cour impériale, condamna et déposa le patriarche de Constantinople que l’empereur exila en Bithynie, puis à Cucuse dans la Petite-Arménie et enfin à Pithyonthe sur la côte orientale du Pont-Euxin. Mais avant d’arriver à cette dernière ville le saint, épuisé par les fatigues et les mauvais traitements, mourait près de Comane dans les bâtiments d’une église dédiée au martyr saint Basilisque.

Saint Jean Chrysostome, considéré à bon droit comme " le plus grand des exégètes chrétiens, a expliqué l'Écriture Sainte presque en entier. Il en fait ressortir le sens littéral, avec une clarté, une précision et une élévation que personne n’avait atteintes avant lui ; son exégèse est une suite continue de savantes recherches et d’exhortations pratiques qui ont été imitées par la plupart des commentateurs grecs venus après lui. Voici les travaux exégétiques qui nous restent de ce saint docteur : Homilise lxvii in Genesim, t. Lin, col. 21-384 ; liv, col. 385-580 ; voir t. lxiv, 499-502 ; Expositio in Psalmos, t. LV, col. 35-527 ; Spuria in Psalmos, t. lv, col. 528-784 : les fragments qui nous restent de cette exposition sont considérés comme la meilleure explication patristique ; Interpretatio in Isaiam prophetam, t. lvi, col. 11, 94 :

une édition différente et plus complète en a été publiée : In Isaiam prophetam Interprétatif S. Joannis Chrysostomi nunc primum ex armenio in lalinum sermonem a Patribus Mekhitaristis translata, in-8°, Venise, 1887 ; Interprétatif in Damelem prophetam, t. lvi, col. 193-246 ; Homilise in Matthseum, t. lvii, col. 21-472 ; t. lviii, col. 472-918 ; Homilise in Joannem, t. Lix, col. 29-482 ; Homillee in Acla Apostolorum, t. lx, col. 13384 ; Homilise in Epistolam ad Romanof, t. lx, col. 391-682 ; t. lxiv, 1038 ; in Epistolam 1 ad Corinthios, t. lxi, col. 9-380 ; in Epistolam II ad Corinthios, t. lxi, col. 382-609 ; Commentarius in Epistolam ad Galatas, . t. lxi, col. 610-682 ; Homilise in Epistolam ad Ephesios, t. lxii, col. 11-176 ; in Epistolam adPhilippenses, t. lxii, col. 177-298 ; in Epistolam ad Colossenses, t. lxii, col. 299-391 ; in Epistolam I ad Thessalonicenses, t. lxii, ëbl. 392-467 ; in Epistolam II ad Thessalonicenses, t lxii, col. 462-500 ; in Epistolam 1 ad Timotheum, t. lxii, col. "501-599 ; inEpistolam II ad Timotheum, t. lui, col. 600-612 ; in Epistolam ad Titum, t. lxii, col. 663-700 ; in Epistolam ad Philemonem. t. lxii, col. 701-720 ; in Epistolam ad Hebrxos, t. lxiii, col. 9-236. Un grand nombre d’homélies de saint Jean Chrysostome se rapportent à divers faits ou passages de l’Ancien et du Nouveau Testament et en particulier au t. li, col. 17-388, se trouvent Homilise xxv in quædam loca Novi Testamenti. De nombreux fragments d’ouvrages perdus ou attribués à ce saint docteur ont été publiés dans le t. lxiv ; Fragment um in Ubros Regum, col. 502, d’après Mai, Biblioth. nova Patrum, t. ii, 493 ; Fragmenta m librum Job, col. 503-656, d’après la Catena de Nicétas d’Héraclée publiée par Patr. Junius, Londres, 1637, et d’après Bandini, Grsecse Ecclesim vêlera rnonumenta, t. ii, p. 182 ; In Salomonis Proverbia commentariorum relir quise, col. 659-739, d’après Mai, Biblioth. nova Patrum, t. IV, p. 153 ; In Jeremiam prophetam, col. 740-1037, d’après une Catena publiée par Mich. Ghisleri dans son commentaire sur Jérémie, 3, in-f°, Lyon, 1613 ; Fragmenta in Epistolas cathoUcas, col. 1039-1062, d’après J. A. Cramer, Catense grsecorum pal’mm m Novum Testamentum, . Mil, 1844. Signalons enfin deux homélies De prophetiarum obscuritate, t. lvi, col. 163-192, et une Synopsis Yeteris et Novi Te&tamenti, t. lvi, col. 313-316.

Les œuvres de saint Jean Chrysostome ont été souvent imprimées. Les éditions les plus connues sont celles du jësuite Fronton du Duc, texte grec et latin, 12 in-f", Pans, 1609-1633 ; celle de l’anglican H. Savile, texte grec seul, 8 in-f", Eton, 1610-1613 ; et celle du bénédictin Bernard de Montfaucon, 13 in-f », Paris, 1718-1738 ; 13 inf°, Venise, 1718-1738, réimprimée avec quelques améliorations 13 in-8°, Paris, 1834-1840. L'édition de B. de Montfaucon a été reproduite par Migne dans les t. xliilxiv de la Patrologie grecque. Toutefois le texte grec des homélies sur saint Matthieu a été emprunté à l'édition qu’en a donnée Fr. Field, 3 in-8°, Cambridge, 1839. — Voir Stilting, Acta sanctorum, septembris t. iv, 1753, p. 401 ; A. Neander, Der heil. Joh. Chrysoslomus und die Kirche in dessen Zeitalter, 2 in-8°, Berlin, 1848-1858 ; E. Martin, S. Jean Ch)-ysostome, ses œuvres et son siècle, 3 in-8°, Montpellier, 1860 ; Th. Forster, Chrysostomus in seinem Verhaltniss zur antiochemschem Schule, in-8°, Gotha, 1869 ; A. Thierry, S.Jean Chrysostome et l’impératrice Eudoxie, in-12, Paris, 1874 ; A. Puech, Un réformateur de la société chrétienne au iv siècle. S. Jean Chrysostome et les mœurs de son temps, in-8°, Paris, 1891 ; Fabricius, Biblioth. grseca, édit. Harles, t. viii, p. 454 ; R. Ceillier, Hist. des

auteurs ecclésiatiques, 2e édit., t. vii, col. 1 ; Bardenhewer, Patrologie, 1894, p. 306.
B. Heurtebize.

16. JEAN DAMASCÈNE (saint), appelé par les Arabes Mansur, du nom de sa famille, naquit à Damas vers

la fin du viie ou au commencement du VIIIe siècle. Son père, Sergius, qui occupait, sous le khalife Abdelmalek, d’importantes fonctions administratives, confia l’éducation de ses fils Jean et Cosmas à un moine italien nommé Cosmas. À la mort de son père, Jean Damascène lui succéda dans sa charge de iipwTo<nj|j.ëouXoç ; mais il fut disgracié, sous la pression de l’empereur Léon l’Isaunien, après la publication, vers 738, de ses écrits pour la défense des saintes images. Il se retira alors dans la laure de Saint-Sabas, près de Jérusalem, et s’y occupa de la composition d’un grand nombre d’écrits dogmatiques. On ignore la date exacte de sa mort, qui se place entre les années 754 et 787. — On ne connaît de saint Jean Damascène qu’un seul écrit relevant directement des études bibliques, c’est l’extrait fait par lui du commentaire de saint Jean Chrysostome sur les épîtres Me saint Paul, publié pour la première fois par Lequien, au tome n de son édition des œuvres de saint Jean Damascène, et reproduit par Migne, t. icv, col. 439, 1034., Ce travail a consisté tantôt à recopier intégralement des passages entiers de saint Jean Chrysostome, tantôt à en fournir l’équivalent ; et dans ce dernier cas, à certains endroits, par exemple Rom., v, 12, le commentaire de saint Jean Damascène vaut mieux que celui de son modèle. De plus, ce n’est pas seulement à saint Jean Chrysostome que Damascène a emprunté, on a relevé dans son œuvre bon nombre de citations de Théodoret de Cyr et de saint Cyrille d’Alexandrie, surtout dans les Épîtres aux Éphésiens, aux Colossiens et aux Thessaloniciens. Lequien a fait observer que le manuscrit des Épîtres pauliniennes dont s’est servi saint Jean Damascène est différent de celui qu’emploie saint Jean Chrysostome, et que ce texte ne manque pas de valeur. On a constaté aussi que Théophylacte de Bulgarie a fait usage de l’écrit de saint Jean Damascène. Allatius a signalé (voir Patr. Gr., t. xciv, col. 183, n. lxxxi), d’après un catalogue manuscrit de la bibliothèque Laurentienne à Florence, un ouvrage de saint Jean Damascène, intitulé : Xûvo<j/t< ; eï ; tt|v iraXaiâv tpoifrp Siaca <pt(76EïOT( cppio<Toçix6){. Ce traité, dont Allatius recommandait la publication, est resté inédit.

J. Van den Gheyn.

17. JEAN DE BACONTHORP, BACON OU BACHO,

carme anglais, mort à Londres, en 1346. Il tire son nom de Baconsthorpe, petit village du comté de Norfolk. Le célèbre Roger Bacon était son grand oncle. Il entra de bonne heure chez les Carmes, étudia à Oxford et à Paris, et devint provincial de son ordre en Angleterre. Il se rendit maître de toute la science connue de son temps et devint le docteur de son ordre comme saint Thomas celui des dominicains. Il publia sur toute espèce de sujets un si grand nombre d’écrits qu’il n’aurait pu les porter sur son corps de nain sans en être écrasé. On remarquait parmi ses œuvres des commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament, mais aucune édition complète de ses œuvres n’a jamais été publiée et la plupart de ses manuscrits sont même aujourd’hui perdus. — Voir Renan, Averroès et l’averroisme, in-8°, Paris, 1860, . p. 318 ; L. Stephen, Dictionary of national Biography, t. ii, 1885, p. 379. Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée, t. iii, 1822, p. 409-413, donnent la liste complète de ses ouvrages imprimés et non imprimés.

18. JEAN DE GORCOM (Joannes Gorcomius), théologien belge catholique, mortà Bois-le-Ducle 29 octobre 1623 ou 1628. Né de parents protestants, il se convertit et se retira à Bois-le-Duc où il fut ordonné prêtre. Parmi ses écrits : Gheestelycke Verclaringe ofte Uytlegginge op Cantica canticorum, in-12, Bois-le-Duc, 1616 ; Epitome commentariorum Guillelmi Estii S. Theologise

-doctoris, et Cornelii a Lapide in omnes D. Pauli Epistolas, in-12, Anvers, 1619 ; une édition de ce dernier ouvrage fut publiée sous le titre : Medulla Paulina seu

conipendium commentariorum Guilî. Estii, Cornelii a Lapide, etJoannis Marianne in Eputolas Pauli et canonisas, in-8°, Lyon, 1623. — Voir Valère André, Biblioth. belgica, p. 508 ; Paquot, Mémoires pour servir à l’histoire littéraire des Pays-Bas, t. i, p. 65.

B. Heurtebize.

19. JEAN LE PETIT DE SALISBURY, philosophe, évêque de Chartres, né à Salisbury en Angleterre, vers 1110, mort à Chartres le 25 octobre 1180. Il étudia à Paris où il suivit les cours d’Abeilard. Vers 1140, lui-même ouvrit une école dans cette ville qu’il quitta bientôt pour aller habiter l’abbaye de Moutier-la-Celle, au diocèse de Troyes. Étant retourné en Angleterre, il devint, sur la recommandation de saint Bernard, secrétaire de Théobald, archevêque de Cantorbéry. Il s’attacha plus tard à saint Thomas Becket, et avec son maître se réfugia en France. Avec celui-ci, il retourna en Angleterre ; mais, après le meurtre de l’archevêque de Cantorbéry, il passa de nouveau sur le continent. Il fut nommé évêque de Chartres en 1176, et en cette qualité assista au concile de Latran. Parmi ses écrits on place, sans preuves suffisantes, une explication des Épîtres de saint Paul : Commentarius in D. Pauli Epistolas, in-4°, Amsterdam, 1646. — Voir Patr. Lat., t. cxcix, col. 1 ; Hist. littéraire de la France, t. xiv, p. 89 ; Galha christiana, t. viii, col. 1146 ; Dom Ceillier, Hist. générale des auteurs ecclésiastiques (2e édit), t. xiv, p. 675.

B. Heurtebize.
    1. JEANNE##

JEANNE (’laxxvva ; Vulgate : Joanna ; féminirf de 'Ia>âw(]ç, Jean), femme de Chusa, intendant ou économe {ïizhpa-Koç, procurator) d’Hérode Antipas. Luc, viii, 3. Elle avait accompagné Notre-Seigneur de Galilée à Jérusalem et elle fut une des saintes femmes qui se rendirent au Saint-Sépulcre pour embaumer le corps du divin Maître et apprirent là sa résurrection. Luc, xxiv, 10. La qualité de cette femme explique comment Hérode Antipas était renseigné sur Jean-Baptiste et le Sauveur, ayant, de plus, à sa cour, Manahen, son frère nourricier, qui était également un disciple de Jésus. Voir Hérode Antipas, col. 647.

    1. JÉBAAR##


JÉBAAR. I Par., iii, 5. Voir Jébahar.

    1. JÉBAHAR##

JÉBAHAR (hébreu : Ybhàt ; « [Dieu] choisit ; » Septante : ’E6sâp, II Reg., v, 15 ; ’Egaâp, IPar., iii, 6 ; Baâp, I Par., xiv, 5), fils de David, qui lui naquit à Jérusalem. Dans les trois passages où il est nommé, il est toujours placé entre Salomon et Élisua (Élisama). Dans I Par., m, 6, la Vulgate écrit son nom Jébaar. On ne sait rien de son histoire.

    1. JÉBANIAS##

JÉBANIAS (hébreu : Ybnîyâh, « que Jéhovah bâtisse ! » Septante : ’Isjivoct ; Alexandnnus : Megocva ?). Benjamite, père de Raguel, grand-père de Saphatia. I Par., ix, 8.

    1. JÉBLAAM##

JÉBLAAM (hébreu : lble’âm ; Septante : omis Jos., xvii, ll ; Vaticanus : Bala.Y. ; Alexandrinus : Balxây., 3u(l., I, 27 ; Vat. : ’Ex6Xaâ|I. ; Alex. : ’Iêaâi, IV Reg., IX, 27), ville de la tribu d’Issachar. — 1° Elle fut donnée aux enfants de Manassé, qui n’arrivèrent pas immédiatement à en déposséder les Chananéens. Jos., xvii, 11 ; Jud., i, 27. C’est près de là que fut mortellement blessé Ochozias, roi de Juda, fuyant de Jezræl devant Jéhu. IV Reg., ix, 27. Elle est appelée Baalam (hébreu : Bil’dm), I Par., vi, 70 (hébreu, 55), où elle est désignée comme cité lévitique. Voir Baalam, t. i, col. 1323. Elle est aussi mentionnée au livre de Judith, iv, 4 ; vii, 3 ; viii, 3, sous le nom de Belnia, en grec : BeXocjiiiv, BavajKuv, Bevfiiv, etc. Voir Belma, t. i, col. 1570. Citée avec Béthulie, Dothain (Tell Dothân) et Chelmon (El-Yamôn), elle doit être cherchée près de ces localités. Nous savons d’ailleurs que le roi Ochozias, avant d’être mortellement frappé près de Jéblaam, avait passé par Bêt-haggdn

(Vulgate : domus horti, « la maison du jardin » ), c’est-à-dire Engannim, aujourd’hui Bjénîn. IV Reg., IX, 27. Voir Engannim 2, t. ii, col. 1802, et la carte d’IssACHAR, col. 1008. Or, à deux kilomètres au sud de cette dernière ville, à une lieue au nord-est de Tell Dolhân, sur la limite de la plaine ou Sahel’Arrabéh, on rencontre des ruines, Khirbet Bel’améh, qui, par le nom aussi bien que par la situation, répondent exactement à l’antique Jéblaam. L’arabe i)., » b, Bel’améh, reproduit, en effet, avec la terminaison féminine en plus, toutes les consonnes de l’hébreu nyba, Bilâm, I Par., vi, 55, et avec le », yod initial, en moins, aybv, lble’dm, Jos., xvii, 11 ; Jud., i, 27 ; IVReg., IX, 27. Pour la vocalisation, cf. G. Kampffmeyer, Alte Namen im heutigen Palashna und Syrien, dms la Zeitschrift des Deutschen Palastina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 40. On trouve le même nom sur les monuments égyptiens, parfaitement

transcrit sous la forme " J ( - J35, I-b-ra-’a-mu ou Yablu’amu. Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 26 ; G. Maspero, Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmos 111, qu’on peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the Victoria Instilute, or Philosophical Society of Great Britain, 1886, p. 9 ; W. Max Muller, Asien und Europa nach altdgyptischen Denkmalem, Leipzig, 1898, p. 195.

2° Khirbet Bel’améh occupe un petit plateau dominant une colline dont les pentes hérissées de broussailles sont appuyées par plusieurs murs de soutènement. On y remarque principalement les restes d’une tour dont les murailles sont très épaisses ; elle ne paraît pas remonter au delà de l’époque des croisades, mais elle a pu remplacer une autre construction analogue, plus ancienne, dont les matériaux auront servi à la bâtir elle-même. Indépendamment de ces vestiges encore assez considérables, tout le plateau est parsemé d amas de pierres de différentes dimensions et d’innombrables débrisde poteries. Environné de trois côtés par des rauns assez profonds, il a pu autrefois servir d’assiette à une petite place forte, aujourd’hui complètement renversée. Au pied de la colline se trouve un puits appelé Bir Belaméh, peu profond, de forme circulaire et bâti avec des blocs assez réguliers. Un peu plus loin, un autre puits, appelé Bir es-Sendjem, se trouve à l’entrée d’un souterrain, éudemment antique, qui a trois mètres cinquante centimètres de large. Le vestibule est maçonné et surmonté d’une voûte en plein cintre ; puis commence le souterrain proprement dit, creusé dans le roc ; il s’enfonce dans les flancs de la colline. Comme il est maintenant à moitié rempli par une grande quantité de débris accumulés, on peut à peine, en se baissant, y cheminer pendant une trentaine de pas. À en croire les guides de la contrée, il s’étendait fort loin encore, en s’élevant progressivement jusqu’au milieu de la ville qui couronnait autrefois le sommet de la colline. Il permettait ainsi à ses défenseurs, en cas d’attaque, de descendre jusqu’au puits, dont l’abord, du côté de la vallée, pouvait être alors dérobé à la vue de l’ennemi au moyen d’un mur. Cette tradition n’a rien que de très vraisemblable. Cf. V. Guérin, Samarie, t. i, p. 339, 340. — On a propose pour Jéblaam d’autres identifications : Djélaméh, entre Zer’in et Djénîn ; Yebla, au nord-ouest de Béîsân. Cf. Wilson, dans Smith, Dictionary of the Bible, 2e édit., Londres, 1893, t. i, part. ii, p. 1417 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Otd and New Testament, Londres, 1889, p. 91. Toutes les deux s’écarlent des conditions que réunit Khirbet Bel’améh.

A. Legendre.
    1. JEBNAËL##

JEBNAËL (hébreu : Yabne’êl, « Dieu bâtit ; » Vaticanus : ’IeçOaiwu ; Alexandrinus : ’Iap vvjXL ville fron tière de la tribn de Nephthalî, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., xix, 33. La place qu’elle occupe entre Adami-Néceb et le Jourdain semble fixer sa position vers le sud-ouest du lac de Tibériade. Voir la carte de la Galilée, col. 88. Faut-il l’assimiler à la i’Iafiveia, ’Ia|j.v£6, que Josèphe, Vita, 37 ; Bell, jud., II, xx, 6, met au nombre des villages de la haute Galilée qu’il fortifia ? Le rapprochement des noms, loin de s’y opposer, le ferait plutôt croire, puisque nous voyons Yabne’êl de la tribu de Juda, Jos., xv, 11, devenir’Iau-vEta, Jamnia, à l’époque des Machabées. I Mach., x, 69 ; xv, 40. Voir Jamnia, col. 1115. Mais la situation de’la(j.v ! 0 dans la Galilée supérieure est un obstacle réel, si l’on doit chercher Jebnæl au sud-ouest du lac de Génésareth. Pour la distinction entre les deux parties de la Galilée, voir Galilée 1, col. 87. Le Talmud tra-Buit Yabne’êl de Nephthali par nd> nss, Kefar Yama’, ou rra> isd, Kefar Yamah, « le village sur la mer. » Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 225 ; R. J. Schwarz, Bas heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 144. Il est difficile, dans ce cas, de ne pas reconnaître la cité dont nous parlons dans L » j, Yemma, entre le Thabor et la pointe sud du lac de Tibériade. C’est un village ruiné, en pierres basaltiques, situé sur un monticule, près d’une fertile vallée où coulent plusieurs sources, qui portent le nom de’AyOn Yemma et forment un petit marais. Cf. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 268 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. i, p. 365 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 94.

A.- Legendre.

    1. JEBNÉEL##

JEBNÉEL (hébreu : Yabne’êl ; Septante : Aeêvâ), ville frontière de la tribu de Juda. Jos., xv, 11. Elle est appelée ailleurs Jabnia, II Par., xxvi, 6, et Jamnia, I Mach., iv, 15 ; v, 58, etc. Voir Jamnia.

A. Legendre.
    1. JEBSERA##

JEBSERA (hébreu : Ybéâm ; Septante : ’Is|ia<râv ; Alexandrinus : Te8a<r<iv), cinquième fils de Thola, l’un des chefs de la tribu d’Issachar. Les descendants de Thola se distinguèrent par leur bravoure, au nombre de 22600 dans l’armée de David. I Par., vii, 2.

    1. JÉBUS##

JÉBUS (hébreu : Yebûs, Jud., xix, 10, 11 ; I Par., xi, 4, 5 ; ha-Yebûsî, Jos., xviii, 28 ; Septante : Tsêoûç), un des noms de Jérusalem. Il se trouve sous une double forme dans le texte hébreu : Yebûs, Jud, , xix, 10, 11 ; I Par., xi, 4, 5 ; hay-Yebûsî, Jos., xv, 8 ; xviii, 16, 28. Cette dernière, avec l’article, est le nom ethnique et signifie littéralement « le Jébuséen ». C’est ainsi que la Vulgate l’a traduit, Jos., xv, 8 ; xviii, 16, et pourtant" l’addition : hsec est Jérusalem, « celle-ci est Jérusalem, » Jos., xv, 8, montre qu’il s’agit là, aussi bien que Jos., xviii, 28, de la ville et non pas du peuple. Les Septante ont mieux compris le sens du mot en mettant partout’Ie60yç ; le Vaticanus porte seulement’Iegouuai. Jos., xviii, 16. Cette antique dénomination de la ville sainte ne se rencontre donc en somme que dans quelques passages des Livres Saints : trois fois dans Josué, à propos des limites de Juda, xv, 8, des limites et des possessions de Benjamin, xviii, 16, 28 ; voir Benjamin, t. i, col. 1590 ; deux fois (trois d’après la Vulgate) dans le livre des Juges, à propos du malheureux lévite d’Éphraim s’en allant avec sa femr^e de Bethléhem à Gabaa, Jud., xix, 10, 11 (Vulgate, 14) ; deux fois au premier livre des Paralipomènes, xi, 4, 5, au sujet de la prise de la ville par David. On a souvent conclu de ces textes que Jébus était le plus ancien nom de Jérusalem. Ce n’est pas sûr, car les tablettes de Tell el-Amarna appellent régulièrement la ville U-ru-sa-lim. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, Berlin, 1896, p. 308, 310, 312, etc., lettres 180, 181, 183. Voir Jérusalem.

<
A. Legendre.
    1. JÉBUSÉENS##

JÉBUSÉENS (hébreu : hay-Yebûsî, avec l’article, partout excepté II Reg., v, 8 ; I Par., xi, 6 ; Zach., ix, 7, oùl’ontrouvesimplement Fetûsî/Septante^’lEgouffaîoi ;, le plus souvent au singulier, quelquefois au pluriel ; ’Is60u(jt’, Jud., xix, ll ; Esd., ix, 1), nom d’une peuplade de la Palestine issue de Chanaan. Gen., x, 16 ; I Par., i, 14. Mentionnée entre les Héthéens et les Amorrhéens, elle habitait comme eux la partie montagneuse du pays. Num., xiii, 30 ; Jos., XI, 3. Dans la liste des peuples qui occupaient la Terre promise avant l’arrivée des Hébreux, liste qui revient assez souvent et d’une manière presque identique dans la Bible, elle tient la dernière place (excepté Judith, v, 20), sans doute parce qu’elle était la moins nombreuse. Cf. Gen., xv, 21 ; Eiod., iii, 8, 17 ; xiii.

caractère des Jébuséens. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils surent admirablement choisir leur capitale, la place la mieux pourvue de défenses naturelles au sein de la contrée. Voir Jérusalem. S’ils la perdirent, ce fut par un excès de confiance en sa force, et plutôt par une sorte de bravade de leur part que par manque de courage. II Reg., v, 6, 8. Leur caractère guerrier paraît, en effet, dans l’ardeur avec laquelle, sous la conduite de leur roi, ils se soulèvent contre Gabaon, dans la ligue qu’ils forment pour châtier la cité transfuge. Jos., x 1-5. Leurs mœurs et leur religion durent être celles des Chananéens. Il en est de même de leur langue. —’Le seul Jébuséen désigné nominativement dans l’Écriture est Oman. Voir Orkan. A. Legendrl.

214 Prise d’une ville par les Assyriens et prisonniers emmenés captifs. Koyoundjik. D’après Layard, Monuments o[ Nineveh, t. ii, pl. 31.

5 ; xxiii, 23 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11 ; Deut., vii, 1 ; xx, 17 ; Jos., iii, 10 ; ix, 1 ; xii, 8, xxiv, ll ; Jud., iii, 5 ; III Reg., ix, 20 ; II Par., viii, 7 ; Esd., ix, 1 ; Neh., ix, 8. Elle avait pour capitale Jébus ou Jérusalem, Jud., xix, 11, dont le roi, Adonisédech, fut vaincu devant Gabaon, poursuivi et mis à mort par Josué. Jos., x, 1, 5, 23, 26 ; XII, 10. Cependant les Israélites ne purent chasser les habitants de cette ville, Jos., xv, 63 ; Jud., i, 21, et les Jébuséens restèrent maîtres de la citadelle jusqu’au jour où David s’en empara. II Reg., v, 6, 8 ; I Par., xi, 4, 6. Par cette conquête, les vaincus ne furent pas complètement dépossédés, puisque nous voyons le vainqueur lui-même acheter d’Areuna ou Oman le Jébuséen l’aire où il élèvera un autel et où plus tard le temple sera bâti. II Reg., xxiv, 16, 18 ; I Par., xxi, 15, 18, 28 ; II Par., iii, 1. Cependant, en perdant leur nationalité, « 1 est probable qu’ils s’incorporèrent peu à peu aux Hébreux, comme le laisse supposer une comparaison de Zacharie, ix, 7. — La Bible ne nous donne aucun renseignement qui nous permette d’apprécier le

    1. JECÉMIA##

JECÉMIA (hébreu : Yeqamydh ; Septante : ’Isxenîa ; Alexandrinus : ’Iexsvia), de la tribu de Juda, fils du roi de Jérusalem, Jéchomias. IPar., iii, 18. — Un autre descendant de Juda par Sésan, qui porte le même nom en hébreu, est appelé dans la Vulgate Icamia. I Par., ii, 41. Voir col. 803.

    1. JÉCHÉLIA##

JÉCHÉLIA (hébreu : Yekolydhû ; Septante : ’IzyOJ.a), femme d’Amasias, roi de Juda, et mère du roi Ozias, son successeur. Elle était de Jérusalem. IV Reg., xv, 2 ; II Par., xxvi, 3. Dans ce dernier passage, le nom de la reine est^crit en hébreu : Yekolydh.

    1. JÉCHONIAS##

JÉCHONIAS (hébreu : Yehônyâh, I Par., iii, 16, 17 ; Esth., ii, 6 ; Jer., xxvii, 20 ; xxviii, 4, Yehôyâkîn, II (IV) Reg., xxiv, 6, 8, 12, 15 ; II Par., xxxvi, 9 ; Jer., lu, 31 ; Yôydkîn, Ezech., i, 2 ; une fois, Jer., xxiv, 1, Yekonyâhû ; une autre fois, au chetib, Jer., xxvii, 30, Yehônyâh ; Konyâhû, Jer., xxii, 24, 28 ; xxxvii, 1 ; Septante ; Me^ovia ;, ’I^X 1’! * ! etc.), l’avant-dernierdesroisde 1211

JÉCHONIAS

JECMAAN

f212

Juda (598 avant J.-C). Il est appelé Jéchonias dans I Paralipomènes, m, 16, 17 ; dans Esther, ii, 6 ; xi, 4 ; dans Jérémie, xxrv.l, etc. ; dans Baruch, i, 3, 9, etdansMatth., i, 11, 12. Dans IV Rois, xxiv, 6, etc., il est toujours appelé Joachin, ainsi que dans II Par., xxxvi, 8, 9 ; Jer., lii, 31, etc. — Jéchonias était le petit-fils du roi Josias et le fils d’Éliacim qui régna sous le nom de Joakim. Voir Josias et Joakim. Sa mère s’appelait Nohesta et était de Jérusalem. IVReg., xxiv, 8. Elle dut jouer un certain rôle politique, à cause de la jeunesse de son fils. Cf. Jer., xiii, 8 ; xxii, 26 ; xxxix, 2. Il avait dix-huit ans, d’après IV Reg., xxiv, 8, huit ans seulement, d’après II Par., xxxvi, 9, quand il monta sur le trône. Cette dernière leçon, qui se ht aussi dans les Septante, IV Reg., xxiv, 8, est jugée la plus probable par les critiques. — Le règne de Jéchonias ne dura que trois mois. Son père Joakim était devenu roi par la faveur du pharaon Néchao, et lui avait payé tribut : mais la puissance de l’Egypte n avait pas tardé à être brisée par Nabuchodonosor, et Juda avait dû se reconnaître vassal du roi de Babylone, après avoir senti tout le poids des forces chaldéennes. Quand Jéchonias monta sur le trône, il ne pouvait pas compter sur l’appui de l’Egypte, et il n’était pas en état de résister aux Chaldéens. Jer., xxii, 24. Ce n’était qu’un enfant et « un vase de terre fragile », Jer., xxii, 28 ; il paraît cependant s’être révolté contre Nabuchodonosor, puisque ce prince alla assiéger Jérusalem, la 8e année de son règne, c’est-à-dire en 598. La ville ne tarda pas à succomber, et le roi de Juda fut emmené captif à Babylone avec sa mère, ses serviteurs et ses officiers (fig. 214). Tous les trésors du Temple et du palais royal durent être livrés au vainqueur. IV Reg., xxiv, 10-16. Cf. Ezech., xix, 5-9. Le malheureux Jéchonias resta enfermé en prison pendant trente-six ans, IV Reg., xxv, 9, expiant ainsi le mal qu’il avait fait à l’exemple de son père. IV Reg., xxiv, 9. Quatre ans après sa chute (594), un faux prophète nommé Hananias, fils d’Azur (voir Hananias 10, col. 415), avait annoncé que, dans deux ans, le roi de Juda serait rétabli sur son trône et les captifs, de retour dans leur patrie. Il comptait sans doute sur l’intervention d’Apriès, roi d’Egypte. Jérémie le démasqua. Jer., xxviii, 1-17. C’est sans doute vers la même époque que les Juifs déportés en Chaldée avaient tenté de se révolter contre Nabuchodonosor. Nous apprenons par la lettre que leur écrivit Jérémie qu’il y avait parmi eux de faux prophètes, entre autres Achab, fils de Colias, et Sédécias, fils de Maasias, qui leur annonçaient que la captivité touchait à sa fin, quoiqu’elle dût durer soixante-dix ans. Jer., xxix, 8-23. Nabuchodonosor fit périr par le feu Achab et Sédécias, sans doute parce qu’ils avaient été les fauteurs d’une sédition contre lui. Jer., xxix, 22. On peut supposer que ces tentatives d’affranchissement de la part des Juifs furent la cause pour laquelle le roi de Babylone tint si durement en prison Jéchonias pendant si longtemps.

— Daniel et Ezéchiel étaient captifs en Chaldée en même temps que Jéchonias. Le premier ne parle jamais de lui dans son livre ; le second date ses prophéties par les années de la captivité du roi de Juda, depuis la cinquième, Ezech., i, 2, jusqu’à la vingt-septième. Ezech ;, xxix, 17. — La cinquième année de la captivité, Baruch lut sa prophétie à Jéchonias et aux autres captifs de Babylone qui envoyèrent des offrandes à Jérusalem, afin que les prêtres du vrai Dieu y priassent pour Nabuchodonosor et pour eux. Bar., i, 2-13. — Le malheureux roi de Juda ne sortit de prison qu’après la mort de son vainqueur. Le nouveau roi de Babylone, Évilmérodach, le traita avec faveur. IV Reg., xxv, 27 ; Jer., LU, 31.

— Une ancienne tradition fait de Jéchonias (Joakim) lemari de Susanne (Voir Joakim). Comme le remarque Jules l’Africain, Epist. ad Origen., 2, t. xi, col. 45, ce Joakim avait un palais et un jardin qui ne pouvaient guère convenir qu’à un roi. Cependant cette identification n’est pas prouvée. Jéchonias eut plusieurs enfants. I Par., iii,

17 ; cf., Baruch, I, 4 ; Matth., i, 12. — Jérémie, xxii, 30, dit : « Ecrivez que cet homme est sans enfants, » mais il explique lui-même que cela signifie qu’aucun homme de sa race « ne prospérera » et il parle dans ce verset et ꝟ. 28 de « sa postérité ». — Nous ne savons rien des dernières années, et de la mort de Jéchonias. — Son nom reparaît dans Esther, ii, 6, où nous apprenons que Cis, l’ancêtre de Mardochée, avait été déporté en même temps que ce prince. — Enfin il est nommé une dernière fois dans la généalogie de Notre-Seigneur en saint Matthieu, !, 11-12. F. Vigouroux.

    1. JECMAAM##


JECMAAM, nom, dans la Vulgate, d’un lévite et d’une ville. Les deux noms sont différents en hébreu. Une autre localité appelée en hébreu Yoqme’dm, comme le Jecmaam-ville de la Vulgate, devient Jecmaan dans la version latine.

1. JECMAAM (hébreu : Yeqam’âm ; Septante : ’Iexe-V-icte ; ’Isxjxodefju), lévite, le quatrième fils d’Hébron, de la famille de Caath. Il vivait du temps de David.

I Par., xxiii, 19 ; xxiv, 23. Dans ce second passage, la Vulgate écrit son nom Jecmaan.

2. JECMAAM (hébreu : Yoqmëàm ; Septante : Vahcanus : ’Ixai|j. ; Alexandrinus : Iex(iaâv), ville lévilique de la tribu d’Ephraim, donnée aux fils de Caath. I Par., vi, 68 (hébreu, 53). Dans la liste parallèle de Jos., xxi, 22, on lit Cibsaim, hébreu : Qibsaim. Y a-t-il une faute de copiste produite par la confusion de certaines lettres ou les deux noms représentent-ils une même localité ? Nous ne savons. Voir Cibsaim, t. ii, col. 749. En tout cas, l’emplacement de Jecmaam est aussi inconnu que celui de Cibsaim. Comme le nom hébreu est le même que celui de la ville mentionnée, III Reg., iv, 12, on croit généralement que la cité éphraimite est celle qui formait la limite du district confié par Salomon à Bana. Voir Jecmaan 2. Elle eût été alors dans la vallée du Jourdain, qe qui cadrerait assez avec la position des autres villes lévitiques de la même tribu, espacées en différents coins du territoire : Sichem au nord, Béthoron au sud, Gazer à l’extrémité sud-ouest, et Jecmaam à l’est.

A. Legfndre.

    1. JECMAAN##


1. JECMAAN, I Par., xxiv, 23. Voir Jecmaam 1.

2. JECMAAN (hébreu : Yoqme’âm ; Septante : Vaticanus : Aouxàu ; Alexandrinus : ix Maâv), une des limites du territoire que Salomon avait placé sous l’administration de Bana, fils d’Ahilud. III Reg-, iv, 12. Ce territoire comprenait Thanac (Ta’annûk), Mageddo (El-Ledjdjûn), Bethsan (Béisâri), et l’auteur sacré ajoute (d’après l’hébreu) : « depuis Bethsan jusqu’à Abelméhula, jusqu’au delà de Yoqme’âm. » Les Septante ont traduit’ad mè’èbér le-Yoqme’âm, par liai Maé6ep, Aouxàu. ( Vaticanus), Icoç MeuSpaSe’t èx Mariiv (Alexandrinus), ce qui prouve que ce passage les a embarrassés.

II est, en effet, difficile, parce que Jecmaan est inconnue. Les autres noms sont parfaitement identifiés « t nous montrent que le district confié à Bana s’étendait sur des villes, importantes de la grande et fertile plaine d’Esdrelon, jusque sur les bords du Jourdain. Voir la carte d’Issvchar, col. 1008. Abelméhula, sur Vouadi el-Maléh, formait une des extrémités de la circonscription à partir de Bethsan. Jecmaan formait peut-être l’extrémité opposée, mais dans quelle direction ? C’est ce que nous nesavons. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 115, penche pour l’ouest, où alors la cité dont nous parlons se confondrait avec Jéconam, hébreu : Yoqne’âm, Jos., xix, 11, au pied sudest du Carmel. Voir Jéconam. La plupart des auteurs ; pensent que Jecmaan est identique à Jecmaam, ville lévitique de la tribu d’Ephraim, 1 Par., yi, 68 (hébreu : 53). Le nom hébreu est, en effet, exactement le même, . 4213

JEGMAAN — JECTAN

d2I4

Yoqmëâm ; mais l’emplacement est inconnu. Il faudrait donc probablement, dans ce cas-là, le chercher au sud d’Abelméhula, dans la vallée du Jourdain, et le point fixé par III Reg., IV, 12, indiquerait une limite non pas opposée à cette dernière localité, mais plus éloignée, dans

la même direction. Voir Jecmaam 2.
A. Legendre.
    1. JECNAM##

JECNAM (hébreu : Yoqne’âm ; Septante : Vaticanus : -fj Maiv ; Alexandrinus : ’Exvâji), ville lévitique de la tribu de Zabulon. Jos., xxi, 34. Elle est appelée ailleurs Jachanan, Jos., xii, 22, et Jéconam. Jos., xix,

11. Voir Jéconam.
A. Legendre.
    1. JÉCONAM##

JÉCONAM (hébreu : Yoqnëâm ; Septante : Vaticanus : ’Iex[iiv ; Alexandrinus : ’IzMay.), ville mentionnée, Jos., xix, 11, dans la description des limites de la tribu de Zabulon. Elle est appelée ailleurs Jachanan ; Septante : Vaticanus : ’IvL6y., Alexandrinus : ’Iexovàpi, Jos., xii, 22, et Jecnam ; Septante : Vaticanus : ïj Mocâv ; Alexandrinus : ’Exvà|i, Jos., xxi, 34. Le nom hébreu n’a pas varié dans ces trois passages ; mais, comme on le voit, il a subi de singulières modifications dans les versions. Il désigne, Jos., xii, 22, une antique cité chananéenne, dont le roi fut vaincu par Josué, et, Jos., xxi, 34, une ville de la tribu de Zabulon, assignée aux Lévites fils de Mérari. La situation de Jachanan est nettement indiquée, Jos., xii, 22, où l’hébreu porte : Yoqne-’âm lak-Karmêl, « Yoqne’âm du Carmel. » D’autre part, en décrivant la frontière méridionale de Zabulon, l’écrivain sacré, Jos., xix, 11, la prolonge vers Debbaseth (peut-être Dfébata), « jusqu’au torrent qui est contre Yoqnëâm. » Voir la carte d’ïssACHAR, col. 1008. Il nous conduit ainsi à la pointe sud-ouest de la tribu, près du « torrent » de Cison. Or, à l’ouest de Djébata, près d’un torrent, affluent du Nahr el-Muqatta, se trouve une colline appelée Tell el-Qaimûn, avec laquelle on a cherché à identifier Jéconam. Cf. Van de Velde, Reise durch Syrien und Palastma, Leipzig, 1855, t. i, p. 249 ; Memoir lo accompany the map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 326 ; E. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 115 ; G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Nanies and places m the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 102. Cette colline s’élève de 45 mètres au-dessus du sol environnant et est très escarpée vers l’ouest. Les pentes sont parsemées de nombreux amas de matériaux, restes de maisons renversées. Sur le sommet, on remarque les arasements d’une petite tour, qui mesurait 13 pas de long sur 6 de large ; quelques blocs encore en place sont bien taillés et de grandes dimensions. Plusieurs citernes pratiquées dans le roc sont cachées au milieu de hautes herbes et de chardons gigantesques. Cf. V. Guérin, Hamarie, t. ii, p. 241 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 69. Eusèbe et Saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 110, 272, signalent un bourg appelé de leur temps Ka(i, | « ûvâ, Cimona, et situé dans la grande plaine d’Esdrelon, à six milles (un peu plus de huit kilomètres) au nord de Legio (aujourd’hui El-Ledjdjùn). Ils ont le tort de l’identifier avec Camon, lieu de la sépulture de Jair, et qui appartenait au pays de Galaad, Jud., x, 5 (voir Camon, t. ii, col. 93) ; mais il répond exactement au Tell Qaimûn dont nous parlons. Ce tell représente-t-il aussi bien Jéconam ? Il est difficile de répondre avec la même assurance. Voir dans Qaimûn une corruption de l’hébreu Yoqne’âm est peut-être un peu risqué. On comprend la disparition du yod initial, mais le reste du changement est moins explicable. Au point de vue topographique, l’emplacement convient bien à la « Jachanan du Carmel », Jos., xii, 22, et à la Jéconam qui est près du torrent, Jos., xix, 11, en supposant que celui-ci soit le Cison. Rentre-t-il aussi justement dans les limites de la tribu de Zabulon, Jos., xxi, 34 ? Un peut en douter, bien

qu’il n’y ait rien d’impossible, car le point de jonction ou viennent se rencontrer les trois tribus d’Aser, de Zabulon et d’Issachar est ce qu’il y a de plus indécis. Faut-il enfin, à la suite de Robinson, Bibheal researches in Palestine, t. iii, p. 115, identifier Yoqnëâm avec Yoqme-’âm (Vulgate : Jecmaan) de III Reg., iv, 12 ? Ce n’est pas sûr. La différence ne tient qu’à une lettre, et les Septante semblent avoir un peu confondu les deux mots. Voir Jecmaam, Jecmaan, Jachanam, Jecnam. Malgré cela, il est possible que Jecmaan ne soit autre que Jecmaam, ville lévitique de la tribu d’isphraim. I Par., vi, 68 (hébreu,

53).
A. Legendre.
    1. JECSAN##

JECSAN (hébreu : YoqMn ; Septante : ’IsÇâv ; Alexandnnus : ’Ie^àv ; Bodleianus : ’Ienrâv, Gen., xxv, 2, 3 ; Vaticanus : ’Ie|âv ; Alexandrinus : ’Iexdav, I Par., i, 32), fils d’Abraham par Cétura, et père de Saba et de Dadan. Gen., xxv, 2, 3 ; I Par., i, 32. Il représente une des branches septentrionales de la grande famille arabe. On a cherché à identifier cette tribu avec les KaroavîTai de Ptolémée, vi, 7, 6, qui habitaient au sud des Cinédocolpites, sur les côtes de la mer Rouge. Mais ceux-ci représentent plutôt les Ghassanides. Cf. Frz. Delitzsch, Neuer Commentar uber die Genesis, Leipzig, 1887, p. 347. Les généalogistes arabes rapprochent Jecsan de Yâgîs, une tribu du Vémen. Cf. A. Dillmann, Die Genesis, Leipzig, 1892, p. 309. Quelques auteurs prétendent même que YoqMn est identique à Yoqtân, Jectan, de Gen., x, 25. Cf. S. Margohouth, dans Hastings, Dictionary oftlte Bible, Edimbourg, 1899, t. ii, p. 743. Qu’il y ait eu mélange de tribus et par suite extinction de quelques-unes d’entre elles, à cela rien d’étonnant chez des peuples nomades. Mais on ne saurait en conclure, malgré une certaine similitude de nom, que les Jecsanides n’aient pas existé primitivement. Voir Dadan 2, t. ii, col. 1203, et Saba.

A. Legendre.
    1. JECTAN##

JECTAN (hébreu : Yoqtân ; Septante : ’Isx-riyv), fils d’Héber et père de treize tribus qui habitèrent principalement le sud et le sud-ouest de l’Arabie. Gen., x, 25, 26, 29, I Par., i, 19, 20, 23. La version arabe de Saadias

rend l’hébreu fQp>, Yoqtân, par ^Iks 3, Qahtân.

Ce dernier nom est également celui que les historiens arabes donnent à l’ancêtre des premiers peuples de leur race, appelés Mutëarriba, distincts des enfants d’Ismæl, nommés Must’anba, ou « devenus Arabes », et des populations couschites aborigènes. Il survit encore dans celui d’un district situé au nord du Nedjrân. Pour donner une idée du territoire occupé par cet important rameau des Yaqtanides ou Qahtanides, nous rappellerons les différentes familles qui le composent, renvoyant pour les détails aux articles qui concernent chacune d’elles.

1. Elmodad (’hébreu : Almôddd ; Septante : ’Ea^wScig), difficileà identifier, représente, suivant plusieurs auteurs, les Djorhom, l’une des plus puissantes nations issues de Qahtân, et qui, fixée primitivement dans le Vémen, passa ensuite dans le Hedjàz, ou elle s’établit du côté de la Mecque et de Téhama. Voir t. ii, col. 1700.

2. Saleph (hébreu : Sâléf ; Septante : EocXéç), les Sa>aît/jvoî de Ptolémée, vi, 7, 23, le canton actuel de Salfiéh, au sud-ouest de San’a.

3. Asarmoth (hébreu ; Biâsarmâvét ; Septante : 2ap(j.<j58), les Xoapa|j.wrïTai des Grecs, dont le pays s’appelle encore aujourd’hui YHadramaut, borné à l’ouest par le Yémen, au nord par le désert el-Akhaf, à l’est par le pays d’Oman, au sud par la mer d’Oman et le golfe d’Aden. Voir t. i, col. 1060.

4. Jaré (hébreu : Yârafy ; Septante : ’Iapà-/)> inconnue. Voir col. 1036.

5. Aduram (hébreu : Hâdôrâm ; Septante : ’OSoppa), correspond, selon certains auteurs, aux Adramites de la géographie classique, voisins de l’Hadramaut, ce qui est contesté par d’autres.

6. Uzal (hébreu : ’Uzdl ; Septante : AÎSr, ), ), canton da Yémen où se trouve la ville de Sariâ, appelée autrefois Azâl ou Izâl. Voir Hczal, col. 786.

7. Décla (hébreu : Diqlâh ; Septante : AexXâ), inconnu.

8. Ébal (hébreu : ’Obâl ; Septante : EOàX ; rsfuâv), probablement les Gebanites de Pline, vi, 32, établis à l’ouest du canton d’Uzal, sur les bords de la mer, avec Tamna pour capitale. Voir t. ii, col. 1524.

9. Abimaël (hébreu : Abîmâ’êl ; Septante : ’A51(ia£X), représente la tribu des Mali ou des Alinéens, dans le pays de Mahrah. Il y avait aussi, dans les environs de la Mecque, une localité appelée Mani. Voir t. i, col. 52.

10. Saba (hébreu : Sebd’; Septante : 2 « ëâ), les Sabéens, le peuple le plus considérable et le plus fameux de l’Arabie Heureuse.

11. Ophir (hébreu : ’Ofir ; Septante : Oùçsîp), peut-être la région qui servait d’entrepôt ordinaire aux produits de I’Ophir indien, c’est-à-dire les alentours du port d’Aden.

12. Hévila (hébreu : Hàvilâh ; Septante : EysiXâ, Eùî), répond, suivant les uns, aux XauXoTatoi, que Strabon, xvi, p. 767, mentionne dans le voisinage des Nabatéens et des Agréens, sur le golfe Persique, là où les voyageurs signalent une localité appelée Âauîléh. C’est plutôt, selon les autres, le pays de Khaulân, dans le nord du Yémen, touchant à la frontière du Hedjâz. Voir col. 688.

13. Jobab (hébreu : Yôbdb ; Septante : ’Iwgàë), peut-être père des Yubaibik dans l’Yémen. Plusieurs auteurs croient ce nom altéré et le corrigent en Yobar, pour retrouver ici les 'Iti>6apïTai de Ptolémée, vi, 7, 24, ou le peuple Wabar, que les traditions arabes donnent comme issu de Qahtan et placent à l’orient d’Aden jusqu’à la frontière de l’Hadramaut. Voir Jobab.

Comme on le voit les descendants de Jectan occupaient principalement le sud et le sud-ouest de la péninsule arabique. La Genèse, du reste, x. 30, décrit ainsi les limites de leur territoire : « Leur habitation fut à partir de Messa, en allant vers Séphar, la montagne de l’Orient. » Messa (hébreu : Mêsa ; Septante : Ma<r<rî)) désigne, suivant bon nombre, d’interprètes, la Mésène de la géographie classique, le Maisdn des écrivains syriaques, auprès de l’embouchure commune de l’Euphrate et du Tigre, avec le Mésahk de nos jours, c’est-à-dire la partie du désert actuellement habitée par la grande tribu arabe des Benou-Lam, qui s’étend immédiatement en arrière de la contrée fertile du Iraq-Araby. Ce serait donc la frontière nord. D’autres cherchent à identifier Messa avec Bischa dans le Yémen septentrional. Séphar (hébreu : Sefâràh, avec hé local ; Septante : Saçrjpà) correspond ou à la ville de Zafdr dans le Yémen, ou à Zafâr, port de l’Hadramaut oriental. Quant à « la montagne de l’orient », est-ce le massif montueux et fortement relevé du Nedjd ? On peut se demander, d’après ce que nous venons de dire, quelle ligne de démarcation il pourrait déterminer. Il vaut mieux, croyons-nous, reconnaître ici la région montagneuse qui s’étend entre le Hadramaut et le Mahrah. Pour se rendre de leur pays d’origine jusque dans le Yémen, les tribus jectanides durent traverser toute la péninsule arabique dans sa plus grande longueur. Aussi est-il vraisemblable qu’elles laissèrent derrière elles des colonies jalonnant leur route. — En arrivant dans les contrées méridionales, elles les trouvèrent occupées par les Sabéens couschites, auxquels elles se mêlèrent peu à peu. La supériorité de culture de ces premiers habitants ne pouvait manquer d’exercer une influence profonde sur elles. Aussi en adoptèrent-elles la civilisation, les mœurs, les institutions, la religion et la langue ; l’usage de l’arabe proprement dit ne se conserva que chez quelques tribus de l’intérieur, qui continuaient à mener une vie à demi nomade sur la frontière du désert. Cependant, malgré cette assimilation, les deux éléments de la population demeurèrent bien distincts et en antagonisme d’intérêts, comme dans le bassin de

l’Euphrate les Assyriens et les Babyloniens, dont les premiers étaient, de même, Sémites et les seconds Couschites. Un jour vint où les Jectanides se sentirent assez forts pour triompher de la nation qui les avait reçus dans son sein. Ils attaquèrent donc les Adites, dont le second empire avait duré dix siècles, et sous la conduite de Yàrob parvinrent à en triompher. Ils furent eux-mêmes plus tard absorbés par les enfants d’Ismæl. Voir Arabe 2, t. i, col. 835. — Pour l’ethnographie des Jectanides, cf. A. Knobel, Die Volkertafel der Genesis, Giessen, 1850, p. 178-197 ; Frz. Delitzsch, Neuer Commentar ûber die Genesis, Leipzig, 1887, p. 224-228 ; A. Dillmann, Die Genesis, Leipzig, 1892, p. 198-201 ; pour l’histoire, F. Lenormant et E. Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1881-1888, t. vi, p. 349-352,

373-Mtt.
A. Legendre.
    1. JECTÉHEL##

JECTÉHEL (hébreu : Yoqte’êl, « Dieu a soumis ; » Septante : ’IsôotjX ; Vaticanus : Ka60-r, X ; Alexandrinus : ’Iex80^X), nom qu’Amasias, roi de Juda, imposa à la ville de Séla’ou Pétra, capitale des Iduméens, après l’avoir conquise. IV Reg., xiv, 7. L’hébreu Yoqte’êl est diversement interprété. Suivant les uns, il signifierait, comme Yeqûfî’êl, I Par., iv, 18, « protection de Dieu. » Cf. F. Muhlau et W. Volck, Gesenius’Handwbrterbuch, Leipzig, 1890, p. 353, 354. Suivant d’autres, il a le sens de « récompense, Ppaêsïov, de Dieu », ou celui de « soumis par Dieu ». Cf. J. Simonis, Onomasticum Veteris Testamenti, Halle, 1741, p. 501 ; Gesenius, Thésaurus, p. 1244. La Vulgate et les Septante ont traduit le mot has-Séla’par petra, raTpa, « rocher, » mais ce nom désigne la ville si remarquable appelée plus tard Pétra par les Grecs. Cf. Eusèbe et S. Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 145, 286. Amasias, après avoir vaincu les Iduméens dans la vallée des Salines, prit leur ville, une des plus difficiles à conquérir que l’on puisse imaginer, et c’est sans doute pour cela qu’il lui imposa ce nouveau nom. Mais celuici dut disparaître lorsque, sous le règne d’Achaz, les fils d’Édom reconquirent leur indépendance. IV Reg., xvi, 6 ; II Par., xxviii, 17. Voir Pétra.

A. Legendre.
    1. JECTHEL##

JECTHEL (hébreu : Yoqte’êl ; Septante : ’Iaxapsr|> ; Vaticanus : ’Iaxap£i]X ; Alexandrinus : ’h/Qarii), ville de la tribu de Juda, mentionnée une seule fois dans la Bible. Jos., xv, 38. Elle fait partie du second groupe de « laplaine », c’est-à-dire de la Séphélah. Parmi les cités qui la suivent immédiatement, deux, Lachis, Tell el-Hasy, et Églon, lihirbet’Adjlân, fixent bien sa position ; mais on n’a encore retrouvé dans ces parages aucun site avec lequel on puisse l’identifier. On a proposé de la reconnaître dans lihirbet Qutlânéh, à l’est A"Aqir ou Accaron. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 102. Mais ce point s’éloigne beaucoup trop de celui que nous venons d’indiquer d’après le texte

biblique.
A. Legendre.
    1. JÉDAÏA##


JÉDAÏA, nom de deux Israélites. Voir Id Ai a, col. 805.

1. JÉDÀ’lA, chef de la seconde classe sacerdotale du temps de David. Ses descendants revinrent à Jérusalem après la captivité de Babylone et ils sont désignés par son nom dans I Par., ix, 10. Voir Idaia 2, col. 806.

2. JÉDAÏA (hébreu : Yedâyâh, « qui loue Dieu ; » Septante : ’Iéêœea), filsd’Haromaph. Il vivait à Jérusalem du temps de Néhémie et il bâtit sa maison à côté de celle de Raphaïa. II Esd., iii, 10.

    1. JÉDALA##

JÉDALA (hébreu : Yd’âlâh ; Vaticanus : ’Itpttyû ; Alexandrinus : ’IaSï|Xâ), ville de la tribu de Zabulon, mentionnée une seule fois dans l’Écriture. Jos., xrx, 15. Le nom offre des variantes dans le texte original et dans

les versions. Au lieu de la leçon massorétique nbhnt,

T - ::*

Yd'âlâh, on trouve dans un certain nombre de manuscrits nb*n », Yr'âlâh. Cf. B. Kennicott, Vêtus Testamen TZi'

tum hebraieum cum variis lectionïbus, Oxford, 1776, 1. 1, p. 470 ; J. B. de Bossi, Vanse lectiones Veteris Testaments, Parme, 1785, t. ii, p. 94. La permutation entre le t, daleth, et le t, resch, se comprend et est assez fréquente en hébreu. La version syriaque, 'Arala, et le grec du Vaticanus, 'Izçv.yû, supposent le resch. La Vulgate elle-même porte Jedala et Jerala. Cf. C. Vercellone, Variée lecliones Vulgatæ latinte, Borne, 1864, t. ii, p. 59. Enfin Id'âlâh ou Ir'âlâh est devenue dans le Talmud in>n, jPirà ou Biriyéh. Cf. A. Neubauer, La Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 189. — Quant à l’emplacement de cette antique cité, il est parfaitement marqué au sud-ouest de la tribu, où se trouvent Sémeron [Semuniyéh) et Bethléhem (Beit Lahm), entre lesquelles elle est mentionnée dans l'énumération de Josué, XIX, 15. Mais les auteurs ne sont pas d’accord sur l’identification. Les uns cherchent Jédala à Djéida, qui forme triangle entre Semuniyéh et Beit Lahm. Voir la carte de Zabulon ou celle d’IsSACHAR, col. 1008. C’est un village de 350 habitants au plus, dont les demeures grossièrement bâties occupent en partie une colline, où l’on rencontre des restes de constructions antiques. Plusieurs citernes creusées dans le roc contribuent également à prouver que là s'élevait autrefois une petite ville, ou du moins une bourgade. Cf. Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 322 ; V. Guérin, Galilée, 1. 1, p. 392. La situation répond exactement aux données de l'Écriture ; mais le rapprochement onomastique laisse à désirer. B. J. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 137, s’appuyani sur la dénomination talmudique, identifie Jédala avec Khirbet et Chirêh ou Qiréh, à deux heures et demie au sud-ouest de Semuniyéh, ce qui nous éloigne trop de la ligne indiquée par la Bible. Aussi y a-t-il plus de probabilité pour El-Huivarah, au sud de Beit Lahm. Cf. Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 18811883, 1. 1, p. 288 ; G. Armstrong, W. VVilson et Conder, Nantes and places in the Old and New Testament,

Londres, 1889, p. 9t.
A. Legendre.
    1. JEDDEL##

JEDDEL (hébreu : Giddêl ; Septante : TeSS^), chef d’une famille de Nathinéens, qui avaient été serviteurs de Salomon et dont les descendants revinrent de la captivité de Babylone en Judée avec Zorobabel. I Esd., ii, 56 ; II Esd., vu, 58. Dans le premier passage, la Vulgate écrit le nom Geddel. Voir col. 144. — Il y avait eu deux familles nathinéennes de ce nom, car d’autres enfants de Giddêl sont nommés aussi parmi celles qui revinrent en Judée à la même époque. I Esd., ii, 47 ; II Esd., vii, 49. La Vulgate écrit Gaddel dans I Esd., ii, 47, et Geddel dans II Esd., vii, 49. Voir ces mots, col. 32 et 144.

    1. JEDDO##

JEDDO (hébreu : Yahdô ; Septante : 'Ie88aO, fils de Buz et père de Jésési de la tribu de Gad. I Par., v, li.

    1. JEDDOA##

JEDDOA (hébreu : Yaddua' ; Septante : 'IaSoû, 'ISo-ja), fils et successeur de Jonathan ou Johanan dans le souverain sacerdoce. II Esd., xii, 11, 22. Néhémie ne nous fait connaître que son nom. Josèphe dit qu’il était contemporain d’Alexandre le Grand et qu'étant allé au-devant du conquérant à Sapha (Maspha [">]), il en reçut de grands honneurs. Il accompagna Alexandre à Jérusalem et lui montra les prophéties de Daniel qui le concernaient, ce qui mérita aux Juifs de grandes faveurs. Ant. jud., XI, viii, 5. Manassé, frère de Jadua, fut élevé par le héros macédonien, d’après le même Josèphe, Ant. jud., XI, viii, 2, 4, à la dignité de grand-prêtre du temple du mont Garizim, à la requête


de Sanaballat. Tous ces récits sont jugés comme très suspects par les critiques modernes. Eusébe, Chron., n, t. xix, col. 448 et 494, attribue vingt ans de pontificat à Jeddoa. — Un autre Israélite, qui porte en hébreu le même nom que Jeddoa, est appelé Jeddua par la Vulgate. II Esd., x, 21. Voir Jeddua.

    1. JEDDU##

JEDDU (hébreu : Yaddav [chetib] ; Yaddaï [keri] ; Septante : 'la.la.1), un des descendants de Nébo qui avait épousé une femme étrangère et la quitta par ordre d’Esdras. I Esd., x, 43.

    1. JEDDUA##

JEDDUA (hébreu : Yaddua' ; Septante : 'IsSSoOa ; Alexandrinus : 'IeSSo-jx), un des chefs du peuple qui signèrent du temps de Néhémie l’alliance que le peuple renouvela avec Dieu. II Esd., x, 21. Son nom, en hébreu, est le même que celui du grand-prêtre Jeddoa.

    1. JÉDÉBOS##

JÉDÉBOS (hébreu : ldbâs ; Septante : 'IegSâç ; Alexandrinus : 'Iyaër, (), un des trois fils d'Étam, de la tribu de Juda. Il eut une sœur appelée Asalelphani. I Par., iv, 3. Les noms des fils d’Etam sont peut-être des noms de lieu.

    1. JÉDÉI##

JÉDÉI, chef de la seconde classe sacerdotale du temps de David. I Par., xxiv, 7. Il est appelé aussi Idaia. Voir Idaïa 2, col. 806.

    1. JÉDIEL##


JÉDIEL. (hébreu : Yahdî'êl, « que Dieu rende joyeux ; » Septante : 'IeStr, ), ), un des chefs de la demi-tribu de Manassé transjordanienne. I Par., v, 24.

    1. JEDIHEL##


JEDIHEL, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites. Le texte hébreu mentionne deux autres personnages qui portent le même nom dans le texte original et que la Vulgate a appelés Jadihel. Voir Jadihel, col. 1104.

1. JÉDIHEL (Septante : 'Is31^>), fils de Samri et frère de Joha, l’un des vaillants soldats de David. I Par., xi, 45.

2. JÉDIHEL (Septante : PwStrjX ; Alexandrinus : 'IsSivjX), un des chefs de mille hommes de Manassé qui se joignirent à David lorsque, quittant l’armée des Philistins dans la plaine d’Esdrelon, celui-ci retourna à Siceleg. Jédihel et ses hommes l’aidèrent à poursuivre et à vaincre les Amalécites qui avaient pillé Siceleg pendant son absence. I Par., xii, 20. Cf. I Beg., xxixxxx.

    1. JEDLAPH##

JEDLAPH (hébreu : Idlàf ; Septante : 'IikSoup), fils de Nachor. Gen., xxii, 22. On ignore en quel lieu se fixa sa postérité, mais ce fut probablement en Mésopotamie dans le voisinage du haut Euphrate et dans les environs de Haran.

    1. JÉGAAL##

JÉGAAL (hébreu : Ige'âl ; Septante : 'Ieo^X), second fils de Séméi, de la tribu de Juda, descendant de' David et de Zorobabel. I Par., iii, 22. Son nom, en hébreu, est le même que celui des deux Israélites qui sont appelés dans la Vulgate Igaal et Igal, col. 837.

    1. JEGAR SAHADUTHA##


JEGAR SAHADUTHA, « monceau du témoignage, » nom araméen donné par Laban (Vulgate : tumulus testis) au monceau de pierres qu’il érigea dans le pays de Galaad comme témoignage de sa réconciliation avec Jacob. Gen., xxxi, 47. Voir Galaad, col. 45.

    1. JEGBAA##

JEGBAA (hébreu : Yogbehâh ; Septante : Ctyu>oav aÙTÔiç, Num., xxxii, 35 ; Vaticanus : 'I ;-feSdt). ; Alexandrinus : i ÈvavTiaç Zsêls, Jud., viii, 11), ville située à l’est du Jourdain, donnée à la tribu de Gad, qui la rebâtit. Num, xxxii, 35. Les Septante, en cet endroit, ont

III. -39

pris le mot rm’sv, Yogbehâh, pour le verbe nsi, gdbâh,

t ::t tt « élever, » avec le suffixe de la troisième personne du pluriel, d’où leur traduction : xat tyta<stx.v avTaç, « et ils les élevèrent, » c’est-à-dire les villes. Il est également question de Jegbaa, Jud., viii, 11, à propos de Gédéon qui, après avoir traversé le Jourdain, poursuivit les Madianites jusqu' « à l’orient de Nobé et de Jegbaa ». Cette antique cité est bien identifiée [avec El-Djubéihâl, au nordouest d’Amman. Voir la carte de Gad, col. 28. L’arabe CjUb^J-I, EUBjubéihât, ou à^t^ri", Djubéihah, représenté exactement l’hébreu Yogbehâh, dont le i, yod, initial est tombé. Cf. G. Kampffmeyer, Alte Namen im heutigen Palàstina und Syrien, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 41. La position convient également bien aux données de l'Écriture, qui nous montre Jegbaa près de Jazer, Khirbet Sûr. Le pluriel Djubéihât ou Adjbéihdt désigne deux collines basses couvertes de ruines, avec des colonnes, dès grottes et plusieurs sarcophages. Cf. L. Oliphant. The land of Gilead, Edimbourg, 1880, p. 232 ; G. A. Smith, The historical geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 585 ; Survey of Eastern Palestine,

Londres, 1889, t. i, p. 11t.
A. Legendre.
    1. JÉGÉDÉLIAS##

JÉGÉDÉLIAS (hébreu : Igdalyâhû, n que Jéhovah magnifie ; » Septante : l’oSoXdxc), « homme de Dieu » ou prophète, père d’Hanan. Jer., xxxv, 4. C’est dans la chambre qu’habitaient les fils d’Hanan, dans les dépendances du temple de Jérusalem, que Jérémie eut avec les Réchabites l’entrevue racontée dans le ch. xxxv de sa prophétie.

    1. JÉHÉDÉIA##

JÉHÉDÉIA (hébreu : Yéhdeyâhû, « que Jéhovah réjouisse ; » Septante : 'IeSia ; Alexandrinus : 'IaSata, 'Aporôss’a), lévite, fils de Sabæl, de la branche de Gerson, fils de Moïse. Il vivait du temps de David. I Par., xxiv, 20. Voir Subæl. — Un autre Israélite, également contemporain de David, qui porte aussi jn hébreu le nom de Yéhdeyâh, est appelé dans la Vulgate Jadias. I Par., xxvii, aO^Voir Jadias, col. 1104.

    1. JÉHÉZIEL##

JÉHÉZIEL (hébreu : Yahâzi'êl [voir Jahaziel, col. 1108] ; Septante : 'IeÇi^X), de la tribu de Benjamin, un des vaillants soldats de David, qui était allé le rejoindre à Siceleg pendant la persécution de Saul. I Par., xii, 4.

    1. JÉHIAS##

JÉHIAS (hébreu : Yehiyâh ; Septante : 'Ida), un des quatre « portiers », I Par., xv, 24, qui accompagnèrent l’arche au moment où elle fut transportée de la maison d’Obédédom à l’endroit que David avait fait préparer à Jérusalem pour la recevoir. Deux « portiers » semblent l’avoir précédée, I Par., xv, 23, et deux l’avoir suivie. I Par., xv, 24. Jéhias était l’un de ceux qui la suivaient. Son nom ne reparait pas, du moins sous cette forme, dans les autres listes de lévites que contiennent les Paralipomènes.

    1. JÉHIEL##


JÉHIEL, nom, dans la Vulgate, de onze Israélites. En bébreu, leur nom a des formes différentes, Yehi'êl, Ye’i'êl ou même Ye’u'êl. Saint Jérôme les a rendues ici par Jéhiel et ailleurs par Jahiel. Voir Jahiel.

1. JÉHIEL (hébreu : Ye’Vêl ; Septante : 'lu-ffi), un des chefs de la tribu de Ruben. I Par., v, 7.

2. JÉHIEL (hébreu : Ye’Vêl ou Ye'û'êl ; Septante : 'Ie^X), époux de Maacha et père d’Abdon, etc. (voir Abdon 3, t. i, col. 25), I Par., IX, 35 ; ancêtre de Saul. Dans I Par., viii, 30, le mari de Maacha et le père d’Abdon, etc., est appelé Gabaon ou plutôt Abigabaon, tandis que, I Par., ix, 35, Jéhiel est dit fils de ce Gabaon qui

demeurait à Gabaon. Jéhiel doit être un autre nom ou un surnom d’Abigabaon. Voir Abigabaon, t. i, col. 47. Certains interprètes ont supposé que Jéhiel nommé ici parmi les ancêtres du roi Saul était l’Abiel qui figure à ce titre dans la généalogie de ce roi dans I Reg., IX, 1, mais Abiel est plutôt Ner. Voir Abiel 1, t. i, col. 47. Le nom d’Abigabaon, ou père de Gabaon, semble donner Jéhiel comme le fondateur ou plutôt le restaurateur de Gabaon. Voir Gabaoxite, col. 21.

3. JÉHIEL (hébreu : Ye’Vêl ; Septante : 'là-/, )), fils d’Hotham l’Arorite (voir ces deux mots), un des braves de David. I Par., xi, 44.

4. JÉHIEL (hébreu : Yehî'êl ; Septante : 'IeïrjX), lévite de la branche de Mérari, qui remplissait les fonctions de portier et de musicien du sanctuaire, du temps de David. I Par., xv, 18, 21 ; xvi, 5.

5. JÉHIEL (hébreu : Ye’i'êl ; Septante : 'EXs’tr, X), lévite descendant de Gerson, de la famille d’Asaph, un des ancêtres de Jahaziel, qui vivait sous le règne du roi Josaphat. II Par., xx, 14. Voir Jahaziel 2, col. 1106.

6. JÉHIEL (hébreu : Ye'û'êl et Ye’i'êl ; Septante : 'Ietr, X), scribe (sôfêr) du roi Ozias, chargé de s’occuper de l’armée royale avec Maasias et Hanani. II Par., xxvi, 11. Les soldats de cette armée sont appelés gedûdim, mot dont le sens n’est pas très précis. Il désigne quelquefois des troupes ou des bandes de pillards et aussi des armées ordinaires. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 204265.

7. JÉHIEL (hébreu : Ye’Vêl ; Septante : 'Ietr’X), chef de lévites qui vivait du temps du roi Josias. Il fit des offrandes de brebis et de bœufs avec les autres chefs de lévites pour la célébration de la grande solennité de la Pâque. II Par., xxxv, 9.

8. JÉHIEL (hébreu : Ye’i'êl et Ye'û'êl ; Septante : 'IeijX ; Alexandrinus : 'Etr, *), descendant d’Adonicam qui retourna avec Esdras de Babylone à Jérusalem. I Esd., vm, 13.

9. JÉHIEL (hébreu : Yehi'êl ; Septante : 'IeyjX), descendant d'Élam et père de Séchénjas. Ce dernier encouragea Esdras à obliger les Israélites qui avaient épousé des femmes étrangères à les répudier. I Esd., x, 2-4.

10. JÉHIEL (hébreu : Yehi'êl ; Septante : 'Ic^X), prêtre de la famille de Harim. Il avait épousé une femme étrangère et dut la renvoyer par ordre d’Esdras. I Esd., ix, 21.

11. JÉHIEL (hébreu : Ye’i'êl ; Septante : 'Iar, X), Israélite de la famille de Nébo qui avait épousé une femme étrangère. Esdras l’obligea à la quitter. I Esd., x, 43.

    1. JÉHIÉLI##

JÉHIÉLI (hébreu : Ychi'êli ; Septante : 'îamr{k), léite de la famille de Lédan, de la branche de Gerson. Ses fils avaient la garde des trésors du Temple. I Par., xxvi, 21-22. Son nom a la forme d’un nom patronymique et paraît indiquer qu’il appartenait à la famille lévitiqued’un Jéhiel qui doit être Jahiel 2. I Par., xxiii, 8. Voir col. 1107.

    1. JÉHOVAH##


1. JÉHOVAH, nom propre de Dieu dans l’Ancien Testament. Aucun nom divin n’est aussi fréquent dans la Bible hébraïque. Il est répété environ 6000 fois, soit seul, soit uni à un autre nom divin. La Vulgate le traduit en général par Dominus, les Septante par Kijpioç.

I. — STATISTIQUE DES NOMS DIVINS SELON L’ORDRE DES LIVRES SAINTS DANS LA BIBLE HÉBRAÏQUE

LIVP.ES saints

DANS L’ORDRE

de la Bible hébraïque.

Genèse

Exode

Lévitique

Nombres ….. Deutéronome…

Josué

Juges

I Rois

II Rois

III Rois

IV Rois

Isaie

Jérémie

Ézéchiel

Osée

Joël

Araos

Abdias

Jonas

Michée

Nahum ……

Habacuc

Sophonie …..

Aggée

Zachario

Malachie ….. Psaumes, livre I.

— livre U.

— livre III

— lhre IV

— livre V. Proverbes…

Job

Cantique

Ruth

Lamentations…

Ecclésiaste

Esther

Daniel

Esdras

Néhémie

I Paralipomènes..

II Paralipomènes.

I

II

III

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s < ^

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S <

> -3 S §

y —’f a

= %

3-a

<-s 2

134

20

359

303°

386°

233°

2 1

2

170°

158°

289

1

133

2

6 2

210

252

1

350 563° 1

17

207 39°

8

âi 6

26°

53°

5

20

19

1

1

3î 11° » 1

10° »

35°

14°

1

73° » 1

21

267° »

22

1

2 1

31

1

98

222 88° »

32° »  »

16°

32° »  »  »  »  »  »  »

3° »

23° »

8

141

302

IV

5 5 1 1

62

77

1

2 1 2

14

61

24

1

4

3

> z

9 °

13

VI

2

2

3

12

VII

M 9)

193

129 53 27

372 75 73 99 56

105 94 94

140 36 26 11 14°

15

10

1

2

5

3

11

7

50

199 61 26 30 5 15° 4°

40°

22 55 67

111

187

VIII

IX

17 6° 10 13 4° 1 5

23 2 4 3

3 16 16 23

8 10° 55° 1

2

1

41

1 1° »  »

31°

2

XI

3

2 23

1

2

13

14

14

2

14

Ces résultats ne sont et ne peuvent être qu’approximatifs ; car, sans parler des erreurs presque inévitables dans un travail de ce genre, les concordances ne sont pas toujours d’accord et les éditions diffèrent assez souvent, comme on peut s’en assurer par Daniel, il. En cas de doute, nous donnons la préférence à Mandelkern (Vet. Test. Concordantise, Leipzig, 1896) sur Fûrst (Vet. Test. Concordantiss, Leipzig, 1840). Mais un écart de quelques unités sur plusieurs centaines ne peut modifier les conclusions, et la comparaison des divers Livres dans l’emploi des noms dnins reste intéressante. — Il nous a paru utile de distinguer les cinq livres dont se compose la collection des Psaumes. — On remarquera qu’Esther ne contient pas de nom divin ; le Cantique des cantiques non plus, sauf un cas douteux. Cant., vui,

6 (Yâh, texte hébreu). L’Ecclésiaste emploie seulement le nom d’Élohim, les Lamentations le nom de Jéhoah et d’Adonai, excepté iii, 41 (El) ; Job évite le nom de Jéhovah, sauf dans le prologue, l’épilogue et les transitions en prose. Il y a cependant une exception. Job, xii, 9. Tous les autres livres renferment plusieurs noms divins ; mais dans certains on remarque une préférence évidente pour quelqu’un de ces noms : Ezéchiel emploie volontiers Adonai-Jéhovah (216 fois), Zacharie Jéhovah-Sabaoth (61 fois), Job El (55 fois), etc. — Dans les parties araméennes de la Bible, Jer., x, 11 ; Dan., 11, 4-vn, 28 ; I Esd., iv, 8-vi, 16 ; vii, 12-20, qui n’entrent pas dans cette statistique, le seul nom divin employé est’Elâh, 78 fois au singulier (Daniel 35 fois, Esdras 43 fois) et 17 fois au pluriel (Daniel 16 fois, Jérémie 1 fois).

Observations. — Col. 1. — On n’a pas tenu compte du nom de Jéhovah quand il fait partie des noms théophores, ni de certains noms propres symboliques où Jéhovah entre comme élément, tels que Yehovâh ir’eh, Gen., xxii, 14 ; Yehôvdh nissi, Ex., xvii, 15 ; Yehôvâh sidqdtî, Jer., xxiii, 6 ; xxxiii, 16. Cf. Jud., vi, 24 ; Ezech., xlviii, 35. Voir col. 1244. — Col. II. — Quand’Ëlôhïm est à l’état construit, par exemple dans la locution Yehôvâh’ëlôkêka, « Jéhovah ton Dieu, » les deux noms sont comptés séparément. Dans l’expression Yehôvâh’Ëlôhïm, le dernier mot a quelquefois l’article, I Reg., vi, 20 ; Neh., viii, 6 ; IX, 7 ; I Par., xxii, 1, 19 (hébreu) ; Il Par., xxxil, 16. — Col. III. — La locution’Adônaï Yehôvdh, caractéristique d’Ézéchiel et d’Amos, se trouve à l’état sporadique dans quatorze autres livres de la Bible. — Col. IV.

— On n’a compté que l’expression elliptique Yehôvâh sebd’ôt (ou has-sebà’vt, Am., ix, 5) ; l’expression régulière Yehôvdh’Èlôhê sebd’ôt, « Jéhovah, Dieu des armées, » est beaucoup moins usitée et se lit dans II Reg., v, 10 ; III Reg., xix, 10, 14 ; Jer., v, 14 ; xv, 16 ; xxxv 17 ; xxxviii, 17 ; xuv, 7 ; Am., rv._13 ; v, 14, 15, 16, 27 ; VI, 15. On trouve aussi Yehôvâh’Elôhê has-sebd’ôf avec l’article, Ose., xii, 6 (5) ; Am., iii, 13 ; vi, 14 ; et même la locution irrégulière Yehôvâh’tLlôhim sebd’ôt, Ps. lxxx, 20 ; lxxxiv, 9 ; lxxxix, 9 ; et sans Jéhovah. Ps. lxxx, 8, 15. Les noms divins employés dans ces exemples doivent être ajoutés aux listes ci-dessus. — Col. V. — Le mot composé Jéhovah-Adonaï ne se rencontre que dans Hab., m, 19 ; Ps. lxviii, 21 ; cix, 21 ; cxl, 8 ; cxli, 8. — Col. VI. — On peut constater que Vàh se trouve seulement dans les passages poétiques comme les Psaumes ; de plus dans Ei., xv, 2 (cantique de Moïse) ; xvii, 16 (sentence prophétique et rythmée contre Amalec) ; Is., xxvi, 4 (chant de triomphe) ; xxxviii, 11 (cantique d’Ézéchias). — Col. VII. — À rencontre des noms divins qui désignent exclusivement le vrai Dieu, Élohim est un nom commun et s’applique aussi aux fausses divinités. Il n’a pas été possible d’établir une distinction matérielle entre ces deux acceptions. Élohim, même désignant le vrai Dieu, est le plus souvent sans article ; il prend cependant l’article, sans changer de sens, environ 375 lois : très rarement dans les livres prophétiques (Isaie, 2 fois ; Jérémie, 2 fois ; Jonas, 6 fois ; Daniel, 5 fois) ou poétiques (Job, 3 fois ; Psaumes, 3 fois) ; beaucoup plus fréquemment dans le Pentateuque et les livres historiques, surtout les plus récents (IPar., 50 fois ; II Par., 54 fois), enfin dans l’Ecclésiaste, où il n’est employé sans article que 8 fois sur 40. — Col. VIII. —’El est usité au pluriel êlîm trois fois, Exod., xv, 11 ; Ps.xxix, l ; lxxxix, 7 ii a le sens de fort, d’après Mandelkern (Concordantise, p. 85)dans Gen., xxxi, 29 ; Deut., xxviii, 32 ; Ezech., xxxi, 11 ; Mich., ii, 1 ; Prov., iii, 27 ; II Esd., v, 5 ; et au pluriel, Job, xli. 17. Partout ailleurs, il signifierait Dieu (dieux au pluriel). Dansla Genèse, il convient de remarquer les épiphètes de’El, comme’El’éliôn, xiv, 18, 19, 20, 22 ; ’Êlro’i, xvi, 13 ; ’El’ôldm, xxi, 33 ; ’El Bêt’êl, xxxv, 7 ; ’El’èlôhê hrd’êl, xxxiii, 20 ; ’Êl’âbîka, xlix, 25. — Col. IX. —’Elôah usité surtout dans Job et, à l’état sporadique, dans onze autres livres, semble être un singuliergrammatical extrait d’Ëlôhîm, dont l’usageparait être plus ancien en hébreu. — Col. X. — Saddai est accompagné de’El ÇÊl-ïaàdaï) dans les passages suivants : î Gen., xvii, 1 ; xxviii, 3 ; xxxv, 11 ; xliii, 14 ; xlviii, 3 ; Ex., vi, 3 ; Ezech., x, 5 ; Job, viii, 5 ; xiii, 3 ; xv, 25.

II. Le nom ineffable.

Pour éviter de le prononcer, les rabbins l’appelaient « le Nom par excellence », ou le désignaient par des épithètes honorifiques : le nom’! unique, le nom glorieux et terrible, le nom caché et mystérieux, le nom de la substance, le nom propre, surtout le nom exposé ou séparé. Voir, sur ce dernier, Buxtorf, Lexicon, Bâle, 1639, col. 2432-2438. Ils l’appelaient aussi le nom écrit et non lu. Les dénominations en usage chez les Pères grecs font toutes allusion à cette

circonstance : ô’vojia appSyrov, Sppairrov, SXsxtov, atpBevy. TOV, àveXÇ(ivY)TOV, alla p piQTOV Y.3.1 p1)6î|VOt (ll| 8uvÔ(JLEVOV,

|iû<TTtxov. La défense de prononcer le nom de Jéhovah, en dehors de quelques cas très exceptionnels, est fort ancienne ; elle existait déjà probablement au temps des Septante qui traduisirent le tétragramme par l’appellatif K-Jpio ;  ; en tout cas, elle était en vigueur au début de notre ère, car Josèphe, racontant la révélation du Sinaï, se croit interdit de transcrire le nom divin. Ant. jud., II, xii, 4. On sait que les rabbins tirent l’interdiction de prononcer le tétragramme d’un passage du Lévitique, xxiv, 16, entendu dans un sens rigoriste : « Celui qui maudira (tpi) le nom de Jéhovah sera puni de mort. »

Or il se trouve que ip :, maudire, signifie aussi ponctuer, désigner distinctement. Paul de Burgos, ancien rabbin converti, dit que les prêtres seuls avaient le droit de proférer le nom ineffable quand ils bénissaient solennellement le peuple. De nomine divmo, q. xi, dans Critici sacri, Amsterdam, 1698, 1. 1, part, ii, p. 512-516. Mais divers passages du Talmud et de ses commentaires sont plus précis. Ils nous apprennent que le tétragramme n’était prononcé que par le pontife, quand il entrait dans le Saint des saints, au jour de l’Expiation, et par les. prêtres bénissant le peuple dans le sanctuaire, conformément à Num., vi, 23-27. Encore, si l’on en croit Philon, ne le prononçaient-ils pas à haute voix. Le temple une fois détruit, le nom ineffable ne fut plus prononcé du tout. Quelque somme qu’il lui offrît, Leusden ne put décider un juif très pauvre d’Amsterdam à le proférer. C’était d’ailleurs bien inutile, car les Juifs modernes n’en connaissent pas mieux que les autres la vraie prononciation. D’après une tradition rabbinique, on aurait cessé de le prononcer sous Siméon le Juste, et Maimonide pense que ce Siméon était contemporain d’Alexandre. Voir les textes dans Drusius, Tetragrammaton, 8-10, dans Critici sacri, 1. 1, part, ii, col. 339-342. Sur la défense en général, cf. Drach, Harmonie entre l’Église et la Synagogue, Paris, 1844, t. i, p. 350-353, et note 30, p. 512-516.

III. Prononciation.

La lecture Jéhovah.

Elle

est due à une méprise. Les massorètes donnaient au tétragramme les voyelles du nom divin Adonai, pour avertir le lecteur de substituer Adonai au nom ineffable. On avait de la sorte 7rn> (car le scheva composé de

> : in n’est exigé que par la gutturale initiale). Par exception, quand Adonaï et mn> étaient joints ensemble, ils prêtaient au second les points-voj elles de D’n 1° ; ils

écrivaient donc rrn>, ce qui, lu matériellement, donne

Jéhovi ; et cette dernière prononciation a trouvé aussi des défenseurs. — On prétend généralement, mais à tort, que la prononciation Jéhovah ne remonte qu’à l’an 1520. Cette opinion^ qui est celle des ouvrages les plus au courant et les plus récents (Hastings, Dictionary of the Bible, 1899, t. ii, p. 199 ; Gesenius-Buhl, Handwôrterbuch, 13e cdit., 1899, p. 311) fut mise envogue par Drusius (Van der Driesche, 1550-1616) qui accusa formellement Pierre Galatin d’avoir imenté la fausse prononciation Jéhovah : Fagius (Bùchîein, 15011519) aurait d’abord suivi Galatin et ensuite la foule des érudits et des commentateurs. Cl. Drusius, Tetragranimaton, loc. cit., col. 344. Il est certain que tous les savants protestants du xvie siècle, sans excepter Bèze, et beaucoup d’écrivains catholiques, Cajetan à leur tête, prononcent Jéhovah ; il se peut que l’autorité de Galatin et de Fagius n’ait pas été sans influence ; mais il est faux que le plagiaire Galatin soit l’auteur de la prononciation Jéhovah. Il la donne au contraire comme connue et reçue de son temps. Cl. Arcana cathol. veritalis, Bari, 1516, I, x(il y a par erreur deux chapitres x, c’est le premier), p. 77. Plus tard, Drusius découvrit la lecture Jéhovah dans un théologien du début JÉHOVAH (NOM)

1226

du xrve siècle. Porchetus, et il consigna le fait dans ses notes manuscrites. Loc. cit., col. 351. Il aurait pu remonter plus haut, jusqu’à Raymond Martin que Galatin pille toujours sans jamais le dire. R. Martin, Pugio fidei, Paris, 1651, pars III, dist. ii, cap. iii, p. 448, et note p. 745. Le Pugio fut écrit vers 1270, mais il n’est pas douteux que la prononciation Jéhovah ne soit anté-Tieure.

Témoignages des auteurs anciens.

Diodore de

Sicile, écrivain du siècle d’Auguste, prononce Iao, i, 94 : Hapà toîç’IovSat’oiç xôv’Iaà> iittxaio’jjisvov ®s<5v. Saint Irénée, Adv. hær., II, xxxv, 3, t. vil, col. 840, transcrit Jaoth, « par un o long et une aspiration finale, » ou Jaoth, « par un o bref ; » mais le texte grec de ce passage est perdu. Ailleurs, I, iv, 1, t. vii, col. 481, il parle de l’éon appelé’Iaw par les Valentiniens et dont il raconte la singulière origine. Nul doute que ces hérétiques, fidèles à leurs habitudes, n’entendissent désigner par là le tétragramme sacré. Tertullien le comprenait bien ainsi quand, rapportant la même histoire, il disait que Jao est emprunté à l’iicriture. Adv. Valentin., xiv, t. ii, col. 565. Clément d’Alexandrie, Strom., v, 6, t. ix, col. 60, prononce’Iaoj. Origène, dans un texte obscur, In Joa., ii, 1, t. xiv, col. 105, fournit la forme’lad. En un autre endroit, Contr. Ois., vi, 32, t. xi, col. 1345, il assure que les Ophites ont emprunté à la magie le nom de Ialdabaolh, etc., et aux livres sacrés celui que les Hébreux appellent’Iawia. Ce passage est certainement corrompu. Grotius, dans les Critici sæn, t. vi, col. 762, propose de lire : ’Iocù> ^’là. Baudissin, Studien, in-8°, Leipzig, 1876, t. i, p. 183, plus simplement et sans rien ajouter, divise ainsi : Tbv’IcliA, ’là wap’’Eêpa £oiç ôvo ii, a£d y tvovjCclesOphitesempruntent aux Livres

Saints leur’Iaw, que les Hébreux prononcent’là. » Le témoignage d’Eusèbe, bien que de seconde main, est important. Prsep. ev., i, 9, t. xxi, col. 72. Suivant Eusèbe, Porphyre, qui se réfère lui-même à Philon de Byblos,

traducteur grec de Sanchoniaton, atteste que ce dernier tenait ses informations d’Hiérombal, prêtre du dieu’Ieu16. Ce serait là une prononciation nouvelle, mais il n’est pas absolument certain qu’il soit question du Dieu des Juifs. Saint Épiphane, Adv. hær., I, iii, 40, t. xli, col.685, compte au nombre des noms divins’lot, qu’il traduit Kûpioç, et’lies, qu’il interprète : ôç rp xtt’i<ra xoù àù tov. Saint Jérôme parle assez souvent du tétragramme, mais sans nous éclairer beaucoup sur sa prononciation. Citant une phrase hébraïque, il transcrit trois lois nw par Adonaï, Epist. îx, ad Damas., t. xxii, col. 377, comme Origène dans les Hexaples. Ailleurs, Episl. jj.v, ad Marcell.,

2-15. — Tète barbue, vue de trois quarts à droite, avec un casque corinthien. — i ?. in> [ ?J. Dieu assis sur un char, à l’essieu duquel sont attachées des ailes. Le tout dans un carré. Bntish Muséum.

216. — Abraxas. Personnage ailé, à droite, à cheval, portant une couronne royale. Derrière lui : IA ; devant : Q. D’après Montfaucon, pi. CLV1II.

t. xxii, col. 429, il dit que certains Grecs inintelligents,

trompés par la similitude des caractères, lisent nmi le nom ineffable mnt. Le Breviarium inPs., t.xxvi, col.838, faussement attribué à saint Jérôme, permet de prononcer Jaho. Théodoret. In Exod. quæst. xv, t. lxxx, col. 244, nous apprend que le tétragrammeestprononcé par les Samaritains

217. — Autre Abraxas représentant un homme I 1 " » ^’, pa V, leS à tête de coq. Sur le bouclier qu’il tient de la <" U1’S Aia (vamaingauche : IAQ. Autour, les sept planètes, riante’Iâ).Ma-D’après Montfaucon, pl. cxlviii. crobe, écrivain

du v siècle, cite ce vers d’un oracle d’Apollon de Claros, Saturn., i, 18 : "SpiÇeo tov uâvTMV tfitaTov 8ebv ep-nsv’Iati. D’après l’oracle, qui semble avoir été composé ou retouché par une main juive ou chrétienne, Iao serait le plus grand de tous les Dieux et il s’appellerait Hadès (Pluton) l’hiver, Zeus (Jupiter ) au printemps, Hélios (le soleibl’été, Iao l’automne. Selon une note éditée par’E. Nestlé en 1878, dans la Zeitschrift der deutschenmorg. Gesellschaft, Jacques d’Édesse, après avoir expliqué par suite de quelle méprise des Grecs ignorants ont transcrit le nom ineffable III11I, ajoute que le tétragramme sacré signifie « l’être » et se prononce Iehieh. Cf. Lamy, Le nom divin Jéhova ou Jahvé, dans La science cathol. , 1891, p. 196. Enfin un manuscrit éthiopien de laBodléienne, énumérant les divers noms de Dieu, termine sa liste par "Yàvê « le fidèle et le juste ». Voir, sur ce dernier texte, Driver, Récent théories on the Tetragrammaton, dans les Studia biblica, Oxford, 1885, 1. 1, p. 20. Dans la même disserta 218. — Autre Abraxas. Homme à tête de coq, surmonté d’un guerrier tenant une lance de la main droite ; la gauche appuyée sur un bouclier. Au-dessous : ÙAI, qu’il laut lire au rebours : IAÛ. — $. Dans un ovale : IAÛ À BPA CAS. D’après Montfaucon, pl. clx.

tion on trouve, p. 19, une monnaie découverte près de Gaza et où l’on croit lire W>, en caractères phéniciens (fig. 215). Sayce, Fresh light From the ancient monuments, ^ édit., 1885, p. 66, date cette monnaie du iv siècle avant J.-C. M. Driver reproduit aussi, p. 8, des figures gnostiques portant l’inscription IAÛ ou, à lire au rebours, QÂI. Ces inscriptions sont nombreuses sur les Abraxas. Nous en reproduisons ici trois (fig. 216, 217, 218), d’après Montfaucon, L’antiquité expliquée, t. ii, part, ii, Paris, 1719.

Véritable prononciation.

Des faits qui précèdent

nous croyons pouvoir conclure que le tétragramme divin se prononçait Yahvéh ; ce qui, transcrit en grec, donne’la&i. La vraie prononciation nous est conservée par le manuscrit éthiopien, par saint Épiphane et par Théodoret. Ce dernier déclare expressément que c’est la prononciation des Samaritains, qui sans doute ne partageaient pas les scrupules des Juifs orthodoxes au sujet du nom ineffable. Quant à la prononciation Yao, Yaho, Ya, Yau, etc., adoptée par les gnostiques et proposée par quelques Pères, nous pensons qu’elle est déduite de l’analyse des noms théophores dans lesquels Jéhovah n’entrait jamais qu’en abrégé, à moins qu’elle ne soit due au témoignage des Juifs qui ne connaissaient pas la prononciation véritable ou croyaient ne pouvoir proférer qu’une forme approchante, celle qui faisait partie des mots composés. La lecture Jéhovah, où les anciens exégètes trouvaient tant de mystères, par exemple l’expression simultanée du passé, du présent et de l’avenir, est inadmissible, car elle suppose une forme verbale monstrueuse. Elle est pourtant défendue par plusieurs érudits, entre autres Michælis, Supplementa ad lexica hebraica, 1792, t. i, p. 524, et surtout Drach, Harmonie entre l’Église et la Synagogue, 1844, t. i, p. 469-498. Jéhovah a été jusqu’ici l’orthographe usuelle en France, quoique la transcription Yahvéh (ou peut-être Yahâvéh, Robertson, Early religion, 1896, p. 32, suivant l’analogie des autres verbes primée gutturalis) soit plus exacte.

IV. Forme et sens du tétragramme.

Jéhovah appartient à cette classe de noms qu’Ewald qualifie de très archaïques, Lehrbuch der hebr. Sprache, 7e édit., 1863, p. 664, tels que Jacob, Isaac, Joseph, Jephté, etc. Ce mode de formation nominale, connu des Phéniciens et très répandu chez les Arabes, particulièrement dans le dialecte himyarite, n’a laissé que de faibles traces en hébreu, en dehors des noms propres. II consiste à appliquer la troisième personne de l’imparfait à une personne ou à un être quelconque, pour lui faire signifier l’action ou la qualité exprimée par le verbe, ce qui revient à peu près au sens d’un adjectif verbal ou d’un participe. Isaac « il rit » est « le rire » ou « le rieur » ; de même Jéhovah, s’il est la troisième personne de l’imparfait kal du verbe n>n ou mn, « être, » comme nous

TT TI

allons le montrer, devra signifier « celui qui existe, celui dont l’existence est le trait caractéristique, l’être tout court ». jFurst, qui a réuni, Concordantiee hebraicse, 1840, p. 1346, la plupart des ^exemples de cette forme nominale, l’appelle forma participialis imperfectiva.

Jéhovah est à l’imparfait de la voix kal.

Plusieurs

savants de mérite soutiennent, après Le Clerc et Calmet, que mn’est un imparfait de la voix hiphil. Baudissin, Studien, t. i, p. 229 ; P. de Lagarde, Psalteriwm Bieronymi, p. 153 ; Schrader, dans Die Keilinschriften tmd das Alte Testament, 2e édit., p. 25. Le sens de Jéhovah serait alors, soit : « Celui qui fait exister » les êtres de ce monde, c’est-à-dire le créateur (Schrader), soit : « Celui qui fait arriver » les événements historiques, en particulier « celui qui réalise ses promesses », en d’autres termes le Dieu-providence (Lagarde). Cependant la presque totalité des philologues et des exégètes est d’avis contraire ; avec raison, ’ce semble, pour

trois motifs principaux : i. En hébreu, il n’existe aucun vestige de l’hiphil du verbe n>n. — 2. Dans les idiomes

TT

apparentés, le sens causatif du verbe « être » s’exprime par la voix pihel, excepté en syriaque où Vhiphil est rare / et de basse époque. — 3. L’exégèse d’Exod., iii, 14, exclut manifestement la voix hiphil. — La voyelle a dans Jahvéh n’est pas un obstacle à la voix kal. En effet il est probable que la préformante de l’imparfait prenait anciennement la voyelle a dans tous les verbes, comme cela a lieu encore en arabe, et il ne faut pas s’étonner de la trouver dans le mot archaïque Jahvéh ; d’ailleurs cette voyelle a s’est conservée, même en hébreu, à l’imparfait d’un grand nombre de verbes commençant par une gutturale, tels que nn, Din, nbn, etc., et le nom commun D*)n », d’une formation analogue à Jahvéh. La vocalisation actuelle rvn>, de l’imparfait kal de rrn, est

v : TT

donc le résultat d’une prononciation affaiblie qui n’a rien de primitif.

2° Jéhovah est l’imparfait kal du verbe n>n, « être. »

TT

— La racine n>n est identique à la racine mn. Le vav s’est maintenu en araméen (chaldéen et syriaque) ; en hébreu, il s’est peu à peu changé en yod par suite d’une tendance générale de la langue. Le tétragramme mn> ne

diffère de n » n’, « il est, » que par sa forme plus archaïque. Or n>n ne signifie en hébreu que « arriver » ou « être », et comme l’impersonnel « il arrive que… » ne saurait être un nom propre, le tétragramme ne peut vouloir dire que « il est ». Comme dans toutes les autres langues, le verbe « être » appelle d’ordinaire en hébreu un prédicat ou un complément ; mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit employé absolument quand il désigne l’existence absolue. Remarquons aussi que la question exégétique est tout à fait indépendante de la question philologique. Quel que soit le sens primitif de n>n, il est certain que Moïse rattache le nom divin à l’idée d’être et le définit par l’existence.

V. Origine du nom de Jéhovah.

1° Origine chananéenne. — P. von Bohlen, Genesis, 1835, p. civ, prétendait que le nom de Jéhovah n’avait passé dans l’usage courant de la langue hébraïque qu’à partir de David. Son système, appuyé sur des raisons fausses ou sans valeur, a fort peu d’adeptes. Mais quelques savants, tout en faisant remonter l’introduction du tétragrammeplus haut queDavid, la croient postérieure à Moïse. Les Israélites auraient emprunté ce nom aux Chananéens et peu à peuauraientfini par se l’approprier. Von der Alm, Theolog. Briefe, 1862, t. i, p. 524-527 ; Colenso, The Penlateuch, part, v, 1865, p. 269-284 ; Goldziher, DerMythus bei den Hebràern, 1876, p. 327. Ils ont été réfutés par Kuenen, De Godsdienst van Israël, Haarlem. t. (, 1869, p. 379-401, approuvé par Baudissin, Studien, t. i, p. 213-218. Il est en effet contraire à toute vraisemblance de supposer que Jéhovah, l’adversaire irréconciliable des Chananéens et de leurs dieux, ait été lui-même, à l’origine, un dieu chananéen. Il faut donc admettre, comme un fait historique des mieux établis, que Jéhovah date au moins de Moïse. Ne remonte-t-il pas plus haut ? Divers savants l’ont pensé. Nous allons brièvement examiner leurs hypothèses. ___

Origine indo-européenne.

Elle a été soutenue

par Vatke, Die Religion des A. T., etc., 1835, p. 672 ; par J. G. Muller, Die Semiten in ihreni Verhaltniss zu Chamiten und Japhetiten, 1872, p. 163. On peut se dispenser de la discuter sérieusement. Bien que Jovis-Jove offre une certaine ressemblance avec Jéhovah ou Yahvé, il faudrait montrer comment la racine sanscrite DIV, d’où dérivent Jupiter-Jovis (Diovis) et Zs-jç-Atoç, est devenue en hébreu mn> ; et par quel chemin le dieu indoeuropéen Dyaus est arrivé en Palestine. On n’est guère plus avancé en admettant avec Hitzig, Vorlesungen ùber bibl. Theol., etc., p. 38, que, les Indo-Européens ont

fourni l’idée sinon le mot ; Astuads, le nom de Dieu en arménien, signifiant « l'Être » (astvat = celui qui est). 3° Origine égyptienne.

Elle est a priori moins invraisemblable, puisque Moïse avait été élevé en Egypte.

Roth, Die Aegypt. und die Zoroastr. Glaubenslehre, 1846, p. 175, fait venir Jéhovah de l’ancien dieu lunaire Ify ou Iofy. Voir Pierret, Vocabul. hiêrogl., 1875, p. 44. Il n’y a rien de commun entre Jéhovah et la lune. L’hypothèse de Roth a donc réuni peu de partisans. Par contre, un groupe assez nombreux d'érudits fait honneur à l’Egypte de la célèbre définition : Ego sum gai sum. Exod., iii, 14. Plutarque, De Iside, 9, dit qu'à Sais une statue d’Athênê (Neith) portait cette inscription : « Je suis tout ce qui a été, est et sera ; » mais Tholuck, Ueber den Vrsprung des Namens Jehova, Verniischte Schriften, 1867, p. 189-205, ayant montré que cette inscription avait un sens tout différent, on s’est appuyé sur la formule assez fréquente : Nuit pu nuk, qui veut dire littéralement : Ego sum ego. Seulement les textes du Livre des Morts où se lit cette formule n’ont rien de mystérieux et doivent se traduire simplement par : C’est moi qui. Cf. Le Page Renouf, Bibbert Lectures for 1879, p. 244.

Origine chaldéenne ou accadienne.

Le principal défenseur en est Frd. Dehtzsch, Wo lag das Farad/es ? 1881, p. 158-164. Voici quels sont ses chefs de

preuve : 1. mn> est une forme artificielle, introduite pour donner un sens au nom du Dieu national ; mais la forme usuelle, populaire, fut toujours w (n> ou >), l'élément essentiel étant >, comme le prouvent les noms composés théophores où mn> ne paraît jamais, et où l'élément divin se réduit quelquefois à ». — 2. Le dieu in » était connu hors d’Israël. La Bible mentionne l’Ammonite Tôbiyâh, Il Esd., ii, 1), l’Héthéen 'Uriyâh, II Reg., XI, 3, le prince hamalhéen Joram. II Reg., viii, 10. Les inscriptions assyriennes nous font connaître Mitintî, roi d’Azot, Sidqâ, roi d’Ascalon, Padi, roi d’Accaron (prisme de Sennachénb, col. ii, 1. 51, 58, 70 ; Schrader, Keil. Bibl., t. ii, p. 90-92), noms évidemment identiques aux noms théophores hébreux Maltathias, Sédécias, Phadaïa. Pour ne rien dire du roi arabe Ya'-ilu, qui rappelle Joël, un roi d’Hamath est nommé dans les inscriptions tantôt I-lu-u-bi-'-di, tantôt (ilu) Ya-u-bi-'-di (Sargon, Cylindre, 1. 25, À r eiJ Fastes, 1. 33 ; Schrader, B. bl., t. ii, p. 42 et 56, omet le déterminatif ilu) ; ce qui prouve d’abord que llu et Yau sont synonymes, ensuite que Yau est un dieu, puisqu’il est précédé de l’idéogramme divin. — 3. Chez les Babyloniens présémites, i est synonyme de ilu et signifie le dieu suprême. Or i avec la terminaison assyrienne du nominatif devient Yau. Cf. Frd. Delitzsch, Assyr. Lesestucke, 3e édit., 1885, p. 42, Syllab. A, col. i, 13-16, où le signe ni de la colonne centrale répond au signe i (variante ya-u) de la colonne de droite, et au mot ilu de la colonne de gauche. — Cette thèse a été très contestée et a trouvé jusqu’ici peu d’adhérents. C’est un paradoxe de prétendre que nirv n’a jamais été d’un usage général chez les Hébreux, que la forme populaire était Yahu ou Yah, quand ce dernier est rare et exclusivement poétique et que l’autre n’apparaît jamais dans la Bible, quand, des le ix » siècle avant J.-C, l’inscription de Mésa, ligne 18, présente la forme ordinaire mn>. Hors du peuple juif, les cas de noms théophores composés de Yah ou de Yahu sont très rares, douteux le plus souvent, et peuvent facilement s’expliquer par des emprunts. Enfin l’existence même du dieu accadien I, en babylonien Yau, est très suspecte. Le panthéon de Babylone nous est assez bien connu ; il est étrange que ce prétendu dieu Yau n’y paraisse pas ; car personne ne l’identifie au dieu Ea. Il est vrai, dans ces derniers temps, Pinches a augmenté la liste des noms propres assyriens composés des syllabes yau, yâu, au, aa’u et, à une époque postérieure, yâma (pour yâwa). Proc. of the Soc. of bibl. Archxol., 1885, t. viii, p. 27, 28 ; 1892, t. iv, p. 13-15. De son côté, Hommel, Altisræl.

Veberlieferung, 1897, p. 144 et 225, ne doute pas d’avoir retrouvé le dieu chaldéen Yau. C’est le dieu écrit idéographiquement (ilu) A-a, qu’on prononce d’ordinaire Malik, mais qu’il faudrait lire, suivant Hommel, Ai on la. C’est ce nom, usité sans doute dans la famille patriarcale, que Moïse aurait emprunté, mais en le transformant de manière à lui donner le sens sublime que nous connaissons. Tout cela est obscur, et il faut attendre de nouveaux éclaircissements.

Origine hébraïque.

On n’a pas jusqu’ici de raison suffisante pour refuser aux Juifs la propriété exclusive du nom de Jéhovah. Mais on peut admettre sans inconvénient, qu’avant la révélation de l’Horeb, Dieu était

désigné dans la famille des patriarches sous un nom à peu près semblable, qu’il suffisait de modifier légèrement pour lui donner le sens profond et absolu qui le rend incommunicable. — 1° On s’expliquerait ainsi, sans recourir à la prolepse, que Jéhovah soit nommé 156 fois dans la Genèse, tant dans les dialogues que dans les récits. — 2° On comprendrait également comment Énos put de si bonne heure invoquer le nom de Jéhovah, selon la Vulgate, Gen., iv, 26 ; ou plutôt, selon l’hébreu, comment dès l'époque d'Énos on commença à s’appeler ou à se réclamer du nom de Jéhovah. Il est vrai que le résultat semble avoir été qu'à partir de ce temps la meilleure portion de l’humanité prit le nom de fils de Dieu, Gen., vi, 2, ce qui établirait seulement une synonymie parfaite entre Éiohim et Jéhovah. — 3° Le nom de Jochabed, mère de Moïse, n'étonnerait plus. C’est le seul nom antérieur à Moise dans la composition duquel entre certainement le nom de Jéhovah, car Moriah, Gen., XXII, 2 (hébreu), est d’une étymologie très douteuse ; Achia, I Par., ii, 25, est probablement corrompu (cf. Hummelauer, Comment. inNum., p. 194), et Jonathan, I Par., ii, 32, paraît postérieur à Moïse. D’un autre côté, si Jéhovah était connu avant Moïse, il est surprenant qu’il n’entre pas dans d’autres noms propres, quand les noms théophores composés de El étaient si communs avant l’Exode, comme les noms composés de Jéhovah le furent après.Ce nom de Jochabed est assurément embarrassant, mais, à la rigueur, il pourrait avoir été changé plus tard, comme celui de Josué, ou traduit, s’il était égyptien comme celui de Moïse. — 4° Enfin cette hypothèse rendrait compte d’un fait curieux. Parmi les 163 noms théophores dérivant du tétragramme, 48 ont yehô ou yô au commencement, les 115 autres ont yahu ou yah à la fin, aucun n’offre le nom complet Yahvéh. Cependant un phénomène analogue se présente pour l’autre nom divin ; jamais Éiohim n’est employé dans les composés, ni Éloah, c’est toujours El. D’ailleurs la forme complète Yahvéh peut avoir été évitée par respect et Driver a montré, Tetragrammaton, dans les Studia bibhca, t. i, p. 5, que yahu, yah, yeho en sont les abréviations régulières. — En somme, rien n’oblige absolument à reconnaître avant Moïse l’existence d’un nom divin identique ou analogue à Jéhovah, mais cette hypothèse est probable. La seule chose certaine, c’est que Dieu a révélé à Moïse quel est son nom incommunicable, et lui en a expliqué le sens incompris jusqu’alors.

VI. Révélation nu mont Horeb. Exod., iii, 6-16. — 1° Le texte et les versions.

Moïse arrivait au pied de

la sainte montagne quand, du sein du buisson ardent, une-ve « x se fit entendre : « Je suis le Dieu de ton père, le’Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob… Viens, je t’enverrai vers le pharaon pour tirer d'Égjpte mon peuple, les enfants d’Israël. » Moise, la face voilée, balbutie des paroles d’excuse. Dieu le rassure par ces mots : « Je serai avec toi. » Alors le prophète hasarde une objection : « Soit ; j’irai trouver les enfants d’Israël et je leur dirai : Le Dieu de vos pères m’envoie vers vous. S’ils me demandent : Quel est son nom ? que leur répondrai-je ? Dieu dit à Moïse : Je suis celui qui suis. Dieu dit : Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël : Je-suis (n’ns) m’envoie vers vous. Dieu dit encore à Moïse : Tu parleras ainsi aux enfants d’Israël : Jéhovah le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob m’envoie vers vous ; c’est là mon nom à jamais et mon vocable dans toutes les générations. » Exod., iii, 13-15. —

Moise demande donc à Dieu son nom véritable et Dieu exauce sa prière. U est impossible, en lisant le texte, de n’être point frappé par la solennité de la réponse divine qui se divise en trois temps, séparés par la formule trois fois répétée : « Et Dieu dit, » vay-yômér. —

Le premier temps renferme la définition du nom qui va être prononcé : Je suis celui qui suis. Le syriaque, la version samaritaine, le Targum d’Onkelos et la version persane de la polyglotte de Walton reproduisent le texte hébreu sans modification ; la Vulgate traduit : Ego sum qui sum ; les Septante : ’Eytà el|it ô wv ; Aquila et Théodotion, dans les fragments des Hexaples : "Ë<ro|xat ec-ou.ai (qu’il faut évidemment corriger en : "E<70|jiai Se e<jo(/, at) ; l’arabe : Al’azaliyiïltadhy là iazûlu (l’Éternel qui ne cesse pas) ; le Targum de Jonathan paraphrase, à son ordinaire : « Celui qui a dit et le monde a été, qui a parlé et tout a existé ; » enfin le Targum de Jérusalem : « Celui qui a dit au monde : sois ! et il a été, et qui lui dira : sois ! et il sera. » —

Le second temps sert de transition et applique la définition ci-dessus au nom qui va suivre : Je-suis m’a envoyé vers vous, c’est-à-dire celui qui peut s’appeler soi-même Je suis, rvnH. Ici encore le syriaque, les versions samaritaine et persane, les Targums d’Onkelos et de Jérusalem retiennent le mot hébreu. La Vulgate rend : Qui est misit me ad vos ; au lieu de Sum nuisit me ad vos, ce qui fait penser à tort que Dieu a prononcé le nom définitif. Les Septante traduisent : ’O wv àxiatalvii (xe iipos t3|ia « ; le Targum de Jonathan : « Jesuis-celui-qui-suis-et-qui-serai m’a envoyé vers vous. » L’arabe ne rend pas ce membre de phrase. —

Enfin le troisième temps contient le nom lui-même : Jéhovah, Dieu de vos pères. L’hébreu, la version samaritaine et le Targum d’Onkelos ont mrr, la Vulgate Dominus, les Septante Kvpeoc, l’arabe Allah, le syriaque Morio’, « le Seigneur. »

Sens de la phrase : « Ego sum qui sum. »

Quelques interprètes (Michælis, Aben-Ezra, etc.) la divisent en deux propositions dont la seconde donne la raison de la première : « Je suis, car je suis » véritablement ; ou bien en mettant les verbes au futur : « Je serai, car je serai » avec vous, fidèle, miséricordieux. Effectivement "WN a quelquefois dans l’Écriture le sens de’-, Gen., xxxi, 49 ; Deut., iii, 24 ; mais ce sens est si rare qu’il faut l’établir pour chaque cas particulier et non le supposer. Cette interprétation, qui influe d’ailleurs assez peu sur le sens général du passage, est donc arbitraire et inadmissible. —

D’autres comparent l’expression Ego sum qui sum, à certaines manières de parler fréquentes dans Ttscriture, Exod., IV, 13 (Mitte, quem missurus es) ; xxxiii, 19 ; IV Reg., viii, 1, etc., et traduisent ainsi : « Je suis qui je suis. » Dieu refuserait de répondre soit parce qu’il trouve la demande de Moïse indiscrète, soit parce qu’il ne lui plaît pas de la satisfaire, soit enfin parce qu’il est indéfinissable comme il est [incompréhensible. Mais Dieu refuse si peu de dire son nom qu’il en donne immédiatement après l’équivalent n>rw, et, au verset suivant, le révèle en toutes lettres. —

La seule version acceptable est donc : « Je suis celui qui suis. » En français nous dirions plutôt, sans changer le sens : « Je suis celui qui est. » Mais l’autre traduction, plus conforme au génie de l’hébreu, est généralement reçue et il n’y a nul inconvénient à la conserver.

Sens du mot mn ».

mn>, nous l’avons dit, signifie « il est » et, employé substantivement, « celui qui est, » ce que les Septante rendent heureusement par le participe à iv. Mais s’agit-il de l’être métaphysique, ne désignant que l’existence même, ou de l’être historique qui est une manifestation passagère de l’activité divine dans le temps ? La plupart des exégètes protestants tiennent pour l’être historique :

1. L’être métaphysique, disent-ils, est une conception trop abstraite pour ces temps primitifs. —

2. Le verbe n>n, hâyàh, indique plutôt le devenir que l’être permanent. —

3. L’imparfait désigne de préférence l’action de quelqu’un qui entre en scène. —

4. Le « Je suis celui qui suis » du verset 14 paraît renvoyer au « Je serai avec toi » du verset 12, et Osée, i, 9, semble faire allusion à ces deux textes quand il dit de la part de Dieu : « Je ne serai plus avec vous. » —

Quelques-unes de ces raisons sont spécieuses, mais elles ne résistent pas à un examen attentif. Les partisans de l’être historique doivent, dans la phrase « Je suis celui qui suis », suppléer arbitrairement quelque chose que rien ne suggère, par exemple : Je suis celui qui suis avec vous, ou bien : Je suis celui qui suis fidèle à mes promesses. L’ellipse, dure dans la phrase « Je suis celui qui suis », est tout à fait inadmissible après n’-N, « Je suis, » nom sous lequel Dieu se désigne lui-même, et après mn>, nom dont il veut être appelé par les autres. Si Dieu avait voulu marquer cette relation historique spéciale, il se serait choisi un nom comme Emmanuel, « Dieu est avec nous, » il n’aurait pas proposé au peuple, désireux de comprendre, une énigme indéchiffrable. D’ailleurs il est faux que n>n désigne l’être en mouvement plutôt que l’être stable ; il est faux également que l’imparfait marque toujours une entrée en scène. L’imparfait hébreu est un véritable aoriste qui fait abstraction du temps et s’emploie à ce titre dans renonciation des maximes générales. Cf. Driver, Hébreu) tenses, 1892, p. 38. Sans doute, le participe aurait exprimé aussi bien et mieux la permanence ; mais le participe de n » n est presque inusité ; la seule exception est Exod., IX, 3, et les noms propres formés d’un participe sont rares en hébreu.

Aussi les défenseurs les plus résolus de l’être historique y mêlent-ils une dose plus ou moins forte d’être métaphysique. D’après Œhler, Théologie des A. T., 1882, p. 142, les trois éléments contenus dans le concept de mn> sont :
1° l’indépendance ;
2° la constance absolue ;
3° la fidélité.
Driver, Beb. tenses, ^. M, expose ainsi le bu de la révélation du Sinai : « En premier lieu, montrer que la nature divine est indéfinissable, qu’elle ne peut être définie adéquatement que par elle-même ; ensuite, montrer que Dieu, n’étant limité par rien d’extérieur, est conséquent avec lui-même, fidèle à ses promesses, immuable dans ses desseins. » Tout cela est bien métaphysique ; pas plus cependant que les spéculations égyptiennes de la même époque. Nous croyons donc pouvoir conclure sans hésitation avec M. Barns, dans la Revue biblique, 1893, p. 338 : « Puisqu’on a renoncé depuis longtemps à considérer l’imparfait hébreu comme un futur, et que l’usage de la langue n’oblige pas à lui donner le sens d’un devenir, puisque la tradition ancienne est fixée, puisque le caractère absolu des expressions a obligé les auteurs les plus favorables au sens historique à y voir la désignation de la nature de Dieu : l’exégèse la plus exacte est de prendre les mots pour ce qu’ils valent. lavé est celui qui est, c’est-à-dire celui dont l’être caractérise le mieux la nature, à supposer qu’elle ait besoin d’être désignée par une sorte de nom propre personnel, autrement que par le terme de Dieu. » Par conséquent les théories des scolastiques sur le sens profond du nom divin ont* une base solide. Tous les êtres limités se définissent par leur essence ; Dieu ne peut se définir que par l’existence, car il est l’Être, l’Être tout court, rien de plus, rien de moins ; non pas l’être abstrait, commun à toutes choses et qui par suite ne les distingue pas, mais l’Être concret, l’Être absolu, l’océan de l’Être substantiel, S. Thomas, I 1, q. xiii, a. 14, indépendant de toute cause, incapable de tout changement, supérieur à

toute durée, parce qu’il est infini ; « l’alpha et l’oméga, le principe et la fin, qui est, qui était et qui sera, le tout-puissant. » Apoc., 1, 8. Les Juifs du xive siècle avant J.-C. comprenaient-ils tout ce qui est contenu en germe dans le tétragramme et sa définition ? Moise en sondait-il lui-même toute la profondeur ? Il n’est pas nécessaire de le penser. Mais le Saint-Esprit, à qui rien n’est caché, pouvait le dicter à l’auteur sacré dans une sorte de révélation latente que les siècles futurs se chargeraient d’interpréter. Voir les textes des Pères dans Franzelin, De Deo uno, 3e édit., 1883, thesis xxiii, p. 279-286.

VU. Nouvelle révélation du nom divin. Exod., vi, 28. — 1° Circonstances et portée de la nouvelle révélation. — Le premier message de Moise fut accueilli par les Hébreux avec foi et actions de grâces. Exod., iv, 31. Mais bientôt, devant le refus obstiné du roi et la recrudescence de la persécution, un revirement se produisit. Les Israélites murmurèrent, Exod., v, 21, le découragement gagna jusqu’à Moïse. Dieu lui rendit confiance en lui promettant un secours auquel rien ne pourrait résister : « Je suis Jéhovah. Je me suis manifesté à Abraham, à Isaac et à Jacob, en qualité d’ElrSaddaï, mais sous mon nom de Jéhovah je ne me suis point révélé à eux. » Exod., vi, 3. Notons pour justifier cette traduction : 1. Que les deux verbes n*n, râ’âh, « voir, » et7V, yada’, <a connaître, » au niphal, doivent se prendre ici au sens réfléchi, comme c’est souvent le cas pour le niphal hébreu et pour la forme arabe correspondante, la VIIe. Cf. Konig, Syntax der hebr. Sprache, 1897, p. 3. Par conséquent, on traduira dans le premier membre : Je me suis fait voir, je me suis manifesté (Septante : wçOyiv ; Vulgate : apparui) ; dans le second : Je ne me suis pas fait connaître, je ne me suis pas révélé. — 2. Notons encore que le mot ^oît, « mon nom, » analogue à un accusatif grec absolu, comme dans Gen., iii, 15 (Konig, Syntax, p. 373), doit se traduire : « Quant à mon nom de Jéhovah, » ou bien : « Sous mon nom de Jéhovah. » Les Septante : xal ta ô’vo(<, à u-ou Kùpco ; où* èSvjiwira avreoîç, et la Vulgate : et nomen meum Adonaï non indicavi eis, obscurcissent le texte, en rendant par un équivalent le tétragramme mn> qui serait ici absolument nécessaire, et d’un autre côté commentent le passage, en lui étant le sens ambigu qu’il a dans l’original, pour ne lui laisser signifier que la révélation du nom même de Jéhovah. Ces versions ne sont pas plus heureuses dans l’autre membre de phrase : « Je me suis manifesté en [qualité de]’£.J-Saddaï ; "Û<f9/iv … ©eôç ûv aùtwvj apparui … in Deo omnipotente. »

2° Le nom même de Jéhovah est-il révélé pour la première fois ? — Les réponses à cette question sont contradictoires. D’après les uns, le nom de Jéhovah était connu des patriarches ; mais, jusqu’à Moise, Dieu n’en avait pas révélé le sens profond, la signification intime. Les patriarches ne pouvaient pas ignorer que mn> signifie « il est », mais peut-être ne comprenaient-ils pas que l’être est l’attribut caractéristique de Dieu, celui qui exprime le mieux son essence. Ils n’avaient de tout cela qu’une connaissance matérielle, confuse, en tout cas peu distincte, surtout en comparaison de celle de Moïse. Ainsi pensent l’auteur de la Glose, Nicolas de Lyre, Tostat, Cajetan, Bonfrère, et un grand nombre d’exégètes modernes. Leurs raisons sont bien résumées par Cornely, Introduct. in S. S., t. ii, part, i, p. 109, qui les approuve. Les deux plus fortes sont : 1. Que le nom de Jéhovah entre comme élément dans des noms propres antérieurs à l’Exode, tout au moins dans celui de Jochabed, mère de Moise. — 2. Que Jéhovah est très souvent nommé, avant la révélation de l’Horeb (d’après Davidson cité par Frz. Delitzsch, Genesis, p. 57, 116 fois dans les Técits, 49 fois dans les dialogues) et il est difficile d’admettre un emploi aussi fréquent de la figure appelée pro lepse ou anticipation. — Cette difficulté cependant n’effraye pas d’autres commentateurs tels que Théodoret, Cornélius à Lapide, Calmet, etc. Voir Franzelin, De Deo uno, 3e édit., 1883, p. 272. Tous admettent la prolepse et disent que le nom de Jochabed, qui auparavant aurait été par exemple Élichabed, a pu être changé plus tard, comme Joachim devient Éliachim ou réciproquement. Cf. Fr. de Hummelauer, Comment, in Gen., 1895, p. 4-14. — La diversité des sources utilisées par Moïse paraît suffisante pour expliquer la diversité des noms divins employés dans la Genèse.

3° Qu’est-ce que « se manifester en’Êl-Saddaï » et « se révéler sous le nom de Jéhovah » ? — Un certain nombre d’exégètes, Rupert, Hugues de Saint-Cher, Vatable et plusieurs savants contemporains jugent que la controverse exposée ci-dessus n’a pas de raison d’être, que du moins elle doit rester étrangère à notre passage. Dans le texte de l’Exode, vi, 3, il ne s’agit pas du nom même de Jéhovah, mais de la chose désignée par le nom, d’une qualité inhérente au nom. En effet « ; apparaître en’Êl-$addai », ou « se manifester en qualité de’Êl-ëaddai » ne leur semble pas synonyme de « révéler ou expliquer le nom de’Êl-Saddai ». De même « se révéler quant au nom ou sous le nom de Jéhovah » ne leur paraît pas l’équivalent de « révéler ou expliquer le nom de Jéhovah ». F. Robiou, La révélation du nom divin Jéhovah à Moïse, dans La science caihol., 1888, p. 618-624, cite de nombreux exemples où le mot égyptien ran ou ren, « nom, » signifie la manière d’être, la qualité, la nature : Tu as réparé (un temple) en ton nom de roi, est-il dit de Ramsès II, c’est-à-dire « en ta qualité de souverain, après avoir ceint la couronne ». Delattre, S. J., Sur un emploi particulier des mots « nom » et « nommer » dans la Bible, dans La science catholique, 1892, p. 673-687, constate un usage analogue dans l’Écriture. Être nommé, c’est exister ; n’être pas nommé, c’est ne pas exister, tout comme dans le récit chaldéen de la création. « Mon nom est en lui, » Exod., xxiii, 21, signifie « mon autorité et ma puissance ». Voir encore Van Kasteren, S. J., Jahvé et El-Schaddai, dans La science catholique, 1891, p. 296-315. — C. Robert, La révélation du nom divin Jéhovah, dans la Revue biblique, 1894, p. 161-181, expliquant Exod., vi, 3, expose ainsi sa pensée : « Il y a antithèse entre la manière d’agir de Dieu avec les Israélites et la manière d’agir de Dieu avec leurs pères. » Avec ces derniers il a été El-Schaddai, avec les premiers il sera Jéhovah. Chaque fois que le nom d’El-Schaddai revient dans la Genèse (six fois en tout, Gen., xvii, 1 ; xxviii, 3 ; xxxv, 11 ; xlhi, 14 [le nom seul paraît ici sans commentaire] ; xlviii, 3 ; xlix, 25 [Schaddaï sans El]), il semble appeler toujours les idées de fertilité, de fécondité des hommes et des animaux, avec la promesse de la terre de Chanaan. Aussi plusieurs savants de nos jours dérivent-ils ni de to = jo, « arroser, » et en rapprochent-ils Ttf, « mamelle, » comme le fait Jacob mourant : « Que Saddaï t’accorde la bénédiction des mamelles, » anur. Gen., xlix,

25. D’après cette manière de voir, qui semble bien plausible, Jéhovah remplace El-Schaddai au moment où le clan patriarcal devient nation. Jéhovah sera le Dieu du « peuple élu » comme El-Schaddaï était le Dieu de la « famille élue ». El-Schaddaï multiplie les siens et les fait prospérer, Jéhovah les délivre de la servitude et leur donne l’autonomie politique ; El-Schaddai leur promet la terre de Chanaan, Jéhovah la leur livre ; enfin El-Schaddaï est le protecteur d’une race privilégiée, Jéhovah est le goël de la théocratie judaïque, d’où germera l’Église du Christ.

VIII. Théodicée de l’Ancien Testament. —Après avoir exposé ce que nous enseigne l’Écriture sur le nom de Dieu, il nous reste à dire ce qu’elle nous apprend sur ça nature et sur ses attributs. C

I. existence de DIEU.

Dès le premier mot de la Genèse, l’Écriture affirme l’existence de Dieu comme un fait incontestable et incontesté, en affirmant simplement qu’il a créé le ciel et la terre. Gen., i, 1. Les Sémites n’étaient guère portés à douter de son existence. L’impiété à cette époque n’allait pas jusqu’à l’athéisme. L’insensé dit bien en son cœur : « Il n’y a point de Dieu, » Ps. xiv (xm), l ; un (lu), 1, mais, même chez l’insensé, cette parole intérieure, qui n’est pas proférée extérieurement, est moins un doute spéculatif qu’une négation pratique, telle qu’elle ressort d’une vie corrompue. Aussi quand les écrivains hébreux invoquent le témoignage des créatures en faveur du créateur, ils ont moins en vue l’existence même de Dieu que ses attributs, comme la puissance, la sagesse, la providence, la bonté. Ps.xviii, 25 ; xciii, 8-9 ; Is., xl, 25-26. Il fallut que les Juifs vinssent en contact avec les Grecs sceptiques, pour sentir le besoin de prouver l’existence de Dieu. Sap., xiii, 1-5 ; Rom., i, 20.

II. définition de dieu.

Jéhovah s’est défini lui-même : « Je suis celui qui suis. » Exod., iii, 13. Voircol.1231. Cette définition contient en germe toute lathéodicée ; elle nous révèle la nature de Dieu et ses perfections. Celui qui n’a pas reçu l’être, mais qui estlui-même l’Être subsistant, est par là même un être unique ; il est aussi l’Être indépendant, l’Être nécessaire, l’Être absolu, l’Être infini et infiniment parfait. Par quoi serait-il limité ? Par un autre ? Mais il ne dépend de personne. Par son essence ? Mais son essence est l’être, et l’être ne repousse aucune perfection. Les Juifs n’étant pas enclins à la spéculation métaphysique, n’ont pas étudié méthodiquement la nature et les perfections de Dieu. Ils se contentent d’affirmer ses attributs, suivant le besoin ou l’occasion, sans s’occuper de leur enchaînement, et les auteurs sacrés nous enseignent ainsi qu’il est un, spirituel.

/II. unité de dieu. — 1° Ce qui distingue surtout la théodicée biblique de la théodicée des peuples contemporains d’Israël, c’est le monothéisme. Israël n’a qu’un seul et unique Dieu, Jéhovah, et Jéhovah est non seulement le Dieu d’Israël mais celui de tous les peuples de la terre. L’adoration exclusive de Jéhovah n’est pas seulement une monolâtrie, c’est un véritable monothiisme. Jamais les Juifs n’ont reconnu la divinité des dieux païens ; jamais ils n’ont attribué leurs défaites à l’infériorité de Jéhovah ou à la puissance des idoles. Quand leurs espérances les plus chères furent détruites, loin d abandonner Jéhovah leur Dieu, ils s’attachèrent à lui avec plus de fidélité et de confiance. Ils savaient que « Jéhovah est Dieu et qu’il n’y en a point d’autre ». Is., xlv, 18. Cf.Is., xliii, 10 ; xliv, 6 ; xlv, 14, 21-22 ; xlviii, 12, etc. Cette vérité ressortait nettement des perfections et attributs de Dieu, tels qu’ils sont affirmés en cent endroits de l’Écriture, de son immensité, de son éternité, de sa providence universelle, de sa toute-puissance, qui a tout créé, qui conserve tout hors du néant. À toutes les époques, les noms divins, malgré leur variété, sont parfaitement synonymes. Élohim est constamment en parallélisme avec Jéhovah ; Schaddai ou El-Schaddai avec l’un et l’autre, ainsi qu’Adonaï. Chose à noter, jamais les plus ardents fauteurs du monothéisme n’ont pris ombrage de cette diversité d’appellations ; ce qui prouve que dans la conscience nationale ces différents noms n’avaient jamais désigné des êtres distincts.

2° Ces faits, historiquement certains, sont niés par les rationalistes. D’après Smend, Lehrbuch der alltestam. Religwnsgeschichte, 2e édit., 1899, qui résume tous les autres, les Hébreux ne sont arrivés au pur monothéisme que par évolution et en parcourant sept étapes successives. — 1. Jéhovah était primitivement un dieu de la nature, probablement un dieu de la tempête ; aussi a-t-on dérivé son nom de l’arabe hawâ, <s. tomber » (Ewald) ou mieux « souffler » (Wellhausen). — 2. Au temps de Moïse, Jéhovah protégeait une tribu, soit la famille de Joseph

(Wellhausen), soit la peuplade des Cinéens, fraction des Madianites (Stade, Tiele). — 3. En tout cas, son siège était au Sinai. D< ? là, selon une opinion, il aurait accompagné Israël dans le pays de Chanaan ; selon une conception différente, il serait resté sur l’Horeb. Toujours est-il qu’il conclut au Sinai une alliance avec les éléments hétérogènes rassemblés autour de Moïse, éléments qui, en fusionnant, allaient former le peuple hébreu.

— 4. Devenu dieu national à une époque de luttes incessantes, Jéhovah devait être nécessairement un dieu guerrier, un dieu vainqueur, un dieu sauveur. Chez les Sémites, victoire et salut sont synonymes. Les guerres d’Israël seront les guerres de Jéhovah ; les ennemis d’Israël seront les ennemis de Jéhovah, Israël et Jéhovah se prêteront un mutuel secours. Jéhovah est ainsi un dieu vengeur, mais nullement au sens de Dieu rémunérateur, récompensant le bien et punissant le mal. Il n’a d’autre règle que la faveur et le caprice. — 5. En temps de paix, Jéhovah, comme chef de la nation, en est le juge suprême. Cependant il est moins le dieu de la justice que le dieu du jugement (mûpàfl, en tant que les jugements se rendent en son nom et par ses représentants. Comme roi aussi, la Palestine lui appartient ; elle est sa terre, son domaine, son héritage, d’où cependant il peut sortir pour venger ou protéger les siens. — 6. C’est seulement sous les prophètes que Jéhovah est proclamé le dieu de la justice, du droit et de la morale. Voici comment se produisit cet événement capital. Quand tout ft’t perdu pour Israël, quand l’Assyrie, puis la Chaldée, lancèrent leurs armées sur la Palestine, les prophètes prédirent la ruine et ils l’annoncèrent comme irrévocable. Jéhovah était poussé à bout par les péchés de son peuple ; il ne voulait plus se laisser fléchir ; il ferait des ennemis d’Israël les instruments de sa vengeance, quitte à les brisera leur tour à cause de leurs iniquités.

— 7. Pour cela il fallait supposer que les Juifs coupables connaissaient clairement la volonté, la loi de Jéhovah : c est ce que firent li s prophètes. Ainsi Jéhovah est désormais, non plus le dieu exclusif d’un petitpeuple, mais celui de toutes les nations qu’il fait servir à ses desseins ; il est le dieu juste, car c’est comme vengeur de la justice violée qu’il voue irrévocablement Israël à la destruction ; il est le dieu de l’univers, et reçoit le titre de dieu des armées (seba’ôt), c’est-à-dire des puissances cosmiques, des astres et des éléments. Il est par conséquent le dieu unique ; le monothéisme est fondé. — Telle est la théorie imaginée par les ennemis de la révélation.

3° Il serait aussi faux que puéril de nier une certaine évolution dans le dogme et dans la morale, depuis les patriarches jusqu’à Jésus-Christ. La révélation est progressive ; elle devient toujours plus claire, toujours plus riche, à mesure qu’on se rapproche de la loi de grâce, oublie aura son plein épanouissement. Mais ce progrès indiscutable diffère du tout au tout de la conception rationaliste, comme un examen impartial le montre à l’évidence. Il n’est pas superflu de noter qu’on doit juger de la vraie religion d’Israël non d’après les idées de tel ou tel personnage, plus ou moins orthodoxe, mais par les affirmations de l’écrivain sacré ou la croyance générale du peuple. La critique négative oublie trop souvent cette vérité élémentaire. — a) Le Dieu d’Israël ne fut jamais un simple dieu national. — Les dieux nationaux des peuples voisins n’étaient pas des dieux solitaires ; ils avaient des compagnons, sinon des égaux ; bien que le panthéon de ces petits peuples nous soit très imparfaitement connu, nous constatons chez tous l’existence de plusieurs divinités. Cf. Bæthgen, Der Gott lsmel’s und die Gotter der Heiden 1888, chap. i : Die Gôtterwelt der heidnischen Semiten p. 9-130. Il devait en être fatalement ainsi. Le dieu national exclut des supérieurs mais non des vassaux ou des associés : tel Assur à Ninive, Bel ou Mardouk à Babylone, Amon-Ra à Thèbes, Artémis à Éphèse, Baal en Phénicie, etc. Chez toutes les nations de l’antiquité, sans

exception aucune en dehors des Juifs, on honore les dieux des vainqueurs à cause de leur puissance, les dieux des vaincus pour les apaiser, les dieux des alliés parce qu’ils sont amis ; nulle part on n’a l’idée d’un dieu qui se réserve à lui seul tout le culte, toutes les adorations, qui ne peut pas souffrir de rival. Jéhovah, lui, fut toujours le Dieu jaloux (qannâ’ou qannô"). Exod., xx, 5 ; xxxiv, 14 ; Deut., iv, 24 ; v, 9 ; vi, 15 ; Jos., xxiv, 19 ; Nah., i, 2. Or la jalousie est le sentiment légitime du mari qui veut régner seul dans le cœur de son épouse et à qui la présence d’un rival est la plus sensible offense. Le décalogue, dont tout le monde s’accorde à reconnaître la haute antiquité, met en tête ce précepte : « Tu n’adoreras pas d’autre dieu que moi ; car Jéhovah, jaloux est son nom ; il est le Dieu jaloux. » Exod., xxxiv, 14 ; Vulg. : Dominus, zelotes nometi ejus, Deus est semulator ; Septante : ÇyiXwtiS ; et £ï|Wniç.Voir Jalodsie l, col. 1112. Une pareille prescription, sans précédent et sans exemple, suppose non seulement l’hénothéisme, mais le monothéisme le plus rigoureux. — 6) Le Dieu des prophètes est le même que le Dieu des siècles antérieurs.

— Personne ne nie que les prophètes ne soient monothéistes. Or, bien que les prophètes aient une idée très distincte du progrès de la révélation, ils ne donnent jamais leur conception de Dieu comme nouvelle ; ils la supposent, au contraire, reçue de tous leurs auditeurs ; ils ne prétendent pas innover en fait de doctrine ; ils affirment que leur mission est de ramener le peuple au point de départ, à l’alliance conclue avec Jéhovah lors de la sortie d’Egypte et depuis malheureusement oubliée ou violée. Dans l’hypothèse rationaliste, la prédication des prophètes est incompréhensible. — Cet argument est bien développé par deux auteurs protestants d’une critique indépendante, Konig, Uie Hauptprobleme der altisr. Religionsgeschichte, 1884, p. 15-22 ; 1 fiobertson, Early Religion of Israël, ^’édit., 1896, p. 51-73.

iv. spiritualité de dibu. — Jéhovah est immatériel et ne peut être représenté par des images. — Il était rigoureusement interdit aux Juifs de l’adorer sous une forme sensible. Exod., xx, 4 ; Deut., iv, 12-15. On sait que les prophètes n’ont pas assez de sarcasmes pour les dieux de pierre et de bois. Jéhovah se révélait quelquefois aux patriarches sous une figure humaine, mais ils comprenaient bien qu’ils avaient affaire au messager, à l’ange, au male’âk de Jéhovah. Dieu se manifeste parfois sous un symbole, mais ce symbole est ce qu’il y a, pour ainsi dire, de moins matériel : le souffle, le feu ou la lumière. Gen., xv, 17 (flamme éclatante) ; Exod., iii, 2 (buisson ardent) ; Exod., XL, 34-38 (nuée lumineuse) ; III Reg., xix, 12 (brise légère) ; cf. Ezech., 1, 27-28 ; Dan., vu, 9-10 ; Is., x, 17 ; Bar., v, 9. « Sa splendeur est comme la lumière (du jour) ; ses mains dardent des rayons. » Hab., iii, 4. — lsaie, xxxi, 3, reprochant aux Juifs incrédules de mettre leur espoir dans l’Egypte, au lieu d’invoquer le Saint d’Israël, leur dit : « L’Égyptien est homme et non Dieu ; ses chevaux sont chair et non esprit. » Dans ce texte, « chair » répond à « homme », comme « esprit » est en parallélisme avec « Dieu ». Les Juifs s’imaginaient si peu leur Dieu corporel, que Salomon, au jour de la dédicace du temple, adresse à Jéhovah cette prière : « Si les cieux et les cieux des cieux ne peuvent vous contenir, combien moins cette maison que j’ai bâtie. » III Reg., viii, 27. Les Juifs concevaient donc Jéhovah comme un pur esprit. — On objecte, il est vrai, "les anthropomorphismes ; étudions-en la nature.

1° Anthroponwrphismes de l’Ancien Testament.’— Ils sont communs dans les récits du Pentateuque, surtout dans la Genèse. Jéhovah se promène dans l’Éden à la fraîcheur du soir, Gen., iii, 8 ; il ferme la porte de l’arche sur Noé et sa famille, vii, 16 ; il respire l’odeur agréable du sacrifice de Noé, vin 21 ; il descend pour voir la tour de Babel, xi, 5 ; il s’assied à la table d’Abraham, xviii, 1-8 ; il lutte contre Jacob, xxxii, 24-31, etc. —

On pourrait croire que ces façons de parler sont moins fréquentes chez les prophètes qui ont, de l’aveu de tous, une conception de Dieu très élevée ; mais il n’en est rien, au contraire. Les prophètes prêtent à Jéhovah des yeux, des oreilles, une bouche, des lèvres, une langue, une tête, des cheveux d’argent, un nez, un dos, des mains, des bras, des pieds. Dieu parle, répond, se tait, appelle, siffle, voit, regarde, entend, sent, goûte, touche, se lève, s’arrête, frappe, bâtit, détruit, découvre son bras, lève son étendard, tend son arc, etc. Voir Zschokke, Théologie der Propheten, 1877, p. 43-53. Il y a plus. Les écrivains inspirés de toutes les époques attribuent à Dieu non seulement un corps et des membres, non seulement les actions de l’homme, mais aussi ses passions, l’amour et la haine, la joie et la douleur, le désir et l’impatience, la jalousie, la vengeance, le repentir, l’oubli, mais surtout la colère. La fureur de Dieu est exprimée par cinq ou six termes dont l’un, le plus fréquent, prête aux métaphores les plus réalistes. C’est le mot’af (racine’ânaf), « . nez, » considéré par les anciens comme l’organe de la colère. On a ainsi des expressions qu’il faudrait traduire à la lettre : Exarsit nasus Domini ; fumavit nasus Domini. Voir Zschokke, Théologie, p. 53-62. — Dans la suite des temps, ce langage parut extraordinaire. Ces anthropomorphismes furent adoucis, dans les Targums, ou remplacés par des périphrases. L’homme n’est plus créé à l’image de Dieu, mais à l’image des anges, Gen., i, 26 ; Dieu ne descend plus du ciel, mais il se révèle à l’homme ; les hôtes d’Abraham ne mangent pas, mais ils font semblant de manger. Gen., xviii, 8. On évite de mentionner l’oubli, la colère, le repentir de Dieu. Avant l’époque des Targums, nous constatons chez les Septante une tendance semblable. À en juger par les citations de Clément d’Alexandrie et d’Eusèbe, Aristobule (vers 160 avant J.-C.) aurait cherché à expliquer et à justifier les anthropomorphismes. Pour Philon, Dieu n’agit plus directement sur le monde ; il a recours à des intermédiaires qui prennent le nom platonicien d’idées ou de 16foi, dont le singulier X<5yoç exprime le sens collectif. Cf. Drummond, PhiloJudseus, t. ii, p. 12-15. Le judaïsme palestinien assigne également à l’action divine des intermédiaires, dont trois reviennent constamment dans les traditions rabbiniques : la « Gloire » de Dieu (êekînâh) ou manifestation sensibie de Dieu, par exemple dans la nuée lumineuse ; le « Verbe » de Dieu (memra’) ou personnification de sa parole, de son décret ; enfin « l’Esprit » de Dieu, source de la révélation et de la prophétie.

— Ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’à force de réagir contre l’anthropomorphisme antérieur, les rabbins y retombèrent d’une autre façon moins excusable et moins inoffensive. Ils nous représentent Dieu occupé le jour à étudier les vingt-quatre livres de la loi, des prophètes et des hagiographes ; la nuit, à méditer les six parties de la Mischna. Cf. Weber, Judische Théologie, édit. Schnedermann, 1897, p. 158.

2’Justification des anthropomorphismes. — 1. La meilleure de toutes, c’est qu’ils sont inévitables, surtout dans les langues jeunes que les spéculations philosophiques n’ont pas encore décolorées. Nous ne pouvons parler de Dieu et des êtres spirituels que par métaphore, comme nous ne pouvons concevoir Dieu que par analogie ; c’est une nécessité inéluctable du langage et de la pensée. — 2. Ojf a même remarqué que l’usage des anthropomorphismes est en raison directe du sentiment religieux ; quand ce sentiment baisse, comme dans le panthéisme, le déisme, le bouddhisme, on parle de Dieu en termes abstraits, métaphysiques, incolores. La raison en paraît simple. Plus l’homme est religieux, mieux il comprend son origine, sa fin, ses rapports avec Dieu : son origine, il est fait à l’image de Dieu ; sa fin, il est destiné à voir Dieu et à lui devenir semblable en le contemplant face à face ; ses rapports, commerce perpétuel de grâce et de

miséricorde dans lequel Dieu s’abaisse jusqu’à l’homme et l’homme aspire à être déifié. — 3. Ces manières de parler qui nous étonnent ne choquaient pas les prophètes ; on dirait qu’ils les recherchent de parti pris ; ils n’ont garde de les condamner : c’est dire qu’ils les trouvent inoffensives, même pour le vulgaire. Ils continuent à parler comme tout le monde parce qu’il ne leur vient pas à l’esprit qu’on puisse prendre à la lettre leurs métaphores. — 4. L’Esprit-Saint leur communiquait régulièrement la révélation au moyen d’images et de visions. Les prophètes décrivant ce qu’ils avaient vii, comme ils l’avaient vii, faisaient par suite un grand usage des figures. Ainsi s’expliquent Is., vi ; Jer., h ; Ezech., ii, etc. — 5. On peut ajouter avec quelques Pères que l’Ancien Testament étant la préparation du Nouveau, il convenait que Dieu y fût représenté tel qu’il devait se montrer plus tard en qualité de Dieu-Homme ; il préludait ainsi à l’incarnation. Comme on l’a dit ingénieusement (Hâvernick, Theol. des A. T., 1863, p. 60) : L’imperfection de l’Ancien Testament n’est pas dans l’abus des anthropomorphismes, mais dans l’absence de l’incarnation où l’anthropomorphisme atteint son comble.

v. saintbi’é de dieu. — Jéhovah, un et spirituel, est proclamé trois fois saint par les séraphins. Is., vi, 3. Il s’appelle le Saint par excellence, Job, vi, 10 ; Is., XL, 25 ; IIab..m, 3 ; ou le Saint d’Israël, dans Isaie, i, 4 ; v, 19, 24 ; x, 17, 20 ; xii, 6 ; xvii, 7 ; xxrx, 19, 23 ; xxx, 11, 12, 15 ; xli, 14, 16, 22 ; xliii, 3, 14 ; xlv, 11 ; XL vii, 4 ; xlviii, 17, etc. et aussi quelquefois ailleurs. Ps. lxxviii (lxxvii), 41 ; lxxxix (lxxxviii), 19. Dans le-Lévitique revient fréquemment cette formule : « Soyez saints, parce que je suis saint. » Lev., xi, 44, 45 ; xix, 2 ; xx, 26 ; xxi, 8. Enfin « il n’y a pas de saint pareil à Jéhovah ». I Reg., ii, 2.

— Par son étymologie, sainteté dit séparation (qôdéi de qâdaé). Appliqué aux choses, saint est opposé à « commun » (hôl), « impur » (tdmê’) et « profane » (hânêf) ; il se dit des objets consacrés à Dieu, destinés à son usage exclusif, tels que les vases servant au culte, les prémices et les offrandes, les sacrifices, ou entrant en relation spéciale ave<fDieu, comme le temple, l’endroit d’une théophanie, etc. ; il peut se dire aussi des hommes, en vertu d’une consécration extérieure ou d’un mandat qui les fait ministres ou instruments de Dieu. — En général, entendue des personnes, la sainteté implique une idée morale ; elle renferme la notion de pureté, mais la dépasse ; celui-là est saint qui est pur du péché. Dieu, étant infiniment séparé de tout ce qui est commun, impur et profane, est trois fois saint et la sainteté même. Le mal moral excite son courroux ; sa sainteté est comme une flamme qui consume le péché et le pécheur. Dans le langage de l’Écriture, Dieu se sanctifie, c’est-à-dire se montre saint quand il tire vengeance du crime, Is., XL, 25 ; Ezech., xxviii, 22 ; xxxviii, 16, 33, et aussi quand il accomplit ses promesses, Ezech., xxxvi, 23-25 ; Hab., iii, 3, ou fait éclater parmi les peuples ennemis d’Israël sa fidélité et sa justice. Il est clair que cette haine du péché, cette horreur de l’impureté, cette opposition à ce qui est contraire à l’ordre moral, qui sont les côtés négatifs de la sainteté divine, reposent sur une perfection absolue qui en constitue le côté positif. Mais parce que tous les attributs de Dieu se tiennent et se compénètrent, ce n’est pas une raison de les confondre et de concevoir la sainteté (qodes) comme identique à la majesté (kdbôd), ainsi que le font Kuenen, De Godsdienst, i, 339 et Duhm, Théologie der Prophelen, p. 169. Encore moins a-t-on le droit de prétendre, avec Schultz, AUtest. Théologie, 5e édit., 1896, p. 436, et plusieurs autres, que toute idée morale est étrangère à la sainteté divine.

vi. éternité de DIEU. — Jéhovah est en dehors et au-dessus du temps ; il se nomme l’être ou mieux mn>, ô <ov, « Il est, » celui dont on peut dire : Il est, dans un présent éternel. Exod., iii, 14. Le temps naît avec le monde le In princïpio de la Genèse en marque le pre mier instant ; mais auparavant Dieu existe, puisqu’il agit. Il n’est pas dit : Au commencement Dieu était ou fut, mais : « Au commencement Dieu créa. » Terre et cieux, tout passe, tout périt ; Dieu seul reste et reste le même : « Vous, Seigneur, vous ne changez pas (vëatfâh hou’), et vos années n’ont point de déclin. » Ps. Cil (ci), 27-28. Aussi Jéhovah jure-t-il par son éternité, Deut., xxxii, 40, car rien n’est plus immuable ; « de l’éternité à l’éternité il est Dieu. » Ps. xc (cxxxix), 2. Il est le premier et le dernier, Is., xl, 4, l’Ancien des jours, Dan., vii, 13, 23 ; avant lui, rien n’était, après lui rien ne sera, Is., xliii, 10 ; il est le roi éternel, Jer., x, 10 ; Lam., v, 19, aux yeux de qui « mille ans sont comme le jour qui vient de s’écouler ». Ps. xc (lxxxix), 4.

vu. immensité de DIEU. — Partout il voit les sacrifices qu’on lui offre, partout il entend les prières qu’on lui adresse. Il est avec les patriarches en Arménie, Gen., vin, 21, en Chaldée, Gen., xii, 1, en Mésopotamie, Gen., xxiv, 12, en Palestine, Gen., xxvi, 2, en Egypte, Exod., vi, 2. Sans doute il est présent d’une présence spéciale dans le paradis-terrestre où il crée l’homme, dans le ciel qui est son trône, dans le temple de Jérusalem qui est sa demeure, sur le propitiatoire de l’arche où il est assis entre les chérubins, dans la Palestine qui est son patrimoine. Approcher de ces lieux plus saints c’est paraître devant sa face ; s’en éloigner c’est fuir loin de sa face. Mais les écrivains sacrés ne sont pas dupes de cette figure. Écoutons Jérémie, xxiii, 23-24 : « Suis-je un Dieu de près seulement et non de loin ? dit le Seigneur. L’homme se cachera-t-il de manière à n’être pas vu de moi ? dit le Seigneur. Est-ce que je ne remplis pas le ciel et la terre ? dit le Seigneur. » Aucune distance ne met ses ennemis à l’abri de sa vengeance. Am., ix, 2-3 ; Jer., xlix, 16 ; Abd., 4. Enfin le Psalmiste résume ces doctrines en style poétique. Ps. cxxxix (cxxxviii), 7-10.

Où irai-je loin de ton esprit ?

Où fuirai-je loin de ta face ?

Je monte au ciel ? tu es là.

Je m’abîme dans le scheol ? tu y es. Je prends mon essor vers l’Orient,

Je m’avance aux confins des mers :

Là aussi ta main me conduit,

Ta droite me soutient.

La belle prière de Salomon, lors de la dédicace du Temple, dit en prose la même chose. III Reg., viii, 2730.

VIII. TOUTE-PUISSANCE, OMNISCIENCE DE DIEU. — Ces

attributs sont affirmés dans divers passages de l’Écriture. Dieu sonde les reins et les cœurs, Ps. vii, 10 ; il ht au plus intime de l’homme, Prov., xv, 3, 11 ; xvii, 3 ; il connaît l’avenir, Is., xli, 22, 26 ; xlv, 19-21 ; point de secrets pour lui ; il sait tout. Jer., xvi, 17 ; xxiii, 24 ; Job, xxxiv, 21-22 ; Prov., v, 21. Ces idées trouvent une belle expression au Psaume cxxxix (cxxxviii), 6, où le prophète s’écrie :

Science prodigieuse qui me dépasse !

Science trop élevée pour que je l’atteigne !

— La puissance de Dieu, dans la pensée des écrivains sacrés, ne connaît pas plus de bornes que sa science. Le déluge, la destruction de Sodome, la sortie d’Égjpte, la conquête de Chanaan prouvent la force de son bras. Il est le maître de la vie et de la mort, Deut., xxxii, 39 ; Ose., xiii, 14 ; Is., lxvi, 9 ; le seul qui opère des merveilles, Ps. lxxii (lxxi), 18 ; cxxxvi (cxxxv), 4 ; qui fait tout ce qu’il lui plaît, Ps. cxv (cxin b), 3, sans que rien puisse lui résister, Job, xii, 14-16 ; car « sa parole ne remonte jamais vide ; toujours elle exécute son mandat et accomplit sa mission ». Is., lv, 11.

IX. DIEU CRÉATEUR, CONSERVATEUR, PROVIDENCE DU

monde. — Dieu, l’être infini, produit des êtres finis en dehors de lui. Le premier chapitre de là Bible nous montre Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/644 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/645 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/646 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/647 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/648 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/649 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/650 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/651 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template#lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome III.djvu/652