Dictionnaire de la Bible/Tome 3.2.b JÉRÉMIE-JOED

Dictionnaire de la Bible
(Volume IIIp. 1257-1258-1579-1580).

JÉRÉMIE (hébreu : Irmeyâhû ; Septante : ’Iepeir’a ;), nom de huit Israélites.

1. JÉRÉMIE, de la tribu de Juda, originaire de Lobna, père d’Amital qui devint la femme du roi Josias et la mère du roi Sédécias. IV Reg., xxiii, 31 ; xxiv, 18 ; Jer., lii, 1.

2. JÉRÉMIE, un des chefs de la demi-tribu de Manassé transjordanique. I Par., v, 24.

3. JÉRÉMIE, un des vaillants soldats de David qui était allé le rejoindre à Siceleg pendant la persécution de Saul. I Par., xii, 4.

4. JÉRÉMIE, le cinquième des braves Gadites qui s’étaient joints à la petite armée de David, lorsque celui-ci se cachait dans le désert de Juda pour échapper aux poursuites de Saul. I Par., xii, 10.

5. JÉRÉMIE, compagnon de Jérémie 4 et de la même tribu, compté, comme le dixième dans la liste des braves Gadites qui s’étaient réunis à David. I Par., xii, 13.

6. JÉRÉMIE, chef d’une des vingt et une familles sacerdotales qui paraissent être énumérées dans II Esd., x, 28 ; xii, 1. Il signa avec les autres principaux du peuple l’alliance qui fut renouvelée avec Dieu du temps de Néhémie. II Esd., x, 2. D’après le ꝟ. 12 de II Esd., xii, le chef de la famille sacerdotale de Jérémie, au temps du grand-prêtre Joiacim, s’appelait Hanania, et ce fut ce dernier (dont le nom est écrit Hanani au ꝟ. 35), qui prit part à la dédicace des murs de Jérusalem relevés par Néhémie. Voir Hananias 9, col. 15.

7. JÉRÉMIE, père de Jézonias le Réchabite. Jer., xxxv, 3.

8. JÉRÉMIE (hébreu : Irmeyâhû, Jer., i, 1 ; ou forme abrégée, lrmeyâh, en tête du livre ; Dan., ix, 2 ; Septante : ’Ispsiiîaç ; Vulgate : Jeremias ; saint Jérôme et autres : therenuas), le second des quatre grands prophètes (fig. 219). Ce nom dérive de rûm et de Jéhovah. Saint Jérôme traduit : « celui que dieu a élevé ; » Gesenius, Thésaurus, p. 1290 : « celui que Jéhovah a établi ; » d’autres, tels que J. G. Carpzov, Introductio in V. T.,

[Image à insérer]219. — Le prophète Jérémie. Bas-relief d’une des porter de bronze de Saint-Paul-hors-les-Murs. Voir col. 941. D’après S. M. Nicolai, pl. XV.

Nàgelsbach, Hengstenberg, : « celui que Jéhovah a jeté, rejeté » (de rdmdh pour rûm), par allusion à Jer., i, 10. Cette dernière étymologie est peu vraisemblable.

I. Origine et enfance de Jérémie.

Jérémie était fils d’Helcias et de race sacerdotale. Jer., i, 1. Clément d’Alexandrie, Stroni., s, 21, t. viii, col. 849, l’auteur des Qusestiones hebraic, I Par., ix, 11, dans les œuvres de saint Jérôme, t. xxiii, col. 1378, et quelques autres auteurs ont soutenu que son père était le grand-prêlre llelcias, qui, sous le roi Josias, découvrit dans le temple le livre de la loi. IV Reg., xxii, 8 ; II Par., xxxiv, 9 14-15. La plupart des commentateurs rejettent cette identification pour deux raisons : —

1° Le père de Jérémie n’est jamais appelé grand-prêtre, comme son homonyme, IV Reg., xxii, 8, mais simplement prêtre d’Anathoth. Jer., 1, 1. —

2° Le grand-prêtre appartenait depuis Salomon à la famille d’Éléazar, tandis que les prêtres d’Anathoth étaient de la branche d’Ithamar, le plus jeune des fils d’Aaron. Exod., vi, 23 ; cf. III Reg., ii, 26. —

Jérémie naquit à Anathoth, petite localité de la tribu de Benjamin, au nord-est de Jérusalem. Jos., xxi, 18 ; Is., x, 30. Voir Anathoth, t. i, col. 550-552. Il appartenait à une famille distinguée, comme on peut le conclure des égards qu’avaient pour lui les rois et les grands, Jer., xxvi, 10, 16, 17, 24 ; xxxvi, 19 ; XL, 5-6, et de la considération dont il jouissait auprès des Chaldéens. Jer., XL, 1-4. De plus il eut pour secrétaire Baruch, homme d’une condition élevée, ce qui suppose que lui-même appartenait à l’aristocratie. Jérémie dut être élevé dans l’attachement aux traditions mosaïques, et s’appliquer à l’étude des saintes Écritures, tout particulièrement des prophéties d’Isaie et de Michée, si l’on en juge par son livre. On peut conjecturer que c’est dans sa jeunesse qu’il

se lia d’amitié avec Nérias, fils de Maasias, gouverneur de Jérusalem, II Par., xxxiv, 8, lequel coopéra avec Helcias et Saphan aux réformes entreprises par le roi Josias. Cette amitié de Nérias porta ses fruits, car ses deux fils Baruch et Saraïas devinrent les disciples de Jérémie. Jer., xxxvi, 4 ; ii, 59.

II. Vocation au ministère prophétique.

Il était encore jeune, na’ar, lorsqu’il fut appelé au ministère prophétique. Jer., i, 6. Nous savons aussi qu’il n'était pas alors marié. Jer., xvi, 2. On peut conclure de là qu’il devait être âgé de 18 à 25 ans au moment de son appel. Sa vocation au ministère prophétique eut lieu la 13° année du règne de Josias, Jer., i, 2 ; xxv, 3, c’est-àdire en 627 ou 626 avant Jésus-Christ selon la chronologie ordinaire, 5 ans avant la découverte du livre de la loi dans le Temple par le grand-prêtre Helcias. Son ministère prophétique dura longtemps et s’exerça principalement sous cinq rois successifs, à une époque remplie de troubles et d’agitations, dont il faut dessiner les grands traits.

III. Milieu historique.

Jérémie vécut à une époque très troublée. De son temps le royaume de Juda fut presque continuellement en hutte aux convoitises de deux puissances rivales : les Égyptiens et les Chaldéens, dont l’influence était tour à tour prépondérante ; aux intrigues de ces deux peuples il faut ajouter aussi une invasion des Scythes qui exercèrent de grands ravages en Palestine. Voir Egypte, t. ii, col. 1603-1621.

Jérémie eut la douleur de voir périr sur le champ de bataille Josias, un roi selon le cœur de Dieu, et il déplora amèrement sa mort. II Par., xxxv, 25. Voir Josias. Quelque temps après, Néchao, le vainqueur de Josias, fut battu à son tour à Charcamis par Nabuchodonosor, Jer., xlvi, 2-6, 11, 12, et Joakim, fils de Josias, qui régnait alors sur Juda, dut se soumettre au roi de Babylone. Voir Néchao. S'étant révolté plus tard contre lui, il fut transporté à Babylone. IV Reg., xxiv, 5-10 ; II Par., xxxvi, 6-9. Son fils et successeur Jéchonias eut le même sort. IV Reg., xxiv, 11-16 ; II Par., xxxvi, 10 ; Ézech., i, 1. Voir Joakim et Jéchonias. Nabuchodonosor établit roi à la place de Jéchonias son oncle Matthanias, âgé de 21 ans, qui prit le nom de Sédécias. Sous le règne de ce prince, le rôle de Jérémie devient plus actif. Sédécias n’avait pas tardé à ourdir des intrigues avec Apriès. Voir Apriés, t. i, col. 796.

Le roi de Babylone, après avoir défait le Pharaon, Jer., xxxvii, 7, alla assiéger Jérusalem. En prévision des tristes événements qui allaient arriver, Jérémie tenta de quitter ta capitale pour se réfugier dans sa ville natale, Anathoth ; mais il fut arrêté, roué de coups et emprisonné dans la cour du palais où il recevait une ration de pain par jour pour sa nourriture. Jer., xxxvii, 11-20. Le siège fut terrible ; la famine se joignit à la guerre et aux maladies pour ravager la population. IV Reg., xxv, 3 ; 1er., xxxviii, 2. Les Juifs s’obstinèrent dans leur défense. — Après un an et demi de luttes et de souffrances, la ville fut prise et Sédécias envoyé captif à Babylone. IV Reg., xxv, 6-7 ; Jer., lii, 8-11. Voir Sédécias. — Nabuchodonosor délégua un de ses officiers, Nabuzardan, pour détruire la ville. Ce fut le sac et le pillage sans merci ; le temple fut dépouillé de ses richesses, les colonnes en furent brisées et les dépouilles transportées à Babylone ; le reste de la population qui avait survécu aux horreurs du siège, fut emmené en captivité (fig. 220). IV Reg., xxv, 4-5, 7-21 ; II Par., xxxvi, 17-20 ; Jer., lu 6, 7, 1227. — Après le pillage les Chaldéens se retirèrent laissant le gouvernement à un ami de Jérémie, Godolias, fils d’Ahicam, lequel s'établit à Maspha. IV Reg., xxv, 22 ; Jer., XL, 5. Jérémie devint son conseiller. Jer., XL, 6. Malheureusement Godolias ne tarda pas à être assassiné par Ismæl. IV Reg., xxv, 23-25 ; Jer., xl, $1-$26. Voir Godolias 3, col. 259. Enfin en 581 le reste de la population tenta une dernière fois le sort des armes ; une .dernière défaite et un dernier exil consommèrent la

ruine de Juda. Josèphe, Ant. jud, X, ix, 7 ; XI, 1. Cette déportation fut faite par Nabuzardan. — Jérémie marque trois déportations : 1° la 7e année du règne de Nabuchodonosor, 3023 déportés, Jer., LU, 28 ; — 2° la 18e année du règne de Nabuchodonosor, 832 déportés, Jer., LU, 29 ;

— 3° la 20 ! année du règne de Nabuchodonosor, 745 déportés. Jer., LU, 30. En tout 4 600 déportés.

IV. Ministère prophétique.

Jérémie, appelé au ministère prophétique en 696, l’exerça sous cinq rois différents.

1° Sous Josias (639-609). — Depuis sa vocation au ministère prophétique jusqu'à la mort de Josias, l’espace d'à peu près 18 ans, Jérémie apparaît rarement. Nous possédons quelques renseignements sur sa vie privée durant cette période : il menait une vie très austère et ne prenait part à aucune manifestation. Jer., xvi, 5, 8.

— Bientôt il fut en butte aux persécutions et de ses compatriotes, Jer., xi, 21, et de ses proches. Jer., xii, 6. Il combattit les calculs trop humains des Juifs qui espéraient trouver le salut dans l’alliance avec le Pharaon Néchao. Jer., ii, 8, 36. Après la mort de Josias sur le champ de bataille de Mageddo, il ne prévoit que trouble et confusion au sein de la nation. Jer., xxii, 3, 16.

2° Sous Joachaz (609-608). — Durant le règne de Joachaz, Jérémie semble avoir vécu dans le silence et la retraite ; en effet dans tout son livre il n’a qu’un mot sur ce prince. Jer., xxii, 11, 12.

3° Sous Joakim (608-597). — Le rôle de Jérémie est très important pendant son règne. Le parti favorable aux Égyptiens était maître de la situation. Jer., xxv, 18, 19 ; xxvil. Le prophète s’attire des persécutions parce qu’il annonce que l’Egypte sera impuissante à défendre Jérusalem contre les Chaldéens. Jer., xviii, -XIX ; xxii. La première année du règne de Joakim il faillit être victime de la fureur populaire ; il échappa à la mort par l’intervention des princes de Juda. Jer., xxvi. À la suite du désastre de Charcamis (604), le prophète fit promulguer par son disciple Baruch tous les oracles divins. Ce fut Une grande émotion dans le peuple ; aussiJoakim fit-il brûler le volume contenant les oracles. Jer., xxxvi. Jérémie dicta une seconde fois ses prophéties à Baruch. Jer., xlv. Sur ces entrefaites, il apprit que la captivité de Babylone durerait 70 ans. Jer., xxv, 8-12. Le prophète prononça aussi divers oracles contre Joakim. Jer., xxii, 19 ; xxxvi, 30.

4° Sous Jéchonias (597-596). — Le prophète annonça à ce prince éphémère les malheurs qui lui étaient réservés. Jer., xxii, 24-30. L’oracle s’accomplit à la lettre comme nous l’avons vu.

5° Sous Sédécias (596-586). — Jérémie annonça que le peuple serait châtié, Jer., xxiv ; il consola les captifs de Babylone. Jer., xxix. Consulté, ' secrètement par Sédé- * cias, le prophète lui déclare qu’il n'échappera pas aux coups des Chaldéens. Jer., xxxviii, 18. Au moment de l’invasion chaldéenne, il s’efforça de relever le courage des Juifs et de soutenir les cœurs abattus ; il acheta un champ à Anathoth, Jer., xxxii, 6-9, parce que Dieu lui avait annoncé, Jer., xxxii, 15, la prospérité future du pays sous le règne du Messie. Jer., xxxiii, 11, 16-18. — Après la prise et le sac de Jérusalem, Jérémie tut délivré de prison et eut la faculté d’aller à Babylone avec ses compatriotes ou de rester en Judée ; il choisit ce dernier parti et se retira à Masphath. Jer., XL, 6. Ce fut sans doute à cette époque qu’il composa ses Lamentations, qui ne sont qu’un long gémissement sur les ruines de la cité sainte. Voir Lamentations.

V. Dernières années et mort de Jérémie.

Après le meurtre de Godolias, Jérémie conseilla au peuple de rester tranquille en Judée, Jer., xlii ; malheureusement il ne fut pas écouté ; le peuple accusa de trahison Jérémie et Baruch, Jer., xliii, 3, et les emmena en Egypte ; cf. aussi IV Reg., xxv, 26 ; Jer., xli, 16-18 ; Johanan était à la tête de ces émigrants. Les Juifs furent bien accueillis par Apriès. Jérémie s’installa à Taphnès, près

de Péluse, dans la Basse-Egypte ; les autres s’installèrent à Taphnès, à Migdol, à Memphis, et en général dans le pays du Sud (Phaturès). Jer., xliv, 1. C’est sur cette terre étrangère que le prophète prononça ses derniers oracles. Jer., xliii, 8-13. il reprit avec énergie l’idolâtrie des Juifs. Jer., xliv. — On ne sait rien d’absolument certain sur ses derniers jours. Une tradition chrétienne rapporte qu’il fut lapidé à Taphnès même par les Juifs irrités. Tertullien, Adv. Scorp., viii, t. ii, col. 137 ; Pseudo-Épiphane, De vitis Prophetarum, t. xliii, col. 400 ; S. Jérôme, Adv. Jovin., ii, 37, t. xxiii, col. 335. DansHeb., xi, 37, les commentateurs voient une allusion à la mort de Jérémie.

VI. Caractère de Jérémie.

Il serait difficile de trouver un caractère à la fois plus beau, plus magnanime et plus simple que celui de Jérémie. Son âme reflète toutes les tendresses et les émotions. Jérémie nous apparaît dans ses écrits profondément pieux, pénétré du sentiment de sa faiblesse et de son impuissance. Le cours des tristes événements dont il fut témoin l’afflige et l’émeut au suprême degré. Pourtant par tempérament il était pacifique, et avait horreur de la lutte et du combat ; il se serait plu dans la solitude et le silence. Les péchés, les égarements de son peuple et les malheurs qui en seront la conséquence, le remplissent de tristesse et d’amertume ; aussi fait-il les plus grands efforts pour le ramener dans la bonne voie ; mais ses efforts sont inutiles. — Si le sentiment de sa faiblesse rendait Jérémie craintif et timide, la conscience de sa mission prophétique le remplissait d’un courage capable de braver tous les dangers. Lorsque Dieu lui ordonne de parler et d’annoncer ses volontés au peuple, il est comme transformé, et rien ne l’arrête : ni les menaces, ni les insultes, ni les supplices, ni les grands, ni les petits, ni les rois, ni le peuple ne peuvent l’empêcher de remplir la mission qu’il a reçue d’en haut ; c’est un mur d’airain qui résiste à tous les assauts et à toutes les attaques. Jer., i, 18 ; xv, 20.

VII. Place de Jérémie parmi les prophètes.

Par sa vie, Jérémie fut la figure même de Jésus-Christ, surtout de ses souffrances et de sa passion. C’est pourquoi l’Église, dans sa liturgie, n’a pas craint d’appliquer à Notre-Seigneur un certain nombre de passages qui se rapportent directement au prophète lui-même. Le plus connu de ces passages est Jer., xi, 19 b : « Mettons du bois dans son pain, et arrachons-le de la terre des vivants. »

— De plus il a prophétisé en termes clairs et précis l’œuvre du Messie, l’établissement d’une « nouvelle alliance » que, le premier parmi les prophètes de l’Ancien Testament, il a appelée de ce nom. Jer., xxxi, 31. Cf. Heb., viii, 8, où l’auteur traduit : testamentum novum, « nouveau testament. » — Enfin Jérémie a dessiné les caractères de cette nouvelle alliance ; le trait distinctif de la nouvelle loi consistera dans les dispositions intérieures ; elle ne sera pas gravée sur des tables de pierre, mais inscrite dans le cœur de l’homme. Jer., xxxi, 33.

VIII. Gloire de Jérémie après sa mort.

Autant Jérémie avait trouvé de contradicteurs pendant sa vie, autant il devint populaire après sa mort. Son nom devint sympathique et cher à tout le peuple, surtout depuis la captivité jusqu’à la venue de Jésus-Christ, lorsque la prophétie des 70 ans, Jer., xxv, 11 ; xxix, 10, fut devenue un oracle de consolation. II Par., xxxvi, 21 ; Dan., ix, 2 ; I Esd., i, 1. L’Ecclésiastique, xlix, 8, 9, et le IIe livre des Machabées, xv, 14, font de lui le plus grand éloge.

— Dans l’ordre de classement adopté par les Talmudistes de Babylone, Jérémie occupe le premier rang, et passe même avant Isaie. — Enfin, dans le Nouveau Testament, les Juifs frappés des prodiges opérés par Jésus-Christ, expriment leur étonnement et leur admiration en disant, Matth., xvi, 14, qu’il est Jérémie ou quelqu’un des anciens prophètes. Saint Grégoire de Nazianze l’appelle « le miséricordieux » : "Iepeiiîav <7U|iiua8^, Carm., H, 285, t. xxxvii, col. 1585 ; saint Isidore de Péluse l’ap pelle « le plus affligé des prophètes ». Epist., 298, t. lxxviii, col. 356.

IX. Autres écrits attribués a Jérémie.

Outre les prophéties et les Lamentations, on a aussi attribué à Jérémie le Ps. cxxxvi ; on a pensé également qu’il aurait composé avec Ézéchiel le Ps. lxxiv. Le second livre des Machabées, II, 1, parle des : « Descriptions de Jérémie le prophète ; » il est difficile de savoir ce qu’il faut entendre par là. C’est dans cet écrit qu’il était raconté que Jérémie avait caché dans une caverne du mont Nébo le tabernacle et l’arche d’alliance. II Mach., ii, 5. Une opinion plus fondée attribue à Jérémie le troisième et le quatrième livres des Bois. Il faut y ajouter la lettre de Jérémie. Bar., vi. V. Ermoni.

    1. JÉRÉMIE (LE LIVRE DE)##


9. JÉRÉMIE (LE LIVRE DE). I. CARACTÈRE DU LIVRE. — Le livre de Jérémie est un recueil de prophéties, faites à différentes époques et dans un intervalle d’à peu près 40 ans ; elles se rapportent à des objets bien différents, mais le recueil, sans avoir le caractère d’une composition d’une seule venue, a cependant un ordre logique. Nous trouvons dans le livre de précieux renseignements sur l’histoire de sa composition. Nous lisons au chapitre xxxvi que, dans la 4° année du règne de Joakim, Jérémie fit un recueil de ses prophéties. Dieu lui ordonna d’écrire dans ce volume toutes les paroles qu’il lui avait dites. Jérémie appela. Baruch, fils de Nérias, et lui dicta tous les discours que le Seigneur lui avait tenus. Une année entière paraît avoir été consacrée à ce travail. Lorsque la rédaction eut été achevée, Baruch lut au peuple assemblé pour une fête tout ce qu’il avait écrit. Cette lecture impressionna beaucoup le peuple, et Michée, fils de Gamarias, alla annoncer cet événement aux princes réunis ; les princes ordonnèrent à Baruch d’apporter le livre et de le leur lire ; frappés de cette lecture, après avoir ordonné à Baruch de se cacher, ils annoncèrent au roi ce qui venait de se passer ; à son tour le roi se fit lire le livre, et irrité ordonna de le jeter au feu. Mais Jérémie fit écrire une seconde fois tout le volume détruit, en y ajoutant de nouvelles prophéties, et à la suite de ces é énements Jérémie prononça de nouveaux oracles. On peut donc affirmer que le recueil fut complété à l’époque où Jérémie résidait à Maspha auprès de Godolias, ou pendant son séjour en Egypte. Cette seconde partie de la collection contenait naturellement toutes les prophéties qui racontent tout ce qui est arrivé depuis la 5’année de Joakim.

II. Division du livre.

Il s’ouvre par un prologue,

1. et se divise en quatre parties : 1. Béprobation et condamnation d’Israël à cause de ses péchés, n-xvil ; —

2. Confirmation de cette réprobation, xviii-xix ; —

3. Exécution de la sentence, xx-xlv ; — 4. Prophéties contre les peuples étrangers, xlvi-li. — Le recueil se termine par un appendice historique, lu. — Pour d’autres divisions, cf. Kilber, Analysis biblica, édit., Tailhan, in-8°, Paris, 1856, t. i, p. 395422 ; Trochon, Jérémie, in-8°, Paris, 1878, p. 7-10 ; Cornely, Introduclio specialis, in-8°, Paris, 1887, p. 375.

prologue, i. — Ce prologue raconte la vocation de Jérémie au ministère prophétique ; il a été choisi dès le sein de sa mère pour accomplir les ordres de Dieu et annoncer aux hommes ses volontés, ꝟ. 4-8 ; — le Seigneur le consacre, ꝟ. 9, et lui notifie sa mission ; elle consiste à arracher et détruire, perdre et dissiper, bâtir et planter, j>. 10 ; — il lui dévoile l’avenir en général sous deux figures symboliques : 1° une branche d’amandier (Vulgate : virgam vigilantem), ꝟ. ll b ; 2° une chaudière bouillante, ꝟ. 13>> ; cette chaudière bouillante, ce sont les ennemis qui doivent fondre sur Israël du côté de l’Aquilon, jr. 14-16 ; — enfin Dieu lui promet secours et protection contre ses ennemis, ꝟ. 17-19.

PREMIERE PARTIE : RÉPROBATION D’iSBAEL, II-XVII. —

Elle se subdivise en deux sections : 1° Causes de la réprobation, ii-xi. — 2° Réprobation définitive, xii-xvii. — 1° Causes de cette réprobation, n-xi. — Elles sont au nombre de trois : i. Infidélité d’Israël, ii-ni, 5. — Israël était uni à Dieu au moment de la sortie d’Egypte ; aussi Dieu fut-il plein de miséricorde pour lui durant son séjour dans le désert ; mais ensuite Israël fut infidèle, n, 1-7 ; ceux qui étaient chargés de conduire le peuple, prêtres, gardiens de la loi, pasteurs et prophètes, furent des prévaricateurs et lui donnèrent le mauvais exemple, y. 8-9 ; on se détourne de Dieu pour courir après les idoles, ce qui est un fait inouï, car jamais aucun peuple n’a abandonné sa religion, ꝟ. 10-13 ; c’est pourquoi Israël Sera puni de son infidélité et de son ingratitude ; il perdra sa liberté et deviendra esclave des peuples étrangers ; la Judée sera dévastée par les Égyptiens, y. 14-21. Il ne faut pas qu’Israël cherche à s’excuser, car il s’est plongé aveuglément dans l’idolâtrie, ꝟ. 22-25 ; aussi est-il couvert de honte, parce qu’il s’est endurci dans son égarement malgré les avertissements et les châtiments, ꝟ. 26-32 ; il a été trouvé coupable, et il sera châtié, ꝟ. 33-37 ; son crime a été grand ; voilà pourquoi il n’obtiendra pas de pardon malgré.ses hypocrites protestations, iii, 1-5. — 2. Impénitence d’Israël, iii, 6-x. — Trois idées fondamentales dominent dans cette section : Juda n’a pas su profiter du malheur pour faire pénitence et se convertir ; bien plus, il a méprisé les avertissements de Dieu, iii, 6-iv, 4 ; il a bien vu que Dieu a puni les dix tribus schismatiques ; il a assisté à la chute de Samarie, mais ces avertissements ne lui ont servi à rien, iii, 6-10 ; Israël est préférable à Juda ; le prophète exhorte Juda à reconnaître simplement ses iniquités, pour qu’il puisse revenir à Jérusalem, ꝟ. 11-17 ; tous deux, et Juda et Israël, n’ont qu’à se convertir et ils obtiendront le pardon de leurs crimes, qui sont l’unique cause de leurs malheurs, ꝟ. 18-25 ; le salut est encore possible pourvu que Juda fasse pénitence, iv, 14. — Mais Juda ne fait pas pénitence, malgré l’imminence du danger, iv, 5-vi ; le prophète exhorte les Israélites à fuir devant les Ghaldéens, iv, 5-7, et à prendre des vêtements de deuil, ꝟ. 8, car c’est là l’accomplissement des menaces divines ; Juda est dans la terreur, car la ville sainte est assiégée, ꝟ. 9-18 ; le prophète retrace le tableau des ravages causés par les Chaldéens ; cette vue le remplit de douleur, ꝟ. 19-31 ; la cause de ces malheurs, c’est qu’il n’y a plus de justes à Jérusalem, mais seulement des hypocrites, des idolâtres, des adultères, dans toutes les classes de la société, v, 1-9 ; les coupables sont destinés à périr par la main d’un peuple étranger, qui viendra de loin, ꝟ. 10-18 ; ils n’ont pas craint les menaces de Dieu ; ils ont persévéré dans leur impénitence et leur aveuglement ; les menaces vont s’accomplir, ꝟ. 19-31 ; l’ennemi arrive, il dévaste tout le pays ; exhortation à Jérusalem à se convertir et à s’instruire, vi, 1-8 ; la corruption est universelle, tout le monde est sourd à la voix de Dieu ; aussi personne n’échappera-t-il à la vengeance divine, ꝟ. 9-15 ; tout est inutile : exhortations, menaces ; le peuple méprise tout ; c’est pourquoi ses sacrifices n’ont aucune efficacité, ꝟ. 16-21 ; l’exécuteur des vengeances divines vient du nord ; il ravage tout et n’épargne rien ; il assiège la ville sainte, car elle est coupable, et par conséquent elle a été réprouvée de Dieu, ꝟ. 22-30. — Égaré par une aveugle confiance dans le temple, les sacrifices » t la circoncision, Juda persiste dans son impénitence et son endurcissement, vii-x ; Jérémie reçoit de Dieu l’ordre de se tenir sur la porte du temple et de parler au peuple qui entre et qui sort, vii, 1-2 ; Juda met toute sa confiance dans le temple ; mais le vra : temple de Dieu, ce sont les justes qui font le bien et évitent le mal, y. 3-7 ; le peuple est dans la plus grande illusion lorsqu’il croit qu’il se sauvera, malgré ses péchés, en allant au temple ; le temple est devenu une caverne de

voleurs : Dieu l’a déserté, et l’a répudié comme le sanctuaire de Silo ; quant à ses adorateurs, ils ont été repoussés comme Éphraïm, parce que Juda s’est plongé dans l’idolâtrie, ꝟ. 8-20 ; Juda a aussi confiance dans ses sacrifices, mais Dieu rejette ses sacrifices, parce que le peuple n’observe pas les commandements de Dieu, ꝟ. 21-28 ; Dieu a réprouvé le peuple à cause de son idolâtrie, qui a souillé le sanctuaire, ꝟ. 29-34 ; les ossements des morts eux-mêmes n’auront pas de repos ; ils seront jetés hors de leurs tombeaux, pour expier leurs actes idolâtriques, viii, 1-3 ; rien n’émeut Juda, rien ne l’excite à la pénitence ; il reste sourd à la voix de Dieu, à laquelle toutes les créatures obéissent, ꝟ. 4-9 ; ses faux sages le trompent, ꝟ. 10-12 ; c’est pourquoi il périra, ꝟ. 13-17 ; en vain réclamera-t-il du secours, car ce sera trop tard, ꝟ. 18-22 ; Jérémie pourrait s’enfuir de la ville coupable, mais Dieu lui ordonne d’y demeurer pour annoncer le châtiment dont elle est menacée, IX, 1-14 ; le châtiment qui le Irappera sera terrible, et personne ne pourra s’y soustraire, ꝟ. 15-21 ; la circoncision ne les préservera pas, car les circoncis seront les premiers frappés, ꝟ. 22-26 ; encore plus impuissants seront les faux dieux à protéger leurs adorateurs, car ces dieux ne sont rien, x, 1-6 ; il ne faut craindre que le vrai Dieu, et non les faux dieux, qui ont été fabriqués par la main de l’homme ; ce sont des idoles destituées de toute puissance, ꝟ. 7-16 ; Dieu permettra le châtiment, c’est lui qui fera ravager le pays d’Israël et déporter ses habitants en captivité, ꝟ. 17-23 ; Jérémie supplie le Seigneur de ne pas abandonner complètement son peuple, et de le punir avec équité, ꝟ. 24-25. — 3. Violation de ï’alliance, xi. —Cette violation de l’alliance portera Dieu à rompre l’alliance. Ce chapitre sert de transition entre la première et la deuxième section ; le prophète commence par rappeler l’alliance conclue au Sinai entre Dieu et le peuple, ꝟ. 1-5 ; le peuple ayant violé l’alliance, Jérémie, au nom de Dieu, le menace d’un châtiment prochain, et le prévient que ses faux dieux ne lui serviront de rien, ꝟ. 6-13 ; Dieu défend au prophète d’intercéder pour son peuple qu’il compare à un bel olivier qu’il a planté et entouré de soins, mais qui sera consumé sans miséricorde, ꝟ. 14-18 ; Jérémie raconte les mauvais traitements qu’il a subis de la part des habitants d’Anathoth, ꝟ. 19 ; il implore l’appui de Dieu et sa vengeance contre les persécuteurs, jr. 20-23. 2° Réprobation définitive d’Israël, xii-xvii. — Cette seconde section peut se subdiviser en cinq points : i. Le Seigneur est l’ennemi d’Israël, xii. — Le prophète supplie Dieu d’exercer sa justice et de punir les impies et les pécheurs, ꝟ. 1-3 ; tout est dans la désolation à cause des pécheurs, sa famille elle-même conspire contre le prophète, y. 4-6 ; la conspiration et la révolte du peuple contre Dieu seront punies par les attaques des peuples voisins, ꝟ. 7-13 ; Dieu pourtant châtiera aussi les gentils ; s’ils reviennent et se convertissent, ils se réconcilieront tous dans une union finale, ꝟ. 14-16 ; s’ils ne se convertissent pas, ils périront tous, ꝟ. 17. — 2. Dieu rejette son peuple comme inutile, xiii. — Sous le symbole d’une ceinture cachée et pourrie dans les eaux de l’Euphrate, selon les uns, de l’ouadi Farâh, selon les autres (voir Perat), Jérémie décrit les malheurs et les calamités qui menacent les Juifs, ꝟ. 1-11. Autre symbole : de même qu’on remplit des vases de viii, Dieu remplit le peuple d’un esprit d’ivresse pour le briser, ꝟ. 12-14. Dieu supplie Israël de se convertir avant que ce malheur arrive, ꝟ. 15-17 ; s’il ne se convertit pas, les plus grands malheurs fondront sur lui, ꝟ. 18-27. — 3. Dieu est insensible aux prières faites pour son peuple, xiv-xv. — À l’occasion d’une sécheresse extraordinaire, le prophète annonce la famine qui ravagera la population de Jérusalem, xiv, 1-6. Il s’adresse à Dieu et lui demande s’il ne s’intéresse plus à son peuple, y. 7-10. Le Seigneur répond et lui défend de prier pour le peuple ; il déclare qu’il n’acceptera plus ses sacrifices, y. 11-12. Jérémie rejette sur les faux prophètes les crimes

de son peuple ; c’est pourquoi Dieu prononce contre eux des menaces terribles, ꝟ. 13-15 ; il renouvelle aussi ses menaces contre le peuple, ꝟ. 16-18. Le prophète prie encore Dieu qui est seul capable de sauver : il le supplie de se souvenir de l’alliance conclue avec le peuple ; y. 19-22. Dieu ne se laisse pas toucher : il est inexorable ; son châtiment s’abattra sur le peuple ; tous seront punis par l’un de ces quatre fléaux : maladie, glaive, famine, captivité ; il traitera Juda, comme Juda l’a traité lui-même, xv, 1-9 ; Jérémie se plaint de la situation qui lui est faite, t. 10 ; Dieu le console et le fortifie en lui promettant son secours contre ses contradicteurs, y. 11-14. Jérémie le supplie de le secourir bientôt, car il lui a toujours été fidèle, ꝟ. 15-18. Le Seigneur lui promet de nouveau sa protection et son secours, y. 19-21. — 4. Le Seigneur fera périr Israël, xvi. — Dieu défend à Jérémie de se marier, à cause des maux qui accableront les Juifs et leurs familles, ꝟ. 1-9 ; ils seront emmenés en captivité dans une terre étrangère pour expier leurs crimes, ꝟ. 10-13 ; cependant Dieu les délivrera de l’oppression du nord, comme il les a délivrés de l’oppression de l’Egypte ; de la sorte il manifestera sa puissance aux yeux des gentils, ꝟ. 14-21. — 5. Dieu finit par châtier les Juifs, xvii. — Israël a irrité Dieu par ses actes d’idolâtrie ; c’est pourquoi Dieu le livre à l’étranger, ꝟ. 1-4 ; quiconque met sa confiance en l’homme, périt ; au contraire quiconque met sa confiance en Dieu, vit, ꝟ. 5-8 ; Dieu scrute le fond des cœurs ; rien ne lui est caché : il traitera l’impie comme il le mérite, ꝟ. 9-11 ; il protégera son prophète et remplira ses ennemis de confusion, ꝟ. 12-18 ; le prophète exhorte les Juifs à observer le sabbat ; s’ils l’observent, Dieu les bénira, sinon, il les châtiera, ꝟ. 19-27.

DEUXIEME PARTIE : CONFIRMATION DE LA RÉPROBATION,

Xviii-xix. — Par le récit de deux actions symboliques, cette seconde partie montre que la réprobation d’Israël est irrévocable. — 1° Symbole du potier et de son vase, xviii. — Le potier et le vase qu’il fabrique sont l’image de la toute-puissance de Dieu ; le potier peut briser et refaire son vase ; de même Dieu peut anéantir et sauver la maison d’Israël, ꝟ. 1-6. Dieu peut punir les Juifs, s’ils persévèrent dans leurs crimes, ou leur rendre leur ancienne prospérité, s’ils se convertissent, ꝟ. 7-10 ; cependant comme ils persévèrent dans le mal, Dieu les menace, par la bouche du prophète, d’une ruine prochaine, y. 11-12. Il adresse à son peuple de durs reproches, et lui annonce de nouveau le châtiment, ꝟ. 13-17 ; les Juifs profèrent des menaces de mort contre Jérémie, y. 18 ; Jérémie demande à Dieu de punir ses persécuteurs, et de le délivrer de leurs machinations, ꝟ. 19-23. — 2° Destruction du vase de terre, xix. — Jérémie reçoit de Dieu l’ordre de prendre un Vase de terre, de se rendre dans la vallée d’Ennom et de le briser ; c’est la figure de la destruction des Juifs par les Chaldéens ; l’idolâtrie sera punie, et Jérusalem détruite, ꝟ. 1-11 ; la ville sainte sera souillée comme Topheth, ꝟ. 12-13 ; dans le parvis du Temple le prophète prédit de nouveau les châtiments que mérite l’endurcissement des Juifs, ꝟ. 14, 15.

TROISIÈME PARTIE : EXÉCUTION DE LA SENTENCE, XX xlv. — Cette partie se subdivise en cinq sections : 1° Jugement de Dieu contre les auteurs de la réprobation, xx-xxiii ; — 2° Jugement contre le peuple en général, xxiv-xxix ; — 3° Prophéties messianiques, xxx-xxxiii ;

— 4° Efforts infructueux pour convertir le peuple, xxxivxxxviii ; — 5° Accomplissement des prophéties contre Jérusalem, xxxix-xlv.

1° Jugement de Dieu contre les auteurs de la réprobation, xx-xxiii. — 1. Oracle contre Phassur, xx. — Le prophète est menacé de mort et jeté en prison par le prêtre Phassur, intendant du Temple, à cause de ses prédictions menaçantes contre Jérusalem, i. 1-2. Le lendemain il est mis en liberté ; aussitôt Jérémie renouvelle ses prédictions contre Phassur et-les Juifs ; il annonce

la captivité de Babylone, ꝟ. 3-6. Le prophète se plaint à Dieu des chagrins que lui attire son ministère, ꝟ. 7-10 ; il espère néanmoins et se console parce qu’il sait que le Seigneur est avec lui, ꝟ. 11-13. II se décourage de nouveau et maudit le jour de sa naissance, j^. 14-18. — 2. Oracles contre les rois de Juda, xxi-xxiii, 8. — Sédécias envoie Phassur et Sophonie pour le consulter sur le sort de Jérusalem assiégée par les Chaldéens, xxi, 1-3. Jérémie annonce la prise de la ville et l’insuccès des Juifs, ꝟ. 4-7 ; il n’y aura d’épargnés que ceux qui se livreront à l’ennemi, ꝟ. 8-10. Il conjure le roi de détourner la colère de Dieu’par l’exercice de la justice, ꝟ. 11-12. Que la ville ne compte pas sur sa force, ꝟ. 13, 14. La maison de David ne peut être sauvée que par l’expiation de ses fautes, xxii, 1-9. Le prophète revient en arrière, et annonce le sort de Sellum ; il ne reverra jamais son pays et mourra en exil, ꝟ. 10-12. Joakim, établi roi par Néchao à la place de Sellum, est condamné à mort à cause de ses injustices, ꝟ. 13-19. Il prédit les conséquences qui découleront de là pour le peuple, ꝟ. 20-23 ; il annonce les événements qui concernent Jéchonias, soit avant sa déportation, y. tH-il, soit après sa déportation, ꝟ. 28-30. — Dieu consolera son peuple en lui envoyant le Juste qui justifie, le Messie, xxiii, 1-8 ; le Messie sortira de la race de David ; il en sera le germe. Description des caractères du Messie : il fera régner la paix, la justice et la sagesse. — 3. Oracles contre les faux prophètes, xxiii, 9-40. — Les faux prophètes par leurs mauvais exemples et leurs mauvaises maximes sont la cause de tous les malheurs et de la corruption de Juda, ꝟ. 9-15 ; ils ont trompé le peuple et l’ont égaré ; c’est pourquoi la colère de Dieu éclatera sur eux, ꝟ. 16-22 ; ils éloignent le peuple du culte du vrai Dieu en donnant leurs rêveries comme parole divine, ꝟ. 23-30 ; ils abusent criminellement de l’onus, c’est-à-dire des menaces des vrais prophètes, mais Dieu les couvrira de honte et de confusion, ꝟ. 31-40.

2° Jugement de Dieu contre le peuple en général, xxiv-xxix. — i. Première déportation, xxiv. — Le prophète voit deux paniers, l’un plein de bonnes figues, l’autre de mauvaises, ꝟ. 1-3 ; les bonnes figues représentent les Juifs captifs à Babylone, les mauvaisesles Juifs restés en Judée avec le roi Sédécias, ꝟ. 4-8 ; il annonce comment Dieu traitera ces derniers, ꝟ. 9-10. — 2. Prophéties antérieures concernant la captivité, xxvxxix. — Le chapitre xxv nous reporte à la quatrième année de Joakim. Jugement porté par Dieu contre le peuple et annonce de la captivité de 70 ans, xxv, 1-11. Voir Captivité (Durée de la), t. ii, col. 237-238. Il annonce les châtiments des peuples qui ont persécuté Juda sous l’allégorie d’une coupe de viii, ꝟ. 12-29 ; le monde entier sera détruit par la colère du Seigneur, y. 30-38. Jérémie continue de lutter contre les faux prophètes ; on s’empare de lui parce qu’il avait prédit la destruction de Jérusalem et du Temple, xxvi, 1-8 ; on discute sa condamnation à mort, ꝟ. 9-11. Pour sa défense Jérémie invoque la mission qu’il a reçue de Dieu, ꝟ. 1215. Le peuple se rappelant les prédictions analogues, faites par les anciens prophètes, se prononce pour Jérémie, y. 16-19. Joakim fait tuer le prophète Urie, y. 20-23. Ahicam sauve Jérémie, ꝟ. 24. Dieu ordonne au prophète de porter des chaînes au cou et d’en envoyer aux rois voisins, xxvii, 1-3 ; c’est le symbole de la soumission à Nabuchodonosor ; cette soumission est nécessaire à ceux qui veulent échapper à la destruction, y. 4-11. Le prophète donne les mêmes avertissements à Sédécias et le met en garde contre les faux prophètes, y. 12-15. Il s’adresse aux prêtres et à tout le peuple et leur annonce que le peuple sera emmené en captivité à Babylone, y, 16-22 ; confirmation de la prédiction par l’exemple d’Hananie et de Séméi ; le faux prophète Hananie prédit la paix à Jérusalem, xxviii, 1-11 ; il brise le joug que Jérémie porté au cou, ꝟ. 12. Dieu

ordonne au prophète de le remplacer par des chaînes de fer, ꝟ. 13-14. De la part de Dieu Jérémie annonce à Hananie qu’il mourra dans l’année, ꝟ. 15-17. Jérémie écrit aux Juifs déportés à Babylone avec le roi Jéchonias pour les exhorter à la résignation et les engager à s’établir en Chaldée où ils doivent demeurer 70 ans, xxix, 1-10. C’est alors seulement que Dieu les exaucera et les ramènera dans leur patrie, ꝟ. 11-14. Menaces contre les faux prophètes et ceux qui les écoutent, ꝟ. 15-19 ; menaces contre le faux prophète Séméi, qui avait écrit à Jérusalem pour demander qu’on mît Jérémie en prison, ꝟ. 24-32.

3° Prophéties messianiques, xxx-xxxiii. — 1. Restauration du peuple de Dieu, xxx. — Le prophète annonce l’avenir glorieux réservé aux Juifs ; il prédit leur retour dans leur pays, ꝟ. 1-3 ; il annonce ensuite le grand jour du jugement du monde et de la délivrance d’Israël par le Messie, ꝟ. 4-11. Dieu guérira un jour les blessures faites à Israël, et se tournera contre ceux qui furent les instruments de sa vengeance, ꝟ. 12-17. Achèvement et consommation du salut par le Messie, jl. 18-24. — S. Prophétie de la nouvelle alliance, xxxi. — Ce chapitre est le plus important de tout le livre de Jérémie ; il contient la promesse d’une alliance nouvelle substituée à l’ancienne que les Juifs avaient violée. Dieu sauvera les restes d’Israël, et les ramènera dans leur patrie, jꝟ. 1-6. Description de ce retour joyeux, J. 7-14. Rachel sera un jour consolée (cf. Matth., ii, 17, 18), car Éphraim se convertira et le Seigneur aura pitié de lui et le sauvera, ꝟ. 15-27 ; cf. S. Jérôme, In Jer., xxxr, 22, t. xxiv, col. 880-881, où, à la suite d’autres Pères latins, il entend le ꝟ. 22 de l’Incarnation. Quand le peuple se sera repenti de ses fautes, Dieu fera avec lui une nouvelle alliance qui sera tout intérieure (cf. Joa., iv, 23 ; Heb., vin, 8) ; alors il n’y aura plus d’adorateurs de faux dieux ; tout le monde reconnaîtra le rai Dieu, le Seigneur, ꝟ. 28-35. Israël, dans son ensemble, demeurera toujours le peuple de Dieu ; la ville sainte sera de nouveau rebâtie, et tout ce qui est impur sera purifié, ꝟ. 36-40. — 3. Le champ d’Analhoth, signe de Vaillance de Dieu avec Israël, xxxii-xxxiii. — Jérémie enfermé par le roi Sédécias dans la cour du Temple, xxxii, 1-6, reçoit l’ordre d’acheter un champ à Anathoth, ꝟ. 7-14. Le prophète hésite d’abord, car il voit que Jérusalem est sur le point de tomber entre les mains de Nabuchodonosor, jl. 1525 ; mais le Seigneur lui assure de nouveau qu’il délivrera son peuple de la captivité, lorsqu’il aura expié ses péchés ; c’est alors qu’il conclura avec lui une alliance éternelle, ꝟ. 26-44. Nouvelle promesse de la délivrance de la captivité et de la restauration de Jérusalem, xxxiii, 1-14 ; l’alliance de Dieu avec son peuple ne sera jamais rompue ; « le Germe de David » conservera toujours le trône de Juda et fera régner la justice, puisque son nom est. « Le Seigneur notre Juste », ꝟ. 15-18 ; la nouvelle alliance ssra aussi stable que les lois de la nature, ꝟ. 19-26.

4° Efforts infructueux pour convertir le peuple, xxxiv-xxxviii. — i. Le mépris de la loi cause de la ruine d’Israël, xxxiv-xxxv. — Nabuchodonosor assiège la ville, et Sédécias court les plus grands dangers, xxxiv, 1-7. Le peuple consent à mettre les esclaves en liberté, selon la loi. ꝟ. 8-10 ; mais il les reprend aussitôt, jp. 11. Jérémie lui annonce qu’il sera captif, ꝟ. 12-22. Le prophète reçoit l’ordre d’aller trouver les Réchabites, de la race des Cinéens, I Par., ii, 55, et de leur offrir du viii, xxxv, 1-5. Les Réchabites refusent pour rester fidèles aux préceptes de leurs ancêtres, ꝟ. 6-11. Le prophète compare cette conduite avec l’infidélité de Juda envers Dieu, ꝟ. 12-16. Nouvelles menaces contre Juda, ꝟ. 17. Promesses faites aux Réchabites, ꝟ. 18-19. — 2. Malheurs d’Israël causés par sa résistance aux propliètes, xxxvixxxviii. — Trois preuves pour démontrer que l’indocilité du peuple aux enseignements des prophètes est la cause de tous ses maux : a) Ce qui s’est passé sous Joakim ; il

fait lire ses prophéties par Baruch ; le roi irrité jette au feu le volume, et s’apprête à faire arrêter Jérémie et Baruch ; mais Dieu ne permet pas qu’on les trouve ; Jérémie annonce au peuple que les menaces se réaliseront ponctuellement, xxxvi. — b) La même chose se reproduit à peu près sous Sédécias ; le prophète exhorte ses concitoyens à se soumettre aux Chaldéens ; lui-même se réfugie à Anathoth, mais on l’arrête et le jette en prison ; il annonce à Sédécias le sort qui l’attend, xxxvii. — c) Nouvelle exhortation à se soumettre à Nabuchodonosor : on jette le prophète au fond d’une citerne, d’où il est retiré par Abdémélech, avec la permission du roi ; il conseille de nouveau à Sédécias de se rendre aux Chaldéens ; le prince refuse de suivre ses conseils, et Jérémie reste en prison jusqu’à ce que la ville tombe entre les mains de l’ennemi, xxxviii.

5° Accomplissement des prophéties contre Jérusalem, xxxix-xlv. — 1. Prise de Jérusalem, xxxix. — La ville de Jérusalem est prise, ꝟ. 1-2 ; Sédécias a les yeux crevés et est emmené à Babylone ; la capitale et le temple sont brûlés, jl. 3-10 ; Jérémie et Abdémélech échappent à la ruine, ꝟ. 11-18 : c’est l’accomplissement des prophéties. — 2. Sort des Juifs restés en Palestine, xl-xlv.

— Même les Juifs restés en Palestine furent châtiés ; Jérémie, ayant obtenu la permission de demeurer où il voudrait, se rend près de Godolias à Masphath, XL, 1-6. Un grand nombre de Juifs le suivent dans cette retraite, y. 7-12. Johanan prévient Godolias qu’Ismæl, qui était réfugié chez le roi d’Ammon, Baalis, veut le mettre à mort ; Godolias ne le croitpas, jl. 13-16, et il est assassiné par Ismæl avec beaucoup d’autres Juifs, xli, 1-7. Ismæl emmène d’autres Juifs prisonniers, lesquels sont délivrés en route par Johanan, ꝟ. 8-16. Le reste du peuple, malgré les conseils de Jérémie, craignant la vengeance des Chaldéens, s’enfuit en Egypte et l’emmena de force, xli, 17-xuii, 7. Là ils seront punis de leur idolâtrie et de leur infidélité.par Nabuchodonosor, qui ira les atteindre dans leur retraite même, xlhi, 8-XLV.

QUATRIEME PARTIE : PROPHÉTIES CONTRE LES PEUPLES

Étrangers, xlvi-li. — Ces prophéties, qui annoncent des châtiments réservés aux ennemis du peuple de Dieu, sont au nombre de neuf : 1° contre l’Egypte, xlvi ; 2° contre les Philistins, xlvii ; 3° contre Moab, xlviii ; 4° contre Ammon, xlix, 1-6 ; 5° contre l’Idumée, xlix, 7-22 ; 6° contre Damas, xlix, 23-27 ; 7° contre Cédar et Asor, xlix, 28-33, 8° contre Élam, xux, 34-39 ; 9° contre Babylone, l-li. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. v, p. 135-140.

épilogue, lu. — Cet épilogue n’est autre chose qu’une conclusion historique ; elle montre comment toutes les prophéties relatives à la ville sainte se sont accomplies : prise de Jérusalem par Nabuchodonosor après deux ans de siège, jI. 1-6 ; malheurs de Sédécias, ꝟ. 7-11 ; incendie de la capitale, ꝟ. 12-13 ; déportation des habitants, ꝟ. 14-16 ; enlèvement des vases sacrés du Temple, ꝟ. 17-23 ; dénombrement des trois déportations, ꝟ. 21-30 ; adoucissement aux maux de Jéchonias, ꝟ. 31-34.

III. Unité du livre.

Quoique les prophéties qui sont réunies dans ce livre se rapportent à des époques différentes et traitent de sujets divers, elles sont pénétrées d’une seule et même idée qui en fait un tout et le recueil en a été fait avec un certain ordre. — 1° Les critiques négatifs le nient. D’après eux, le livre est composé de morceaux sans cohésion et sans suite. Ils ne peuvent cependant s’empêcher d’y reconnaître quelque unité. Driver résume leur opinion de la manière suivante. Il suppose que, avant d’arriver à son état actuel, le livre de Jérémie a passé au moins par cinq stades successifs : le premier est représenté par le rouleau de la quatrième année de Joakim, dans lequel le prophète écrhit par la main de Baruch les prophéties faites durant les 23 années précédentes ; le second est représenté par le rouleau delà cinquième année de Joakim dans lequel les

mêmes prophéties furent de nouveau écrites avec quelques additions. Jer., xxxvi, 32. On peut admettre que ce rouleau contenait, à l’exception de quelques gloses ajoutées plus tard, I, 1-2, 4-19 ; n-vi ; vii-ix, 26 ; x, 17-25 ; xi, 1-8 ; xi, 9-xii, 6 ; xxi, 11-xxii, 19 ; xxv ; xlvi-xlix ; le troisième serait indiqué par I, 3, et embrasserait les prophéties faites durant les 17 années suivantes, jusqu’à la prise de Jérusalem, à savoir : xiii ; xii, 1-10 ; xxii, 20xxiii, 8 ; xxiii, 9-40 ; xxiv ; xxx-xxxiii (dans sa plus grande partie) ; xlix, 34-39 ; li, 59-64° ; quant à xivxvii ; xviii-xx, ils pourraient à la rigueur avoir fait partie du second rouleau ; mais ces prophéties ont pu être ajoutées au troisième stade ; au quatrième stade on aurait ajouté les prophéties relatives aux événements arrivés en 586 av. J.-C. ; à savoir : xxxviii, 28 b ; xxxix, 3-14 ; xl-xliv ; on ne sait s’il faut rapporter à ce stade les récits biographiques, xxvi ; xxxv ; xxxvi ; xlv (relatifs au règne de Joakim) ; xxvii-xxix ; xxxiv ; xxxviixxxviii, 28° ; xxxix, 15-18 (relatifs à Sédécias) ; au cinquième, non complété par une seule main, appartiendraient : x, 1-16 ; l-li, 58 ; xxxix, 1, 2, 4-13 (les fꝟ. 12, 4-10, abrégés de IV Reg., xxiv, 1, 3, 4-12) ; lu (appendice historique extrait de IV Reg., xxiv, 18 et sq.), et des gloses disséminées çà et là. Driver, Introduction, p. 270-271.

2° Les exégètes reconnaissent généralement qu’il n’y a pas unité absolue dans les prophéties de Jérémie, comme du reste dans la plupart des livres prophétiques. Ces livres sont des recueils d’oracles, et non une composition littéraire faite d’un seul jet ; mais il n’en existe pas moins dans le livre de Jérémie une unité relative. On y remarque en effet l’unité de sujet : Les talmudistes avaient déjà enseigné que toute la prophétie de Jérémie a pour objet la « dévastation » comme celle d’Isaie la « consolation ». Il y aurait de l’exagération à prendre cette affirmation à la lettre, car assez souvent Jérémie parle d’espérance et laisse entrevoir un avenir meilleur aux Juifs affligés, mais elle contient une part de vérité. Jérémie est le « prophète de la justice divine ». Sa mission est de « faire connaître aux Juifs les jugements de Dieu contre toute la malice de ceux qui l’ont abandonné », Jer., i, 16 ; « il est établi sur les nations et les royaumes pour arracher et détruire, pour perdre et dissiper, pour bâtir et planter, » Jer., i, 10 ; la justice divine remplit toutes ses prophéties ; elle en est comme le commencement et la fin ; il ne se lasse pas de démontrer que le peuple choisi et comblé de tant de bienfaits de la part de Dieu a mérité la ruine finale par l’abus qu’il a fait de la longanimité divine et par ses nombreuses rechutes. Cette idée de la justice divine gouverne les récits et les oracles de Jérémie et leur imprime un véritable caractère d’unité. Cornely, Inlroductio spéciale, t. ii, p. 374.

IV. Ordre du livre.

Quant à l’ordre suivi parle prophète dans son recueil, c’est un ordre logique et non un ordre chronologique, comme le montre le tableau suivant des indications chronologiques :

m, 6 : « dans les jours de Josias. » xxi, 1 : au temps de Sédécias (une des dernières années),

xxiv, 1 : après la déportation de Jéchonias par Nabu chodonosor.

xxv, 1 : « la quatrième année de Joakim. » xxvi, 1 : « au commencement du règne de Joakim. » xxvii, 1 : « au commencement du règne de Joakim »

(lire de Sédécias, ꝟ. 3, 12).

xxviii, 1 : « la quatrième année de Sédécias. » xxix, 2 : « après la déportation de Jéchonias. » xxxii, 1 : « la dixième année de Sédécias. » xxxiii, 1 : au temps de Sédécias.

xxxiv, 1 : id.

xxxv, 1 : « dans les jours de Joakim. »

xxxvi, 1 : « la quatrième année de Joakim. » xxxvii, 1 : au temps de Sédécias.

xxxviii, 1 : id.

xxxix, 1 ; « la neuvième année de Sédécias. »

XL, 1 : après la déportation du peuple en Chaldée. xlv, 1 : « la quatrième annçe de Joakim. » xlvi, 2 : id.

xlix, 34 : « au commencement du règne de Sédécias. » lu, 31 : « la trente-septième année de la transmigration de Joakim. »

Voici, d’après M. Le Hir, les principes qui auraient présidé à l’ordre adopté dans le recueil des prophéties de Jérémie. « On a longuement disserté, dit-il, et avec des résultats bien divers sur les causes de ce dérangement dans l’ordre des pièces… Sans vouloir prendre parti dans cette controverse, j’aimerais mieux penser que le hasard n’y est pour rien, mais que deux principes ont présidé à l’arrangement des chapitres ; car d’abord on a suivi souvent l’ordre des matières en joignant ensemble les prophéties qui se rapportaient au même objet ou à des objets analogues ; une étude attentive du texte ne permet pas d’en douter ; secondement, là où cet ordre ne parait pas, on peut supposer que les pièces ont été disposées selon l’ordre des lectures publiques qui se faisaient dans les synagogues. Tel chapitre convenait mieux à telle fête, à tel anniversaire, à telle saison de l’année. D’après ce point de vue, qu il est impossible de constater historiquement, mais qu’on peut admettre comme une hypothèse vraisemblable, nous aurions dans les prophéties de Jérémie un livre de leçons disposées selon l’ordre liturgique, où l’on s’est écarté de l’ordre chronologique toutes les fois que les besoins de joindre ensemble des oracles analogues ou les autres nécessités du culte l’ont eiigë. » Le Hir, Les trois grands prophètes, Paris, 1877, p. 234-235. On peut se rendre compte, au moins en partie, à l’aide de ces principes, des différences qui existent dans l’ordre des chapitres entre le texte hébreu et le texte grec, et dont il sera question plus loin.

V. Authenticité.

Jamais on n’a contesté ni mis en doute l’authenticité du livre de Jérémie en général. Elle est attestée par le témoignage de l’Ecclésiastique : xlix, 8 ; cf. Jer., xx, 1-4 ; xxxvi, 26 ; xxxvii, 11-14 ; Eccli., xlix, 9 ; cf. Jer., i, 5, 10 ; — de Daniel : ix, 2 ; cf. Jer., xxv, 11-12 ; xxix, 10 ; — d’Eadras : I Esd., i, 1 ; cf. Jer. xxv, 11-12 ; cf. aussi II Par., xxxvi, 22 ; — et du Nouveau Testament : Matth., ii, 17-18 ; cf. Jer., xxxi, 15 ; Matth., xxi, 13 ; cf. Jer., vii, 11 ; Matth., xxvii, 9 ; cf. Jer., xviii, 20 ; xix et passim ; Heb., viii, 8-9 ; cf. Jer., xxxi, 31-32 ; Heb., x, 16 ; cf. Jer., xxxi, 33. — Mais tout en reconnaissant l’authenticité de la majeure partie de Jérémie, certains critiques nient ou contestent l’authenticité de quelques chapitres, que nous allons examiner successivement.

I. chapitres x, i-16 ; xxx-xxxi ; xxxiii. — Ils attribuent ces chapitres à celui qu’ils appellent le Deutéro-Isaie. Voir Isme, col. 959. — 1° D’après eux, le prophète Zacharie, viii, 7-8, cite Jérémie, xxx, 7-8, 33 (texte hébreu), et suppose, viii, 9, que l’auteur à qui il fait ses emprunts est son contemporain. — Mais cet argument repose sur une fausse interprétation de Zach., viii, 9 ; car dans ce passage il n’est pas question de citations d’écrits, mais de discours oraux tenus par des prophètes de son temps ; quant à Zach., viii, 7-8, ce ne sont pas des citations ; ces versets sont formés de membres de phrases qu’on trouve dans les prophètes antérieurs, mais le groupement en est dû à Zacharie lui-même. — 2° On ne peut pas alléguer que ces chapitres se relient tous ensemble et contiennent des prédictions qui rappellent la seconde partie d’Isaie ; car l’enchaînement de ces chapitres n’est pas un fait isolé dans la Bible ; s’ils rappellent les prédictions de la seconde partie d’Isaie, c’est que l’objet est le même ; parfois différents prophètes ont prédit les

mêmes événements. An surplus tous les critiques reconnaissent dans ces chapitres le style de Jérémie ; pour expliquer cette ressemblance de style, les critiques qui rejettent l’authenticité de ces chapitres, sont forcés de soutenir que l’auteur s’est appliqué à imiter le style de Jérémie. — 3° Aces arguments généraux contre les chapitres x, 1-16, xxx-xxxi et xxxiii, on ajoute des arguments de détail. On prétend 1. que l’exhortation à éviter l’idolâtrie, x, 1-16, et la rédaction du jfr. Il en chaldéen supposent un auteur vivant à l’époque de l’exil. — Il est aisé de répondre que l’exhortation à fuir l’idolâtrie n’était pas seulement de mise à l’époque de l’exil ; elle convenait aussi à l’époque antérieure, car même à cette époque le peuple s’était rendu coupable d’actes idolâtriques. Cf. Jer., xliv, 16-25. Pour ce qui concerne la rédaction en chaldéen du J. 11, on pourrait tout au plus conclure que ce passage est une interpolation, ce qu’ont soutenu bien des commentateurs ; mais il est plus simple de dire que c’est une espèce de parenthèse due à Jérémie lui-même, qui devait savoir quelques mots de chaldéen ; la forme’areqâ’se rencontre dans les inscriptions araméennes sur des poids de Ninive (vine siècle avant J.-C) ; cf. Corpus inscr. sem., II, I, n. 1, 2, 3 etc. ; en mandéen ; cf. Noldeke, Handaische Gramrnatik, Halle, 1875, p. 73 ; et dans les inscriptions découvertes à Sendjerli, près d’Alep, et datant du viiie siècle avant Jésus-Christ. Cf. D. H. Muller, Die àllsem. Inschriften von Sendschirli, 1893, p. 41, 54 ; Noldeke, dans la Zeilschrift der deutschen Morgent dndischen Gesellschaft, 1893, p. 96 ; Driver, Introduction, p. 255, en note. — 2. La ressemblance de style entre Jérémie, x, 1-16 et quelques passages d’Isaie n’a pas lieu d’étonner ; si les considérations sur la vanité des idoles se trouvent aussi dans la seconde partie d’Isaie, Is., xl, 19-22 ; xli, 7-29 ; xliv, 9-20 ; xlvi, 5-7 ; la cause en est que le même sujet et les mêmes circonstances provoquent les mêmes raisonnements et les mêmes réflexions. — 3. On ne peut pas invoquer davantage la différence de phraséologie par rapport au reste de Jérémie ; car des idées différentes expliquent très bien une manière différente de parler ; de plus s’il y a des différences, il y a aussi des ressemblances ; par exemple, x, 15, ’et paqâd, « le temps de la visite. » Jer., vi, 15 ; viii, 12 ; xlvi, 21 ; xlix, 8 ; l, 27, 31 ; li, 18.

il. chapitres xxx-xxxi, xxxiii. — 1° On y trouve l’expression, Jer., xxx, 10, « mon serviteur, » qui est familière à la seconde partie d’Isaie. — Elle se trouve aussi dans d’autres endroits de l’Ancien Testament : elle était assez connue à cette époque ; de plus Jérémie a pu l’emprunter à Isaie, sans qu’il soit nécessaire d’attribuer ces fragments à Isaïe lui-même. — 2° Jérémie parle avec une certaine prédilection des prêtres et des lévites. Jer., xxxi, 14 ; xxxiii, 18, 22. — Pour le faire il suffisait de connaître le Deutéronome, xvii, 9-20, et Jérémie le connaissait. — 3° Quant à la ressemblance de style avec la seconde partie d’Isaie, elle n’est pas plus frappante ici que dans d’autres passages où Jérémie imite les prophètes qui l’ont précédé ; dans ces passages Jérémie a donc pu imiter Isaie.

m. chapitres xxrn-zxix. — 1° On allègue contre ces chapitres la forme abrégée de certains mots qu’on y rencontre. — Ce n’est pas là un fait isolé ; la double forme : pleine en i.n>, et abrégée en n> se trouve dans d’autres passages du livre de Jérémie ; ainsi par exemple, forme abrégée, xxi, 1 : Malkîyâh, ! $efanyàh ; xxvi, 18 : Mikâydh ; xxxv, 3 : Ya’âzanyâh ; xxxvi, 4 : Nêrydh. De plus Osée, 1, 1, et Amos, 1, 1, écrivent en forme abrégée les noms des rois qu’Isaïe, i, 1, écrit en forme pleine ; dira-t-on pour cela qu’Osée., i, 1, et Amos, i, 1, sont apocryphes ? — 2° Si Jérémie dans ces chapitres s’appelle « le prophète », Iian-nàbî, xxviii, 5, 6, 10 ; xxix, 1, etc., la chose se comprend aisément : en effet dans ces chapitres Jérémie traite des machinations des faux prophètes ; il peut

donc énoncer par contraste son vrai titre, son titre, pour ainsi dire, officiel. — 3° Le fragment xxvii, 7, 1621 manque ou se lit différemment dans les Septante. Cela est vrai, mais provient d’un fait particulier dont nous hous occuperons plus loin, à savoir : la double recension des prophéties de Jérémie. Qu’il suffise de faire observer ici que, pour rejeter ce fragment parce qu’il manque dans la recension alexandrine, il faudrait prouver que le recenseur massorétique l’a ajouté de sa propre main. Cornely, Introductio specialis, t. ii, p. 401. iv. chapitres l-li. — 1° Ces chapitres contiennent des prophéties contre Babylone d’une parfaite exactitude : c’est la seule raison pour laquelle ils sont rejetés. On y voit des vaticinia post eventum, parce qu’on affirme l’impossibilité du miracle et de la prophétie, ce qu’il faudrait démontrer. De plus, si l’objection valait pour ces deux chapitres, il faudrait rejeter pour les mêmes motifs, xxv, 11-14 ; xxvii, 7, 22 ; xxix, 10 ; xxxiii, 14-26 ; xxxix, 1-2, 4-13, qui contiennent des prophéties très exactes. — 2° Il n’est pas impossible que ces prophéties soient de la quatrième année du règne de Sédécias, c’est-à-dire de l’an 593 ; elles supposent, il est vrai, la destruction du Temple, L, 28 ; LI, 11, 51 ; que les Juifs souffrent en exil pour leurs péchés, l, 4-5, 7, 33, li, 34-35 ; et que Jéhovah est prêt à leur pardonner et à les délivrer, l, 20, 34 ; li, 33 b, 36 ; mais le prophète en parlant ainsi, se sert de ce qu’on appelle le passé ou le présent prophétique, qui consiste à regarder comme passés ou présents des événements futurs ; ce fait se constate chez tous les prophètes. — 3° De ce que Jérémie, xxvii-xxix, combat les faux prophètes qui annonçaient la chute prochaine de Babylone, tandis que, l-li, l’auteur lui-même l’annonce, on ne peut pas conclure que ces deux derniers chapitres ne sont pas le point de vue de Jérémie, car et la situation et le but sont différents dans xxvii-xxix, Jérémie combat les faux prophètes, et veut que le peuple n’ait aucune confiance en eux, tandis que dans l-li c’est lui-même qui annonce ces lugubres événements. De plus ces prophéties ont été faites à des époques différentes, au moins en partie : xxvii, 1-11, au temps du roi Joakim ; xxvii, 12-xxix, sous Sédécias ; le but est aussi différent : dans un cas il annonce la captivité, dans l’autre la délivrance : « c Quelle contradiction y a-t-il à admettre, comme le veut l’indication chronologique du texte, que, dans la même année, la quatrième de Sédécias, Jérémie ait, en deux circonstances différentes, parlé de la durée encore longue de l’empire de Babylone, et affirmé que cet empire serait détruit ? Ces deux vérités devaient nécessairement se rencontrer dans ses oracles. En énonçant la première, il prémunissait ses concitoyens, déportés à Babylone en même temps que le roi Jéchonias, contre tout ce qui aurait pu aggraver leur situation. En énonçant la seconde, il faisait briller l’espérance dans le lointain et montrait qu’il fallait avoir confiance dans la bonté divine. Cette double pensée fait tout le fond de ses prophéties : les Babyloniens, vainqueurs des Juifs coupables, seront eux-mêmes vaincus, et Israël, châtié et repentant, reviendra dans sa patrie. Voudrait-on lui faire un reproche de ce qu’en un endroit il appuie sur l’une de ces vérités plutôt que sur l’autre ? » Trochon, Jérémie, p. 1213. — 4° On ne saurait dire non plus que le ton joyeux et satisfait avec lequel l’auteur annonce la délivrance de la captivité ne convient pas à Jérémie qui avait été traité avec égards par Nabuchodonosor après la prise de Jérusalem, Jer., xxxix etc., qui, même en Egypte, regardait encore le roi de Babylone comme l’instrument de la Providence, Jer., xliii, 10-13 ; xliv, 10 ; car les cas sont différents et différentes aussi les fins ; quand il se réjouit de la-délivrance, Jérémie s’en réjouit comme de la fin des châtiments de ses compatriotes, et comme du pardon accordé par Dieu à leurs iniquités ; au contraire quand il parle de Nabuchodonosor comme accomplissant les desseins de Dieu, il énonce simplement un fait : « On prétend encore que Jérémie, qui partout ailleurs est l’ami des Chaldêens, n’a pu se poser ici comme leur ennemi et prédire leur destruction. Mais s’il a annoncé leurs succès, s’il a prophétisé leur conquête de Jérusalem et la ruine de sa patrie, ce n’est nullement par affection pour Babylone. Il n’a agi que comme messager de Dieu. C’est le cœur serré et plein de tristesse, qu’d prédit cet acte nécessaire de la vengeance divine, seul moyen d’expier les péchés d’Israël ; mais cette mission reçue de Dieu l’empêche-t-elle d’aimer sincèrement sa patrie ? Non, il ressent une profonde indignation à la vue des cruautés que les Chaldêens exercent contre ses compatriotes. Il annonce souvent que Babylone sera punie à cause de sa cruauté, de son orgueil, de son idolâtrie. » Trochon, Jérémie, p. 13.

5° Nous ne nous arrêterons pas à discuter l’objection tirée de la différence de style et de langue, car, comme Je fait remarquer Hitzig, « cet oracle offre de nombreuses traces de son authenticité, et il y a de sérieuses raisons pour le conserver : l’usage de mots particuliers, l, 6 ; n, l, 3, 7, 14, 45, 55 ; les figures employées, li, 7, 8, 34, 37, aussi bien que le style, L, 2, 3, 7, 8, 10, spécialement dans des tours de phrase tels que li, 2, la conclusion, li, 57, le dialogue introduit sans aucune formule préparatoire, Li, 51 ; tout révèle Jérémie d’une manière frappante, et ce résultat est confirmé par la date chronologique. » Dans Trochon, Jérémie, p. 12. Pour ces objections, cf. Driver, Introduction, p. 266-267, et pour d’autres de moindre importance, Cornely, Inlrod. spec, t. ii, p. 399-400.

V. Chapitre lii.

On rejette ce chapitre parce qu’on le regarde comme une addition supplémentaire de IV Reg., xxiv, 18-xxv. — Mais la ressemblance entre ces deux fragments est facile à expliquer, puisque très probablement Jérémie est l’auteur de III et IV Reg. — Néanmoins nous reconnaissons que ce chapitre présente une réelle difficulté : « Le chapitre lie se termine (ꝟ. 64) par ces paroles : « Jusqu’ici les paroles de Jérémie. » Il s’ensuivrait que Jérémie n’est pas l’auteur de ce récit historique qui aurait été ajouté en supplément à son Livre. Il est certain que le style en est différent. Le nom de Joiachin est différent de celui qui est employé par le prophète dans les autres endroits où il le mentionne. Seb. Schmidt a supposé que les membres de la grande synagogue avaient emprunté ce chapitre au IVe Livre des Rois et l’avaient ajouté ici. Selon Grotius, les chefs des exilés à Babylone auraient écrit ce chapitre pour en faire comme une Introduction aux Lamentations qui suivent les prophéties. » Trochon, Jérémie, p. 13, 14.

VI. Intégrité.

Un grand nombre de critiques soutiennent que beaucoup de passages ont été ajoutés sous prétexte que plusieurs d’entre eux ne se trouvent pas dans les Septante, que d’autres sont des répétitions de passages antérieurs, ou bien qu’ils brisent l’enchaînement du récit ou contiennent des idées étrangères à Jérémie.

Les passages interpolés sont pour Kuenen :
xvi, 1415 ; xvii, 19-27 ; xxix, 16-20 ; xxx, 10-11, 22-24 ; xxxi, 3537 ; xxxiii, 2-3 ; il regarde comme douteux, ix, 23-24, 25-26 ;
xlviii est en partie interpolé particulièrement dans les j). 40-46 ; 40° », 41 b ; 45-47. Cf. Driver, Introduction, ^. 273 ; Stade, dans la Zeitschrift fur die alttest. Wissenschaft, 1883, p. 15, 16.

Les deux derniers auteurs qui se sont occupés de Jérémie, Cornill et Giesebrecht, suivent Kuenenj et ajoutent d’autres interpolations, comme : i, 3 ; iii, 17-18 ; xv, 11-14 ; xvi, 14-16 ; xvii, 12, 19-27 ; xxi, 11-12 ; xxiii, 19-20 ; xxx, 10-11 ; 22-24 ; xxxi, 10-14, 35-37 ; xxxii, 1>>, 2° -5, 17-23 ; xxxiii, 2-3, 11°>, 1426 ; XL vi, 27-28 ; —dans xxvil, Cornill rejette le ꝟ. 7 et une grande partie de 19-22, tandis que Gigsebrecht ne rejette que le ꝟ. 7 ; dansxxix, Cornill omet, 2, 16-20, 223J, tandis que Giesebrecht conserve 16-20. Il est vrai que le texte de Jérémie n’est pas actuellement dans un ordre parfaitement naturel et régulier ; il a subi des dérangements et des déplacements comme le prouve la comparaison du texte des Septante avec le texte hébreu, mais fl n’est nullement établi que les passages attaqués par Kuenen et ses imitateurs soient des interpolations. Voir Driver, Introduction, p. 273.

VII. Canonicité.

La canonicité du livre de Jérémie a été toujours admise sans hésitation. Les preuves en faveur de cette canonicité sont :

1° L’insertion au canon juif : le livre de Jérémie se trouve dans le double canon juif : palestinien et alexandrin ; c’est dire que les Juifs l’ont toujours mis au nombre de leurs écrits sacrés ; voir Canon, t. ii, col 137-143.

2° La tradition juive : constatée par Daniel, ix, 2, et par II Par., xxxvi, 20-21 où il est dit que Dieu avait prédit par la bouche de Jérémie, la captivité de 70 ans à Babylone et le retour en Palestine. Cf. Josèphe qui appelle Jérémie le « prophète », Ant. jud., X, v, 1.

3° La tradition chrétienne : contenue dans le Nouveau Testament ; Notre-Seigneur et les Apôtres citent souvent Jérémie comme auteur inspiré ; voir plus haut : V, col. 1272, et Rom., ix, 20 ; I Cor., i, 31 ; II Cor., vi, 18.

4° La tradition ecclésiastique : l’Église a toujours mis Jérémie au nombre des Écritures canoniques. Voir Canon, t. ii, col. 143-167.

VIII. Texte du livre.

I. texte original.

Le texte original du livre de Jérémie est l’hébreu, mais un hébreu mélangé de mots et de tournures étrangers, en particulier d’aramaismes ; on y trouve des formes de date récente par exemple : ii, 22 : borif pour bar, « alcali végétal ; » — xi, 16 : hâmûlâh pour hâmôn, « frémissement ; » — xxxvii, 15 : sofêr pour sotêr, « juge ; » — XL, 2 : le pour indiquer un objet proche ; — XI, 2, et passim : ’al pour’él. — On y trouve aussi des formes d’origine habylonienne, par exemple : ii, 22 : niktâm,

li, 23 : sâgân ; — LI, 28 : péhâh ; — lii, 4 ; dâyêq ;

— d’autres formes irrégulières, comme : iii, 4 : qârâ’lî pour la 2 « personne du féminin ; — iii, 22 : ’âj.ânû ; — xiii, 19 : hôgelo( ; — xx, 11 : ’âtî pour’itî ; — xxv, 3 : ’askêm comme hiphil ; — xxvi, 9 : nibêld ; — xlvi, 8 : ’obiddh. Cf. Knobel, Jeremias Chaldaizans, Breslau, 1831, p. 3, 32. — Le texte hébreu est en général bien conservé ; cependant on constate qu’il a subi quelques altérations, et il est possible de rétablir en certains cas la leçon originale, par exemple, v, 28 : lo yaslihû pour : ve’yaslîhû, « ils ne prospérèrent pas ; » Septante : oùx £xpivav ; Peschito : lu’têrso ; Vulgate ; non direxerunt ; — xi, 15 : lîdidâfl pour Udîdî, « à mon aimée ; » Septante : r ? ]Ya7tïi|iÉvr) [*ou ; Peschito : Jiàbybfy ; Vulgate : dilectus meus ; — ibid. : ’âsefâh pour’âiôfâh ; Septante : èîioïï)<je ; Vulgate : fecil ; ibid. : han-nedârim pour hâ-rabbîm, « vœux ; » Septante : zifjxi’; — ibid. : ya’âbîrû pour ya’abrû ; Septante : àosXoùatv ; Peschito : ne’brôn ; Vulgate : auferent ; — xv, 14 : ve ha’âbâdli pour ve’ha âbarfi, « je réduirai en esclavage ; » Septante : xataSouXûato ; Teschito : v’sê’bdêk ; — xxi, 14 : 6t’’âréyhà, pour be’ya’erâh, « dans ses villes ; » Pes ; chito : bqorêyh ; — xxv, 38 : hêréb pour hârôn, « glaive ; » Septante : (iaj(ac’pa ;  ; — Ibid. : Yehôvâh pour ha’yônâh, « le Seigneur ; » Peschito : mryô’; Vulgate : Domini, à la fin du $. ; — xxvii, 1 : Sidqiâhû pour Yehôyâqim, <i Sédécias ; » Peschito : Sdôqyo’; — xxviii, 8 : û’ie’râ’âb pour û’ie’râ’âh, « à la faim ; » Vulgate : et de famé ; — xxxiii, 16 : ve’zéh semô pour ve’zèh, « et ceci son nom ; » Peschito : vehnô Smêh ; Vulgate : et hoc est nomen ;

xlii, 12 : ve’nhamfî pour ve’riham, « et j’aurai pitié ; » Septante : y.ai èXevîaw ; Peschito : ve’ârhêmkôn ; Vulgate : et miserebor ; — Ibid. : ’dsîb pour hêsib, « je vous ferai revenir ; » Septante : Imaiptyta ; Peschito : ve’ûtêbkôn ; Vulgate : habitare vos faciam ; — xlvi, 15 : nos hâf pour : nishaf, « s’enfuit Apis ; » Septante : Spuyev [àisb ao>] 6 T Aitt ;  ; — li, 1 : Kasdim pour lêb qâmaï « les Chaldêens ; » — li, 41 : bâbél pour sêsak.

H. le texte des septante. — II existe de grandes différences entre le texte massorétique et le texte des Septante du livre de Jérémie. Elles sont plus considérables que dans aucun autre livre. Elles consistent en additions, omissions, variations d’expressions et transpositions. — On a calculé que les mots non rendus dans les Septante sont au nombre de 2700, un huitième du livre tout entier. Les omissions les plus importantes sont : vm, 10-12 ; x, 5-8, 10 ; XI, 7-8 ; xvii, 1-4 ; xxvii, 13-14, 19-22 ; xxix, 16-20 ; xxx, 10-11 ; xxxiii, 14-26 ; xxxiv, 11 ; xxxix, 4-13 ; li, 4449 ; lii, 2-3, 15, 28-30. - Les additions sont sans importance : I, 17 ; ii, 31. — Les transpositions sont nombreuses ; l’ordre est le même jusqu’au chapitre xxv ; à partir de là il diffère de la manière suivante :

HÉBREU ET VULGATE

xxv, 14-38

xxvi, 1-xliii, 13… xliv, 1-30

XLV, 1-5

xlvi, 1-28

    1. XLVII##

XLVII, 1-7

XLvm, 147

XL1X, 1-5

J<l, 7-22,

Id., 23-27…

ld., 28-33

ld., 34-39

L, 1-li, 64

Septante xxxii, 1-24. xxxiii, 1-l, 13. li, 1-30. li, 31-35.

xxvi, 1-28 (contre les Égyptiens), xxix, 1-7 (contre les Philistins). xxxi, 1-44 (contre Moab). xxx, 1-5 (contre les Ammonéens). xxix, 7-22 (contre Édom). xxx, 12-16 (contre Damas), xxx, 6-11 (contre les Arabes), xxv, 14-18 (contre Élam). xxvii, 1-xxviii, 64 (contre Babylone). lu, 1-34 lii, 1-31 (ruine de Jérusalem).

Septante Hébreu et Vulgate

xxv, 14-18 xlix, 34-39 (contre Élam).

xxvi, 1-28 xlvi, 1-28 (contre les Égjptiens).

xxvii, 1-xxvin, 64.. l, 1-li, 64 (contre Babylone).

xxix, 1-7 xlvii, 1-7 (contre les Philistins).

ld., 8-23 xlix, 7-22 (contre Édom).

xxx, 1-5 xlix, 1-5 (contre les Ammonéens).

Jrf., 6-Il Id., 28-33 (contre les Arabes).

Id., 12-16 Id., 23-27 (contre Damas).

xxxi, 1-44 XLvm, 1-47 (contre Moab).

xxxii.1-24 xxv, 14-38.

xxxiii, 1-l, 13… xxvi, 1-xLin, 13.

li, 1-30 xliv, 1-30.

ld., 31-35 xlv, 1-5.

lu, 1-34 lii, 1-34.

Sur les causes de ces divergences, on a émis deux opinions extrêmes : les uns les attribuent à l’incompétence et à l’arbitraire des traducteurs grecs, des Septante ; ainsi Kueper, Havernick, Wichelhaus, De versione alexanénna, in-8°, Haie, 1847, Graf, Der Prophet Jeremia erklurt, in-8°, Leipzig, 1862 ; — d’autres les expliquent en supposant que le texte hébreu actuel et celui dont se servirent les Septante pour leur traduction représentent deux recensions du livre de Jérémie. La vérité doit se trouver dans une opinion intermédiaire, à savoir : quelques divergences sont dues au fait que le texte hébreu dont se servirent les Septante différait en quelques points de notre hébreu actuel ; d’autres seraient dues à la négligence ou à l’inadvertance des traducteurs grecs. Le déplacement des chapitres qui porte surtout sur les prophéties relatives aux peuples étrangers a d’ailleurs en soi peu d’importance. — Quant à la valeur des deux textes, les uns préfèrent le texte massorétique ; ainsi A. Kueper, Jeremias Librorum Sacrorum mterpres atque vindex, Berlin, 1837, p. 167-202 ; Graf, op. cit., t. i, p. xl. Cf. Cornely, Introd. spec, t. ii, p. 371 ; Trochon, Jérémie, p. 16 ; Kaulen, Emleitung, 3e édit., Fribourg, 1892, p. 364, 365. — D’autres aiment mieux le texte des Septante cf. Trochon, /ere’» me, p. 16 ; Cornely,

Introd. spec, t. ii, p. 371. —Une opinion intermédiaire attribue aux traducteurs grecs toutes les variantes textuelles ; mais quant à l’ordre, elle préfère celui des Septante ; cf. Nagelsbach, Der Prophet Jeremia, dans le Bibelwerk de Lange, 1868, p. xix ; Payne Smith, dans le Speaker’s Commentary, 1875, v, p. 323 ; W. R. Smith, The Old Testament in theJewish Church, 2e édit., Londres, 1892 ; Queen’s Pnnters’Bible, publiée par Eyre et Spottiswoode, 3e édit., Londres, 1889. — Sur la question des deux textes de Jérémie, cf. F. C. Movers, De utriusque recensionis vatic. Jeremias Grsec. Alex, et Masor. indole et origine, in-4°, Hambourg, 1837 ; A. Scholz, Der massoreth. Text und die lxx Veberselzung des Bûches Jeremias, Ratisbonne, 1875 ; E. C. Workman, Tke Text of Jeremiah, Edimbourg, 1889 ; Driver, dans VExpositor, mai 1889, et H. P. Smith dans le Journal of the Biblical Literalure, 1890, p. 107, recensions de l’ouvrage de Workman ; A. W. Streane, The double Text of Jeremiah, Londres, 1896, et parmi les Pères de l’Église, Origène, Epist. ad Afric., 4, t. xi, col. 55 ; S. Jérôme, Prolog, in Jer., t. xxviii, col. 848.

IX. Style et langue.

I. style. — Le style de Jérémie n’est pas aussi brillant que celui des autres prophètes ; l’auteur exprime simplement ses pensées telles qu’elles se présentent à son esprit, sans recherche et sans aiïectation ; le caractère de son style, c’est le naturel et la spontanéité ; son seul ornement, ce sont les images et les figures. Jérémie ne connaît ni l’art d’Isaie et d’Amos, ni le travail et le fini d’Ézéchiel. Toutefois il sent vivement ce qu’il dit ; iv, 19 ; viii, 18-ix, 1 ; x, 19-25, xiii, 17 ; xxiii, 9 ; — parfois il s’exprime sur un ton pathétique ; vi, 8, 26 ; vii, 29 ; ix, 17-18 ; xxii. 10, 20-30 ; xxxi, 15-20 ; — ses idées manquent d’enchaînement et ses transitions sont brusques ; il ne connaît pas l’art de développer sa pensée avec symétrie et régularité ; une particularité de Jérémie c’est l’emploi qu’il fait du Deutéronome : ’xi, 4, il emprunte au Deut., iv, 20, l’image de la fournaise de fer pour désigner l’Egypte ; — la locution « disperser parmi les nations » ; Jer., ix, 16 ; Deut., iv, 27 ; — « circoncire le cœur ; » Jer., iv, 4 ; Deut., x, 16 ; xxx, 6. Cf. Konig, Dus Deuteronomium und der Prophet Jeremiah, in-8°, Berlin, 1839. Bickell signale dans Jérémie des morceaux poétiques, tels que : xiii, 7-12 ; xviii, 13, 17 ; l, 23-29. Cf. Carmina Veteris Testamenti metrice, 1882, p. 208-210.

h. langue. — La langue est caractérisée : 1° par un certain nombre de mots et de formes araméens, ii, 33, 36 ; iv, 29, 30 ; xi, 15 ; xiii, 19, 21 ;-xxxi, 21 ; il y a même un verset tout entier, x, 11, écrit en chaldéen ; — 2° par de nombreuses répétitions, dont voici les plus importantes : i, 10 b et xviii, 7 b, 9 b ; — i, 18°, 19 et xv, 20 ; II, 15 b et iv, 7 b ; — II, 28° et xi, 13° ; — iv, 4° et xxi, 12 b ; — iv, 6 et vi, 1 ; — v, 9, 29 et ix, 9 (héb., 8) ; — VI, 13-15 et viii, 10-12 ; — VI, 22-24 et L, 41-43 ; — vi, 22 b et xxvi, 32 b ; — vii, 16 et xi, 14° ; — vii, 23°, 24, 25 et xi, 4 b, 7°, 8° ; - vii, 31-33 et xix, 5, 6, 7 b, ll b ; — viii, 2 b, et xvi, 4 ; xxv, 33 b ; — viii, 15 et xiv, 19 b ; — rx, 15 b (héb., 14 b) et xxiii, 15 ; — ix, 16° (héb., 15 b) et xlix, 37 b ; — x, 12-16 et li, 15-19 ; — xi. 20 et xx, 12 ; - xi, 23 b et xxiii, 12 b ; xlviii, 41 b ; xlix, 8 b ; — xv, 2 b et xliii, ll b ; — xv, 13-14 et xvii, 3, 4 b ; — xvi, 14-15 et xxiii, 7, 8 ; — xvii, 20 et xix, 3° ; — xvii, 25 et xxii, 4 ; — xix, 8 et xlix, 17 (Édom) ; L, 13 b (Babylone) ; cf. xviii, 16, — xxi, 9 et xxxviii, 2 ; — xxi, 13, 14 et L, 31, 32 ; — xxiii, 5-6etxxxiii, 15-16 ; — xxiii, 19-20 et xxx, 23, 24 ; — xxx, 10, Il et xlvi, 27, 28 ; — xxxi, 36-37 et xxxiii, 25-26 ; — xlvi, 21 b et l, 27 b ; — xlviii, 40-41° et xlix, 22, — xlix, 18 et L, 40 ; — xlix, 19-21 et L, 44-46 ; — xlix, 26 et l, 30 ; — l, 13° et xix, 8 ; xlix, 17 ; — l, 27 b et xlvi, 21 b ; — L, 30 çt xlix, 26 ; - l, 31-32 et xxi, 13-14 ; — L, 40 et xlix, 18 ; - L, 41-43 et vi, 22-24 ; — L, 44-46 et. xlix, 19-21 ; — li, 15-19 et x, 12-16 ; — 3° par desidiotismes, c’est-à-dire des expressions propres à Jérémie, telles

que : roî’m, « pasteurs, » pour désigner les rois ou les gouverneurs, ii, 8 ; iii, 15 ; x, 21 ; xii, 10 ; xxii, 22 ; XXIII, 1-2, 4 ; xxv, 34-36 ; L, 6 ; — type de locution pour

exprimer la surprise : ha ou hâ’im madû’a,

il. 14, 31 ; viii, 4-5, 19, 22 ; xiv, 19 ; xxii, 28 ; xux, 1 ; cf. xxx, 6 ; — mesubdh, « aversion, apostasie, » n. 19 ; m, 22 ; v, 6 ; viii, 5 ; xiv, 7 ; cf. Ose., xi, 7 ; combiné avec le mpt Israël, iii, 6, 8, 11, 12 ; — fânâh’oréf ve’lo’fdnîm, « tourner le cou et non la tête, » ii, 27 ; xviii, 17 ; xxxii, 33 ; — Idqah mûsàr, « recevoir la correction, » ii, 30 ; v, 3 ; yii, 28 ; xvii, 23 ; xxxii, 33 ; xxxv, 13 ; cf. Soph., iii, 2, 7 ; Prov., i, 3 ; viii, 10 ; xxiv, 32 ; —’dlàli’ol lêb, « monter sur le cœur » [souvent, « se souvenir s], iii, 16 ; vii, 31 ; xix, 5 ; xxxii, 35 ; xliv, 21>> ; rare, excepté, IV Reg., xii, 5 ; Is., lxv, 17 ; — serirût, « opiniâtreté, considération, » iii, 17 ; vii, 24 ; ix, 13 ; xi, 8 ; xiii, 10 ; xvi, 12 ; xviii, 12 ; xxiii, 17 ; cf. Deut., xxix, 18 ; Ps. lxxxi, 13 ; toujours suivi de lêb, « cœur ; » — du pays du nord pour indiquer le lieu d’où vient le mal ou l’invasion, vi, 22 ; x, 22 ; i, , 9 ; — du nord, I, 14 ; iv, 6 ; vi, 1 ; xiii, 20 ; xv, 12 ; xlvi, 20 ; xlvii, 2 ; L, 3, 41 ; li, 48 ; cf. i, 15 ; xxv, 9, 26 ; xlvi, 6, 10, 24 ; pour indiquer le lieu d’où reviendra Israël, iii, 18 (cf. v, 12) ; xvi, 15 ; xxiii, 8 ; xxxi, 8 ; — les hommes de Juda et les habitants de Jérusalem, IV, 4 ; xi, 2, 9 ; xvii, 25 ; xviii, 11 ; xxxii, 32 ; xxxv. 13 ; xxxvi, 31 ; on ne le trouve ailleurs que dans IV Reg., xxiii, 2 ; II Par., xxxiv, 30 ; Dan., ix, 7 ; — sébér gâdôl, « grande destruction, » iv, 6 ; vi, 1 ; xiv, 17 ; XL viii, 3 ; l, 22 ; ii, 54 ; cf. Soph., i, 10 ; — une idée renforcée par la négation de son opposée, IV, 22 ; vii, 24 ; xxi, 10 (pour le mal et non pour le bien ; aussi xxxix, 16 ; xliv. 27 ; cf. Amos, ix, 4) ; xiii, 10 ; cf. Ps. xxviii, 5 ; — kàlâh’âsâh, « consommer, - » IV, 27 ; v, 10, 18 ; xxx, 11 ; — hin.ienî (ou hinnêh’dnoki) …, mébî’, « voici que je viens » v, 15 ; vi, 19 ; xi. Il ; xix, 3, 15 ; xxxi, 8 ; xxxv, IV ; xxxix, 16 ; xlv, 5 ; xlix, 5 ; se trouve aussi dans III Reg-, xiv, 10 ; xxi, 21 ; IVReg., xxi, 12 ; xxii, 16 ; IIPar., xxxiv, 24 ; et trois ou quatre fois dans Ézéchiel ; —’ê{ peqad(i, « au temps où je visite (eux, toi, lui) », vi. 15 ; xlix, 8 ; L, 31 ; forme légèrement variée, viii, 12 ; x, 15 ; xlvi, 21 ; L, 27 ;

— l’année de leur visite, xi, 23 ; xxiii, 12 ; xlviii, 44 ; — rnâgôr mis-sâbîb, « terreur de tous côtés, » vi, 25 ; xx, 3, 10 ; xlvi, 5 ; xlix, 29 ; cf. Ps. xxxi, 14 ; Lam., ii, 22, avec mes préfixe ; —’âsér niqrds $em âldv, « sur quoi mon nom est appelé, » pour indiquer la possession (du temple ou de la ville) vii, 10, 11, 14, 30 ; xxv, 29 ; xxxii, 34 ; xxxiv, 15 ; (du peuple) xiv, 9 ; (de Jérémie lui-même) xv, 16 ; cf. Deut., xxviii, 10 ; III Reg., viii, 43 ; II Par., vi, 33 ; vii, 14 : Is., lxiii, 19 ; Dan., ix, 18, 19 ; Am, ix, 12 ; — hasekkêm … « se lever et … (parler), » vii, 13 ; xxv, 3 ; xxxv, 14 ; (envoyer) vii, 25 ; xxv, 4 ; xxvi, 5 ; xxix, 19 ; xxxv, 15 ; xliv, 4 ; cf. II Par., xxxvi, 15 ; (testiSer ) xi, 7 ; (enseigner) xxxii, 33 ; — les villes de Juda et les rues de Jérusalem, vu 17, 34 ; xi, 6 ; xxxiii, 10 ; xliv, 6, 9 ; — rues de Jérusalem, v, 1 ; xi, 13 ; xiv, 16 ;

— ndtdh’ozén, « incliner l’oreille, » vii, 24, 26 ; xi, 8 ; xvii, 23 ; xxv, 4 ; xxxiv, 14 ; xxxv, 15 ; xliv, 5 ; ne se trouve que dans Is., lv, 3 ; — voici que les jours arrivent, et…, vii, 32 ; ix, 24 ; xvi, 14 ; xix, 6 ; xxiii, 5, 7 ; xxx, 3 ; xxxi, 27, 31, 38 ; xxxiii, 14 ; xlviii, 12 ; xlix, 2 ; li, 47, 52 ; ne se trouve que dans I Reg., Il, 31 ; IV Reg., xx, 17 ; Is., xxxix, 6 ; Am., iv, 2 ; viii, 11 ; ix, 13 ; — la voix de joie et la voix d’allégresse, la voix de l’époux et la voix de l’épouse, vii, 34 ; xvi, 9 ; xxv, 10 ; xxxiii, 11 ; — me’ôn fannîm, « la demeure des chacals, » ix, 11 (héb. 10) ; x, 22 ; xlix, 33 ; ii, 37 ; — qesûsê fê’dh, « rasés autour des tempes » (épithète de certaine tribu d’Arabes), ri, 25 ; xxv, 23 ; xlix, 32 ; — un verbe renforcé par l’addition de son passif, xi, 18 ; xvii, 14 ; xx, 7 ; xxxi, 4, 18 ; — te glaire, la peste et la famine (quelquefois l’ordre est changé), xiv, 12 ; xxi, 7, 9 ; xxiv, 10 ; xxvii. 8, 13 ; xxii, 17, 18 ; xixii, 24, 36 ;

xxxrv, 17 ; xxxviii, 2 ; xlii, 17, 22 ; xi.rv, 13 ; — le glaive et la famine, v, 12 ; XI, 22 ; XIV, 13, 15, 16, 18 ; xvi, 4 ; xviii, 21 ; xiii, 16 ; xliv, 12, 18, 27 ; — hinnenî foqêd’al, « voici que je visite…, » xi, 22 ; xxiii, 2 ; xxix, 32 ; xlvi, 25 ; l, 18 ; —’âièr hâyâh debar Yehovdh’él…, tournure tout à fait particulière, xiv, 1 ; xlvi, 1 ; xlvii, 1 ; xlix, 34 ; — te’za’âvêh lekol mamlekôf hâ’ârés, « pour ébranler tous les royaumes de la terre, » xv, 4 ; xxiv, 9 ; xxix, 18 ; xxxiv, 17 ; cf. Deut., xxviii, 25 ; — des locutions comme : des pêcheurs et ils les pécheront, xvi, 16 ; xxiii, 4 ; xlviii, 12 ; li, 2 ; — j’allumerai un feu dans … et il dévorera…, xvii, 27 b ; xxi, 14 b ; xlix, 27 ; l, 32 b ; cf., avec légère variation, Am., i, 4, 7, 10, 12 ; II, 2, 5 ; Ose., viii, 14 ; — que chacun se détourne de sa mauvaise voie, xviii, 11 ; xxv, 5 ; xxvi, 3 ; xxxv, 15 ; xxxvi, 3, 7 ; cf. III Reg., xiii, 33 ; IV Reg., xvii, 13 ; II Par., vii, 14 ; Ezech., xiii, 22 ; xxxiii, 11 ; Jon., iii, 10 ; Zæh., i, 4 ; — son (Ion) âme lui (te) sera comme un butin, xxi, 9 ; xxxviii, 2 ; xxxix, 18 ; — ainsi parle le Seigneur, Dieu d’Iraèl, vi, 6, 9 ; vii, 3, 21 ; xi, 3, etc. ; formule très rare dans les autres prophètes. Cf. Driver, Introduction, p. 275, 276.

X. Prophéties messianiques.

Les éléments christologiques du Livre de Jérémie sont assez nombreux et assez importants. Cf. D r Loch et Reischl, Die heiligen Schriften des alten Testamentes, t. iii, Ratisbonne, 1870, p. 17. Jérémie décrit le Christ doux comme un agneau qu’on conduit à la boucherie, xi, 19 ; il annonce les complots et les machinations des prêtres contre le Sauveur, xviii, 16 ; cf. Matth., xxii, 15 ; xxvi, 59 ; Joa., xix, 6 ; il aprédit l’Incarnation dans sa fameuse prophétie, xxxi, 22. Femina circumdabit virum ; « une femme entourera un homme. » Les Pères de l’Église, des rabbins juifs et les commentateurs chrétiens ont vu dans ce passage la conception du Messie dans le sein de la Vierge Marie.

XI. Enseignements particuliers contenus dans le livre de Jérémie. — Le livre de Jérémie contient une foule d’enseignements et de leçons utiles : — 1° Sur les attributs de Dieu : sa toute-puissance, v, 22 ; x, 65 ; xviii ; x xvii, 5-8 ; — sa science infinie, xxxiii, 23, 24 ; xvii, 5-11 ; — sa bonté et sa miséricorde, iii, 1 ; xxxi, 2-3, 20 ; — 2° Sur la malice du péché : ingratitude du pécheur, ii, 2-9 ; — le mépris qu’il a pour Dieu, ꝟ. 10-14 ; — sa révolte contre la souveraineté de Dieu, ꝟ. 10 ; — sa perfidie : ꝟ. 21 ; — son aveuglement, son obstination et son endurcissement, h, 23-27 ; 33-35 ; iii, 2-3 ; cf. aussi : xiii ; xvii ; xviii, 1223 ; xxiii ; — les suites néfastes ou les châtiments du péché : la famine, la guerre, la dévastation du pays, l’incendie de la ville sainte et du temple, l’exil et la captivité, reviennent souvent dans le livre de Jérémie. Le Hir, Les trois grands prophètes, p. 268-281.

XII. Bibliographie. — 1° Commentateurs catholiques.

— Origène, Romilise in Jeremiam, t. xiii, col. 255-543 (dans les œuvres de S. Jérôme, 14 homélies, t. xxv, col. 585-691) ; Selectà in Jeremiam, t. xiii, col. 543^606 ; S. J. Chrysostome, Homilia in locum Jeremise, x, 23, t. XLi, col. 153-162 ; Théodoret de Cyr, In Jeremise prophetiam interpretatio, t. lxxxi, col. 495-759 ; S. Éphrem, In Jeremiam exploratio, Opéra syriaca, t. ii, p. 48-162 ; S. Jérôme, Comment, in Jeremiam hbri VI (les 32 premiers chapitres), t. xxiv, col. 679-900 ; S. Thomas, In Hieremiam expositio, Opéra, édit. d’Anvers, 1612, t. xii ; Maldonat, In Jeremiam Commentarium, 1609 ; A. Scholz, Commentar zum Bûche des Propheten Jeremias, Wurzbourg, 1880 ; Schneedorfer, Dos Weissagungsbuch des Jeremias, in-8°, Prague, 1883 ; Knabenbauer, Comment, in Jeremiam Prophetam, in-8°, Paris, 1889 ; et les auteurs cités au cours de l’article. Cf. Lelong, Bibliotheca sacra, in-f », Paris, 1723, t. ii, p. 1121.

Commentateurs protestants.

Zwingle, Complanatio

Jeremise, in-f « , Zurich, 1531 ; Bucer, Complana->

tiones Jeremise prophetse, Zurich, 1531 ; Œcolampade, InJeremiam libri très, in-4°, Strasbourg, 1533 ; Bugenhagen, Adnotationes in Jeremiam, in-4°, Wittenberg, 1546 ; Calvin, Prselectiones in Jeremiam, in-f°, Genève, 1563 ; Osiander, Jesaias, Jerenias et Thretii, Tubingue, 1578 ; Strigel, Conçûmes Jeremise prophétie, in-8°, Leipzig, 1566 ; Hulsemann, In Jeremiam et Threnos Conimenl., in-4°, Rudolstadt, 1663 ; Forster, Commentar. inproph. Jeremiam, in-4°, Wittenberg, 1672 ; S. Schtnidt, Comment, in lib. prophet. Jeremise, in-4°, Strasbourg, 1685 ; H. Venema, Comment, ad lib. prophet. Jeremise, 2 in-4°, Lewarden, 1765 ; J. D. Michælis, Observationes philologicse et criticm in Jeremise vaticinia, in-4°, Goettingue, 1743 ; W. Lowth, Commentary upon the Prophecy and Lamentationes of Jérémiah, in-4°, Londres, 1718 ; Schnurrer, Observationes ad vaticinia Jeremise, in-4°, Tubingue, 1793-1794 ; Eichhorn, Die hebrâischen Propheten, 3 in-8°, Gœttingue, 1816-1820 ; Roorda, Commentant in aliqua Jeremise loca, Groningue, 1824 ; Dahler, Jérémie traduit sur le texte original accompagné de notes, Strasbourg, 1825 ; Umbreit, Praktischer Commentar ùber den Jeremia, in-8°, Hambourg, 1842 ; Rosenmùller, Scholia, 2 in-8°, Leipzig, 1826 ; Ewald, Die Propheten des alten Blindes, 2 in-8°, Stuttgart, 1840-1841 ; 2e édit., 3 in-8°, Gœttingue, 1867-1869 ; F. Hitzig, dans le Kgf. Exeg. Handbuch, in-8°, 2e édit., Leipzig, 1866 ; Maurer, Scholia, in-8°, Leipzig, 1835 ; Keil, dans le Biblischer Kommentar, in-8°, Leipzig, 1871 ; W. NenmdiTm, Jeremiasvonvnathoth ; Die Weissagungen und Klageheder des Propheten, 2 in-8°, Leipzig, 1856-1858 ; Payne Smith, dans le Speaker’s Commentary, in-8°, Londres, 1875 ; Workman, The old Text of Jererniah, Edimbourg, 1889 ; Cornill, dans Sacred Books of the Old Testament de P.Haupt ; — sur les chapitres, xxv, xlvi-xlix, Schwally dans la Zeitschrift fur die alttest. Wissenschaft, 1888, p. 177 ; L. H. K. Bleeker, Jeremia’s Profetieen legen de Volkeren, Groningue, 1894 ; — sur les chapitres l-li, G. Budde dans les Jahrbùcher fur deutsche Théologie, 1878, p. 428-470, 529-562, et les auteurs cités au cours de l’article. V. Ermoni.

    1. JÉRÉMIEL (voir Jéraméel##


JÉRÉMIEL (voir Jéraméel, col. 1256), fils d’Amélech. Les Septante traduisent : « fils du roi, » mélék signifiant « roi ». Le roi Joakim lui donna l’ordre de se saisir de la personne de Jérémie et de Baruch son secrétaire, pour les mettre en prison ; mais l’un et l’autre réussirent à se cacher. Jer., xxxvi, 26.

    1. JÉRIA##

JÉRIA, lévite, chef des Hébronites du temps de David. I Par., XXVI, 21. La Vulgate écrit son nom Jériaû dans I Par., xxiii, 19 ; xxiv, 23. Voir Jériaû.

    1. JÉRI AS##

JÉRI AS (hébreu : Ir’iydh, « que Yûh voie ! » Septante : Soepouia), fils de Sélémias et petit-fils du faux prophète Hananie. Jérémie, xxviii, 16, avait annoncé à ce dernier que Dieu le punirait de mort à cause de ses prédictions mensongères. Jérias était probablement pour cette raison l’ennemi de Jérémie, et l’ayant rencontré au moment où le prophète allait sortir de Jérusalem par la porte de Benjamin, il l’avait arrêté en sa qualité de chef des gardes, sous le faux prétexte qu’il voulait se rendre aux Chaldéens, et il le conduisit aux princes qui le firent mettre en prison. Jer., xxxvii, 12-13.

    1. JÉRIAÛ##

JÉRIAÛ (hébreu : Yerîyâhû ; Septante : ’Ispiâ ; Exêtoû ; Oùpîocç), lévite, de la branche de Caath, chef de la famille des Hébronites du temps de David. I Par., xxiii, 19 ; xxiv, 23 ; xxvi, 31. Dans le second passage, on lit : « Et des fils de Jériau ; » il faut corriger, d’après le premier passage et le troisième : « Et les fils [d’Hébron], Jériaû [le premier]. » Le nom d’Hébron est tombé du texte. Dans I Par., xxvi, 31, la Vulgate écrit le nom de ce lévite Jéria.

DICT. DE Li BIBLE.

    1. JÉRIBAÏ##

JÉRIBAÏ (hébreu : Yeribaï ; Septante : IcepiSï), fils’d’Elnaëm, un des braves de l’armée de David. I Par., xi, 46.

    1. JÉRICHO##

JÉRICHO (hébreu : Yerêhô, Yerîho Yerihoh ; Septante : ’iEptyc’)), ville de Chanaan qui fut donnée à la tribu de Benjamin. La qualification de’Ir hat-Tamârïm, « ville des palmiers, » qui est quelquefois ajoutée à son nom, lui est donnée deux fois comme nom propre, Jud., i, 16 ; iii, 13 ; cf. Deut., xxxiv, 3 ; II Par., xxvil, 15.

I. Nom.

Les interprètes tant anciens que modernes font ordinairement dériver le nom Jéricho ou bien de Yarèha, « lune, » et alors il signifierait « ville de la lune », comme Bethsémès est « la ville de soleil », ou bien de riha, « odeur, » et il aurait le sens de « ville des parfums ». Cette dernière étymologie paraît la plus probable. Les significations de « descente dans la plaine, abaissement, exil » ou autres semblables qui lui ont parfois été attribuées, ne paraissent pas justifiées. Cf. S. Jérôme, Grssca fragm. libri nomin. hebr., ii, t. xxiii, col. 1158 ; Origenianum lexicon nom. hebr., ibid., col. 1217 ; Gesenius, Thésaurus, p. 1213 ; Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 181 ; Fùrst, Hebraisches Handwôrterbuch, Leipzig, 1876, p. 160.

IL Situation et emplacements divers occupés par Jéricho. — Le village situé dans le Ghôr et appelé actuellement Rihâ est invariablement considéré comme identique à la Jéricho des anciens, ou, pour parler plus exactement, comme l’ayant remplacée et continuée. Le nom de Rihâ, ou er-Rihâ avec l’article, ou’Arihâ, ont toujours été usités chez les Arabes, aussi bien dans les écrits que dans la langue parlée, pour désigner Jéricho dont il est du reste la transcription régulière : ’Arihâ est la forme la plus ancienne, celle généralement employée dans les versions arabes de la Bible. Rihâ se trouve d’ailleurs dans les conditions topographiques dans lesquelles l’Écriture et l’histoire placent Jéricho. D’après les Saints Livres, Jéricho se trouvait « de l’autre côté du Jourdain » par rapport aux’Arbô( Moâb, où campèrent les Hébreux avant le passage de ce fleuve, c’est-à-dire à l’occident, en face d’Abelsatim, des monts Abarim, du Phasga et du Nebo. Num., xxii, 1 ; xxvi, 3, 63 ; xxxi, 12 ; xxxiv, 15 ; xxxv, 1 ; xxxvi, 13 ; Deut., xxxii, 49 ; xxxiv, 1 ; Jos., xiii, 32. Elle était au pied des montagnes s’étendant vers Béthel et non loin de Galgala, située elle-même à l’est de Jéricho. Jos., ii, 16 ; iii, 17 ; v, 10 ; xvi, 1, 7 ; xviii, 12. Précisant les indications, Josèphe, Ant. jud., V, i, place Jéricho à dix stades (1870 mètres) à l’ouest du campement de Galgala, 4 ; elle était « dans la plaine », èv ra5 : (o, c’est-à-dire dans la vallée du Jourdain, au pied des montagnes rocheuses qui bordent la vallée du côté de l’ouest, à cent cinquante stades (28 050 mètres) de Jérusalem dont il était séparé par un désert rocheux et stérile, et à soixante stades (11 220 mètres) du Jourdain. Bell, jud., IV, viii, 2, 3.’Arihâ, d’après les auteurs arabes, est dans le Ghôr ou vallée du Jourdain, à une journée de Jérusalem, ou à douze milles (arabes), environ 24 kilomètres de cette ville et à quatre (environ 8 kilomètres) du Jourdain. Cf. Yaqoût, Géographie, édit. Ferd. Wûstenfeld, Leipzig, 1866, t. i, p. 227 ; t. ii, p. 884 ; Abulféda, Géographie, édit. Rainaud et de Slane, Paris, 1840, p. 236. La Rihû moderne est située sur la lisière occidentale de la vallée du Jourdain, sur le bord septentrional de l’ouadi Kelt, assez communément identifié avec la vallée d’Achor, à l’opposé de Tell Râméh, identifié avec Bétharam voisine d’Abelsatim, autour desquelles campèrent les Hébreux, presque en face du Djebel Nébd, le Nébo de la Bible ; elle se trouve à 10 kilomètres au nord de la mer Morte, 28 kilomètres à l’est-nord-est de Jérusalem, à 2 kilomètres à l’est du pied de la montagne où aboutit la route venant de la ville,

III. - 41

sainte, et à 7 kilomètres et demi à l’ouest de Jourdain, à 2 kilomètres à l’ouest-nord-ouest de Tell Djeldjell dont le nom rappelle l’antique Galgala, à 5 kilomètres au nord-ouest du Deir Elal/ld qui a remplacé Ltethagla, et à 4 kilomètres au sud-est du Djebel Qarantâl, le célèbre mont de la Quarantaine des chrétiens. La Riffâ moderne, cela ne paraît pas douteux, occupe l’emplacement même de la Jéricho du moyen âge et d’Arihâ des anciens Arabes ; sa position répond ainsi à toutes les données de la Bible qui sont générales. Toutefois on constate que cette position ne répond pas exactement aux indications plus précises de l’histoire, antérieures à la conquête arabe, sur le site de Jéricho, que celles-ci même paraissent lui assigner des places différentes. L’histoire

villes diverses qui se sont succédé sous le nom de Je’richo, occupent un espace considérable (fig. 221). Commençant un peu au nord de la fontaine nommée aujourd’hui’Ain es-Sulfàn, la fontaine d’Elisée des anciens (voir t. ii, col. 1096), ces ruines se succèdent jusqu’au Khirbet-Qaqùn, situé à 800 mètres au sud de l’Ouâd" el-Kelt, sur une étendue de 3 kilomètres et tout autant d’ouest à est, depuis le pied des montagnes jusqu’au delà de Rîl, id, comprise elle-même dans le périmètre occupé par les décombres : c’est une superficie d’environ 900 hectares. Vers l’extrémité nordouest de cet espace, on remarque un tertre allongé s’élevant d’une trentaine de mètres au-dessus de la plaine_et du pied duquel, du côté de l’est, sort la fon "*-- a "è *>Roudjoum el-Mogheîfir

A Dsschryvepe des,

221. Carte des environs de Jéricho.

elle-même nous donne la raison de ces divergences-elle nous apprend que, si Jéricho est demeurée dans une même région, elle a plusieurs fois changé de place.

L’« ancienne ville » de Jéricho était, selon Josephe, Bell.jud., IV, viii, 3, qui la distingue par là de la ville hérodienne de son temps, prés de la fontaine dont les eaux furent améliorées par un miracle du prophète Elisée. La ville d’Hiel fut élevée à la même place, sur les ruines de la ville chananéenne. Cf. Jos., vi, 26 ; III Reg., xvi, 34. Eusebe et saint Jérôme, De situ et nom. loc. heb., t. xxiii, col. 904, laissent entendre que la ville romano-byzantine de leur époque était différente des précédentes dont on vojait encore les restes. Cette dernière se trouvait au sud de l’ancienne, sur les bords de l’Ouadi Kelt et sur le chemin de Jérusalem, entre la Rîfiâ arabe moderne et la montagne, d’après les indications des anciens pèlerins. Cf. Itinerarium a Burdigala Rierusalem usque (333), t. viii, col. 792 ; Thaodosius, De Terra sancta, Genève, 1877, p. 68 ; Antoninus Plac, Itinerarium, t. lxxii, col. 905. Voir aussi la carte mosaïque de Mâdaba, t. v, fig. 180.

III. Description.

Ruines.

Les débris des

taine : ce tertre est connu sous le nom de Tell es-Sulfdn. Il a toujours été considéré comme occupant le site de la Jéricho ancienne et primitive. Au printemps des années 1907, 1908 et 1909, des fouilles y ont été entreprises sous la direction de M. Ern. Sellin, d’abord professeur à l’université de Vienne, actuellement à celle de Rostock. Elles ont justifié la persuasion générale, confirmé l’exactitude des récits bibliques sur plusieurs points et éclairci et complété l’histoire. La colline qui n’était au commencement qu’une légère élévation naturelle du sol, de 10 mètres environ, s’est exhaussée desdécombres des constructions qui y ont formé sept mamelons dont le plus élevé, au nord-ouest, a 24 mètres 30 centimètres au-dessus de la source. Distante de 500 mètres, c’est-à-dire de plus de trois portées d’arc, de la butte qui forme en quelque sorte la base du mont de la Quarantaine et borde la plaine, à l’ouest, elle était en dehors de toute atteinte des traits de ce côté.

La place était fortifiée par deux remparts parallèles distants d’environ 30 mètres. La muraille extérieure, construite à la base du tertre, en suivait les contours, £8

sur une étendue de 770 mètres, affectant la forme d’une ellipse irrégulière, ovoïde, inclinée du nord-est au sud-ouest. Le grand axe de l’ellipse mesure 310 mètres de long et la plus grande largeur est de 165 mètres : l’aire de la cité était ainsi d’environ cinq hectares. — Le rempart n’était pas posé sur le roc, qu’il eut fallu sans doute chercher trop profondément, mais sur une couchée de terre glaise fortement tassée et battue, de plus d’un mètre d’épaisseur. Sur ce lit de terre faisant l’office de béton, se dressait en talus légèrement renflé un socle massif et puissant, formé de grandes pierres grossièrement équarries, ayant quelquefois de 1 à 2 mètres de longueur sur un mètre de largeur ; il s’élevait à une hauteur moyenne de 5 mètres. La muraille reposait verticalement sur ce socle. Elle

4 mètres d’épaisseur à la base. Aucune porte n’a été reconnue dans toute la partie restante. Un renflement de 5 mètres de rajon sur le milieu du côté occidental fait supposer que là était une tour. Le côté septentrional est la partie la plus remarquable de toute la fortification. Tout en fléchissant légèrement, le mur de ce côté suit, sur une longueur de 80 mètres, une ligne droite, inclinée de l’ouest-nord-ouest à l’est-sud-est. Son épaisseur est de 3 mètres et demi ; il est terminé, à ces deux extrémités, par deux grosses tours de forme et de dimension différentes. Le mur s’élève encore jusqu’à 8 mètres de hauteur. De la tour orientale par un avant-mur de 1 mètre et demi de largeur, distant de 3 mètres du précédent, il se développe parallèlement à lui, fléchit en face de l’angle de la tour, au nord 223. — Riha, d’appês une photographie de M L. Heidet.

était faite de grandes briques de différentes dimensions, séchées au. soleil. L’épaisseur moyenne du mur est de 2 mètres. Il a été ruiné partout et ne s’élève plus qu’à la hauteur de 2 mètres et demi au plus. Son élévation primitive devait être au moins double de celle du socle, ce qui portait la hauteur totale du rempart à 15 mètres environ. On n’y a pas constaté de tour, sauf vers son extrémité sud-est où s’élevait une grande construction trapézoïde, ayant 20 mètres à la face extérieure et 10 de profondeur ; de même caractère que le mur, elle était destinée sans doute à protéger la porte. Celle-ci, selon Josèphe, ii, 3et5, était unique et se fermait le soir. Elle n’a pas été retrouvée ; elle aura disparu à l’époque byzantine ainsi que la plus grande partie de la fortification qui regardait l’Orient, pour faire place â une série de constructions groupées autour de la fontaine. Celle-ci était incluse par la muraille.

Le rempart intérieur, également effacé sur tout le côté oriental et par la même cause, est en général d’un travail moins soigné. Le soubassement de pierre en talus n’a guère que 50 à 80 centimètres de hauteur sur

ouest, pour se diriger vers le sud ; construit de ce côté occidental sur une distance de 25 mètres, il semble avoir accompagné le rempart intérieur dans toute son étendue. — À la base de la tour angulaire précédente, les ingénieurs de l’exploration ont reconnu les restes d’une autre puissante muraille large de 5 mètres et de caractère tout primitif ; passant sous l’avant-mur et sous les constructions les plus anciennes, elle se prolonge vers le nord-est sur une étendue de plus de 30 mètres. Aucun indice précis ne permet de fixer l’époque de cette’première fondation ni ne fait connaître la population qui a précédé celle dont nous venons d’admirer le double rempart. Ce dernier œuvre est similaire aux fortifications de l’antique Mageddo [Tell el-Muteçallim), existantes à l’arrivée de Thothmès III et de ses Égyptiens et l’on n’y a remarqué aucune trace d’intervention israélite. À travers l’espace compris entre ces murs, d’innombrables instruments en silex et en bronze ont été recueillis, ainsi qu’une multitude de pièces de poterie dont plusieurs occupaient encore leur situation première : tous ces restes sont marqués aux caractères de l’époque chananéenne

qui a précédé immédiatement l’immigration Israélite. Aussi peut-on affirmer que ces remparts et la ville qu’ils protégeaient sont ceux mêmes qu’ont rencontrés Josué et les fils d’Israël à leur entrée dans la Terre Promise, vers le milieu du xve siècle avant notre ère. — À ce moment, tous les indices qui, dans les autres ruines explorées, marquent, par les progrès ou les modifications intervenues dans les industries, le mouvement et les étapes des âges, cessent complètement à Jéricho, et pour plusieurs siècles y attestent l’abandon et la désolation. — Au IXe siècle ou au vuie seulement avec les traces caractéristiques des influences dites phénicienne et cypriote, reparaissent la vie et l’activité. Un groupe

de formats divers, des pots, des coupes, des plats, des filtres et jusqu'à un fuseau. Une multitude d’anses portent des estampilles à caractères araméens, parmi lesquelles on remarque souvent le nom divins de Jéhovah, ->, Yàh, et trois fois in>, Ydhô, avec l’orthographe des documents juifs d'Éléphantine du temps de Néhémie et de Sanaballat. Plusieurs objets archéologiques accusent les époques diverses des dominations persanes et grecques ; aucun n’a été rencontré de la période romaine et hérodienne. — C’est au sud-est du Teil esSultan que se trouvent ceux-ci. Toute cette région du Kelt est couverte, jusqu’au delà de tumuli. Des sondages ont fait reconnaître dans plusieurs des restes de

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224. — Fleurs et fruits du Calotropis procera. D’après une photographie de M. L. Heidet.

de constructions Israélites, élevées sur les restes de brique de la ville chananéenne, couvre le mamelon du pied duquel jaillit la source. Les. habitations de pierre sont séparées par des rues étroites et se composent d’ordinaire de chambres de dimensions réduites autour d’une cour intérieure. Un édifice beaucoup plus considérable dominait la fontaine et formait peut-être la citadelle de la nouvelle cité. Il avait plus de 30 mètres de développement en longueur, probablement autant en profondeur et ses murs étaient d’environ 1 mètre et demi de largeur. Deux grandes salles rectangulaires de 10 mètres sur 5 occupaient le milieu et étaient environnées de pièces de 5 mètres de côté.

Les restes de l’installation des Juifs, après le retour de la captivité, se constatent partout, mais particulièrement dans le quartier situé au nord de la grande muraille septentrionale du rempart intérieur. Là, dans des chambres presque intactes on a retrouvé rangés en leur place de grandes jarres à vin ou à huile, des cruches

construction de cette époque (63 avant J.-G.'à 70 après). Dans l’un d’eux, en 1869, le lieutenant Warren avait trouvé une amphore avec inscription latine. Un de ces tertres recourbé en forme de croissant semble formé des ruines d’un théâtre. De nombreux aqueducs du même temps, parcourent la campagne et aboutissent parfois à des piscines aujourd’hui comblées. L’une d’elles, au sud du Kelt, connue sous le nom de birkel Mûsa, « l'étang de Moïse », a plus de 200 mètres de longueur et plus de 100 de largeur. À l’ouest de ces débris, sur le chemin montant à Jérusalem et près d’un canal aboutissant à Vouâdi Fârâ, se dresse une ruine ressemblant à un fort avancé ; dans son nom de beit Djaber et-lahlâni, plusieurs palestinologues croient reconnaître le nom de KSiitpoî donné par Hérode l’ancien à une des forteresses bâties par lui à Jéricho. Les descriptions des historiens ne permettent pas de douter que ces ruines dispersées ne soient celles de la Jéricho d’Hérode, visitée plusieurs fois par le Seigneur. — Voir les rapports de M. Ernest Sellin et de

ses collaborateurs dans les Mittheilungen und Nachrichten de la Société allemande de Palestine, Leipzig, 1907, t. xxx, p. 65-71 ; Mittheilungen der deutschen Orient Gesellschraft, n. 40, décembre 1908 ; n. 41, décembre 1909.

Beauté et productions.

La beauté de cette ville,

la qualification de « ville des palmiers < » qui lui était attribuée le dit assez, provenait des plantations de cet arbre royal dont elle était environnée. Il continua à faire la gloire et la richesse des diverses villes qui se succédèrent. Cf. Jud., i, 16 ; iii, 13. Les espèces de cet arbre, au temps de la Jéricho hérodienne, étaient nombreuses et leurs fruits les plus estimés pour leur saveur. Josèphe, -BeZÎ./Mci, IV, viii, 3. La renommée des dattes de Jéricho se répandit avec les Romains aux extrémités du monde. Cf. Pline, Hist. nat., v, 14 ; xiii, 4 ; Tacite, Hist., v, 6 ; Oribase, Médicinal collect., i, 43 ; Mischna, Pesahim, iv, 9. Au palmier se joignent toutes les autres espèces d’arbres fruitiers, d’arbres d’agrément et de plantes aptes à la culture. Strabon, XVI, H, 41. Josué nomme le blé et le liii, v, 10, 11 ; II, 6. L’Ecclésiastique, xxiv, 18, exalte le rosier de Jéricho, en le prenant pour l’image de la Sagesse éternelle. L'Évangile nous montre le Sauveur passant sous les sycomores qui bordaient les chemins de cette ville. Luc, xix, 4. Cependant l’arbre le plus précieux qui croissait à Jéricho c'était l’arbre à baume. Josèphe en cite trois espèces : l’opobalsamum, le cyprus et le myrobolanum, dont les produits uniques étaient recherchés de l’univers entier. Bell, jud., IV, vin, 3 ; et. Strabon, XVI, ii, 41 ; Pline, H. N., xii, 54 ; Trogue Pompée, dans Justin, xxxvi, 3. Le baumier avait été importé par la reine de Saba et planté à Jéricho au temps de Salomon. Josèphe, Anl. jud., VIII, VI, 6. L'étendue de ces jardins était de 70 stades (13 090 mètres) en longueur et de 20 stades (3740 mètres) en largeur. Bell, jud., IV, viii, 3. Leur végétation luxuriante, favorisée par un climat toujours tiède que ne peuvent atteindre, à cause de la dépression extraordinaire de la vallée du Jourdain, les frimas, alors même qu’ils sévissent sur les hauteurs voisines, était entretenu par l’abondance des eaux amenées souvent de très loin. Le palmier exigeant un arrosage copieux et les eaux de la fontaine de Jéricho, avant le, miracle d’Elisée, engendrant la stérilité, les eaux des sources appelées aujourd’hui Ain ed-Dûq et 'Ain en-Nû'eiméh avaient dû être canalisées et amenées à Jéricho dès les temps les

225. — Fruit desséché du Calotropis. Grandeur naturelle.

plus reculés. Auxanciens aqueducs, Hérode en avait ajouté de nouveaux. Son fils Archélaùs monta jusqu'à Néara, la Naaratha d'Éphraim (voir Naæatha) pour conduire de là la moitié de ses eaux à ses nouvelles plantations de palmiers. Josèphe, Ant. jud., XVII, xiii, 1. On peut suivre encore aujourd’hui les traces d’un ancien canal qui allait, à 8 kilomètres au nord des fontaines que nous venons de nommer et à près de douze de Tell es-Sultân prendre les eaux de 'Ain el-'Aûdjéh pour les apporter aux aqueducs commençant à ces mêmes fontaines qui vont maintenant encore arroser la campagne, jusqu’au delà du mont de la Quarantaine et du Tell es-Sultân. Plusieurs autres canaux partent de 'Ain es-Sul[dn, de la vallée et de la source du Kelt et même de la vallée plus éloignée de Fârâ ; les uns toujours en usage, les autres plus ou moins ruinés » sillonnent la plaine et vont se perdre vers l’est et le sud.

La Jéricho d’Hérode.

C’est au milieu de ces jardins qu’Hérode sema les maisons de plaisance et les palais qui formèrent la Jéricho du ie siècle visitée par le

Seigneur. De grandes et nombreuses piscines furent creusées aux alentours pour tempérer, par une douce fraîcheur, les brûlantes ardeurs de l'été. Un hippodrome et un théâtre donnèrent à Jéricho l’aspect d’une ville grecque ou romaine. Josèphe, Bell, jud., i, xxi, 4 ; xxxiii, 6, 8 ; Ant. jud., XV, iii, 3 ; XVII, vi, 3, 5 ; viii, 2 ; cf. Strabon, XVI, ii, 41. D’anciennes forteresses se dressaient depuis des siècles, près de la ville, pour la protéger ; Hérode en fit élever une nouvelle, en un endroit dominant Jéricho ; il ne négligea rien de ce qui pouvait en rendre le séjour agréable et sûr et l’appela Cypros, du nom de sa mère. Josèphe, 1 Ant. jud., XVI, v, 2 ; cf. Bell, jud., i, xxi, 4 ; Strabon, XVI, ii, 40 ; I Mach., IX, 50 ; xvi, 14, 15. — Les matériaux de la ville hérodienne durent servir à la construction de la ville romano-byzantme. La carte en mosaïque de Madaba représente celle-ci sous la forme d’une ville importante, flanquée de tours carrées et environnée de palmiers. À une certaine distance de la ville, au nord, se voit une grande construction avec cette inscription TO TOT AriOT EAISAIOÏ", - « le [monument] de saint Elisée. » « Le monument de saint Elisée, dit le pèlerin Théodosius, était là où il bénit la fontaine, et sur le monument même est construite une église. » De Terra Sancta, Orient latin, p. 68. Jéricho avait, au ve siècle, des églises et un hospice pour les pèlerins. En ce temps-là encore « elle apparaissait aux yeux de tous comme un paradis ». Antonin de Plaisance, ltineranum, xiii, xiv et xv, t. lxxii, col. 905 ; Procope, De sedificiis Justinian., v, 9, édit. de Bonn, 1838, t. iii, p. 328. Le circuit de la ville était, au témoignage de saint Epiphane, de plus de vingt stades (plus de 3740 mètres). User., lxvi, t. xlii, col. 158. 4° Ariha.

À la place de la Jéricho hérodienne et de

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226. — Solanum Sodomeum.

la Jéricho romane-byzantine, l'évêque Arculf, à la fin du vu » siècle, trouve seulement une masse de ruines infor

mes, an milieu desquelles se dressait une construction sans toit qui passait pour la maison de Rahab. D’autres habitations s'étaient élevées dans la campagne même : c'était l’Arî{ia des Arabes (Dg. 222). Les descriptions du moyen âge et des siècles suivants la dépeignent à peu près telle que nous verrons la Rihâ de ces derniers temps. Les jardins n’avaient cependant pas disparu et leur riche végétation continuera longtemps encore à embellir le site de l’antique Jéricho. Les pèlerins comme les auteurs arabes vantent les plantations de palmiers. Le baumier n’est plus nommé, mais il est remplacé par la vigne aux fruits précoces, par le bananier, l’indigo, les plantes odoriférantes, et surtout la canne à sucre. Adamnan, Relatio S. Arculf., t. II, c. xiii, t. xxxviii, col. 799 ; EI-Moqaddasi (985), dans Goije, Bibhothcca, Fy ma’arifat elvtidlîm, Le de, 1877, p. 17, 115 ; Sœvulf (1102), Relalio, dans Recueil de voyages, de la Société de géographie, t. iv, Paris, 1839, p. 848 ; Théodorie (vers 1172), Lïbeilus de Locis sanctis, Paris et Saint Gall, 1865, p. 74 ; Villebrand d’Oldenburg (1211), dans Peregrinaliones medii xvi quatuor, Leipzig, 1873, p. 189, Burchard (1283), ibid., p.58 ; Ricoldo(versl290), ibid., p. 108-109 ; Vaqoût, Géographie, édit. Wustenfeld, Leipzig, 1866, t. i, p. 227 ; t. ii,

p. 884 ; Abou’l-'Féda (1321), Géogmphii, Paris, 1840, p. 236 ; Félix Fabn (1483), Evagatorium in T* S » peregrinationen, Stuttgart, 1843, t. ii, p. 57-88 ; Fr. Noé, 0. M. (1508j, Viaggio da Venetia al santo Sepolcro, Venise, 1676, ii, 4.

Jéricho sous la domination ottomane.

Avec

la domination des Ottomans (1517), Jéricho prend son plus triste aspect. Douze mauvaises cabanes, de cinq ou six pieds de haut, faites de roseaux, de branchages, de pierres grossières et de terre, forment le village de Rîha Une haie de broussailles épineuses desséchées lui sert de rempart. À côté du village, une construction carrée de douze mètres environ de largeur et de longueur, et de huit de hauteur, ombragée nar un vieux séder, est désignée sous le nom de Bordj Rîlfâ, « la tour ou la citadelle de Jéricho. » Dés avant la fin du xvie siècle, les palmiers et les autres arbres, jusque-là l’ornement et la richesse de Jéricho, avaient à peu près complètement disparu ; toute la région était devenue un désert envahi par le séder, aux rameaux couverts d'épines. Au heu des fruits variés et succulents, les pèlerins mentionnent la pomme de Sodome, désignant d’abord ainsi le fruit cotonneux de l’asclépiade (fig. 223-225), puis, quand celui-ci a disparu, le fruit trompeur, à la graine noirâtre semblable à du sable : du solanum sodomeun de Linné, le « limon de Lot » des Arabes (fig. 226). Une racine desséchée et flétrie, Vanastahca hierichunlina du même naturaliste, est cueillie pour la rose de Jéricho. Cette plante, d’une vitalité extraordinaire, s’ouvre et refleurit indéfiniment quand elle est plongée dans l’eau. Le spécimen reproduit ici (fig. 227 et 228) est en la possession de M. Vigouroux depuis 1874. Parmi ces buissons et ces plantes sauvages, on remarque un arbuste au fruit ressemblant à une grosse olive ; les indigènes lui donnent le nom de zaqqûm (fig. 229-231) et du noyau de ce fruit extraient une huile dont ils font surtout usage pour guérir leurs blessures ; plusieurs le prennent pour le my 227. — Rose de Jéricho desséchée. Grandeur naturelle,

robolanum de Josèphe : ce serait le seul survivant des arbres nombreux cultivi s autrefois dans les célèbres jardins de Jéricho.

État actuel.

La sécurité plus grande dont jouit

le Ghôr depuis 1870 environ a permis à cette localité de prendre un certain essor. Un élégant hospice bâti pour les pèlerins russes, une petite église grecque, plusieurs hôtelleries pour les voyageurs, quelques maisons habitées par des colons et un sérdia' ou établissement pour les employés du gouvernement turc, ont commencé à former près du pauvre village de Ril}â une Jéricho nouvelle. Dans les jardins de création récente arrosés par les eaux amenées de 'Ain es-Sullân, qui l’entourent, les figuiers, les bananiers, les grenadiers, les amandiers, les oliviers, les pêchers, les abricotiers, la vigne, les peupliers, les eucahptus et une multitude de plantes potagères se développent avec une rapidité et dans des proportions souvent extraordinaires. Le bassin de la fontaine restauré en relient les eaux pour mettre en mouvement un moulin qu’environne un jardin potager ombragé par des bananiers. Une grande partie de l’espace occupé par les ruines a été défriché et déblayé et produit d’abondantes moissons de blé et de doura. Cette amélioration n’est pas l’ancienne prospérité de Jéricho, elle garantit du moins l’exactitude des descriptions de l’histoire et indique ce que pourrait redevenir Jéricho entre les mains d’un peuple intelligent et laborieux protégé par un gouvernement civilisé. — Voir Boniface Stefani de Raguse (1555), Liber de perenni cultu Terras Sanclse, édit. de Venise, 1575, p. 234-238 ; de Radzivil (1583), Peregrinatio hierosolynutana, Anvers, 1614, p. 97-99 ; Aquilante Rochetta, Peregrinatione di Terra Santa, Palerme, 1630, p. 183188 ; Fr. Quaresmius, Elucidatio Terrse Sanclse, t. VI, Peregr. vi, c. x, Anvers, 1639, p. 753-754 ; Richard Pococke (1737), Voyages, c. viii, trad. de l’anglais, t. iv, Paris, 1772, p. 86-92.

IV. Histoire.

Avant Jésus-Christ.


Jéricho était l’une des villes les plus importantes du pays de Chanaan à l’arrivée des Hébreux dans la Terre Promise. Elle était gouvernée par un roi, c’est-à-dire par un chef indépendant. Se trouvant la première sur le chemin du peuple de Dieu, elle pouvait s’opposer à son entrée en l’attaquant au passage du Jourdain. Pour sonder les dispositions de ses habitants, Josué y envoya deux explorateurs. Leur présence ayant été dénoncée au roi, ils furent sauvés par Rahab qui les cacha d’abord sous du lin qui séchait sur sa terrasse et les descendit la nuit par une corde le long du mur de la ville, contigu à sa maison. Ils rapportèrent les paroles de cette femme et firent connaître au camp l'état de découragement dans lequel se trouvaient la population de Jéricho et les peuples de Chanaan. Jos., h ; cf. Yi, 2, xil, 29. Encouragés par ce rapport, les Israélites passent le Jourdain et s’avancent dans la campagne de Jéricho jusqu'à l’endroit qui fut ensuite appelé Galgala. Là, ils pratiquèrent la circoncision générale du peuple et célébrèrent tranquillement la Pâque. Jos., m-v. Les habitants de Jéricho, effrayés, avaient fermé la porte de la ville et personne n’osait ni y entrer ni en sortir. Jos., vi, 1. Le Seigneur

donna à Josué l’ordre de faire, pendant six jours, le tour de la ville, une fois par jour. Les guerriers marchaient en avant, l’arche portée par les prêtres accompagnés par sept autres prêtres sonnant de la trompette suivait, et la foule marchait derrière, tous observant le plus prolond silence. Le septième jour on fit sept fois de même le tour de Jéricho. Au septième tour, sur l’ordre de Josué, toute la foule jeta un cri en même temps que sonnait la trompette, et subitement les murs de la ville s’écroulèrent. Saint Paul, Hebr., xi, 30, attribue à la foi des Hébreux le miracle de la chute des murailles

stérile. » Elisée prit un vase neuf, y mit du sel, alla à la fontaine, versa le sel dans l’eau et l’eau devint bonne à boire et ne produisit plus la stérilité, ꝟ. 19-22. — À l’approche des armées assyriennes commandées par Holopherne, les Juifs de Jérusalem envoyèrent des hommes à Jéricho pour garder l’entrée des montagnes. Judith, iv, 3. — Le roi Sédécias, s’étant enfui de Jérusalem assiégée par les troupes de Nabuchodonosor, fut arrêté dans la plaine de Jéricho. IV Reg., xxv, 5 ; Jer., xxxix, 5. — Parmi les Juifs qui revinrent, après la captivité, dans la terre d’Israël, sous la conduite de Zorobabel, se trou 228. — Rose de Jéricho ouverte. Grandeur naturelle.

de Jéricho. La ville vouée à l’anathème fut pillée et brûlée ; ses habitants furent tous massacrés, à l’exception de Rahab et de ses proches parents recueillis dans sa maison, qui furent conduits au camp par les deux explorateurs. Les richesses de la ville, l’or, l’argent et les vases de métal, furent déposés au trésor sacré, sauf une règle d’or, deux cents sicles et un manteau d’écarlate, dérobés par Achan. Après avoir accompli l’œuvre d’extermination, Josué prononça contre Jéricho cette imprécation : « Maudit soit devant Dieu tout homme qui tentera de rétablir cette ville de Jéricho et la rebâtira. Il en posera les fondements avec (la mort de] son premier né et il en fermera la porte avec [la mort de] son plus jeune (ils. » Jos., vi, 2-27. — Dans le partage du pavs, Jéricho, c’est-à-dire son site et son territoire, fut attribuée à la tribu de Benjamin. Jos., xvi, 1, 7 ; xviii, 42, 21. Églon, roi de Moab, assisté des Ammonites et des Amalécites, s’empara de la ville des Palmiers et de toute la campagne de Jéricho.

II les garda dix-huit ans. Il y avait une maison où il venait chaque année pour recevoir le tribut et les hommages des Israélites. C’est là qu’Aod le poignarda et délivra Israël de sa domination. Jud., iii, 12-30. Les envoyés de David à qui Hanon, roi des Ammonites, avait fait raser la moitié de la barbe, reçurent l’ordre d’attendre à Jéricho qu’elle fût repoussée. II Reg., x, 5 ; I Par., xix, 5. — Sous le règne d’Achab, roi d’Israël, et d’Asa, roi de Juda, Hiel de Béthel, de la tribu d’Fphraim, sans se préoccuper de la malédiction prononcée par Josué, rebâtit Jéricho. Abiram, son fils atné, mourut le jour même où il en posa les nouvelles fondations, et Ségub, son plus jeune fils, le jour qu’il en plaça les portes.

III Reg., xvi, 34. Jéricho appartenait alors, on doit le déduire de ce fait, à la tribu d’Éphraim et au royaume d’Israël. — Un groupe de prophètes avaient à cette époque leur résidence en cette ville. IV Reg., ii, 5, 15. Élie y descendit et s’y arrêta avant de se rendre sur les bords du Jourdain, d’où il devait être enlevé, j^. 4-6. Après l’enlèvement d’Élie, Elisée y résida, ji. 18. C’est alors que les habitants vinrent trouver le prophète et lui dirent : « Le séjour de cette ville est excellent, comme mon seigneur le voit, mais les eaux en sont mauvaises et la terre

vaient trois cent quarante-cinq « fils de Jéricho ». I Esd., ii, 34 ; II Esd., vii, 36. Ils prirent part à la reconstruction des murs de Jérusalem et bâtirent la partie voisine, à l’ouest de la tour d’Hananæl. II Esd., iii, 1, 2. — Durant la lutte des Machabées contre les rois séleucides, Bacchide augmenta les fortifications de Jéricho et en fit une des places destinées à maintenir le pays sous le joug des païens. I Mach., IX, 50. — Après la libération du territoire, Ptolémée, fils d’Abob et gendre du grand-prêtre Simon, tut préposé à la région de Jéricho. Simon parcourant la Judée, pour pourvoir à ses besoins, descendit à Jéricho. Ptolémée avait fait construire une petite forteresse nommée Doch ; il y inv ita son beau-père et le fit assassiner, au milieu d’un festin, avec ses deux fils, Mathathias et Judas et leurs compagnons (135 av. J.-C). I Mach., xvi, 1116. Le château de Doch, d’après une opinion assez probable, aurait occupé le sommet de la montagne appelée la Quarantaine qui domine à l’ouest toute la plaine de Jéricho. Voir Doch, t. ii, col. 1454-1456. — L’Écriture ne mentionne plus Jéricho que pour raconter le passage du Sauveur en cette ville ; nous devons demander à Josèphe les autres détails concernant son histoire jusqu’à la ruine de Jérusalem. Ptolémée, d’après l’historien juif, assiégé par Jean Hyrcan, fils de Simon, se maintint quelque temps dans la forteresse de Doch, puis s’enfuit en Ammonitide après avoir mis à mort la mère de Hyrcan qu’il retenait dans les fers. Ant. jud., XIII, viii, 1. — Dans la guerre de compétition entre les fils d’Alexandre Jannée, Hyrcan II, abandonné par ses soldats sous les murs de Jéricho, dut céder à son frère Aristobule II, et s’enfuit à Jérusalem. Ant. jud., XIV, l, 2 ; Bell, jud., i, vi, 1. Pompée, poursuivant Aristobule, passa par Jéricho et il détruisit, au dire de Strabon, deux forts qui en protégeaient l’entrée. Ant. jud., XIV, iv, 1 ; cf. Strabon, XVI, ii, 40. Elle devient le quatrième siège d’une des cinq cours de justice (o-jve6pt’a) établies par Gabinius, lieutenant de Pompée, dans la Judée devenue tributaire des Romains (63 avant J.-C). Ant. jud., XIV, v, 4 ; Bell, jud., I. viii, 5. ~—

Pendant la lutte soutenue pour l’indépendance de son peuple par Antigone, fils d’Aristobule, contre Hérode

Le zaqqûm. D’après une photographie de M. L. Heidet.

et les Romains ses protecteurs (38-37), Jéricho, occupée d’abord par les partisans d’Antigone, est abandonnée à l’approche d’Hérode, pillée et saccagée par les soldats romains, amenés par ce dernier ; peu après, elle est témoin de la défaite et de l’extermination totale de cinq jeunes cohortes romaines et de la mort de Joseph, frère d’Hérode, leur chef. Accouru avec deux légions, pour venger la mort de son frère, Hérode est attaqué le lendemain par des partisans d’Antigone, au nombre de six mille hommes, qui lancent des pierres et des flèches de la montagne, et répandent la crainte parmi les Romains. Hérode est blessé au flanc par une flèche, s’éloigne de Jéricho, massacrant les habitants des villages qu’il rencontre sur son passage, et gagne la Galilée, où ! il est rejoint par ses partisans, dont un certain nombre étaient de Jéricho et des alentours. Ant. jud., XIV, xv, 3, 10-12 ; Bell, jud., i, xv, 6 ; xvii, 1, 4-6. Hérode, devenu maître de la Judée, affectionnait le séjour de cette ville. Il y conviait ses amis dans des villas élevées pour eux et désignés par leurs noms et leur offrait des festins et des fêtes. Bell, jud., i, xxi, 4 ; cf. Ant. jud., XV, iii, 3. La reine d’Egypte Cléopàtre, non moins avare qu’impudique, pour prix de ses faveurs, obtint d’Antoine que les revenus du jardin de Baume de Jéricho, alors unique au monde et dont les produits recherchés se payaient aux prix les plus élevés, lui fussent affectés. Ant. jud., XVI, iv, 1 ; Bell, jud., i, xviii, 5. Cette ville fut témoin d’un des crimes les plus odieux du tyran de la Judée. Jaloux de l’estime manifestée par le peuple pour le jeune Aristobule, frère de Mariamne son épouse, et le dernier des Machabées qu’il avait promu souverain sacrificateur, il l’attira à Jéricho et le fit noyer par des soldats gaulois à sa solde, dans un des grands bassins de la ville ; il lui fit faire ensuite les funérailles les plus pompeuses, auxquelles il assista en versant des larmes hypocrites i(35av. J.-G.).4 « i.yi « i., XV, ii, 3-4 ; Bell, jud., i, xxii, 2. 2° Depuis Jésus-Christ jusqu’à la ruine de Jérusalem. — C’est à Jéricho qu’après avoir fait mourir plu sieurs personnes Hérode mourut lui-même d’une mort digne de sa vie. Voir Hérode 2, col. 647. Après son décès, on remit en liberté les notables de toute la Palestine qu’il avait enfermés dans l’hippodrome pour qu’on les massacrât lorsqu’il aurait rendu le dernier soupir, et que sa mort devint ainsi un deuil public. Ptolémée, l’homme de confiance d’Hérode, réunit au théâtre le peuple et les soldats, leur annonça la mort de leur maître et lut la teneur de son testament qui désignait Archélaus, son aîné, pour roi de Judée. Voir Archélaus, t. i, col. 927. Le cortège funèbre sortit ensuite de Jéricho. Le corps devait être porté au château d’Hérodium, à deux cents stades (37 kilomètres) de Jéricho (4 av. J.-C). Ant. jud., XVU, vi-vih ; Bell, jud., i, xxxiii, 6-9 ; cf. Bell, jud., II, i, 1. Dans les troubles qui suivirent la mort d’Hérode, Jéricho fournissait du renfort aux factieux de Jérusalem, et Simon, un ancien serviteur du roi qui n’avait pas craint de ceindre le diadème, vint piller le palais du roi et l’incendia, ainsi que plusieurs autres constructions élevées par Hérode dans la région. Archélaus, déclaré ethnarque et revenu de Rome, releva le palais de Jéricho avec plus de somptuosité qu’auparavant et apporta plusieurs embellissements aux jardins et à la ville. Ant. jud., XVII, x, 2, 6 ; xiii, 1 ; Bell, jud., II, iii, 1 ; iv, 2. La Judée ayant été réduite en province de l’empire, Jéricho devint une des onze toparchies de la nouvelle province, (6 après J.-C). Bell, jud., III, iii, 5 ; Pline, Hist.nat., v, 14. C’est pendant cette période que Jésus-Christ visita Jéricho. Il avait dû y passer plusieurs fois, comme le taisaient ordinairement, pour éviter les Samaritains et leurs vexations, les Juifs de la Galilée montant à Jérusalem ; les évangiles mentionnent seulement son dernier passage, alors qu’il allait célébrer sa dernière Pâque. Zachée, chef des publicains, était monté, à cause de la foule et de sa petite taille, sur un sycomore. Jésus levant les yeux l’invita à descendre et alla loger dans sa maison. C’est en cette circonstance que le Sauveur proposa la parabole du roi qui va au loin se faire donner un royaume, faisant, croit-on, allusion à Archélaus dont Jéricho devait spécialement garder le souvenir. Luc,

230. — Jeune fille de Jéricho portant une branche de zaqqûm t avec fruits. D’après une photographie de M. L. Heidet.

xix, 1-28. Voir Archélaus, t. i, col. 927. Jésus guérit deux aveugles à Jéricho. Luc, xviii, 35 ; xix, 1 ; Mat th., xx, 29-30. Voir Aveugle, t. i, col. 1290, 1291. — D’après

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231. — Fnrit du zaqqûm. Grandeur naturelle.

une tradition commune aux chrétiens de tous les rites depuis le xiie siècle, le Sauveur aurait accompli son jeûne de quarante jours, près de Jéricho, dans une des grottes de la montagne, appelée pour, ce motif mont de la Quarantaine ; c’est aussi sur le sommet de cette montagne que le démon l’aurait transporté. Matth., IV, 8 ; Luc, IV, 5. — Au début du soulèvement contre les Romains, sous le gouverneur Florus, les Juifs s’emparèrent du château de Cypros, et après en avoir massacré la garnison ils le rasèrent jusqu’au sol (en 64). Josèphe, Bell, jud., II, xviii, 16. — Lorsque fut constituée, après la défaite de Cestius, une nouvelle administration, Joseph, iils de Simon, fut nommé chef de la toparchie de Jéricho (en 65). Bell, jud., II, xx, 4. — Fuyant de Gadara pris par Vespasien, les Juifs qui avaient pu échapper à la poursuite de son lieutenant Placide cherchèrent un refuge à Jéricho, « la seule ville en laquelle ils mettaient quelque espoir de salut, parce qu’elle était bien fortifiée, et avait de nombreux habitants. » Bell, jud., IV, vii, 5. — Vespasien, revenu à Césarée, se dirigea ensuite, par la Judée et la Samarie, sur Jéricho. A son approche, toute la population s'était enfuie dans les montagnes, à l’exception d’un petit nombre qui furent massacrés sans pitié. Le lendemain, Trajan vint de la Pérée avec des renforts rejoindre Vespasien. Le général romain, dont l’intention était d’isoler Jérusalem, établit à Jéricho un camp retranché, et construisit plusieurs forts dont il confia la garde à des soldats romains de sa compagnie et rentra à Césarée (en 67). Ibid., IV, viii, 1, 2. C’est en cette occasion, si l’on doit ajouter foi à l’assertion d’Eusèbe, que la Jéricho hérodienne aurait été détruite par les Romains. Après le départ de Vespasien, Titus, demeuré seul pour aller mettre le siège devant Jérusalem, appela de Jéricho la Xe légion qu’y avait laissée son père ; elle reçut l’ordre de s'établir, au mont des Oliviers, à six stades à l’orient de Jérusalem. V, i, 6 ; ii, 3. 3° Après la ruine de Jérusalem.

Pendant le sac de

Jérusalem, les Juifs avaient cherché à détruire jusqu’au dernier tous les arbres à baume qui se trouvaient seulement à Engaddi et à Jéricho ; pour les sauver, les Romains avaient lutté avec acharnement. En signe de leur triomphe, Vespasien et Titus en présentèrent un au peuple romain. Ces jardins furent réunis au domaine de l’Empire et leur culture prit une plus grande extension. Pline, H. N., xii, 25. La dernière année du règne de Caracalla et Géta (217), on trouva à Jéricho, cachés dans des tonneaux, divers manuscrits hébraïques et grecs de l’Ancien Testament ; Origène s’en servit pour la cinquième édition de ses Hexaples. VoirHEXAPLES, col. 699. Ils provenaient peut-être de l'école des Juifs, Beth Gadîa' ou Belk Gôrîa', souvent vantée dans le Talmud. S. Épiphane, Deponder. et mensur., t. xliii, col. 266, 267 ; Mischna, Pesahim, iv, 9 ; Talmud de Jérusal., Sotah ix, 13 ; cf. Ad. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 162. — Le christianisme n’avait pas tardé à se développer à Jéricho qui était devenu le siège d’un évêché. Le nom de son évoque Janvier se lit dans les souscriptions du concile de Nicée (325). Plusieurs autres évêques ont pris part aux plus anciens conciles. Voir Lequien, Oriens christianus, Paris, 1740, t. iii, p. 654, 655. — Les souvenirs bibliques de Jéricho y attirèrent de bonne heure des pèlerins en grand nombre. Les ruines elles-mêmes leur indiquaient le site de l’ancienne ville, et la fontaine étant unique ne pouvait être confondue avec une autre. Plus contestable était la localisation de la maison de Rahab que l’on croyait reconnaître, près de la fontaine. Ilinerar. a Burdigala, t. viii, col. 292. Le sycomore de

Zachëe se montrait â droite du chemin en descendant de la montagne ; il était renfermé dans une enceinte sans toit. S. Jérôme, Epist. irm, t. xxii, col. 888 ; Ilinerar. a Burdigala, ibid. ; Antonin. Placent., t. lxxii, col. 905. Au. VIe siècle, l’hospice construit pour les pèlerins par Justinien passait pour la maison de Rahab et l’oratoire Sainte-Marie qui lui était annexé, pour la chambre où cette femme avait caché les explorateurs de Josué. Procope, De ssdificiis Justiniani, t. V, c. ix ; Théodosius, De locis sanctis, 1865, p. 68. Une multitude de chrétiens, dont un grand nombre venus des pays les plus lointains, se fixèrent, à cette époque, à Jéricho et aux alentours pour y mener la vie cénobitique ou solitaire. Voir Doch, t. ii, col. 1455, 1456. — La Jéricho byzantine disparue quand l'évêque gaulois Arculf visita, en 670, la vallée du Jourdain, avait dû être ruinée par les armées de Chosroès, qui n’avaient rien laissé debout sur leur passage (614). Le pays de Jéricho, occupé bientôt par les Arabes conquérants (637), s'était rapidement rempli d’une multitude d’habitations nouvelles. Adamnan, De locis sanctis, II, xiii, t. lxxxviii, col. 799. Cette Jéricho des Arabes resta une des principales localités du district du Jourdain, qui était un des six de la province de Syrie, et devint la capitale du Ghôr. La culture de la canne à sucre, dont le suc était extrait dans des moulins spéciaux, était la principale industrie A’Arihà (637-1099), El-Khordâbèh, Kitàb el-Masâlîk ou el-Mamalik, Leyde, 1889, p. 57 et 78 ; el-Moqaddasi, loc. cit., Leyde, 1877, p. 154 ; 174, 175 ; £l-Yaqoubi, Géographie, Leyde, 1861, p. 113 ; Yaqoût, loc. cit. La vie chrétienne n’avait pas complètement disparu de Jéricho. Au vine siècle et au ixe, l’on y trouve encore des habitants chrétiens et des moines, et il est fait mention de ses évêques. Acta sanctorum, Vita S. Stephani Sabaitm, n. 25, 58, julii t. iii, Paris, 1868, p. 513, 527 ; Itinera hierosolym. lat., Commemoratorium de Casis Dei, Genève, 1880, p. 303. Les Croisades ramènent à Jéricho les pèlerins de l’Occident qui en avaient à peu près oublié le chemin. Les Francs ne paraissent pas avoir songé à coloniser Jéricho et à lui rendre son antique splendeur. Voir Théodoricus, Libellus de locis sanctis, Paris et Saint-Gall, 1865, p. 72-74 ; Guillaume de Tyr, Hisloria terne transmarinse, t. IX, c. xv, t. CCI, col. 503 ; Cartulaire du Saint-Sépulcre, n. 28, 119, 180, 155, col. 1120, 1213-1224, 1256. - Lorsque les croisés se furent retirés (1187), la région de Jéricho fut infestée par les voleurs, et les pèlerinages devinrent rares. Willbrand d’Oldenbourg, p. 189. À partir du XIVe siècle, Jéricho n'était guère visitée que deux ou trois fois l’an par des caravanes escortées par les soldats du gouverneur de Jérusalem. Le village de Rifiâ fut détruit une dernière fois en 1840, par les soldats d’Ibrahim pacha, qui voulait châtier les Rédouins de l’avoir attaqué dans le voisinage, lors de sa retraite de Damas. Avec la sécurité presque complète dont jouit actuellement la région, le mouvement et la vie ont commencé à se manifester de nouveau dans une certaine mesure à Jéricho et autour de la fontaine d’Elisée. La prospérité ne pourrait manquer de grandir, si tout le territoire de Rîl.iâ avec la plus grande partie de Ghôr n'étaient devenus parties intégrantes du domaine du sultan de Constantinople. — On peut consulter, outre les auteurs déjà cités : Mislin, Les Saints Lieux, c. xxxv, Paris, 1858, t. iii, p. 128-163 ; F. de Saulcy. Voyage de la TerreSaintè, Paris, 1865, t. i, p. 326-342 ; V. Guérin, Description de la Palestine, Samarie, Paris, 1874, 1. 1, p. 28-53. Cf. R. Conder, Tent-Work in Palestine, 1879, t. ii, p. 1-34 ; Liévin de Hamm, Guide-indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. ii, p. 297-313 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1882, t. iii, p. 123-223.

L. Heidet. JÉRIEL (hébreu : YérVêl ; Septante : 'Iepiri'/), troisième fils de Thola, un des principaux chefs de la tribu d’Issachar sous le règne de David. I Par., vii, 2.

    1. JÉRIMOTH##


JÉRIMOTH, nom, dans la Vulgate, de neuf Israélites et d’une ville de la tribu de Juda. Les noms de personnes sont écrits de deux manières légèrement différentes en hébreu, de même que le nom de la-ville. La Vulgate a transcrit les trois formes hébraïques tantôt Jérimoth, tantôt Jérimuth.

1. JÉRIMOTH (hébreu : Yerîmôf ; Septante : ’Iepiu.o-JÔ), quatrième fils de Bêla, l’alné des fils de Benjamin. Ses descendants habitaient Jérusalem du temps de David. I Par., vii, 7 ; cf. j>. 2.

2. JÉRIMOTH (hébreu : Yerîmôf ; Septante : ’Isptu.oj8), sixième fils de Béchor, le second des fils de Benjamin. Ses descendants habitaient Jérusalem du temps de David. I Par., vii, 8 ; cf. ꝟ. 2.

3. JÉRIMOTH (hébreu : Yerêmôf ; Septante : ’Api|*cJ6), troisième fils de Baria, de la tribu de Benjamin. Sa famille demeurait à Jérusalem sous le règne d’Ézéchias.

I Par., viii, 14, 28.

4. JÉRIMOTH (hébreu : Yerîmôf ; Septante : ’Iapt|ito6), fils de Musi, chef d’une famille de lévites, de la branche de Mérari, sous le règne de David. I Par., xxiii, 23 ; sxiv, 30.

5. JÉRIMOTH (hébreu : Yerimôt ; Septante : ’l£pi[iâ>6), lévite, cinquième fils d’Héman, chef du quinzième des vingt-quatre chœurs de musiciens qui jouaient dans les cérémonies sacrées du temps’de David. Le chœur qu’il dirigeait, formé de ses fils et de ses frères, se composait de douze musiciens. I Par., xxv, 4-22.

6. JÉRIMOTH (hébreu : Yerîmôf ; Septante : ’IepejjiwO), fils d’Ozriel, chef (nâgîd et èar) de la tribu deNephthali, pendant le règne de David. I Par., xxvii, 19.

7. JÉRIMOTH (hébreu : Yerîmôf ; Septante : ’Iepiu-oûO), fils de David et père de Mahalath qui devint l’épouse du roi Roboam, ainsi qu’Abihail, également sa cousine.

II Par., xi, 18. Dans la Bible hébraïque, le chetib porte « Mahalath, fils de Jérimoth », mais c’est une erreur évidente et le keri qui lit « fille » s’impose. Jérimoth n’est point nommé dans les listes des fils de David contenues dans I Par., iii, 1-9, et xiv, 4-7.

8. JÉRIMOTH (hébreu : Yerîmôf ; Septante : ’Iepipiûe), lévite, un des préposés inférieurs qui avaient la garde des magasins du Temple où l’on conservait les offrandes et les dîmes sous le règne d’Ézéchias. II Par., xxxi, 13.

9. JÉRIMOTH (hébreu : Yerêmôf ; Septante : ’Iapt ! i<18), un des fils d’Élam, qui avait épousé une femme étrangère et qui la renvoya par ordre d’Esdras. I Esd., x, 26.

10. JÉRIMOTH (hébreu : Yarmût, « hauteur ; » Septante : ’Iepiu.oû8 dans Jos., x, 35, 23 ; ’IepixoûO dansJos., x, 55), ville de Juda, dans la Séphéla, aujourd’hui Khirbet

Yamxûk.

Description.

Elle est nommée dans le même

.groupe qu’Adullam, Socho et Azéca, c’est-à-dire dans le premier groupe de « la plaine ». Jos., xv, 35. Elle « tait à trois heures de marche d’Éleuthéropolis (Beit-Djibrin ) et située sur une montagne appelée aujourd’hui Djebel Yarmuk. « Les pentes inférieures sont cultivées en céréales ; plus haut, on s’avance à travers un fourré de broussailles et de plantes épineuses. La montagne s’élève comme par étages successifs qui soutiennent d’anciens murs d’appui. Des débris d’habitation renversées et d’innombrables petits fragments de poterie sont de tous côtés épars sur le sol. Quant au plateau supérieur, qui formait comme l’acropole de la ville dont le Khirbet Yarmuk offre les vestiges, il était environné

d’un mur circulaire, dont les substructions sont encore visibles. Les ruines y abondent parmi des touffes de lentisques et de hautes herbes. De là on jouit d’une vue très étendue ; car on domine d’au moins trois cents mètres les vallées voisines. » V. Guérin, Judée, t. ii, p. 272. Quoique située sur une montagne, elle « est comprise au nombre des villes de la [Séphéla], dit M. Guérin, p. 273, parce que plusieurs places mentionnées avec celle de la Séphéla dépendaient du district ainsi nommé, sans être elles-mêmes dans la plaine dont elles étaient seulement voisines ».

2 1 Histoire. — À l’époque de la conquête de la Palestine par Josué, Jérimoth avait un roi, appelé Pharam, qui entra dans la confédération formée par Adonisédec, roi de Jérusalem, contre les Gabaonites. Jos., x, 3-5. Il fut vaincu, avec les quatre rois ses alliés, à la bataille de Gabaon et se réfugia avec eux, après sa défaite, dans la caverne de Macéda. Le vainqueur les y prit et les fit tous périr. Jos., x, 16-28. Jérimoth ainsi conquise fut donnée à la tribu de Juda, lors du partage de la Terre Promise. Jos., xv, 35. Son nom ne reparaît plus qu’une fois dans l’histoire biblique, après le retour de la captivité. Néhémie nous apprend qu’elle fut réhabitée de son temps par les fils de Juda. II Esd., xi, 25, 29. Dans ce dernier passage, la Vulgate écrit le nom de cette ville Jérimuth.

F. Vigouroux.

    1. JÉRIMUTH##


JÉRIMUTH, nom dans la Vulgate, de deux Israélites, dont le nom est en hébreu le même que celui de Jérimoth, ainsi que d’une ville de Juda, dont les consonnes sont les mêmes que celles des noms des personnes, mais qui est ponctué différemment dans l’original. Voir Jérimoth.

1. JÉRIMUTH (hébreu : Yerimôt ; Septante : ’Api|xo-J0), un des vaillants soldats qui allèrent rejoindre David à Siceleg. I Par., xii, 5.

2. JÉRIMUTH (hébreu : Yerêmôf ; Septante : ’Ap[j.<18), un des fils de Zethna, qui avait épousé une femme étrangère et qui la renvoya sur l’ordre d’Esdras. I Esd., x, 27.

    1. JÉRIMUTH##


3. JÉRIMUTH, nom, dans la vulgate, II Esd., xi, 29, de la ville appelée Jérimoth dans le livre de Josué. Voir Jérimoth 10.

    1. JÉRIOTH##

JÉRIOTH (hébreu : Yeri’ôf ; Septante : ’Iepu » 6), seconde femme de Caleb fils d’Hesron, d’après les Septante ; sa fille, par Azuba, d’après la Vulgate et le syriaque. I Par., ii, 18. Le texte original est altéré dans ce passage.

    1. JERMAI##

JERMAI (hébreu : Yerêmaï ; Septante : ’Iepa^. ;), Israélite qui vivait du temps d’Esdras et qui répudia la femme étrangère qu’il avait épousée. I Esd., x, 33.

    1. JÉROBAAL##

JÉROBAAL (hébreu : Yerubba’al, « celui qui lutte contre Baal ; » Septante : ’IepoëâaX), surnom donné àGédéon, parce qu’il renversa l’autel de Baal. Jud., vi, 32. Voir Gédéon, col. 147. La Vulgate traduit l’hébreu, rapportant les paroles qui firent donner le surnom de Jérobaal à Gédéon : « Que Baal se venge de celui qui a renversé son autel ! » Yarêb, traduit ici par « se venger », signifie « qu’il plaide, discute, se défende, lutte ». — A partir de ce moment, Gédéon est appelé plusieurs fois Jérobaal dans la suite du récit, Jud., vii, 1 ; viii, 29 (35), et dans toute l’histoire de son fils Abimélech. Jud., ix, 1-57. Ce nom lui est aussi donné dans I Reg., xii, 11, et II Beg., xi, 21. Dans ce dernier passage, l’hébreu, II Sam., xi, 21, porte Yerubéséf, aulieu de Yeruba’al, c’est-à-dire que bésêf, « honte, » voir Idole, 8°, col. 818, fut substitué par mépris au nom de Baal.

    1. JÉROBOAM##

JÉROBOAM (hébreu : Yârob’dm ; Septante : ’kpo60â|j.), nom porté par deux rois d’Israël.

1. JÉROBOAM I". Il était fils de l’éphraïmite Na-’bath, de Saréda, et avait pour mère Sarva. Saloraon remarqua son heureux naturel et son adressent le nomma chef des corvées que les hommes des tribus d’Éphraïm et de Manassé avaient à exécuter pour le compte du roi. Voir Corvée, t. ii, col. 1032. C’est en cette qualité qu’il surveillait les travaux de la construction de Mello à Jérusalem. Témoin du mécontentement général qu’excitaient dans toute la nation les dépenses exagérées et les entreprises incessantes de Salomon, il manifesta ses sentiments et n’eut garde de réprimer les murmures de ceux qu’il commandait. Un jour qu’il sortait de Jérusalem, il se rencontra avec le prophète Ahia. Celui-ci, ayant divisé son manteau neuf en douze parts, dit à Jéroboam au nom du Seigneur : Il y a dix parts pour toi et une pour le fils de Salomon. Je ne lui ôte pas tout, à cause des promesses que j’ai faites à David ; mais Salomon m’a abandonné pour servir des dieux étrangers. Quant à toi, si tu m’es fidèle, j’affermirai ta maison comme j’ai affermi celle de David. Voir Ahia, t. i, col. 291. Par cette intervention de son prophète, Dieu autorisait l’opposition qui s’élevait contre Salomon ; seulement s’il se plaignait du prince devenu idolâtre, c’était contre le prince trop exigeant que murmurait le peuple. Ainsi assuré de toutes les approbations, Jéroboam n’eut pas la patience d’attendre que la mort de Salomon amenât une solution qu’Ahia n’avait promise que pour ce moment. À la première occasion, « il leva la main contre le roi, » c’est-à-dire excita contre lui une révolte. Il ne réussit à rien, parce que son action était prématurée. Aussi dutil se dérober par une prompte fuite au châtiment qui le menaçait. Il se rendit en Egypte auprès du pharaon Sésac et y demeura jusqu’à la mort de Salomon. Sésac ou Scheschonq accueillit favorablement le fugitif, et même, d’après le texte grec, III Reg., xii, 24, lui donna en mariage Ano, sœur ainée de Thékémina, sa propre épouse. Cette attitude de Sésac vis-à-vis de Salomon, qui avait lui-même épousé une princesse égyptienne, peut surprendre au premier abord. Mais il faut se rappeler que la princesse épousée par Salomon était fille d’un roi de la xxi « dynastie, probablement Psioukhânnit ou Psousennès II. Sésac commençait la xxii « dynastie. Il n’était pas de famille royale, mais avait épousé une femme de sang royal et était devenu, sous le précédent pharaon, le premier fonctionnaire de l’Egypte. Il avait même uni son fils aîné à une fille de Psioukhânnit. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, 1897, p. 738, 769, 772. Il n’est pas étonnant cependant que Sésac ait eu d’autres idées politiques que son prédécesseur, auquel il ne tenait que par alliance.

A la mort de Salomon, en 975 (ou 938, d’après la chronologie assyrienne) Jéroboam se hâta de revenir d’Egypte. Les Septante, qui insèrent un très long morceau entre les versets 24 et 25 de III Reg., xii, sur les événements qui se produisirent alors, et sur d’autres que le texte hébreu raconte ailleurs, disent que Jéroboam demanda à Sésac de l’envoyer en Palestine, et qu’il se rendit à Sarira, dans la montagne d’Éphraim, avec sa femme Ano. On sut son retour, et les mécontents l’envoyèrent chercher et le mirent à la tête de la dépulation qui alla demander à Roboam d’adoucir le joug que son père avait fait peser sur la nation. Quand le jeune roi eut au contraire imprudemment menacé de l’aggraver, le peuple se révolta et la plus grande partie des Israélites se séparèrent de la maison de David et prirent Jéroboam pour roi. Il ne resta à Roboam que la tribu de Juda et celle de Benjamin qui, aux portes mêmes de Jérusalem, ne pouvait guère se soustraire à la domination de la capitale. Roboam songea tout d’abord à prendre les armes pour soumettre les rebelles ; mais le prophète Sémeia lui intima l’ordre de n’en rien faire, « t chacun demeura en paix de son côté. Ce schisme

était lamentable, car il affaiblissait et divisait les forces de la nation, surtout à une époque où elle allait voir se dresser en face d’elle les deux grandes puissances conquérantes du vieux monde, l’Assyrie et l’Ég5pte. Mais les infidélités de Salomon l’avaient appelé comme un châtiment nécessaire. Dans les vues de la Providence, c’était d’ailleurs un moyen de préserver plus sûrement les traditions religieuses de la nation, en diminuant le nombre de leurs dépositaires. De plus, le nord devait garantir, pendant la durée de son existence, le royaume du sud contre les invasions assyriennes. Voilà pourquoi le Seigneur s’opposa à la tentative armée de Roboam. Voir Roboam.

Jéroboam fit deSichem et de Phanuel, lII Reg., xii, 25, dans les montagnes d’Éphraim, les places de résistance de son nouveau royaume d’Israël. Malheureusement, au schisme politique il ajouta un schisme religieux. Dans sa pensée, son peuple eût fini par retourner à l’obédience de Roboam, s’il eût continué à aller offrir ses sacrifices à Jérusalem, dans la maison du Seigneur. Il fabriqua donc deux veaux d’or comme symboles de Jéhovah et les érigea aux deux extrémités de son rojaume, l’un à Béthel, à la frontière méridionale, l’autre au nord, à Dan. Voir Veau d’or. C’était l’installation officielle de l’idolâtrie, en contradiction formelle avec les conditions posées par Dieu à Jéroboam, quand Ahia lui annonça son règne futur. III Reg., xi, 38. En d’autres endroits, des édicules idolâtriques s’élevèrent. Voir Hauts-lieux, col. 449-452. Les lévites disséminés à travers les dix tribus refusèrent de se prêter au service de ces nouveaux sanctuaires. Fidèles au culte du Seigneur, ils se replièrent en masse dans la tribu de Juda, afin de pouvoir continuer à se consacrer au service du Temple. Le roi d’Israël fut donc obligé d’en venir à l’institution d’un nouveau sacerdoce, qu’il recruta indistinctement dans toutes les tribus qui lui obéissaient. Il établit aussi des solennités nouvelles, le quinzième jour du troisième mois et le quinzième du huitième mois, afin d’empêcher son peuple de se rendre aux solennités de Jérusalem. L’apostasie ne fut pourtant pas universelle. Beaucoup d’Israélites de toutes les tribus gardèrent leur fidélité à Jéhovah et continuèrent à venir offrir leurs sacrifices à Jérusalem au Dieu de leurs pères. II Par., xi, 16.

Dieu envoya des avertissements à Jéroboam. Un jour qu’il offrait l’encensa l’autel de Béthel, un prophète vint lui annoncer qu’un descendant de David tirerait vengeance de cette idolâtrie, et, en preuve de sa parole, il déclara que l’autel allait se briser et les cendres tomber à terre. Jéroboam étendit la main pour faire saisir l’audacieux ; mais son bras fut paralysé et il n’en put recouvrer l’usage qu’à la prière du prophète. Puis l’autel se brisa et les cendres tombèrent sur le sol.

Abia, fils de Jéroboam, tomba ensuite malade. Le roi envoya sa femme consulter le prophète Ahia, au sujet de cette maladie. Averti par Dieu, celui-ci, quoique aveugle, et malgré le déguisement de la reine, la reconnut et lui annonça la mort de son fils et les malheurs qui allaient fondre sur la maison de Jéroboam, à cause de son apostasie et des péchés qu’il faisait commettre par le peuple. L’enfant mourut. Jéroboam n’en persista pas moins dans la ligne de conduite qu’il avait adoptée. III Reg., xi, 26-xiv, 20.

Le pharaon d’Egypte ne resta pas indifférent à ce qui se passait en Palestine. La cinquième année du règne des deux princes, Sésac monta d’Egypte à Jérusalem, incapable 8e se défendre contre lui, et pilla le trésor du Temple et le trésor royal. Il n’est dit nulle part que Jéroboam ait excité le monarque égyptien à venir attaquer Roboam, mais cela est très probable. En tous cas, si l’instinct de domination qui animait Sésac, et l’occasion favorable qui se présentait pour le satisfaire, suffirent à déterminer le pharaon, son intervention ne fut pas pour déplaire au roi d’Israël. Le texte sacré, III Reg., xiv, 30, dit qu’il y eut toujours guerre entre les deux

rois de Juda et d’Israël. Cette guerre ne paraît pas avoir dépassé les limites d’une sourde hostilité et d’une malveillance réciproque ; car il n’est fait aucune mention d’une lutte à mains armées entre les deux royaumes rivaux. Jéroboam fut habile, à son point de vue tout schismatique, en choisissant Béthel et Dan comme lieux de culte pour le royaume d’Israël, à cause des souvenirs religieux que rappelaient ces deux localités. Voir Béthel, t. i, col. 1678-1679 ; Dan, t. ii, col. 1245. Il eut une résidence à Thersa, III Reg., xiv, 17, voir Thersa, et, selon Josèphe, Ant. jud., VIII, vra, 4, un palais dans chacune des deux villes de Sichem et de Phanuel qu’il avait fortifiées. Il mourut en 954 (ou en 917), après vingt-deux ans de règne, III Reg., xiv, 20, et put voir successivement les deux successeurs de Roboam, Abia et Asa, avec lesquels il se maintint dans l’attitude hostile adoptée dès les premiers jours du schisme. III Reg., xv, 6. L’influence de Jéroboam fut des plus pernicieuses au point de vue religieux. Il fixa le royaume d’Israël, pour toute la suite de ses destinées, dans l’impiété et l’idolâtrie qui affaiblirent ses forces et amenèrent prématurément sa destruction. Aussi est-ce toujours au péché de Jéroboam que la Sainte Écriture en appelle quand elle veut expliquer les infidélités et les malheurs de ce royaume. III Reg., xv, 30, 34 ; xvi, 2, 19, 26, 31 ; IV Reg., iii, 3 ;

s, 29, 31, etc. ; Eccli., xi, vii, 29.
H. Lesêtre.
    1. JÉROBOAM II##


2. JÉROBOAM II. Il fut le douzième successeur du fondateur du royaume d’Israél et le quatrième roi de la dynastie de Jéhu.Il succéda à so"n père Joas, en 824 (ou en 783), et eut un règne de quarante et un ans. Au point de vue politique, ce fut un prince intelligent et énergique, qui sut avec habileté tirer parti des circonstances. Le roi de Syrie, Hazæl, s’était défendu assez vaillamment contre les Assyriens, pour que les successeurs de Salmanasar n’osassent plus recommencer les hostilités de son vivant. Voir Jéhu, col. 1245. Quand Mari monta sur le trône de Damas, en 802, Rammanirar III, roi d’Assyrie, fit une campagne en Syrie, assiégea Mari dans sa capitale et lui imposa un lourd tribut. L’inscription qui relate ce fait compte également parmi les tributaires les Phéniciens, les Philistins et la terre d’Amri, c’est-à-dire le royaume d’Israël. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 486-491 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. iii, 1899, p. 101, 102. Jéroboam dut se contenter de payer le tribut dans les mêmes conditions que Jéhu. Mais il profita de l’affaiblissement du royaume de Syrie pour rétablir de ce côté les anciennes frontières d’Israël. L’historien sacré, IV Reg., xiv, 25, 28, dit que ce prince « rétablit les limites d’Israël de l’entrée d’Émath jusqu’à la mer de la plaine (mer Morte), et qu’il lit rentrer sous la puissance d’Israël Damas et Émath, qui étaient à Juda ». Sur la mer de la plaine ou d’Arabah, voir Ababah, t. i, col. 820 ; sur Émath, voir t. it, col1715. Quant à Damas, il ne saurait être ici question de la capitale même, mais seulement du pays à l’est du Jourdain, qui avait appartenu à David et à Salomon et était passé depuis aux mains des rois de Syrie. Voir Damas, t. ii, col. 1228. Une prophétie de Jonas avait annoncé les succès de Jéroboam II. IV Reg., xiv, 25. Cette prophétie a dû être purement orale, ou bien le texte n’en a pas été conservé ; car le livre actuel de Jonas ne contient rien qui se rapporte directement au royaume d’Israël. Voir Jonas.

Au point de vue religieux, le règne de Jéroboam II est résumé en un mot : « Il fit ce qui est mal devant le Seigneur et il ne s’éloigna pas des péchés de Jéroboam, fils de Nabath, qui fit pécher Israël. » IV Reg., xrv, 25. Les prophètes Amos et Osée, qui étaient contemporains de Jéroboam II, ne manquent pas de stigmatiser l’idolâtrie d’Israél, tout en reconnaissant la prospérité temporelle du royaume, qui ne fut jamais plus

grande que sous ce roi. Amos, ii, 6-16, décrit la corruption morale qui règne dans Israël ; la rapacité dont font preuve les grands du pays, iii, 9, 10 ; l’oppression des pauvres par les riches, iv, 1-3 ; l’idolâtrie persistante et les châtiments qui fondront un jour sur Israël, iv, 4-13 ; vii, 1-9. À cause de ces prédictions, Amos fut dénoncé à Jéroboam comme conspirateur par un prêtre de Béthel, qui lui conseilla du reste de fuir dans le pays de Juda. En réponse à cette dénonciation, Amos annonça à ce prêtre les maux qui allaient le irapper ainsi que sa famille, et la captivité qui menaçait Israël. Am., xii, 10-17. Cf. viii, 11-ix, 10. Osée, i, 4, annonce que Dieu va faire cesser le règne de la maison d’Israël, à laquelle il reproche vivement son culte de Baal, en comparant l’idolâtrie à une fornication honteuse, ii, 2-17 ; iv, 12-19. Il s’adresse directement à la maison du roi, qui est devenu comme un piège pour ses sujets, v, 1-7, mais reconnaît que la corruption d’Israël est incurable, vi, 4-vn, 7. Il fait allusion aux avances que la cour de Samarie n’a cessé de faire aux Égyptiens, sous Jéroboam I er, et aux Assyriens, sous Jéhu, et déclare que le péril pour Israël viendra précisément de là. Ose., xii, 11, 12 ; xiv, 4. Tout le reste de la prophétie d’Osée est consacré à la description de l’idolâtrie d’Israël et à la prédiction du châtiment qui va infailliblement arriver, mais n’empêchera pas ensuite la miséricorde de s’exercer sur un petit nombre. Ose., xi, 9-11 ; xiii, 14-18 ; xiv, 4-8. Malgré le schisme d’Israël, le Seigneur continuait donc à lui envoyer des prophètes pour le prémunir contre l’idolâtrie. Ose., iii, 10, 11. Jéroboam ne se mit guère en peine de leurs menaces. Sa prospérité matérielle, Ose., xii, 8, 9, et ses conquêtes sur la Syrie lui semblaient une approbation de sa conduite ; il prenait plaisir à se mêler à ceux qui vivaient de débauche, et il « tendait la main aux moqueurs », c’est-à-dire à ceux qui n’avaient plus aucune foi dans le Dieu de leurs pères et trouvaient que Baal et les veaux d’or étaient plus commodes à servir que Jéhovah. Ose., viii, 5, 6. Josèphe, Ant. jud., IX, x, 1, dit de lui qu’il « se montra plein de mépris pour Dieu et souverainement dédaigneux de toutes les lois, adorateur des idoles, appliqué à mille affaires absurdes et étrangères, et cause de maux innombrables pour le peuple d’Israël ». La Sainte Écriture ne mentionne aucune relation entre Jéroboam II et les deux rois de Juda ses contemporains, Amasias et Azarias. Il mourut en

783 (ou en 743).
H. Lesêtre.

JÉROHAM(hébreu : Yerôliam), nom de sept Israélites.

1. JÉROHAM (Septante : ’IspEiier.X ; Alexandrinus : ’Ispoâ|j.), de la tribu de Lévi, père d’Etcana et grand-père de Samuel, descendant de Caath. I Reg., i, 1. Sur les différents noms donnés à son père Éliu-Éliab, voir ÉLiAB 4, t. ii, col. 1665.

2. JÉROHAM (Septante : ’Ipoâjjt), benjamite, chef d’une famille considérable de cette tribu qui s’établit à Jérusalem. 1 Par., viii, 27.

3. JÉROHAM (Septante : ’IepoSoajA), benjamite, père de Jobania, peut-être le même que Jéroham 2. I Par., vin, 27.

4. JÉROHAM (Septante : ’Ipadqj.), prêtre, descendant d’Aaron, fils ou petit-fils de Phassur, et père d’Adaïa, de la famille d’Emmer. Emmer était chef de la seizième classe sacerdotale au temps de l David. I Par., ix, 12. Dans II Esd., xi, 12, Jéroham est nommé comme père d’Adaïa. Voir Adaïa 4, t. i, col. 170.

5. JÉROHAM (Septante : ’Ipoâji), père de plusieurs vaillants hommes qui allèrent se joindre à David pendant qu’il était à Siceleg. Il était de Gedor. I Par., xii, 7. ^

6. JÉROHAM (Septante : Ipwoté), de la tribu de Dan ; son fils Ezrihel fût chef de la tribu de Dan sous le règne de David. I Par., xxvii, 22.

7. JÉROHAM (Septante : 'Itap&y.), père d’Azarias, qui fut un des chefs qui aidèrent le grand-prêtre Joïada à faire reconnaître Joas comme roi de Juda. II Par., xxiii, 1.

1. JÉRÔME ('lEptivu(i.o ;  ; Vulgate : Hieronyrnus), général de l’armée d’Antiochus "V Eupator, roi de Syrie. Voir Hiéronyme, col. 707.

    1. JÉRÔME (SAINT) (Eusebius Hieronyrnus)##


2. JÉRÔME (SAINT) (Eusebius Hieronyrnus), père et docteur de l'Église latine. — I. Vie. — Saint Jérôme naquit, suhant l’opinion la plus probable, vers l’an 340, à Stridon, sur les confins de la Dalmatie et de la Pannonie anciennes. On a beaucoup discuté au sujet de l’exacte identification de la ville de Stridon ; la question semble aujourd’hui résolue en faveur de la cité moderne de Grahovo Polje, en Dalmatie, par les récentes recherches de Ma' F. Bulic, Wo lag Stridon, dans Festschrift fur Otto Benndorꝟ. 1899, p. 276-280 ; cf. Analecta Bollandiana, t. xviii, 1899, p. 260-261. Des parents de saint Jérôme, que l’on sait avoir été de fervents chrétiens, le nom seul du père, Eusèbe, est connu. Selon l’usage encore fréquent au ive siècle, Jérôme ne reçut le baptême qu’assez tard, pendant son premier séjour à Rome, vers 363. Les parents de Jérôme, qui étaient dans l’aisance, firent donner à leur fils les premiers éléments des lettres, à Stridon même ; ensuite ils l’envoyèrent à Rome, où il est, en 354, l'élève du grammairien Donat. C’est là qu’il puisa l’amour ardent qu’il professa toujours pour les auteurs de l’antiquité classique et qu’il acquit cette parfaite connaissance de la langue latine, qui a fait de lui, suivant l’expression de M. Goelzer, « l’ancêtre de nos grands humanistes. » Étude lexicographique et grammaticale de la latinité de S. Jérôme, in-8°, Paris, 1884, Introduction, p. 9. Après avoir parcouru le cycle des études, grammaire, rhétorique, dialectique, philosophie, Jérôme entreprit, avec son ami Bonose, un voyage dans les Gaules et demeura assez longtemps à Trêves. De là il passa quelque temps à Aquilée, où il se trouvait en 373. On ignore pour quel motif Jérôme quitta assez brusquement cette dernière ville pour se rendre, avec quelques compagnons, à Antioche, en Syrie. Il n’y resta guère, mais se retira, à quelque distance de la cité, dans le désert de Chalcis ; il y vécut cinq ans (373-378) dans les pratiques de la plus austère pénitence. Rentré à Antioche, il y fut ordonné prêtre par l'évêque Paulin. S’il accepta cette dignité, il n’en exerça jamais les fonctions. Vers 380, Jérôme est à Constantinople, où il rencontre saint Grégoire de Nazianze, avec lequel il eut de fréquents rapports et qui semble avoir exercé une grande influence sur la direction de ses études et les tendances de sa doctrine exégétique et théologique. Quand, après le sjnode de 381, saint Grégoire de Nazianze eut résigné le siège de Constantinople, le séjour de cette ville pesa à Jérôme, et il fut heureux d’accepter l’invitation du pape Damase qui l’appelait à assister au synode convoqué pour 382 à Rome. L’activité de Jérôme dans la Ville éternelle se signala d’abord par une polémique contre la communauté des Lucifériens ; il entama ensuite avec le pape une savante correspondance sur divers sujets d’exégèse et y commença son grand travail de revision du texte biblique. C’est à Rome aussi qu’il contracta ces relations demeurées célèbres avec d’illustres et saintes femmes, Marcella, Paula, Eustochium, et qu’il composa son traité contre Helvidius pour défendre le dogme de la perpétuelle virginité de Marie. Le 2 décembre 384, le pape Damase mourut, et Jérôme fut écarté de la chancellerie pontificale. Dégoûté de Rome, où il commençait à être en butte à la calomnie. Jérôme quitta pour

toujours la Ville éternelle, et, accompagné de son frère Paulinien, du prêtre Vincent, de Paula, d’Eustochium et d’autres vierges chrétiennes, il partit, en 385, pour la Palestine. Après avoir visité les Lieux Saints, il alla se fixer définitivement à Bethléhem, où il demeura jusqu'à sa mort, c’est-à-dire environ pendant trente-cinq ans. Les premiers temps de son séjour à Bethléhem furent laborieusement occupés par un nombre considérable de travaux sur la Bible. Saint Jérôme repritl'étude del’hébreu et y joignit celle du chaldéen. En même temps, il dirigeait dans les voies de la perfection un grand nombre de moines et de vierges chrétiennes qui étaient venus se placer sous sa direction spirituelle. Vers la fin du rve siècle, Jérôme eut à soutenir contre Ruûn une lutte terrible à propos des doctrines d’Origène. La controverse avec saint Augustin, qui se débattit à peu près au même temps, fut plus chrétienne, quoique très vive également. Pendant les dernières années de sa vie, saint Jérôme s’attaqua, avec toute la vigueur de son esprit, aux erreurs de Pelage. Il s'éteignit, accablé de vieillesse, près de la grotte de la Nativité, le 30 septembre 420.

II. Travaux scripturaires de saint Jérôme. —De tous les pères de l'Église, saint Jérôme est assurément l’un des écrivains les plus féconds et les plus ingénieux. Nous n’avons à nous occuper iciquedeses travaux scripturaires qui, du reste, constituent l'œuvre la plus importante et la plus considérable de son activité littéraire. On peut diviser en trois catégories l’ensemble des immenses études de saint Jérôme sur l'Écriture Sainte. : I. Traductions et révisions. II. Commentaires. III. Travaux divers sur la Bible. Nous dirons ensuite quelques mots : IV. des œuvres perdues et des apocryphes de saint Jérôme, et V. nous donnerons une idée générale de la doctrine exégétique du grand docteur.

I. traductions et REVISIONS.

Saint Jérôme traduisit : 1° de Vhébreu l’Ancien Testament ; cette version connue sous le nom de Vulgate fut commencée à Bethléhem en 391 et terminée en 404 (t. xxviii et xxix) : 2° du grec des Septante, saint Jérôme revisa le Psautier, une première fois à Rome en 383 (t. xxix, col. 119-398), et une seconde fois à Bethléhem en 388 (t. xxix, col. 117398) ; du même texte des Septante, saint Jérôme donna une revision du livre de Job, faite à Bethléhem vers 389 (t. xxix, col. 59-114) ; 3° du chaldéen, on possède de saint Jérôme la traduction des livres de Tobie et de Judith, faite à Bethléhem en 398 (t. xxix, col. 23-60) ; 4° du grec, saint Jérôme revisa la version du Nouveau Testament, à Rome, de 382 à 385 (t. xxix, col. 525-872).

Les Évangiles.

Dans sa préface à la revision des

quatre Evangiles, dédiée au pape Damase, saint Jérôme s’explique nettement sur les principes qui l’ont guidé dans ce travail (t. xxix, col. 525-530). Il ne s’occupera pas de l’Ancien Testament, car le texte latin est traduit de la version des Septante. Quant aux Évangiles, à l’exception de celui de saint Matthieu, ils ont été écrits en grec, il faut donc chercher à revenir au texte grec primitif. Peut-on déterminer sur quels manuscrits grecs saint Jérôme a opéré? MM. J. Wordsworth et H. J. White ont démontré que ces exemplaires sont de deux sortes, les uns ne se rattachent à aucune famille de manuscrits aujourd’hui existants ; les autres sont apparentés à nos codices » Bi. Cf. Novum Testamentum Domini NostH Jesu Christi latine secundum editionem S. Bieronymî ad codicum manuscriptorurn fideni recensuit J. Wordsworth and H. J. Wbite. Pars prior, quatuor Evangelia, Oxford, 1889-1898, p. 657-658 ; E. von Dobschùtz, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1889, t. xxiv, p. 334-335 ; O. von Gebhardt, dans la Theologisclie Literaturzeitung, 1899, p. 656. Quant au texte latin de Vltala qui servit à la revision de saint Jérôme, c’est probablement celui du Codex Brixianus (f). En somme, cette recension latine sert de base, le traducteur la garde et ne la modifie, d’après le

texte grec, que lorsque le sens lui paraît mal rendu ; même en ce cas, il ne traduit pas toujours du grec, mais choisit, parmi divers textes latins qu’il avait à sa disposition, les leçons les plus rapprochées du grec. Cf. Wordsworth et White, Nouv. Test., p. 663, 665 ; Julicher, Neutestamentliclie Einleitung, p. 389 ; Grûtzmacher, Hieronymus, Leipzig, 1901, p. 217-218. À la revision des quatre Evangiles, saint Jérôme ajouta également les canons d’Eusèbe. Voir Eusèbe, t. ii, col. 2051. Ce travail de saint Jérôme marque un grand pas dans l’histoire de la critique textuelle de la Bible. Pourtant, il faut bien signaler des lacunes dans cette œuvre. Si la revision semble complète pour les Évangiles de saint Matthieu, saint Marc et les premiers chapitres de saint Luc, elle laisse à désirer pour la seconde partie de ce dernier Évangile et les premiers chapitres de celui de saint Jean. L’auteur se relève dans la seconde partie de l'Évangile de saint Jean. En somme, malgré certaines corrections inutiles et d’autres insuffisantes, la revision du texte de Yltala faite par saint Jérôme est une œuvre pleine de tact, qui fournit au monde latin un texte des Évangiles basé sur une critique solide. Voir l’ouvrage déjà cité de J. Wordsworth et H. J. White ; G. Hoberg, De S. Hieronymi ratione inlerpretandi, in-8°, Bonn, 1886 ; Fr. Kaulen, Geschichte der Vulgata, in-8°, Mayence, 1868 ; Id., Handbuch zur Vulgata. Eine systematische Darstellung ihrer lateinischen Sprachcharakters, in-8°, Majence, 1870 ; H. Ronsch, ltala und Vulgata, in-8°, Marburg, 1869 ; 2e édit., 1874 ; S. Berger, Histoire de la Vulgale pendant les premiers siècles du moyen âge, in-8°, Paris, 1893 ; E. von Dobschutz, Studien zur Textliritik der Vulgate, in-8°, Leipzig, 1894.

Traduction des Psaumes sur le grec.

L’ancien

texte latin des Psaumes qui avait été traduit sur la version des Septante, fut aussi revu par saint Jérôme, d’abord à Rome, en 384, ensuite à Bethléhein, entre les années 386 et 391. De la première revision sortit le Psalterium romanum qui fut en usage à Rome, jusqu’au règne de saint Pie V, et dont sont extraits le Venite exsultemus de l’Invitatoire du Bréviaire et les citations des Psaumes qui se rencontrent dans le missel. Ce premier travail fut exécuté, au témoignage de saint Jérôme lui-même, d’une façon un peu hâtive, Psalterium Romss dudum posilus emendaram… hcet cursim magna illud ex parte correxeram, t. xxix, col. 119. Il semble en outre que les copistes altérèrent assez rapidement le nouveau texte. Aussi, à la prière de Paula et d’Eustochium, Jérôme entreprit une seconde revision qui donna le Psalterium gallicanum, ainsi nommé parce qu’il fut d’abord adopté dans les Gaules. C’est celui qui a été inséré dans la Vulgate et dont on se sert au Bréviaire. La revision du Psautier fut entreprise d’après les principes qui avaient guidé saint Jérôme dans celle des Evangiles. On n’a pas réussi à déterminer l’exemplaire des Septante qui servit à la première revision des Psaumes ; pour la seconde, saint Jérôme eut recours aux Hexaples d’Origène, dont il utilisa l’exemplaire original, trouvé dans la bibliothèque de l'église de Césarée, en Palestine. Cf. Catalog., c. 75, Patr. Lat., t. xxiii, col. 685, et Comment, in Titum, 3, t. xxvi, col. 595. Cette fois, il employa, pour signaler ses corrections, des signes diacritiques : l’obèle-i. désigne les mots qui ne se trouvent que dans le Septante et que ne renferme point le texte hébreu ; l’astérisque X" indique les termes du texte hébreu omis par les Septante ; ces derniers sont empruntés à la version de Théodotion. Ces additions d’après le texte hébreu constituent la principale différence de la première et de la seconde revision du Psautier. Pour le reste, il n’y a que quelques divergences d’expressions. Ainsi, Ps. vii, le Psautier romain a : Secundum innocentiam manuum mearum, le Psautier gallican : Secundum innocentiam meam ; Ps.xxviii, on lit dans la révision romaine : lex Dommi irrepre hensibilis, qui devient dans le Psautier gallican : lex Domini immaculata ; Ps. xxiii, tandis que la première revision porte : Cohibe linguam tuam, la seconde dit : Prohibe linguamtuam ; ¥s. xxxiv, absorbuimus eum du Psautier romain est dans l’autre : devoravimus eum.

Première version de Job.

Presque immédiatement après la seconde revision du Psautier, saint Jérôme

entreprit la traduction du livre de Job, d’après la version grecque des Septante. Le système suivi est le même que celui de la seconde revision des Psaumes, et les Hexaples d’Origène ont également servi de base. Les obèles et les astérisques sont encore conservés dans deux des manuscrits (Bodléienne 2426 et Tours 18) qui renferment ce travail de saint Jérôme. Voir P. de Lagarde, Mittheilungen, t. ii, Gœttingue, 1887, p. 189237. Un troisième manuscrit a été trouvé, il y a peu d’années, à la bibliothèque de Saint-Gall. Voir Caspari, Dos Buch Job in Hieronymus Ueberselzung aus der alexandnnischen Version nach emer St. Gallener Handschrift sœc. viii, Christiania, 1893, et Id., Ueber des Hieronymus Vebersetzung der alex. Version des Buchs Job in einer Sanct Gallener Handschrift des achten Jahrhundert, dans les Actes du huitième congrès des orientalistes, part, ii, p. 39-51.

Traductions sur l’hébreu.

Ces premiers travaux

de revision et de traduction avaient préparé saint Jérôme à la grande œuvre qui est son principal titre de gloire, la version de tout l’ancien Testament d’après le texte hébreu. Cette entreprise de longue haleine fut exécutée à Bethléhem ; elle semble avoir été commencée vers l’année 390 et terminée en 405. Voici dans quel ordre fut faite cette traduction de la Vulgate. Les premiers livres traduits furent ceux de Samuel et des Rois ; saint Jérôme les fit précéder du célèbre morceau connu sous le nom de Prologus galeatus dédié à Paula et à Eustochium. Suivit ensuite la version du livre de Job et des Prophètes, à laquelle s’ajouta une troisième traduction des Psaumes, cette fois directement d’après 1 hébreu. Vers la fin de 393, il envoie à ses amis Chromatius ei Héliodore la traduction des Proverbes, de l’Ecclésiaste et du Cantique des cantiques. Pendant les deux années suivantes, saint Jérôme traduisit les livres d’Esdras, de la Genèse et des Paralipomènes ; suivirent alors, jusqu’en 404, l’Exode, le Lévitique, les Ncmbres et le Deutéronome ; enfin l’année 405 vit paraître la version de Josué, des Juges, de Ruth, d’Esther, de Tobie et de Judith, ainsi que les appendices de Jérémie, Daniel et Esther. La traduction de la Sagesse, de l’Ecclésiastique et de » deux livres des Machabées qui se lisent dans la Vulgate ne sont pas de saint Jérôme. Sa version du Psautier sur l’hébreu n’est pas non plus entrée dans notre Bible latine, mais seulement sa revision appelée Psalterium gallicanum.

Quel jugement faut-il porter sur saint Jérôme comme traducteur de la Bible ? Il convient avant tout de rendre hommage au caractère grandiose de cette œuvre et à la persévérante énergie avec laquelle elle fut doussée jusqu’au bout. On ne saurait nier non plus que saint Jérôme s’est donné beaucoup de peine pour réussir dans son œuvre. Ainsi, pour le livre des Paralipomènes, il étudia chaque mot avec son professeur d’hébreu. D’autres fois, le travail semble avoir été trop hâtif et l’on a quelque raison de se délier d’une activité qui traduisait le livre de Tobie en un jour. En tout cas, l'œuvre de saint Jérôme est restée, et, après tant de siècles écoulés, c’est encore la Vulgate qui, pour un grand nombre d’esprits, constitue le canal par lequel ils reçoivent l'Écriture Sainte. Peu esclave du mot dans d’autres traductions qu’il entreprit, Jérôme, en ce qui concerne la Bible, traduit aussi littéralement que possible, car pour l'Écriture Sainte, dit-il, même le mot peut contenir un mystère. En général, le traducteur a victorieusement résolu la difficulté de rendre en latin.

4309

JÉRÔME

1310

les particularités d’un idiome aussi éloigné de lui que l’hébreu, et l’on peut "dire que souvent la latinité de saint Jérôme a gardé très appréciable la marque de l’idiome hébraïque. S il est aisé aujourd’hui de relever dans la version de saint Jérôme des faiblesses et des inexactitudes, qui appellent la rectification, il serait injuste d’oublier qu’il fut le premier à ouvrir la voie, que l’œuvre qu’il entreprit était vraiment considérable et que les ressources dont il disposait ne peuvent pas entrer en comparaison avec celles que l’érudition contemporaine fournit à nos travaux.

II. commentaires.

Les traités de saint Jérôme sur l’Écriture se divisent en deux catégories, les commentaires originaux et quelques autres traduits d’Origène.

Commentaires originaux.

De 386 à 387, saint Jérôme

commenta plusieurs épîtres de saint Paul, celles aux Galates, aux Éphésiens, à Tite et à Philémon. — 1. Par son étendue et la profondeur de l’interprétation, le commentaire sur l’épître aux Galates est une des œuvres capitales de saint Jérôme. Ce fut l’explication assez étrange qu’il donne de la discussion de saint Paul avec saint Pierre, Gal., ii, 11-14, qui lui attira une vive polémique avec saint Augustin. Jérôme pense que la controverse entre les deux apôtres fut une scène concertée d’avance. Contre cette interprétation qui, en fait, est peu vraisemblable et n’a guère rallié de suffrages, l’évêque d’Hippone protesta vigoureusement. — 2. Le traité sur l’épître aux Éphésiens fut écrit très rapidement, et saint Jérôme nous apprend qu’il lui arriva parfois d’aboutir à un total de mille lignes par jour ; inlerdum per singulos dies usque ad numerum mille versuum pervenire. Aussi relève-t-on, dans le commentaire, des défaillances de doctrine. Si, d’une part, saint Jérôme combat énergiquement, Eph., i, 4, l’opinion d’Origène sur la préexistence des âmes, de l’autre, il laisse passer sans critique un certain nombre de théories franchement origénistes. Cf. Eph., i, 21 ; v, 29, etc.

— 3. Très court et très hâtif est également le commentaire sur l’épître à Tite, qui fut de même composé en peu de temps. De ce commentaire le passage le plus célèbre est celui où saint Jérôme admet, à propos du ch. I, 5, qu’aux temps apostoliques les termes presbyter et episcopus ne désignaient qu’une seule et même dignité. Dans son étude sur {’Organisation des églises chrétiennes jusqu’au milieu du iiie siècle (Congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1888, t. ii, p. 305), le P. De Smedt a examiné cette thèse de saint Jérôme. En rapprochant l’opinion exprimée dans le commentaire sur l’épître à Tite d’autres passages, surtout du Dialogus contra luciferianos, 9, t. xxiii, col. 164, 165, le P. De Smedt a pu conclure très justement que sur le point en question les idées de saint Jérôme n’étaient pas nettement arrêtées. — 4. Dans le commentaire sur l’épître à Philémon, saint Jérôme défend l’authenticité de cette épître que d’aucuns prétendaient insignifiante, trop restreintee d’intérêt trop minime pour être digne de l’Apôtre. La grande preuve d’authenticité qu’il donne est que Marcion lui-même a admis cette lettre ; quant aux preuves intrinsèques qu’il ajoute, elles sont assez faibles. — 5. En 389-390, saint Jérôme achève le commentaire sur l’Ecclésiaste, commencé à Rome sur les sollicitations de Blésilla. C’est le premier des commentaires bibliques sur l’Ancien Testament où saint Jérôme affirme son originalité et s’aflranchit des opinions des anciens exégetes. Sans s’attacher à aucune autre autorité, il traduit et explique, d’après le texte original, la version des Alexandrins, sauf dans le cas où elle s’éloigne trop du texte primitif. Rarement il a tenu compte des traducteurs grecs Aquila, Symmaque ou Théodotion. Sans doute, à cause de l’abus de l’explication allégorique, saint Jérôme ne semble pas avoir donné de l’Ecclésiaste une interprétation rigoureuse. — 6. Quelques années après ce travail, en 392, saint Jérôme mit la main à des commen taires sur les prophètes. Il commença par Nahum, t. xxv, col. 1231-122 ; Michée, ibid., col. 1151-1230 ; Sophonie, ibid., col. 1337-1387 ; Aggée, ibid., col. 1387-1416, et Habacuc, ibid., col. 1273-1335. L’interprétation allégorique domine dans ces commentaires, et les critiques verbale et historique ont trop peu de part aux explications de saint Jérôme. Néanmoins, surtout dans les traités sur Sophonie et Habacuc, il se rencontre bon nombre d’observations très fondées et qui constituent encore aujourd’hui d’excellents témoignages de l’ancienne tradition juive et chrétienne. C’est dans le commentaire sur Sophonie, i, 15, t. xxv, col. 1353-1354, que se lit la page célèbre sur la ruine de Jérusalem, l’une des plus éloquentes qu’ait écrites saint Jérôme. — 7. Le commentaire sur Jonas fut composé vers 395-396 et dédié àChromatius. Ce travail donna lieu à une correspondance entre saint Augustin et saint Jérôme, Ep. 104, 112, 131, t. xxii, col. 831, 916, 1124 : l’évêque d’Hippone y loue le solitaire de Belhlèhem d’avoir nettement établi le dogme du péché originel. — 8. À la même époque, parut le commentaire sur Abdias. Il semble que saint Jérôme a, deux fois, entrepris ce travail, car dans la préface, il dit : In adolescentia mea provocatus ardore et studio Scripturarum allegorice interpretatus sum Abdiam prophetam cuius historiam nesciebam, t. xxv, col. 1097. Sa première manière ne semble pas avoir complètement disparu, car le commentaire sur Abdias qui parut vers 395, dédié à Pammachius, n’est nullement exempt d’explications arbitraires et fantaisistes. — 9. Saint Jérôme préluda à l’explication du prophète Isaie par une étude sur les dix visions ou Onera (e. xiii-xxiii), dans lesquelles Isaie prédit la ruine de Babylone, de Moab, de Damas, de l’Egypte, etc. Ce travail fut plus tard repris et inséré tout entier sans aucune modification dans le commentaire sur Isaie ; il en forme le livre V. Dans ce traité aussi, l’interprétation historique laisse beaucoup à désirer et la fantaisie s’est trop souvent donné libre cours. Le commentaire complet sur Isaie parut entre 408 et 410, c’est le plus important et le plus étendu des commentaires sur l’Ancien Testament ; il est divisé en dix-huit livres. L’explication est complète et approfondie, tant en ce qui concerne les interprétations personnelles qu’en ce qui a rapport à l’exposé des opinions des devanciers. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait point encore de-ci de-là quelques abus d’interprétation allégorique, mais, en général, le sens littéral est bien saisi et, à diverses reprises, l’auteur signale, avec un rare bonheur, la force et la beauté du texte hébreu. — 10. Nous avons réuni les observations à présenter sur les deux commentaires d’Isaie, mais avant l’achèvement de cette œuvre, en 398, ~relevant d’une grave maladie qui avait duré douze mois, saint Jérôme, sur la prière d’Eusèbe de Crémone, dicta en quinze jours un commentaire surl’Évangilede saint Matthieu, t. xxvi, col. 15-218. Voici comment il caractérise lui-même cette œuvre : Historicam interpretationem. .. digessi breviter, et interdum spiritualis intelhgentix flores miscui, perfeclum opus reservans in posterum. Ce travail trop hâté, comme l’atteste l’histoire de sa composition, ne semble pas absolument à l’abri des critiques qui ont été dirigées contre lui. Cf. Zockler, Hieronymus, p. 213-214. Toutefois, il n’est pas impossible d’interpréter en bonne part certaines expressions parfois un peu étranges. Voir R. Simon, Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament, p. 215. — 11. Les commentaires sur Zacharie, Malachie, Amos, Osée et Joël virent le jour en 406. Le premier, divisé en trois livres, est dédié à Exupère de Toulouse : c’est une des œuvres les moins réussies de saint Jérôme, qui n’a guère contribué à éclaircir les obscurités du texte de Zacharie. Dans lecommentaire sur Malachie, il y a surtout à relever l’opinion émise, dans la préface, que ce prophète ne serait autre qu’Esdras, à rencontre de l’idée d’Origène, qui se

basant sur l’étymologie y voyait un ange. — 12. Le commentaire sur Amos, qui a été bien étudié par G. Baur, Der Prophet Amos, I817, p. 141, est un des bons travaux de saint Jérôme. Il comprend trois livres dédiés à Pammachius. Tout ce traité abonde en remarques excellentes. — 13. On ne peut en dire autant du commentaire sur Osée et sur Joël ; le premier est par endroits fort obscur, et dans le second l’explication allégorique domine d’une façon abusive. — 14. Si, dans le traité sur Daniel, l’auteur s’est "proposé d’expliquer certains passages particulièrement obscurs, en fait, cependant, l’ouvrage a bien le caractère d’un commentaire perpétuel ; mais les endroits les plus difficiles sont développés avec plus d’étendue, par exemple la prophétie des soixante-dix semaines (c. îx, 24-27). On constate, au cours du commentaire, assez peu d’interprétations personnelles ; c’est plutôt une collection des opinions antérieurement émises par Clément, Origène, Jules Africain, Hippolyte, Eusèbe et Apollinaire. À diverses reprises, saint Jérôme défend contre Porphyre le caractère prophétique du livre de Daniel, surtout dans la préface. Quelques interprètes ont cru que saint Jérôme contestait l’authenticité de l’histoire de Susanne et de Bel et du dragon. Cette manière de voir n’est plus admissible depuis le travail si approfondi que le P. A. Delattre, S. J., a consacré à cette question : Les deux derniers chapitres du livre de Daniel, dans les Éludes religieuses, 1878. Le savant exégète a nettement démontré que certaines expressions de saint Jérôme peuvent très naturellement s’expliquer et n’entament d’aucune façon le caractère inspiré des derniers chapitres du livre de Daniel. Notons aussi que la valeur du commentaire de saint Jérôme est encore relevée par les nombreux extraits qu’il renferme d’historiens grecs et latins aujourd’hui perdus. Cf. surtout au chapitre xi.

— 15. L’étude de saint Jérôme sur le prophète Ézéchiel fut écrite entre les années 410 et 452. Ce travail très étendu est divisé en dix-huitlivres. Aussi longtemps que l’auteur se borne à l’explication historique, il fournit à l’exégèse d’utiles et importantes contributions, et sous ce rapport l’interprétation de la fameuse vision des ossements, xxx vii, 1-1 4, où il voit une prophétie de la résurrection nationale d’Israël, est un modèle du genre. Il n’en est pas de même, quand saint Jérôme se laisse aller à sa tendance à l’interprétation tropologique, et de ce procédé les chapitres i, ix, xvi, xl-xlviii ont eu particulièrement à souffrir. — 16. Le dernier des commentaires de saint Jérôme sur les prophètes est celui de Jérémie, composé de 415 à 420 et mené seulement jusqu’au ch. xxxii, car il fut interrompu par la mort du grand exégète. On doit regretter vivement de ne point posséder cette œuvre en son entier. Si, pour la profondeur et l’abondance des aperçus nouveaux, ce commentaire peut rivaliser avec ceux dlsaie et d’Ézéchiel, d’autre part, il l’emporte parce qu’il s’y rencontre beaucoup moins d’explications arbitraires et forcées. Les fréquentes allusions à la controverse avec Pelage donnent aussi à ce commentaire une importance particulière. — 17. On doit encore à saint Jérôme un commentaire sur l’Apocalypse. Ce traité a été reconnu naguère par E. J. Haussleiter, Die Kommentare des Victorinus, Tichonius und Hieronymus zur Apokalypse, âansZeitschriftfurkirchlicheWissenschaft und kirchl. Leben, t. vii, 1886. p. 239-570, dans la Summa dicendorum (Patr. Lat., t. xcvi). En somme, le commentaire de saint Jérôme sur l’Apocalypse aurait pour base le traité perdu de Tichonius sur le même sujet et un remaniement du traité sur l’Apocalypse de Victorin de Pettau. — 18. À deux reprises différentes, saint Jérôme parle des Commentarioli qu’il avait composés sur les Psaumes, t. xxiii, col. 432. Vallarsi pensait que ces commentaires donnés verbalement avaient été recueillis par d’autres, sans la participation directe de saint Jérôme à leur rédaction, et que de là était sorti le Breviarium in Psalmos. Voir t. xxii, col. xxyii, et t. xxvi, col. 855. Il

y a peu d’années, dom Germain Morin a trouvé dans des manuscrits d’Épinal, de Paris, de Grenoble et de Namur des commentaires sur les Psaumes attribués à saint Jérôme et intitulés tantôt Excerpta de Psalterio, tantôt Enchiridion beati Jeronimi in Psalmis. Il les a publiés et, dans une introduction fort documentée, établi, avec beaucoup de sagacité, que les Excerpta de Psalterio n’étaient pas autre chose que les petits commentaires sur les Psaumes, commentarioli, dont parle saint Jérôme lui-même. Voir G. Morin, Anecdota Maredsolana, t. ii, part. 1, Sancti Hieronymi qui deperditi hactenus putabantur commentarioli in Psalmos, Maredsous, 1895. G. Morin pense que ces commentaires ont été composés à Bethléhem avant l’année 393.

Traductions de commentaires.

Outre les commentaires

originaux sur bon nombre de livres de l’Écriture Sainte, on doit encore à saint Jérôme la traduction latine de plusieurs traités d’Origène. — 1. De 379 à 381, durant son séjour à Constantinople, il traduisit les homélies d’Origène sur Isaie, Ézéchiel et Jérémie. La version des homélies sur Isaie a tous les caractères d’une œuvre de début ; le style est encore inculte et le texte souvent peu clair. Il s’y rencontre assez d’expressions littéralement traduites du grec, qu’on ne retrouve plus dans la latinité de saint Jérôme à l’époque de sa complète formation. — 2, La version des quatorze homélies d’Origène sur le prophète Jérémie est mieux réussie. Bien que l’on ne possède pas encore de texte latin établi selon toutes les exigences de la critique, la traduction de saint Jérôme a une réelle importance. Elle témoigne de l’excellence du manuscrit grec que le traducteur avait à sa disposition, et en outre constitue une œuvre fort méritoire. La version n’est pas absolument littérale, saint Jérôme y a suivi son programme habituel : Non verbume verbo, sed sensum exprimere de sensu. M. Klostermann a examiné de très près la version faite par saint Jérôme des homélies d’Origène, et sa conclusion est des plus favorables au sujet de la valeur et de l’intérêt sur le travail. Die Veberlieferung der Jeremiahomil’ien des Origenes, dans Texte und Untersuchungen, Neue Folge, t. i, 1897, Heꝟ. 3, p. 19-31. Par une série d’exemples topiques, M. Klostermann a montré qu’en bien des cas la traduction de saint Jérôme demeure le témoin de leçons meilleures que celles fournies par les manuscrits grecs aujourd’hui à notre disposition. — 3. La traduction de deux homélies d’Origène sur le Cantique des cantiques fut faite par saint Jérôme à Borne, entre les années 382 et 384. Dans sa préface au pape Damase, le traducteur déclare qu’il a songé davantage à rendre fidèlement le texte qu’à le revêtir des ornements de la rhétorique. Comme on ne possède plus l’original d’Origène, la version de saint Jérôme est doublement précieuse ; elle marque un grand progrès sur la traduction des homélies sur Isaie. Par la grande vogue dont ce travail de saint Jérôme a joui au cours du moyen âge, on peut juger de l’accueil qui dut lui être fait à son apparition. Cf. Grûtzmacher, Hieronymus, p. 212-213. — 4. Les trente-neuf homélies d’Origène sur l’Évangile de saint Luc furent traduites à Bethléhem entre 388 et 391. C’est la fidèle interprétation du texte grec, et saint Jérôme, cette fois, ne semble pas même avoir pris la peine d’adoucir, comme il l’a fait ailleurs, certaines opinions un peu étranges ou des expressions incorrectes du grand Alexandrin.

III. Travaux sur la Bible.

À cette catégorie se rattachent les Interpretationes fiebrseorum nominum, le Liber de situ et nominibus locorum hebraicorum et les Qumstiones hebrawae in libro Geneseos. Ces divers traités furent composés à Bethléhem entre 386 et 391. — 1. Les Interpretationes hebrssorwm nominum sont un lexique disposé par ordre alphabétique, où l’auteur a pour but d’expliquer le sens de certains termes hébreux. Il est à peine besoin de le dire, devant les progrès de la

science philologique, ce travail nous semble aujourd’hui presque puéril. Aussi certains écrivains se sont-ils donné le facile plaisir de tourner en ridicule les explications de saint Jérôme. M. Zockler, Hieronymus, p. 169, malgré ses préjugés confessionnels, a été plus équitable et a bien précisé le point de vue auquel il faut juger le travail de saint Jérôme. Ce n’est pas une œuvre de philologie, et saint Jérôme a eu bien plutôt pour but de fournir des interprétations mystiques et symboliques que de procéder à une stricte explication des noms hébraïques. — 2. Le Liber de situ et nominibus locprum kebraicorum n’est pas autre chose que la version de l’Onomaslicon d’Eusèbe. Toutefois saint Jérôme y a introduit certaines corrections et ajouté quelques notices qui témoignent de connaissances topographiques réelles. A cause de son grand intérêt archéologique, cet important travail a été souvent réédité et commenté. Voir B. Rohricht, Bibhotheca geographica Palestine, 1890, p. 3-4. — 3. Les Quxstiones hebraicse in lïbro Geneseos sont appelées par saint Jérôme lui-même Opus novum et tam Grsecis quam Latinis usgue ad id locorum inaudilum. Aujourd’hui encore ce traité a gardé toute sa valeur et fournit pour la critique biblique d’excellentes indications. L’auteur y présente une suite d’observations sur les passages les plus difficiles et les plus importants de l’ancienne version latine de la Genèse. Ces observations sont accompagnées de corrections tirées des diverses traductions grecques et du texte original. En dépit de quelques erreurs de détail, d’explications forcées et d’étymologies fausses, les Qusestwnes hebraicx demeurent un des meilleurs traités de saint Jérôme. Aussi M Zockler, qui est pourtant un juge sévère, a exprimé le regret que saint Jérôme n’ait pas interprété de la même façon les autres livres de l’Ancien Testament. Hieronymus, p. 172. — 4. Parmi les lettres de saint Jérôme, plusieurs constituent de véritables traités d’exégèse. La lettre 18 au pape ûamase, t. xxii, col. 361-376, s’occupe de la vision d’Isaie et du séraphin. L’auteur y donne, d’après son propre témoignage, les explications du Juif qui lui avait appris l’hébreu. Toutefois, plusieurs de ces interprétations se retrouvent chez Origène, et des lors on est amené à se demander si saint Jérôme a voulu sciemment donner le change sur ses sources et attribuer à un Juif ce qu’en réalité il devait à Origène, Cf. Grutzmacher, Hieronymus, p. 189. Hypothèse peu plausible, bien que saint Jérôme, qui ne nomme pas Origène dans le traité, s’y montre son parfait disciple par l’interprétation allégorique de l’Écriture, toutefois avec un certain éclectisme et sa tendance à adoucir ses expressions moins compatibles avec le dogme. C’est le témoignage que lui rend Rufin lui-même. Contra Hieronymum, ii, 4, t. xxi, col. 601. Origène avait vu dans les deux séraphins qui entourent le trône de Dieu le Fils et le Saint-Esprit. Cette explication pouvant être interprétée contre le dogme de la Trinité et l’absolue égalité des personnes, saint Jérôme proposa une autre explication. Celui qui est assis sur le trône est le Christ, cf. Apocal., xii, 45, et il est entouré de deux anges. — 5. Le P. Amelli croit avoir retrouvé en 1900 dans les manuscrits n. 342 et 345 du Mont-Cassin une autre rédaction du même traité de saint Jérôme sur la vision d’Isaïe. Dans sa lettre n. 84, t. xxii, col. 745, saint Jérôme affirme que, vingt ans auparavant, il avait réfuté la véritable interprétation d’Origène. On avait toujours pensé jusqu’à ce jour que ce passage désignait l’Épître xviii à Damase, que nous venons d’analyser. Cf. Grutzmacher, dans la 3e édition de la Realencyclopâdie fur protestantische Théologie, art. Hieronymus. Il faut bien reconnaître aujourd’hui, depuis la découverte du P. Amelli, qu’outre l’Epistola ad Darnasum, de Seraphim et êalculo, n. 18, il existe sur le même sujet un opuscule, où sont réfutées plus péremptoirement et plus directement les idées d’Origène. Le P. Amelli a récemment publié ce traité (S. Hieronymi

DICT. DE LA BIBLE,

tractalus contra Origenem nunc prîmum edidit Ambrosius H. Amelli, Florence, 1901), et il en a donné un résumé fort étendu dans les Sludi religiosi, mai-juin 1901, p. 193-204. Un trattato di S. Girolamo scoperto nei codici di Montecassino. Ce traité fut, d’après le P. Amelli, écrit à Constantinople et semble être celui auquel saint Jérôme fait allusion, quand il écrit : De hoc visione ante annos circiter triginta, cura essem Constantinopoli, et apud virum eloquenlissimum Gregorium Nazianzenum, tune ejusdem urbis episcopum sanctarum Scripturarum studiis erudirer, scio me breveni dictasse subitumque tractalum, ut et experimentum caperem ingeniolimei, etamicisjubentibus obedirem. Comment, in ls., vi, t. xxiv, col. 91-92. La thèse du P. Amelli n’a pas toutefois rencontré l’adhésion unanime, et M. Mercati, qui n’est point convaincu que le traité récemment découvert ait saint Jérôme pour auteur, ne saurait en tout cas y voir une œuvre écrite à Constantinople en 381. Voir Revue biblique, juillet 1901, t. 385-392. — Citons encore les lettres xx, t. xxii, col. 373-79, où saint Jérôme explique le mot Osanna ; xxi, col. 379-394, intitulée De duobus filiis, commentaire de la parabole de l’enfant prodigue ; xxvi, col. 430-431, explication des mots Alléluia, Amen, Mai-an atha ; xxviii, col. 433-435, De vocediapsalma ; TLXix, col. 435-441, DeEphod et Theraphim ; xxx, col. 441-445, De alphabeto hebraico Psalmi cxviii ; xxxiv, col. 448-451, explication de quelques versets du Psaume cxxvi ; xxxvii, 461-463, critique du commentaire de Rheticius d’Autun sur le Cantique des cantiques ; lui, col. 540-549, lettre à Paulin sur l’étude de 1 Écriture Sainte, qui est tout un programme ; lv, col. 560-565, lettre à Amand de Bordeaux, où saint Jérôme commente divers passages de l’Écriture Sainte ; lix, col. 586-589 intitulée De diversis quæstionibus Novi Testamenti ; lxiv, col. 607-622, contenant l’explication des vêtements sacerdotaux des Juifs et de diverses cérémonies qui s’accomplissaient dans le temple de Jérusalem ; lxv, col. 622-639, explication du Psaume xliv ; lxxii, col. 672-676, s’occupe de certains points de clironologie des règnes de Salomon et d’Achaz ; lxxiii, col. 676-681 ; Epistola de Melchisedech ; lxxiv, col. 682-685, interprétation du jugement de Salomon relatif aux deux courtisanes ; lxxviii, col. 698-724, lettre célèbre De zlii mansionibus lsrælitarum in deserto et très importante pour la géographie de l’Exode ; evi, col. 837-867 : cette lettre est à rapprocher de la revision des Psaumes, elle contient à peu près cent cinquante corrections sur divers passages du Psautier ; cxii, col. 916-931, lettre à saint Augustin, où saint Jérôme défend plusieurs de ses opinions exégétiques, surtout son interprétation de la lettre aux Galates ; exix, col. 966-980, interprétation du passage de l’Apôtre : Omnes quidem dormiemus ; cxx, col. 9801006, vrai traité d’exégèse où saint Jérôme répond aux douze questions posées parHédibia ; cxxi, col. 1006-1038, réponse à onze questions d’Algasia ; cxxix, col. 1099-1107, explication du sens à attacher à l’expression terra pronnssionis ; CXL, col. 1166-1179, interprétation du Ps. lxxxix. Sur les lettres de saint Jérôme, voir A. Ebert, Geschichte der christhch-lateinischen Ltteratur, Leipzig, 1874, p. 188-91.

IV. Œuvres perdues et apocryphes. — On a retrouvé la grande partie des œuvres de saint Jérôme, dont il a dressé lui-même le catalogue. Restent perdus jusqu’à ce jour une traduction en grec et en latin de l’Evangile araméen selon les Hébreux et sept traités sur les Psaumes depuis le dixième jusqu’au seizième. La version de l’Évangile selon les Hébreux est signalée par saint Jérôme lui-même, De vir. M., 2, t. xxiii, col. 611, et M. Harnack a relevé, dans les œuvres de saint Jérôme, toutes les citations qui peuvent donner une idée de ce travail, en faisant toutefois remarquer que saint Jérôme a parfois confondu avec l’Évangile selon les Hébreux le texte hébraïque de saint Matthieu. Voir A. Harnack,

III-r 43

Gesehichte der altchristlichen Litteratur, 1893, p. 8-10. D’après M. Zockler, Hieronymus, p. 178, les traités sur les Psaumes : In Psalmos a decimo usque ad decimum sextum tractatus septem, t. xxiii, col. 717, Catalog. c. 135, seraient probablement une version d’un commentaire d’Origène. Quelque hasard heureux fera peut-être un jour découvrir ces sept traités, comme ceux qui ont permis à dom Morin et au R. P. Amelli de retrouver les Commentarioli sur les Psaumes et la première explication de la vision d’Isaïe.

Versions apocryphes.

Les divers éditeurs des

œuvres de saint Jérôme ont publié sous son nom un certain nombre de travaux que la critique moderne n’a pas laissés au compte du grand docteur. Voir Zockler, Hieronymus, p. 471.

On a attribué à saint Jérôme la traduction de neuf homélies d’Origène sur Isaie. Vallarsi, t. iv, p. 1097-1144. Cette hypothèse n’estplus soutenable. Voir Zockler, Hieronymus, p. 87, note 2. Le Breviarium in Psalmos, t. xxvi, col. 821-1570, n’est pas non plus l’œuvre de saint Jérôme. Vallarsi croit pouvoir reconnaître dans ce travail des restes d’explications verbales données par saint Jérôme en diverses circonstances et recueillies par ses disciples. Plus récemment Dom Germain Morin a étudié d’une façon approfondie le Breviarium in Psalmos et déterminé avec grande sagacité la part qui y revient à saint Jérôme. AnecdotaMaredsolana, t. iii, part, i, p. iii-iv. — 2. Ne sont pas non plus du grand docteur les Qusestiones hebraicee in libros Regum et in libros Paralipomenon, t. xxxiii, col. 1329-1402, ni les Commentani in Evangelia, t. XXX, col. 531-644. h’Exposilio interlinearis libri Job, xxiii, t. col. 1407-1470, dont il existe quatre recensions différentes, est, dans sa forme la plus ancienne, d’un disciple de saint Jérôme nommé Philippe. Ct. Zockler, Hieronymus, p. 471. Si Érasme et Amorbach tenaient encore saint Jérôme pour l’auteur des Commentaires pélagiens sur les Épitres de saint Paul, t. xxx, col. 645-902, cette opinion est aujourd’hui, et depuis longtemps du reste, complètement abandonnée. Voir Fr. Klasen, Pelagianisches Commentar zu 13 Briefen des hl. Paulus, dans le Theolog. Quartalschrift, t. lxvii, 1885, p. 244-317, 531-577.

V. Saint Jérôme exégète. —Nous avons dit plus haut ce que fut saint Jérôme comme traducteur de la Bible ; il nous reste à dire un mot de sa valeur comme exégète, et de ses opinions scripturistiques. Au sujet de l’inspiration, saint Jérôme ne mettait pas sur le même rang les livres de l’Ancien Testament qui ne figurent pas dans le canon des Juifs et ceux qui y sont contenus. Ce jugement du grand docteur a été réformé par la tradition catholique et en particulier par le décret du concile de Trente. Toutefois, en pratique, saint Jérôme a maintes fois accordé aux livres deutérocanoniques la même autorité qu’aux autres parties de l’Écriture Sainte. Voir Trochon, La Sainte Bible. Introduction générale, m « part., t. i, p. 149. Quant à la véracité des Livres Saints, saint Jérôme professe une opinion qui peut donner la solution de certaines difficultés qu’au nom de l’histoire on soulève contre l’exactitude de certains faits bibliques. Le saint docteur rappelle à diverses reprises, In Jerem., xxviii, 10, 15, t. xxiv, col. 855 ; In Matth., xiv, 8, t. xxvi, col. 98, que l’écrivain sacré rapporte certains faits, non pas d’après la réalité historique, mais d’après l’opinion courante. Cf. A. Largent, Saint Jérôme, p. 174-177. Une des qualités maîtresses de l’exégèse de saint Jérôme, c’est le souci qu’il a de l’interprétation réelle ; en plusieurs circonstances, il affirme ses principes à cet égard ; voir par exemple Comment, in Isaiam, prsef. lïb. r, t. xxiv, col. 155 : Scienliam quærimus Scripturarum ; et Ep. un, adPaulinum, t. xxii, col. 514 : Vitiosissimum docendi genus, depravare sententias et ad voluntatem suam Scripluram trahere repugnantem. Aussi saint Jérôme réprouve-t-i ! nettement le système d’interprétation allégorique. Toutefois, saint Jérôme n’a pas toujours

été conséquent avec lui-même sous ce rapport, et il reconnaît deux sens aux passages de l’Écriture qu’il explique, l’un littéraire et historique, l’autre allégorique et symbolique. Saint Jérôme a même parfois égalé sinon dépassé toutes les hardiesses de l’interprétation allégorique d’Origène. Il faut bien reconnaître aussi que l’exégèse du grand docteur se ressent parfois de l’incroyable rapidité avec laquelle il acheva certains de ses commentaires. Rien d’étonnant donc à ce qu’il dut parfois, de son propre aveu : dwtare quodcunque in buccam venerit. Comment, in Abdiam, t. xxv, col. 1118. Tons les travaux de saint Jérôme ne se distinguent pas non plus par un caractère de vraie originalité ; plu* sieurs ne constituent qu’une compilation de diverses opinions émises par les passages qu’il interprète, et au reste c’était là l’idée qu’il se faisait d’un commentaire biblique : Commentarii quid operis habent ? Alterius dicta edisserunt, quæ obscure scripta sunt, piano sernione manifestant, multorum sententias rephcanl, … ut prudens lector, cum diversas explanaliones legerit et multorum vel probanda vel tmprobanda didicerit judicet quid verius sit. Cf Apol. adversum Rufinum, c.xvi, t. xxiii, col. 409-410. D’autre part, si le caractère trop compilateur des essais de saint Jérôme nous a fréquemment privés de ses vues personnelles sur certaines questions, nous lui devons de nous rendre compte plus complètement de l’ancienne littérature scripturistique. Plusieurs travaux et fragments d’Origène, Apollinaire, Didyme et d’autres ne sont plus connus que par les extraits qu’en donne saint Jérôme.

J. Van den Gheyn.

    1. JÉRON##

JÉRON (hébreu : ’Ire’ôn ; Septante : Kepwé ; Alexandrinus : ’Iapitiv), ville de Nephthali, aujourd’hui Yaron. Elle est nommée seulement une fois dans l’Écriture, Jos., xix, 38, entre Enhasor et Magdalel. « Yaron a une importante ruine… C’est un tertre couvert de très beaux matériaux, où des restes notoirement chrétiens se mêlent à d’autres qui sem blent provenir d’un

temple paien… Au

pied du tertre sont

des couvercles de sar cophages à acrotères

présentant une sorte

de cloison au milieu.

Au-dessous est un beau

puits rond, à escalier,

bâti en pierre de taille.

Plus bas encore est

une piscine, avec une

construction, sorte de

sacellum, à côté. A

l’angle de la porte de

la mosquée métualie,

il y a un bloc dont

deux côtés sont visi bles (fi g. 232). Sur l’un

de ces côtés se voit un

palmier bien sculpté ;

sur l’autre, une ins cription, très réguliè rement gravée, mal heureusement mutilée

dans le sens de sa lon gueur. » E. Renan, Mission de Phénicie, in-4°, 1864, p. 680-681. Au sud-ouest de la ville sont de grandes citernes qui ont été taillées dans le roc. Un peu plus loin à l’ouest on trouve aussi des tombeaux également creusés dans le roc et des sarcophages. Survey of the Western Palestine, Memoirs, t. i, p. 259-260.

F. Vigouboux.

JÉROSOLYMITE fl£po<roXu|i(-n ; ç ; Vulgate : Jerosolymita), habitant de Jérusalem ou originaire de cette

232. — Sculpture antique de la porte de la mosquée de Yaroun. D’après The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. i, p. 259. 1317

JÉROSOLYMITE — JÉRUSALEM

.1318

ville. — 1. L’auteur de l’Ecclésiastique, Jésus, fils de Sirach, était Jérosolymite. Eccli., l, 29. — 2. Tous les « Jérosolymites » allaient se faire baptiser par saint Jean-Baptiste. Marc, i, 5. — 3. Quelques Jérosolymites (Vulgate : quidam ex Jerosolymis) se demandent à la fête des Tabernacles si Jésus n’est pas celui que les chefs du peuple voulaient tuer. Joa., vii, 25.

    1. JERSIA##

JERSIA (hébreu : Ya’ârésydh, « que Yâh nourrisse I » Septante : ’Iapaaéa), benjamite, un des fils de Jéroham 2, famille importante de Jérusalem. I Par., viii, 27. « JÉRUEL (hébreu : Yerû’êl ; Septante : ’Iepu^X), désert (midbar, sprinoç) mentionné II Par., xx, 16. Dans ce passage, un Lévite, Jahaziel (voir Jahaziel 2, col. 1106) annonce à Josaphat, roi de Juda, qu’il rencontrera les Ammonites, les Moabites et avec eux des Maonites, « à l’extrémité de la vallée, vis-à-vis du désert de Jéruel. » Ces tribus pillardes s’étaient rassemblées au sud de la mer Morte pour aller attaquer Jérusalem. C’est, par conséquent, dans cette région qu’il faut chercher le désert de Jéruel, mais jusqu’ici il n’a pas été identifié. Il résulte seulement des données du texte, que le désert de Jéruel était le nom d’une partie du désert de Juda entre Engaddi et Thécué. II Par., xx, 2, 20. Les Arabes qui se rendent du sud de la mer Morte à Jérusalem suivent encore aujourd’hui la rive occidentale de la mer Morte jusqu’à Engaddi, puis, après avoir traversé un passage difficile, inclinent à gauche vers Thécué. Voir Éd. fiobinson, Bxblical Researches, 3 in-8°, Londres, 1856, t. ii, p. 480-487. — Dans le désert de Jéruel se trouvait un lieu d’observation, ham-mispéh, spéculum, d’où l’on pouvait surveilller au loin la route. II Par., xx, 24. C’était sans doute une éminence qui se dressait au milieu du pays. Les combattants de la tribu de Juda découvrirent de là les cadavres de leurs ennemis jonchant au loin le pays ; ils s’étaient entre-tués après avoir attaqué les Iduméens. II Par., xx, 22-24. F. Vigouroux.

    1. JÉRUSA##

JÉRUSA (hébreu : Yerûid’, « possédée ; » Septante : ’Iepovaô), fille de Sadoc, femme du roi Ozias et mère du roi Joatham de Juda. IV Reg., xv, 33 ; II Par., xxvii, 1.

    1. JÉRUSALEM##

JÉRUSALEM (hébreu : Yerûsâlaim ; Septante : ’lEpou<raXY)ti ; Nouveau Testament : ’Iepouo-aMin et ta’Ieponô’Xvfia ; Vulgate : Jérusalem et Jerosolyma), capitale de la Palestine. Elle tient la première place dans l’histoire du peuple juif, dont elle fut le centre politique et religieux, et dans les annales du christianisme, puisqu’elle a été le théâtre de la Rédemption. Nous rattachons aux trois points suivants : noms, topographie et histoire, en les subdivisant selon les exigences du sujet, tous les renseignements que comporte cette ville, une des plus célèbres du monde.

I. Noms.

Jérusalem est appelée en bébreu Dbwn »,

- t :

Yerûsâlaim. L’orthographe défective du mot se rencontre d’un bout à l’autre de l’Ancien Testament, à l’exception de cinq passages où, selon la Massore, il est pleinement écrit, D’birr ! ’, YerûSâlaim, I Par., iii, 5 ; IIIPar., xxv, 1 ;

xxxii, 9 ; Esth., ii, 6 ; Jer., xxvi, 18, et encore y a-t-il, sur ce point, désaccord entre les différents manuscrits et les différentes éditions. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 628, 629. Cette particularité se trouve de même avec le hé local, nnSurTU, III Reg., x, 2 ; IV Reg., ix. 28 ;

Is., xxxvi, 2 ; Ézech., viii, 3, excepté II Par., xxxii, 9, où on lit na’")wn>, avec yod. Les anciennes monnaies

tï- t :

hébraïques (fig. 233 et 234) donnent l’une et l’autre des

deux écritures, w(^U4<^, tfjwvv, YerûSalem, et V/< ?/Avfi^/7/, oi’umi, YerûSâlaim. Cf. F.W. Madden, Ilistory of Jewisk coinage, Londres, 1864, p. 43-45. Cette dernière est celle des Talmuds, — L’étjmologie du nom

est un sujet fort controversé. Que signifie d’abord le premier élément Yerû ? On a voulu le rattacher à la racine yârê’, « craindre, » ou au verbe râ’âh, « voir. » Mais le sens : « ils craindront la paix » ou « ils verront la paix (Sâlem) » est aussi difficile à expliquer que la contraction elle-même. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 833, suivi par Ewald, Gesehichle des Volkes Israël, Gœttingue, 1866, t. iii, p. 165, note 4, décompose YerûSâlaim en YerûS, « possession, héritage » (de yâras, « posséder, hériter » ), et Sâlaim, « de la paix, » juste dénomination que Salomon, « le pacifique, » aurait lui-même appliquée à l’antique Jébus. Outre que cette dernière

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233. — Sicle de Simon Machahée.

bs » ")W> SpTF, « sicle d’Israël. » Coupe, aw, s l’an 2. »

nwnpn D>btn"l’, « Jérusalem la Sainte. » Verge fleurie d’Aaron

conjecture estarbitraire, il faudrait alors, suivant le génie de la langue hébraïque, que le schin supprimé fût compensé par le daguesch, ce qui n’existe pas. Gesenius, Thésaurus, p. 629, pense que yerû vient plutôt de yârâh, « fonder, » et donne à Yerûsâlaim le sens de « fondement de la paix », Friedensgrund, comme on dirait en allemand. Cette interprétation serait conforme à celle de

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234. — Monnaie de Barcochébas.

Jiyaw, « Simon, » surnommé Barcochébas (132 de notre ère). Temple tétrastyle. Au-dessus, une étoile, faisant probablement allusion au surnom de Barcochébas ou Bar-Kokab, « fils de l’étoile. » — R DbiPlV rninb, « délivrance de Jérusalem. » Loulab et cédrat.

Saadia, qui, dans certains passages de l’Ecriture, Is., xliv, 28 ; Li, 17 ; lxii, 1, 6, a traduit par f^LwJ’i, b, dâr es-salâm, « la maison de la paix, » et, Is., XL, 2, par f ^luuJI A-ôiX-o, medînat es-salâm, ce la ville de la paix. » Cf. J. Fùrst, Hebrâisches und Chaldàisches Handwôrterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 547. Quant à la seconde partie du mot, nSw, Sâlaim, la ponctuation nous indique

un qeri perpétuel et nous montre que, pour les massorètes, la vraie forme était la forme pleine, D>W, Sâlaim. Ils la regardaient sans doute comme un pluriel dérivé de nbtf, sâléh, >bnr, sâlaï, « repos, » dans le genre

de D>otf, sâmaîm, « les cieux, » et de d » d, tnaim, « les

-T

eaux, » ou comme un duel, d’où serait venu par contraction nbtf, ëâlêm. Quelques auteurs prétendent que

le duel s’applique justement aux deux parties de Jérusalem, la haute et la basse ville.

Nous croyons qu’il ne faut pas s’appuyer trop exclusivement sur l’orthographe massorétique, et que, pour avoir la véritable forme du nom, comme aussi peut-être sa vraie signification, il faut le suivre à travers ses différentes transcriptions. La plus ancienne que nous connaissions actuellement est celle que nous ont transmise les tablettes de Tell el-Amama, où il est plusieurs fois

question d’U-ru-sa-lim. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tellel-Amarna, Berlin, 1896, p. 303-315, lettres 180, lignes 25, 46, 61, 63 ; 181, 1.49 ; 183, 1. 14 ; 185, 1. 1. Voir Histoire, col. 1377. Nous trouvons de même dans les inscriptions cunéiformes assyriennes Ur-sa-li-im-mu

(sa = d), T£zT ^ - « =ïf AiiHff--**. Cf. Prisme de Taylor ou cylindre C. de Sennachérib, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, p. 38, 39, col. iii, ligne 20 ; Fried. Delitzsch, Assyrische Lesestûcke, 2e édit., Leipzig, 1878, p. 102 ; E. Schrader, Die Keilinschriften wnd das À Ue Testament, Giessen, 1883, p. 290. Le nom araméen est nbum », Yerûselêm. Cf., i, Esd., iv, 20, 24 ; v,

4, 14 ; Dan., v, 2. Les Septante ont de même traduit uniformément par’Iepooo-aX^i ;. Cf. Hatch et Redpath, Concordance to the Septuagint, supplément, Oxford, 1900, fasc. I, p. 81, 82. La forme’Ispoo-<51.-ujji.a est plus récente ; elle se rencontre dans les livres des Machabées, i Mach., i, 14, 20, etc. ; Il Mach., i, 1, 10, etc., et

existe dans le Nouveau Testament concurremment avec

— t’Ijpou<raX^[i.. La version syriaque donne eà* ».50), ’UriS lem, qui se rapproche davantage de l’assyrien. Les Arabes, sans employer l’antique dénomination hébraïque, la connaissaient cependant ; Yakût, en effet, mentionne les’' f a’formes fJu*o.jl, ’Urîsalam ou’UrUalum, et fLù>, Sal lam, Sallum, comme les différents noms de la cité sainte à l’époque des Juifs. Cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, Londres, 1890, p. 83 ; F. Muhlau et W. Volck, W. Gesenius Handwôrterbuch, Leipzig, 1890,

p. 357. Les versions arabes offrent également p^Liojjj », YerûSalâm. Rappelons enfin que, une fois dans la Bible, Ps. lxxvi, 3 (texte hébreu), et, d’après plusieurs, une autre fois dans Gen., xiv, 18, Jérusalem est simplement appelée oVjr, Sdlêm, d’où le grec SdXujjia, Josèphe,

"T

Ant. jud., i, x, 2, et le latin Solyma. De ce que nous venons de dire, il est permis de conclure que la seconde partie du nom devait être, dans sa vraie forme, Salent ou Salim..Comme, d’un autre côté, ce nom existait avant l’entrée des Hébreux en Palestine, et que le premier élément Ur, Uru signifie, d’après les syllabaires cunéiformes, « ville, » hébreu’îr, il est sans doute plus simple d’expliquer l’étymologie de Jérusalem par « ville de Salem >, . A. H. Sayce, dans Thevcademy, 7févrierl891, p. 138, a supposé que Salim était le nom d’une divinité. Cette opinion est combattue par d’autres. Cf. Zimmern, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, 1891, p. 263. Lorsque l’hellénisme eut envahi les Hébreux, on défigura quelque peu le mot grec pour lui donner un sens intelligible, ’Iepo<j<Aunâ, e l a sainte Solyme. » Cf. Josèphe, Bell. jud., Vl, x. Outre les noms primitifs d’U-ru-sa-lîm et de Sdlem, Jérusalem porta les suivants. À l’époque de Josué, des Juges et de David, elle s’appelait Jébus, hébreu : Yebûs, Jud., xix, 10, 11 ; I Par., xi, 4, 5 ; ’îr hay-Yebûsi, « la ville du Jébuséen, » Jud., xix, 11, ou simplement hay-Yebûsî, Jos., xv, 8 ; xviii, 16, 28 ; Septante : ’IeëoOj. Voir Jébus, Jébuséens, coh 1209, 1210. — Le nom symbolique d’Ariel, hébreu, ’Ârî’êl, « lion de Dieu » ou « foyer de Dieu » ; Septante : ’ApirjX, lui est donné par Isaîe, xxix, 1, 2, 7. Voir Ariel 5, 1. 1, col. 956. — Considérée comme le sanctuaire de Dieu, elle est appelée’îr’Elôhîm, « la cité de Dieu, » Ps. xlv (hébreu, xlvi), 5 ; l lr Yahvéh sebâ’ô(, « la cité de Yahvéh des armées, » Ps. XL vu (hébreu, xlviii), 9 ; ’îr haq-qôdéS, « la ville sainte, » Neh., II, 18. Cette dernière dénomination, r| àyt’a uô), iç, se retrouve dans le Nouveau Testament, Matth., iv, 5 ; xxvii, 53 ; Apoc, xi, 2. C’est de là que vient le nom arabe qu’elle porte actuellement, ^^JvjLH, ElrQuds, « la Sainte. » On rencontre aussi dans les chroniques arabes Beit el-Muqaddas ou Beit el-Mugdis, « la sainte mai-Son, le sanctuaire. » — L’empereur Hadrien, après l’avoir

rebâtie, l’appela JElia Capitolina’. Ce nom d’Mlia, AtXâx, est habituellement employé par Eusèbe et S. Jérôme dans YOnomasticon. Mais le nom sacré d’iherusalem, comme on disait au moyen âge, ou de Jérusalem a subsisté jusqu’à nos jours dans la bouche des chrétiens, rappelant à leur cœur les plus grandes merveilles que Dieu ait accomplies sur terre.

II. Topographie.

i. topographie moderne. — 1° Situation géographique.

Jérusalem est à 31°46’30°

de latitude nord, et32°52’52° de longitude est, à 52 kilomètres à vol d’oiseau (62 par la route) de Jaffa, à 22 de la mer Morte (environ 38 par la route de Jéricho), à 30 d’Hébron et 50 de Naplouse. Elle occupe un des plateaux de la chaîne montagneuse qui traverse la Palestine du nord au sud et en forme comme l’épine dorsale. Son point culminant est à 775 mètres (790 suivant quelques-uns ) au-dessus de la Méditerranée et 1168 (ou 1183) au-dessus de la mer Morte. Bien que très élevé, il n’atteint pas l’extrême hauteur de la chaîne, qui, à Hébron, va jusqu’à 927 mètres. Aussi la ville est-elle entourée de collines qui constituent comme une enceinte de fortifications naturelles. En dehors d’une première ceinture qui la couvre immédiatement, et dont les forces principales sont le mont Scopus au nord (831 mètres) et la montagne des Oliviers à l’est (818 mètres), elle est protégée, à une petite distance, par une série de forts avancés, Nébi Samuîl (895 mètres), Tell el-Fûl (839 mètres ) au nord, Beit Djâla (820 mètres) au sud. Elle reste plus ouverte du côté de l’ouest, où l’on remarque cependant encore quelques hauteurs importantes. Le poète sacré avait donc raison de dire, Ps. cxxiv (hébreu cxxv), 2 (d’après l’agencement des vers proposé par G. Bickel 1, Carmina Veteris Teslanienh metrice, Inspruck, 1882, p. 90) :

Jérusalem est solidement établie,

Des montagnes l’entourent.

Il faut néanmoins tenir bien compte des cotes que nous venons de donner. La ville sainte n’a rien, par exemple, de l’aspect d’Athènes, qui s’étale au milieu d’une plaine fermée de trois côtés par des montagnes, dont les masses superbes la dominent complètement. Elle est resserrée dans un groupe compliqué de collines d’inégale hauteur, qui en rendent l’accès difficile et la défense aisée ; aussi Tacite, Hist., v, 11, l’appelle-t-il arduam situ. Pour y arriver du côté de l’ouest, il faut, à partir de la Séphélah, gravir une série d’échelons qui s’étagent plus ou moins doucement ; mais, du côté de l’est, la montée est absolument raide. Comme d’ailleurs, vers le sud et le nord, l’altitude n’est dépassée que par quelques points, et que le pays en’général est à un niveau inférieur, l’expression « monter à Jérusalem », souvent employée par l’Écriture, est donc parfaitement exacte. Cf. II Reg., xix, 34 ; III Reg., xii, 28 ; xiv, 23 ; Matth., xx, 17, 18 ; Marc, xv, 41, etc. Du plateau sur lequel la ville est bâtie, les eaux s’en vont, par un double versant, vers la Méditerranée et vers la mer Morte (fig. 235, 237).

Jérusalem est reliée à toute la Palestine par un résea » de routes qui y aboutissent comme à un centre. Voir la carte des environs de Jérusalem. De Jaffa, en dehors du chemin de fer, qui fait un assez long circuit à traversas vallées avant d’atteindre la ville sainte, une routa carrossable passe par Ramléh, Latrîm, Qariyet el-Enah et Qolûniyéh. Plus haut, un chemin se dirige parLydda, vers Djimzu, où il se bifurque pour aller, d’un côté, vers Beit Nûba, Biddu, Beit-Iksa, et, de l’autre, vers Beit Vr (Béthoron) et El-Djib (Gabaon). De Gaza, l’on monte par Dhikrin où* Beit Djibrin, d’où les sentiers se divisent à travers la montagne. D’Hébron une route carrossable passe près de Bethléhem. Une autre vient de Jéricho, reliant Jérusalem au Jourdain, à la mer Morte et à la région transjordane. Enfin, vers le nord, se trouve la route séculaire qui vient de la Galilée et de la Samarie. Nous ne parlons que des voies princi

pales, qui, de la côte méditerranéenne", de l’Egypte, du désert, des pays de Moab et de Galaad, de la plaine d’Esdrelon, donnent accès à l’antique capitale de la Judée-Un fait à remarquer cependant, c’est que Jérusalem est en dehors de la voie militaire et commerciale que fréquentèrent les armées et les caravanes qui allaient de l’Egypte vers Damas et l’Assyrie. Dieu, qui voulut isoler son peuple au milieu du monde païen, voulut aussi placer sa capitale comme un nid d’aigle au sein de rochers abrupts. C’est pour cela sans doute qu’il ne choisit pas

exigences d’une place forte. Le roi comprit son importance, s’en empara et en fit, pour des siècles, le boulevard politique et religieux de la nation. Pour bien saisir cette importance, il nous faut maintenant examiner avec soin les conditions naturelles du terrain sur lequel est bâtie Jérusalem.

Configuration et nature du terrain.

Jérusalem

occupe un plateau allongé, entouré de trois côtés, à l’est, au sud et à l’ouest, de ravins profonds, qui lui donnent l’aspect d’un promontoire. Voir la carte et les coupes du

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237. — Plan des environs de Jérusalem.

Sichem, située pourtant au centre même de la Terre Sainte, presque à égale distance des frontières septentrionale et méridionale, de la Méditerranée et du Jourdain, dans une vallée des plus fertiles, mais dans un pays beaucoup plus ouvert que la Judée. Il n’en est pas moins vrai cependant que la position même de Jérusa3em devait attirer l’attention de David, au moment d’étailir le siège de son royaume. Tant qu’il ne régna que sur Juda, Hébron était sa capitale toute naturelle. Mais, des qu’Israël se fut rangé sous son sceptre, il dut reporter plus haut le centre de sa domination. Or, les deux tribus qui, jusque-là, s’étaient disputé la royauté, étaient TJenjamin et Juda. Juste sur la frontière des deux se trouvait l’antique Jébus, qui, par les caractères physiques dont nous allons parler, répondait d’ailleurs aux

terrain (fig. 236-237). Ces ravins naissent à peu de distance au nord de la ville, et ils se rejoignent au sud, à environ 200 mètres au-dessous de leur point de départ ; d’abord simples plis de terrain, ils se creusent très rapidement. Celui de l’est, qui, dans sa partie supérieure, porte le nom d’Ouadi el-Djôz, puis, entre la cité sainte et le mont] des Oliviers, celui d’Ouadi Silti Mariam, forme la vallée du Cédron. Après quelques contours pendant lesquels, peu marqué encore, il descend d’une quarantaine de mètres, il se dirige à angle droit vers le sud et se creuse peu à peu comme un véritable fossé. Sur la droite vers la porte de Saint-Etienne, ses bords s’élèvent à une hauteur de trente-cinq à quarante mètres. Au-dessous, la vallée se resserre graduellement et baisse de plus en plus. Un peu avant d’arriver en lace de l’angle </3 « T-’-V-r

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7, — Plan de Jérusalem et des environs, avec les courbes de niveau. D’après le Survey of Western Palestine. Jérusalem.

sud-est dn Haram esch-Sehérif, elle est comprimée entre les flancs des collines. De son point d’origine jusqu’à cet endroit, elle a baissé de près de cent mètres. Contournant ensuite l’angle sud-est de l’ancien mont Moriah, elle longe, en s’élargissant, le pied de la colline d’Ophel, qui descend elle-même graduellement vers le sud. Bientôt, enfin, après une longueur totale d’environ deux kilomètres, elle fait sa jonction avec l’Ouadi er-Rebàbi ou vallée de Hinnom. Voir Cédron 1, t. ii, col. 380. Cette dernière commence à l’ouest de Jérusalem, à la piscine appelée aujourd’hui Birket Mamillah, à une altitude de 783 mètres. Après avoir suivi d’abord la direction du sud-est, elle descend vers le sud, en longeant la colline

principales. Voi* coupes CD, GHC’est l’idée générale qu’en donnent Josèphe, Bell. jud-> V, iv, 1, et Tacite, Hist., v, 11 ; c’est l’impression que produit immédiatement la vue qu’on découvre soit du sommet de la porte de Damas, soit de la terrasse des sœurs de Sion. On la voit traversée du nord au sud par une vallée recourbée, large et profonde, les maisons s’étageant sur les pentes, surtout du côté occidental. Cette vallée, qui s’étend de la porte de Damas à la piscine de Siloé, et dont nous ne connaissons pas le nom primitif, est celle que l’on appelait à l’époque romaine le Tyropceon, ou « le quartier des fromagers », Elle forme une dépression beaucoup plus sensible que toutes les autres malgré"

238. — Jérusalem. Vue prise de l’est-nord-est. D’après une photographie de M. L. Heidet (1901). A gauche, le mur oriental du Temple et la mosquée d’Omar. Au milieu, le clocher du Moristan. À droite, le clocher de l’église Saint-Sauveur. A Fextrémité, à droite, Notre-Dame-de-France. Au-dessous de la ville, la route à droite est celle qui mène à Anathoth ; celle de gauche conduit à Béthanie et à Jéricho. Au-dessous, la vallée du Cédron. L’éminence à gauche est le Vin Gahlxi, prolongement du mont des Oliviers.

habituellement nommée le mont Sion, puis, en la contournant, elle reprend la direction de l’est et vient aboutir à la vallée du Cédron. La réunion des deux ravins, à une altitude de 600 à 610 mètres, forme un assez large carrefour, borné au nord-ouest par des jardins en terrasses, au sud-ouest par les champs d’IIaceldama et la montagne du Mauvais Conseil, et à l’est par le mont du Scandale. Le fond de la vallée est ici à près de cent vingt mètres au-dessous de la plate-forme du Temple. Ces deux ravins, courant entre deux chaînes parallèles de hauteurs, constituent donc comme les fossés naturels de Jérusalem, qui n’est accessible, à peu près de plain-pied, que du côté du nord.

En examinant le plateau lui-même sur lequel est bâtie la ville, nous arrivons à constater, malgré les monuments qui le recouvrent et les bouleversements qu’il a subis, que son niveau n’est pas égal partout, mais qu’il est irrégulièrement coupé par des vallées. Au premier aspect, Jérusalem paraît bien assise sur deux collines

l’énorme quantité de décombres qui, dans la suite des siècles, lui ont enlevé sa profondeur primitive. Elle décrit une sorte de croissant au milieu du terrain, délimitant deux massifs de forme, d’étendue et de hauteur inégales. Mais, outre cette vallée centrale, il y en a de transversales, qui permettent de reconnaître, dans la colline occidentale comme dans la colline orientale, des éminences distinctes. Celle de l’ouest est séparée en deux par une vallée peu profonde et peu large qui descend de la citadelle actuelle, laissant au nord le Saint-Sépulcre, au sud le quartier arménien et le Cénacle. Voir coupe AB. La partie méridionale forme un rectangle, presque un carré, avec une proéminence au nordest ; la partie septentrionale, en raison de la courbe de la vallée centrale, a presque la forme d’un losange terminé de deux côtés par les vallées, des deux autres par les murs actuels de la ville. « La colline orientale forme dans sa partie sud un triangle dont la pointe est à la fontaine de Siloé, la base contre le mur actuel de l’en

ceinte du Haram csch-Schérif. Là, par une disposition singulière des roches, elle tourne pour suivre la vallée centrale, de l’orient au nord-ouest, jusque près de la fin de l’enceinte du côté du nord ; une légère dépression du rocher, allant de l’ouest à l’est, se contond, avant de rejoindre le Cédron, avec une vallée venue du nord qui forme, à l’établissement de Sainte-Anne, la piscine de Bethesda. De plus, environ 150 mètres plus loin, vers le nord, une coupure, agrandie artificiellement, mais existant avant les œuvres d’art, termine au nord la colline orientale ; c’est à ce point, derrière la masse rocheuse qui surplombe l’enceinte du Haram, que se trouve la double piscine des sœurs de Sion. Dans leur église même, commence le rocher d’une quatrième colline, nommée Bézctha. Il est à remarquer que les deux collines du nord, celle du Saint-Sépulcre et celle qu’on est convenu d’appeler plus spécialement Bézetha, où se trouve la mosquée des derviches, se continuent séparément en dehors de la ville actuelle : on a dû, pour mettre le mur en saillie par rapport à l’extérieur, pratiquer de larges coupures dans le rocher. Si l’on veut maintenant comparer l’une à l’autre dans leur ensemble, la colline orientale et la colline occidentale, il faut reconnaître que la colline de l’ouest domine celle de l’est, dans toute son étendue, surtout si l’on compare l’une avec l’autre les deux parties du sud qui portaient l’ancienne ville. La vallée qui les sépare étant courbe en forme de croissant, aucune des deux collines ne peut être dite parfaitement droite ; mais celle de l’occident, surtout dans son extrémité, méridionale, terminée au sud et à l’ouest par deux vallées droites, est droite sur son axe, tandis que la colline orientale, suivant pour ainsi dire le mouvement de la vallée centrale, terminée à l’orient par des vallées presque parallèles à celle du milieu, affecte d’une manière remarquable la forme d’un croissant. » J. Lagrange, Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 20.

Les éminences sur lesquelles Jérusalem est bâtie peuvent donc en somme se décomposer ainsi. La plus vaste est ^elle du sud-ouest, communément appelée mont Sion (775 mèlres d’altitude). Au nord se trouve celle qui renferme le SaintSépulcre et dont le niveau n’est guère différent. Dans la colline orientale, on distingue trois plateaux diminuant de hauteur du nord au sud : Bézétha (767 mètres), Moriah (742 mètres) ou la montagne du Temple, et Ophel, colline triangulaire resserrée entre le Cédron et la vallée de Tyropœon. Cette dernière, plane à sa partie supérieure, s’incline rapidement au sud par une série d’étages ; sa longueur est d’environ 500 mètres et sa largeur moyenne d’une centaine de mètres. Voir coupe EF. Nous ne parlons pas de la colline A’Acra que bon nombre d’auteurs placent à tort au nord du quartier juif, entre l’église du Saint-Sépulcre et le fond de la vallée qui traverse la ville du nord au sud, là à peu près où se trouve le sérail actuel. Acra fait partie d’un problème topographique que nous n’avons pas à discuter ici. Les ingénieurs anglais ont relevé tous les détails de nivellement à travers la ville sainte. Cf. Survey of Western Palestine, Jérusalem, Londres, 1884, p. 274-292 ; voir la carte de VOrdnance Survey, ou la réduction qu’en donne le Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, Londres, 1889, p. 62.

La ville de Jérusalem est assise sur un terrain calcaire qui plonge légèrement vers la mer Morte. Les couches supérieures, appelées de leur nom local Ndri et Kakùli, se trouvent sur le sommet et les pentes de la montagne des Oliviers. Le nâri, sorte de calcaire tabulaire jaunâtre et parfois rougeàtre, est identifié avec les bancs nummulitiques qu’on rencontre sur le Garizim et le Carmel. Le kakùli est une pierre tendre, blanchâtre avec silex, coquillages marins et fossiles, exploitée en divers points des environs comme pierre de construction. Au-dessous, la roche comprend des coliaiie » à

rudistes, dont la partie supérieure se compose d’assises de calcaire marmoréen très compact, gris-clair, dont la cassure montre des sections de gastéropodes qui ont leur têt spathifié (actéoneïles, nérinées, etc.). On donne à celui-ci le nom de metzéh. On le voit apparaître sur le sommet du Moriah, au Calvaire, près des portes de Jaffa et de Damas ; dans ses bancs a été creusée la grotte de Jërémie. Sous le mezzéh est une épaisse couche calcaire d’un beau blanc, très tendre au sortir de la carrière, mais durcissant à l’air et fournissant des matériaux très solides de construction. On la désigne sous le nom de mélékéh, qui rappelle le terme de banc royal si souvent employé par nos carriers français. On voit encore au nord de la ville d’anciennes et vastes carrières d’où l’on a tiré cette pierre, qui a servi aux grandioses constructions de l’ancien Temple. Ces excavations souterraines étaient appelées dans l’antiquité même cavernes royales. Voir Carrières, t. ii, col. 319-322 et fig. 97, col. 321. Enfin, aux environs de Jérusalem, les calcaires crétacés renferment à leur base des ammonites dont certaines espèces sont de taille considérable. Ces calcaires à rudistes, qui s’étendent sous la ville sainte et aux alentours, et particulièrement le mélékeh, dont les couches sont épaisses, ont eu un rôle important dans son histoire. C’est dans ces roches qu’ont été creusés réservoirs, aqueducs, caveaux funéraires, excavations de toute sorte qui ont servi à l’entretien de la vie ou aux dépouilles de la mort. C’est de là, peut-on dire, que la ville elle-même est sortie. Pour la géologie, cꝟ. 0. Fraas, Aus dem Orient, Stuttgart, 1867, p. 49-67 ; Duc de Lujnes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. iii, Géologie, par M. Lartet, Paris (sans date), p. 8185 ; Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, Londres, 1887, p. 50.

Description de la ville.

i. Aspect général.

— Jérusalem est une ville singulière, non seulement par la majesté de ses souvenirs, mais encore par l’étrangeté de son aspect. Des vieilles cités du monde oriental, seule elle est restée debout. Memphis n’est plus qu’un champ de palmiers, Thèbes, un amas de ruines gigantesques, Babylone et Ninive des collines dont il faut ouvrir les flancs pour retrouver les vestiges de l’antiquité. Assurément la ville sainte n’est plus ce qu’elle était au temps de David, des prophètes et du Christ. Rebelle néanmoins à tous les rajeunissements qu’ont subis Athènes et Rome, elle garde toujours son air d’austère vieillesse. Ignorant la vie fiévreuse, le bruit et les plaisirs de nos capitales, elle a le silence qui convient à la gardienne d’un tombeau. Perdue dans un désert de pierres, au fond duquel s’étendent les eaux infécondes de la mer Morte, elle semble dormir dans son enceinte de vieilles murailles. Alors que le Nil et l’Euphrate faisaient la gloire et la joie des antiques cités qu’ils arrosaient, aucun fleuve ne l’embellit et ne reflète la majesté de ses monuments ; ce n’est que par métaphore que le psalmiste a dit : « Le cours d’un fleuve réjouit la cité de Dieu. » Ps. xlv (hébreu, xlvi), 5. C’est du mont des Oliviers qu’il faut la contempler pour la bien juger dans son ensemble. Au premier plan, dans le périmètre des murs crénelés, se présente la vaste esplanade de l’ancien Temple, sur laquelle se dresse aujourd’hui l’imposante et magnifique mosquée d’Omar, avec sa coupole, ses faïences émaillées, ses mosaïques coloriées. Puis viennent les maisons, qui se pressent les unes contre les autres, surmontées de petites coupoles rondes, ou de terrasses, échelonnées sur le penchant des deux collines, et reflétant diversement la lumière qui les monde. Au-dessus s’élèvent çà et là des minarets, de hauteur et de forme variées, puis les grandes coupoles des synagogues et des églises, parmi lesquelles domine celle du Saint-Sépulcre. Cet aspect a quelque chose de gracieux, si on le compare à l’intérieur de la ville, où un labyrinthe de rues étroites, irrégulieres, mal pavées, glissantes et peu pro

près, se ramifie au milieu de constructions aux murs vieux, mal bâtis, crevassés, dépourvus d’enduits. Des portes basses, à demi brisées, quelques fenêtres discrètement grillées donnent sur les rues, qui, en plusieurs endroits, particulièrement où il y a des bazars, sont couvertes de voûtes percées à jour ou de toiles qu’on étend pour arrêter les rayons du soleil.

S. Enceinte et portes. — Jérusalem est entourée d’une enceinte qui forme une espèce de trapèze irrégulier, dont les côtés les plus longs sont au nord et au sud. (Voirie plan, fig. 237.) Cette enceinte, composée de murs hauts de 12 à 15 mètres sur une largeur d’environ un mètre, est fortifiée de tours et de bastions, avec des angles rentrants et saillants ; le circuit est de 4870 mè colonne monumentale qui l’ornait autrefois ou s’élevait dans les environs. Avant le xiiie siècle, elle s’appelait porte de Saint-Étienne, parce que l’église dédiée à ce martyr était près de là. Défendue par deux avant-corps, surmontée d’une série de mâchicoulis couverts, dominés eux-mêmes par de légers créneaux accouplés, elle présente un beau spécimen de l’architecture du xvie siècle. Des fouilles ont prouvé qu’elle était bâtie sur l’emplacement d’une autre, plus ancienne, car on a trouvé, outre une piscine, un reste de mur, allant de l’est à l’ouest, composé de blocs à refends. Les gros blocs de pierre qui servent de base aux petites tours dont elle est flanquée à droite et à gauche, faisaient autrefois partie des antiques tours des femmes. Cf. Jo 240. — Porte de Damas (Bâb’el-’Amûd).

très ; on peut facilement le parcourir en une heure environ. Elle décrit sur ses différents côtés plusieurs sinuosités, excepté à l’est, au-dessus de la vallée de Josaphat, où elle suit une ligne régulière. Elle n’enferme pas tout l’ensemble des collines qui portaient autrefois la ville ; elle laisse en dehors une bonne partie des hauteurs méridionales. Élevée par le sultan Soliman, en 1534, elle paraît répondre assez exactement aux murailles des croisades, avec des vestiges plus anciens en différents points. Elle est percée de huit portes, dont une est murée ; nous les examinerons successivement. La muraille du nord présente une ligne ona-lée qui suit pittores’quement les couches crétacées sous-jacentes profondément entaillées et bizarrement contournées. Une porte nouvelle, dite Bâb Abdùl Hamîd, a été pratiquée en 1889 dans l’angle nord-ouest. Plus haut, vers le milieu du rempart, se trouve la belle porte de Damas ou Bâb’el-’Amûd, « la porte de la colonne » (fig. 240). Le premier nom lui vient de ce qu’elle débouche sur la route qui conduit, au nord, vers la capitale de la Syrie ; le secçnd fait sans doute allusion à quelque

sèphe, Bell, jud., V, ii, 2. Plus loin, en se dirigeant vers l’angle nord-est, on atteint une poterne appelée porte d’Rérode, ou Bâb es-Sâhiri, ou Zahiréh. Ouverte par Hérode Agrippa dans un puissant bastion, Ibrahim pacha la fit murer en partie, tout en conservant une petite entrée dans l’épaisseur de la maçonnerie.

La façade orientale de l’enceinte, c’est-à-dire celle qui suit la vallée du Cédron, est des plus intéressantes à étudier. Les soubassements de la muraille sont évidemment d’une haute antiquité : ce sont d’énormes pierres, longues de plusieurs mètres, admirablement -jointes et taillées en bossage. Les parties supérieures sont plus modernes et, çà et là, lesTurcs ont grossièrement bouché les brèches avec des moellons placés sans ordre. Une seule porte est percée de ce côté : les Arabes l’appellent Bâb el-Asbàt ; les chrétiens Bâb Silti Maryam, « porte de Madame Marie, « parce que le chemin qui part de là descend vers le Tombeau de la sainte Vierge (fig. 2M).On la nomme encore Porte de Saint-Etienne, soit parce qu’il y avait peut-être dans les alentours un oratoire dédié au premier martyr,

soit parce qu’une fausse tradition du moyen âge plaçait dans la vallée le lieu de sa lapidation. De dimensions assez restreintes, elle est dominée par une élégante guérite armée de mâchicoulis, portant de chaque côté deux niches ogivales. À gauche et à droite, deux lions en demi-relief se regardent et mettent une patte sur un écu arrondi. De ce point jusqu’à l’angle sud-est s’étend l’enceinte qui servait à protéger la ville et à soutenir les gigantesques terrassements sur lesquels s’élevait le Jemple. Là, les vieilles assises sont encore visibles à une très grande hauteur, avec des pierres énormes dont les assemblages sont parfaits et dont la taille a résisté

cette muraille constituée par d’énormes pierres admirablement assemblées, taillées en bossage et reposant directement sur le roc. Cf. Wilson et Warren, The recovery of Jérusalem, in-8°, Londres, 1871, p. 135-159 ; Survey of Western Palestine, Jérusalem, Londres, 1884, p. 141-158.

Vers l’angle du sud, le rempart a une très grande élévation, et la pente de la vallée devient extrêmement raide. On a de la peine à suivre le pied de l’enceinte, qui remonte alors, en décrivant une ligne irrégulière, vers l’ouest, c’est-à-dire vers la colline dite de Sion. Deux portes sont actuellement ouvertes dans la muraille mé 241. — Porte de Sainte-Marie (Bâb Sitti Maryam) ou Porte de Saint-Étienne.

au temps. Au milieu de ce rempart, se trouve la porte Dorée ou Bâb ed-Dâhiriyéh, la plus remarquable de toutes par la profusion de ses ornements. Elle est murée depuis longtemps, parce qu’une tradition, toujours vivante chez les Musulmans, prétend qu’un conquérant chrétien entrera un jour par là, un vendredi, et leur enlèvera Jérusalem. Elle se compose extérieurement de deux pieds-droits surmontés de chapiteaux sculptés, supportant deux arcades dont les archivoltes offrent des moulures chargées d’ornements, d’acanthes ou de rinceaux de feuillages. Le capitaine Warren, qui a fait des fouilles devant cette porte, en a trouvé une autre plus ancienne, dont les fondements étaient à onze mètres environ sous terre. Les remparts, en effet, du côté de l’orient, descendent à une énorme profondeur sous le sol. C’est ce qu’ont prouvé les travaux du même explorateur, qui, après avoir creusé à l’angle sud-est un puits profond de 26 mètres, terminé par une galerie horizontale, a rencontré la base de

ridionale. Pour celles qu’on appelle Double, Triple, Simple porte, voir Temple. La première que l’on trouve en venant de l’est se nomme Bâb el-Moghâribéh ou des Maugrebins ; elle est située à peu près au centre de l’ancienne vallée de Tyropœon. La seconde Bâb enNebi Ddûd, « porte du prophète, David, » ou encore porte de Sion, est dans une tour de l’enceinte. Flanquée de deux niches élégantes, surmontée de rosaces et d’entrelacs gracieux, elle a deux battants garnis de fer, et, selon une inscription, date de l’an 947 de l’hégire (1510-1541). Enfin, à l’occident, la muraille, fortifiée de distance en distance, vers le sud, par de grosses tours carrées, est percée d’une seule porte appelée par les Européens porte de Jaffa, par les Arabes Bâb el-Khâlil, « porte d’Hébron » (fig. 242) ; là, en effet, aboutissent les routes qui conduisent à ces deux villes. Cette ouverture a très peu d’ornements, mais elle est assez spacieuse ; les portes garnies de fer, sont énormes. C’est un des passages les plus fréquentés de la ville. Tout près est la citadelle, el

Qala’ah (fig. 243), qu’on a faussement nommée château de David. Elle occupe un carré irrégulier, long de 133 mètres, du sud au nord, et large de 100 mètres de l’est à l’ouest. C’est un assemblage de tours carrées, primitivement entourées d’un fossé, qui existe encore en grande partie. Les soubassements se composent d’une épaisse muraille qui s’élève du fond du fossé en formant un angle d’environ 45 degrés. La tour principale, appelée par les Francs tour de David, est celle du nord-est. Cet énorme quadrilatère, long de 21 m 40 et large de 17, est bâti, jusqu’à une hauteur de 12 mètres, à partir du pied, en grosses pierres à refends, mais à surface brute, moins grandes que celles de l’enceinte du Haram. Ces ondements sont donc anciens, comparés surtout aux

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242. — Porte de Jaffa (Bâb el-KhâKl).

assises supérieures, dont l’ensemble s’élève de 10 mètres plus haut, et qui ont à peu près l’apparence des autres murailles voisines, de construction moderne. Du côté extérieur, la citadelle est défendue par des glacis anciens réparés par Ibrahim pacha. À l’intérieur, elle ne présente rien de bien remarquable, si ce n’est quelques grandes salles fort délabrées servant aujourd’hui de caserne et d’arsenal. Cf. C. Schick, Der Davidsthurni in Jérusalem, dans la Zeilschrift des Deutschen Paldstina-Vereins, Leipzig, 1. 1, 1878, p. 226-237, avec plans. Signalons enfin, à l’angle nord-ouest de la ville, les restes d’une forteresse dite Qasr Djdlûd, « . forteresse de Goliath. » Les vestiges les plus anciens comprennent au sud les soubassements d’une forte tour quadrangulaire ; on reconnaît encore quatre assises de grosses pierres en taille lisse. Quatre gros piliers, composés de blocs à bossage, forment le centre de cette construction.

3. Intérieur : rues et quartiers ; monuments et souvenirs. — En pénétrant à l’intérieur de la ville, on remarque que « les habitations, en général très petites, sont établies sur un plan tout à fait spécial. À cause de

la rareté du bois de construction, elles n’ont ni plancher ni toit, mais le premier étage et la terrasse supérieure sont entièrement en pierre. À cause des pluies abondantes de l’hiver, dans cette région de la Palestine, les terrasses sont recouvertes de coupoles hémisphériques qui présentent un aspect singulier lorsqu’on regarde la ville du haut d’un monument élevé. Comme ces voûtes, si elles avaient une portée trop considérable, n’offriraient pas une solidité suffisante, les chambres sont en général assez petites, presque carrées et à peu près toutes d’égale grandeur. Les escaliers, toujours excessivement étroits, partent d’une cour minuscule et aboutissent à un palier extérieur qui permet de circuler autour de l’habitation. Quelques-unes de ces maisons datent évidemment de l’époque des croisades et présentent encore des entrées voûtées en ogive, des portes sculptées, des écussons armoriés, des fenêtres à meneaux, à accolades garnies de moucharabiéhs élégants et finement découpés ». Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xlii, 1881, p. 102.

Dans le dédale des rues qui coupent la ville en différents sens, il est facile de distinguer plusieurs lignes principales, dont la régularité, conforme au mouvement du terrain, rappelle les grandes artères d’autrefois. Elles limitent en partie et les collines que nous avons décrites et les quartiers dont nous allons parler. (Voir le plan, fig. 244.) La première va directement du nord au sud, de la porte de Damas à la porte de Sion, prenant le nom de Tariq Bâb el-Amûd dans la partie septentrionale et celui de Tarîq Hâret en-Nébi Daûd dans la partie méridionale. Elle suit la direction de la longue avenue bordée de portiques, construite dans JEXia Capitolina sous l’empereur Adrien, et dont on a retrouvé des vestiges dans les nombreux tronçons de colonnes qu’on aperçoit non loin des couvents des Abyssins et des Coptes, à l’est du Saint-Sépulcre. La seconde coupe celle-ci transversalement, en allant de l’ouest à l’est, de la porte de Jaffa à l’une des portes du Haram, appelée Bâb es-Silsiléh ou « porte de la Chaîne ». Elle suit le pli de terrain qui sépare le mont Sion de la colline septentrionale. La troisième marque la direction de la vallée du Tyropœon, partant de la porte de Damas pour retomber directement dans la Tarîq Bâb es-Silsiléh et aboutir par certaines ramifications à la porte des Maugrebins. Une quatrième enfin va de Bâb Sitti Maryam, à l’est, rejoindre cette dernière à l’ouest, séparant le mont Moriah de Bézétha ; une partie constitue ce qu’on appelle la Voie douloureuse, qui, après un coude vers le sud-est, continue du côté de l’occident.

Division de Jérusalem, en quatre quartiers. — Premier quartier : quartier des chrétiens. — Il est situé au nordouest, dans l’angle compris entre la porte de Jaffa et celle de Damas. Couvents et maisons sont groupés autour de l’édifice le plus vénérable de la ville, la basilique du Saint-Sépulcre. Au temps de Notre-Seigneur, le Calvaire était en dehors des remparts, comme nous le montrerons plus loin, en parlant de la topographie ancienne de la sainte cité. Tout près était le tombeau qui reçut le corps ensanglanté du Sauveur, et d’où il sortit vivant et glorieux. C’est donc sur ce petit coin de terre qu’eurent lieu les dernières scènes de la Passion. C’est dans une citerne voisine que sainte Hélène, dit-on, découvrit la vraie Croix. Voir Croix, t. ii, col, 1130. Ces trois endroits, véritables sanctuaires marqués par la piété des fidèles et une constante tradition, furent enfermés, sous Constantin, dans la magnifique basilique si célèbre sous le nom de Saint-Sépulcre. Pour les détails, voir Calvaire, t. ii, col. 77 ; Sépulcre (Saint). A l’est du Saint-Sépulcre sont les couvents des Abyssins et des Coptes. Vers le nord-est, se trouve le couvent grec de Saint-Caralombos, et, vers le sud-est, l’établissement russe. En construisant ce dernier, on découvrit deux pans de murs anciens, dont l’un était dirigé de l’ouest à

l’est, l’antre du sud au nord, chacun d’eux ayant un seuil de porte antique ; un arc byzantin de grandioses proportions fut déblayé. Cf. Guthe, Die Ausgrabungen auf dem russischen Platz im Frûhjahr, 1883, dans, la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, Leipzig, t. viii, 1885, p. 247-259, pl. vi, vu ; C. Schick, Weitere Ausgrabungen auf dem russischen Platz, dans la même revue, t. xii, 1889, p. 10-18, pl. i-iv. Suivant certains auteurs, ces murs appartiendraient à la seconde enceinte de Jérusalem. Ils proviennent plutôt, selon d’autres, du Martyrium qui faisait partie de la basilique constantinienne du Saint-Sépulcre. Quelques-uns enfin cherchent à concilier les deux sentiments et voient ici un tronçon de l’atrium bâti sur l’emplacement et probablement avec

deux couvents. Sur le Morislàn, on peut voir : Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, Londres, 1872, p. 100 ; 1875. p. 77-81 ; 1889, p. 113-114 ; 1895, p. 248-249 ; VVilson et Warren, The recovery of Jérusalem, Londres, 1871, p. 268-274 ; Survey o{ Western Palestine, Jérusalem, p. 254-261 ; Zeitschrift des Deutschen PaldstinaVereins, Mittheilungen, 1895, p. 6-7 ; M. Hartmann, Der Murïstân von 800 bis 1500, et C. Hoffmann, Die Besitzergreifung und Verwerthung des Johanniterplatzes in Jérusalem 1869-1898, dans la même revue, Mittheilungen, 1898, p. 65-80, avec plans, p. 75 et 78.

A l’ouest du Saint-Sépulcre, les Grecs schismatiques, très puissants en Palestine, ont leur quartier central.

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243. — Citadelle (El-Qalaah) et Tour de David.

les magnifiques assises judaïques de la deuxième muraille. Cf. V. Guérin, Jérusalem. Paris, 1889, p. 260 ; Germer-Durand, La basilique du Saint-Sépulcre, dans la Revue biblique, Paris, 1896, p. 329 ; Lagrange, L’inscription coufique de l’église du Saint-Sépulcre, dans la même revue, 1897, p. 645. Sur les environs immédiats du Saint-Sépulcre, on peut voir dans la Zeitschrift des Deutschen Palastma-Vereins, t. viii, 1885, pl. vii, un excellent plan dressé par C. Schick.

Au sud de la basilique s’étend une grande place rectangulaire et pleine de ruines, appelée Moristdn, nom arabico-persan qui veut dire « hospice ». Charlemagne, au commencement du ixe siècle, fonda là pour les pèlerins latins un hospice qu’il enrichit d’une magnifique bibliothèque et confia à la garde des moines bénédictins. Après diverses vicissitudes, on éleva en cet endroit un hôpital, qui passa aux chevaliers de Saint-Jean, appelés dans la suite chevaliers de Rhodes et de Malte. En 1869. la moitié orientale du Moristân a été donnée à la Prusse, qui a relevé l’église. La partie occidentale appartient aux Grecs schismatiques, qui y ont construit

Le patriarcat renferme une bibliothèque très riche en manuscrits grecs et syriaques. Les couvents sont ceux de Saint-Michel, de Saint-Nicolas, de Panagia Méléna, de Saint-Démétrius, et le grand couvent. Plus bas et parallèle au Moristân, se trouve un vaste réservoir appelé Birket Hammam el-Batrâk, dont nous parlons plus loin (régime des eaux). À l’extrémité de l’angle formé par les murailles sont les établissements catholiques : le grand couvent des Pères Franciscains, avec une église paroissiale dédiée au saint Sauveur, la Casa Nuova, maison dans laquelle ils reçoivent les pèlerins, le patriarcat latin, qui renferme une belle église dédiée au saint nom de Jésus, et enfin les écoles des Frères. Un dernier point à remarquer, à l’angle nord, formé par les rues Khot el-Khanqah et Tariq Bàb el-Amûd, c’est ce qu’on a appelé la Porte judiciaire, celle par laquelle Notre-Seigneur serait sorti de la ville pour aller au Calvaire. On a cru en reconnaître les restes dans de grosses pierres visibles dans les pieds-droits soutenant la voûte du Sûq es-Semani, ou « bazar de l’huile ». Près de là, dans une chapelle, on voit encore debout une colonne anti

que qu’on rattache à cette porte. Cet emplacement es contesté. Voir plus loin : Topographie ancienne.

Second quartier : quartier arménien. — Il s'étend au sud du quartier précédent. Plus abandonné encore que celui-ci, il renferme cependant quelques ruelles intéressantes, avec des passages voûtés, des constructions pittoresques, quoique souvent fort délabrées. La partie qui touche les murailles, au sud de la caserne turque, est occupée par de grands jardins. À l’est de la citadelle, se trouve l'église anglicane du Christ. Plus bas sont l'église et le couvent des Arméniens. Cette dernière a la forme d’une croix grecque et est dédiée à saint Jacques le Majeur. Elle contient, en effet, dans le côté septentrional, une petite chapelle bâtie sur le lieu où, suivant la tradition, cet apôtre aurait été martyrisé. Cf. Act. xii, 2. La demeure du patriarche, le séminaire, un hospice, une bibliothèque remarquable par ses manuscrits, les couvents des religieux et des religieuses, un petit musée constituent un vaste ensemble d'édifices. A l’est du musée, on montre l’emplacement de la Maison d’Anne, Joa., xviii, 13-24, sur lequel s'élèvent deux oratoires contigus, appartenant aux religieuses arméniennes schismatiques. On prétend que, dans l’intérieur de la chapelle proprement dite, il y avait autrefois un olivier auquel le Sauveur aurait été attaché avant d'être conduit chez Caiphe. L'Évangile ne dit rien de semblable. À 115 mètres plus bas, en droite ligne, mais en dehors de l’enceinte, la chapelle d’un couvent arménien est construite à l’endroit où se trouvait la Maison de Caiphe. Matth., xxvi, 57 ; Joa., xviii, 24. À l’intérieur dans le mur de l’abside, au sud de l’autel, une porte donne sur une chambre très étroite, qui marque le lieu où Jésus fut gardé, tourné en dérision et frappé par les serviteurs et les ministres du grand-prêtre. L’authenticité de la maison de Caiphe est acceptée comme soutenue par une tradition qui remonte au IVe siècle. Cf. Ilineranum a Burdigala Hierusalem usque (333), dans T. Tobler, Itmera Terrée Sanctæ, Genève, 1877, t. i, p. 17. La distance qui sépare ce point de la maison d’Anne n’empêche pas que les vestibules des deux demeures n’aient pu être, au temps de Notre-Seigneur, réunis par une cour commune. Dans l’angle nord-est du même quartier, les Syriens jacobites ont construit une chapelle et un couvent sur l’emplacement présumé de la Maison de Jean-Marc, où saint Pierre, miraculeusement délivré, serait venu frapper en sortant de prison. Cf. Act., xii, 12-17.

Troisième quartier : quartier des Juifs. — Il couvre tout le penchant oriental du mont Sion et une bonne partie de la vallée du Tyropœon ; il est très peuplé, et d’une extrême malpropreté. On y voit plusieurs synagogues, dont quelques-unes surmontées d’une grande coupole. Presque tous les jours, principalement le vendredi, les malheureux enfants d’Abraham s’en vont pleurer sur les restes du Temple, au mur des Lamentations. Ce pan de muraille est une partie de l’enceinte occidentale du Haram esch-Schérif ; il est compris entre le Mehkéméli (tribunal turc) et une maison particulière. Sa longueur est de 48 mètres, sa hauteur de 18. Les neuf premières assises se composent de blocs énormes, plusieurs à refends. Au-dessus, il y a quinze assises de pierres plus petites. Parmi les blocs, dont quelques-uns sont fort dégradés, il en est qui ont jusqu'à quatre ou cinq mètres de longueur. Cette antique construction remonte, pour le moins, à Hérode le Grand ; quelques auteurs lui assignent même une origine salomonienne. Cf. Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, Paris, 1887, p. 176-218. Au nord du lieu des Lamentations, est un petit jardin dans lequel on voit un arc antique, qui repose sur deux murs presque complètement enfouis dans la terre. C’est probablement celui de la Porte de l’Angle, ainsi appelée de l’angle que formait la première enceinte septentrionale de Jérusalem, à

l’endroit où elle se réunissait au portique occidental du Temple. À l’extrémité méridionale de la même muraille, à 12 mètres environ de l’arête angulaire, émerge la base d’une arche, dite arche de Robinson, du nom de celui qui l’a découverte. Large de 15 mètres et demi, reposant sur d'énormes pierres longues de 6 à 8 mètres, elle formait la tête d’un viaduc qui, en franchissant le Tyropœon, reliait l’esplanade du Temple à la ville haute. La distance jusqu'à la colline opposée est de 91 mètres. On a retrouvé, en ce même endroit, les vestiges d’un pont plus ancien et un aqueduc qui, taillé dans le roc vif, courait du nord au sud sous les débris de l’arche. Plus haut, près duMehkéméh et de la porte Bâb es-Silsiléh, on voit une autre arche signalée pour la première fois par Tobler, mais souvent désignée sous le nom d’arche de Wilson. Elle est bien conservée et haute de 6™70 sur 15 d’ouverture. Elle s’appuie, à l’est, sur le mur du Haram et, à l’ouest, sur un pilier massif. Elle supporte les maisons qui bordent le côté nord de la rue Tariq Bâb es-Silsiléh. Elle servait donc aussi à unir le Temple à la colline occidentale. Cf. Wilson et Warren, The recovery of Jérusalem, p. 76-111.

Quatrième quartier : quartier musulman. — Il occupe le centre et le nord de la ville : il est relativement assez propre et régulièrement construit. La population y est très dense. Dans la partie centrale, entre le Saint-Sépubre et le Haram, nous n’avons à signaler que le nouveau Serai, près duquel était l’ancien hôpital de Sainte-Hélène, et, plus haut, le vieux Serai, qui sert actuellement de prison. Au commencement de la rue Tariq es-Serai, une pierre noire placée dans le mur d’un bâtiment indique le lieu présumé où Simon le Cyrénéen fut chargé de la croix du Sauveur. Un peu plus loin dans la même rue, on a, à droite, la Maison dite de sainte Véronique. L'église neuve que les Grecs unis y ont construite s'élève sur les ruines d’une plus ancienne. En revenant dans la rue Hôch Akhia Bég et remontant vers le nord, on rencontre l’Eglise du Spasme, qui appartient aux Arméniens catholiques. La rue qui tourne ensuite à l’est, séparant le mont Moriah de Bézétha, est le commencement de la Voie douloureuse. Il nous suffit de dire ici que l’authenticité de cette voie traditionnelle dépend avant tout de la solution d’un autre problème topographique, l’emplacement du prétoire de Pilate. Voir Prétoire. Il en est de même pour l’Arc de l’Ecce Homo, qui est à cheval sur la rue, et du haut duquel Pilate aurait montré le Sauveur flagellé, couronné d'épines et revêtu du manteau de pourpre, en disant à la multitude : « Voilà l’homme. » C’est un grand arc en plein cintre, dont la partie supérieure avec la petite construction qui le domine, est moderne, mais dont les pieds-droits et l’archivolte sont romains. Le pied-droit sud est engagé dans le mur septentrional du couvent adjacent habité par des derviches. Cette arcade se prolonge par un cintre plus petit, que l’on a retrouvé dans l'église voisine des Dames de Sion. C’est au fond de la chapelle, derrière l’autel, qu’on remarque cet arc collatéral nord, dont le pendant ou collatéral sud a complètement disparu. L’ensemble de ce monument, dont l' arc de l’Ecce Homo formait la partie centrale, est regardé par des archéologues distingués comme un arc de triomphe postérieur à l'époque de la Passion. À l’intérieur du monastère des sœurs de Sion, on voit un dallage antique que beaucoup considèrent comme le Lithostrotos ou Gabbatha de l’Evangile. Joa., xix, 13. On y trouve également l’entrée d’une ancienne piscine, divisée en deux branches parallèles, dirigées du nord-ouest au sud-est. La plus longue, celle de l’ouest, a 6 mètres de largeur environ et 50 mètres de longueur, l’autre, 39 mètres seulement. Elles sont creusées sans le roc et leurs voûtes en plein cintre sont construites avec des pierres d’un assez grand appareil. Le rocher, du reste, présente, du côté de l’hôpital autrichien, de nombreuses excavations. Cf. Survey of Wes

tern Palestine, Jérusalem, p. 302-307. En avançant vers l’est, on arrive à VEglise de la Flagellation et du couronnement d’épines, qui appartient aux Franciscains. A l’ouest de l’atrium, sont les ruines d’une autre petite église ancienne. La caserne actuelle d’infanterie occupe l’emplacement de la forteresse Antonia, qui formait le coin nord-ouest de l’enceinte du Temple. Voir Antonia, t. i, fig. 178, col. 711. À l’extrémité orientale de la rue, près de la porte Bâb Sitti Mariam, se trouve le grand Birket Israïn, longtemps regardé comme la piscine Probatique ; nous le décrivons plus loin. Au nord, s’élève la basilique de Sainte-Anne, construite sur le lieu où, d’après une tradition, saint Joachim et sainte Anne avaient leur habitation, en partie creusée dans le roc, en partie bâtie avec des murs. Au premier siècle avant notre ère, elle était en dehors de la ville, sur le flanc sud-est du Bézétha ; la troisième enceinte, faite par Hérode Agrippa, l’enferma dans l’intérieur de la sainte cité. L’église a trois nefs avec trois absides à l’orient. Dans la nef méridionale, un escalier conduit au sanctuaire souterrain où était la maison de Joachim et d’Anne, et où, suivant de nombreux témoignages anciens, ces saints eurent leur tombeau. Cette basilique a été donnée à la France après la guerre de Crimée et confiée à la garde des missionnaires d’Alger ou Pères blancs, qui ont là un séminaire grec. Cf. L. Cré, Recherche et découverte du tombeau de saint Joachim et de sainte Anne, dans la Revue biblique, Paris, 1893, p. 215-274. L’atrium renferme des tronçons de colonnes, des chapiteaux, des fragments de corniches et des plaques de marbre, qui proviennent des fouilles faites pour découvrir la piscine Probatique. C’est, en effet, à cinquante pas de là, vers le nord-ouest, que l’on a retrouvé l’antique piscine de Béthesda ou Bethsaide. Joa., v, 1-9. Voir Bethsaide 3, t. i, col. 1723. — Le reste de la ville, à l’est, est occupé par le Haram esch-Schérif : c’est l’ancienne esplanade du Temple. Voir Temple. En dehors de l’enceinte, au midi, se trouve le cénacle. Voir Cénacle, t. ii, col. 399.

Environs de la ville.

Jérusalem ne pouvait,

dans l’étroite enceinte qui la resserre, donner asile aux nombreuses colonies étrangères qu’y attire, depuis un certain nombre d’années, la grandeur de ses souvenirs. Aussi s’est-il formé, en dehors des murailles, principalement au nord et à l’ouest, comme une nouvelle ville, où les grandes nations de l’Europe et les différentes religions ont leurs représentants, couvents, hospices, etc. Voir le plan de Jérusalem, fig. 244. Quelques-uns de ces établissements conservent, après les avoir relevés, de précieux restes de l’antiquité chrétienne. Les dominicains français, en particulier, occupent, à peu de distance au nord de la porte de Damas, le terrain sanctifié par la mort de saint Etienne. Act., vii, 5658. Après avoir mis au jour, il y a quelques années, les ruines de la basilique élevée par l’impératrice Eudoxie sur le lieu de la lapidation du premier martyr, ils ont bâti une église sur les fondements de l’antique sanctuaire. Aux alentours, dans l’euclos même, on a retrouvé des tombes, des pierres funéraires avec inscriptions grecques, des chambres sépulcrales, dont l’une possède un magnifique pavé en mosaïque, au milieu duquel est dessiné un agneau entouré de lis. Cf. Palestine Exploration Fund, 1891, p. 211-218, avec carte et plans ; P. M. Séjourné, La Palestine chrétienne, dans la Revue biblique, 1892, p. 118-122 ; Découverte d’un tombeau à Saint-Élienne, dans la même revue, 1892, p. 258261 ; M. J. Lagrange, Une tradition biblique à Jérusalem, même revue, 1894, p. 452-481 ; Saint Etienne et son sanctuaire à Jérusalem, in-8°, Paris, 1894. Les franciscains sont les gardiens séculaires des souvenirs de la Passion dans la vallée du Cédron, c’est-à-dire du Jardin de Gethsémani, elve la Grotte dite de l’Agonie. Voir Gethsémani, col. 229, fig. 47, 48. Ces lieux vénérables suffiraient, à eux seuls, à sanctifier la colline des

Oliviers, au pied de laquelle ils se trouvent. Mais parmi toutes celles qui entourent Jérusalem, elle a le privilège d’avoir été marquée par les pas, les entretiens et les larmes du divin Maître. Ce sont ses pentes qu’il a si souvent gravies ; c’est là qu’il s’est assis pour converser avec ses apôtres, là qu’il a pleuré sur la cité infidèle, de là qu’il est monté au ciel. Voir Oliviers (Mont des). Les autres montagnes ne rappellent, par leur nom, que de tristes traditions. Le mont du Scandale, ou Djebel Baten el-Hauâ, qui fait suite à celui des Oliviers vers le sud, est ainsi nommé parce que Salomon y érigea, croit-on, des autels aux divinités étrangères. Cf. III Reg., xi, 7 ; IV Reg., xxiii, 13. C’est sur le versant occidental de ces hauteurs qu’est situé le village de Siloé. Voir SiLOÉ. La montagne du Mauvais-Conseil, ou Djebel Deir Abu Tôr, au midi, rappelle, d’après une tradition qui ne remonte pas au delà du xive siècle, la villa que le grand-prêtre Caiphe aurait eue là, et où le conseil des Juifs rassemblé aurait décidé de faire condamner Jésus à mort. C’est sur la pente nord-est de cette colline qu’on place généralement le champ d’Haceldama. Voir Haceldama, col. 386, fig. 92. Au nord, le mont Scopus, dont le nom (de axoTtéu, <t regarder de loin, considérer attentivement » ) indique bien la situation, marque le point stratégique d’où tous les conquérants sont partis pour attaquer la ville sainte.

Si maintenant nous examinions en détail chacune de ces hauteurs qui entourent Jérusalem, qu’y trouverions-nous, en dehors des souvenirs bibliques que nous venons de signaler ? Des excavations de toute sorte, grottes, citernes, tombeaux. Non loin de la muraille septentrionale, est la grotte dite de Jérenue, qui n’est autre chose que le prolongement des cavernes royales mentionnées plus haut. On voit, en avant, quelques tronçons de colonnes. L’intérieur présente une petite chambre, de forme presque ronde, avec une voûte soutenue par un pilier et renfermant, à l’ouest, le tombeau d’un sultan. Derrière, il en est une autre qui, depuis le XVe siècle, est considérée comme le lieu où Jérémie écrivit ses Lamentations et où il fut enseveli. Mais le plus intéressant à étudier, ce sont les cavernes funéraires très nombreuses qui ont été creusées dans le roc partout aux alentours de la cité et qui forment comme une vaste nécropole souterraine. Nous n’indiquons ici que les plus importantes et les principaux groupes ; pour les détails, comme pour la nature et la forme des tombeaux chez les Juifs, voir Tombeaux. Au nord de la ville, sont les hypogées connus sous le nom de Tombeaux des Rois, en arabe Qubûr el-Molûk, et lombeaux des Juges, ou Qubûr el-Quddt. On en a découvert d’autres dans les environs, sur le mont Scopus, dans Vouadi el-Djôz, prés de la grotte de Jérémie, etc. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1886, p. 155-157 ; 1892, p. 13-16 ; 1896, p. 305-310 ; 1897, p. 105-107 ; 1900, p. 54-61 ; 75-76 ; Revue biblique, 1899, p. 297-304, Il y a même une de ces tombes que quelques protestants ont voulu faire passer pour le vrai sépulcre de Notre-Seigneur. Voir Calvaire, t. ii, col. 84. Cf. Pal. Explor. Fund, Quart. Statement, 1892, p. 120-124. A l’est, près de la grotte de l’Agonie, une église recouvre le Tombeau de la sainte Vierge. Sur la montagne des Oliviers se trouvent de curieuses catacombes et le Tombeau dit des Prophètes. Cf. Pal. Explor. Fund, Quart. St., 1889, p. 180-184 ; 1893, p. 128-132 ; 1901, p. 309-317 ; Revue biblique, 1901, p. 72-88. Dans la vallée de Josaphat, on voit les monuments appelés Tombeaux d’Absalom (fig. 10, 1. 1, col. 98), de Josaphat (voir Josaphat, 3), de Saint Jacques (voir fig. 201, col. 1087) et de Zacliarie (voir Zacharie). Au sud, la colline qui domine Vouadi er-Rebàbi est percée de nombreuses grottes funéraires. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1900, p. 225-218 ; 1901, p. 145-158, 215-226. Enfin, à l’ouest, sur la colline nommée Kikôforiéh, on a fait une découverte^ I.clouz<yetvno. tSttaa.

JERUSALEM MODERNE

Dictionnaire de la Hiblc

Echelle :

frnp Jhifrânoif- /bris.

-çr

du plus haut intérêt pour l’archéologie, en mettant au jour l’une des plus belles sépultures des environs de Jérusalem, que l’on croit être le « monument d’Hérode » dont parle Josèphe, Bell, jud., V, xii, 2. Voir fig. 134, col. 647. Cf. Revue biblique, 1892, p. 267-272 ; Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1892, p. 115-120, avec plans et gravures. Malheureusement, ces hypogées antiques sont presque tous d’un mutisme désespérant. On peut voir cependant Germer-Durand, Épigraphie chrétienne de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 560-588. — Voir dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1895, p. 148-172, et pl. IV, la carte détaillée des environs de Jérusalem avec la liste et l’explication des noms.

Climat.

Les conditions de la vie, dans toute contrée,

dépendent naturellement du climat. Or, Jérusalem est à une altitude et dans une situation qui la distinguent, sous ce rapport, de la plaine maritime, de la vallée du Jourdain et même des montagnes de Galilée. Cependant, comme les autres parties de la Palestine, elle ne connaît que deux saisons, celle de la sécheresse et celle des pluies. Celle-ci se divise en trois périodes : les premières pluies qui humectent la terre ; les pluies abondantes de l’hiver, qui saturent le sol, alimentent les sources, remplissent bassins et citernes ; les pluies printaniéres qui permettent aux moissons et aux plantes de supporter les chauds débuts de l’été. Elle s’étend, en règle générale, de la fin d’octobre au commencement de mai. On a constaté qu’il tombe moins d’eau à Jérusalem qu’à Nazareth, ce qui peut tenir au déboisement de la Judée. Cf. L. Anderlind, Der Einfluss der Gebirgswaldungen im nôrdlichen Palâstina auf die Vermehrteng der wâsserigen Niederschlâge daselbst, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 101-116. Lorsque le Bîr Éyûb, situé au sud-est de la ville, dans la vallée du Cédron, vient à déborder, les habitants se réjouissent, voyant là un indice d’excellente récolte et une sorte de garantie contre la pénurie d’eau pendant l’été. Il paraît cependant, d’après de soigneuses observations, que ce fait n’est pas tant dû à la quantité de pluie tombée depuis le commencement de la saison qu’aux chutes abondantes pendant un court espace de temps. L’absence ou l’insuffisance des pluies peut avoir les résultats les plus fâcheux pour l’alimentation des habitants. Voir Pluie. Les mois de janvier et de février sont surtout froids et pluvieux. Cf. J. Glaisher, On the fall of rain at Jérusalem in the 32 years from 1861 lo 1892, dans ePal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1894, p. 39-44, avec diagramme, p. 40. La neige tombe habituellement, mais presque toujours en petite quantité, et elle fond rapidement. Parfois cependant, elle tombe en bourrasques, et reste plus ou moins longtemps dans les creux, sur les pentes des collines que ne visite pas le soleil. La plus basse température qu’on ait constatée à Jérusalem est de 3* centigrade au-dessous de zéro, et la plus haute de 44*4. Du commencement de mai à la fin d’octobre, le ciel est presque constamment sans nuage. A l’approche de l’été, il s’élève encore des brouillards, mais au cœur de la saison ils disparaissent tout à fait et l’atmosphère est ordinairement d’une admirable pureté. Le vent du nord est froid, celui du sud chaud, celui de l’est sec et celui de l’ouest humide ; les vents intermédiaires participent en proportion à ces différentes qualités. Lorsque, durant l’été, il y a peu de vent plusieurs jours de suite, la chaleur devient très grande et l’air excessivement sec. Ordinairement une forte brise souffle de l’ouest dans l’après-midi ; elle ne se fait sentir à Jérusalem que quelques heures après avoir porté sa fraîcheur le long de la côte méditerranéenne. Après le coucher du soleil, elle s’affaiblit, pour se relever bientôt, et elle continue pendant une bonne partie de la nuit à rafraîchir la terre brûlée. Quand elle fait défaut, ou ne souffle que doucement, les nuits sont d’une chaleur qui

BICX, DE LA BIBLE,

abat. C’est là une des conditions atmosphériques qui distinguent Jérusalem de Jaffa ou d’un autre point de la côte. Alors que la ville sainte, sous les durs vents d’est, dans les journées très chaudes, est insupportable, la cité maritime est en comparaison fraîche et agréable. Les vents du sud et de l’est, venant de contrées brûlantes et sans eau, exercent une influence pernicieuse ; c’est celui du sud-est qui a tous les caractères du sirocco. Pendant les nuits d’été, il y a souvent de fortes rosées, apportées par les vents d’ouest qui viennent de la mer.

— Cf. Th. Chaplin, Observations on the climate of Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 8-40, avec de nombreuses tables d’observations météorologiques portant sur vingt-deux années, 1860-1882. On trouve dans la plupart des années de ce recueil le résultat de semblables observations Voir, pour plus de détails, Palestine (climat).

Régime des eaux.

Au climat se rattache le régime

des eaux, et si, dans tous les pays, cette question a une importance capitale, elle est encore d’un plus haut intérêt en Palestine et à Jérusalem en particulier. La ville sainte, comme nous l’avons vu dès le commencement, ne jouit du bienfaisant voisinage d’aucun fleuve. Le Cédron n’est qu’un torrent temporaire. Les roches calcaires sur lesquelles est bâtie la cité, laissent à peine pénétrer l’eau du ciel. Le peu qu’elles en gardent est amené par leur déclivité aux points les plus bas. Il n’y a, en effet, que deux sources d’eau potable. La première est celle qui est appelée’Ain Umm ed-Déredj (voir t. iii, fig. 49), « Source mère des degrés, » parce qu’on y descend par deux escaliers taillés dans le roc, ou encore Ain Sitti Mariam, « Source de Madame Marie » ou « Fontaine de la Vierge », d’après une tradition qui ne commence qu’au xiv » siècle ; c’est l’antique Fontaine de Gihon, située sur le flanc oriental de la colline d’Ophel ; elle communique par un canal souterrain avec la piscine de Siloé, à 335 mètres plus loin vers le sud-ouest. C’était, en cas de siège, la seule source utilisable pour Jérusalem. Voir Gihon, col. 239, et Siloé. La seconde est le Bîr Eyûb, ou « Puits de Job », situé au confluent des deux vallées de Cédron et do Hinnom ; c’est l’ancienne En-Rogel, III Reg., i, 9, un puits plutôt qu’une source proprement dite. Voir Rogel. Il y a bien dans les souterrains du couvent de YEcce-Homo une petite source qui vient du nord, mais l’eau en est saumàtre ; peut-être’n’est-elle que le résultat de suintements. La vallée du Tyropoeon a donné passage à certaines eaux, à une époque très ancienne. Mais, en somme, d’après l’histoire et la nature du terrain, les habitants de Jérusalem n’ont jamais pu guère compter que sur la source d’Ophel. Malgré cela, suivant la remarque de Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 323, la viile ne paraît avoir manqué d’eau dans aucun des sièges qu’elle eut à soutenir, tandis que toutes les armées assiégeantes souffrirent de la soif. C’était donc par des moyens artificiels qu’elle s’approvisionnait, c’est-à-dire par des citernes, des réservoirs et des aqueducs.

1. Citernes.

Quand l’eau de source est insuffisante, on est obligé d’utiliser la pluie du ciel. C’est ce qu’on fit de tout temps et ce qu’on fait encore en Palestine mieux peut-être qu’en tout autre pays. Le sol de Jérusalem, en particulier, est, on peut dire, criblé de trous comme une éponge. Toute maison importante a sa citerne. Les eaux de pluie, recueillies sur les terrasses ou dans les cours, sont conduites par des tuyaux à des cavités artificielles, bâties en pierre, recouvertes d’une voûte, avec une petite ouverture à la partie supérieure. Cette forme, destinée à empêcher une trop rapide évaporation, est précisément ce qui distingue la citerne de la piscine, qui est à ciel ouvert. Un grand nombre de ces citernes paraissent remonter à une haute antiquité ; à peine

IU. - 43

peut-on déblayer une cinquantaine de mètres de terrain sans en découvrir au moins une. Il y en a de grandes dimensions, comme celle du couvent copte, à l’est du Saint-Sépulcre, à laquelle on descend par quarante-trois degrés taillés dans l’intérieur du rocher. Le sol du Haram esch-Schérif est rempli de ces excavations qui étaient indispensables au service liturgique de l’ancien Temple. Voir Citerne, t. ii, col. 787.

2. Piscines.

L’intérieur de la ville renferme plusieurs' grands réservoirs ou piscines. À l’ouest du Moristân, au milieu d’un groupe de maisons, se trouve le Birket Hammam el-Batràk, « l'étang du bain du patriarche, » flg. 245, ainsi nommé parce qu’autrefois il alimentait le bain que le patriarche avait a l’angle sud-est.

porte Saint-Etienne, est une longue tranchée parallèle au mur septentrional de Haram, et qu’on nomme Birket Israïn. Cet « étang d’Israël » mesure 110 mètres de long sur 40 de large et environ 25 de profondeur. Il est aujourd’hui complètement à sec ^l en grande partie obstrué par une énorme quantité de décombres et d’immondices. Des fouilles ont montré que le fond est formé d’une couche très dure de ciment, reposant sur une certaine épaisseur de béton, établi lui-même, soit sur le roc, soit sur un pavé en pierres, à un niveau inférieur à celui des autres citernes du Haram. Les parois ne sont pas taillées dans le roc, mais construites en grosses pierres. Le mur méridional est revêtu d’une maçonnerie en petit appareil, sous laquelle apparaissent

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245. — Birket Hammam, el-Batràk. D’après une photographie.

Sa profondeur n’est pas considérable) 3 mètres seulement au-dessous du niveau de la rue, mais sa longueur est de 73 mètres et sa largeur de 44 mètres. Des travaux exécutés dans le couvent Copte, qui le borne du côté du nord, ont montré qu’il s'étendait encore de 18 mètres dans ce sens. Les murs qui l’enserrent paraissent anciens ; ils présentent à l’angle sud-est de grosses pierres de taille. Le fond est de nature rocheuse et en partie couvert de petites pierres ; le rocher a été nivelé à l’ouest. En été, il est presque desséché et son eau est toujours impure. Il est alimenté par le Birket Mamillah, situé à 650 mètres plus loin, à l’ouest, en dehors de la porte de Jaffa, et qui lui envoie ses eaux au moyen d’un aqueduc souterrain. Ce réservoir est laxo).v|J16ï18pa 'Ap/j-ycaXov de Josèphe, Bell, jud., V, xi, 4. On l’a aussi appelé « piscine d'Ézéchias » ; cette origine est aujourd’hui contestée. — Nous avons signalé plus haut les deux piscines parallèles qu’on voit encore dans les sous-sols du couvent de VEcce-Hotno : à l’angle sud-ouest de la branche occidentale s’ouvre un conduit souterrain creusé dans le roc et amenant autrefois l’eau dans l’enceinte du Temple. Voir le plan dans le Palestine Exploration Fund, Quart. Stat., 1880, p. 35. — Près de la

par endroits les blocs massifs d’une construction antique. A l’extrémité ouest on aperçoit deux arcades, formant l’ouverture de deux passages voûtés. Voir flg. 525, t. i, col. 1729. Celui du sud, qui est long de 40 mètres, est fermé par un mur en maçonnerie. Celui du nord s’ouvre, après un parcours de 36 mètres, dans un autre passage voûté, de construction moderne, courant du nord au sud, et ayant près de 23 mètres de profondeur. Le trop-plein de cette piscine s'écoulait autrefois vers l’est par un passage souterrain de 14 mètres de longueur. Cf. Palestine Expl. Fund, Quart. Stat., 1880, p. 39-40 ; Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 122-126 ; Wilson etWarren, The Recovery of Jérusalem, p. 189-196. Le Birket Isram a longtemps été regardé comme étant la piscine Probatique ou de Bethesda ; mais il n’est plus permis maintenant de soutenir cette identité. Voir Bethsaïde 3, t. i, col. 1723. C’est, croit-on, Hérode le Grand qui le creusa et le construisit, afin de pouvoir, en cas de nécessité, remplir en grande partie la piscine Struthia, ï) ExpouOiov xoXujag-fjôpoc, Josèphe, Bell, jud., V, xi, 4, ou profond et large fossé qu’il avait fait autour de l’Antonia pour la rendre inaccessible aux ennemis.

1349

JERUSALEM

135&

En dehors de la ville, nous trouvons à l’ouest le Birket Mamillah (fig. 246), qui n’a pas de source et est destiné à recevoir l’eau pluviale. Il a 89 mètres de long, 59 de large, et 6 de profondeur. On voit des traces de degrés dans les angles du sud. Il est creusé en partie dans le roc vif, et ses parois sont, de plus, renforcées d’un mur ; il y a, en outre, des contreforts aux murs du sud et de l’ouest. Le canal d’écoulement, qui est maçonné, se trouve dans le bas, au milieu du côté oriental, et descend de là, en serpentant, vers la ville où il entre, un peu au nord de la porte de JafFa, pour alimenter le Birket Hammam el-Balràk. Ce réservoir est la « piscine des serpents », ïj twv "Oq>eo>v èmxaXounIvj) xoXv|Aëïj6pa, dont parle Josèphe, Bell. Jud., V, iii, 2. Ce n’est pas, comme on l’a cru, la Piscine supérieure de la Bible.

Les eaux vives étaient amenées par des aqueducs, dont les vestiges existent encore. Voir Aqueduc, t. i, col. 797.

— Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, X. i, p. 323-348.

II. topographie ancienne.

Jérusalem, on le voit, n’a plus guère que des souvenirs de l’antiquité biblique ; des monuments, on peut dire qu’il ne reste pas pierre sur pierre. La vieille cité des rois de Juda, d’Hérode même, est ensevelie sous les édifices des deux puissances religieuses qui, depuis dix-neuf siècles, se sont disputé cette terre sainte entre toutes, le christianisme et le mahométisme. À part quelques points incontestables, et ce sont les plus importants, bon nombre ont été localisés par une tradition qui n’est pas toujours à l’abri de la critique. Est-il donc impossible cependant de retrou 246. — Birket Mamillah. Daprês une photographie.

Is., vii, 3. — Plus bas, dans la vallée de Hinnom, est le Birket es-Sultdn, le plus grand de Jérusalem, car il a 170 mètres de longueur et 67 de largeur. On a utilisé pour ce vaste réservoir le fond de la vallée, en y construisant deux forles murailles tranversales au nord et au sud, et en creusant entre elles jusqu’au rocher. Sa (Construction dénote qu’il a peu d’importance et qu’il est d’une date peu reculée. Il fut restauré au xvie siècle par le sultan Soliman, d’où son nom d’« étang du Sultan ». Cf. C. Schick, Birket es-Sultan, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1898, p. 224-229, avec plans. — A l’extrémité sud de la colline d’Ophel, se trouve la Piscine de Siloé, destinée à recevoir les eaux de Y Ain Sitti Mariant. Elle a, avec cette dernière source, un rôle important dans l’élude de la topographie ancienne. "Voir Siloé (Piscine de) et ce que nous disons plus loin.’— Enfin, au nord-est, près de la porte Saint-Étienne, on voit le Birket Sitti Mariant, qui a 29 mètres environ de longueur, 23 de largeur, 4 de profondeur. Il n’a aucun intérêt historique.

3. Aqueducs.

Comme l’eau recueillie dans les citernes et les piscines était en danger de se corrompre ou de s’évaporer rapidement, on songea de bonne heure a capter des sources assez éloignées, au sud de Bethléhera.

ver sous les débris du passé les vestiges de la vieille Jérusalem, de retracer les lignes de ses enceintes successives, de marquer l’emplacement probable de ses principaux monuments, de nous représenter, en un mot, son antique physionomie ? Non certainement, et c’est une question qui, de nos jours plus que jamais, préoccupe, passionne même les esprits adonnés à l’étude de la Bible et de l’archéologie sacrée. Catholiques et protestants, en Angleterre, en Allemagne et en France, suivent avec intérêt les moindres découvertestamentes par les fouilles récentes et luttent à l’envi dans ce bellum topographicum où nos religieux français de Jérusalem ont, depuis plusieurs années, pris une part aussi active que brillante. Nos guides dans ces recherches sont naturellement la Bible et l’historien Josèphe ; l’autorité de ce, dernier peut être douteuse quand il traduit à sa façon les données scripturaires, mais elle est incontestable lorsqu’il parle en témoin oculaire. Les fouilles accomplies en ces derniers temps, bien qu’incomplètes, n’en ont pas moins jeté un certain jour sur plus d’un point du problème. Il faut ajouter, du reste, que, si Jérusalem, comme toutes les vieilles cités, a subi de profonds bouleversements, le terrain archéologique est plus exactement délimité qu’en aucun autre lieu du monde, puis

qu’elle a toujours été circonscrite par les fossés naturels qui l’entourent. En essayant de reconstituer l’ancienne ville, nous n’entendons donner que les derniers résultats de la science, dont plusieurs pourront être, par des recherches ultérieures, ou confirmés ou modifiés. Pour plus d’ordre, notre étude ira de l’origine de Jérusalem à la captivité, et de la captivité à la ruine de la ville par les Romains.

De l’origine à la captivité.

Que fut le noyau primitif

de la ville sainte ? Aucun témoignage historique ne nous l’apprend. Deux choses cependant durent attirer les premiers habitants : la source qui s’échappe des flancs de la colline orientale, aujourd’hui’Ain Vmm ed-Déredj, et la colline elle-même, celle d’Ophel, qui, resserrée entre deux profondes vallées, peu étendue et par conséquent facile à défendre, présentait une forteresse toute naturelle. Peut-être y eut-il là dés le commencement une sorte de douar ou Ifâsêr, entouré d’un petit mur de pierres, avec une tour de garde, pour protéger gens et troupeaux. Voir Haséroth, col. 445. On peut faire là-dessus d’ingénieuses hypothèses. Cf. C. Schick,

nemi peut s’avancer jusqu’au pied des fortifications sans être arrêté par aucun obstacle. C’est toujours par là, on le sait, que Jérusalem a été prise. Ce que l’on recherchait dans l’antiquité, c’étaient plutôt des ravins qui, tout en rendant difficile l’accès du fort, simplifiaient l’œuvre de l’homme obligé de compléter celle de la nature. Et tel est précisément l’avantage de la colline orientale, plus restreinte, mieux délimitée, entourée à l’ouest, au sud et à l’est par des vallées bien plus profondes autrefois qu’aujourd’hui. C’est là un point très important à remarquer : des fouilles ont permis de constater que les ravins du Tyropœon et du Cédron ont été en partie comblés par les décombres qui s’y sont accumulés. Dans le premier, le sol actuel est à 20, et, dans certains endroits, à près de 30 mètres au-dessus du sol ancien ; dans le second, la différence, sans être aussi considérable, est encore de 8 à 10 mètres. Vers le Cédron, le roc, dont le pied est maintenant caché sous des éboulis, descendait autrefois presque à pic ; le Tyropœon, sans se creuser autant, n’en formait pas moins un fossé très redoutable à l’ennemi. Il suffit de jeter les

247. - Coupe de la vallée du Tyropœon, d’après le Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1897, p. 179.

Die Baugeschichte der Sladt Jérusalem, vordavidische Zeit, dans la Zeitschrifl des Deutschen Palastina-Vereins, t. xvi, 1893, p. 237-246.

i. Sous David, Salomon et les premiers rois de Juda. Première enceinte. — Une question plus difficile et très vivement débattue de nos jours est celle-ci : Où se trouvait la forteresse de Sion des Jébuséeus, devenue plus tard la Cité de David ? Cf. II Reg., v, 7-9. La solution du problème est souverainement intéressante pour l’histoire et la topographie de la ville, puisque c’est précisément par ce point que commencèrent les agrandissements successifs qu’elle reçut. Deux opinions sont en présence. L’une place Sion, sur la colline du sudouest, qui, depuis de longssiècles, en porte le nom. L’autre regarde la colline du sud-est commeJe véritable emplacement de l’antique Jébus. Voir Sion. C’est à cette dernière que nous nous rangeons, comme plus conforme à l’Écriture dûment interprétée, à l’histoire et aux exigences de la topographie. Par sa situation et ses dimensions, Ophel répond mieux à l’idée que nous pouvons nous faire d’une acropole toute primitive. Ce qui, à première vue, semble contre elle, milite plutôt en sa faveur. Le plateau occidental est, il est vrai, plus élevé ; mais, à une époque où l’artillerie était inconnue, on ne craignait pas d’être dominé. Il est beaucoup plus large, mais aussi beaucoup plus difficile à défendre. Sans compter les nombreux soldats qu’il eût fallu pour garder les trois côtés protégés par les escarpements, le côté nord n’eût pu être garanti que par une longue et haute muraille flanquée de tours puissantes. Cette partie septentrionale suit la pente générale du terrain, et l’en yeui sur les figures 247, 248, pour se rendre compte de ces détails. Le terrain a été sondé, à l’ouest d’Ophel, sur une ligne assez étendue, A, B, descendant de la colline occidentale pour remonter sur le coteau oriental (fig. 247 et 249), et, à l’est, sur trois points différents, A, B, C (lig. 248 et 249). Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1886, p. 198 ; 1897, p. 179. La bourgade chananéenne pouvait étager ses maisons sur la pente méridionale de la colline où le roc aplani formait une suite de petites terrasses. « Il n’y avait guère à protéger, par des murs, que le côté nord ; or, l’espèce d’isthme par lequel cette colline se rattache au corps des monts de Juda était plus étroit que celui qui y relie la colline occidentale. Le mont Moriah n’a qu’une très faible largeur, et ce qui le rétrécissait encore, tout près de son point culminant, c’était un ravin, aujourd’hui comblé, qui allait rejoindre obliquement la rive droite du Cédron. L’existence de ce pli du sol a été démontrée par les fouilles récentes ; une partie a été utilisée pour former le réservoir qui est connu sous le nom de Birket-Isræl, tandis que le reste du creux a été caché sous les substructions du temple. » Perrot, Histoire de l’art, Paris, 1887, t. iv, p. 165. Enfin, la seule source de Jérusalem se trouve sur la colline orientale ; or, dans un pays aride comme la Judée, on devait avant tout s’assurer la possession d’une fontaine qui coulât en tout temps. On ne pouvait, en cas d’attaque, l’abandonner à l’ennemi. Peut-être même, dès cette époque, une rigole à ciel ouvert conduisait-elle les eaux à la piscine inférieure. Audessous de cette piscine, sur les pentes voisines, jusque vers le Bir-Éyiib, pouvaient s’étendre les jardins de la

ville jébuséenne. Ces avantages naturels expliquent comment la citadelle put, si longtemps, tenir bon contre les deux tribus de Benjamin et de Juda, entre lesquelles « lie était placée, et pourquoi David la convoita et en fit le noyau de sa cité.

Josèphe, Ant.jud., VII, iii, 2, nous dit que David, une

248.

Coupes de la vallée du Cédron, d’après le Pal. Expl. Fund, Quart. St., 1886, p. 198.

fois maître de la place, renferma dans une enceinte la ville basse, tt|v xi-no itôXiv, en la réunissant à la citadelle, i axpa ; il forma ainsi « un seul corps », êv o-ûp-a, qu’il entoura de murs et dont il confia la garde à Joab. C’est Je commentaire de ces paroles de II Reg., v, 9 : « David habita dans la citadelle, qu’il appela cité de David, et il bâtit tout autour depuis le Mello et intérieurement. » Cf. 1 Par., xi, 8. Mello doit indiquer un ouvrage de défense, lour ou rempart, qui protégeait la ville vers le nordouest, du côté de la vallée du Tyropœon. Voir Mello.

C’est donc sur la colline orientale que le jeune roi construisit son palais. II Reg., v, 11. On sait comment plus tard il acheta d’Oman le Jébuséen le terrain situé au nord et qui est le prolongement du coteau. II Reg., xxiv, 18-25. Ce fut le premier agrandissement de la ville, à moins que, dès ce temps, elle n’ait déjà commencé de s’étendre sur la colline occidentale. En tout cas, c’est là que Salomon éleva sur un plan grandiose le Temple et ses dépendances. Il dut, pour cela, aplanir le terrain et le soutenir par de puissantes murailles, qui servirent en même temps de défense à la ville. Les fondements de ces murs de soutènement subsistent encore en parlie, comme l’ont prouvé les fouilles anglaises pratiquées à l’angle sud-estdu Haram. Voir fig. 250. La première assise repose sur le rocher, à une profondeur de 24 mètres .m-dessous de la surface du sol. Les assises suivantes ont de l m 05 à l m 30 de hauteur. Les blocs, longs de 1 à

mètres, sont taillés en bossage d’un excellent appareil et si bien conservés qu’on les dirait placés d’hier. L’une des pierres porte, peintes en rouge, des lettres phéniciennes. Cf. Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, p. 135-153. Cette origine salomonienne n’est cependant pas admise par tous les auteurs. Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 212-213. Au moyen de ses magnifiques palais, Salomon réunit la cité d’Ophel aux constructions religieuses faites sur le Moriah. Il est difficile, en effet, de chercher ces palais sur le Sion actuel. S’il y avait eu cet intervalle entre la maison du roi et celle de Dieu, si les deux édifices avaient été reliés par une œuvre d’art passant au-dessus de la vallée de Tyropœon, le texte sacré, si abondant en détails pour le reste, aurait

1 jit au moins quelque allusion à cette particularité. Or, on n’y trouve pas un mot qui indique que, pour aller du palais au Temple, il fallait quitter une colline pour une autre. A cetargument négatif, on peut ajouter ce passage d’Ézécliiel, XLiir, 8 : « Les rois d’Israël ont mis leur seuil près de mon seuil, leurs poteaux près de mes poteaux, et il n’y a qu’un mur entre eux et moi. » À lui seul, le Temple, avec ses annexes, devait remplir toute la largeur du mont, de l’est à l’ouest. Il est donc naturel de supposer que la demeure rojale fut construite au sud de l’enceinte sacrée, entre celle-ci et la cité dont les maisons .s’étageaient sur les pentes méridionales de la colline, nie était voisine de la source où elle devaits’approvisionner. du large fond de vallée où les rois eurent leur jardin, et, de la ville au palais, on n’avait qu’un pas à faire. Ce détail topographique est absolument confirmé par l’Écriture. Ainsi, lorsque Jérémie, dans une des cours du Temple, prophétise la ruine de Jérusalem, et que la l’oule s’ameute autour de lui, en poussant des cris de mort, il est dit que, attirés par le bruit, « les princes île Juda montent de la maison du roi à la maison de .léhovah. » Jer., xxvi, 10. L’expression « monter » est inexplicable si l’on place le palais royal sur la colline occidentale, plus élevée, nous l’avons vii, que le mont Moriah. De même, quand Joas a été couronné roi, on le « fait descendre » (hébreu yôridù, forme hiphil de ydrad, « descendre » ) du temple au palais. IV Reg., xi, 19. Les deux mots, au contraire, sont parfaitement justes dans l’hypothèse que nous défendons. La demeure du roi ne pouvait occuper qu’une terrasse située un peu au-dessous de celle du Temple, puisque le roc s’abaisse du nord au sud. Le palais de David était plus près que celui de Salomon du pied de la colline. Nous pouvons donc, en somme, nous faire cette idée des édifices élevés au-dessus de la cité de David, où se pressaient déjà les unes contre les autres les maisons de la ville basse : « Tout en haut sur l’esplanade la plus éloignée de la ville, le Temple et ses cours ; plus bas, le palais, sur la terrasse, ou, pour mieux dire, sur les terrasses intermédiaires. Il n’est pas vraisemblable que les différents quartiers de l’habitation royale aient été tous posés sur un même plan horizontal ; à les distinguer par des difleLégende Cite deSswid

Mars de David et de Saloznon ( l 1 * Enceinte ! Mors dSzechias et de Manasse. ( 2e Encemte) Travaux d flepode Je Crand. Mut dvgPtppa ( 3e Enceinte), Enceinte actuelle

ïtMe

19. — Jérusalem ancienne et ses différentes enceintes.— Les deux coupes A, B, à l’ouest d’Ophel, marquent la ligne suivant laquelle a été faite la coupe de la vallée du Tyropœon, fig. 247. — A, B, C, à l’est, indiquent les trois coupes de la vallée du Cédion, fis. 248.

rences de niveau, qui pouvaient être d’ailleurs assez légères, l’architecte avait un double avantage : d’une part, il suivait plus docilement le mouvement ascensionnel du terrain, et, de l’autre, il obtenait un effet plus grandiose ; il évitait que les parties antérieures de cet ensemble couvrissent et vinssent masquer les édi J^Tt-w’m -^% ?S^^^gÊr£

fices placés en arrière, dans le voisinage immédiat du Temple. » Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 400.

Le Temple, monument religieux et national, une fois élevé, donna une grande importance à la ville, qui continua à se prolonger sur la colline occidentale. De nouveaux murs de fortification furent nécessaires. Josèphe, Ant. jud., VIII, vi, 1, nous apprend que Salomon augmenta

les remparts, les renforça et les munit de tours énormes. L’Écriture, III Reg., XI, 27, ajoute que les travaux entrepris sur le Mello excitèrent les mécontentements du peuple.

Bientôt cependant la division du

royaume en ceux de Juda et d’Israël porta un coup funeste à Jérusalem, qui cessa de s’agrandir. Les successeurs de Salomon n’eurent sans doute qu’à réparer ou fortifier son œuvre, comme le firent Ozias et Joatham. II Par., xxvi, 9 ; xxvii, 3. La Bible ne nous donne point de tracé proprement dit pour cette partie de la première enceinte. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, comble cette lacune dans la description suivante : « Le plus ancien des trois murs était inexpugnable à

250. — Mur de l’angle sud-est du Haram, d’après The Becovery 0/ Jérusalem, p. 35.

cause des vallées et de la hauteur des collines sur lesquelles il était bâti. À l’avantage naturel on avait ajouté de puissantes fortifications, David, Salomon et les rois leurs successeurs s’étant beaucoup employés à ce travail. Commençant du côté du nord à la tour dite Hippicus, le mur s’avançait jusqu’à’l’endroit appelé Xyste, se joignait ensuite à la salle du Conseil, et se terminait ainsi au portique occidental du Temple. De l’autre coté, à l’occident, il commençait à la même tour,

se prolongeait à travers la région appelée Bethso jusqu’à la porte des Esséniens. Ensuite, du côté sud, il tournait au delà de la piscine de Siloé, puis de là, du côté de l’orient, il s’inclinait vers la piscine de Salomon, atteignait un lieu que l’on appelle Ophla, et ainsi se joignait au portique oriental du Temple. » Rien de plus facile que de suivre ce tracé. La tour Hippicus, point de départ, était une des trois qu’Hérode le Grand avait fait bâtir à l’angle nord-ouest de la ville supérieure telle qu’elle existait de son temps ; elle devait être sur l’emplacement de la citadelle actuelle, la plus rapprochée de la porte de Jaffa. Le Xyste, qui, chez les Grecs et les Romains, désignait une galerie couverte, se trouvait auprès du pont qui unissait la ville haute au Temple, et dont on voit encore l’amorce (arche de Wilson). Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, vi, 2. Le mur passait au nord pour se joindre à la salle du Conseil, assez bien représentée par le Mehkéméh ou tribunal actuel, et se terminait en formant angle sur le portique occidental du Temple, près de la porte appelée aujourd’hui Bâb es-Silstléh. La Bible signale deux portes dans cette muraille septentrionale, qui existait certainement déjà en 840 avant J.-C. Nous lisons, en effet, II Par., xxv, 23 : « Joas, roi d’Israël, prit Amasias, roi de Juda, à Bethsamès, et il l’amena à Jérusalem ; il détruisit le mur de cette ville depuis la porte d’Éphraim jusqu’à la porte de l’Angle, 400 coudées. » Cf. IV Reg., xiv, 13. Comme la deuxième enceinte ne fut bâtie que plus tard, sous Ézéchias et Manassé, il s’agit bien ici de la première et de la muraille septentrionale, qui, n’étant pas, comme les autres, protégée par de véritables précipices, était la plus facile à détruire et la plus importante à démolir pour un ennemi. D’ailleurs, le nom d’Éphraim indique la direction nord, le pays vers lequel on allait en sortant par la porte en question. De même la porte de l’Angle est, par son nom, marquée à l’angle que formait le mur en tombant perpendiculairement sur l’enceinte du Temple. Elle donnait accès dans le chemin qui suivait le fond de la vallée du Tyropœon. Les deux portes, d’après le texte sacré, étaient séparées par une distance de 400 coudées, soit 210 mètres. Or, en partant de la dernière et mesurant cette distance vers l’ouest, on arrive exactement à l’artère principale qui va du sud au nord de Jérusalem et qui, dans la première enceinte, devait aboutir à la porte d’Éphraim. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, indique une troisième porte, appelée Gennath, dans la muraille septentrionale ; elle se trouvait sans doute, nous le verrons, à l’extrémité occidentale.

Si maintenant nous descendons de ce point ou de la tour Hippicus vers le sud, nous rencontrerons la « porte de la Vallée », par laquelle Néhémie sortit pendant la nuit. II Esd., ii, 13. On la place un peu au-dessous de la porte de Jaffa actuelle, à l’angle sud-ouest de la citadelle, débouchant dans cette profonde vallée qu’il faut traverser pour aller vers Bethléhem. La « porte des Esséniens », mentionnée par Josèphe, à l’extrémité du quartier Bethso ou « maison des ordures », correspond à la « porte Sterquiline » de Néhémie, qui l’indique à mille coudées ou 525 mètres de la précédente. II Esd., iii, 13. Cette distance nous conduit à l’angle sud-ouest de la colline occidentale, là où M. BHss a découvert un fragment de mur ancien avec une porte indiquée par trois seuils superposés, par conséquent d’époques successives, et placée au-dessus d’un égout qui débouche dans la vallée quelques mètres plus loin. De là, la muraille du sud s’en allait directement vers l’est, faisant seulement les légers contours qu’exige la nature du sol. Les divers textes relatifs à la topographie de la ville sainte ne signalent rien jusqu’à la « porte de la Fontaine », auprès de laquelle Néhémie nous montre la piscine de Siloé, le jardin du roi et les degrés de la cité de David. II Esd., iii, 15. Là encore, au point ou la colline tourne pour remonter au nord, M. Bliss a trouvé un mur qui offre les mêmes

variétés d’appareil que dans les autres parties, une porte qui compte trois seuils comme celle d’en haut, et une tour située dans l’angle, de manière à défendre la porte et le saillant formé par le changement de direction du mur. À partir de l’angle sud-est du Temple, l’enceinte de la ville se confondait-elle avec celle de l’enceinte sacrée, ou bien construisit-on un mur en avant pour protéger cette dernière ? La question est controversée. D’après M. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1894, t. xvii, p. 13, les fortifications s’écartaient un peu de la muraille du Temple. Arrivées à la hauteur de ce que nous appelons la porte Dorée, elles remontaient vers l’ouest en suivant la dépression naturelle qui existe là, et venaient se terminer à l’angle nord-ouest du Temple, où elles étaient appuyées par deux tours que nous retrouverons mentionnées sous les noms de Méah et Hananéel. Cf. P. M. Séjourné, Les murs de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1895, p. 37-47. Les fouilles de M. Bliss ont jeté un jour tout nouveau sur la ligne méridionale de l’enceinte ; bien que trop tôt interrompues et que le résultat définitif ne puisse en être donné, elles n’en sont pas moins du plus haut intérêt. Voir Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, 1894, p. 169-175 ; 243-265 ; 1895, p. 9-25 ; 235-248 ; 305320 ; 1896, p. 9-22 ; 298-305 ; 1897, p. 11-26 ; 91-102, avec de nombreux plans.

Sur la cité de David, on peut voir : W. F. Birch, Zion, the City of David, dans le Quarlerly Statement, 1878, p 178-189 ; The City and Tomb of David, même revue, 1881, p. 94-100 ; The City of David and Josephus, ibid., 1884, p. 77-82 ; The approximate position of the castle of Zion, ibid., p. 1886, p. 33-34 ; von Alten, Zion, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1879, p. 1847 ; Die Davidsstadt, ibid., 1880, p. 116-176 ; Klaiber, Zion, Davidsstadt und die Akra innerhalb der alten Jérusalem, ibid., 1880, p. 189-213 ; 1881, p. 18-56 ; 1887, p. 1-37 ; C. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem, ibid., 1893, p. 237-246 ; 1894, p. 1-24 ; M. J. Lagrange ; Topographie de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1892, p. 17-38.

2. Sous les derniers rois de Juda : deuxième enceinte.

— À la chute du royaume d’Israël, les Hébreux qui réussirent à s’échapper vinrent pour la plupart se réfugier à Jérusalem, qu’il fallut dès lors agrandir. D’un autre côté, on pouvait craindre pour la ville sainte la ruine qui venait de frapper Samarie ; l’invasion assyrienne menaçait. Il fallait se prémunir contre l’attaque. Ce fut l’œuvre du pieux roi Ezéchias, et l’une des plus importantes. Elle se résume, d’après l’Écriture, II Par., xxxil, 3-5, 30, en trois grandes entreprises : réparer les murs et fortifier les parties faibles, amener dans l’intérieur de la cité, par des canaux souterrains, les eaux de l’extérieur et les soustraire à l’ennemi, enfin étendre l’enceinte de la ville. Des aqueducs, captant les sources des environs, suppléaient, nous l’avons vii, à l’aridité du sol de Jérusalem ; mais rien de plus facile à un assiégeant que de les intercepter. La principale, sinon l’unique source capable d’alimenter directement la place, c’est-à-dire, la fontaine de Gihon ou de la Vierge, était en dehors des murailles. Si, par des travaux antérieurs, les assiégés pouvaient y puiser à l’abri des traits de l’ennemi, elle n’en restait pas moins également au pouvoir de celui-ci. C’est pour cela qu’« Ezéchias boucha la sortie des eaux de Gilion d’en haut, et les dirigea par-dessous, à l’occident de la cité de David ». II Par., xxxii, 30 ; IV Reg., xx, 20. Il fit donc creuser dans la colline d’Ophel la galerie souterraine qui communique avec la piscine de Siïoé, et dont l’inscription hébraïque, découverte en 1880, décrit l’exécution. Voir Aqueduc, t. i, col. 804. Il chercha sans doute aussi à utiliser les provisions que pouvaient fournir quelques-unes des piscines environnantes.

Quant à l’agrandissement de la ville, il ne pouvait se faire que du côté du nord, puisque partout ailleurs les vallées y mettaient obstacle. L’Écriture ne détermine pas plus le tracé de cette deuxième enceinte que celui de la première. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous en donne une description malheureusement trop laconique : « Le deuxième mur, dit-il, avait son point de départ à la porte qu’on nomme Gennath et qui appartenait au premier mur ; enveloppant seulement la région septentrionale, il se prolongeait jusqu’à l’Antonia. » Les deux points d’attache de la nouvelle muraille sont donc nettement indiqués. Le dernier, situé au nord-ouest du Temple, n’oifre aucune difficulté. Pour retrouver le premier et suivre de là les vestiges des fortifications, faisons appel à la topographie et à l’archéologie, dont les lumières valent mieux que les raisons de convenance trop souvent apportées. Destiné à couvrir toute la région septentrionale par rapport à l’ancienne ville, le mur nouveau devait, d’après le relief du sol, tel qu’on le peut constater aujourd’hui encore en cette région, s’amorcer aussi près que possible de l’angle nord-ouest, déjà protégé sans doute par quelque édifice antérieur à la tour Hippicus. Le nom de Gennath donné à la porte septentrionale permet de supposer qu’elle ouvrait sur des jardins (hébreu : gan, gannâh). Or, d’après Josèphe, Bell, jud., V, ii, 2, les jardins bordaient la ville au nord, et la tradition chrétienne, conforme aux données évangéliques, a placé dans le jardin de Joseph d’Arimathie, au nord-ouest de la cité, le tombeau de Notre-Seigneur. Comme, d’autre part, on établit volontiers une porte de rempart à l’abri d’une ou de plusieurs tours, on peut fort bien croire que celle dont nous parlons était défendue par le voisinage d’Hippicus ou de ses antécédents. C’est d’après ces vraisemblances solides que plusieurs savants la placent dans la courtine qui, au temps de Josèphe, reliait les deux tours Hippicus et Phasæl. Cf. C. Schick, Die zweite Mauer Jerusalems, dans la Zeitschrift des Deutschen Paldstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 272, pi. VIII ; Das Tfialthor im alten Jérusalem, dans la même revue, t. xiii, 1890, p. 35, pl. i. Si ces conjectures n’ont été jusqu’ici positivement confirmées par aucune découverte archéologique, elles trouvent cependant un sérieux point d’appui daus les vestiges de l’antiquité qui marquent de ce côté le commencement de la deuxième enceinte. En 1886, en effet, on mit à jour, à l’extrémité nord du Mauqâf, dans l’alignement de la rue Schuaiqat Allân, un mur en grandes pierres de taille, percé de portes, qui se prolongeait d’est en ouest jusqu’à l’entrée de la rue Istambuliyéh, où il était rencontré obliquement par un mur beaucoup plus puissant et dont quelques blocs énormes étaient appareillés à refend. Voir fig. 251. Après une interruption peu considérable, la ligne de ce mur était recouvrée, plus au nord, sur une étendue d’environ trente mètres. Deux à trois assises demeuraient partout en place, les blocs rappelant par leur forme et leurs proportions les meilleures parties de la « Tour de David ». À l’extrémité méridionale, un angle de construction massive, disposée en talus comme un revêtement d’escarpe, fut découvert en même temps ; il semblait avoir couvert l’angle d’incidence de la muraille sur l’enceinte primitive. C’est un point décisif dans la question de l’embranchement du second mur. Cf. Selah Merrill, Récent discoveries at Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quarlerly Statement, 1886, p. 21-24 ; C. Schick, The second Wall, dans la même revue ; 1887, p. 217-221 ; 1888, p. 62-64. En 1900, durant la construction de l’université orthodoxe du couvent de Saint-Dimitri, on a trouvé le rocher presque à fleur de sol le long de la rue Istambuliyéh. Au contraire, en avançant vers l’est, on a constaté une énorme et brusque dépression, indice peut-être d’un ancien fossé, qui serait en parfaite relation avec les vestiges du mur relevé à l’angle nord-ouest de la rue hareï el-Mauâzin et plus à

l’est au débouché de cette rue sur la rue des Chrétiens. Le mur se prolongeait en droite ligne vers le Morislàn, qui en a conservé des traces. Lorsque, en effet, on jeta les fondements]du temple protestant, qui a succédé à SainteMarie-Latine (1893), on Vaperçut que l'église avait été posée presque sans fondations sur les décombres. À peu près exactement dans le grand axe de l'édifice, on rencontra un mur puissant, orienté d’ouest en est, présentant dans les parties sauves un appareil soigné en grands blocs, la plupart à refend. On le regarda dès lors comme un reste de la seconde enceinte. Cf. C. Schick, The second Wall of ancient Jérusalem, dans le Pal. Explor. Fund, 1893, p. 191493 ; 1894, p. 146.

Du Moristàn, en remontant vers le nord, on retrouve un vestige important de la même muraille, dans l'éta à fait droit. Le mur dans cette direction est d’un appareil assez semblable à celui du gros mur auquel il est lié. Il s’interrompt avant d’avoir atteint le bord d’un seuil de porte antique a, dont l’autre extrémité était accostée par un saillant aujourd’hui ruiné en partie, visible toutefois encore sur le front d’un autre mur, bc, qui n’offre aucun rapprochement avec ceux que nous venons d'étudier. On incline à croire que ee seuil de porte représente, au moins par son emplacement, une ouverture, probablement intérieure, de la seconde enceinte. ABCD seraient les débris d’un saillant extérieur destiné à couvrir l’entrée et à protéger un point faible de la muraille, qui laisserait ainsi le Calvaire et le SaintSépulcre à une centaine de mètres à l’ouest. Cf. C. Schick, New excavations in Jérusalem, dans le Pal. Expl. Fund,

P"Nn

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251. — La deuxième enceinte de Jérusalem. D’après la Revue biblique, 1902, p. 33.

blissement russe-situé à l’est du Saint-Sépulcre. Il y a là un groupe de ruines fort complexes, que nous n’avons fait qu’indiquer plus haut, col. 1338. Il nous suffira d’y remarquer les points suivants. Voir fig. 252. Un gros mur AB se développe du nord au sud sur une longueur de près de dix mèlres. Il est formé de deux ou trois assises de blocs à refend dont les dimensions varient de m 70 à 2 mètres. L’assise inférieure repose sur le roc vif dressé en escarpe, dont on a régularisé la crête au moyen de hlocs plus petits, sans refend, et par des entailles où sont encastrées les pierres d’appareil. Un autre mur AC court d’ouest en est et vient tomber sur l’extrémité méridionale du premier, en formant au point À un angle légèrement ouvert. Sa base repose également sur le Tocher, mais il n’a qu’une seule assise de blocs à refend. Au-dessus, la muraille, en petit appareil lisse, se rétrécit ; mais le soubassement offre une similitude parfaite avec le mur AB. Voir fig. 253. Ce dernier n’a qu’une ouverture ; l’autre en a trois, celle du milieu représentant peut-être une porte primitive. Le mur D qui tombe perpendiculairement sur la ligne AC n’est visible aujourd’hui que dans sa partie supérieure. Un retour d'équerre dans la muraille forme à l’orient de la ligne AB un angle qui n’est pas tout

1888, p. 57-60, pl. 1-3 ; Das Stadtviertel der Grabeskirche, der Lauf der zweiten Marier Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, t. viii, 1885, p. 259-273, avec plan restitué de cette partie de l’enceinte, pi. ix et x. Au delà du quartier du Saint-Sépulcre, le parcours des murailles est moins facile à suivre. On a cependant signalé, le long de la Voie douloureuse, notamment aux stations dites de Véronique et de Simon le Cyrénéen, divers débris de constructions antiques, présentant les caractères qui ont servi à rattacher entre eux les tronçons de muraille relevés depuis la tour Hippicus. Cf. E. Pierotti, Jérusalem explored, Londres, 1864, t. i, p. 33-34 ; C. Schick, Veronica’s House, dans le Pal. Expl. Fund, 1896, p. 214-215. Enfin, l’existence A& la contrescarpe du fossé qui isolait la muraille du Bézétha. depuis l’hospice autrichien jusqu'à VEcce-Romo, offre de sérieux motifs pour établir le passage de la deuxième enceinte parallèlement à la rue du Vieux-Sérail ou Tariq Serai ei-Qadinijusqu'àl’Antonia, dont le site, à l’angle nord-ouest du Haram, est incontestable. Cf. H. Vincent, La deuxième enceinte de Jérusalem, dans la Revue biblique, 1902, p. 31-57. La ligne d’enceinte que nous venons de décrire n’a évidemment

rien d’absolu ni de définitif ; des études et des découvertes futures peuvent la modifier. Elle a au moins le mérite de s’appuyer sur les données archéologiques et l’examen attentif du terrain. On remarquera comment elle laisse en dehors de la ville le Calvaire et le Saint-Sépulcre, dont l’authenticité est par là même garantie, non par des arguments a priori, mais par une méthode rigoureuse et scientifique.

Les travaux continuèrent sous le règne de Manassé. Mais quelle fut au juste l’œuvre de ce roi ? Il est difficile de le dire en présence d’un texte obscur : « Après cela, lisons-nous II Par., xxxiii, 14, il bâtit le mur extérieur

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252. — Restes d’anciens murs dans l’établissement russe.

de la cité de David à l’occident de Gihon, dans le torrent, et dans la direction de la porte des Poissons, et autour d’Ophel, et il l’éleva beaucoup. » Si Gihon désigne ici la vallée du Cédron, il s’agit peut-être d’un avantmur placé près du fond de la vallée, tandis que l’ancien mur suivait la crête de plus près. Si Gihon est la fontaine elle-même, il faut placer la construction à l’occident de la colline d’Ophel, le long de la vallée du Tyropœon, dans la direction de la porte des Poissons, qui, nous le verrons tout à l"heure, était à l’extrémité nord de cette dépression. Mais, dans ce cas, Manassé ne fil que relever la partie méridionale qui existait déjà du temps d’Ézéchias. Elle formait l’un des deux murs qui enfermaient la piscine de Siloé et que mentionnait Isaie, xxir, 11, lorsqu’il disait : « Vous avez fait un bassin entre les deux murs pour les eaux de la vieille piscine. » On avait donc déjà pensé à fortifier par un double rempart ce point vulnérable, le plus bas de la ville et conservant la pro ision d’eau. La « porte entre les deux murs » donnait sur les jardins du roi, « sur la voie qui conduit

au désert, » c’est-à-dire du côté du Jourdain, et c’est par là que, pendant le siège de Jérusalem par 1 armée de Nabuchodonosor, les guerriers et Sédécias s’enfuirent. IV Reg., xxv, 4. L’existence de cette double muraille a été constatée par les fouilles de M. Bliss. Le gros mur qui se dirige au nord-est est certainement très ancien et remonte à la période juive. Cf. Palestine Expl. Fund, Quarterly Statentent, 1895, p. 305-320. M. Schick, Die Baugeschichte der Stadt Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1894, p. 21, pense que la Bible, II Par., xxxiii, 14, indique un triple travail de Manassé. Le premier comprendrait un mur allant, à l’ouest d’Ophel, de la pointe méridionale de la colline jusqu’au Mello au nord, ou bien plutôt se détournant, au bout de 200 mètres environ, pour aller rejoindre vers l’est l’antique rempart jébuséen. Le second serait un ouvrage avancé défendant les abords de la porte des Poissons ; le troisième, un pan de muraille élevé au nord-est d’Ophel, se rattachant, d’un côté à la cité de David, de l’autre au coin sud-est du palais royal, qui, sur ce point, eût été également protégé par un double mur. Voir la carte, fig. 249.

Pour terminer cette étude de Jérusalem avant la captivité, il nous reste à jeter un coup d’œil sur les portes dont son enceinte était percée et les principales tours dont elle était flanquée. Elles sont presque toutes clairement indiquées dans II Esd., m ; xii, 31-39, où nous assistons à leur reconstruction par Néhémie. L’ordre même suivi par l’auteur sacré est notre meilleur guide pour connaître leur emplacement.

1° La porte du Troupeau (hébreu : sa’ar has-sô’n ; Septante : tc-jXïj ïj icpoâaTixïî). II Esd.’, iii, 1, 31 (hébreu, 32) ; xii, 38 (hébreu, 39). Il faut la chercher dans l’intérieur du Haram actuel, au nord, un peu plus bas peut-être que la porte appelée aujourd’hui bâb-el-’atm. Elle se trouvait ainsi dans la direction de la piscine Probatique.

2° La porte des Poissons (hébreu : sa’aihad-ddgîm ? Septante : ti-jàt] ï] ïj^uvipoi, ou i-/6uîxTJ, II Par., xxxiii, 14 ; II Esd., iii, 3 ; xii, 38 (hébreu, 39) ; Soph., i, 10, à l’ouest de la tour Hananéel, dans la vallée de Tyropœon.

3° La porte Ancienne (hébreu : sa’ar ha-yesdndh ; Septante : ti-jX ?]’Io-ocvâ selon le Codex Vaticanus, xou Ataavâ suivant VAlexandrinus et le Smaiticus), Il Esd., m, 6 ; xii, 38 (hébreu, 39), à l’angle que formait la muraille en descendant vers le sud en face de la colline du Saint-Sépulcre, dans l’alignement de la rue actuelle Hâret Bdb el-’Amûd ; k moins qu’on ne place là la porte d’Éphraim, dont il n’est rien dit au chapitre m de Néhémie. Le texte relatif à cette porte offre matière à critique. Voir t. i, col. 553-554.

4° La porte de Benjamin (hébreu : Sa’ar Binyâmin ; Septante : wjr Bevtotquv). Jêr., xxxvii, 12 ; Zach., xiv, 10. Quelques-uns l’identifient avec la porte Ancienne ; d’autres avec la porte d’Éphraim. Vo : r 1. 1, col. 554, 1599.

5° Importe d’Éphraim (hébreu : sa’ar’Éfraîm ; Septante : icûXï)’Eippaiu, ), II Esd., viii, 16 ; xii, 38 (hébreu, 39), en ligne droite au-dessous de la « porte Ancienne », à l’angle formé par la muraille lorsqu’elle retourne vers l’ouest. Elle correspondait ainsi à l’antique porte d’Éphraim qui appartenait à la première enceinte. IV Reg., XIV, 13 ; II Par., xxv, 23. Voir t. ii, col. 1881.

6° La porte de l’Angle (hébreu : sa’ar hap-pinnâh ; Septante : m-rt zra yuvia ;), mentionnée dans Jérémie, xxxi, 38, devait se trouver sur l’emplacement de la citadelle actuelle et correspondre peut-être à l’ancienne porte Gennath. Zacharie, xiv, 10, l’appelle « porte des angles » (hébreu : Sa’ar hap-pinnim ; Septante : jcûXyj t<ôv Y<im<ûv)’; elle était, en effet, dans cette hypothèse, entre l’angle rentrant et l’angle saillant des remparts. Elle était défendue par la tour des Fourneaux. Suivant certains auteurs, nous l’avons vii, la porte de l’Angle dans la première enceinte, IV Reg., xiv, 13 ; II Par., , xxv, 23 ; xxvi, 9, était à l’extrémité opposée, près la muraille du Temple. Voir t. i, col. 599.

7° La porte de la Vallée (hébreu : Sa’ar hag-gaya’; Septante:πύλη τῆς φάραγγος), II Par., xxvi, 9 ; II Esd., ii, 13, 15; iii, 13, au sud de la citadelle actuelle.

La porte Sterquiline (hébreu : sa’ar hâ-’aspôt; Septante : πύλη τῆς κοπρίας), II Esd., II, 13, iii, 13, 14 ; xii, 31, au sud-ouest de la colline occidentale ; c’est la porte des Esséniens de Josèphe, Bell. jud., V, iv, 2.

9° La porte de la Fontaine (hébreu : sa’ar hd’aïn ; Septante, πύλη τῆς πηγῆς, II Esd., iii, 15 ; πύλη τοῦ Ἀίν, II Esd., II, 14 ; πύλη τοῦ αἰνεῖν, II Esd., XII, 36 [hébreu, 37]), au sud-est, c’est-à-dire au-dessous de la piscine de Siloé.

10° La porte entre les deux murs (hébreu : Sa’arbên iia-hùmôfaim ; Septante : πύλη ἡ ἀνὰ μέσον τῶν τειχῶν ; IV Reg., xxv, 4 ; πύλη ἀνὰ μέσον τοῦ τείχους καὶ τοῦ προτειχίσματος, Jer., xxxix, 4 ; lii, 7), probablement une petite porte située entre la double muraille qui enfermait la piscine de Siloé, comme nous l’avons vu plus haut.

11° La porte des Eaux (hébreu : Sa’ar ham-niaim ; Septante : πύλη τοῦ ὕδατος), II Esd., iii, 26 ; viii, 1, 3, 16 ; xii, 36 (hébreu, 37), au nord-est de la colline d’Ophel.

12° La porte des Chevaux (hébreu : Sa’ar has-sûsîm ; Septante : πύλη τοῦ ἵππων), II Par., xxiii, 15 ; II Esd., iii, 28 ; Jer., xxii, 40, vers l’angle sud-est de l’enceinte du Temple, vis-à-vis le palais royal et ce que l’on a appelé les écuries de Salomon. Voir t. ii, col. 682.

13° La porte Orientale (hébreu : sa’ar ham-mizrâl) : Septante : πύλη τῆς ἀνατολῆς;), II Esd., iii, 29, entre la précédente et la suivante.

14° La porte Judiciaire (hébreu : sa’ar ham-rnifqâd ; Septante : πύλη μαφεκάδ), II Esd., iii, 30 (hébreu, 31), peut-être sur l’emplacement de la porte Dorée actuelle.

On cite encore : la porte Première (hébreu : sa’ar hâri’Sûn ; Septante : πύλη ἡ πρώτη)), Zach., xiv, 10 ; la porte du Milieu (hébreu : sa’ar hat-(âvék ; Septante : πύλη ἡ μέση), Jer., xxxix, 3 ; la porte des Tessons on du Potier (hébreu : Sa’ar ha-harsit ; Septante : πύλη τῆς χαρσείθ ; Vulgate : porta-fictilis), Jer., xix, 2 ; la porte de la Garde (hébreu : sa’ar ham-mattdràh ; Septante : πύλη τῆς φυλακῆς), II Esd., XII, 38 (hébreu, 39), qui sont inconnues ou doivent être identifiées avec l’une ou l’autre des précédentes.

Les tours principales étaient : au nord, la tour de Hananéel (hébreu : migdal lfânan’êl ; Septante, Codex Vaticanus : πύργος Ἁνανεήλ, II Esd., iii, 1 ; xii, 38 ; Cod. Alexandrinus et Vaticanus : πύργος Ἁναμεήλ, II Esd., iii, 1 ; xii, 38 ; Jer., xxxi. 38 ; Zach., xiv, 10), à l’angle nord-ouest de l’enceinte du Temple, où fut plus tard l’Antonia. À côté, vers l’est, était la tour d’Êmath (hébreu : migdal ham-Mê’àh), II Esd., iii, 1 (Vulgate : tvrris Centum cubitorum) ; xii, 38 (hébreu, 39). Voir Émath 4, t. ii, col. 1723.

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253. — Angle A des anciens murs trouvés dans l’établissement russe. Vue prise du sud avant la restauration.

Il y a là des difficultés textuelles qui feraient regarder l’existence de cette tour comme problématique. Cf. H. Vincent, La tour Méa, dans la Revue biblique, 1899, p. 582-589. À l’ouest, le rempart était protégé par la tour des Fourneaux ou des Fours (hébreu : migdal hat-tannûrîm ; Septante : πύργος τῶν θανουρίμ). Enfin, à l’est, défendant le palais royal, était la tour Saillante (hébreu : migdal hay-yôsé’ ; Septante: πύργος ὁ ἐξέχων). II Esd., iii, 25, 26, 27.

Nous avons établi cette seconde enceinte sur les données qui nous paraissent les plus solides, sans entrer dans les différents systèmes. On peut voir : Sayce, The topography of præ-exilic Jerusalem, dans le Palestine Expl. Fund, 1883, p. 215-223 ; Conder, Jerusalem of the Kings, même revue, 1884, p. 20-29 ; Birch, Notes on prae-exilic Jerusalem, ibid., 1884, p. 70-75 ; Schick, The second wall of ancient Jerusalem, ibid., 1893, p. 191-193 ; Die zweite Mauer Jerusalems, dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, 1885, p. 259-273, pl. viii; Die Baugeschichte der Sladt Jerusalem, même revue, 1894, p. 1-24, pl. i; F. Spiess, Die neueste Construction der zweiten Mauer Jerusalem und Josephus, ibid., 1888, p. 46-59.

De la captivité à la ruine de Jérusalem (70).


Tous ces ouvrages de défense ne sauvèrent pas de la vengeance divine la ville coupable de tant de prévarica

tions. En 587 avant J.-C, l’armée de Nabuchodonosor brûla le Temple et le palais royal, rasa les maisons, démolit les remparts et emmena le peuple captif à Babylone. Mais Jérusalem devait se relever de ses ruines, pour recevoir un jour le Sauveur du monde, qui voulait en faire le théâtre de son sacrifice.

4. Du retour de l’exil à Rérode le Grand.

Au bout de 71 ans, le Temple fut reconstruit par Zorobabel ; mais les murs de la ville restèrent abattus jusqu’en 445 avant J.-C, époque à laquelle Néhémie vint pour les relever. Il les refit sur leurs anciennes bases, en sorte que la seconde Jérusalem fut bâtie sur les fondements de la première. Pour comprendre ce qui est dit au

vers le nord jusqu’à leur point de départ. Sur cette restauration, voir C. Schick, Nehemia’s Mauerbau in Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâslina-Vereins, 1891, p. 41-62, pl. n.’La seconde Jérusalem maintint constamment son périmètre jusqu’en l’année 42 de l’ère chrétienne, laissant en dehors le mont Bézétha et la colline du Calvaire. Elle subit cependant quelques modifications intérieures. Anliochus IV Épiphane, roi de Syrie, après avoir saccagé et profané le Temple, envoya plus tard des gens pour brûler la ville et détruire ses murs. C’est alors que les Syriens « fortifièrent la ville de David avec une grande et forte muraille, et ils en firent leur citadelle », xa’i

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254. — Arche de Wilson. D’après The Recovery of Jérusalem, p. 76.

deuxième livre d’Esdras sur l’état des fortifications au retour de l’exil, ii, 11-15, sur leur reconstruction, iii, 4-31, sur leur dédicace, xii, 27-39, il suffit de se reporter à la description que nous venons de faire. L’enceinte resta la même avec ses portes et ses tours. Les Chaldéens n’avaient pas démoli partout la muraille de fond en comble ; certaines parties même, celles que ne mentionne pas l’auteur sacré, étaient sans doute restées plus ou moins intactes. Il fut donc facile aux Juifs d’en suivre le pourtour et de la ramener autant que possible à son état antérieur. La restauration, commencée par la porte du Troupeau, au nord, se continua vers l’ouest ; puis, de la tour des Fourneaux, elle descendit vers le sud, pour retourner à l’est vers la colline d’Ophel. Là, la Bible, II Esd., iii, 15, 16, nous fait remarquer que les murs de la piscine de Siloé furent refaits, que l’enceinte passait devant « les degrés qui descendaient de la cité de David » et longeait « le tombeau de David », détails qui corroborent l’opinion d’après laquelle il faut chercher « la cité de David » sur la colline orientale. Après la source de Gihon, les ouvriers poursuivirent leur œuvre

èfévETO a-jToïç eîç ôéxpav. I Mach., i, 35 (grec, 33). Pendant vingt-cinq ans, ils habitèrent cette forteresse, qui tint en suspens les destinées de la cité sainte. Ils lui donnèrent, de même que les autres Grecs habitant Jérusalem, le nom à’Acra qui signifie simplement « citadelle » et s’appliqua en même temps à la colline qui la portait. Bon nombre d’auteurs, oubliant cette origine, ont fait d’inutiles efforts pour retrouver le mont Acra et lui assigner sa place parmi les autres collines sur lesquelles est bâtie la ville. Ils l’ont ordinairement indiqué, avec la ville basse de Josèphe, entre le Saint-Sépulcre et le fond de la vallée du Tjropœon. Voir fig. 237, col. 13251326. h’Acra était plutôt située sur la colline orientale, c’est-à-dire sur celle que Josèphe, Bell, jud., V, IV, 1, nous représente au delà de la vallée du Tyropœon. Après avoir, en effet, mentionné celle qui portait la ville haute, et qui était de beaucoup la plus élevée et la plus droite dans le sens de la longueur, il ajoute : c L’autre colline s’appelle Acra, est recourbée aux deux extrémités et soutient la ville inférieure. En face de cette dernière était une troisième colline, naturellement plus basse

que Acra, et séparée par une large vallée, auparavant différente : dans la suite, au temps où les Asmonéens régnaient, ils comblèrent la vallée, voulant réunir la

255. — Arche de Wilson. D’après The Recovery o Jérusalem, p. 81.

était tout près du Temple, si près que, comme nous venons de le voir, on fut obligé de la détruire pour qu’elle ne dominât point celui-ci. Nous lisons également I Mach., iv, 41, que Judas Machabée, après sa victoire sur Lysias, montant à Jérusalem pour purifier le Temple, voulut que les prêtres ne fussent pas troublés dans leurs cérémonies et pour cela commanda à ses hommes de combattre ceux que les Syriens avaient laissés dans leur forteresse. Sous le règne d’Antiochus Épiphane, on construisit à Jérusalem, au pied de la citadelle, un gymnase et une éphébée. I Mach., i, 15 ; II Mach., iv, 9, 12. Voir Gymnase, col. 369 ; Éphébée, t. ii, col. 1830. Les Asmonéens élevèrent la tour Baris, qui lit plus tard partie de la forteresse Antonia. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4. Ils se bâtirent ensuite, dans le coin nord-est de la ville haute, un palais qui avoisinait et dominait le Xyste. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xvi, 3. 2. À l’époque d’Hérode le Grand.

Jérusalem devait naturellement bénéficier des idées de grandeur et de la munificence qui portèrent Hérode à enrichir la Palestine de magnifiques monuments. L’œuvre principale de son règne fut la restauration du Temple. Nous n’avons point à rechercher ici les agrandissements et embellissements qu’il apporta à l’enceinte et à l’édifice sacrés. Voir Temple. Mais nous devons dire comment, à cette époque, l’esplanade du Moriah était reliée à la colline occidentale. Ce n’est pas que les travaux entrepris pour franchir la vallée du Tyropœon remontent seulement à cette date. Il serait étonnant que, dans les âges précédents, on n’eût pas eu la pensée d’unir par un viaduc quelconque les deux parties de la ville. Mais les données historiques et archéologiques otîrent ici à notre étude

ville au Temple, et ayant travaillé le sommet de l’Acra, ils le rendirent plus bas, de sorte que le Temple le dominait. » Il ressort de ce texte que la troisième colline, qui semble bien correspondre à celle où l’on voudrait voir Acra, en est tout à fait distincte. Mais si l’acropole syrienne était à l’orient, à quel point précis la placer ? Tel est le problème, et il n’a jusqu’ici reçu aucune solution certaine. D’après le texte de I Mach., i, 35, il faudrait la chercher sur l’Ophel, « la cité de David, » où se trouvait autrefois déjà la forteresse jébuséenne, et c’est ce que font plusieurs auteurs. Mais, d’autre part, Josèphe, Ant. jud., XIII, vi, 6, nous dit que Simon, ayant attaqué l’Acra de Jérusalem, la mit au niveau du sol, pour qu’elle cessât d’offrir aux ennemis un refuge d’où ils faisaient beaucoup de mal aux Juifs. Mieux que cela même, il crut devoir abaisser le mont sur lequel elle était bâtie, et qui dominait le Temple. Le peuple consulté se mit à l’œuvre, et, par un travail incessant, nivela si bien la montagne, que le Temple finit par l.i dominer. Cet abaissement ne pouvait s’effectuer sui’l’Ophel, qui était beaucoup plus bas que le Moriah ; au sud du Temple, il n’y avait que l’esplanade artificielle créée par Salomon et qui était à un plan inférieur. L’œuvre, au contraire, pouvait s’accomplir au nord, on le mont Moriah s’élève assez considérablement. Et, effectivement, en face de la troisième colline dont nous venons de parler, à l’extrémité nord-ouest et dans l’enceinte actuelle du Haram esch-Schérif, on a remarqué un rocher qui a été taillé, nivelé, abaissé. Son altitude n’est plus que de 740 mètres : il était donc, comme le dit Josèphe, devenu plus bas que le Temple, dont le sol était de 744 mètres. Mais, avant cet abaissement, il devait atteindre, comme le rocher voisin sur lequel reposait l’Antonia, au moins 750 mètres, peut-être davantage, et, par conséquent, la colline d’en face, dont L( hauteur moyenne est de 737 à 744 mètres, était naturellement plus basse, taraivikEpoç <p’j<jei. On peut croire alors, dans cette hypothèse, que l’expression « cité de David », I Mach., i, 35, a un sens large et comprend le Moriah et l’Ophel.

, Ce qu’il y a de certain, c’est que l’Acra des Syriens

Arche de Robinson. D’après une photographie.

une base plus solide. Josèphe, Ant. jud., XIV, iv, 2 ; Bell, jud., II, xvi, 3, parle d’un pont qui allait du Temple à la ville supérieure et rejoignait le Xyste, place ornée de colonnades, voisine, comme nous venons de le

dire, du palais des Asmonéens. D’autre part, parmi les plus curieux vestiges de l’antiquité que les fouilles ont mis à jour, il en est deux qui nous permettent d’apprécier les travaux au moyen desquels on pouvait traverser de plain-pied le Tyropœon. Ce sont les arches appelées du nom des deux explorateurs, Wilson et Robinson, qui en ont dégagé les fondations. Nous n’avons fait que les signaler en parcourant la ville, voir col. 1342 ; elles méritant d’arrêter en ce moment notre attention. L’arche de Wilson, au-dessous de la porle du Haram, nommée Bâb es-Silsiléh, a 13 mètres de largeur et est construite de blocs qui ont de deux à quatre mètres de longueur. Voir fig. 254. Le long du Harnm, sur lequel elle s’appuie à l’sst. on a trouvé, à sept mètres de profondeur, dans uns tranchée pratiquée du côté sud, une masse de I

tentrional, et c’est après ce remaniement que l’arche aurait été construite. On croit ce viaduc contemporain de la dynastie iduméenne, mais il a été réparé à l'époque byzantine. L’arche de Robinson, à 12 mètres au nord de l’angle sud-ouest, possède encore trois rangs de vonssoirs, occupant une largeur de ÎS^SO. Voir fig. 256. Le pilier, bâti sur le rocher, à 12 ln 80 au-dessous de la naissance de l’arche, mesurait 15 m 50 de long sur 3 W 60 d'épaisseur. Il n’en reste que les deux assises inférieures et une partie de la troisième. Elles sont formées de beaux blocs en bossage, taillés comme ceux du mur du sanctuaire, à l’angle sud-ouest. Entre ce pilier et le mur du Haram, à 17 mètres au-dessous de la surface du sol, et de niveau avec la base du pilier, on a retrouvé un ancien pavé, en pierre calcaire, s’inclinant légèrement à l’est,

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257. — Arche de Robinson, d’après le Palest. Expl. Fund, Quart. St., 1880, p. 14.

voussoirs et de pierres ayant évidemment appartenu à une arche plus ancienne. Voir fig. 255. À 13 nl 20 et à 15 m 30, l’eau s’est rencontrée, coulant du nord au sud ; peut-être était-elle autrefois recueillie dans le canal dont nous parlerons tout à l’heure. Le mur du Haram est ici formé de beaux blocs à bossage semblables à ceux du mur des Lamentations. À partir des fondations, on ne compte pas moins de 21 assises, de 1 mètre à l m 20 de hauteur, admirablement conservées. Le pilier de l’arche, à l’ouest, est composé de sept assises de pierres taillées, mesurant de m 95 à l m 25 de hauteur, semblables à celles que l’on voit au-dessus des pierres à bossage de la place des Pleurs. La hauteur de cette maçonnerie est de 7 mètres environ, la largeur tle 4 m 35. Une galerie, pratiquée à la base même du roc, a montré qu’il incline à l’est. Une tranchée ouverte à l’ouest du pilier a fait découvrir une chambre voûtée munie d’une îenêtre murée, derrière laquelle s'étend une série de voûtes à arches semi-circulaires, situées dans le prolongement de l’arche. Elles sont sur une double ligne, les voûtes du sud ayant 7 mètres de largeur et celles du nord, 6 m 30, ce qui donne à peu près la largeur de l’arche de Wilson. La partie méridionale est la plus ancienne et constituait probablement la chaussée originelle. On l’aurait agrandie, en y ajoutant le côté sep sur lequel gisaient les voussoirs tombés de l’arche. Voir fig. 257. Il repose sur une énorme couche de débris, au-dessous de laquelle on a découvert deux voussoirs d’une arche tombée, dont l’un mesure 2 m 10 de longueur, et plus de 1 mètre de largeur et de hauteur. Ces voussoirs gisaient à travers la voûte d’un canal creusé dans le roc, situé à 24 mètres au-dessous de la surface actuelle du sol, et courant du nord au sud, parallèlement au mur du Haram. C’est cet aqueduc qui devait recevoir les eaux dont nous avons constaté la présence sous le premier viaduc. En tournant maintenant nos regards du côté de l’ouest, nous remarquerons à 75 mètres du mur du Haram, les restes d’une colonnade formée de piliers reposant sur le roc, à 5 m 40 au-dessous du sol, et construits en beaux moellons d’un grès tendre. Des débris d’arches ont été retrouvés entre ces piliers, qui se prolongent vers l’est et formaient sans doute un viaduc de niveau avec l’arche de Robinson. Nous aurions donc ici les restes de deux ponts d'époque différente ; le premier, dont une partie est visible encore, serait du temps d’Kérode, le second, dont deux voussoirs gisent au fond du ravin, serait beaucoup plus ancien. « On ne nous donne pas de détails sur la forme et la taille de ces voussoirs ; mais il est difficile pourtant de ne point conclure de ces observations

qu’à une époque antérieure au système de l’appareil à refends, un pont aurait été jeté, mais à un niveau plus bas, entre la colline occidentale et celle du Temple.

258.— Plan de la citadelle. D’après C. Schick, dans la Zettschrift des Deutschen PalastinaVerems, 1890, p. 64.

Ce premier pont ne pourrait alors appartenir qu’au temps des rois de Juda ; il remonterait peut-être à Salomon lui-même. Élèves des Égyptiens et des Assyriens, les maîtres des Juifs, les Phéniciens, connaissaient le principe de la voûte ; ils ont pu l’appliquer ici dès le xe siècle. » Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 168. Cf. Palestine Exploration Fund, Quart. Slat., 1880, p. 9-30, avec plusieurs plans ; Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, p. 76-111 ; Warren et Conder, Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 173-209.

A l’angle nord-ouest de l’esplanade du Temple, Hérode éleva la forteresse Antonia, à laquelle furent joints des appartements de toute nature, des cours à portiques, des bains, en sorte que, par sa magnificence, elle semblait un palais. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, v, 8. Pour la rendre inaccessible, il la fit séparer du mont Bézétha par un fossé très large et très profond. Voir Antonia, t. i, col. 712. Il se bâtit, en outre, une splendide maison royale dans l’angle nord-ouest de la ville haute, sur l’emplacement actuel de la caserne turque et du jardin des Arméniens. Il l’entoura d’un mur très élevé, flanqué, au nord, de trois tours qui étaient d’une structure et d’une hauteur remarquables, et qu’il appela : Hippicus, du nom d’un de ses amis ; Phasaël, en mémoire de son frère aîné ; et M ariamne, pour perpétuer le souvenir de sa seconde et malheureuse femme, qu’il avait éperdûment aimée. L’intérieur du palais était d’une richesse extraordinaire, plein de bosquets, d’ombre et de fraîcheur. On peut voir la description qu’en fait Josèphe, Bell, jud., V, iv, 4. La tour nord-ouest de la citadelle peut répondre à la tour Hippicus. Voir fig. 258. Celle-ci, au dire de Josèphe, Bell, jud., V, iv, 3, était un carré de 25 coudées (environ 13 mètres) de côté, ce qui concorde assez avec les dimensions de la construction actuelle. Celle du nord-est, appelée communément tour de David, représente bien par sa forme et sa structure inférieure, la tour Phasæl, à laquelle Josèphe,

ibid., donne quarante coudées (environ 21 mètres) en longueur et en largeur. Elle a, en réalité, 21 mètres de long sur 17 de large, ce qui constitue une différence assez légère. À partir du pied, dans le fossé, elle est bâtie, jusqu’à une hauteur de 12 mètres, pn grosses pierres à refends, mais à surface brute ; la rainure a bien été creusée, mais la table centrale qu’elle embrasse n’a pas été aplanie. Voir fig. 259. Les blocs unis sans mortier sont placés de manière que celui de dessus est posé en travers de celui de dessous. Toute cette vieille partie est massive, sauf un petit couloir au côté ouest. Les assises du haut sont de construction moderne ; nous n’en avons pas moins là le plus beau spécimen des anciennes tours de Jérusalem, dont les soubassements reposaient sur le roc ou sur un cube de maçonnerie massive. Cf. C. Schick, Der Davidsthurm m Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina-Vereins, 1878, p. 226-237, pl. i-ni. Quant à la tour Mariamne, elle avait, selon Josèphe, ibid., 20 coudées (10 mètres 50) de côté ; c’était la plus petite, mais la plus belle intérieurement. Occupait-elle la place de celle qui se trouve près de la précédente, au sud ? Nous ne savons.

Hérode bâtit à Jérusalem un théâtre, et, dans la vallée, un très grand amphithéâtre. Josèphe, Ant. jud., XV, vin, 1. M. Schick a découvert, il y a plusieurs années, les vestiges d’un théâtre ancien, situé au sud de la ville. Si l’historien juif ne parle pas de l’intérieur même de la cité, nous avons là certainement la place du monument élevé par le roi iduméen. Cet emplacement se trouve au sud de Vouadi er-Rebâbi, au sud-ouest de Bir Éyûb. Les collines qui s’étagent de ce côté sont

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259. — Tour de David. D’après une photographie.

séparées par deux vallées profondes, descendant de l’ouest à l’est vers Vouadi en-Nar. Voir la Carte des environs de Jérusalem, de C. Schick, dens la Zeitschrift

des Deut. Pal.-Vereins, 1895, pl. 4. La première s’appelle ouadi esch-Schama, la seconde, ouadi Yasûl. C’est sur le flanc méridional de la première qu’on rencontre l’hémicycle qui dessine encore les contours du théâtre. Voir fig. 260. L’endroit était choisi à merveille. Les parois de la colline, formées d’un rocher tendre, ont été taillées de manière à porter directement les gradins. Comme tous les anciens théâtres romains, celui-ci regardait le nord, pour éviter le trop grand soleil, et les spectateurs avaient devant les yeux le magnifique panorama de la ville. L’hémicycle avait un diamètre d’environ 45 mètres. De toutes ses splendeurs, il ne reste plus rien ; on n’a retrouvé que deux pierres taillées en corniche. Cf. C. Schick, Herod’s amphithéâtre, dans le Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1887, p. 161-166, avec plan et coupes. On a constaté que l’acoustique y est excellente. Cf. Germer-Durand, Le théâtre d’Hérode à

260. — Théâtre d’Hérode. D’après le Palest. Expl. Fund, Quart. Stat., 1887, p. 1C2.

Jérusalem, dans les Échos de N.-D. de France, Paris, avril 1896, p. 72.

Il est facile maintenant de se représenter la ville sainte, telle qu’elle était au temps de Notre-Seigneur. Avec ses hauts murs flanqués de bastions, ses nombreux palais, et surtout son enceinte sacrée, elle devait offrir un coup d’oeil splendide. Le Temple la dominait de toute la magnificence de ses richesses, comme de la majesté de l’idée religieuse qu’il représentait. Avec ses portiques aux immenses colonnes, son revêtement de marbre blanc, les aiguilles d’or qui couronnaient le sanctuaire, il ressemblait, vu de loin, à une montagne de neige, teintée de pourpre et d’or par les rayons du soleil levant. Josèphe, Bell, jud., V, v, 6. S’il faut en croire le même historien, ibid., V, iv, 3, les murailles de la première enceinte avaient 60 tours, celles de la seconde quatorze. Mais, par suite de la prospérité qu’elle acquit sous Hérode, la ville, franchissant le cercle de pierres qui l’enfermait, ^'étendit vers le nord. Le mont Bézétha, tout le territoire voisin de la eolline du Golgotha se couvrirent peu à peu de maisons et de jardins, dont l’ensemble devait offrir aussi un très bel aspect. Voir Jardins, col. 1130. Jérusalem était donc une cité imposante, bien qu’elle eût à l’intérieur des rues étroites et tortueuses, rattachées cependant comme aujourd’hui, croyons-nous, par des artères principales que la nature du terrain doit avoir tracées de tout temps. Outre la place principale, sur laquelle était le Xyste, elle avait encore la place des Bouchers, celle des Ouvriers en laine, le marché supérieur. Cf. Mischna, Erubhin, c. S, hal. 9 ; Josèphe, Bell, jud., V, viii, 1. Elle possédait surtout un nombre presque incroyable de synagogues. Il y en avait

460 ou même 480, d’après le Talmud de Jérusalem, Mégillah, fol. 73 6 ; Ketuboth, 35 b. « On comprend ce chiffre exorbitant, lorsqu’on sait qu’aujourd’hui, dans les villes musulmanes, le nombre des mosquées n’est pas moins considérable. Chaque famille a pour ainsi dire la sienne. Les synagogues de Jérusalem étaient certainement la propriété exclusive des grandes familles, et surtout des corporations. Il y en avait une, par exemple, appelée synagogue des chaudronniers. De plus, les étrangers de passage dans la ville avaient à leur usage la synagogue spéciale de la contrée d’où ils venaient ; il y avait les synagogues des Cyrénéens, des Ciliciens, des Asiatiques, des Alexandrins. Act., VI, 9. Dans celle-ci on employait la langue grecque et on lisait la traduction des Septante. Talm. de Jérus., Sota, 21 6. Toutes ces synagogues étaient très fréquentées et chaque matin, au lever du jour, les rues se remplissaient de femmes, de scribes, de Pharisiens, leurs tefilhn attachés sur le bras, se rendant à leur synagogue préférée. <> E. Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 61. Et c’est sur cette ville qu’un jour le divin Maître pleura. Luc, xix, 41.

3. Troisième enceinte (de l’an 45 à l’an 70). — Les agrandissements dont nous venons de parler nécessitèrent une nouvelle enceinte, pour abriter les quartiers récemment formés. Ce fut le roi Hérode Agrippa I er qui entreprit ce travail colossal. Grâce à Josèphe, Bell, jud., V, iv, 2, nous pouvons suivre exactement les développements de la troisième muraille. Voir fig. 249. Partant de la tour Hippicus, elle s'étendait, au nord, jusqu'à la tour Pséphina. De forme octogonale, celle-ci, par son élévation et l’emplacement qu’elle occupait, était la plus haute de Jérusalem, en sorte que, de son sommet, on pouvait, au lever du soleil, voir la Judée depuis l’Arabie jusqu'à la Méditerranée. Josèphe, Bell, jud., V, IV, 3. Elle se trouvait à l’angle nord-ouest de la ville actuelle, là où l’on a retrouvé les restes d’une ancienne forteresse dite Qasr Djâlûd, « forteresse de Goliath, » sur le terrain où les frères de la Doctrine chrétienne ont bâti leurs écoles. Cf. Pal. Expl. Fund, Quart. Stat., 1878, p. 78 ; C. Schick, Die antïken Reste an der Nordwestmauer von Jérusalem, dans la Zeilschrift des Deut. Pal.-Vereins, 1878, p. 15-23, avec plan, pl. iv ; Survey of Western Palestine, Jérusalem, p. 264-267. De là, l’enceinte passait devant le monument d’Hélène, reine des Adiabéniens, puis par les cavernes rojales, qui sont en face de la grotte de Jérémie. Voir Carrières, t. ii, col. 319. Arrivée à la tour angulaire, près du monument du Foulon, elle allait, par la vallée du Cédron, se réunir à l’ancien mur, c’est-à-dire à l’angle nord-est de l’esplanade du Temple. Comme on le voit, elle suivait à peu près exactement l’alignement de la muraille septentrionale de la ville actuelle, depuis la porte de Jaffa jusqu'à la porte Bâb Sitti Mariant. Josèphe, dans le même passage, ajoute que la cité eût été inexpugnable, si cette troisième enceinte eût été terminée comme Hérode Agrippa I er l’avait commencée. Les blocs de pierre que celui-ci avait employés mesuraient, en effet, 20 coudées (10-40) de long sur 10 coudées (5° » 20) de large, en sorte qu’il n’aurait pas été facile de les briser avec le fer, ni de les ébranler avec les machines. Craignant d'éveiller les susceptibilités de Claude César, le roi suspendit ce travail, que les Juifs achevèrent plus tard sous Agrippa II, en donnant au mur une hauteur de 25 coudées et en se servant de blocs de pierre de moindres dimensions. Malgré sa force imposante, la seconde Jérusalem devait bientôt tomber sous les coups de Titus, comme la première avait succombé sous ceux de l’armée de Nabuchodonosor.

La Jérusalem biblique finit avec Titus ; nous n’avons donc pas à pousser plus loin notre étude. De son noyau primitif, c’est-à-dire de la colline du sud-est, elle s’est successivement étendue sur les hauteurs voisines, qu’elle Jérusalem. — Vue prise du Mont des Oliviers (1901), d’après une photographie de M. Dissaro.

a fini par enfermer dans sa triple enceinte. Au moment où nous la quittons, elle a atteint des limites qu’elle ne dépassera plus au cours de sa longue histoire. La richesse de ses monuments fait revivre sa gloire d’autrefois, sous Salomon. À part le Temple, qui sera décrit en son lieu, nous avons essayé de la reconstituer à ses différents âges, dans ses lignes essentielles. Dans cet ensemble de collines, de maisons, de palais, bientôt un seul point fixera les regards du monde, d’un monde nouveau. Ce n’est pas le Temple, qui va disparaître pour toujours, mais un petit monticule entouré de jardins, près d’une des portes de la ville, le Golgotha. Marqué du sang de la Rédemption, il restera un instant enseveli sous les ruines de la cité déicide, mais pour ressusciter daus la gloire, comme Celui qui voulut y réaliser les figures de l’Ancien Testament et en faire le berceau de la Nouvelle Alliance.

III. Histoire.

Jérusalem tient une telle place dans la vie du peuple hébreu, que son histoire complète serait presque l’histoire du peuple lui-même. Nous n’avons à rappeler ici que les événements qui la concernent directement. Après avoir, dans les pages précédentes, résumé les principales phases de son passé au point de vue archéologique, il ne nous reste qu'à consigner les faits les plus mémorables qui se sont accomplis dans son sein. L’ordre que nous suivrons sera le même.

I. de l’omginb À la capti virÉ. — 1° Avant David. — A quelle époque et par qui fut fondée Jérusalem ? L’histoire ne nous le dit pas. Josèphe, Bell, jud., VI, x, en attribue la première origine à Melchisédech, qui, après y avoir dressé un autel, changea le nom primitif de Salem, SdXujioc, en celui de Jérusalem, 'IspoirtiAUjia, ou « la sainte Solyme ». Nous avons là, sans doute, l'écho d’une tradition ancienne, mais elle semble aussi fragile que l'étymologie qu’elle vient appuyer. Saint Jérôme, Epist. Lxxiii, t. xxii, col. 680, la rejette et soutient que la ville dont Melchisédech était roi se trouvait dans les environs de Scythopolis ou Bethsan (aujourd’hui Bétsâri). Il ne nie pas, cependant, que Jérusalem ait été anciennement appelée Salem. Cf. Epist. Lxxiri, t. xxii, col. 677. Un certain nombre d’exégètes partagent l’avis du saint docteur. D’autres pensent, malgré ces autorités, que le récit de la Genèse, xiv, 18, nous transporte bien à Jérusalem, sans pour cela en assigner la fondation à celui qui en était le prêtre-roi, à Melchisédech. Voir Salem. De l'époque d’Abraham à la conquête israélite, l'Écriture garde le silence sur la cité chananéenne. Une découverte très importante faite en Egypte, à Tell el-Amarna, en 1887, a en partie comblé cette lacune. Les lettres assyriennes qu’on y a trouvées nous montrent que, vers 1400 avant l'ère chrétienne, par conséquent avant l’exode des Hébreux, Urusalim comptait déjà parmi les principales villes du midi de la Palestine. Elle avait à ce moment pour gouverneur Abd-kiba, vassal du pharaon Amenhotep, de la dixhuitième dynastie. Le préfet se plaint auprès de son suzerain des incursions d’un certain peuple nommé les Jfabiri, peut-être les Hébreux, qui ont poussé l’audace jusqu'à assiéger Jérusalem. Il demande des secours avec instance. Cf. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, Berlin, 1896, lettres 179-185, p. 302-315 ; H. Zimmern, Palûstina um dos Jahr 1400 vor Chr. nach neuen Quellen, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, 1890, t. xiii, p. 138-142 ; Fr. Hommel, Die altisrælitische Ueberlieferung in inschriftlicher Beleuchtung, Munich, 1897, p. 155-160. Jérusalem était donc alors, comme le pays de Chanaan, tributaire de l’Egypte, soumise au gouvernement égyptien. Cf. A. J. Delattre, Le pays de Chanaan, province de l’ancien empire égyptien, dans la Revue des Questions historiques, 1896, t. lx, p. 5-94. Voir Palestine.

Lorsque les Hébreux entrèrent dans la Terre Promise,

D1CT. DE LA BIBLE.

la ville qu’ils devaient rendre si célèbre était au pouvoir d’une peuplade chananéenne, les Jébuséens, et s’appelait Jébus. Voir Jébus, Jébuséens, col. 1208, 1209. Le roi était Adonisédech, » le seigneur de la justice, » dont le nom, par la forme et le sens, rappelle celui de Melchisédech, « roi de justice. » Effrayé de la prise de Jéricho, de Haï, de la défection des Gabaonites, sentant déjà la menace de l’invasion, ce prince voulut opposer une digue au torrent dévastateur. Il fit une alliance avec les rois d’Hébron, de Jérimoth, de Lachis et d’Eglon, et vint mettre le siège devant Gabaon, pour la châtier et tout à la fois empêcher les autres villes de suivre son exemple. Mais Josué, prévenu à temps, délivra les assiégés et mit à mort le chef de la ligue avec ses confédérés. Jos., x, 1-27 ; xii, 10. Malgré celle délaite, les Jébuséens défendirent valeureusement leur cité, qui échappa au pouvoir des Israélites et servit de limite aux deux tribus de Juda et de Benjamin. La ligne frontière passait, en effet, au sud, par la vallée de Hinnom, laissant la ville à la seconde de ces tribus. Jos., xv, 8, 63 ; xviii, 28. Voir Benjamin 4, et la carte, t. i, col. 1589. Cette circonstance explique comment les deux voisins se la disputèrent après la mort de Josué. Juda l’attaqua une fois avec succès, il s’en empara, passa les habitants au fil de l'épée et la livra aux flammes. Jud., i, 8. Cependant, les Jébuséens restèrent en possession de leur citadelle, sur la colline de Sion, et habitèrent avec les enfants de Benjamin. Jud., i, 21. Leur nombre même s’accrut tellement que Jérusalem pouvait être appelée « la ville d’une nation étrangère ». Jud., xix, 12.

Sous David.

La cité demeura donc entre les

mains des Jébuséens pendant tout le temps de la domination des Juges et durant le règne entier de Saûl. Mais David, devenu maître de tout Israël, voulut en faire sa capitale. Avec son coup d'œil de soldat et d’administrateur, il jugea tout de suite le parti qu’il pouvait tirer de cette place, qui, par sa position et ses avantages naturels, semblait désignée pour être le boulevard politique et religieux de la nation. Voir plus haut, col. 1320, 1321. C’est lui qui, en somme, peut être appelé le vrai fondateur de Jérusalem. Mais il fallait déloger les habitants de leur forteresse, et ce n'était pas chose facile. Ceux-ci avaient une telle confiance dans la force inexpugnable de Sion (voir plus haut Topographie ancienne, col. 1352), que, lorsqu’ils virent le jeune roi s’approcher avec une armée considérable, ils répondirent à son audace par une orgueilleuse moquerie : les aveugles et les boiteux suffiraient pour défendre les remparts. Ils se repentirent bientôt de leur insolence. David, irrité de cette insulte, opyiaOsi ;, dit Josèphe, Ant jud., VIII, m, 1, promit de nommer général en chef de toute l’armée celui qui, le premier, escaladerait la forteresse et terrasserait le Jébuséen. CefutJoab qui obtint la récompense. Sion tomba entre les mains de David, qui en fit sa résidence, sa « cité ». II Reg., v, 6-9 ; I Par., xi, 4-7. C’est la première fois qu’apparaît dans l’histoire ce nom mémorable de Sion, qui représentera bientôt et dans la suite des siècles la demeure de Dieu sur la terre.

Le premier soin du conquérant fut d’entourer sa ville, c’est-à-dire la colline sud-est, de solides murailles qui la reliaient à la citadelle. Mais l'événement qui marquait si heureusement les débuts du jeune prince eut son retentissement chez les peuples voisins. Iliram, roi de Tjr, envoya bientôt à David une ambassade, avec des bois de cèdre et des ouvriers pour lui bâtir un palais. II Reg., v, 11 ; I Par., xiv, 1. La demeure royale, élevée sur une des terrasses d’Ophel, devenait une nécessité pour recevoir la famille toujours croissante du fils d’Isaï. II Reg., v, 13-16 ; I Par., iii, 5-9 ; xiv, 3-7. Jérusalem était désormais la capitale du royaume de plus en nlus affermi ; elle allait devenir le centre religieux de la nation en recevant l’arche d’alliance. Le roi

III - 44

voulut, en effet, avoir près ue lui l’arche sainte, symbole de la présence divine. Il la fit transporter avec la plus grande solennité sur la colline de Sion, dans un tabernacle construit à côté du palais, " ce fut un jour d’allégresse et de prières pour le peuple tout entier. II Reg., vi, 1-49 ; I Par., xv, xvi. La puissance royale s'étendit ensuite peu à peu par la soumission des Philistins, le tribut imposé aux Moabites, la défaite du roi de Soba, des Syriens de Damas, des Iduméens. Toutes ces victoires avaient apporté à Jérusalem d’immenses quantités d’or, d’argent, de cuivre et d’autres métaux. David conçut le projet de les consacrer au Seigneur, en lui élevant un magnifique temple, mais cette gloire était réservée à son fils. Une tentation d’orgueil le poussa en même temps à ordonner le recensement de son peuple. La punition de cette faute fut une peste épouvantable, qui fit périr 70 000 hommes. Déjà l’ange exterminateur, debout entre ciel et terre, au-dessus de l’aire du Jébuséen Oman, étendait sa main contre Jérusalem pour la frapper, lorsque Dieu, ému de pitié, l’arrêta. Pour remercier le Seigneur de la cessation du fléau, David acheta l’aire, qui était située sur le mont.Moriah, et y dressa un autel, sur lequel il offrit des holocaustes.

II Reg. xxiv ; I Par., xxi. Ne pouvant construire le Temple, il voulut au moins en préparer les matériaux. Les pierres, taillées par de nombreux ouvriers, furent transportées à Jérusalem. Il fit venir de Tyr et de Sidon une grande quantité de bois de cèdre, entassa d’immenses provisions de cuivre et de fer, et accumula l’or et l’argent pour cette œuvre qui avait été le rêve de sa piété. I Par., xxii. Avant de mourir, il en donna le plan à son fiis Salomon, puis « il s’endormit avec ses pères et il fut enseveli dans la cité de David ». III Reg., il, 10. C’est donc là, sur la colline d’Ophel, qu’il faudrait chercher le tombeau du saint roi. Cf. ClermontGanneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 18961897, t. ii, p. 254-294, et Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Paris, 1897, p. 383-427.

3/s Sous Salomon. — Le règne de Salomon fut l'époque la plus brillante pour Jérusalem. Nous avons dit plus haut, col. 1354-1359, quels furent les travaux de ce prince par rapport à l’enceinte de la ville. Son œuvre principale fut le Temple, qui, par la richesse des matériaux et des ornements, par le goût et l’art qui présidèrent à sa construction, devint une des merveilles' du monde. Voir Temple. Le Moriah fut vraiment la montagne sainte, le rendez-vous de tous les pieux Israélites ; chaque jour, le sacrilice s’y consommait, au chant des cantiques sacrés, de la main des prêtres et des lévites, merveilleusement organisés par David. La demeure de son père ne parut plus suffisante à Salomon ; gendre d’un pharaon, il voulut que la princesse égyptienne habitât un palais qui 1 ne fût pas trop inférieur à ceux de Tanis ou de Memphis. Celui qu’il bâtit fut le digne pendant du Temple, près duquel il s'élevait. Tous les bâtiments étaient compris dans une même enceinte, limitée de tous côtés par un mur qui, à l’est et à l’ouest, dominait de haut les deux vallées du Cédron et du Tyropœon. Le premier monument que l’historien sacré place dans cette enceinte, c’est celui qu’il appelle le palais du « Bois-Liban », ainsi nommé parce que la plus grande partie des matériaux dont il était fait avait été tirée des forêts de cette montagne.

III Reg., vii, 2. Le rez-de-chaussée formait une vaste salle hypostyle. Il y avait ensuite le portique du trône, où le roi rendait la justice, et les bâtiments d’habitation, qui ne pouvaient manquer d’occuper un très vaste espace. Ces groupes d'édifices, sommairement décrits, III Reg., vii, 1-12, se succédaient sur les terrasses du coteau. Pour en essayer la restitution, il faudrait faire une part trop considérable à la conjecture. On peut voir cependant B. Stade, Geschichle des Volhes Israël,

Berlin, 1887, 1. 1, p. 311-326, avec plan, p. 305 ; Der Text des Berichtes ùber Salomos Baulen, 1(111) Reg, , T-ril, dans la Zeilsckrift fur die alttestamentliche Wissenschaft, Giessen, 1883, p. 129-177 ; Perrot, Histoire de l’art, t. iv. p. 402-408. En dehors des édifices expressément nommés dans l'Écriture, la tradition attribue aussi à Salomon de grands travaux d’utilité publique et, en particulier, la construction de réservoirs et d’aqueducs destinés à pourvoir abondamment Jérusalem d’eau potable. La flotte qu’il fit construire à Asiongaber et le commerce qu’il entretenait avec les peuples voisins firent affluer dans sa capitale les trésors des pays lointains, or, argent, métaux, objets rares et précieux. La renommée de sa sagesse y attira la reine de Saba. IIIReg., x. Malheureusement, à la fin de sa vie, il se laissa corrompre par l’amour des femmes, païennes pour la plupart, et, pour leur complaire, il éleva des temples, des bosquets, des autels et des idoles à leurs fausses divinités. III Reg., xi, 1-8. On a voulu voir dans un très curieux monument découvert au village de Siloam, près de Jérusalem, la chapelle égyptienne que Salomon aurait bâtie pour que la reine pût s’y adonner au culte de ses pères. Cf. F. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 306-313, pi. xlii. Cette hypothèse est peu vraisemblable. La disposition intérieure du monolithe est plutôt celle d’une tombe. Cf. Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 346-356. D’après ce simple résumé de la vie du grand roi, on peut se faire une idée de l'éclat dont brillait Jérusalem à cette époque.

Sous les rois de Juda.

Cette gloire s'éclipsa

avec celui qui l’avait portée à son apogée. Le schisme des dix tribus enleva à Jérusalem une partie de sa couronne, elle ne fut plus reine que de Juda et de Benjamin, comme l’avait prédit le prophète Ahias. III Reg., xi, 2939. Les jours de l'épreuve ne tardèrent pas à venir. Avec ce changement politique, une nouvelle période allait s’ouvrir dans l’histoire du peuple de Dieu. La cité sainte, isolée d’Israël par le veau d’or que Jéroboam établit aux frontières du nouveau royaume, III Reg., xii, 26-29, diminuée ainsi dans son autorité religieuse, devait en même temps, par l’affaiblissement de sa puissance, devenir le point de mire des peuples étrangers et subir leur choc, jusqu’au jour où ils l’auront complètement écrasée. Les richesses accumulées dans la ville de David et de Salomon devaient d’ailleurs tenter les rois voisins. Ce fut le pharaon d’Egypte, Sésac, qui, le premier, vint la dépouiller. La cinquième année du règne de Roboam, il marcha contre elle avec 1200 chariots et 60000 cavaliers, sans compter une multitude de soldats auxiliaires. Pénétrant dans le Temple et le palais royal, il emporta tous les trésors qu’ils renfermaient. III Reg., xiv, 25-26 ; II Par., xii, 2-9. Plus tard, l'éthiopien Zara, à la tête d’une immense armée, envahit la Judée, sous le règne d’Asa. Celui-ci, plus prudent et plus vaillant que Roboam, n’attendit pas d'être bloqué dans sa capitale pour se défendre. Il marcha au-devant de l’ennemi, l’extermina, et rentra à Jérusalem avec un magnifique butin. II Par., xiv, 9-15. Il restaura alors l’autel qui était devant le vestibule du Temple, rassembla tous ses sujets, auxquels se mêlèrent des Israélites, et offrit de nombreux sacrifices. Il brisa une honteuse idole élevée par sa mère et la brûla dans la vallée du Cédron. III Reg., xv, 13 ; II Par., xv, 8-16. Bientôt cependant, après avoir enrichi la maison du Seigneur et le palais royal, il ne craignit pas d’aliéner une partie de ces trésors pour acheter l’alliance de Bénadad, roi de Syrie, contre Baasa, roi d’Israèl. III Reg., xv, 18 ; II Par., xvi, 2-3. Le règne de son fils, Josaphat, fut une ère de prospérité pour Juda. Le pieux monarque s’efforça de faire fleurir la paix, l’ordre et la justice à Jérusalem, comme dans toutes les villes de ses États. Il y établit un tribunal suprême composé de prêtres, de lévites et de chefs de familles, chargé

de décider en dernière instance tous les cas difficiles dans les affaires religieuses, administratives et civiles. Les Philistins et les Arabes lui apportaient des présents et des tributs. Son seul tort fut de s’allier avec Achab et d’accepter pour son fils Joram Athalie, digne fille de l’impie et cruelle Jézabel. IL Par., xvii, 10-13 ; xix, 4-11. Il sut, par sa confiance en Dieu, repousser une invasion de Moabites, Ammonites et autres peuples. II Par., xx, 1-30. Joram, qui lui succéda, inaugura son règne par le massacre de ses six frères, puis il éleva des autels aux faux dieux et rétablit à Jérusalem l’idolâtrie que son père s’était efforcé d’extirper. La punition divine ne se fit pas attendre. Les Arabes et les Philistins pénétrèrent dans la terre de Juda, vinrent jusque dans la capitale, pillèrent le trésor du roi, emmenèrent ses femmes et ses fils, à l’exception du plus jeune. II Par., xxi, 4, 11, 16, 17. Quelques auteurs cependant pensent que Jérusalem ne fut pas atteinte. Cf. Keil, Chronih, Leipzig, 1870, p. 300. Après la mort d’Ochozias, Athalie usurpa le trône, et, pour régner seule, n’hésita pas à exterminer la race de David, en égorgeant ses propres petits-fils. Un seul, Joas, fut soustrait à sa haine et au massacre, caché et élevé furtivement dans l’un des appartements du Temple, puis, plus tard, proclamé roi. Au jour de cette proclamation solennelle, Athalie, entendant de son palais les cris de joie et le son des trompettes, courut au Temple, mais elle s’enfuit bientôt épouvantée et fut mise à mort à la porte des Chevaux. II Par., xxii, 10-12 ; XXIII.

Sous le gouvernement de cette triste reine, Jérusalem avait vu le culte de Baal prévaloir contre celui de Jehovah, et les dépouilles du Temple servir au sanctuaire paien. II Par., xxiv, 7. Après le couronnement de Joas, le peuple lui-même détruisit les idoles et leurs autels. II Par., xxiii, 17. Plus tard, le roi, voulant réparer la maison du Seigneur, employa aux restaurations l’argent qui provenait des dons volontaires de la piété de ses sujets. IV Reg., xii, 4-15 ; II Par., xxiv, 4-14. Mais, après la mort de Joiada, il s’abandonna à l’idolâtrie et fit périr Zacharie, qui lui reprochait ce crime. Dieu ne tarda pas à venger le sang du martyr. Hazæl, roi de Syrie, envahit le territoire de Juda, marcha contre Jérusalem, massacra les chefs du peuple, et ne s’éloigna que lorsque Joas eut acheté sa retraite avec les trésors du Temple et du palais royal. IV Reg., xii, 17-18 ; II Par., xxiv, 23-24. Sous Amasias, ce fut Israël qui saccagea, le Temple et le palais, emporta à Samarie l’or, l’argent et les vases précieux qui s’y trouvaient, et détruisit 400 coudées du mur septentrional de la ville. IV Reg., xiv, 13-14 ; II Par., xxv, 23-24. Le long règne d’Ozias releva la prospérité matérielle de Juda. Le roi s’empara d’Elath, sur le golfe Élanitique, et en fit un marché important pour son commerce dans la mer Rouge. Il remporta également des succès sur les Philistins, les Moabites et les Ammonites. IV Reg., xiv, 22 ; Il Par., xxvi, 2-8. À Jérusalem, il répara les murailles et fortifia par de puissantes tours le côté des remparts où les Israélites avaient ouvert une si large brèche. II Par., xxvi, 9. Mais la ville sainte, à cette époque, fut éprouvée par un tremblement de terre, auquel font allusion les prophètes Amos, i, 1, et Zacharie, xiv, 5, et qui est mentionné par Josèphe, , À « £. jud., IX, x, 4.

Joatham continua les travaux de son père et bâtit sur Ophel, complétant sans doute le rempart de ce côté. II Par., xxvii, 3. Son fils, Achaz, retomba dans l’idolâtrie, consacra ses propres enfants aux faux dieux dans la vallée de Ben-Hinnom et offrit à ceux-ci des victimes sur les hauts-lieux. IV Reg., XVl, 3-4 ; II Par., xxviii, 2-4. Pour le punir de son impiété, Dieu envoya contre lui Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, qui vinrent mettre le siège devant Jérusalem. IV Reg., xvi, 5. Isaïe, vu, 6, nous apprend que leur dessein était de s’emparer du royaume de Juda et d’y installer un roi vassal, le fils

de Tabéel. C’est dans cette circonstance que le prophète fut envoyé auprès d’Achaz, qu’il rencontra « à l’extrémité de l’aqueduc de la piscine supérieure », et qu’il fit la fameuse prédiction de V’Almah. Is., vii, 3, 14. Voir’Almah, t. i, col. 390. La capitale résista aux efforts combinés des deux rois. Mais Achaz, effrayé de la puissance des ennemis et ne comptant, en dépit des promesses et des menaces des prophètes, que sur les ressources de la politique humaine, envoya à Théglathphalasar, roi d’Assyrie, des ambassadeurs et des présents pour le prier d’accourir à son secours. Il obtint ce qu’il avait demandé, et quand la guerre de Syrie eut été terminée par la chute de Damas, il alla rendre hommage à son suzerain dans la ville conquise. IV Reg., xvi, 7-10 ; II Par., xxviii, 16. Mais cette honteuse faiblesse et ces sacrifices ne le préservèrent point de l’oppression de son protecteur, dont l’Écriture nous laisse supposer les intentions par rapport à l’assujettissement de Juda et de Jérusalem. IV Reg., xvi, 17-18 ; II Par., xxviii, 20-21. Heureusement, pour réparer tant de malheurs, Dieu suscita le pieux roi Ézéchias, qui détruisit les hauts lieux, brisa les idoles, rouvrit le Temple, le purifia, le rendit au culte du vrai Dieu, en un mot fit revivre à Jérusalem la religion du Très-Haut dans toute son ancienne splendeur. IV Reg., xviii, 1-8 ; II Par., xxix, xxx, xxxi C’est à cette époque, 722 ou 721, que finit le royaume d’Israël. Jusqu’à la chute de Samarie, la cité de David avait été à l’abri des attaques des Assyriens, mais l’heure était venue où elle allait trembler à son tour devant les soldats de Ninive, dont la puissance l’enfermait comme dans un cercle de fer. Ézéchias, confiant en Jéhovah, ne craignit pas cependant de secouer le joug et refusa de payer le tribut au roi d’Assyrie. IV Reg., xviii, 7. C’était un acte de révolte ; mais l’orgueil du suzerain fut encore plus profondément blessé par l’accueil empressé que le roi de Jérusalem fit, quelque temps après, aux ambassadeurs de Mérodach-Baladan, roi de Babylone, ennemi de l’Assyrie. Cette ambassade fut même pour Ézéchias une occasion de vaine complaisance, en lui faisant étaler la magnificence de ses trésors. IV Reg., xx, 12-13. Isaie le blâma de cette faute, et, dans l’une des plus étonnantes prophéties de nos Livres Saints, lui annonça qu’un jour viendrait où toutes ces richesses seraient emportées à Babylone, où ses descendants seraient pris et emmenés comme eunuques dans le palais du roi de Babel. IV Reg., xx, 14-18 ; Is., xxxix. Michée, iv, 10, annonçait le même châtiment, mais avec promesse de la délivrance. Nous verrons bientôt la réalisation de ces oracles. Cependant, à l’heure présente, l’ennemi qu’avait à redouter Ézéchias, c’était le roi d’Assyrie, Sennachérib. En 701, il se mit en marche pour ramener à l’obéissance le roi de Jérusalem et les princes ligués avec lui. Celui-ci, craignant pour sa couronne et sa capitale, envoya de riches présents au redoutable monarque, qui assiégeait Lachis et dont l’ambition ne fut pas satisfaite par ces dons. Un fort détachement de l’armée assyrienne, à la tête duquel se trouvaient le tartan, le rab-saris et le rab-Sdqêh, arriva bientôt sous les murs de Jérusalem. Les officiers ninivites s’arrêtèrent près de l’aqueduc de la piscino supérieure, non loin du palais royal, et parlementèrent cour amener la ville à capituler. Encouragé par Isaïe, Ézéchias refusa de se soumettre et se prépara à la résistance. Sennachérib, apprenant que le roi d’Ethiopie, Tharaca, s’avançait pour le combattre, voulut en finir avec la capitale de Juda. Mais il n’eut pas le temps d’en commencer le siège ; un ange exterminateur fit périr une partie de son armée. IV Reg., xviii, 13-37 ; xix>IIPar., xxxii, 1-22 ; Is., xxxvi, xxxvii. Sur cette campagne de Sennachérib, cf. Prisme de Taylor et Inscriptions des Taureaux, Cuneiform Inscriptions of Western Asia, 1. 1, pl. 38-39 ; t. iii, pl. 12 ; E. Schrader, Die Keihnschriften und dos Alte Testament, Giessen,

1883, p. 288-301 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iv, p. 14-65. Ézéchias, du reste, tout en s’appuyant sur Dieu, n’avait pas négligé de prémunir la ville sainte contre l’attaque des Assyriens par les travaux que nous avons signalés plus haut, col. 1359.

Manassé marqua le commencement de son règne, le plus long de la monarchie judaïque, par l’impiété la plus révoltante. IV Reg., xxi, 1-9 ; II Par., xxxiii, 1-9. Dieu justement irrité fit entendre ses menaces par la voix des prophètes : « Voilà, dit-il, que je vais faire tondre sur Jérusalem et sur Juda de tels maux que les oreilles en tinteront à quiconque les entendra. Et j’étendrai sur Jérusalem le cordeau de Samarie et le poids de la maison d’Achab, et j’effacerai Jérusalem, comme ont coutume d’être effacées les tablettes, et, en l’effaçant, je tournerai et ferai passer très souvent le st le sur sa face. » IV Reg., xxi, 12-13. Cf. Jer., XV. Manassé fut tributaire d’Assaraddon, roi d’Assyrie, comme nous l’apprend une inscription cunéiforme. Cf. Prisme brisé d’Assaraddon, col. v, ligne 13, Cuneifornt Inscriptions of Western Asia, t. iii, p, 16 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 71. Il le fut également d’Assurbanipal. Cf. Cylindre c ; E. Schrader, Die Keilinschnften unddas Alte Testament, p. 355 ; F, Vigouroux, ouv. cité, t. iv, p.’87. Plus tard, ayant tenté de secouer le joug, il fut pris et conduit prisonnier à Babylone, où était alors Assurbanipal. Là il se repentit de sa conduite passée, et Dieu, touché de ses prières, le ramena à Jérusalem. II Par., xxxiii, 10-13. Rentré en possession de ses États, il s’efforça de réparer les maux qu’il "avait causés au peuple par son impiété et ses cruautés, il restaura et fortifia les anciens murs. II Par., xxxiii, 14-16. Voir plus haut, col. 1363.

Le royaume de Juda touchait à sa fin. Amon fut tué par ses serviteurs après deux ans de règne. Josias, son fils, fut le seul qui, dans ces derniers temps, se signala par sa piété et sa vertu. Il purifia et répara le Temple, abolit et détruisit bois sacrés, autels, idoles, tout ce qui avait souillé la ville sainte. IV Reg., xxii, xxiii, 1-25 ; II Par., xxxiv, xxxv. Joachaz ne lui succéda que pendant trois mois. Joakim, après avoir, pendant trois ans, payé le tribut aux Babyloniens, essaya de secouer le joug. Nabuchodonosor vint pour le réduire par la force, mais quand il arriva en Judée, Joakim était mort et remplacé par son fils Jéchonias. Le nouveau roi ne résista pas longtemps ; au bout de trois mois de règne, il se livrait, corps et biens, avec toute sa famille, au conquérant. Celui-ci, sans pitié, prit des otages, fit déporter tous les habitants de distinction, au nombre de dix mille, et ne laissa dans Jérusalem que les plus pauvres. Il emmena Jéchonias en Babylonie, et lui donna pour successeur son oncle Sédécias. IV Reg., xxiv, 1-17 ; II Par., xxxvi, 1-10. Ce dernier se révolta à son tour, sous l’influence du parti égyptien. Nabuchodonosor voulut en finir avec les Juifs et retourna en Palestine. Cependant le siège de Jérusalem fut quelque temps retardé par les menaces d’intervention du roi d’Egypte, Apriès, de la XXVIe dynastie. Le roi deBabylone s’arrêta à Réblatlia pour contenir les ennemis au nord et envoya contre la capitale de la Judée une armée considérable sous les ordres de Nabuzardan. La ville résista héroïquement, pendant deux ans. Pressée par la famine, elle se trouva réduite à la dernière extrémité. Une brèche ayant été pratiquée, les gens de guerre s’enfuirent la nuit par la porte qui était entre les deux murs, près des jardins du roi, au sud de la colline d’Ophel. Sédécias s’échappa également ; mais, poursuivi par les Chaldéens, il fut pris dans la plaine de Jéricho, conduit à Réblatha auprès de Nabuchodonosor, qui lui fit crever les yeux et l’emmena enchaîné à Babylone. Enfin, l’armée chaldéenne procéda à l’entière destruction de Jérusalem, incendia le Temple, le palais du

roi et les maisons des particuliers, abattit les murailles, égorgea les principaux habitants et emmena le reste en captivité, laissant seulement les pauvres et les cultivateurs. IV Reg., xxiv, 18-20 ; xxv ; JI Par., xxxvi, 11-21. C’est en 587 que la cité de David et le Temple de Salomon tombèrent sous les coups de l’ennemi ou plutôt sous ceux de la justice divine. Assis en face de ces ruines, qui lui arrachaient des larmes, Jérémie laissa éclater la douleur de son âme dans ses immortelles Lamentations. Les prophètes, du reste, avaient annoncé depuis longtemps et de la façon la plus précise le sort réservé à la cité infidèle ; les limites de cet article ne nous permettent pas de la suivre à travers leurs oracles. S’ils ont flagellé ses crimes, ils ont aussi chanté ses gloires, prédit ses admirables destinées. Dieu voulait la punition et non l’anéantissement. C’est d’ailleurs une véritable merveille que le petit royaume de Juda et sa capitale aient pu se maintenir si longtemps, pendant près de cinq siècles, au milieu de complications sans nombre, à une époque où les plus grands empires disparaissaient et se succédaient avec une effrayante rapidité. L’épreuve fut de courte durée, les promesses divines s’accomplirent avec autant de certitude que les menaces.

77. DU RETOUR DE L’EXIL À LA RUINE SE JÉRUSALEM

(70). — Sur les bords des fleuves de Babylone, Jérusalem resta l’affection la plus chère des enfants de Juda, dont le cœur répétait avec tristesse ces sublimes accents :

Si je t’oublie, ô Jérusalem,

Que ma droite s’oublie elle-même !

Que ma langue s’attache à mon palais,

Si je cesse de penser à toi,

Si je ne place Jérusalem

Au-dessus de toutes mes joies !

Ps. cxxxvi (hébreu, cxxxvii), 5-6.

Les prophètes étaient là pour maintenir la pureté de leur foi et la fermeté de leurs espérances. Les promesses divines s’accomplirent dans le temps marqué par Jérémie, xxv, 11-13 ; xxix, 10.

1. Le retour de l’exil ; reconstruction du Temple et de la ville. — La délivrance, attendue dans le silence et les larmes, arriva l’an 536 avant J.-C. Cyrus, roi de Perse, publia un édit qui permettait aux Hébreux, ses sujets, de retourner en Palestine et de rebâtir le Temple. I Esd., i, 1-4. Quarante-deux mille Juifs se mirent aussitôt en marche pour la Judée, sous la conduite de Zorobabel, rapportant les vases d’or et d’argent que Nabuchodonosor avait enlevés de Jérusalem et que Cyrus leur fit restituer. I Esd., i, 5-11. Leur premier soin, après avoir pourvu à leurs habitations, fut de rétablir l’autel des holocaustes et les sacrifices prescrits par la Loi. I Esd., iii, 1-6. La seconde année après leur retour, ils jetèrent les fondements du second Temple. Mais, pendant que le peuple poussait des cris de joie en voyant sortir de terre les premières assises de ce grand édifice, les vieillards, qui avaient jadis contemplé la magnificence de l’ancien, pleuraient et gémissaient. I Esd., iii, 7-13. Après bien des difficultés suscitées par les Samaritains, le Temple fut achevé, puis consacré, l’an 516. Il était loin d’offrir l’aspect imposant du premier, mais sa gloire devait être plus grande, comme le prédisait Aggée, ii, 10. Zacharie, de son côté, annonçait la gloire extraordinaire que le Messie devait mettre au front de la ville sainte :

Tressaille de joie, fille de Sion ! Pousse des cris, fille de Jérusalem ! Vois : ton roi vient vers toi.

n est juste et sauveur,

Humble et monté sur un âne,

Sur le poulain de l’anesse.

Zach., rx, 9. Cf. Mata., xxi, 5.

C’est, en effet, la figure du Christ qui va dominer toute la seconde partie de cette histoire.

Cependant, Jérusalem restait avec ses murailles démantelées. En 445, Néhémie obtint d’Artaxerxès l’autorisation de les relever. Muni de lettres pour divers fonctionnaires persans, il se mit en route avec une petite caravane. Arrivé dans la ville sainte, il s’empressa de faire l’inspection des murs, de nuit, pour ne pas éveiller l’attention des ennemis des Juifs. Sortant par la porte de la Vallée, il descendit vers le sud, puis tourna à l’est, vers la porte de la Fontaine, pour remonter vers le nord et revenir à son point de départ. Partout, ce n’étaient que décombres, obstruant le passage en plus d’un endroit. Il s’adressa ensuite aux prêtres, aux princes de la nation, et les pressa de se mettre à l’œuvre. II Esd., il. Avec un remarquable talent d’organisation, il partagea les murs en diverses zones, dont il distribua la construction aux diverses parties de la population. II Esd., ni. Ce récit devient facile à comprendre avec la topographie ancienne, telle que nous l’avons exposée plus haut. Voir col. 1355, et carte, col. 1367. Quand les remparts s’élevèrent à moitié de leur hauteur, des explosions de colère succédèrent, dans le camp ennemi, aux railleries de la première heure. Moabites, Ammonites, Arabes, Samaritains, excités par Tobie et Sanaballat, harcelèrent les Israélites. Néhémie arma ses ouvriers, qui « d’une main travaillaient et de l’autre tenaient l’épée ». Ardents au travail, où ils se relayaient à des heures fixes, ils ne quittèrent pas leurs vêtements tant que dura la construction. II Esdr, iv. Le généreux chef eut à lutter tout à la fois contre des ennemis qui, après la violence, employèrent la ruse, contre les magistrats et les grands de son propre peuple, qui pratiquaient l’usure et exploitaient la détresse populaire. Tant de prudence, de fermeté et d’intégrité eurent leur récompense. Le 25 « jour du mois d’élul, le mur était terminé : le travail avait duré cinquante-deux jours. II Esd., v, vi. Mais il fallait peupler la nouvelle ville, et il importait de n’y laisser habiter que des Juifs de pure race. Néhémie élimina tout élément étranger et décida qu’un homme sur dix, désigné par le sort, quitterait sa résidence des champs pour aller habiter Jérusalem. II Esd., vu ; xi, 1, 2. Tout en travaillant à la sécurité et à la prospérité matérielle de la capitale, il n’oublia pas que la nation élue ne pouvait être reconstituée que par l’observation de la Loi. Il fit lire solennellement la Loi au peuple rassemblé sur la place qui était devant la porte des Eaux. La fête des Tabernacles fut célébrée, l’alliance avec Dieu renouvelée. II Esd., viii, ix, x. Enfin, réconciliée avec Jéhovah, Jérusalem pouvait désormais espérer que ses murailles la protégeraient d’une manière efficace. Elle en fit la dédicace solennelle par une procession dont les deux chœurs, partis du même point, firent en sens opposé le tour des remparts et se rencontrèrent devant le Temple, où de nombreuses victimes furent immolées. II Esd., xii, 27-42. Néhémie, ayant terminé sa mission, retourna auprès du roi ; mais il revint plus tard dans la ville sainte, où de graves abus s’étaient introduits. Avec son énergie habituelle, il ne craignit pas d’employer la force pour les corriger et punir les violateurs de la Loi. II Esd., xin. Esdras acheva cette œuvre de restauration. Un firniau royal lui donna l’autorité de gouverneur, avec pouvoir d’établir des magistrats et des juges. Il fut, avec Zorobabel et Néhémie, un des instruments de la Providence pour le relèvement du peuple juif. I Esd., vu-x.

2. D’Alexandre aux Machabées.

Les Hébreux, sans avoir retrouvé leur autonomie politique, vécurent en paix dans la nouvelle Jérusalem. Leurs obligations se réduisaient à payer des impôts au satrape et à fournir un contingent de troupes auxiliaires. Cette situation ne fut pas modifiée lorsque, après la conquête de Tyr, en 332, Alexandre le Grand devint maître de la Palestine. Pendant ce siège mémorable, il avait envoyé » ne lettre au grand-prêtre Jaddus, pour lui demander des

secours ; mais celui-ci refusa noblement de violer le serment qu’il avait prêté au roi Darius. Maître de Tyr, puis de Gaza, le conquérant macédonien, avant de se diriger vers l’Egypte, marcha contre Jérusalem, pour la punir d’avoir osé résister à sa volonté. Mais, arrivé devant la ville, il s’adoucit en présence du grand-prêtre, dont la majesté l’impressionna, et qui lui montra les passages de Daniel relatifs à ses conquêtes. Il alla avec le pontife dans le Temple, demanda qu’on offrit pour lui un sacrifice et laissa aux Juifs toute liberté de vivre selon leurs lois, leur faisant même remise du tribut pour chaque année sabbatique. Tel est, du moins, le récit de Josèphe, Ant. jud., XI, viii, 3-6. Après la mort d’Alexandre (323), la Palestine fut, pendant de longues années, une pomme de discorde entre la Syrie et l’Egypte. Ptolémée Sôter se rendit, par la ruse, maître de Jérusalem, en y pénétrant un jour de sabbat, sous prétexte de vouloir y sacrifier. Il la traita avec beaucoup de cruauté, et un grand nombre de Juifs furent transportés en Egypte. Josèphe, Ant. jud., XII, i. Ptolémée Philadelphe, qui lui succéda, se montra bienveillant à l’égard des Israélites. C’est lui qui, suivant le récit d’Aristée, aurait fait venir de Jérusalem les soixante-douze interprètes chargés de traduire en grec les Livres Saints. Sous Ptolémée Évergète, le grand-prêtre Onias II ayant refusé de payer le tribut annuel de vingt talents auquel il était assujetti, le souverain menaça de s’emparer de la Judée. Pour détourner forage qui allait fondre sur la ville sainte et toute la contrée, Joseph, fils de la sœur d’Onias, engagea son oncle à se rendre en Egypte afin d’apaiser la colère du roi. Sur son refus, il y alla lui-même, après avoir recueilli l’argent nécessaire pour payer à Ptolémée la somme qui lui était due. Ant. jud., XII, iv, 1-3. C’est à cette époque que naquirent parmi les Hébreux les sectes des Pharisiens et des Sadducéens, dont l’influence allait devenir si grande à Jérusalem.

Après avoir été pendant un siècle sous la domination des Ptolémées, la ville tomba au pouvoir des Séleucides, d’abord transitoirement, puis d’une façon durable. Prise, l’an 203, par Antiochus III le Grand, roi de Syrie, elle fut reprise, en 199, par Scopas, général égyptien, qu> commandait l’armée de Ptolémée Ëpiphane. Ce général en se retirant, laissa une garnison dans la citadelle ; mais bientôt (198) il fut vaincu par Antiochus. Les Juifs alors se soumirent au vainqueur, lui ouvrirent les portes de la capitale, fournirent des vivres à ses troupes, et l’aidèrent à chasser la garnison égyptienne. En reconnaissance de ces services, le roi leur accorda divers privilèges. Ant. jud., XII, iii, 3. En 187, il eut pour successeur son fils Séleucus IV Philopator. Celui-ci, pour payer aux Romains le tribut annuel auquel son père avait été condamné, "ordonna à son premier ministre, Héliodore, d’aller puiser cette somme dans le trésor du Temple à Jérusalem. Mais une intervention divine empêcha cette profanation. II Mach., ni. Des compétitions sanglantes, à propos du pontificat suprême, éclatèrent ensuite dans la ville sainte et y jetèrent le désordre et le trouble. Sous Antiochus IV Épiphane, Jason, frère du grand-prêtre Onias III, convoitait la souveraine sacrificature et, pour l’obtenir, il fit au roi de grandes promesses d’argent. Le prince syrien agréa cette proposition et, sans respect pour la loi juive, il déposa Onias et le fit partir en exil. Le nouveau grandprêtre travailla alors de toutes ses forces à l’hellénisation de Jérusalem et à la propagation de l’esprit païen. Il fit bâtir un gymnase, et l’on vit des prêtres mêmes abandonner le service de l’autel pour aller s’exercer aux jeux païens. I Mach., i, 12-16 ; II Mach., IV, 1-17. Antiochus vint à Jérusalem, et y fut reçu magnifiquement. Cependant Jason fut bientôt supplanté, et remplacé par un certain Ménelas, qui dut lui-même céder la place à Lsimaque. L’immoralité et le mépris de la loi dmne

augmentaient toujours dans la cité de David. De sinistres prodiges semblaient présager pour elle des désastres effrayants. Jason, qui s'était réfugié au pays des Ammonites, ayant entendu dire qu’Antiochus venait de mourir pendant sa seconde expédition contre l’Egypte, crut l’occasion favorable pour rentrer en possession du souverain pontificat. À la tête d’un millier d’hommes, mais avec la connivence des partisans qu’il avait gardés parmi les Juifs infidèles, il s’empara de Jérusalem, où le sang coula à grands flots. Malgré sa victoire et ses sanglantes représailles, il ne put reprendre le pouvoir, et s’enfuit de nouveau. Peut-être apprit-il qu’Antiochus n'était pas mort, et qu’il marchait contre lui à la tête d’une armée imposante. II Mach., iv, 21-29 ; v, 1-10.

C’est à ce moment, en effet, que le roi de Syrie intervint, dans le dessein d'étouffer les insurrections des Juifs. En 170, il s’avança vers Jérusalem et la prit d’assaut. Des milliers d’habitants furent massacrés ou vendus en esclavage. Le Temple fut profané et dépouillé des vases sacrés les plus précieux. I Mach., i, 17-29 ; II Mach., v, 11-23. Deux ans plus tard, une nouvelle expédition de ce prince en Egypte ayant été arrêtée par l’intervention des ambassadeurs romains, il résolut de décharger toute sa rage sur la cité judaïque. Une armée nombreuse, sous la conduite d’Apollonius, fut envoyée en Palestine, Jérusalem fut prise une seconde fois. Un grand nombre de Juifs furent mis à mort, les plus beaux édifices incendiés, les remparts démolis en plusieurs endroits. Une redoutable forteresse, véra, fut bâtie non loin du Temple. Voir plus haut, col. 1368. Le Temple lui-même fut consacré à Jupiter Olympien et devint le théâtre de scènes de débauche. Non seulement le sacrifice perpétuel cessa, mais on immolait sur l’autel des animaux immondes. Une persécution cruelle s’exerça contre tous ceux qui osèrent résister aux ordres du roi, dont le but était d’amener les Juifs à l’apostasie. L’observation de la religion juive, de la circoncision en particulier, fut interdite sous peine de mort. Tous les exemplaires de la loi qu’on put trouver furent détruits. Deux femmes qui avaient été accusées d’avoir circoncis leurs enfants furent menées publiquement par la ville avec ces enfants pendus à leur sein, et ensuite furent précipitées du haut des murailles. IMach., i, 30-67 ; II Mach., vi, 1-11. Parmi les Israélites, un bon nombre ayant déjà perdu la foi de leurs pères, se soumirent à la volonté impie du roi ; d’autres succombèrent devant la cruauté de la persécution. Mais, à côté des apostats et des lâches, il y eut aussi des martyrs, dignes précurseurs de ceux qui devaient plus tard verser leur sang pour JésusChrist, le vieillard Éléazar, les sept frères Machabées, et leur mère. II Mach., vi, 18-31 ; vii, 1-42. Tous ceux qui le purent s’enfuirent dans le désert ou dans les montagnes.

3. Sous les Machabées.

C’est du milieu de ces fuyards que partit le mouvement de résistance et de lutte, lutte gigantesque, la plus belle de l’histoire juive, une des plus belles de l’histoire du monde. Le prêtre Matathias, avec ses cinq fils, avait quitté Jérusalem au début de la persécution. Autour de lui se rangèrent bientôt tous les Israélites fidèles, qui voulurent combattre pour la religion et la patrie. Après sa mort (166), son troisième fils, Judas Machabée, lui succéda dans le commandement militaire. Plusieurs fois vainqueur des armées syriennes, il conduisit ses troupes à Jérusalem (164). Voyant le sanctuaire désert, l’autel profané, les portes brûlées, et, dans le parvis, les arbres poussant comme dans un bois, il s’empressa de tout purifier et de tout refaire. Un nouvel autel des holocaustes fut consacré et le culte rétabli comme autrefois. L’enceinte sacrée fut environnée de hautes murailles pour opposer plus de résistance aux ennemis qui occupaient encore î'Acra. I Mach., iv, 36-61 ; II Mach., x, 1-8. Judas profita des événements qui se passaient en Syrie après la mort

d’Antiochus Épiphane, pour essayer de chasser de cette citadelle la garnison sans cesse occupée à infester tous les alentours du Moriah, à molester ceux qui entraient dans le Temple ou en sortaient. Antiochus Eupator, pour dégager sa troupe, réunit une armée très nombreuse, au-devant de laquelle le héros machabéen ne craignit pas de marcher. Mais, voyant l’impossibilité de résister à des forces infiniment supérieures, celui-ci se replia vers Jérusalem, poursuivi par le vainqueur, qui mit le siège devant la ville, dressant contre elle ses machines de guerre. Les Juifs la défendirent vigoureusement, mais les vivres vinrent à manquer et les combattants commencèrent à se retirer. Sur ces entrefaites, ayant appris que Philippe, nommé par Antiochus Épiphane, sur son lit de mort, tuteur du jeune roi et régent du royaume, était revenu de Perse avec son armée et voulait s’emparer du pouvoir, Lysias persuada à Antiochus Eupator de faire la paix avec les Juifs. Celui-ci y consentit, mais, avant de partir, violant le serment qu’il avait fait, il pénétra dans la ville et ordonna de démolir les fortifications qui entouraient le mont Sion, c’est-àdire les travaux de défense que les Israélites y avaient élevés. I Mach., vi ; II Mach., xiii. En 162, Démétrius I er Soter, s'étant emparé du trône de Syrie, envoya Bacchide avec des troupes pour faire reconnaître Alcime comme grand-prêtre. Ce général s’efforça d’abord, avec son protégé, de surprendre la bonne foi de Judas, mais ne put y réussir. Après son départ, le Machabée reprit des forces et réorganisa son armée. Alcime obtint du roi de Syrie l’envoi de Nicanor avec de nouvelles troupes. Nicanor se montra perfide et cruel. Judas le battit une première fois dans les environs de Jérusalem ; puis, dans une grande bataille, livrée près de Bethoron, le chef syrien fut tué et son armée presque entièrement détruite. I Mach., vu ; II Mach., xiv, xv. Judas était de nouveau maître de tout le pays. C’est à ce moment que, pour s’assurer une protection efficace, il conclut une alliance avec les Romains. I Mach., vin. Il ne prévoyait pas que ceux dont il recherchait les faveurs auraient bientôt fait de mettre la main sur ce petit coin de terre et que la ville sainte tomberait un jour sous leurs coups. Démétrius, du reste, désireux de venger la défaite et la mort de Nicanor, renvoya Bacchide en Palestine avec une nouvelle armée. Judas l’attaqua, mais, accablé par le nombre, le héros tomba sur le champ de bataille. I Mach., ïx, 1-22.

Jonathas, son frère, lui succéda (161-143). Il livra, près du Jourdain, une autre bataille à Bacchide, qu’il contraignit à se réfugier dans VAcra de Jérusalem. I Mach., ïx, 43-49. Il profita d’un moment où Démétrius I er, menacé par Alexandre Balas, recherchait son amitié, pour réparer les murs de la ville et relever les fortifications de Sion. I Mach., x, 1-11. En 145, il chercha à s’emparer de la citadelle que les Syriens occupaient encore et dressa contre elle plusieurs machines de guerre. I Mach., XI, 20. L’honneur de cette victoire définitive était réservé à son frère Simon. Jonathas bâtit alors une très haute muraille entre la forteresse et la ville, afin de les séparer entièrement et de couper toute communication entre elles. I Mach., xii, 36. Tombé traîtreusement entre les mains de Tryphon à Ptolémaide, il fut remplacé par Simon, qui acheva les travaux commencés à Jérusalem. I Mach.. xiii, 1-10. Celui-ci se déclara en faveur de Démétrius ii, qui lui confirma le pontificat et proclama l’indépendance, l’entière autonomie politique du peuple juif. De cette année 142 commença pour la nation une ère nouvelle. I Mach., xiii, 34-42. Simon s’empara de la citadelle syrienne et détruisit ainsi le dernier vestige de la domination étrangère. Il fortifia en même temps la montagne du Temple. I Mach., xiii, 49-53. Sous son gouvernement sage et énergique, Jérusalem et le pa^s virent une prospérité qu’ils ne connaissaient plus

depuis longtemps. I Mach., xiv, 4-15. L’an 138, Antiochus VII Sidètes, roi de Syrie, lui octroya le droit de battre monnaie. Le nom de « Jérusalem la Sainte » parut alors sur le « sicle d’Israël ». Voir fig. 233, col. 1318. D’autres pièces rappelèrent « l’affranchissement de Sion ». Voir fig. 261. Simon, assassiné avec deux de ses

261. — Monnaie de Simon Machabée.’2în 731N ruitf, « Année quatrième. Demi-sicle. » Deux faisceaux de branches avec feuilles (loulab), entre lesquels est un cédrat.

— b). JVS nbNîb, « l’affranchissement de Sion. » Palmier portant des dattes. De chaque côté, une corbeille remplie de fruits.

fils par son gendre Plolémée, eut pour successeur son troisième fils, Jean Hyrcan, échappé au massacre (135). I Mach., xvi, 11-23. Le nouveau « grand-prêtre des Juifs », comme il se fait appeler sur ses monnaies, voir fig. 211, col.H65, ne fut pas longtemps tranquille. À la nouvelle de la mort du dernier des cinq frères Machabées, Antiochus Sidètes vint, avec une armée formidable, mettre le siège devant Jérusalem, qu’il entoura de sept camps retranchés. Chaque jour, il renouvela les assauts. Jean Hyrcan, craignant de manquer de vivres, se débarrassa des bouches inutiles. Il finit par conclure un traité de paix avec le roi, en s’engageant à lui donner des otages et cinq cents talents. Suivant Josèphe, Anl. jud., XIII, viii, 4, pour se procurer de l’argent, il ouvrit le tombeau de David et en tira trois mille talents. « Il est peu probable, dit V. Guérin, Jérusalem, p. 68, que jamais, à aucune époque, on ait pu enfouir dans la chambre sépulcrale de David, comme en réserve pour l’avenir, des trésors d’une telle importance. Il est -aussi peu facilement admissible que, même dans le sein de la ville et au milieu des ravages et des bouleversements qu’elle avait si souvent subis, ce tombeau, s’il avait contenu des richesses semblables, n’ait pas tenté davantage l’avarice des vainqueurs. »

Durant le pontificat et la principauté de Jean Hyrcan, Jérusalem goûta une paix bienfaisante. C’est peut-être le mausolée de ce grand-prêtre que Josèphe mentionne plusieurs fois, Bell, jud., V, vi, 2 ; vii, 3 ; ix, 2, etc., parmi les monuments voisins de la ville. Son fils et successeur, Judas Aristobule (106), fut le premier à prendre le titre de roi. Mais il ne régna qu’un an, et sa mort fut un bonheur pour la nation, car il se rendit coupable des plus grandes cruautés, même à l’égard de sa mère et de ses frères. Le trône fut occupé par son frère Alexandre Jannée (105-78). Ce prince étendit les limites du royaume, mais à Jérusalem, il était détesté de tous, particulièrement des Pharisiens, qui, pendant la fête des Tabernacles de l’année 95, l’insultèrent publiquement dans le Temple, où il offrait le sacrifice en qualité de grand-prêtre. Pour se venger, il fit massacrer 6000 Juifs. Josèphe, Anl. jud., XIII, XIII, 5. Dans une autre circonstance, il fit crucifier sous ses yeux huit cents prisonniers des plus influents de la nation. Ant. jud., XIII, xiv, 2. À sa mort, Alexandra, sa veuve, prit les rênes du gouvernement et les tint pendant neuf ans (78-69). Elle confia le souverain pontificat à son iils Hyrcan, qui lui succéda sur le trône, aux acclamations des Pharisiens. Mais son autre fils, Aristobule, ambitionna aussi la couronne, et ayant vaincu Hyrcan,

fut proclamé roi à Jérusalem. Ant. jud., XIII, xvi ; XIV, i, 2. Peu après, Hyrcan, sollicité par l’iduméen Antipater, attaqua et défit Aristobule. La guerre aurait pu durer longtemps entre les deux frères, si la cause n’avait été soumise au jugement de Pompée, général romain, qui se trouvait à Damas. L’alliance contractée avec Rome, il y a cent ans, renouvelée depuis, va se terminer par la mainmise de la toute-puissante métropole sur la capitale de la Judée.

4. La conquête romaine.

L’an 63, Hyrcan II et Aristobule II plaidaient donc leurs droits respectifs devant Pompée. Ce dernier remit sa décision à une époque ultérieure. En attendant, il s’en alla soumettre Arétas en Arabie, puis il s’avança vers Jérusalem. Aristobule, pour s’assurer son appui, lui promit alors de lui livrer la ville et une somme considérable d’argent. Pompée envoya Gabinius pour les recevoir ; mais ce général se vit fermer les portes de la place sans rien toucher. Irrité, Pompée marcha lui-même contre Jérusalem. Les partisans d’Aristobule, décidés à la lutte, s’emparèrent de l’enceinte du Temple, et, coupant le pont qui le mettait en communication avec la cité, se préparèrent à soutenir l’assaut. Les partisans de Hyrcan, au contraire, ouvrirent au Romain les portes de la ville et du palais royal, qui furent occupés par Pison, lieutenant de Pompée. Celui-ci établit son camp au nord du Temple, fit combler le fossé creusé de ce côté, éleva des aggeres, construisit de hautes tours, et fit jouer de puissantes machines apportées de Tyr. Au bout de trois mois, il ouvrit une brèche et massacra 12000 Juifs. Pénétrant ensuite dans l’intérieur du Temple, et même dans le Saint des Saints, il en admira la construction, les objets sacrés et les trésors qui y étaient enfermés ; mais il ne les pilla point, et, le lendemain, ayant fait purifier ce monument, il ordonna d’y offrir de nouveaux sacrifices. Avant de s’éloigner, il rendit à Hyrcan le souverain pontificat, lui enleva le titre de roi, qu’il remplaça par celui d’ethnarque, le mit sous la dépendance du gouverneur de Syrie et rendit le pays tributaire des Romains. Ant. jud., XIV, iv. En réalité, le pouvoir était exercé par Antipater, qui, lors de la campagne de César en Egypte, lui rendit de grands services (48). Cette campagne une fois terminée, César confirma [Hyrcan dans sa dignité, lui permit de relever les fortifications de Jérusalem renversées par Pompée, mais en même temps il confia à Antipater la charge de procurateur de la Judée. Ant. jud., XIV, viii, 5. Celui-ci en profita dans l’intérêt de sa propre famille, et nomma son fils aîné Phasæl gouverneur de Jérusalem, et Hérode gouverneur de la Galilée, promotions qui furent très mal vues des Juifs. L’an 43, il mourut empoisonné, et le pays redevint le théâtre de luttes et de compétitions sanglantes. L’an 40, Antigone, le plus jeune fils et le seul survivant d’Aristobule II, s’étant allié avec les Parthes, marcha contre Jérusalem et réussit à la prendre. Il mutila Hyrcan, qu’il envoya chargé de chaînes chez les Parthes, et fit tuer Phasæl. Hérode, qui avait pu s’enfuir, se rendit à Rome et fut proclamé roi des Juifs par un décret du Sénat romain. Ant. jud., XIV, xiii, xiv. Mais il lui fallut trois années de luttes et le concours des armées romaines pour faire reconnaître sa royauté. L’an 37, il vint assiéger Jérusalem et campa près de la ville. S’approchant des murs, vers le

nôrd, il procéda au siège de la même manière que

Pompée, donnant l’ordre d’élever trois aggeres, sur lesquels on construisit des tours. Durant ces préparatifs, il alla en Samarie épouser Mariamne ; puis il revint avec de nouvelles troupes. Le général romain Sosius lui amena, de son côté, plusieurs légions. Hérode fit approcher les machines et battre les murs. Les Juifs réparèrent aussitôt les brèches et s’efforcèrent, par des contre-mines, de neutraliser les progrès de leurs adver

saires. Cependant en quarante jours le premier mur fut emporté ; le deuxième le fut peu après. Les fortifications qui entouraient le Temple tombèrent ; l’ennemi se rendit maître du parvis extérieur et de la ville basse. Les Juifs repoussés se réfugièrent dans le parvis intérieur et dans la ville haute et furent définitivement vaincus. Les Romains et les Hérodiens, exaspérés à cause de la longueur du siège, mirent tout à feu et à sang. Hérode, impuissant à arrêter le pillage et le massacre, supplia le général romain de ne pas l’établir roi d’une solitude, et, à force de promesses et d’argent, parvint à affranchir la malheureuse cité de la rapacité et de la fureur des soldats. Antigone, chargé de chaînes, fut conduit à Antioche devantMarc-Antoine, qui ordonna de le décapiter. Ant. jud., XIV, xv, 14 ; xvi. Avec lui s’éteignit le dernier rejeton de la branche des Asmonéens, le dernier roi de race juive. Voir lig. 262. 5. D’Hérode le Grand à la destruction de Jérusalem.

— Si le règne d’Hérode fut un véritable régime de erreur, son œuvre à Jérusalem, au point de vue des monuments, fut vraiment grandiose ; nous l’avons exposée plus haut, col. 1370. Avec ce prince, l’hellénisme monta sur le trône. La vie publique, l’industrie, les’P-_

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262. — Monnaie d’Antigone.

[BAEI]AEQ3 ANTirONOr. Couronne. — R). jmn n>nno [a]>TTl>[n "13m S"IJ]n, « Mathathias le grand-prêtre et la communauté des Juifs. » Deux cornes d’abondance.

relations commerciales, les réjouissances, l’organisation de l’armée, tout subit l’influence dominante du génie grec, excepté la pensée et la vie religieuses, qui se débattaient entre deux sectes puissantes, celle des Pharisiens et celle des Sadducéens. La nation juive était déchirée par les factions, en même temps qu’elle portait le joug de l’étranger, joug que rendaient encore plus intolérable les instincts sanguinaires et les caprices insensés de son roi. Tous ces malheurs lui faisaient désirer ardemment la délivrance messianique. La pléuitude des temps était venue. Le Messie parut sur la terre, non pour réaliser des espérances charnelles, mais pour établir le vrai royaume de Dieu. Hérode touchait à la fin de sa vie, lorsque Notre-Seigneur naquit à Bethléhem. Le vieux monarque reçut les Mages à Jérusalem, et, à la nouvelle de la naissance d’un roi des Juifs, craignant pour son trône, il voulut englober le nouveau-né dans un affreux massacre. Matth., ii, 1-18. Il mourut peu de temps après, laissant pour successeur son fils Archélaus, dont les débuts furent marqués par une révolte qui éclata contre lui dans l’enceinte du Temple, pendant les fêtes de la Pàque, et qui fut apaisée par le meurtre de 3000 séditieux. Après avoir perdu son titre de roi, pour ne conserver que celui d’ethnarque, ce prince fut déposé au bout de dix ans, et son territoire rattaché à la province de Syrie. L’empereur Tibère, qui succéda à Auguste l’an 14 de l’ère chrétienne, nomma Valérius Gratus procurateur de la Judée. Celui-ci administra pacifiquement cette province pendant onze ans, puis il eut pour successeur Ponce-Pilate. Luc, iii, 1. Pilate transféra de Césarée à Jérusalem les quartiers d’hiver de son armée, et souleva le mécontentement général en exposant dans la ville sainte les enseignes romaines surmontées de l’aigle et ornées de l’image de l’empereur. Les troubles se renouvelèrent, lorsqu’on le

vit approprier une partie des offrandes du Teirple à la réparation des aqueducs. Ant. jud., XVIII, iii, 1, 2.

C’est sous le gouvernement de ce procurateur que Jésus-Christ vint plusieurs fois à Jérusalem et y consomma son sacrifice. Tous les détails que nous avons donnés plus haut, col. 1370-1376, permettent de suivre les principaux récits de l’Évangile. Nous avons reproduit autant que possible la physionomie matérielle de la ville sainte à cette époque. Pour la phjsionomie intellectuelle, morale et religieuse, voir Pharisiens, Sadducéens, Scribes, Sanhédrin, etc. Cf. E. Stapfer. La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 255448. La passion du Sauveur, sa mort, sa résurrection et son ascension glorieuse sont les actes du plus grand drame qui se soit accompli sur la terre et ont fait de Jérusalem, qui en a été le théâtre, une cité unique au monde. C’est do là que doivent partir les rayons qui vont transformer l’humanité. Cf. Is., ii, 1-5.

Au jour de la Pentecôte, Jérusalem, remplie de Juifs de la dispersion, entendit la parole des Apôtres, sortis transfigurés du Cénacle. JDe nombreux convertis embrassèrent la religion du Christ. Act., il. Les premiers fidèles s’organisèrent alors en communauté, se rassemblant pour la prière et le sacrifice. Les Apôtres, multipliant leurs prédications et leurs miracles, furent jetés en prison par ordre du grand-prêtre. Miraculeusement délivrés, ils prêchèrent de nouveau malgré les défenses, les menaces et les mauvais traitements, heureux d’être trouvés dignes de souffrir pour le nom de Jésus. Act., v, 12-42. Le diacre Etienne fut le premier à donner son sang pour la nouvelle doctrine. Act., vi, 8-15 ; vil. Voir plus haut, col. 1343. À cette époque, une violente persécution s’éleva contre l’église de Jérusalem ; les fidèles, a l’exception des Apôtres, furent dispersés en divers endroits de la Judée et de la Samarie. Ac., tvin, 1. L’an 35, saint Pierre confia cette église à saint Jacques le Mineur, et alla visiter la chrétienté naissante d’Antioche. Vers la fin de cette même année, le nouveau préfet de Syrie, Vitelhus, ordonna à Ponce-Pilate d’aller se justifier à Rome des plaintes que les Samaritains et les Juifs avaient formulées contre lui. L’année suivante, il se rendit lui-même à Jérusalem pour les fêtes de Pâque, et déposa Caiphe, le principal ennemi des chrétiens. Ant. jud., XVIII, iv, 2, 3. Tibère étant mort, en l’an 37, CaïusCaligula, qui lui succéda, établit Hérode Agrippa I er, pelit-fils d’Hérode le Grand, roi des tétrarchies de Philippe et de Lysanias, et bientôt de celles d’Hérode Antipas. En 41, Caligula fut tué. Claude, proclamé empereur à sa place, nomma Agrippa roi de toute la Palestine.

Agrippa I « r, mis ainsi en possession du royaume qu’avait gouverné son grand-père, entra solennellement à Jérusalem, l’an 42, et suspendit dans le Temple une chaîne en or qui lui avait été donnée par Caligula, lors de sa sortie de prison à Rome et comme un souvenir de sa captivité. Ant. jud., XIX, vi, 1. Pour plaire aux Juifs, il fit décapiter saint Jacques le Majeur, frère de suint Jean l’évangéliste, et il mit en prison saint Pierre, qui, pendant la nuit, fut délivré par un ange. Act., xil, 1-19. C’est ce prince qui commença la troisième enceinte de la ville. Voir plus haut, col. 1376. Au commencement de l’année 44, il mourut misérablement à Césarée. Act., xii, 23 ; Ant. jud., XIX, viii, 2. La Palestine redevint une province romaine administrée par Cuspius Fadus. L’an 45, une grande famine désola le pays. Hélène, reine d’Adiabène, convertie à la foi juive, allégea les souffrances du peuple à Jérusalem, dans le courant de l’année 46, en distribuant aux pauvres du blé et des fruits secs. Pendant son séjour dans cette ville, elle se fit élever, dans les environs, un magnifique mausolée, où furent transportés ses restes et ceux de son fils. Ant. jud., XX, ii, 6 ; iv, 3. En 49, saint Pierre revint d’Antioche pour présider ; le premier concile, au

quel prirent part saint Jacques le Mineur, saint Paul et saint Barnabe. Act., xv, 1-30. C’est à cette époque, selon l’opinion la plus commune, que la Sainte Vierge mourut à Jérusalem. Félix, affranchi de Claude, remplaça, en 52, le procurateur Cumanus, rappelé à Rome. Fatigué des remontrances du grand-prêtre Jonathan, qui lui reprochait les désordres de sa vie, il le fit assassiner par l’un des nombreux sicaires qui commençaient à envahir et à terroriser la ville. Celle-ci se remplit d’imposteurs qui cherchaient à tromper le peuple pour s’élever au pouvoir ; partout régnaient la confusion et l’anarchie. En l’année 58, saint Paul se rendit à Jérusalem, où il fut surpris dans le Temple par ses ennemis, qui s’emparèrent de sa personne et soulevèrent le peuple contre lui. Le tribun Lysias l’arracha à la fureur de la multitude et le fit conduire par des soldats à Césarée. L’Apôtre ne devait plus revoir la ville sainte. Act., xxi, 17-40 ; xxiii, 23-35. Porcius Festus succéda à Félix comme procurateur de la Judée (60-62). Pendant ce temps, Hérode Agrippa II, fils d’Agrippa I er, qui avait été reconnu par les Romains roi de la Batanée et d’autres provinces, avec la surveillance du Temple et le droit de nommer le grand-prêtre, termina la troisième enceinte que’son père avait commencée. L’an 62, Albinus fut envoyé en Palestine, pour remplacer Porcius Festus qui était mort. Avant son arrivée, le grandpretre Ananus fit mettre à mort l’apôtre saint Jacques le Mineur, évêque de Jérusalem. Peu de temps après ce martyre, un simple paysan, nommé Jésus, fils d’Ananus, commença à proférer sans interruption des malédictions terribles contre la ville et contre le Temple. Il se mit tout à coup à crier : « Voix de l’Orient, voix de l’Occident, voix des quatre vents, voix contre Jérusalem, voix contre le Temple, voix contre le peuple ; malheur à Jérusalem. » Nuit et jour, pendant sept ans, il répéta les mêmes menaces, bien qu’il eût été arrêté, frappé et flagellé par ordre d’Âlbinus. Il ne cessa qu’en l’année 70, - où il tomba mort, atteint par une pierre, pendant le siège de la ville. Bell, jud., VI, v, 3. De plus, l’an 65, des signes effrayants apparurent au-dessus de Jérusalem. Ibid. Gessius Florus, le dernier procurateur romain, mit le comble à son impopularité, en faisant massacrer, l’an 66, plus de 3000 Juifs, dans les rues de la cité. Bell, jud., II, XIV, 9. Il n’en fallut pas davantage pour que tous les habitants se soulevassent comme un seul homme contre l’autorité romaine. Les insurgés s’emparèrent de la tour Antonia et y égorgèrent la garnison romaine. Cestius Gallus accourut aussitôt avec toutes les forces dont il disposait ; mais les Juifs le battirent, d’abord à Gabaon et ensuite sous les murs mêmes de Jérusalem.

Chargé par l’empereur Néron de cette nouvelle guerre, Vespasien se disposa à aller comprimer le mouvement insurrectionnel qui menaçait d’envahir toute la Palestine. Avant de marcher sur la ville, il réduisit peu à peu sous le joug la Galilée et la Pérée, puis, pénétrant en Judée, il établit son camp à Emmaus, pour se rendre maître de la route de Jaffa à Jérusalem. Mais, proclamé empereur en juillet de l’année 69, il laissa à son fils Titus la mission de poursuivre la guerre.

6. Les derniers jours de Jérusalem.

Au lieu de s’unir pour la défense, les habitants de la malheureuse cité se divisèrent en trois factions. L’une était commandée par Éléazar, qui s’était retranché dans l’enceinte intérieure du Temple ; l’autre était dirigée par Jean de Gischala, qui occupait les portiques et les parvis extérieurs ; la troisième avait à sa tête Simon, fils de Gioras, qui régnait en despote dans la ville haute et la plus grande partie de la ville basse. Bell, jud., V, I. Au printemps de l’an 70, Titus vint établir son camp à Gabaath-Saul (Tell el-Fûl), à cinq kilomètres au nord de Jérusalem. Le 1° mars, il disposa sa nombreuse armée sur le mont Scopus. En même temps, la Xe légion, qui venait de Jéricho, reçut l’ordre d’occuper le mont des

Oliviers, où elle réussit à s’établir solidement malgré les attaques des Juifs. Bell, jud., V, H. Cependant les factions continuaient la lutte intestine, celle d’Éléazar fut entièrement défaite ; il n’en resta donc plus que deux, celle de Jean de Gischala, retranchée dans les fortifications du Moriah et de Bézétba, et celle de Simon dans les forteresses de la colline occidentale. Titus commanda de couper tous les arbres au nord de la ville, et d’y préparer le terrain pour l’attaque, puis il disposa les machines de guerre près des remparts. Le 31 mars, l’enceinte construite par Agrippa (voir fig. 249) céda aux coups répétés des béliers. Le général romain, maître de la ville neuve, de Bézétha, y transporta sa* camp, sur le lieu que l’on appelait camp des Assyriens. Il commença ensuite l’attaque de la seconde enceinte, dans laquelle, au bout de cinq jours, une brèche fut ouverte ; mais il lui fallut encore quatre journées de combats continuels et acharnés pour se rendre maître de cette nouvelle position et en chasser les ennemis. Après quelque temps de repos, il se mit en mesure d’attaquer la ville haute et la tour Antonia, dont la possession

263 — Judxa capta.

IMP. CAES. VESPASIAN. AVG. P. M. TP.. P.P.P. COS. III. Tête laurée de Vespasien. — ni. 1VDAEA CAPTA. Palmier. A gauche, un Juif debout, les mains attachées derrière le dos ; auprès de lui des boucliers. À droite, la Judée en pleurs. En exergue, S. C. (Senatus consulta).

devait lui ouvrir l’accès du Temple. Jean de Gischala et Simon rivalisèrent d’efforts, d’habileté et d’audace pour neutraliser et contreminer les tentatives des Romains. Titus ordonna alors à ses troupes d’environner la ville entière d’un mur de circonvallation, afin d’empêcher toute communication entre les habitants et le dehors et de les réduire ainsi par la famine. Cette ligne d’investissement fut achevée en trois jours, et, dans la ville ainsi enfermée, la famine fit bientôt d’horribles ravages. Le 29 mai, la tour Antonia tomba au pouvoir des Romains, qui, après l’avoir renversée, attaquèrent l’enceinte du Temple. Le mur septentrional fut emporté, le portique livré aux flammes. Enfin, le 10 du mois d’Ab, qui répond à notre mois de juillet, un soldat romain, malgré les ordres formels de Titus, jeta un tison enflammé dans l’une des salles qui entouraient le sanctuaire. L’incendie se propagea, et bientôt le Temple, qui était à juste titre l’orgueil du peuple juif, ne fut plus qu’une ruine. Il y avait juste six siècles et demi que les Babyloniens avaient détruit celui de Salomon. La ville basse et la ville haute furent prises peu après ; tout fut mis à feu et à sang. Pendant ce siège, qui dura près de sept mois et qui fut l’un des plus sanglants que mentionne l’histoire, une foule innombrable de Juifs succombèrent, moissonnés par le glaive, la maladie et la famine. Ceux qui survécurent furent faits prisonniers ou vendus comme esclaves.Leur capitale fut rasée de fond en comble, à l’exception des tours Hippicus. Phasæl et Mariamne, qui devaient rester comme les témoins de la puissance de la place et de la vaillance des Romains. Après la ruine de Jérusalem, ceux-ci firent frapper des monnaies représentant au

revers la Judée captive, sous la forme d’une femme en pleurs, assise sous un palmier. Voir fig. 263. — Pour les détails, cf. Josèphe, Bell, jud., V, VI, VII, I, 1 ; F. de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, in-8°, Paris, 1866, S’jI fallait en croire Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 3, onze cent mille Juifs succombèrent pendant ce siège, et quatrevingt-dix-sept mille furent faits prisonniers. La population de Jérusalem a été de tout temps difficile à déterminer, mais ces chiffres, qui supposent une immense multitude d’habitants, sont exagérés. Il est vrai que, à l’époque des fêtes pascales, les pèlerins affluaient dans la ville sainte, et que les Orientaux ont une extrême facilité à s’entasser sur un étroit espace. Malgré cela, il ne faut pas oublier que les limites de l’enceinte, même dans sa plus grande étendue, sont en somme assez restreintes. Quant à la population normale, en temps ordinaire, les témoignages de l’Écriture et de l’antiquité nous font presque entièrement défaut. Hécathée d’Abdère, cité par Josèphe, Cont. Apion., i, 22, évaluait le nombre des habitants sous Alexandre le Grand à cent vingt mille. Plusieurs auteurs regardent ce chiffre comme un maximum, le minimum pouvant être porté à quatre-vingt mille. D’autres pensent que l’antique capitale de la Judée a pu avoir jusqu’à deux cent ou deux cent cinquante mille âmes. Cf. C. Schick, Studien uber die Einwohnerzahl des alten Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstiiia-Vereins, 1881, t. iv, p. 211-221.

Conclusion. Jérusalem dans l’histoire du monde. — Ainsi périt, sous le poids de ses fautes, de ses divisions, et surtout de son déicide, la Jérusalem juive, dont le Sauveur avait annoncé la ruine. Luc, xix, 43, 44. Comparée aux grandes cités de l’ancien monde, elle garde une physionomie et une grandeur qui ne peuvent manquer de frapper un observateur impartial. Elle n’a rien eu, en somme, de ce qui fait la gloire de Ninive et de Babylone, de Thèbes et de Memphis, d’Athènes et de Rome, ni l’étendue, ni la magnificence du site, ni la puissance militaire, ni l’éclat des monuments, à part le Temple, pour lequel encore elle a été tributaire des nations voisines. Loin de voir ses rois et ses princes lui apporter les dépouilles des peuples vaincus, elle a plutôt été sous le joug des grands empires qui l’avoisinaient. Aucune ville au monden’a peut-être subi plus d’assauts, soutenu plus de sièges. Elle n’a rien créé dans les arts ni dans la littérature humaine. Sa gloire lui vient donc de la place qu’elle tient dans l’histoire religieuse du monde. Au sein des ténèbres du paganisme, la petite colline de Sion produit l’effet d’un phare lumineux, d’où la connaissance et la religion du vrai Dieu ont projeté leurs rayons. Jérusalem a été vraiment sur la terre « la cité de Dieu », Ps. lxxxvi (hébreu lxxxvii), 3, image vivante de sa Providence, théâtre des manifestations de sa puissance et de sa sagesse, de sa bonté et de sa justice, jusqu’à la consommation du sacrifice suprême qui a marqué la fin de l’ancien monde et l’aurore du nouveau. Elle reste toujours la ville sainte des Juifs, dont le dernier bonheur serait d’y mêler leurs cendres à celles de leurs pères. Mais elle est devenue comme la patrie originaire de tous les chrétiens que le Christ y a enfantés sur la croix. Sous la plume des Apôtres, comme autrefois sous celle des prophètes, et dans le langage de la liturgie catholique, elle s’est transformée en la figure de l’Église et du ciel. Gal., ix, 26 ; Heb., xii, 22 ; Apoc., Jii, 12 ; xxr, 2, 10.

IV. Bibliographie.— Un volume suffirait à peine pour la bibliographie complète de Jérusalem ; ce serait la liste, et elle est longue, de presque tous les voyageurs qui ont visité la Terre Sainte. Cf. R. Rohncht, Bibhotheca geographica Palxstinx, in-8°, Berlin, 1890. Isous n’avons à indiquer ici que les auteurs récents dont les ouvrages ont une plus grande importance. Du reste, les derniers résultats de la science sont plutôt consignés

dans les revues spéciales, anglaises, allemandes, françaises, que nous avons souvent citées au cours de cet article. — Poujoulat, Histoire de Jérusalem, 2 in-8°, Paris, 1841 ; 5*édit., 1865 ; G. Williams, The HolyCity, 2e édit., 2 in-8°, Londres, 1849 ; J. Fergusson, An essay on the ancient topography of Jérusalem, in-4°, Londres, 1847 ; T. Tobler, Topographie von Jérusalem, 2 in-8°, Berlin, 1853 ;

E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 2e édit., Londres, 1856, 1. 1, p. 221-433 ; F. de Saulcy, Voyageautour de la Mer Morte, Paris, 1852, t.n, p. 188-375 ; Voyage en Terre Sainte, Paris, 1865, t. i, p. 93-144. 345-410 ; t.n, p. 1-217 ; F. Thrupp, Ancient Jérusalem, in-8°, Cambridge, 1855 ; Th. Barclay, Jérusalem and environs, Philadelphie, 1856 ; The City of the great King, or Jérusalem, as it was, as it is and as it is to be, in-8°, Philadelphie, 1858 ; H. W. Altmûller, Jérusalem nach seiner ôrthchen Lage und bedeutungsvollen Gesc/ » c/(fe, in-8°, Cassel, 1859 ;

F. N. Lorenzen, Jérusalem, Beschreibung meiner Reise nach dem Heihgen Lande, in-8°, Kiel, 1859 ; W. K. Tweedie, Jérusalem and its environs, in-8°, Boston, 1860 ; H. Thiele, Jérusalem, seine Lage, seine heiligen Stàtten und seine Bewohner, in-8°, Halle, 1861 ; F. Gerdes, Naar Jeruzalem en het Heilige Land, 3 in-8°, Rotterdam, 1863-1864 ; Th. Lewin, Jérusalem, a sketch of the city and temple, in-8°, Londres, 1861 ; The siège of Jérusalem by Titus etc., in-8°, Londres, 1863 ; E. Pierotti, Jérusalem explored, 2 in-4°, Londres, 1863 ; M. de Vogué, Le Temple de Jérusalem, in-4°, Paris, 1864 ; Appendice, p. 109-129 ; A. Rhodes, Jérusalem as it is, in-8°, Londres, 1865 ; C.W. Wilson, The ordnance Survey of Jérusalem, 2 in-f°, Southampton, 1866 ; Wilson et Warren, The Recovery of Jérusalem, in-8°, Londres, 1871 ; A. Wartensleben, Jérusalem, Gegenwartiges und Vergangenes, in-8°, Berlin, 1870 ; J. W. Rolland, Sinai and Jérusalem, in-4°, Londres, 1870 ; W. Besant et E. H. Palmer, Jérusalem, the city of Herodand Saladin, in-12, Londres, 1872 ; W. Elgner, Jérusalem und seine Umgebung, in-4°, Leipzig, 1873 ; Tyrwhitt Drake, Modem Jérusalem, in-8°, Londres, 1875 ; J. N. Sepp, Jérusalem und das Heilige Land, 3° édit., 2 in-8°, Ratisbonne, 1878 ; Ch. Waren, Underground Jérusalem, in-8°, Londres, 1876 ; T. Flaminio, Un mese a Gerusalemmee net suoi dintomi, in-8°, Milan, 1878 ; W.M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1881, t. i, Southern Palestine and Jérusalem, p. 415-567 ; Warrèn et Conder, Survey of Western Palestine, Jérusalem, in-4°, Londres, 1884, et vol. de pl. ; V. Guérin, Jérusalem, in-8°, Paris, 1889 ; D. Zanecchia, La Palestina d’oggi, trad. franc., in-12, Paris, 1899, 1. 1, p. 117-529. Clermont-Ganneau.-ircftéeological Researches in Palestine during the years 18731874, in-4°, Londres 1899, t. î ; Mislin, Les Lieux Saints, Paris, 1876, t. n ; Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, in-4°, Paris, 1884, p. 219-308 ; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1887, p. 243-341 ; F. Liévin de Hamme, Guide-Indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. i, p. 143-470 ; A. Socin et E. Benzinger, Palestine et Syrie, Leipzig, 1893, p. 21-112 ; G. A. Smith, Jérusalem, 2 in-8°, Londres, 1908.

Cartes et plans. — H. W. Altmûller, Reliefplan von Jérusalem, Cassel, 1858 ; C. M. van de Velde, Pion of the Town and environs of Jérusalem, constructed from the English Ordnance Survey and measurements von T. Tobler, in-f°, Gotha, 1858 ; J. T. Barclay, Map of Jérusalem and environs, in-f", Philadelphie, 1858 ; W. Wilson, The Ordnance Survey of Jérusalem, Southampton, 1866 ; Zimmermann, Karten und Plane zur Topographie des alten Jérusalem, Bâle, 1876.

Numismatique. — F. W. Madden, History of Jewish coinage, in-8°, Londres, 1864 ; Id., Coins oftheJews, ia-4°, Londres, 1881 ; F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, in-4°, Paris, 1874, p. 69-109.

< A. Legendbe.

    1. JÉSAAR##

JÉSAAR (hébreu : Ishâr, i huile ; » Septante : Tcraaâp), second fils de Caath, de la tribu de Lévi. Num., iii, 19. Il est appelé partout ailleurs dans la Vulgate Isaar. Voir Isàar 1, col. 936.

    1. JÉSAARITES##

JÉSAARITES (hébreu : Imy-Isharî ; Septante : 6 'luaxàp ; Vulgate : /esaarite), lévites descendant d’Isaar, dans la branche de Caath. Num., iii, 27. Du temps de David, cette famille avait pour chef Salémoth, I Par., xxiv, 22 (Voir Isaari, col. 936), et Chonénias qui, avec ses frères, gardait les trésors de la maison de Dieu. I Par., xxvi, 23-29. Dans ces deux versets, la Vulgate les appelle Isaarites. Voir ce mot, col. 936.

    1. JÉSAIAS##

JÉSAIAS (hébreu : YeSa’eyâhâ ; Septante : 'Iaiaç, 'Iwiita), quatrième fils d’Idithun, un des chantres de la maison de Dieu sous la direction de son père, du temps de David. Il était chef du huitième chœur qui comprenait douze chantres. Son nom, écrit par la Vulgate Jesaias dans I Par., xxv, 15, est écrit Jeseias au ꝟ. 3 du même chapitre. En hébreu, ce nom ne diffère pas de celui du prophète Isaie. Voir Isaie, col. 941.

    1. JÉSAMARI##

JÉSAMARI (hébreu : lëmeraï ; Septante : 'lactpapi), quatrième fils d’Elphaad, de la tribu de Benjamin ; il habitait Jérusalem. I Par., Vin, 18.

    1. JESANA (hébreu##


JESANA (hébreu.YeSândh, « l’ancienne ; » Septante : ïi’lEtruvà), ville des montagnes d'Éphraim, qui faisait nartie du royaume d’Israël. Elle fut prise, mais pour peu de temps, cf. III Reg., xv, 17, avec ses dépendances et avec deux autres villes, Béthel et Éphron, par Abiu, roide Juda, sous Jéroboam 1 er, roi d’Israël. II Par., xiii, 19 ; cf. xv, 8. Elle n’est nommée que dans ce passage de l'Écriture. Josèphela mentionne aussi, Ant.jud., XIV, XV, 12, sous le nom de Vla-âvaç, comme ayant été le théâtre d’une victoire d’Hérode le Grand sur Pappas, général de l’armée d’Antigone, mais il ne donne aucun détail qui permette d’en fixer le site. Plusieurs exégètes modernes croient qu’il faudrait lire aussi YeSdnâh, I Reg. (Sam.), vii, 12, au lieu de haS-Sên (Vulgate : Sen) que porte le texte hébreu actuel. Il est dit, dans ce passage, que Samuel éleva une pierre, qu’il appela ÉbenÉzer, « la pierre du Secours, » entre Masphath et Sen, en mémoire de la victoire que les Israélites avaient remportée là sur les Philistins. —Quoi qu’il en soit, Jesana a été identifiée par M. Clermont-Ganneau, Notes sur ta Palestine, dans le Journal asiatique, avril-mai 1877, p. 490-501. C’est le 'AinSinia actuel, village de deux cents habitants, à cinq kilomètres environ au nord de Béthel, alimenté d’eau par une source qui coule dans l’ouadi Sinia. Les flancs de la colline sont tapissés d’oliviers et de figuiers plantés en terrasses. On y remarque de nombreux tombeaux taillés dans le roc. Sur la porte d’entrée de l’un d’eux est une inscription hébraïque en caractères carrés, anciens, découverte par M. Drake en 1872, et portant : « Hananya, fils d'Éléazar. » Voir V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 38 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Slatement, 1877, p. 206-207 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, 1882, p. 291, 302 ; Fr. Buhl, Géographie des alten Palàshna, 1896, p. 173-174. F. Vigouroux.

    1. JESBA##

JESBA (hébreu : Jëbah ; Septante : 'Izaêâ), père, c’est-à-dire fondateur d’Esthamo, dans la tribu de Juda. I Par., iv, 17. La Vulgate fait de lui le septième fils d’Ezra, mais le texte original, d’ailleurs fort obscur en Get endroit, semble faire de lui un fils de Méred par Béthia, la fille d’un pharaon. I Par., iv, 18. Voir Esthamo l, t. li, col. 1971.

    1. JESBAAM##

JESBAAM (hébreu : Yaëob'âm), un des principaux chefs de l’armée de David qui tua trois cents ennemis.

I Par., xi, 11. Dans ce passage (Septante : 'IeueëaSâ utôc, 'Axajtâv), il est appelé fils d’Hachamoni (voir ce mot, col. 388). Il est dit au chapitre suivant que Jesbaam de Carehim fut un des guerriers qui allèrent rejoindre David exilé à Siceleg. I Par., xii, 6 (Septante : Eoéoxàji xoù oî KopCtai). Il paraît vraisemblable que c’est le même que le fils de Jesbaam déjà nommé et qui est distingué la première fois par le titre de fils d’Hachamoni et la seconde par celui de Carehim. Sur la manière dont il faut entendre ce mot, voir Carehim, t. ii, col. 259. Le nom de Jesbaam apparaît une troisième fois, I Par., xxvii, 2 (Septante : 'Icrêoâç) comme chef de la première division de l’armée de David, composée de 24 000 soldats. Là, il est appelé fils de Zabdiel, et la Vulgate écrit son nom Jesboam au lieu de Jesbaam. Il est possible que ce soit Jesbaam Hachamoni de Carehim désigné par une qualité nouvelle, mais ce n’est pas certain. — Dans II Reg., xxiii, 8, qui contient la liste des forts de David parallèle à celle de I Par., xi, le nom de Jesbaam est tout à fait défiguré ; il devient Yôséb bas-sébét, que la Vulgate traduit : Sedens in cathedra sapientissimus, et il tue huit cents hommes (au lieu de trois cents), si l’on traduit : 'âdinô hâ-'ésnû (au lieu de hâ-'èsnî) par « coup de sa lance » contre huit cents hommes. D’autres, lisant, avec le keri : hâ-'ésni, prennent les deux mots hébreux pour un nom propre, celui d’Adino l’Hesnite, et attribuent à cet Adino la mort des huit cents hommes. Voir Adino, t. i, col. 218. II Sam. (Reg.), xxiii, 8. Le passage est fort obscur, mais il est plus probable que 'admô n’est pas un nom propre.

    1. JESBACASSA##

JESBACASSA (hébreu : Yosbeqasâh ; Septante : 'Ieoêao-axà), lévite, de la famille d’Héman, qui dirigeait le seizième chœur des chantres sacrés du temps de David. I Par., xxv, 4, 24.

    1. JESBIBENOB##

JESBIBENOB (hébreu : Ubi-benôb ; Septante : 'IsuiTÎ Iv toï ; èxyiîvoi ;  ; Alexandrinus : 'lza6 h Nôë), géant philistin, de la race d’Arapha, dont la lance pesait trois cents sicles et qui était armé d’une épée neuve. Il lut tué par Abisai, trère de Joab, au moment où il attaquait David. II Reg., xxi, 16-17. Beaucoup de critiques pensent aujourd’hui qu’Isbibenob n’est pas un nom propre, mais qu’il faut lire, en conservant l’orthographe du chelib pour le premier mot : vay-yéSbû (au lieu du keri : va-isbi) be-Gôb (en corrigeant Nob en Gob) ; « et ils demeurèrent avec lui (David) à Gob. » Cf. Gob, col. 258.

    1. JESBOAM##


JESBOAM, fils de Zabdiel. I Par., xxvii, 2. Voir Jesbaam.

    1. JESBOC##

JESBOC (hébreu : Isbâq ; Septante : 'Ieugtix et Soêâx), cinquième fils d’Abraham et de Cétura. Gen., xxv, 2 ; I Par., i, 32. Il fut le père de la tribu de ce nom, qui habita l’Arabie septentrionale. Cette tribu est nommée dans une inscription de Salmanasar III, roi d’Assyrie. Il énumère parmi ses alliés, dans sa première campagne (859 avant notre ère), Buranatê de la terre de Yasbuk (mat Ia-as-bu-qa-aï). Inscript, du monolithe, col. I, ligne 54. Voir Frd. Delitzsch, dans la Zeilschnft fur Keilschriftforschung, 1885, t. ii, p. 92 ; Eb. Schrader, Keilinschriftliche Bibliothek, 1889, t. l, p. 158 ; Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, Berlin, 1890, t. ii, p. 446. La terre de Yasbuk ne nous est pas autrement connue.

    1. JESCHA##

JESCHA (hébreu : Iskdh ; Septante : 'Ieer^â), fille d’Aran et nièce d’Abraham, sœur de Lot et de Melcha. Gen., xi, 59. La tradition juive l’identifiait avec Sara. Josèphe, Ant. jud., 1, vi, 5 ; Targum du Pseudo-Jonathan, in Gen., xi, 29 ; S. Jérôme, Qusest. in Gen., t. xxiii, col. 956 (Sarai cognomenlo Jecsan, S-jâmy.ov). Cette identification est une hypothèse sans preuves. 1399

JÉSÉIAS — JÉSIMON

(1400

    1. JÉSÉIAS##


JÉSÉIAS, nom, dans la Vulgate, de deux Israélites. Voir Isaie, col. 941.

1. JÉSÉIAS (hébreu ; YeSa’eyâh ; Septante : ’Itaiâç), fils de Phaltias, d’après la Vulgate et les Septante ; fils d’Hananias et frère de Phaltias d’après l’hébreu. Il était de la tribu de Juda et petit-fils ou arrière-petit-fils de Zorobabel. I Par., iii, 21.

    1. JÉSÉIAS##


2. JÉSÉIAS, nom dans la Vulgate, I Par., xxv, 3, du fils d’Idithun qu’elle appelle, I Par., xxv, 15, Jésaias. Voir Jésaias, col. 1397.

    1. JÉSÉMA##

JÉSÉMA (hébreu : lsmd’; Septante : ’Isunâv), second fils d’Étam, de la tribu de Juda. Peut-être est-ce un nom de localité. I Par., iv, 3.

    1. JÉSER##

JÉSER (hébreu : Yêsér ; Septante : ’laaâap ; ’Iensp et’Ad-^p), troisième-fils de Nephthali, et petit-fils de Jacob, chef de la famille des Jésérites. Gen., xlvi, 24 ; Num., xxvi, 49 ; I Par., vii, 13.

    1. JÉSÉRITES##

JÉSÉRITES (hébreu : hay-Iserl ; Septante : ô’Isaîpt ; Vulgate : Jesentse), descendants de Jéser, un des chefs de famille de la tribu de Nephthali. Ils furent recensés dans le pays de Moab par Moïse. Num., xxvi, 49.

    1. JÉSÉSI##

JÉSÉSI (hébreu : Yesisaï ; Septante : ’Ieuaî), fils de Jeddo, de la tribu de Gad. Ses descendants furent recensés dans le pays de Galaad du temps deJoatham, roi de Juda. I Par., v, 14, 16-17. JÉSI (hébreu. Jse’î), nom de quatre Israélites.

1. JÉSI (Septante : ’I<rejju : rjX ; Alexandrinus : ’Ieuet’), fils d’Apphaim et père de Sésan, descendant d’Hesron, de la tribu de Juda. I Par., II, 31.

2. JÉSI (Septante : 2si), père de Zoheth et de Benzoheth, de la tribu de Juda. Certains commentateurs l’identifient avec Jési 1, mais leur postérité n’est pas la même. I Par., iv, 20.

3. JÉSI (Septante : ’Is<ri)> père de Phaltias, de Naarias, de Raphaia et d’Oziel, de la tribu de Siméon, qui, sous le règne d’Ézéchias, allèrent attaquer les Amalécites qui s’étaient établis sur le mont Séir, les battirent et s’y fixèrent eux-mêmes. I Par., iv, 42.

4. JÉSI (Septante : Est ; Alexandrinus : ’Ieusi), un des chefs de la demi-tribu de Manassé transjordanique. I Par., v, 24.

    1. JÉSIA##

JÉSIA, nom, dans la Vulgate, de trois Israélites qui en hébreu s’appellent Issîyâh et Iêsiyahû. Deux autres, dont le nom en hébreu est le même que Jésia, sont appelés dans la Vulgate Jésias et Josué 6.

1. JÉSIA (hébreu : Usîyâh ; Septante : ’Ie<jîa), le dernier des fils d’Izrahia, de la tribu d’Issachar, un des chefs de sa tribu sous le règne de David. I Par., vii, 3.

2. JÉSIA (hébreu : Issîydhû ; Septante : ’I^)(rouvi ; Alexandrinus : ’Itala), benjamite qui alla rejoindre David à Siceleg et fut un de ses vaillants soldats. I Par., Xii, 6.

3. JÉSIA (hébreu : Issîyâh ; Septante : ’laii), lévite, de la famille de Caath. I Par., xxiii, 20 ; xxiv, 25.

    1. JESIAS##

JESIAS (hébreu : Issiyâh ; Alexandrinus : Ieac’ac), lévite, descendant d’Eliézer, fils de Moïse. Sous le règne de David, il était chef de la famille de Rohobia. I Par.,

xxiv, 21. La Vulgate l’appelle Isaias dans I Par., xxvi, 25. Voir Isaie 3, col. 985.

    1. JÉSIEL##


JÉSIEL, fils aîné de Nephthali. Num., xxvi, 48. Ile «-t appelé Jasiel dans Gen., xlvi, 24, et I Par., vii, 13. Voir JasielI, col. 1139.

    1. JÉSIÉLITES##

JÉSIÉLITES (hébreu : hay-Yahse’êli ; Septante : 4’A<rn)> ! ’), famille descendant de Jésiel (Jasiel) qui fut dénombrée par ordre de Moïse dans le pays de Moab. Num., xxvi, 48.

    1. JÉSIMON (hébreu ha-Yesimôn##


JÉSIMON (hébreu ha-Yesimôn, avec l’article, « le désert ; » Septante : ?] èpvjjjioç dans les Nombres ; ô’Ie<7<raiuôç, I Reg., xxiii, 19, 24 ; 6’Ie<7<reu.o< ;, IReg., xxvi, 1, 3), nom de deux déserts dans l’Écriture. La Vulgate a conservé le nom hébreu Jesimon dans les Rois, excepté I Reg., xxiii, 19, où elle l’a traduit par « désert ». Au livre des Nombres, elle a traduit, à la suite des Septante, par desertum, Num., xxi, 20, et par sohlvdo, Num., xxiii, 28. Dans ces deux passages du livre des Nombres, le nom de Jésimon sert à déterminer, une première fois, la situation du mont Phasgah et, une seconde, la situation du Phogor : il est dit du sommet de ces deux montagnes qu’elles sont « vis-à-vis de Jésimon ». — Dans le premier livre des Rois, Jésimon désigne une partie du désert de Juda, dans le voisinage de Ziph et de Maon. — Le mot hébreu Yesimôn se lit dans sept autres passages de la Bible hébraïque, où il est employé en parallélisme (excepté Ps. LVIH, 8) comme synonyme de nudbdr, « le désert. » Deut., xxxii, 10 ; Ps. lxviii, 8 ; lxxvio, 40 ; evi, 14 ; cvii, 4j(hébreu) ; Is., xiiil, 19, 20. Excepté dans les trois derniers passages, où il y a tout au plus une allusion indirecte à la sortie d’Egypte, Yesimôn dans les quatre premiers est dit, comme midbdr, du pays qu’ont traversé les Israélites pour se rendre dans la Terre Promise. Mais il y a cette différence entre l’emploi de Yesîmon dans ces endroits, d’une part, et dans les Nombres et les Rois, de l’autre, qu’il est toujours précédé de l’article dans ces deux derniers livres, tandis qu’il ne l’est jamais dans les Psaumes et dans Isaie, non plus que dans le Deutéronome. On peut conclure de là que le Jésimon dont parle Moïse dans le Pentateuque et le Jésimon dont il est question dans l’histoire de David sont deux localités qui avaient spécialement reçu le nom par excellence de Jésimon, sans doute à cause de leur aridité caractéristique. Il y a, en effet, entre le midbdr et le yesimôn, quoique l’un et l’autie signifient « désert », cette différence, que celui-là signifie « un lieu désert », mais quiproduitde l’herbe, « un pacage, » tandis que yesimôn est un lieu sec, désolé et qui ne produit rien. Voir Désert, 1° et 4°, t. ii, col. 1388 et 1390.

1° Le Yesîmôn. des Nombres, xxi, 20 ; xxiii, 28, était situé dans le pays de Moab, au nord de la mer Morte, à l’est du Jourdain et non loin de son embouchure, dans le G hôr-el-Belqa actuel et dans le voisinage de Betlijesimoth (aujourd’hui’Atn Sûeiméh), t. ii, col. 1686, mais il n’est pas possible d’en déterminer plus exactement la position. Une ancienne inscription assyrienne du roi Assurbelkala, fils de Théglathphalasar I er, vers 1001 avant J.-C, mentionne un district de Palestine appelé Yasumum qui est peut-être le Yesimôn du Pentateuque. Voir Fr. Hommel, Die altisræhlische Vberhefening, in-12, Munich, 1897, p. 197, 255.

2° Le Yesimôn du premier livre des Rois se trouvait, d’après les données de l’auteur sacré, au nord et vis-àvis de la colline d’Hachila (col. 390), près de Ziph, I Reg., xxiii, 15, 19 ; xxvi, 1-3, et également au nord du désert de Maon. Ziph et Maon étant connus (voir ces deur mots), on peut fixer approximativement, mais non d’une manière précise, la situation de Jésimon dans ces parages au nord-est de la ville de Carmel. Les déserts de Ziph et 4401

JËSIMON — JÉSUA

de Maon sont un midbdr, c’est-à-dire des pâturages, mais le terrain qui s'étend entre eux et la mer Morte, en se dirigeant vers Engaddi, est un yesimôn, une terre désolée et aride. Voir Survey of Western Palestine, Memoirs, 1883, t. iii, p. 299 ; F. Buhl, Géographie der alten Palâstina, 1896, p. 96. M.'J. A. Smith, Historical Geography of Holy Land, in-8°, Londres, 1894, p. 312314, fait de Jésimon (par ce nom, il entend le désert de Juda en général) la description suivante qui nous donne une idée exacte de cette région désolée, surtout dans la partie voisine de la mer Morte : « Dans l’Ancien Testament, dit-il, cette terre (le désert de Judée) est appelée le Jésimon, mot signifiant « dévastation », et aucun terme ne peut mieux exprimer son aspect sauvage et bouleversé. Sa superficie est d’environ trente-cinq milles sur quinze (cinquante-six kilomètres sur vingt-quatre). Nous y arrivâmes de Maon. Les terres cultivées à l’est d’Hébron cèdent rapidement la place à des collines et à des vallées sans eau, couvertes de genêts et d’herbe. Nous employâmes tout notre après-midi à traverser à cheval cette région. Les puits sont rares ; presque tous sont des citernes d’eau de pluie, jalousement gardées pendant l'été par leurs propriétaires arabes. Pendant une heure ou deux, nous ne fîmes que monter et descendre les flancs d'éminences escarpées, chacune plus nue que la précédente. Nous descendîmes ensuite par des pentes rocheuses à une grande plaine, où nous laissâmes derrière nous les dernières herbes, de couleur grisâtre, et les chardons ; il y avait déjà deux heures que nous n’avions plus rencontré de troupeaux de chèvres. Des touffes d’arbustes rabougris, des plantes épineuses et des plantes rampantes, c'était là tout ce qui soulageait la vue au milieu de la nudité de ce sol sombre ou jaunâtre, composé de sable, de menus débris de calcaire et de gravier. Les couches de terrain étaient comme tordues ; les chaînes montagneuses couraient dans toutes les directions ; les collines au nord et au sud paraissaient de gigantesques amoncellements de poussière ; celles qui étaient voisines avaient l’air d’avoir été déchirées comme par l'éruption des eaux. Quand nous ne marchions pas sur des débris, le calcaire était éclaté et écaillé. Souvent le sol sonnait creux ; quelquefois les pierres et le sable glissaient en quantité sous les pieds des chevaux ; d’autres fois le roc vif était nu et érodé, surtout dans les gorges qui étaient nombreuses et qui étaient ardentes et brûlantes comme des fournaises ; au loin, à l’est, courait la chaîne des montagnes de Moab et, devant elles, nous apercevions, de temps en temps, la mer Morte, dont le bleu foncé, par de la le désert, était pour nos yeux un rafraîchissement. Nous chevauchâmes ainsi pendant deux heures, jusqu'à ce que la mer apparût soudain dans toute sa longueur, et le chaos que nous venions de traverser s'éboula et se brisa, par une descente de douze cents pieds (461 mètres), amas de calcaire, de cailloux et de marne, de rocs escarpés, de crevasses et de précipices, jusqu’au bord de l’eau. Tel est Jésimon, le désert de Judée. Il transporte l’aspect ravagé et la désolation de la vallée de la mer Morte jusqu’au cœur du pays, jusqu’au pied du mont des Oliviers, à deux heures des portes d’Hébron, de Bethléhem et de Jérusalem. » Cf. ibid., p. 513, 564-566. F. Vigolroux.

    1. JESMACHIAS##

JESMACHIAS (hébreu : hmakyâhû, « que Jéhovah soutienne ! » Septante : S « (iax( « ), lévite qui fut chargé avec plusieurs autres, sous le règne d'Ézéchias, de la garde des magasins du Temple où étaient renfermées les offrandes et les dimes. II Par., xxxi, 13.

    1. JESMAÏAS##

JESMAÏAS (hébreu : Iima’eyahû, « que Jéhovah exauce ! » Septante : S » ixaias), fils d’Abdias, chef de la tribu de Zabulon pendant le règne de David. I Par., xxvii, 19.

1402

    1. JESPHA##

JESPHA (hébreu : Updh ; Septante : 'Ito-qxz), second fils de Baria, de la tribu de Benjamin. I Par., viii, 16.

    1. JESPHAM##

JESPHAM (hébreu : ISpân ; Septante : 'Uaf&v), fils aîné de Sésac, de la tribu de Benjamin. I Par., vm, 22.

    1. JESRAELI##

JESRAELI (hébreu : hay-lêre'éll ; Septante : "U*pasXfefj ;), nom ethnique dont la vraie lecture est douteuse. II Reg., xvii, 25. Dans I Par., ii, 17, on lit Ismaélite, au lieu d’Israélite que porte le texte hébreu, et de Jesraélite que donnent les) Septante et la Vulgate. Ce qualificatif est appliqué à Jéthra, père d’Amasa. Voir

JÉTI1RA.

    1. JESSE##

JESSE, nom du père de David et d’une région de l’Egypte dans la Vulgate.

1. JE88É, une des formes, en latin et en français, du nom d’Isaî, père de David, appelé ailleurs Isaî. Cette orthographe est employée quatre fois dans l’Ancien Testament, Ps. lxxi, 20 ; Eccli., xlv, 41 ; Is., xi, 1, 10, et cinq fois dans le Nouveau Testament. Matth., i, 5 (deux fois) ; Luc, iii, 22 ; Act., xiii, 22 ; Rom., xv, 12. Voir Isaï, col. 936.

2. JE88É, nom qui est donné dans la Vulgate, Judith, 1, 9, à la terre de Gessen. Les Septante portent avec raison Waip. Le roi d’Assyrie envoya des messagers aux habitants du pays, comme à ceux de beaucoup d’autres contrées, pour se faire payer tribut, mais ils relusèrent. Voir Gessen, col. 218.

    1. JESSUI##

JESSUI (hébreu : Uvi), nom de deux Israélites.

1. JESSUI (Septante : 'Ieo-JX, 'Ieooû et 'I<rovt)i troisième fils d’Aser et petit-fils de Jacob, père de la famille des Jessuites. Gen., XLVi, 17 ; Nurn., xxvi, 44 ; I Par., vii, 30.

2. JESSUI (Septante : 'Ieaato-j), second fils du roi Saûl par Achinoam. I Reg., xiv, 49. Son nom est omis dans la généalogie de la famille de Saûl, I Par., viii et IX, et il n’est pas non plus question de lui dans le récit de la bataille de Gelboé, I Reg., xxxi.ee qui porte à supposer qu’il était mort en bas âge.

    1. JESSUITES##

JESSUITES (hébreu : hay-Iivi ; Septante : 4 'Icerovf ; Vulgate : Jessuitœ), descendants de Jessui dans la tribu d’Aser qui furent recensés dans le pays de Moab. Nurn., xxvi, 44.

JÉSU (Taniïj ;), fils d'Éliézer et père d’Er, un des ancêtres de Notre-Seigneur dans la généalogie de saint Luc, m, 29.

    1. JÉSUA##

JÉSUA, nom de trois Israélites dans la Vulgate. Leur nom est écrit différemment en hébreu, mais le radical est toujours le même. La Vulgate a transcrit plusieurs des noms qui ont la même orthographe en hébreu par Jostie, Jesite, Jésus.

1. JÉSUA (hébreu : ISvâk ; Septante : 'IecwJot et Sovfa), second fils d’Aser et petit-fils de Jacob. Gen., xlvi, 17 ; I Par., vii, 30. Jésua n’est pas nommé dans la généalogie d’Aser, contenue dans Nurn., xxvi, 44-47.

2. JÉSUA (hébreu : Yëtiîa" ; Septante : 'Itjto-j), descendant d’Aaron qui devint le chef des prêtres à qui échut le neuvième rang dans l’ordre du service divin sous le règne de David. I Par., xxiv, 11. Ce sont peut-être ses descendants, de la branche de Jadaîa, qui revinrent de captivité avec Zorobabel. I Esd., ii, 36. Dans ce passage la Vulgate donne à Jésua le nom de Josué. 14Q3 JÉSUA — JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1404

3. JÉSUA (hébreu : Yêsâa’; Septante : ’I/)<roii), lévite qui revint avec Zorobabel de la captivité de Babylone, s’occupa du chant sacré avec d’autres lévites et aida Esdras et Nchémie dans leur œuvre de restauration. II Esd., xti, 8. Voir aussi I Esd., ii, 40 ; iii, 9 ; II Esd., m, 19 ; viii, 7 ; rx, 4, 5 ; x, 9 ; xii, 24. Dans tous ces passages, Jésua est appelé par la Vulgate Josué. Gomme presque partout les mêmes noms de lévites y sont groupés ensemble, on peut en induire que c’est toujours de Jésua qu’il s’agit. — Dans II Esd., xii, 24, nous lisons : « Josué fils de Cedmihel, » mais ce doit être une altération du texte pour « Josué et Cedmihel », comme dans les autres passages analogues. Voir Cedmihel, t. ii, col. 370.

    1. JÉSUÉ##

JÉSUÉ, nom d’un Israélite et d’une ville dans la Vulgate.

4. JÉSUÉ (hébreu : YêSûa’; Septante : ’Iïjdouç), un des lévites qui, du temps du roi Ézéchias, avaient été chargés de distribuer sous la direction de Coré, dans les villes sacerdotales, la part qui revenait à chacun des prémices et des offrandes faites au sanctuaire. II Par., xxxi, 14-15.

2. JÉSUÉ (hébreu : Yêsû’a ; Septante : ’Irio-oCi), ville de la partie méridionale de la tribu de Juda. Elle n’est nommée qu’une fois dans l’Écriture. Il est dit, II Esd., xi, 26, qu’elle fut réhabitée après la captivité de Babylone par des membres de la tribu de Juda. Son nom ne se lit point dans les listes du livre de Josué. On a supposé qu’elle pouvait être la même que Sema’(Vulgate : Sama), Jos., XV, 26, mais c’est une hypothèse qui ne repose que sur la ressemblance fort imparfaite du nom. Les explorateurs anglais de la Palestine ont proposé d’identifier Jésué avec les ruines de Klurbet S’aivéh, à l’ouest le Tell’Arad et au sud de’Attir sur la limite du désert de Bersabée. La position convient assez bien, puisque Jésué, d’après l’énumération de Néhémie, était dans le voisinage de Bersabée et de Malada. « Khirbet S’awéh est situé sur le sommet d’une colline proéminente couronnée de ruines, consistant en restes de fondations et eft monceaux de pierres. La colline est entourée d’un mur bâti en gros blocs de cailloux agglomérés. D’autres ruines de même’nature existent dans la vallée au dessous. » Survey of Western Palestine, MemoirsA883, t. iii, p. 409-410 ; cf. p. 404. F. Vigouroux.

    1. JÉSUITES##

JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES

SAINTES ÉCRITURES. C’est à des écrivains étrangers à la Compagnie de Jésus qu’il convient de demander un jugement d’ensemble sur les travaux des jésuites en matière biblique. Protestants et catholiques s’accordent à reconnaître leur importance. Au xvie siècle, « l’exégèse a été cultivée surtout par les jésuites, dont les ouvrages, souvent réimprimés au cours du xvii « , ont éclipsé tous les autres. » Ed. Reuss, Geschichte des N. T., 5e édit., Augsbourg, 1874, t. ii, p. 293. — « Inter præcipua hujus Societatis décora référendum est, quod multa theologicarum disciplinarum lumina atque columina produxerit, nec ullum fere studiorum biblicorum genus, de quo non quidam illius sodalium variis nominibus prseclarissime promeriti fuerint. » Danko, De Script, comment., Vienne, 1867, p. 335. — « Le protestantisme obligea les docteurs catholiques à s’occuper dorénavant davantage de l’interprétation littérale, et moins de l’interprétation allégorique et mystique des Saintes Écritures. Les jésuites, institués par saint Ignace en 1534, tinrent le premier rang parmi les défenseurs de la Bible contre les erreurs nouvelles. Leur Ratio studiorum recommande l’étude du grec, de l’hébreu et des autres langues orientales dans le but de mieux comprendre et de mieux expliquer les Saintes Écritures. » Vigouroux, Manuel bibl., 11e édit., t. i, n° 215, p. 357.

Dans son Nomenclator literarius (41n-8°, edit. altéra,

Inspruck, 1892-1899), le P. Hurter, S. J., retraçant le tableau de la renaissance des études scripturaires pendant le siècle qui a suivi le concile de Trente, de 1563 à 1660, énumère plus de 300 auteurs catholiques dont les ouvrages traitent des choses bibliques. Or on compte sur ce nombre 80 jésuites. — Le lecteur trouvera des renseignements biographiques et une bibliographie complète dans les notices particulières que ce Dictionnaire consacre à chacun des exégètes ; on ne prétend donc pas fournir dans le présent article une énumération complète des travaux bibliques exécutés par les religieux de la Compagnie de Jésus. On s’est plutôt attaché à préciser les origines et le développement historique de ces travaux, comme aussi la méthode et l’esprit d’après lesquels ils ont été conduits.

I. Origines des études bibliques chez les jésuites.

— I. leçons d’écriture sainte. — Quand saint Ignace de Loyola et ses neuf premiers compagnons vinrent demander à Paul III (octobre 1537), de les employer au service et à la défense de l’Église, les études bibliques commençaient à sortir de l’état de langueur où elles se trouvaient depuis un siècle. Pressés de réagir contre l’action protestante, qui s’était tout particulièrement portée de ce côté des sciences ecclésiastiques, le cardinal Cajétan († 1535), Sante-Pagnino († 1541), Vatable († 1547), Clarius († 1555) et d’autres encore venaient de donner aux études scripturaires un nouvel essor, en mettant, aux mains des théologiens et des fidèles cultivés, des textes et des versions plus exactes. Il restait néanmoins une lacune à combler en faveur du peuple chrétien. À l’exemple de Luther, les prédicants de la Réforme prenaient comme thème ordinaire de leurs discours le texte même de la Bible. Us affirmaient que toutes leurs doctrines y étaient contenues et reprochaient bien haut aux papistes de dérober les Livres sacrés aux simples fidèles, de peur que cette lecture ne tournât à leur confusion.

— À ces prétentions des novateurs, les premiers jésuites, en particulier les PP. Lainez, Le Jay et Salmeron, répondent par un nouveau genre de prédication. Il consiste à exposer publiquement dans les églises le texte inspiré. C’est ce qu’on appela dès le début la leçon d’Écriture Sainte. La méthode en est simple. On fait choix d’un livre biblique et on l’explique d’un bout à l’autre d’une façon continue. Les auditeurs peuvent au besoin apporter le texte et en suivre l’explication sur la lettre elle-même. Chaque leçon se divise en deux parties ; c’est d’abord l’exposition exégétique avec ses conclusions doctrinales ou encore son apologie ; viennent ensuite les applications morales en rapport avec le passage expliqué. Prise en elle-même, la leçon d’Écriture Sainte n’était pas précisément une nouveauté. On trouve déjà quelque chose d’analogue au xme siècle, mais surtout au xrve. Voir t. ii, col. 1466. Ce qu’il y avait d’original, dans cette institution, c’est que la leçon ne s’adressait pas seulement à des étudiants en théologie ou à des religieux, mais à tous les fidèles ; elle ne se faisait plus en latin et dans une école, mais dans les églises et en langue vulgaire.

L’année de son arrivée à Rome (1537), le bienheureux Pierre Le Fèvre fut chargé par Paul III d’enseigner l’Écriture Sainte à l’université romaine dite de la Sapience, tandis que Jacques Lainez se voyait confier la chaire de théologie scolastique. Orlandini, Hist. soc. Jesu, p. 1, t. ii, n. 33, in-f°, Rome, 1615. Mais les leçons d’Écriture Sainte proprement dites semblent avoir commencé au cours de la mission qu ils entreprirent tous deux en 1539 dans les États de Parme et de Plaisance, à la suite du cardinal légat Ennio Filonardi. Lettre de Lainez à saint Ignace, 16 sept. 1540. Dans une autre lettre adressée de Venise, le 5 août 1542, à saint Ignace, le P. Lainez nous fait connaître le succès qui s’attacha tout d’abord à ce genre de prédication : « Je m’étais déterminé, ainsi que je l’ai écrit à V. R., à donner des leçons 1405 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 4406

d'Écriture Sainte.J’ai commencé Je jour de Saint-Jacques, à expliquer, dans l'église du Saint-Sauveur, l'Évangile selon saint Jean. Le nombre des auditeurs était satisfaisant : on en a compté, m’a-t-on dit, quatre cents ; on remarquait parmi eux le révérendissime nonce apostolique, un évêque grec, et beaucoup de membres de la noblesse. Tous se sont montrés satisfaits. Le mercredi suivant je fis la leçon avec un pareil nombre d’auditeurs, bien qu’elle n’eût pas été annoncée. Après la leçon, une trentaine de gentilshommes vinrent me demander, de la part des administrateurs de l’hôpital, de transférer la prédication à l’un des jours de la semaine ; parce que les jours de fêtes les sénateurs devaient tenir le conseil. Je me suis donc déterminé à donner trois leçons’d'Écriture Sainte chaque semaine. Dimanche dernier, il y a eu plus de mille auditeurs, et l’on comptait parmi eux les hommes les plus distingués par leur noblesse ou par leur fortune. Le nombre va toujours croissant ; et, j’espère, avec l’aide de Dieu, recueillir des fruits de salut. t> Il devait, en 1547, à Florence, donner de nouveau ces leçons sur saint Jean.

Cependant le P. Claude Le Jay se livrait en Allemagne au même ministère et avec un égal succès. Vers 1542, il donna à Ratisbonne des leçons sur l'épître aux Galates ; et en 1551 il expliqua à Vienne l'épître aux Romains. C’est à dessein qu’il avait choisi l’une et l’autre de ces épltres, dont les Luthériens abusaient pour soutenir l’inutilité des bonnes œuvres et la justification par la foi toute seule. Lettre du B. Canisius auP.Polanco, de Vienne, 7 août 1552 ; Orlandini, Hist. Soc. Jesu, p. I, t. XI, 41 ; J.-M. Prat, Le P. Claude Le Jay, in-8, Lyon, 1874. Vers la même époque, en 1546, le B. Pierre Canisius lui-même donnait à Cologne des leçons publiques sur les évangiles et les épltres de saint Paul à Timothée. Vita del B. Pietro Canisio dal P. Giuseppe Boero, Rome, 1864, p. 42. Mais de tous les premiers compagnons de saint Ignace, celui qui se distingua le plus par ses leçons d'Écriture Sainte, fut sans aucun doute Alphonse Salmeron. Il en avait fait comme son ministère propre. Les seize volumes de « Commentaires » qu’il nous a laissés sur le N. T., Madrid, 1597, sont le résumé des leçons qu’il fit au peuple pendant plus de trente ans. C’est à Vérone, en 1548, que Salmeron semble avoir débuté avec quelque éclat dans ce genre de prédication. « Le matin, il prêchait au peuple sur un sujet de morale, et le soir, il exposait devant un auditoire d'élite quelque passage de la Sainte Écriture, propre à confirmer la doctrine catholique et à réfuter les nouvelles erreurs. » L’année suivante (1549), il exposa, à Bellune, les épltres de saint Paul ; et vers la fin de la même année, il commençait à l’université d’Ingolstadt, en Bavière, l’explication de l'épître aux Romains, tandis que le P. Le Jay y commentait les Psaumes. En 1551 nous trouvons Salmeron à Naples où il expose l'épître aux Galates dans l'église de Sainte-Marie-Majeure ; puis l’année d’après ce fut le tour du Discours sur la montagne et des Béatitudes. Il reprend ces mêmes leçons en 1558 et en 1561, à Rome, où, en qualité de vicaire, il remplace momentanément le P. Lainez, général de la Compagnie. Le B. Bernardin Realino écrivait en 1566 à son père au sujet des leçons d'Écriture Sainte que Salmeron venait de reprendre à Naples : « Notre supérieur, le R. P. Salmeron, continue à interpréter, les dimanches et les fêtes, le livre de la Genèse. Il a un nombreux auditoire de gentilshommes et de docteurs. Je remercie Dieu d'être entré dans la Compagnie du vivant d’un tel homme, véritable colonne de la vérité catholique. » Vers cette même époque, le P. Salmeron fut, en matière d'études scripturaires, le maître souvent consulté, toujours écouté, du cardinal Antoine Carafa, celui-là même qui devait plus tard présider la commission chargée de préparer une édition corrigée de la Vulgate.

Avec quel soin Alphonse Salmeron se tenait au courant des questions qu’il avait à traiter, nous le savons par une lettre qu’il adressait, le 20 juin 1572, au P. Jérôme Nadal : « J’ai demandé à Sa Sainteté, par l’intermédiaire du cardinal Carafa, la permission de lire les livres des hérétiques pour les réfuter dans mon ouvrage. Notre Saint-Père a bien voulu accéder à mon désir, comme Votre Révérence le verra par la lettre ci-jointe du cardinal et par la copie du privilège des trois cardinaux inquisiteurs. Je voudrais donc qu’on m’envoyât les notes de Bèze sur le N. T., ainsi que les commentaires des hérétiques sur les quatre évangiles et sur le livre des Actes des apôtres. Je vous serais reconnaissant de me procurer ces livres, au plus tôt. » Quand Salmeron sollicila pour ses commentaires la revision en usage dans la Compagnie, le P. général Éverard Mercurian désigna à cet effet Robert Bellarmin, alors tout absorbé par un cours de controverse au Collège romain. Pendant ses vacances, de mai à octobre 1580, l’illustre controversiste revisa les quatre premiers livres ; les huit suivants furent revus par le P. Jacques Paëz († 1583) ; le P. Fogliani devait achever ce travail de revision. Le P. Salmeron mourut à Naples le 13 février 1585. Quelques jours après, le B. Bernardin Realino écrivait à l’un de ses frères : « Ce père était fort docte en la langue grecque, en la langue chaldéenne et en la langue syriaque. Il savait par cœur toute la Sainte Écriture. Il a écrit sur tout le Nouveau Testament ; c’est-à-dire sur les quatre Évangiles, les Épitres de saint Paul et celles des autres Apôtres ; enfin sur le livre de la Genèse. Il a assisté au concile de Trente comme théologien du pape et s’y est fort distingué. » Voir J. Boero, Vie du P. Jacques Lainez, suivie de la biographie du P. Alphonse Salmeron, traduite de l’italien par le P. Victor de Coppier, S. J., in-8°, Lille, 1894. — Les leçons d'Écriture Sainte ne disparurent pas avec les premiers jésuites. Jusqu'à la fin du siècle dernier elles furent en usage dans les principales églises de la Compagnie ; et aujourd’hui même elles ont lieu régulièrement au Gesù de Rome.

II. l’exégèse et la TnÉoi.oaiE. — L’année même où saint Ignace et ses compagnons prononçaient à Paris leurs premiers vœux (1534), Jean Maldonat naissait en Estramadure. Il était destiné à marquer au premier rang des exégétes du xvi° siècle. On sait avec quel éclat il enseigna pendant trente ans la philosophie et la théologie à Paris. Quand des intrigues vinrent mettre fin à un succès qui rappelait celui des grands scolastiques du xiii » siècle, l’humble religieux en profita pour se retirer au collège de Bourges et s’y livrer aux études bibliques, qui toujours avaient eu ses prédilections (1577). C’est là qu’il composa son incomparable commentaire sur les Évangiles, édité pour la première fois à Pont-à-Mousson (1596-1597), et qui a eu depuis plus de vingt éditions. On pourra sans doute le mettre à jour en plus d’un endroit, mais jamais il ne sera démodé. On ne sait ce qu’il faut le plus admirer dans Maldonat, ou de sa vaste érudition, ou de son ferme bon sens. Chez lui, l’exégèse est à la fois sûre et large. Il connaît les Pères, sait le cas qu’il faut faire de leur sentiment, sans que pour cela il méconnaisse jamais les exigences du texte. Sans dédaigner les applications mystiques, il s’attache au sens littéral. R. Simon et Bossuet ont fait l'éloge de ses commentaires. Ennemi de tous les excès, Maldonat ne craignait pas de réagir à l’occasion contre certains catholiques, qui se déclaraient réfractaires à des explications plausibles, uniquement parce qu’elles avaient été proposées tout d’abord par des protestants. — Vers le milieu du xvie siècle, la faculté de théologie de l’université de Paris s’attardait encore dans une méthode qui, tout au moins, ne répondait plus aux besoins du moment. On se bornait à commenter le Maitre des sentences, s’altacbant de préiérence aux questions sub4407 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES

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tiles, fussent-elles oiseuses. L’étude des sources véritables de la théologie : Écriture Sainte, Pères et Conciles, était manitestement insuffisante. Pierre d’Ailly, Gerson, Nicolas de Clémangis avaient bien prolesté, mais sans résultat appréciable. Un siècle après eux, Jean Major subissait encore la tyrannie de la routine. Devant l’hérésie menaçante, il fallut bien réformer l’enseignement et rendre à l’exégèse la place qu’elle avait perdue dans les études théologiques. Jean Clichtoue donna le branle qui fut suivi par Jean Gagnée, Jean Arborée et d’autres. Mais la méthode restait encore imparfaite. — Ce fut alors que Maldonat commença ses leçons au collège de Clermont, à Paris. Durant son premier cours, de 1565 à 1569, les Sentences restèrent encore la base <Je son enseignement, mais il suivait le texte assez librement et ne traitait pas les questions de la même manière que les autres. Il établissait les propositions qu’il jugeait véritables par des preuves tirées de l’Écriture, des Pères, des Conciles et des actes du saint-siège. Il se proposait constamment de réfuter le calvinisme. Dans son second cours, c’est-à-dire à partir de 1570, il abandonna les Sentences et exposa la théologie sur un plan nouveau dont toute la faculté subit l’heureuse influence. Cette’méthode devait bientôt recevoir sa consécration dans l’ouvrage du P. Petau sur les dogmes théologiques. Cf. J.-M. Prat, Maldonat et l’Université de Pans, au XVIe siècle, Paris, 1856 ; surtout livre II, chap. i et îv ; livre IV, ch. m ; Crevier, Histoire de l’université de Paris depuis ses origines jusqu’à l’année 1600, 1 in-8°, Paris, 1761, t. iii, p. 181. Dans un discours prononcé le 9 octobre 1571, à l’occasion de l’ouverture des cours, Maldonat s’explique lui-même sur la part qu’un étudiant en théologie doit faire à l’Écriture Sainte : « L’Écriture étant la principale des sources théologiques, pourrions-nous mieux commencer notre travail matin et soir qu’en exploitant ses richesses ? À mon sens, ceux qui laissent de côté l’Écri r ture, pour s’adonner exclusivement à l’étude de je ne sais quels auteurs, ne sont pas des théologiens. Ceux qui ne lui consacrent que la moindre et la dernière partie de leur temps, appelez-les théologiens, s’ils y tiennent ; pour moi, ce ne sont que des théologiens mal avisés et sans méthode. Voulez-vous suivre mon conseil 1 Une fois vos exercices de dévotion achevés, consacrez la première heure du matin à lire le Nouveau Testament, et la première du soir à lire l’Ancien. Si vous savez l’hébreu et le grec, lisez-les respectivement en hébreu et en grec. Vous y gagnerez du même coup d’acquérir des notions historiques et théologiques, et d’entretenir des connaissances linguistiques. Le reste de votre temps, employez-le à suivre les cours, à les repasser, à prendre vos notes, à disputer, à lire les auteurs, à rédiger des dissertations sur des points particuliers. Ces divers exercices renferment tout le programme de votre formation théologique. » Maldonah Opéra var. theol., Paris, 1677, t. i, p. 26-27.

III. LE CONCILE DE TRENTE ET LA CORRECTION DB

LA VULGATE. — Le concile de Trente donna une si heureuse impulsion aux études scripturaires que le siècle d’après marque parmi les plus brillantes époques de l’exégèse. Les jésuites comptèrent six des leurs parmi les théologiens de l’illustre assemblée. Cependant le P. Le Jay eut seul une part active à la préparation de cette quatrième session où on déclara l’authenticité de la Vulgate (18 avril 1546). Il était arrivé à Trente dès le commencement de décembre 1515, en qualité de procureur du cardinal Othon Truchsess, évêque d’Augsbourg. Lainez, Salmeron, Covillon, Canisius et Polanco ne vinrent que plus tard.

Le plus considérable des travaux bibliques exécutés au XVIe siècle est sans contredit l’édition corrigée de la Vulgate que le concile avait décidée dans son décret Insuper (Concil. Trid., sess. IV). On sait que cet important objet a occupé, avec plus ou moins d’activité, les ponti ficats de Pie IV, saint Pie V, Grégoire XIII, Sixte V, Urbain VII, Grégoire XIV, Innocent IX et Clément VIII (1559-1592). Dans la commission instituée par Pie IV et présidée plus tard par le cardinal Ant. Carafa, celle-là même qui, en 1587, édita l’Ancien Testament d’après les Septante, par manière de prélude à l’édition de la Vulgate, on voit figurer, à des moments divers, les PP. Emmanuel Sa, François Tolet et Robert Bellarmin. Voir le P. Couderc, S. i., Le vénérable cardinal Bellarmin, 2 in-8°, Paris, 1893. Grégoire XIII voulait leur adjoindre le P. Maldonat, mais celui-ci mourut à Rome, peu de jours après son arrivée (1583). Quand, sous le pontificat de Sixte V, le travail de revision fut mené avec le désir arrêté d’aboutir au plus tôt (1585-1590), François Tolet résidait au Vatican, où il fut pendant vingt-deux ans prédicateur pontifical, avant d’être élevé au cardinalat, ce qui n’eut lieu que sous Clément VIII (1593). Le pape avoua un jour à l’ambassadeur de Venise, Badoer, qu’il faisait lui-même ce travail de correction définitive et qu’il soumettait chaque feuillet, une fois terminé, au P. Tolet et à quelques augustins très forts en ces matières. Ceux-ci les revoyaient et les expédiaient ensuite à l’imprimerie. Devant les vues personnelles et inflexibles de Sixte V, le rôle des reviseurs se bornait le plus souvent à laisser passer. C’est bien ce que donne à entendre, en des termes manifestement exagérés, Olivarès, l’ambassadeur d’Espagne, quand il écrit à son maître Philippe II, le 7 mai 1590 : « Tolet pense que cette édition profitera plus aux hérétiques qu’aux fidèles. »

Il ne semble pas que Bellarmin se soit associé aux travaux de la première commission avant son retour du voyage qu’il fit en France, à la suite du légat Gætani, c’est-à-dire avant 1590. Douze ans plus tard (1602), dans une lettre à Clément VIII. il nous fait connaître son jugement sur l’œuvre et la méthode de Sixte V. « Votre Béatitude sait à quel danger Sixte V s’exposa lui-même et toute l’Église, lorsqu’il entreprit la correction des Saints Livres d’après les lumières de sa science particulière ; et je ne sais vraiment pas si jamais l’Église a couru un plus grand danger. » Tout le monde sait la part qu’eut Bellarmin dans la résolution prise par Grégoire XIV, en 1591, de mettre au pilon l’édition sixtine, parue l’année précédente, d’en retirer les quelques exemplaires déjà en circulation, et de reprendre à nouveau tout ce travail de revision. Il fut l’âme de la nouvelle commission constituée à cet effet, et qui, dans la villa de Zagarolo, sous’la présidence du cardinal Marc-Antoine Colonna, mena si rapidement le travail à bonne fin. Il était achevé vers le commencement d’octobre 1591 ; mais le 14 de ce même mois, Grégoire XIV venait à mourir. Clément VIII, élu le 30 janvier 1592, devait avoir la gloire de publier la correction définitive de la Vulgate. A cette fin il nomma un comité suprême, dont l’avis devait être sans appel ; il se composait des cardinaux Valier, Borromée et du P. Tolet. « Ceux-ci lui laissèrent tout le poids et la responsabilité de cetle affaire. Tolet avec son esprit juste et précis, son érudition vaste et sûre, sa science de la théologie et de l’exégèse, était, sans contredit, le plus capable de la conduire à bonne fin. » F. Prat, La Bible de Sixte V, dans les Études religieuses, t. l, p. 565 ; t. li, 1890, p. 35,. 205. Voici le billet du pape qui donnait à Tolet plein pouvoir en cette matière : « Clément VIII, pape. — Nous ordonnons d’imprimer cette édition de la Bible, d’après les corrections indiquées par la congrégation, Nous en remettant au jugement du P. François Tolet, de la Compagnie de Jésus, à qui Nous déléguons, à cet effet, Notre autorité. Pour la correction typographique, Nous la confions à la fidélité et au savoir du F. Ange Rocca, de l’ordre de Saint-Augustin. » C’est dans ces conditions que l’édition définitive de la Vulgate, dite Sixto-Clémentine, parut le 9 novembre 1592. Sa Præfatio ad lectorem, qui est de Bellarmin, confesse loyalement 1409 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 4410

qu’elle n’a pas la prétention d’être de tout point parfaite.

Le décret du concile de Trente sur l’authenticité de la Vulgate a été, dès le début, matière à controverse entre catholiques. Les jésuites ont en général soutenu l’opinion modérée, celle qui a fini par triompher ; à savoir que ce décret ne met pas la Vulgate à la place ou au-dessus des textes primitifs, ni même des autres versions non latines. Tel a été le sentiment de Lainez, cité par Mariana, Pro edit. vulg., c. xxi, dans Migne, Curs. Script. Sacr., t. i, col. 839 ; de Salmeron, Opéra, t. i, proleg. 3, p. 24 ; de Bellarmin, De edit. latina. Vulg. ; quo sensu a concilio Trident, definitum sit, ut ea pro authent. habeatur, ~Wuvzbovtrg, 1749, édit. P.Widenhofer, S. J. Il est vrai que le P. Frévier, S. J., écrivit contre cet opuscule pour en contester l’authenticité : La Vulgate authentique dans tout son texte, 1753. On peut citer encore en faveur de l’opinion modérée : Serarius, Proleg. Bibhc, c. XIX, 12, p. 118, Mayence, 1612 ; Pallavicini, Histor. concilii Tria., I. VI, c. xv, n. 1 et 99 ; et surtout Mariana, dans la dissertation que nous venons de citer, col. 739877. De nos jours les PP. Patrizi, Corluy, Franzelin et Cornely ont écrit dans le même sens.

IV. PRINCIPES GÉNÉRAUX D’EXÉGÈSE. — 1° Au début

du xviie siècle, le procès de Galilée est comme un épisode dans l’histoire des théories alors en cours sur l’interprétation traditionnelle du texte biblique. Quelques jésuites, et en particulier Bellarmin, créé cardinal par Clément VIII, en 1599, furent mêlés à cette affaire. Lors de son premier procès devant le tribunal du Saint-Office et la S. C. de l’Index (1615-1616), l’illustre Florentin trouva beaucoup de bienveillance auprès de Bellarmin, chargé de l’examiner. « Préoccupé de la nouvelle théorie, le cardinal consulta les quatre mathématiciens les plus renommés du Collège romain, les PP. Clavius, Griemberger, Malcozzo et Lembo qui rendirent à Galilée un témoignage favorable. En conséquence il se borna à lui conseiller de présenter sa théorie ex suppositione et non d’une manière absolue ; de donner à sa propagande un caractère plus calme ; surtout de ne pas appuyer son opinion sur l’Écriture Sainte. » Couderc, Le vén. cardinal Bellarmin, t. ii, p. 178. Il faut lire la lettre que le cardinal Bellarmin écrivit alors (12 avril 1615) au P. Foscarini, carme ; elle s’adresse autant, ou même plus, à Galilée qu’à son ami. Il ne nie pas que l’Écriture se puisse entendre en ce sens, mais il attend des preuves ; jusque-là il doutera. « Or, dans le cas de doute, on ne doit pas abandonner l’interprétation de l’Écriture donnée par les SS. Pères. » Telle était aussi l’opinion du P. Fabri, S. J. C’est dans ces conditions que Bellarmin donna à Galilée l’attestation du 16 mai 1616 qui commence par ces mots : « Galilée n’a abjuré entre nos mains, ni entre celles de personne à Rome ou’ailleurs, que nous sachions, aucune de ses opinions ou doctrines ; il n’a pas non plus reçu de pénitence salutaire. » — Quand se produisit devant l’Inquisition le procès de 1633, Bellarmin était mort depuis douze ans. « Les jésuites d’alors ont été considérés par Galilée et ses amis, comme les plus actifs promoteurs du procès qui allait s’engager ; mais rien ne justifie cette accusation. L’ardeur bien connue des Pères de la compagnie de Jésus pour la défense des décisions de l’autorité ecclésiastique explique la vivacité que montrèrent quelques-uns d’entre eux, tels que les PP. Grassi, Scheiner et Inchofer ; mais Galilée comptait des partisans parmi les jésuites, comme dans les autres ordres religieux. » J.-B. Jaugey, Diction, apolog., p. 1332.

2° La question préliminaire de savoir s’il n’.y a qu’un seul sens littéral pour un même passage de l’Écriture n’est pas sans influence sur l’exégèse. Du XVe siècle jusqu’à la fin du xviii’, la grande majorité des auteurs s’est prononcée en faveur de la pluralité. Sur ce point les auteurs jésuites se sont divisés. Ont écrit dans le sens de l’opinion commune, pour la pluralité des sens lirté

raux : Bellarmin, De verbo Dei, iii, 3 ; Serarius, Proleg. bibl., xxi, 12 ; Salmeron, Proleg. 8 ; Bonfrère, Præloquia, c. xx, sect. v ; Molina, Valentia, Vasquez, In Sum~ mam D. Thomse, p. 1, q. I, a. 10. — Contre la pluralité : Maldonat, In Isaiam, Lin, 4 ; In Jerem., XXXI, 15 ; Ribera, In Oseam, xi, n. 3-13 ; Pererius, In Genesim i, reg. I 1. C’est l’opinion qui a justement prévalu. Cf. Patrizi, De interpret. bibl., t. I, p. 15-51 ; Cornely, Introd. gêner, in S. S., 1. 1, n° 198.

3° D’une façon générale, on peut dire que, tout en restant conservatrice, l’exégèse des jésuites a su s’inspirer d’un principe de saint Augustin, souvent répété par saint Thomas : à savoir que l’intelligence du texte biblique doit profiter de tous les progrès que réalise la science humaine. De ce chef, elle a été sur plus d’un point initiatrice.

C’est ce qu’on remarque par exemple dans l’histoire des diverses interprétations de l’hexaméron de Moïse. Les quatre règles dont, au xvie siècle, Pererius, S. J., faisait précéder son commentaire sur la Genèse, sont d’une conception à la fois ferme et large, et elles gardent aujourd’hui encore toute leur valeur. Cf. Fr. de Hummelauer, In Gènes., 1895, p. 57. En s’inspirant des mêmes règles trois siècles plus tard, le P. Pianciani, S. J., pourra sur ce terrain engager exégèse catholique dans une voie toute nouvelle. In historiam creationis mosaicam commentatio, Naples, 1851 ; Cosmogonia naturale comparata col Genesi, Rome, 1862.

V. LES PREMIERS PROFESSEURS D’ÉCRITURE SAINTE.

— L’historien de la compagnie de Jésus, Orlandini, Hist. soc. Jesu, nous a gardé les noms de quelques-uns de ceux qui à l’origine professèrent avec un certain éclat le cours ordinaire d’Écriture Sainte dans les universités ou les collèges des jésuites. Les’noms de ces pionniers peuvent prendre place dans un dictionnaire de la Bible. Déjà en 1537, au lendemain de leur arrivée à Rome, le pape Paul III avait chargé le bienheureux Pierre Le Fèvre d’enseigner l’Écriture Sainte à l’université romaine de la Sapience, tandis que Jacques Lainez recevait la chaire de théologie scolastique. Ils y restèrent deux ans. Hist. soc. Jesu, part. i, t. ii, n » 33. En 1548, le P.Jérôme Nadal professa l’hébreu au collège de Messine ; le P. André Frusy, un Français, ne tarda pas à lui succéder (t. VIII, n° 13). Le même devint en 1553 professeur d’Jicriture Sainte au Collège romain (t. XIII, n » 2). En 1556, le P. Jean Covillon, de Lille, explique les Psaumes à l’université d’Ingolstadt (t. XVI, 23, 24). Ch. H. Verdière, S. J., L’université d’ingoldstadt, 2 in-8°, Pans, 1887. La même année, le P. Robert Claysson est professeur au collège de Billom (Auvergne) (t. XVI, n°37). En 1552, aux débuts mêmes du collège de Naples, le P. Pelten y enseigne le grec et l’hébreu. En 1576, au collège de Pont-à-Mousson, le P. Toussaint Roussel, remplacé l’année suivante par le P. Sager, explique pendant trois ans l’Épitre aux Romains, 1577-1579. Voir Eug. Martin, L’université de Pont-à-Mousson, 15721168, in-8°, Paris, 189-1, p. 340-341. Nous ne serions ni complet ni juste, si, aux noms de ceux qui ont péniblement ouvert parmi nous le sillon des études bibliques, nous n’ajoutions pas le nom du cinquième général de la compagnie, Claude Aquaviva, qui fut l’inspirateur intelligent et infatigable de toutes les entreprises qui ont honoré les jésuites au cours des vingt-cinq dernières années du xvie siècle. C’est par son ordre que fui exécutée l’édition princeps des œuvres de Maldonat et de Salmeron ; et c’est encore à ses soins que nous devons le Ratio studiorum dont il va être question. Il semble d’ailleurs que ses connaissances personnelsel lui aient permis d’imprimer avec compétence une direction aux travaux scripturaires. Une circonstance de la vie de Salmeron le donne à penser. « C’était une véritable intimité, qui unissait Salmeron à Aquaviva. Salmeron avait besoin du Nouveau Testament grec III. - 45 14Il JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1412

syriaque ; il en fit la demande à Rome. Aquaviva lui envoya sur-le-champ le sien, s’en privant dans ses propres études. Salmeron l’en remercia par une lettre que nous possédons. » J. Boero, Vie du P. Alph. Salmeron, p. 298.

II. La législation de la compagnie de Jésus en matière d’Écritdbe Sainte. — C’est à dessein que nous traitons en seeond Heu ce qui concerne l’organisation méthodique des études bibliques dans la compagnie ; car, sur ce point, la théorie est venue après la pratique. Tous les travaux, ou peu s’en faut, dont nous avons déjà parlé, sont antérieurs à l’établissement définitif des règles qui devaient régir ce genre d’études. Avant d’être écrites, les règles du professeur d’Écriture Sainte se trouvaient déjà assez uniformément observées. Voir l’abbé Eug. Martin, L’université de Pont-à-Mousson, t. III, c. ii, § 1, p. 340, l’a bien montré pour le collège de Pont-à-Mousson, fondé en 1575. — L’année même qui suivit la mort du P. Salmeron, paraissait à Rome la première ébauche du Ratio studiorum de la compagnie de Jésus. Elle avait pour titre : Ratio atque institutio studiorum per sex Patres ad id jussu R. P. Prmposit. generalis deputatos conscnpta. I. H. S. Romse, in Collegio Soc. Jesu. Anno Dni MDLXXXVI. Excudebat Franc. Zannetus, cum facultate Superiorum. Or, dans cette rédaction provisoire, au chapitre intitulé De Scripturis, on se plaint de ce que la compagnie n’a pas encore pleinement réalisé ce que les constitutions prescrivent relativement aux études bibliques. Il faut prendre garde à un engouement excessif pour la théologie scolastique ; en particulier, il est regrettable que, dans les régions transalpines, ceux qui veulent se mettre au courant des questions concernant la Bible soient obligés de recourir aux ouvrages des protestants, avec péril pour leur foi. La prédication, au lieu de s’alimenter à sa source naturelle qui est l’Écriture, s’égare en de vaines subtilités et en de froides déclamations tirées de la philosophie ou de l’histoire profane. Voici la conclusion : « À ce mal il ne saurait y avoir d’autre remède que le zèle diligent des supérieurs à étendre, promouvoir, faciliter les études bibliques, et à encourager de toute façon ceux qui y sont spécialisés : spécialité de grande conséquence, et qui demande de puissantes aides, langues, érudition variée, connaissance de l’antiquité, et théologie scolastique, afin de pouvoir s’exprimer avec orthodoxie et propriété.’» Tout l’esprit de la législation des jésuites en la matière tient dans cette phrase. — Cette législation se prend de trois sources : a) des constitutions de saint Ignace (1550) ; b) du Ratio studiorum (rédrction définitive, 1599) ; c) des décrets des congrégations générales tenues à diverses époques. Le Ratio studiorum ne fait que régler en détail ce qui se trouve marqué dans les constitutions. Quant aux décrets des congrégations, ils précisent, complètent, et surtout remédient aux abus survenus. Voici le résumé de ces prescriptions.

I. DIGNITÉ ET EXCELLENCE DE CETTE ÉTUDE.

Quand

saint Ignace énumére les diverses branches de l’enseignement qu’on donnera dans les universités et les grands collèges de la Société, il met en première ligne la théologie scolastique et l’Écriture Sainte. Constit., part. IV, c. xil, § 1. Voilà pourquoi la 5° règle du provincial, Rat. stud., débute en disant : « Qu’il mette une grande diligence à promouvoir l’étude des saintes Lettres. » La XIIIe congrégation générale, tenue en 1687, s’aperçut avec douleur que la compagnie ne comptait plus d’exégète comparable à ceux qui avaient illustré en grand nombre le siècle brillant qui va de Salmeron (fl585) à Menochius († 1655). Elle fit un décret, le xv « , pour conjurer le général de promouvoir activement les études bibliques, selon les besoins de chaque province. Le décret se termine en ces termes : « Enfin, que la science sciipturaire, qui a toujours été est si particulière estime dans la compag » ife, garde parmi bous la place qui lui

revient, comme à l’âme de la théologie et à une culture souverainement nécessaire dans les ministères propres de la compagnie. »

II. QUALITÉS ET CONNAISSANCES DES PROFESSEVIIS

d’écriture sainte et d’hébreu. — Pour s’acquitter de sa tâche, le provincial choisira comme professeurs d’Ecriture des hommes « non seulement versés dans la linguistique (ce qui est de première nécessité), mais aussi pourvus de connaissances suffisantes en théologie et dans les autres sciences religieuses, en histoire et dans les diverses branches de l’érudition, et, autant que possible, bien doués au point de vue littéraire ». Rat. stud., reg. prov. 5 a. Il faut donc que celui qu’on applique à cet enseignement ait au préalable, 1° une théologie sûre, 2° une connaissance étendue des langues et de l’antiquité, 3° de la littérature jointe à une élocution facile et même brillante. Quiconque est tant soit peu au courant de ce qui concerne l’enseignement biblique conviendra sans peine que cette règle est formulée aec une pleine compréhension du sujet.

Le professeur d’Écriture doit être théologien.


C’est qu’en effet, la Bible n’est pas un livre ordinaire ; ses pages inspirées sont une des sources de la théologie. En portant sur l’arche de la parole divine une main téméraire, on s’expose au châtiment dont fut frappé Oza. D’ailleurs les textes religieux de la Bible ne se présentent pas au lecteur avec ordre et méthode ; et leur intelligence est singulièrement facilitée par une synthèse préalable des doctrines qu’ils renferment. Voilà pourquoi, aux termes mêmes des constitutions, part. IV, c. VI, 4, l’étude spéciale de l’Écriture ne doit pas précéder la théologie scolastique. Les exégètes jésuites n’ont pas en général la réputation d’être téméraires. Ne le devraient-ils pas précisément à la méthode qui leur est ici prescrite ?

2° Dans la préparation de l’exégète, la part faite par l’Institut à l’hébreu et aux langues orientales est considérable. Saint Ignace avait écrit dans ses constitutions : « Comme, à notre époque surtout, tant l’étude que l’utilisation de la théologie exige la connaissance des belles-lettres, ainsi que des langues latine, grecque et hébraïque, il y aura dans ces parties des professeurs capables en nombre suffisant. De plus, pour les autres langues, telles que la chaldaïque, l’arabe et l’indienne, suivant la diversité des pays et des raisons qui militent en faveur de leur enseignement, on verrait à leur donner des titulaires. » Part. IV, c. XII, 2. C’est de ce texte que se sont inspirées toutes les autres prescriptions relatives à l’enseignement des langues bibliques. — Le professeur d’hébreu doit être autant que possible, le même que celui qui enseigne l’Écriture ou, tout au moins, un théologien, la connaissance de cette langue étant principalement utile pour l’exégèse. Rat. stud., reg. prov. 7°. Les supérieurs restent juges de l’opportunité qu’il peut y avoir à mettre l’étude de l’hébreu avant, pendant ou après la théologie, Const., part. IV, c. xiii, 4 ; il pourrait même faire partie de l’enseignement littéraire, au même titre que le grec. Const., part. IV, c. xii, 2, et xiii, decl. B. Les autres langues orientales qui aident à mieux comprendre le texte ou les versions de la Bible, ont toujours été en honneur dans la Société, Rat. stud., reg. prof. ling. heb. 6°, où leur étude était singulièrement favorisée par les jésuites missionnaires en Orient qui écrivaient sur ces idiomes, ou revenaient même les enseigner en Europe. Le P. Jérôme Nadal, Schol.in Constit-, édit. 1883, p. 81, nous apprend que Pie IV ordonna d’enseigner l’arabe au collège Romain.

Saint Ignace avait trop d’expérience pour s’imaginer que la connaissance des langues suffit à préparer des exégètes tels que l’Église en attend. Il savait que cette science préliminaire n’est qu’un outil dont l’usage dépend de la main qui le manie. Aussi bien a-t-il écrit à ce 4413 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES UU

sujet une déclaration qui vaut la peine d’être citée en entier : « Il convient qu’ils aient pris quelque grade en théologie, ou qu’ils en soient convenablement intruits ; qu’ils aient de plus l’intelligence des docteurs et des décisions de l’Église, afin que l’étude des langues leur soit utile et non nuisible. Du reste, si l’on en voyait d’assez humbles et d’assez fermes dans la foi, pour qu’ils n’eussent rien à redouter de l’étude des langues, le supérieur pourrait alors user de dispense et la leur permettre, dans la vue soit d’un bien général, soit d’un bien particulier. » Const., part. IV, c. vi, 5, decl. D. Ce n’est pas que saint Ignace redoutât l’interprétation grammatieo-historique, puisque c’est à cela que tendent naturellement la linguistique et l’histoire de l’antiquité ; mais il se défiait de la présomption d’esprit qui porte à croire que cette science profane suffit à comprendre pleinement la Bible. « Un des points que doivent se proposer ceux des nôtres qu’on applique à l’étude des langues est la défense de la version approuvée par l’Église. y> Const., part. IV, c. vi, 5. Cf. Rat. stud., reg. prof. S. S. 2°, et reg. prof. ling. hebr. 2°. Une pareille insistance se ressent évidemment de l’époque où ces textes ont été rédigés. Il n’est pas hors de propos de rappeler ici un fait assez caractéristique. À l’endroit des constitutions que nous venons de citer, saint Ignace, s’inspirant de sa modération ordinaire, avait écrit dans le texte autographe : en cuanto se pudiere (quoad ejus fieri poterit, « autant que faire se pourra » ) ; ce qui était une formule irréprochable. La première congrégation générale, tenue en 1558, deux ans après la mort de saint Ignace, usant du droit que le fondateur et le siège apostolique lui avaient donné, retrancha de la rédaction primitive l’incise : autant que faire se pourra. On en donna la raison : « c’est que la Vulgate est partout défendable aux termes du décret du concile de Trente. » 1 Congr. gen., decr. xxvii. Il est difficile de conjecturer quelle influence décisive a pu subitement amener une congrégation présidée par Lainez, et au sein de laquelle marquait Salmeron, à modifier un texte rédigé postérieurement au décret du concile, sans aucun doute d’après leur propre conseil, et soumis depuis 1550 à leur approbation individuelle.

3° On comprend aisément que la connaissance des langues et des choses de l’antiquité soit indispensable à l’exégète ; mais pourquoi le Ratio studiorum souhaitet-il que le professeur ait encore de la littérature et même, si c’est possible, de l’éloquence, c’est-à-dire une élocution facile et ornée, qui s’élève sans trop de peine à la hauteur du sujet à traiter ? L’Écriture étant un ensemble de livres écrits dans tous les genres, depuis la poésie lyrique jusqu’à l’histoire la plus prosaïque, il est souverainement important que celui qui l’interprète ne se méprenne pas sur le caractère même de chacun de ces livres. Une erreur sur ce point capital fausserait l’interprétation du livre entier. N’est-ce pas précisément par ce côté que certaines époques brillent moins que d’autres dans l’histoire de l’exégèse ? Par exemple, la connaissance des langues et la culture littéraire ont manqué au moyen âge. Son exégèse s’en est forcément ressentie. — Le professeur, mais surtout celui qui donne en public des leçons d’Écriture Sainte, doit être à même d’interpréter dignement le texte biblique. Il serait intolérable qu’il exposât dans le même style, sur un ton uniforme, Isaie et l’auteur des Paralipomènes.

111. LA MÉTHODE QUE DOIVENT TENIR LES PROFESSEURS

d’écriture sainte ET d’bébreu. — 1° Le professeur d’hébreu s’attachera à rendre aussi fidèlement que possible le texte primitif de la Bible. Rat.stud., reg. prof. Jing. heb. 1*. Il mènera de front les rudiments de la grammaire et l’explication d’un livre choisi parmi les plus faciles de l’Ancien Testament. Reg. 3°. Qu’il ne se préoccupe pas tant de l’enchaînement des idées, ce qui

est le propre de l’exégète, que de préciser la valeur des mots, les idiotismes, les règles du langage, etc. Beg. 4°. Il aura recours aux autres langues apparentées avec l’hébreu. Reg. 6°.

2° La première règle du professeur d’Écriture définit bien en quoi consiste le principal de sa tâche : « Qu’il fasse état que son rôle est d’expliquer les divines Écritures selon leur sens naturel et littéral, propre à confirmer la foi et les règles de la morale ; et cela avec piété, science et autorité. » Rat. stud., reg. prof. S. S. l a ; cf. et 3° m. C’est la loi du sens littéral en vue de la théologie et de la prédication. Il n’en appellera aux textes primitifs et aux versions antiques que lorsqu’il y a vraiment prolt à le faire. Reg. 4°. Quand les Pères et les Docteurs sont unanimes, « surtout quand ils parlent en termes exprès, qu’ils traitent ex professo de questions scripturaires ou dogmatiques, le professeur d’Écriture Sainte ne s’écartera pas de leur sentiment. Si les Pères ne sont pas d’accord, entre leurs diverses interprétations, on préférera celle qui depuis de longues années parait rallier l’ensemble des docteurs et la faveur de l’Église. » Reg. 7° et 8°. L’interprétation traditionnelle est tantôt la règle de notre foi et tantôt une lumière purement directive selon les conditions diverses où elle se présente à nous. Cette loi, bien comprise, n’est pas un obstacle au progrès véritable des études bibliques. L’histoire est là pour en témoigner. — Le professeur ne s’égarera pas dans les fantaisies rabbiniques, dans des questions infinies de géographie et d’histoire, dans l’énumération des sens mystiques, comme aussi dans les controverses théologiques. De tout cela il ne retiendra, avec sobriété, que ce qui lui paraîtra vraiment utile. Reg. 9 a, 10°, 14°, 15°, 16°. Qu’il ne s’attache pas avec une foi aveugle à la vocalisation massorétique ; il en fera, à propos, la critique au moyen de la Vulgate, des Septante et des anciens interprètes. Reg. Il ». — Il évitera de traiter les questions qui sont de son domaine d’après la méthode scolastique. Rat. stud., reg. prof. S. S. 13°.

IV. DISTRIBUTION DES MATIÈRES ET DURÉE DES cours. — 1° Tous les théologiens, à l’exception de ceux qui seraient sans aptitude aucune pour cette langue, suivront le cours d’hébreu pendant un an. Rat. stud., reg. prov. 8°. Pratiquement cet enseignement se donne aux théologiens de première année. Une académie permet, à ceux qui ont le talent et le goût, de poursuivre cette étude. Rat. stud., reg. prov. 8°, et reg. rect. 7*.

2° Tous les théologiens doivent fréquenter le cours d’Écriture Sainte pendant deux ans ; ils auront chaque jour une classe d’une heure. Rat. stud., reg. prov. 6°. Cf. Congr. gen. VII, decr. xxxiii, n° 7. Ce qui se fait pendant la troisième et la quatrième année de théologie. Il y aura de plus une répétition par semaine, et de temps à autre des exercices plus solennels, soit en classe, soit au réfectoire par manière de lecture publique. Rat. stud., reg. prof. S. S. 19°, 20°. Au début de chaque année on expliquera une partie de l’introduction générale avec les règles d’herméneutique. Le reste du temps sera consacré à l’exposition continue d’un ou de plusieurs livres de la Bible, mais en alternant, de façon qu’une année ce texte d’explication soit pris de l’Ancien Testament et l’année suivante du Nouveau. Rat. stud., reg. prof. S. S. 12°, 17°, 18°.

3° Le temps consacré à l’exégèse pourra paraître trop court ; mais il faut savoir qu’après la théologie on donne à ceux qui sont destinés à la prédication ou au haut enseignement deux années de travail privé, spécialement consacré à l’étude de l’hébreu, de l’Écriture et des Pères. Rat. stud., reg. prov. 8° et 10°. De plus, « tous doivent assister à la leçon d’Écriture Sainte, quand il s’en fait dans notre église. » Reg. com. 2°. Voir Constitutiones Societatis Jesu, latine et hispanice, dernière édit., Madrid, 1892 ; Ratio atque inslilulio studiorum Socief dM5 "" JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ECRITURES IMG

latis Jesu, ; dem. édit., Tours, 1876 ; Décréta congregationum generalium, édit. d’Avignon, 1830.

III. Vue d’ensemble sur les pbikcipaux ouvrages- -En réunissant dans une même collection les meilleurs travaux publiés par les Jésuites, on obtiendrait une sorte de Bibliotheca biblica où les diverses branches de la science biblique seraient, ce semble, avantageusement représentées. Au reste, c’est ce qui est déjà en partie réalisé dans le Scripturse Sacrse cursus completus, Migne, Paris, 1837-1840. On y voit figurer les ouvrages de vingt jésuites. Nous donnons ici la liste des traités ou commentaires, qui pourraient entrer dans cette bibliothèque. Ceux que l’abbé Migne a réédités sont suivis des initiales SSC, avec le chiffre du volume. D’ordinaire nous ne citerons que l’édition princeps. Il a paru meilleur de conserver aux auteurs le nom latin, sous lequel ils sont plus connus. Il va sans dire que ces travaux, pour être rangés ici sur un même plan, n’ont pas tous une égale valeur. On peut voir comment ils sont respectivement appréciés dans R. Simon, Hist. crit. des commentât, du Nouv. Test., Paris, 1693 ; L. Dupin, Bibliothèque universelle des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1686-1704 ; D. Calmet, Dict. hist.- crxt. chronol. géogr. et littéral de la Bible, Paris, 1730 ; Le Long-Masch, Bibliotheca sacra, Paris, 1778-1790, et dans le présent Dictionnaire de la Bible ; comme aussi dans les diverses introductions historiques, par exemple celle du P. Rodolphe Cornely, Historica et cntica Introductio in U. T. libros sacros, t. i, p. 674-702, Paris, 1885.

I. TRAITÉS D’INTRODUCTION À L’ÉTUDE DE L’ÉCRITURE.

— 1° Histoire des textes et règles d’herméneutique : A. Salmeron, Commentarii in historiam evangelicam, t. i, Prolegomena, Madrid, 1598 ; Nie. Serarii Prolegomena oiblica, Mayence, 1612 ; J. Bonfrerius, Prseloquia in Scripturam sacram, Anvers, 1625, SSC. t. I ; H. Goldhagen, Introductio in sacr. Script, utriusque Testamenti, Mayence, 1765.

2° Sur l’autorité de la Vulgate : Bellarminus, De edvtione latina Vulgata ; quo sensu a concilio Tridentini definitum sit, ut ea pro authentica habeatur, Wurzbourg, 1749, édit » ; par le P. Widenhofer ; en 1753, le P. Frévier répond à cette publication par une brochure : La Vulgate authentique dans tout son texte, plus authentique que le texte hébreu, que le texte grec qui nous restent, Rouen. On trouve dans les Mémoires de Trévoux (1753) plusieurs répliques à cette brochure ; elles peuvent être du P. Berthier. La même année, le P. Casini publie De sanctis libris Vulgatse editionis Sixti V et Clementis VIII. PM. auctoritate recognitis. Mais la dissertation qui est restée classique en la matière est celle de Mariana, Pro editione Vulgata, Cologne, 1609, SSC. t. i. En outre, Bellarmin, De verbo Deï liber II, c. x, passe en revue les principaux passages de la Vulgate incriminés par les protestants. Zillich († 1758), Concordia Vulgatse cuni hebr. textu, Wurzbourg, _1756.

Édition et critique des textes.

Herm. Goldhagen,

Nov. Test, grsece, Mayence, 1753 ; Alter, Nov. Testant, ad cod. Vindob. grrnce, Vienne, 1787. Voir dans ce dictionnaire, t. i, col. 422, ses remarquables travaux de critique. On sait que Jean de Harlem († 1578), très versé dans le grec, le syriaque et le chaldéen, a beaucoup aidé Arias Montanus pour l’exécution de la Polyglotte d’Anvers (1569-1572).

Traductions en langues vulgaires.

Le P. Bouhours,

aidé des PP. Besnier et Le Tellier, a donné une traduction française, Le N. T. traduit en français selon la Vulgate, Paris, 1698-1703 ; Ign. Weitenauer, traduction allemande avant 1783 ; peu après Mutschelle († 1800) en donne une autre dans la même langue ; Kaldi († 1634), traduction hongroise ; Steyer († 1692), traduction en bohémien ; Louis de Azevedo ([ 1634) a traduit le N. T. en langue amharique.

Grammaires et lexiques.

Bellarminus, Institution

nés linguse hebraiese, Rome, 1578 ; Nie. Abram, Epitome rudimentorum linguse hebraiese versibus latinis breviter et dilucide comprehensa, Paris, 1645 ; Fr. Haselbauer, Lexicon hebr. chald., Prague, 1743 ; Ferd. Reisner († 1789), Lexicon eruditionis hebraiese, etc., Augsbourg, 1777 ; Didac. Quadros, Enchiridion seu manuale hebr., ad usum seminarii Matritensis, Rome, 1733 ; Ign. Weitenauer, Hierolexicon hnguar. orient, hebr. chald et syr., Augsbourg, 1759 ; Id., Lexicon biblicumin quo explicantur Vulgatse vocabula et phrases, Augsbourg, 1758, et de nombreuses éditions postérieures ; Lud. Ballester, Onomatographia swe descriptio nominum varii et peregrini idiomatis, quæ alicubi in latma Vulgata edit. occurrunt, Lyon, 1617.

Concordances.

a) Concordances réelles : Ant. de

Balinghem, Sacra scriptura in locos communes morum et exemplorum novo ordine distributa, Douai, 1621, et plusieurs fois rééditée ; Petrus Eulard, Bibliorum sacrorum concordantiae morales et historiese, Anvers, 1625. — b) Concordances verbales : H. de Raze, Ed. de Lachaud et J -B. Flandrin, Concordanliarum S. Scripturse manuale, Lyon, 1852, et souvent rééditée ; tout récemment, H. Peultier, Etienne, Gantois, Concordan-Uarum universse Scripturse Sacrse thésaurus, Paris, 1897. Toutes ces concordances, si l’on en excepte la dernière, sont plutôt faites à l’usage des prédicateurs.

n. commentaires sur l’écriture. — 1° Commentaires complets sur l’Ancien et le Nouveau Testament.

— Cornélius a Lapide († 1637) a commente toute l’Écriture, à l’exception de Job et des Psaumes. L’édition’princeps est celle d’Anvers, [1614-1645 ; elle a été suivie de vingt autres. Dans ces éditions postérieures on reçoit d’ordinaire pour Job le commentaire de Pineda ou celui de Corderius ; pour les Psaumes, le commentaire de Bellarmin ou celui de Le Blanc. Après Cornélius à Lapide c’est à Serarius, Sanctius et Lorin que nous devons peut-être le plus grand nombre de commentaires. — Les scoliastes se sont bornés à des explications brèves et précises sur le texte biblique. Ce sont : Emmanuel Sa († 1596), Jean Mariana († 1621), Jacques Gordon († 1641), Etienne Ménochius († 1655) et Jacques Tirin († 1636). On sait que les notes de ces scoliastes ont défrayé bon nombre des éditions modernes destinées aux fidèles cultivés.

Commentaires sur des livres particuliers.


i. Pentateuque, a) Commentaires d’ensemble : Cornélius a Lapide, In Pentateuchum, Anvers, 1616, SSC. t. v, vi, vii ; Jacobus Bonfrerius, In Pentaleuchum, ers,

1625. — 6) Commentaires particuliers : Bened. Pererius, Commentariorum et disputationum m Genesim, tomi quatuor, Rome, 1589-1598 ; Sebast. Barradas, Itinerarium filiorum Israël, Anvers, 1612 ; Joannes Lo-, rinus, Comment, in Levit., Num. et Deuteron., Lyon, 1619, 1662, 1625.’— 2. Josue : Nicol. Serarius, Josue ab utero ad usque tumulum hbns quinque explanalus, Mayence, 1609, 1610. — 3. Juges et Buth : Nicol. Serarius, Judices et Ruth explanati, Mayence, 1609, ou mieux encore Jacob. Bonfrerius, Josue, Judices et Ruth, Paris, 1631, SSC. t. viii ; Caspar Sanctius, In libr. Ruth commentarius, cum duplice appendice, Lyon, 1628. — 4. Rois : Casp. Sanctius, Comment, et paraphr. in libros Regum, Lyon. 1623, SSC. t. ix, x, xi. — 5.Paralipomènes : Nie. Serarius, 1613 ; Casp. Sanctius, 1624 ; Jac. Bonfrerius, 1643. — 6. Esdras : Casp. Sanctius, Comment, in libros Ruth, Esdrse et Nehemise, Lyon, 1628. — 7. Tobie : Jacob. Tirinus, In Tobiam commentarius, cum translatione ex grseco, Anvers, 1632, SSC. t. xii. — 8.Esther : Steph. Ménochius, In librwmEsther commentarius, Cologne, 1630, SSC.t. xiii. — 9. Judith : Nie. Serarius, In hbrum Judith commentarius cum translatione ex grseco, Mayence, 1599, SSC. t. xii. — 10. Job : Bal th. Corderius, In libi Job comment-, 1417 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1418

Anvers, 1646, SSC. t. xiii, xiv ; Joan. de Pineda, Commentariorum inJob UbriXIII, Madrid, 1597. — 11. Psaumes : Thom. Le Blanc, Analysis Psalmorum davidicorum, Lyon, 1665-1677 ; Rob. Bellarminus, In Psalmos comment., Rome, 1611 ; et par la suite plus de trente éditions ; Berthier, Les Psaumes traduits en français avec des notes et des réflexions, Paris, 1775. SSC. t. xiv, xv et xvi contiennent des extraits considérables de Bellarmin et de Berthier. — 12. Proverbes : Corn, a Lapide, In Proverbia Salomonis prolegom., Anvers, SSC. t. xvi ; Ferd. Quir. de Salazar, Proverbia Salomonis, Paris, 1619, 1621. — 13. Ecclésiaste : Joan. de Pineda, Commentant in Ecclesiastem, Séville, 1619. — 14. Cantique : Corn, a Lapide, Compendium sive synopsis sensuslitteralis et genuini Cantici canticorum, Anvers, 1638, SSC. t. xvii. — ib.Sagesse : Jac. Lorinus, Comment, m Sapientiam, Lyon, 1607. — 16. Ecclésiastique : Em. Sa, In Ecclesiasticum commentarius, Anvers, 1598, SSC. t. xvii. — 17. Sur les quatre grands Prophètes : Casp. Sanctius ; Lyon, 1612-1621 ; Hier. Pradus et J. B. Villalpandus, In Ezechielem et templum ab eo descriplum, Rome, 15961604 ; Bened. Pererius, In Damelem, Rome, 1587 ; Didac. de Celada, In Susannam daniehcam cum appendice de Maria Virgine in Susanna figurata, Lyon, 1656. — 18. Sur les xii petits Prophètes : Franc. Ribera’, Comment, in Prophelas minores et Baruch, Lyon, 1621. — 19. Machabées : Cornel. a Lapide, In libr. Machabseorum comment., Anvers, 1645, SSC. t. XX. — "20. Evangiles : Joan. Maldonat, In quatuor Evangelia commentarius, édition princeps, par les soins de Fronton du Duc, Pont-à-Mousson, 1596 ; dernières éditions : Mayence, 1874 + et Barcelone, 1882. Entre ces deux termes, plus de vingt autres éditions, mais dans celles postérieures à 1607 on a substitué le texte corrigé de la Vulgate clémentine, d’où il résulte que parfois le commentaire n’est pas en harmonie avec le texte ; SSC. t. xxi. Alph. Salmeronis, Commentani in Evangelic. histor., vol. H-x, Madrid, 1598-1602, et Cologne, 1602, 1612-1615 ; Franc. Toletus, In Joannis Evangehum, Rome, 1588 ; In xii priora capila Lucse, Rome, 1600. — 21.’Actes des Apôtres : Joan. Lorinus, In Actus apostolorum, Lyon, 1605 ; Casp. Sanctius, Comment, in Actus ; <iccessit disputalio de S. Jacobi itemque Pétri et Pauh in Hispamam adventu, Lyon, 1616. — 22. Saint Paul : Bened. Justiniani, In omnes B. Pauli epistolas, Lyon, 1612 ; Corn, a Lapide, In omnes D. Pauli epistolas, Anvers, 1614 ; Franc. Toletus, In epislol. ad Romanos, Rome, 1602 ; Franc. Ribera, In Epist. ad Hebreeos, Salamanque, 1598. — 23. Épîtres catholiques : Nicol. Serarius, In Epist. cathol. commentarius, Mayence, 1612 ; Joan. Lorinus, In Epist. cath. Joannis et Pétri, Lyon, 1609, 1619. — 24. Apocalypse : Ludov. de Alcazar, Vesligatio arcani sensus in Apocalypsi ; cum opusculo de sacns, pondenbus et mensuris, Anvers, 1614-1619 ; il y joignit le commentaire des passages parallèles : Job, xxviii-xl ; Ezech., i, x, xxxviii-xl ; Dan., vu-xi, Joèt, m ; Habac, m ; Zach.. i-vii : Ineas Veteris Test, partes quas respicit Apocalypsis libri quinque cum opusculis de malis medicis, Lyon, 1631 ; Franc. Ribera, In Apocalypsim, avec un appendice de cinq livres De iis quee « d Templum pertinent, Lyon, 1593.

Au xvine siècle, plusieurs jésuites italiens ont publié leurs Leçons d’Écriture Sainte. Ce sont Zucconi f 1720, Guicciardi f 1739, Calino f 1749, Rossi f 1760, Peverelli f 17t >6, Granelli f 1778, Nicolai f 1784, Mantovani f 1785 ; et, plus près de nous, Finetti-j-1842, Parisi i-1859, Curci f 1891.

III. THÉOLOGIE SCMPTVRAIRE, HISTOIRE SACRÉE, APO-ZOGÉTIQUE, ARCHÉOLOGIE BIBLIQUE. — 1° Théologie. — Henric. Marcellius, Theologia Scripturse divines, Bruxelles, 1658, SSC. t.i ; Martin. Becanus, Analogia Veteris et Novi Testamenti, Mayence, 1620, SSC. t.n ; Jos. Acosta, De Christo in Scnpturis revelato libri novem,

Rome, 1590, SSC. t.n ; Lud. BallesteT, Hierologia, sivede sacro sermone, continens summam alque compendium positivas theologise ; fere omnia quæ in sacra scriptura tractantur attingens ; innumera ejus loca lingues hebraicee prsesidio explicans, Lyon, 1617 ; Kilber, Analysis biblica, Heidelberg, 1773-1779, et nouvelle édition Paris, 1856, dans laquelle le P. Tailhan a ajouté aux prophéties messianiques de l’Ancien Testament de nombreuses références patrologiques.

Vies de Jésus-Christ.

Dans ce genre de littérature

sacrée, divers essais ont été tentés par : Montereul (j- 1646), La vie du Sauveur du monde Jésus-Christ ; Georges Heser († 1686), Vilse D. N. J. Christi monotessaron evangelicum ; Guérin († 1736), Le texte des quatre évangélistes réduit en un corps d’histoire ; Chr. Ries († 1822), Vita Dei hominis J. Christi ; le P. de Ligny († 1789), dont l’Histoire de la vie de N.-S. Jésus-Christ, Avignon, 1774, est de tous les ouvrages de ce genre celui qui a eu le plus de succès ; le P. Henry Coleridge, La Vie de notre vie, The Life of our life, traduit de l’anglais par le P. Jos. Petit, S. J., et l’abbé Ph. Mazoyer, 19 in-12, Paris, 1888-1899.

Histoire sacrée.

Is. Jos. Berruyer, Histoire du

peuple de Dieu depuis son origine jusqu’à la venue du Messie, etc., Paris, 17L8 ; Histoire du peuple de Dieu depuis la naissance du Messie jusqu’à la fin de la synagogue, Paris, 1753 ; Histoire du peuple de Dieu, troisième partie, ou Paraphrase des Épîtres des Apôtres d’après le commentaire latin du P. Hardouin. Sur l’histoire et la valeur de ces ouvrages, voir Berruyer, 1. 1, col. 1628. Plusieurs des dissertations du P. Tournemine († 1739) se réfèrent à ce même sujet, qui a d’ailleurs sollicité la plume d’un grand nombre d’autres. Les meilleurs travaux sont par ordre de dates : Philippi († 1636), De sacra chronologia ; Salianus († 1640), Annales historiés sacrée ; Joan. Rho ({- 1662), Hommes illustres Veteris Testamenti ; Mascarell (-j- 1730), De chron. sacra ; Mahy (fl744), Histoire du peuple hébreu ; Steinhart († 1743), Historia sacra ; Szdellar († 1745), De chronologia V. T. ; Kwiatkowski († 1747), Historia Vet. et Nov. Testamenti ; Calino (-(-1749), Historia et chronol. V. T. ; Jos. Reeve († 1820), History of holy Bible ; Finetti († 1842), Storia del Testant, antico ; Secco († 1874), Storia del AnticoeNovo Testamento ; Rrunengo (-j- 1891), L’impero di Babiloniae di Ninive secondo % monumenti cuneiformi comparali colla Bibbia, Prato, 1885.

Apologétique.

Didac. Quadros, Palsestra biblica,

Madrid, 1723-1731 ; Fr. Xav. Widenhofer, Sacres Scripturse dogmatice et polemice exphcatse, Wurzbourg, 1749 ; Kraus († 1772), Verbum Dei scriptum ab apparentibus contradictionibus defensum ; Herm. Goldhagen, Vindicies harmonicee, criticse et exegelicse in Sacras Scripturas utriusque Testamenti, Mayence, 1774-1775 ; Veith, Scriptura sacra contra incredulos propugnata, Augsbourg, 1780-1797, SSC. t. lv ; Erasm. Froehch, Annales regum et rerum Synes, Vienne, 1744 ; De fontibus historiée Syriee in Ixbris Machab., Vienne, 1746.

Archéologie.

Nie. Abram, Pharus Veteris Testamenti,

Paris, 1648 ; Athan. Kircher, Arca Noe, Amsterdam, 1675 ; Turris Babel, Amsterdam, 1679 ; Se. Sgambata († 1652), Archiv. Veteris Testamenti ; Gasp. Hartzheim ; Explicatio fabularum et superstitionum, quarum mentio m sacra Scriptura, Cologne, 1724 ; flerm. Goldhagen, Meletema biblico-philologicum de religions Hebreeorum, Mayence, 1759.

Dans l’énumération qui précède, on n’a guère tenu compte que des auteurs qui ont écrit, avant la suppression de la Compagnie vers la fin du xviiie siècle (1773). Quand elle revint à la vie, après la tourmente révolutionnaire (1814), les circonstances l’obligèrent à s’attacher avant tout à l’éducation de la jeunesse et à la prédication, afin de réparer plus rapidement les ruines accumulées par trente ans d’impiété. Les études exégë1419 JÉSUITES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 1420

tiques ont forcément souffert de cette situation. Parmi les jésuites qui ont le plus contribué à leur relèvement au cours du xixe siècle, il est juste de mettre au premier rang le P. Fr. Xavier Patrizi (1797-1881) et le P. Joseph Corlny (1834-1896). Le premier a publié un assez grand nombre de monographies, mais ses deux ouvrages principaux, et qui resteront, sont : 1° Institutio deinterpretatione Scripturarum sacrarum libri duo, première édit., Rome, 1844, et dernière édition, Rome, 1876 ; 2° De Evangeliis libri très, Fribourg-en-Brisgau, 1852, 1853 ; excellent travail de critique textuelle, où l’on trouve de nombreuses dissertations d’une exceptionnelle valeur tant pour l’exégèse que pour l’apologie du Nouveau Testament. Le P. Corluy, en outre des articles parus dans diverses revues, a publié : 1° Spicvlegium dogmatwo-biblicum seu Conwientarius in selecta S. S. loca quss ad demonstranda dogmata adhiberi soient, ^ in-8°, Gand, 1884-1885 ; 2° Commentarius in Evangelium S. Joannis, in-8°, Gand, 1878 ; 2e édit., 1880. — Bien que nous nous soyons fait une loi de ne pas nous occuper ici des auteurs encore vivants, cet article doit faire au moins mention de l’œuvre considérable entreprise récemment par quelques Pères de la compagnie de Jésus, pour donner en latin aux catholiques de tous pays un cours complet d’Écriture Sainte : Introduction, commentaires, concordances et dictionnaires, Cursus Scripturse Sacrss auctoribus R.Comely, J. Knabenbauer, Fr. de Hummelauer, aliisque Soc. Jesu presbyleris, Paris, 1885. L’œuvre est encore en cours de publication. h’Introduction du P. Cornely, qui remplit les trois premiers volumes de la collection, a déjà conquis une grande autorité. Le succès, dont elle jouit dans les écoles, en témoigne suffisamment. — Les jésuites, qui dirigent l’Université Saint-Joseph à Beyrouth (Syrie), ont publié et exécuté sur leurs propres presses une nouvelle traduction arabe de la Sainte Écriture (1876).

IV. Liste chronologique des auteurs jésuites qui ont ; écrit sur les choses bibliques. — L’année indiquée est celle de leur mort. On trouvera sur chacun d’eux une notice biographique et bibliographique tant dans ce dictionnaire que dans la Bibliothèque des écrivains de la compagnie de Jésus, par les PP. de Backer et Sommervogel (1890-1900) ; ou encore dans le P. Hurter, S. J. : Nomenclator hterarius recenlioris théologies catholicte ; 2e édit., 4 in-12, Inspruck, 1892-1899.

XVI’siècle. — Joannes Harlemius (de Harlem), batav., 1578. Hieronymus Natalis, hisp., 1580. Joannes Covillonius, gai., 1581. Joannes Maldonatus, hisp., 1583. Alphonsus Salmeron, hisp., 1585. Franciscus Ribera, hisp., 1591. Hieronjmus Pradus, hisp., 1595. Joannes Ferdinandus, hisp., 1595. Emmanuel Sa, lusit., 1596. Franciscus Toletus, hisp., 1596. Blasius Viegas, hisp., 1599. Josephus Acosta, hisp., 1599.

xvii’siècle. — J. Bapt. Villalpandus, hisp., 1608. Mart. Antonius Delrio, belg., 1608. Nicolaus Serarius, germ., 1609. Benedictus Pererius, hisp., 1610. Ludovicus de Alcazar, hisp., 1613. Joannes Hajus, belg., 1614. Vincentius Regius, sicut., 1614. Christophus de Castro, hisp. 1615. Sebastianus Barradas, lusit., 1615. Arnoldus Catheus, batav., 1620.Joannes Freyre, lusit., 1620. Robertus Bellarminus, ital., 1621. Benedictus Justiniani, ital., 1622. Augustinus de Quiros, hisp., 1622. Didacus Daza, hisp., 1623. Martinus Becanus, belg., 1624. Joannes Mariana, hisp., 1624. Ludovicus Ballester, hisp., 1624. Ludovicus de Ponte, hisp., 1624. Cosmas Magalianus, lusit., 1624. Franciscus de Mendoza, lusit., 1626. Caspar Sanctius (Sanchez), hisp., 1628. Hieronymus Sopranis, ital., 1629. Octavianus de Tufo, ital., 1629. Benedictus Fernandius, lusit., 1630. Antonius Ballinghem, belg., 1630. Petrus Lanselius, belg., 1632. Joannes Lorinus, gall., 1634. Georgius Kaldi, hung., 1634. Ludovicus de Azevedo, lusit., 1634. Adamus. Contzen, germ., 1635. Jacobus Tirinus, belg., 1636. Thomas Massutius, ital.,

1636. Henricus Philippi, germ., 1636. Petrus Eulard, belg., 1636. Franciscus Pavone, ital., 1637. Cornélius a Lapide, belg., 1637. Joannes de Pineda, hisp., 1637. Jacobus Salianus, gall., 1640. Jacobus Gordon, scot., 1641. Jacobus Bonfrerius, belg., 1642. Joannes Tollenær, belg., 1643. Joannes Phelippæus, belg., 1643. Gabriel Alvarez, hisp., 1645. Paulus Sherlock, hibern., 1646. Ferd. Quir. de Salazar, hisp., 1646. Nicolaus Lombard, gall., 1646. Bernardinus Montereul, gall. 1646. Didacus de Bæza, hisp., 1647. Alexander Pellegrinus. ital., 1617. Petrus Maucorps, gall., 1649. Salvator de Léon, hisp., 1649. Hieronymus Guevara, hisp., 1649. Balthasar, Corderius, belg., 1650. Adrianus Crommius, belg., 1651. Joannes Robertus, belg., 1651. Nicolaus Caussin, gall., 1651. Joannes Burghesius (Bourgeois), belg., 1653. Lucas Vellosus, lusit., 1653. Andréas Pintus Ramirez, lusit., 1654. Olivarius Bonartius, belg., 1654. Scipio Sgambata, ital., 1655. Philippus Massaria, sicut., 1655. Stephanus. Menochius, ital., 1655. Nicolaus Abram, gall., 1655. Rudolphus a Corduba, hisp., 1655. Fabricius Britius, ital., 1656. Jo. Bapt. Uwens, belg., 1657. Joannes de Pifia, hisp., 1657. Joannes Eusebius Nieremberg, hisp., 1658. Lucas de Arcones, hisp., 1658. Gregorius Ferrari, ital., 1659. Alphonsus Flores, hisp., 1660. Didacus de Celada, hisp., 1661. Petrus Gorse, gall., 1661. Joannes. Rho, ital., 1662. Henricus Marcellius, belg., 1664. Joannes Besson, gall., 1665. Albinianus de Rajos, hisp., . 1667. Petrus Alois, ital., 1667. Joan. Erard. Fullonius, belg., 1668. Ignatius Zuleta, hisp., 1668. Thomas Le Blanc, hisp., 1669. Antonius Velasquez, hisp., 1669. Antonius de Escobar y Mendoza, hisp., 1669. Franc. Zidron de Azevedo, ital., 1670. Georgius Mentzius, germ., 1672. Jacobus Lobbetius, gall., 1672. Ludovicus Janinus, gall., . 1672. Petrus des Champsneufs, gall., 1675. Henricus Mayer, germ., 1675. Henricus Kircher, germ., 1675. Franciscus Basellus, ital., 1678. Jacobus de Montefrio, ital., 1678. Athanasius Kircher, germ., 1680. Emmanuel Naxera, hisp. 1680. Josephus de Ormaza, hisp., 1680. Franciscus Vavasseur, gall., 1681. Joannes Bissel, germ., 1682. Petrus Oliva (Olivier), gall., 1684. Franciscus Duneau, gall., 1684. Josephus de Tamayo, hisp., 1685. Andréas Gérard, gall., 1686. Georgius Heser, germ., 1686. Nicolaus Talon, gall., 1691. Mathias Steyer, bohem., 1692. xviw siècle. — Domimcus Bouhours, gall., 1702. Caspar Kuemmet, germ., 1706. Ludovicus Alvarez, lus., 1709. Hieronymus Ragusa, sicut, , 1715. Guido Scheffer, bohem., 1717. Ferdinandus Zucconi, ital., 1720. Jacobus Ayroli, ital., 1721. Martinus Brictius, pol., 1727. Stephanus Thiroux, gall., 1727. Car. Joannes de Lattaignant, gall., 1728. Vincentius Mascarell, hisp., 1730. Christophorus Berlanga, hisp., 1731. Christophorus Grangel, hisp., 1732. Nicolaus Guerin, gall., 1736. Jos. Renatus. Tournemine, gall., 1739. Antonius Guicciardi, ital., 1739. Michæl Languedoc, gall., 1742. Joannes Seidel, germ., 1742. Stephanus Souciet, gall., 1744. Franciscus Sydellar, croat., 1745. Didacus Quadros, hisp., 1746. Franciscus Steinhart, germ., 1746. Petrus Kwialkewski, pol., 1747. Laurentius Thekal. bohem., 1748. Antonius Remy, belg., 1748. Csesar Calino, ital., 1749. Jacobus Pires, belg., 1750. Anna-Jos. Neuville, gall., 1750. Gaspar Hartzheim, germ., 1750. Franciscus Oudin, gall., 1752. Andréas Patrono, ital., 1752. Ludovicus Eschborn, germ., 1753. Antonius Casini, ital., 1755. Franciscus Haselbauer, bohem., 1756. Jacobus Gremner, germ., 1757. Nicolaus Zillich, germ., 1758. Erasmus Frœlich, germ., 1758. Isaac Jos. Berruyer, gall., 1758. Franc. Xav. Widenhofer, germ., 1759. Quiricus Rossi, ital., 1760. Antonius Pluche, gall., 1761. Petrus Curti, ital., 1762. Franciscus Zeleny, mor., 1765. Barthol. Peverelli, ital., 1766. Josephus Conradi, bohem., 1767. Leopold Mauschberger, germ., 1767. Matthias Purulich, croat., 1768. Jacobus Maciejowski, germ., 1769. Martinus Kurzeniecki, pol., 1769. Joannes Granelli, ital., 1770. Cara1421

    1. JÉSUITES##

JÉSUITES (TRAVAUX DES) — JÉSUS-CHRIST

"U22

lus Jos. Frévier, gall., 1770. Josephus Khell, germ., 1772. Wenceslaus Kraus, mor., 1772. Ignatius Schunk, bav., 1773. Joannes Slesina, ilal., 1775. Petrus Azzoni, pohem., 1777. Benedictus Beeckmans, belg., 1780. Ignatius Kreussler, germ., 1780. Guil. Franc. Berthier, gall., 1782. Henricus Kilber, germ., 1783. IgnatiusWeitenauer, bav., 1783. Thomas Holtzclau, germ., 1783. Alphonsus Nicolai, ital., 1784. Petrus Janowka, bohem, 1784. Antonlus Vogt, germ., 1784. Paulus Mantovani, ital., 1785. Leopold Tirsch, bohem., 1788, Jos. Julian. Monsperger, germ., (peu après 1788). Ferdinandus Reisner, bav., 1789. Franciscus de Ligny, gall., 1789. Andréas Friz, germ., 1790. Joan. Nepom. Schæffer, germ., 1790. Petrus Guerin du Rocher, gall., 1792. Joannes Jung, germ., 1793. Herman Goldhagen, germ., 1794. Ignatius Neubauer, bav., 1795. Laurentius Veith, bav., 1796. Aloysius Keller, helv., 1796. Emmanuel de Azevedo, lus., 1796. Franciscus Cabrera, hisp., 1799. Sebastianus Mutschelle, bav., 1800.

Hl ! siècle. — Josephus Weissenbach, helv., 1801. Franc. Car. Alter, germ., 1804. Eriprand. Giulari, ital., 1805. Xaverius Bettinelh, ital., 1808. Matthias Engstler, germ., 1811. Josephus Reeve, angl., 1820. Petrus Jos. Picot de Clorivière, gall., 1820. Christianus Ries, germ., 1822. Franc, de Paula Schrank, bav., 1835. Franciscus Finetti, ital., 1842. Rosarius Pari, sicut., 1859. Joan. Bapt. Pianciani, ital., 1862. Henricus Roux de Raze, gall., 1863, Geminianus Mislei, ital., 1867. Alexander Bourquenoud, helv., 1868. Franc. Xaverius Patrizi, ital., 1881. Régis Champon, gall., 1883. Xaverius Pailloux, gall, , 1887. Josephus Brunengo, ital., 1891. Carolus Maria Curci, ital., 1891. Henricus Coleridge, angl., 1893. Josephus Corluy, belg., 1896. A. Durand.

    1. JESURUN##

JESURUN (hébreu : YeSurûn ; Septante : fiyamuxlvoç ; Vulgate : dilectus, rectissimus), nom donné à Israël. Ce mot ne se lit que quatre fois dans la Bible hébraïque et toujours dans des morceaux poétiques. Deut., xxxii, 15 ; xxxiii, 5, 26 ; Is., xuv, 2. Il est formé de yasar, a le juste, » comme Zebûlùn de zdbal, « habiter, » et Yedutûn (Idithun), « louant, » de yâdâh, « louer. » W. Stærk, Studien zur Religionsund Sprachgeschichte des alten Testaments, 2 in-8°, Berlin, 1899, Heft ii, p. 74. Les opinions sont d’ailleurs très partagées sur la manière dont il faut expliquer et interpréter ce mot. D’après la plupart des hébraïsants modernes, c’est un diminutif (’lirpa^îffxoi ; a traduit le Codex Grmcus Venelus ) comme qui dirait, justulus, rectulus, et il faut } voir un terme de tendresse, signifiant « mon cher petit peuple ». La Vulgate semble l’avoir compris dans ce sens, en rendant Yesûrûn par dilectus, dans le Deutéronome. Elle n’a fait d’ailleurs que suivre les Septante qui ont traduit partout : faanr l ii.ivoi. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 642. De quelque manière qu’on. l’explique, quoique quelques exégètes aient cru que yeëûrûn est une altération du mot Israël, la dérivation de ydsdr ne peut être sérieusement contestée. Voir J, Knabenbauer. Comment, in ls., 1887, t. ii, p. 146 ; Fr. de Hummelauer, Deuleron., 1901, p. 522 ; D. B. Duhm, Das Buch Jesua, in-8 « , Gœttingue, 1892, p. 304. F. Vigouroux.

    1. JÉSUS##

JÉSUS, nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de plusieurs Israélites, dont le nom en hébreu ne diffère pas de ceux que la Vulgale a appelés Jésua, Jésué, Josué. Voir ces noms. Le nom d’Isaie renferme les deux mêmes éléments composants que le nom hébreu complet : Yehô ou Ydhû et le verbe yâsa’, « sauver, » mais placés dans l’ordre inverse. Voir Isaïe, col. 941.

1. JÉSUS, forme du nom de Josué, fils de Nun, dans plusieurs passages de la Vulgate. Eccli., xlvi, 1 ; I Mach., H, 55 ; II Mach., xii, 15 ; Act., vil, 15 ; Heb., iv, 8 ; Jud., ꝟ. 5. Voir Josué, 1.

2. JÉSUS FILS DE SIRACH flrjffo-j ;-j’to ; Seipdtx), auteur de l’Ecclésiastique, comme cous l’apprend le prologue du livre et l, 27 ; li, 1. Il était de Jérusalem. Eccli., L, 27. On a supposé qu’il était prêtre, d’après Eccli., vil, 31-33 ; l, 1-23, ou médecin, à cause de ce qu’il dit de la médecine, Eccli., vi, 16 ; x, 11-12 ; xviii, 20 ; xxxvin, 1-15. ; xlhi, 24, mais ce sont des hypothèses douteuses. Voir Ecclésiastique, t. ii, col. 1544. Le livre de l’Ecclésiastique est appelé par les Pères grecs la Sagesse de Jésus fils de Sirach, ou plus brièvement la Sagesse de Sirach, du nom de son auteur. Voir t. ii, col. 1543.

3. JÉSUS FILS DE SIRACH était aussi le nom du petit-fils de l’auteur de l’Ecclésiastique, qui traduisit son ouvrage en grec, d’après l’auteur de la Synopsis Scripturse Sacrie, qu’on trouve dans les œuvres de saint Athanase, Patr. Gr., t. xxviii, col. 376-377, mais on ignore sur quoi est fondée son affirmation. Voir Ecci.esiastiq.ul, VI, t. ii, col. 1547.

4. JÉSUS, grand-prêtre, fils de Josédec. Il est ainsi appelé par la Vulgate dans Eccli., xlix, 14 ; dans Aggée, i, 1, etc., et dans Zacharie, iii, 1, etc. Dans les deux livres d’Esdras, il porte le nom de Josué. Voir Josué 4.

5. JÉSUS, compagnon de saint Paul, surnommé’IoîJ<xza ;, Justus, « le Juste. » Il était à Rome avec l’Apôtre quand celui-ci écrivit de Cette ville aux Colossiens, et il est nommé parmi ceux qui envoient leurs salutations aux fidèles de Colosses. Col., IV, 11. Voir Tillemont, Mémoires pour servira l’histoire ecclésiastique, 1701, t. i, p. 293. D’après la tradition grecque, il était un des soixante-douze disciples, devint évêque d’Éleuthéropolis et convertit toute la population de cette ville à la foi. Voir Acta sanctorum (20 juin), junii t. iv (1707), p. 67.

    1. JÉSUS-CHRIST##

JÉSUS-CHRIST (*Iï)(roO « Xpi<rr<Sç ; Vulgate : Jésus Christus), le Fils de Dieu, seconde personne de la sainte Trinité, qui a pris une nature humaine pour vivre au milieu des hommes et les racheter par sa mort (fig. 265).

Division de l’article. — I. Différents noms de Jésus-Christ. — I. NOM PRINCIPAL : — l°Jésus, col. 1423.

— 2° Christ, col. 1424. — il. ses autres noms : — 1° Noms dans V Ancien Testament, col. 1425. — 2° Dans le Nouveau, col. 1426.

II. La préparation a sa venue, p. 1427. — i. figures, col. 1427. — u. prophéties, col. 1429 : — 1° Ordre chronologique, col. 1430. — 2° Ordre logique, col. 1431.

— 3° Leur force, col. 1434. — m. attente du messie par les juifs, col. 1436.

III. Sa naissance, son enfance, sa vie cachée. — I. avant sa naissance : — 1° Préexistence, col. 1441.

— 2° Annonciation, coviM. — 3° Visitation, col. 1442.

— II. nativité et enfancb : — 1° Naissance, col. 1442.

— 2° Présentation au Temple, col. 1443. — d’Adoration des Mages, col. 1443. —4° Séjour enÉgypte, col. 1443. — 5° Croissance, col. 1444. — 6° Voyage à Jérusalem, col. 1444. — /II. vie cachée, col. 1445.

IV. Son ministère public, col. 1415. — i. inauguration, col. 1445. — II. en galilée, col. 1447 : — 1° Première mission, col. 1447. — 2° Seconde mission, col. 1448.

— 3° Crise messianique, col. 1450. — 4° Dernier séjour en Galilée, col. 1452. — ni. hors de Palestine, col. 1453.

— IV. À Jérusalem, col. 1455 : — 1° Seconde Pâque, col. 1456. — 2° Fête des Tabernacles, col. 1457. — 3° Fête de la Dédicace, col. 1459. — 4° Résurrection de Lazare, col. 1459. — 5° Dernier voyage à Jérusalem, col. 1460.

V. Sa manière de vivre, col. 1461. — I. ses relations, Col. 1461 — II. SA VIE JOURNALIÈRE, Col. 1464.

VI. Sa dernière semaine.

I. dimanche des rameaux, col. 1466. —h. lundi saint, co. 1467. — m. mardi saint,

COl. 1468. — WMERCREDI SAINT, col. 1469. — V. JEUDI

    1. SAINT##

SAINT, COl. 1471. — VI. VENDREDI SAINT, COl. 1473 — VII. SAMEDI SAINT, Col. 1478.

VII. Sa vie ressuscitée.

i. jour de la résurrection, col. 1478. — II. entrb la résurrection et l’ascension, col. 1480. — /II. ASCENSION, col. 1480.

VIII. Son enseignement.

i. dogmatique. — 1° Trinité, col. 1480. — 2° Messie, col. 1481. —. 3° Royaume de Dieu, col. 1482. — 4° Vie surnaturelle, col. 1484. — 5° Destinée humaine, col. 1485. — 1T. MORALE, col. 1486.

— III. SOURCES DE CET ENSEIGNEMENT, col. 1487. —

1° Écriture, col. 1487. — 2° Rien de saint Jean-Baptiste, p. 1488. — Ni des Esséniens, col. 1489. — Ni des Pharisiens, col. 1489. — 3° Tout de son Père, col.

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HESVCHRD AEAGARO REGI’EBESSj^MISSA

205. — Portrait de Notre-Seigneur soi-disant envoyé à Abgar, roi d’Edesse. Voir Abgar, t. i, col. 40. Vatican.

IV. méthode.

1° Autorité, col. 1491. — 2° Connaissance des cœurs, col. 1492. — 3° Adaptation, col. 1492.

— 4° Paraboles, col. 1494.

IX. Sa divinité.

I. prophéties accomplies, col. 1497. — 1<> Leur accomplissement non naturel, col. 1498.

— 2° Prophéties faites par Jésus-Christ, col. 1499. — 11. AFFIRMATION DE JÉSUS-CHRIST, col. 1501. — /II. miracles. — 1° Variété, col. 1503. — 2° Signification, col. 1504. —3° Symbolisme moral, col.1507. — îr. résurrection, COl. 1507.— V. CARACTERE DE JÉSUS-CHRIST, Col. 1510.

X. Jésus-Christ, d’après l’enseignement des Apôtres. — I. vis du sauveur, col. 1512. — II. sa divinité, col. 1513. — /II. le rédempteur, col. 1513. —iv.

LB MÉDIATEUR, Col. 1514. — V. LE CHRIST ET L’ÉGLISE, COl. 1514. — VI. LE CHRIST ET LE CHRÉTIEN, Col. 1515. — VU. LE RÈGNE DE JÉSUS-CHRIST, coi. 1515.

XI. Ce que disent de Jésus-Christ les anciens historiens profanes, col. 1516. — 1° Josèphe, — 2° Tacite, — 3° Suétone, — 4° Pline, col. 1517.

XII. Bibliographie, col. 1517., I. Ses différents noms.

I. son nom principal.

— 1° Jésus. Ce nom a en hébreu la forme Yêsûa’, abrégée de la forme primitive Yehôsûa’, « Jéhovah est le salut. » En grec, il devient "Ir)<ro3c, par l’adoucissement de la

gutturale. — Il avait été déjà porté par un assez bon nombre de personnages bibliques, dont aucun d’ailleurs ne le déshonora par sa conduite. Il fut, entre autres, tantôt sous sa forme complète, Exod., xvil, 9 ; Agg., i, 1, etc., tantôt sous sa forme abrégée, II Esd., viii, 17 ; xii, 1, etc., le nom de Josué, fils de Nun, le conquérant de la Palestine, que les versions appellent aussi quelquefois Jésus, Eccli., xlvi, 1 ; I Mach., ii, 55, etc., et aussi celui du premier grand-prêtre en exercice après le retour de la captivité. I Esd., ii, 2 ; Josèphe, Ant. jad., XI, iii, 10. Le mot YehôhYa est composé des deux substantifs Yehô, abrégé de Yehôvâh, « Jéhovah, » ou « Jahvéh », et yesua’, abrégé en sûa’, « salut, s du radical yâsa’, & sauver. » L’Ecclésiastique, xlvi, 1, 2, fait allusion à la signification de ce nom quand il dit de Josué que, « conformément à son nom, il fut grand pour le salut des élus. « Eusèbe, Dem. ev., iv, t. xxii, col. 333, dit que’IïiuoOç veut dire Maw uwTr]0ta, c’est-à-dire ©eo0 o-wt’iip : ’a. Clément d’Alexandrie, Psedag., iii, 12, t. viii, col. 677, et S. Cyrille de Jérusalem cherchent bien à expliquer’Iïjffoûç par le verbe grec lao{i.at, « guérir », d’où l’onriç, « guérison ; » mais ce dernier écrivain reconnaît que le vrai sens du mot est celui de (rw-riip, « sauveur. » Catech., x, 13, t. xxxiii, col. 677. — Le nom de Jésus ne fut pas donné arbitrairement au Fils de Dieu. C’est le Père qui le choisit et manifesta son choix par les anges envoyés à Marie, Luc, i, 31, et à Joseph, Matth., i, 21. Le second messager justifie même ce nom en annonçant que sa signification répond à la mission de celui qui doit le porter : aùrôç yàp tsiinti, « car celui-ci sauvera. » Jésus fut le nom personnel du Fils de Dieu incarné. Le peuple le connaissait et l’interpellait sous ce nom, Marc, x, 47 ; Luc, xvii, 13 ; xviii, 38 ; Joa., i, 45 ; xii, 21 ; le Sauveur répondit lui-même : « C’est moi, » aux gardes du Temple qui le cherchaient sous le nom de Jésus de Nazareth, Joa., xviii, 5-8, et ce fut celui que Pilate inscrivit officiellement sur la croix. Joa., xix, 19. Comme ce nom représente excellemment la personne, d’après l’ordre même de Notre-Seigneur, Matth., vii, 22 ; Marc, ix, 37, 38 ; xvi, 17 ; Luc, ix, 49, c’est « au nom de Jésus » que les Apôtres opéraient des miracles. Act., iii, 6 ; iv, 30 ; XVI, 18. Aussi proclament-ils que tout s’incline devant ce nom, Phil., ir, 9, 10, et qu’il est, selon sa signification, le nom procurant le salut. Act., iv, 12.

2° Christ. Voir Christ, t. ii, col. 717. Ce mot reproduit en grec l’hébreu mâsîah, qui a le même sens que XpeoTÔ’ç, « oint. » Cette nouvelle appellation signifie que le Fils de Dieu a été « oint » ou consacré par le Père pour une fonction spéciale. Les rois et les prêtres recevaient une onction sensible. Voir Onction. Les prophètes étaient investis de leur fonction par une onction spirituelle, c’est-à-dire par une action spéciale de l’Esprit de Dieu. Notre-Seigneur a été oint comme roi, comme prêtre et coirrae prophète, mais cette onction a été toute spirituelle. Ps. xliv, 8 ; Is., lxi, 1 ; Dan., IX, 24 ; Luc, iv, 18 ; Heb., i, 9. Le nom de « Christ » se rapporte donc en Notre-Seigneur à la fonction, comme le nom de « Jésus » à la personne. — Dans le Nouveau Testament, les deux noms sont assez souvent unis ensemble pour désigner le Sauveur. Il en est ainsi presque exclusivement dans les deux Épitres aux Thessaloniciens, les trois Épîtres pastorales, l’Épitre à Philémon, les Épitres de saint Pierre, de saint Jean et de saint Jude. Sien plus fréquemment cependant, le nom de « Christ » est employé seul, sans apposition du nom de Jésus ou de quelque autre substantif. En pareil cas, les Évangélistes et saint Luc dans les Actes ajoutent invariablement l’article, ô Xpiorôç, « le Christ ; » Saint Paul met l’article 88 fois, mais l’omet 117 fois ; l’omission est surtout fréquente dans les Épitres aux Romains, aux Corinthiens, aux Galates et aux Philippiens ; l’article prédomine dans les Épitres aux Éphésiens, aux Colossiens et aux Hébreux. Saint Pierre omet 6 fois l’article devant XpidToç,

et l’emploie 3 fois. Dans l’Apocalypse, sur quatre exemples, l’article ne manque qu’une fois. Il ressort de là que l’usage de l’article devant Xpiamç est de beaucoup plus fréquent que son omission, et qu’il est plus conforme à l’origine du mot et à l’habitude des écrivains sacrés d’appeler Notre-Seigneur « le Christ », que simplement « Christ ».

ji. ses avtres noms. — 1° Dans V’Ancien Testament : 1. Abi-’ad, toxttip to-j uiXXovroç aiûvo ;, pater futuri sseculi, Is., IX, 6, nom donné par le prophète au Messie futur. L’hébreu signifie « père d’éternité », c’est-à-dire possesseur et maître de l’éternité, tant pour lui-même, puisqu’il est éternel par sa nature divine, voir Éternité, t. ii, col. 2001, que pour les âmes qu’il doit racheter et -associer à son éternité en leur conférant l’immortalité. C’est à se second sens que songent surtout les anciennes versions. — 2.’Adôn, xOpioç, dominus, Ps. cix (ex), 1, titre donné par David au Messie, que Jéhovah investit de sa puissance. Le mot’âdôn désigne ordinairement le maître qui possède, le seigneur auquel on doit obéissance. Gen., xxiv, 12 ; ls., xxxvi, 9, etc. Le Messie est donc maître et seigneur par rapport au roi David. — 3. David, AaésS, David, nom attribué au Messie lui-même par le prophète Ézéchiel, xxxiv, 23, 24 ; xxxvii, 21. — 4.’Ébéd, Soûàoî, servus. Is., xlii, 1 ; Zach., iii, 8. Par sa nature humaine, Jésus-Christ est le serviteur et l’esclave de Jéhovah. Voir Esclave, t. ii, col. 1928.

— 5.’El, ©£<5c, Deus, « Dieu, » Is., IX, 6, titre qui se rapporte à la nature divine du Messie. Voir’El, t. ii, col. 1627, et Revue biblique, 1893, p. 339-340. — 6. Gibbôr, io-^upôç, fortis, le « fort », le héros. Voir Géants, col. 137. Is., ix, 6. Ce titre fait allusion à la toute-puissance du Dieu fait homme. Ps. xxiii (xxiv), 8. On réunit quelquefois en une seule expression les deux mots d’Isaie, ix, 6 : ’El gibbôr, « Dieu fort. » Chacun des deux termes n’en garde pas moins toute sa valeur. Les Septante ne traduisent que le second mot. — 7. Hokmâh, <roçfa, sapientia, la Sagesse éternelle de Dieu, son intelligence infinie, son Fils. Prov., viii, 12, 22. Voir Sagesse. — 8.’Immânû’El, ’E[i[i.avour|X, Emmanuel, « Dieu avec nous. » Is., vii, 14. Voir Emmanuel, t. ii, col. 1732. — 9. Mal’ak hab-berît, ôaYY^oc ™i ; 81a6ïjxr| ;, angélus testamenti, « l’ange de l’alliance » nouvelle que Dieu doit contracter avec son peuple régénéré. Voir Alliance, t. i, col. 387. — 10. Pelé’, Oau^aaTÔc, admirabilis, « admirable, » Is., IX, C, à cause des merveilles qui signaleront la naissance, la vie, la mort, la résurrection et le règne de Jésus-Christ. — 11. Ro’éh, reoifi^v, pastor, Ezech., xxxiv, 23, le « pasteur » unique qui régira le nouveau peuple de Dieu. Voir Pasteur. — 12. Sadîq, Sîxaioç, justus, le « juste » par excellence, celui <jui porte en soi la sainteté divine et qui doit la communiquer aux hommes. Is., li, 5 ; Jer., xxiii, 5. — 13. Sar Sâlôm, à’p/Mv s’tpï)Vï]c, princeps pacis, le « prince de la paix », Is., IX, 6, celui qui apporte la paix sur la terre en réconciliant l’homme avec Dieu. — 14. Sémah, Sv90ç, germen, le « germe », le Messie comparé à un rejeton qui fleurira sur la terre. Jer., xxiii. 5 ; xxxiii, 15 ; Zach., . m, 8 (Vulgate : Onens). Voir Germe, col. 212. —15. Silôh, ri àitoxei’iisva au™, qui nuttendus est, Gen., xlix, 10, terme par lequel Jacob mourant désigne le Messie dans sa prophétie à Juda. Voir Siloh. — 16. Yehovâh Sidqênu, xupio ; ’IwseSéx, Dominus justus noster, « Jéhovah notre justice. » Jer., xxiii, 6. Ainsi attribué au Messie, qui sauve et justifie les hommes, le nom de Jéhovah implique la divinité de ce Messie. Voir col. 1244. — 17. Yesû’âh, . aut-r^çiiov, salvator, le « salut », ou, dans le sens concret, le « Sauveur ». Is., xii, 3 ; xlv, 8. Ce titre se rapporte à la mission rédemptrice du Messie et prélude à son nom de « Jésus ». — 18. Yô’ês, « rifiëouXoc, consiliarius, le « conseiller », Is., rx, 6, le Messie en tant que confident des volontés du Père et chargé de les faire connaître aux hommes. Aux titres qu’Isaîe donne au Messie, les Septante

ajoutent cet autre : (lefiXric pouXîjî a-yy-eXo ;, « ange du

grand conseil ; » par contre, ils suppriment le mot « Dieu », par crainte sans doute de laisser croire aux païens que les Juifs admettaient l’existence de plusieurs dieux.

Dans le Nouveau Testament.

1.’Ajuvôç to5

®£o5, Agnus Dei, « Agneau de Dieu. » Joa., i, 29. Voir Agneau de Dieu, t. i, col. 271. — 2.’AtoittoXoc, aposlolus. « apôtre, » Heb., iii, 1, c’est-à-dire « envoyé », titre qui convient à Jésus-Christ comme envoyé du Père. —

3.’Ap^iepe-Jç, pontifex, « pontife. » Heb., iii, 1 ; iv, 14, 15 ; v, 10 ; vii, 26 ; ix, 11. Jésus-Christ est le pontife, le grand-prêtre de la Loi nouvelle, parce qu’il réalise, pour la gloire de Dieu et le salut des hommes, ce que les anciens pontifes n’ont pu que figurer. — 4.’Ap^tTioiji^v, princeps pastorum, « le chef des pasteurs, » I Pet., v,

4, celui dont tous les pasteurs des âmes tiennent leur mission. Voir Pasteur. — 5. AQ, la première et la dernière lettre de l’alphabet grec, c’est-à-dire le principe et la fin de toutes choses. Apoc, i, 8. Voir À El Û, t. i, col. 1. — 6. BoKJiXziç, rex, « roi. » Notre-Seigneur revendique lui-même ce titre d’une manière absolue, en ajoutant que son royaume n’est pas de ce monde. Joa., xviii, 37. Ses accusateurs lui reprochent de s’être dit « roi des Juifs), Luc, xxiii, 2 ; Joa., xix, 21, ce qui était un des noms traditionnels du Messie, et c’est le titre que Pilate inscrit sur la croix. Matth., xxvil, 37 ; Marc, XV, 26 ; Luc, xxiii, 38 ; Joa., xix, 19. — 7. AiôsurxaXoî, magister, « maître, » Matth, , xxiii, 8, celui qui enseigne à des disciples et dirige leur vie. Voir Maître. — 8.’E7ti ! Txo7ro5, episcopus, le « surveillant » des âmes chrétiennes. I Pet., ii, 25. — 9.’Iepeûç, sacerdos, « prêtre » selon l’ordre de Melchisédech, offrant le sacrifice du pain et du vin. Heb., v, 6 ; vii, 17. — 10. Ka9°)YY)’rijç, magister, « chef, » celui qui mène les autres. Matth., xxiii, 10. — 11. Kûpioç, Dominus, le « Seigneur ». Joa., xiii, 13 ; xxi, 7. C’est par ce mot grec que les Septante ont rendu le nom ineffable de Yehôvàh. Dans le Nouveau Testament, il sert à désigner Jésus-Christ. — 12. A6yoç, Verbum, le « Verbe, la Parole ». Joa., i, 1. Voir Verbe.

— 13. Me<j{ttjç, ntediator, le « médiateur » entre Dieu et les hommes, Heb., viii, 6 ; ix, 15 ; xii, 21, celui qui, par sa mort, a ménagé la réconciliation entre Dieu offensé et l’homme pécheur. — 14. Mea-uiaç, Messias, le « Messie ». Joa., i, 42. Voir Messie. — 15. Movo-jevï] ;, umgenitus, le Fils « unique » du Père, Joa., i, 14, 18. — 16. Nupiçtoc, sponsus, V « époux ». Matth., ix, 15 ; Joa., iii, 29. Sous ce titre, Jésus-Christ est considéré dans son union avec l’humanité rachetée et devenue l’Église, son épouse. Voir Église, t. ii, col. 1600, et Cantique des cantiques, t. ii, col. 194. — 17. Etot^v, pastor, « pasteur. » Heb., xiii, 20 ; I Pet., iꝟ. 25. Voir Pasteur. —

18. IIpoipTJr/){, propheta, « prophète. » Luc, vii, 16. A la suite d’un éclatant miracle de résurrection, INotre-Seigneur est salué du nom de « grand prophète », c’est-à-dire de celui qui vient parler et agir au nom de Dieu. —

19.’PaëSi, rabbi, appellation tirée de l’hébreu rab, « grand, supérieur, » et qui signifie « mon grand, mon seigneur ». On appelait ainsi les docteurs de la Loi. Ce titre est donné plusieurs fois à Notre-Seigneur par ceux qui veulent le traiter respectueusement. Matth., xxvi, 25^ Marc, IX, 4, etc. — 20.’PaSëouvs, rabboni, même titre que le précédent, de rabbôn, « seigneur. » Marc, x, 51 ; Joa., xx, 16. — 21. Scûtqp, salvator, « sauveur. » C’est l’indication de la mission de Jésus-Christ. Luc, II, 11 ; Joa., IV, 42. — 22. ï"io’;, Filius, « Fils, » mot qui indique le rapport qui existe entre Jésus-Christ et son Père éternel, Tlbç ©eoû, Filius Dei, « Fils de Dieu. » Matth., xvi, 16 ; Joa., vi, 70 ; IX, 35, etc. Voir Fils de Dieu, t. ii, col. 2253. Le même mot sert aussi à marquer les rapports qui existent entre Jésus-Christ et l’humanité, à laquelle il appartient par son incarnation : Tîô ; àv6p<oitov, Filiui hominis, « Fils de l’homme, » Matth., x, 23, etc. ; voir Fils de l’homme, t. ii ; col. 2258 ;

— ses rapports avec sa Mère : Yibt Mapîaç, Filius Marias, « Fils de Marie, » Marc, VI, 3 ; — ses rapports avec son père adoptif : Yiôç’luxxrjf, Filius Joseph, « Fils de Joseph, » Luc, iii, 23 ; Joa., i, 45, etc. ; — enfin ses rapports avec ses ancêtres : l’îbs’A6paà|A, ulôç Aavi’5, Filius Abraham, Filius David, « Fils d’Abraham, » Matth., i, 1, « Fils de David, » Matth., i, 1, 20 ; ix, 27 ; Marc, x, 47 ; Luc, xviii, 38, etc.

II. La préparation a sa venue.

L’apparition du Fils de Dieu sur la terre ne s’est pas produite à l’improviste. C’est par Jésus-Christ seul que les hommes ont pu parvenir au salut, même avant sa venue. Il a donc été nécessaire que ceux qui l’ont précédé eussent de lui quelque idée. C’est pourquoi, dans l’Ancien Testament, le Père éternel a pris soin qu’il fût montré à l’avance, afin que les hommes pussent avoir la foi dans les mérites futurs de sa rédemption. Aussi est-il dit que les anciens justes « sont morts dans la foi, avant d’avoir vu s’accomplir les promesses, mais du moins les apercevant de loin et les saluant ». Heb., xi, 13. D’autre part, à raison des exigences de la rédemption, l’avènement du Fils de Dieu devait s’opérer dans l’infirmité de la chair et dans l’humilité d’une condition obscure. Comment reconnaîtrait-on le Dieu dépouillé de sa gloire ? Comment accepterait-on le scandale de ses abaissements, de ses souffrances et de sa mort ? Le Père y pourvut en traçant à l’avance, dans l’Ancien Testament, le portrait de celui qu’il devait envoyer. Ce portrait, dont les éléments s’ajoutaient progressivement les uns aux autres, comme pour tenir en haleine la foi et l’espérance de l’ancien monde, représentait un Messie à la fois Dieu et homme, puissant et glorieux par sa divinité, mais obscur, humilié et souffrant dans son humanité. Les détails sur sa vie au milieu des hommes étaient assez circonstanciés pour qu’aucun esprit attentif et de bonne foi ne pût se méprendre. Les traits qui se rapportaient aux abaissements étaient même gravés si profondément dans cette histoire anticipée, que, tout au moins en les retrouvant dans la réalité, on ne pût s’empêcher de reconnaître que ces abaissements étaient voulus. Pour tracer ce portrait, qui devait plus tard aider les hommes à reconnaître son Fils et leur Sauveur, Dieu se servit de deux moyens, les ligures et les prophéties.

i. les figures. — On désigne sous le nom de « figures » certains personnages ou certaines choses de l’Ancien Testament qui, par des traits plus ou moins nombreux, représentent à l’avance les personnages ou les choses du Nouveau. Cette ressemblance n’est pas fortuite et l’assimilation n’est pas arbitraire. Il y a là un dessein de Dieu sur lequel saint Paul revient plusieurs fois : « Toutes ces choses ont été faites pour nous figurer nous-mêmes. .. Toutes ces choses leur arrivaient en figure (t’jttij’.wî) ; elles ont été écrites pour notre avertissement. » I Cor., x, 6, 11. Les anciennes cérémonies « sont l’ombre des choses futures dont le Christ est le corps ». Col., ii, 17. « La Loi n’avait que l’ombre des biens futurs et non l’image même des choses. » Heb., x, l.aParmi ces figures, beaucoup se rapportent personnellement à Jésus-Christ. Il n’est guère de personnage important de l’histoire d’Israël, ni d’institution mosaïque qui ne fournisse quelque trait dont on pourrait tirer parti pour caractériser la personne ou la mission du Sauveur. Nous ne nous arrêterons qu’aux figures principales, à celles surtout qui sont signalées par Notre-Seigneur ou par les auteurs sacrés.

Personnages figuratifs.

1. Adam. Jésus-Christ

est pour l’humanité rachetée ce qu’Adam a été pour l’humanité déchue. Il a été le « second Adam », principe de vie comme le premier avait été principe de mort. I Cor., xv, 22, 45. Le premier Adam était la figure, tûiuoç, forma, de celui qui devait venir. JRom., v, 14. Voir Adam, t. i, col. 177. Cf. S. Irénée, Conl. Userez., iii, 22. 3, t. vii, col. 958.

2. Abel. Il figure Jésus-Christ, dont le sacrifice fut agréable à Dieu, et qui, lui aussi, mourut innocent, victime de la haine fraternelle. Le sang d’Abel est mentionné à propos du sang de Jésus-Christ. Heb., xii, 24. Voir Abel, t. i, col. 29.

3. Noé. Ce patriarche sauve l’humanité au moyen de l’arche, comme Jésus-Christ sauve le monde au moyen de son Église. Voir Arche de Noé, 1. 1, col. 926.

4. Abraham. Il eut la promesse de la bénédiction pour sa race et pour toutes les nations de la terre. Gen., xxii, 18. Cette bénédiction est apportée par Jésus-Christ, Gal., iii, 16-18, qui est le père de tous les chrétiens comme Abraham a été le père de tous les croyants. Voir Abraham, t. i, col. 81.

5. Melchisédech. Il représente Jésus-Christ par sa royauté et son sacerdoce, par son sacrifice composé de pain et de viii, par l’hommage que lui rend Abraham, etc. Heb., v, 6, 10 ; vi, 20 ; vii, 1-17. Voir Melchisédech.

6. Isaac. Comme lui, Jésus-Christ porte le bois de son sacrifice et est immolé par la volonté de son Père, ainsi qu’Isaac l’eût été sans l’intervention de l’ange. Jac, ii, 21. Voir Isaac, col. 935.

7. Joseph. Toute l’histoire de ce patriarche, chéri de son père, vendu par ses frères, emprisonné et méconnu, puis exalté et devenant le salut des siens et de tout un pajs, est une touchante figure de la vie de Jésus-Christ. Le nom égyptien que le pharaon donne à Joseph, Safnat pa’enêah, Gen., xli, 45, et qui signifie « abondance de la vie », ou « nourriture, sauveur de la vie », ou encore « fondateur de la vie », convient aussi excellemment à Jésus-Christ. Voir Joseph 1.

8. Moïse. Par son rôle de libérateur, de chef et de législateur des Hébreux, Moïse est la figure de Jésus-Christ. De plus, il annonce formellement la venue du grand prophète auquel il se compare lui-même. Deut., xviii, 15 ; Act., iii, 21 ; vii, 37. Enfin, le Christ souffrant est encore représenté par Moïse qui prend part volontairement aux épreuves de son peuple, appelées de ce nom caractéristique : 6ve181(7pt>{ toO XpioToû, improperium Christi, « l’outrage fait au Christ. » Heb., xi, 26.

9. Aarqn. Sa vocation, sa dignité, son sacerdoce, ses sacrifices sont la figure des prérogatives sacerdotales de Jésus-Christ, grand pontife de la Loi nouvelle. Heb., v, 4 ; cf. viii, 1-6 ; ix, 6-14.

10. Job. Il figure naturellement le Christ souffrant et abandonné des siens.

11. David. Il est le type du Messie par ses épreuves, sa royauté, ses victoires, ses cantiques et ses sentiments. Le Sauveur se laisse appeler « t fils de David », ce qui suppose certaines ressemblances entre lui et son ancêtre. Matth., ix, 27. Voir David, t. ii, col. 1323.

12. Jérémie. Par ses épreuves et par son amour pour son peuple, par ses prophéties et par son autorité personnelle, il est un tjpe du Messie. Aussi les Juifs se demandent-ils si Jésus-Christ ne serait pas Jérémie revenu au monde. Matth., xvi, 14.

13. Jonas. C’est Notre-Seigneur lui-même qui signale dans Jonas la figure de sa prédication, Matth., xii, 41, Luc, xi, 32, et de sa sépulture suivie de sa résurrection au bout de trois jours. Matth., xii, 39, 40 ; xvi, 4 ; Luc, xi, 29, 30.

L’honneur d’avoir été, par quelques traits, des types du Messie, pourrait encore être attribué à beaucoup d’autres personnages, Jacob, Josué, les Juges, Samuel, Salomon, Zorobabel, etc.

Choses figuratives.

1. Agneau pascal. Saint Paul

dit formellement : « Le Christ, notre pâque, a été immolé. » I Cor., v, 7. Notre-Seigneur, désigné par saint Jean-Baptiste comme l’Agneau de Dieu, Joa., i, 29, 36, s associe l’institution de la sainte Eucharistie au repas de la Pàque, afin d’indiquer qu’il veut être une nourriture pour l’homme comme l’agneau pascal. Matth., xxvi, 26. Saint Jean applique à Notre-Seigneur, mort sur la croix,

ce qui était prescrit pour l’agneau pascal, dont on ne devait pas briser les os. Joa., xix, 36 ; Exod., xii, 46.

2. Arche d’alliance. Symbole de la présence de Dieu au milieu de son peuple, elle figure Jésus-Christ, le « Dieu avec nous a. Voir Arche d’alliance, 1. 1, col. 923.

3. Bouc émissaire. Comme le bouc émissaire, Jésus-Christ a été chargé des péchés des hommes, Is., lui, 6, et il a été rejeté « hors de la porte », Heb., xiii, 12, pour souffrir ; mais c’est comme le second bouc, immolé par le grand-prêtre, qu’il a été mis à mort. Voir Bouc émissaire, t. i, col. 1873.

4. Buisson ardent. Tout en symbolisant le peuple hébreu que ne consume pas le feu de la persécution en Egypte, voir Buisson ardent, t. i, col. 1970, le buisson ardent est encore considéré par l’Église comme la figure du Verbe s’incarnant dans le sein de Marie, sans entamer sa virginité. Cf. Ant. 3 ad Laudes in Circumcis. Dom.

5. Colonne de nuée. Cette nuée avait pour fonction de conduire Israël à travers le désert et de l’abriter contre le soleil. Elle était aussi comme le trône de Dieu au milieu de son peuple. Voir Colonne de nuée, t. ii, col. 851. Saint Paul voit dans cette colonne, qui dirige les Hébreux à travers la mer Rouge, une figure du Christ, qui fait passer les chrétiens par les eaux du baptême. ICor., x, 1, 2.

6. Échelle de Jacob. Le saint patriarche voit dans un songe une échelle qui atteint le ciel et sur laquelle montent et descendent les anges, messagers de la Providence divine auprès des hommes. Gen., xxviii, 12. Notre-Seigneur s’applique à lui-même cette figure : « Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le Fils de l’homme. » Joa., i, 51. Lui-même devient, par son incarnation, l’intermédiaire nécessaire entre Dieu et les hommes.

7. Manne. Notre-Seigneur la mentionne comme le type de son Eucharistie, et c’est par comparaison avec la manne qu’il explique aux Juifs les qualités de la nourriture qu’il leur destine. Joa., VI, 31-52.

8. Rocher du désert. Pour désaltérer les Hébreux dans le désert, Moise frappa le rocher et l’eau jaillit. Exod., xvii, 6. Or, dit saint Paul, « le rocher, c’était le Christ, » I Cor., x, 4, qui désaltère les âmes par sa doctrine, sa grâce et son Eucharistie.

9. Sacrifices. Toutes les immolations liturgiques de l’ancienne Loi, que leur but ait été latreutique, propitiatoire, impétratoire ou eucharistique, ont été des types variés de l’unique oblation de Jésus-Christ. Heb., x, 1-14. Voir Sacrifices.

10. Serpent d’airain. « De même que Moise a élevé le serpent dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle. » Joa., iii, 14, 15 ; Num., xxi, 9. Voir Serpent d’airain.

11. Tabernacle. On offrait autrefois des victimes dans le Tabernacle pour l’expiation des péchés. Jésus-Christ est lui-même un tabernacle plus parfait, qui n’est pas construit de main d’homme et dans lequel il obtient par son sang la rédemption définitive. Heb., IX, 11, 12. Sa chair est elle-même comparée au voile du sanctuaire. Heb., x, 20. Voir Tabernacle.

12. Toison de Gédéon. C’est encore l’Église qui signale dans le miracle de la toison de Gédéon une figure de l’incarnation. Ant. 2 ad Laudes in Circumcis. Dom. Cf. S. Justin, Dialog. cum Tryphon., 40-43, t. VI, col. 562-570 ; Huet, Dénionst. évang., dans les Démonst. évang. de Migne, 1834, t. v, col. 909-924 ; Curci, Lezioni sopra i quatlro Evangeli, Florence, 1874, t. i, p. 81-84.

il. les prophéties. — Notre-Seigneur indique lui-même aux Juifs le témoignage formel que lui rendent les Écritures, c’est-à-dire l’Ancien Testament parlant de lui prophétiquement, et il met ce témoignage en parallèle avec ceux que lui rendent saint Jean-Baptiste et son

Père, dont il fait les œuvres. « Vous scrutez (Ipsuvàte) les Écritures, en vous imaginant qu’en elles vous avez la vie éternelle ; or ce sont elles qui rendent témoignage de moi… Celui qui vous accuse, c’est Moise lui-même, en qui vous espérez. Car si vous aviez foi en Moïse, vous auriez sans doute également foi en moi ; c’est de moi en effet qu’il a écrit. Mais si vous ne croj ez pas à ses écrits, comment croirez-vous à mes paroles ? » Joa., v, 39-47. La conclusion évidente qui ressort de ce passage, c’est qu’il y a dans les écrits de l’Ancien Testament des traits qui se rapportent directement à Notre-Seigneur, qui doivent servir à le faire reconnaître comme Messie et même préparer les Juifs à croire en ses paroles. Ces traits sont d’ailleurs assez saillants pour que le Sauveur puisse reprocher à des docteurs, qui scrutent les Écritures, de ne les avoir pas aperçus. On doit conclure de même de cette autre parole du Sauveur aux mêmes interlocuteurs : « Abraham, votre père, a tressailli de joie pour voir mon jour. » Joa., viii, 56. D’où est venu à Abraham ce désir qui l’a rempli de joie et qui le faisait aspirer à la venue du Rédempteur, sinon de la promesse qui lui a été faite et qui, conséquemment, visait directement le Messie ? Gen., xii, 3. Cf. S. Irénée, Conl. hæres., iv, 5, 5, t. vii, col. 986. Notre-Seigneur daigna lui-même expliquer les prophéties messianiques aux deux disciples d’Emmaus : « Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliquait, dans toutes les Écritures, ce qui le concernait. » Luc, xxiv, 27. Enfin, il fit la même leçon aux Apôtres réunis et « leur ouvrit le sens afin qu’ils comprissent les Écritures ». Luc, xxiv, 44-47. Il y a donc incontestablement dans les écrits mosaïques et dans ceux des prophètes des passages qui se rapportent personnellement à Jésus-Christ. Pour le nier, il faudrait prendre les paroles de Notre-Seigneur dans un sens tout opposé au sens très clair qu’elles présentent naturellement. Cf. Encyclique Providentissimus, t. i, p. x.

Prophéties selon l’ordre des temps.

Les prophéties

messianiques peuvent être recueillies d’après l’ordre dans lequel elles ont été inspirées. Cet ordre a l’avantage de faire ressortir le développement progressif des révélations divines, depuis les promesses générales faites au premier homme et aux patriarches, jusqu’aux descriptions circonstanciées de David et d’Isaie. Voici, dans cet ordre, autant du moins qu’on peut l’établir, la série des prophéties concernant le Sauveur :

1. Période patriarcale.

1° En même temps que le châtiment du premier péché, Dieu annonce le Sauveur futur, qui sera de la race de la femme et par qui cette race écrasera la tête du serpent. Gen., iii, 15. — 2° La consolation future passera par Noé, Gen., v, 29, et ce sont ensuite les tentes de Sem que Dieu choisira pour y habiter. Gen., ix, 27. — 3° La bénédiction de toutes les nations viendra par Abraham, Gen., xii, l-7 ; xiii, 14-17 ; xvii, 1-9 ; xviii, 17-19 ; xxii, 16-18 ; par Isaac, Gen., xxvi, 1-5, et par Jacob, substitué intentionnellement à son aîné Ésaû. Gen., xxviii, 10-15. — 4° Jacob a douze fils ; c’est le quatrième, Juda, qui est marqué comme devant être le dépositaire de l’autorité jusqu’à ce que vienne le Rédempteur et « celui à qui les peuples doivent obéir ». Gen., xlix, 8-12. — 5° Balaam voit de loin l’étoile qui sortira de Jacob et le sceptre qui se lèvera d’Israël pour soumettretoutes les nations étrangères. Num., xxiv, 17. — 6° Moïse ^annonce la venue du prophète, semblable à lui, qu’il faudra écouter. Deut., xviii, 15-19. — Il résulte de ces premières révélations qu’un descendant de Juda viendra un jour pour être le Sauveur du monde et le dominateur des peuples.

2. Période royale.

1° Anne, mère de Samuel, salue de loin le roi et le Christ que Dieu enverra. I Reg., ii, 10. — 2° La maison de David sera pour toujours affermie sur le trône par le Messie futur qui sera son descendant. II Reg., vii, 16 ; III Reg., xi, JJ6. — 3° David and431

JÉSUS-CHRIST

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nonce avec détail les gloires du Messie et anssi ses souffrances. Ce Messie sera Fils de Dieu, Ps. ii, 7 ; le roi puissant, redoutable aux méchants, doux aux humbles, Ps. lxxii (lxxi) ; le prêtre et le dominateur des peuples, Ps. cix (ex) ; mais en même temps il sera la victime volontaire pour le péché, Ps. xl (xxxix), 7-9 ; il sera accablé de tourments et souffrira une mort affreuse, Ps. xxii (xxi), lxix (lxvih), mais sortira glorieux du tombeau. Ps. xvi (xv), 10. — 4° Salomon célèbre la Sagesse éternelle et personnelle qui doit se manifester au monde. Prov., viii, 22-ix, 6. Le Cantique des cantiques chante l’union du Christ avec son Église. Voir Cantique des cantiques, t. ii, col. 196. — 5° Un Psalmiste de la même époque parle aussi de cette union mystique et salue le Christ du nom de Dieu. Ps. xlv (xliv), 7. Avec ces prophéties, « l’idée du Messie purement humain fait place à celle d’un Messie-Dieu. L’homme s'était trouvé trop imparfait pour réaliser l’idéal promis. C’est Jéhovah lui-même qui revêt la forme du Messie… Il s’agit toujours d’un roi d’Israël, d’un descendant de David ; mais, en même temps, d’un seigneur élevé au-dessus des chérubins et recevant l’hommage de l’univers entier. » Meignan, David, Paris, 1889, p. 207.

3. Période prophétique.

1° Abdias, 21, annonce, en général, que « des sauveurs viendront sur le mont Sion. » — 2° Joël, ii, 28-32, prédit l’effusion de l’Esprit de Dieu sur toute chair. — 3° Amos, ix, 11, prophétise le relèvement de la tente de David. — 4° Osée parle avec détail de la conversion d’Israël, iii, 5, et de la royauté du Messie futur, xi, 1. — 5° Michée montre les peuples accourant à Jérusalem, la ville du salut, Iv, et le Messie naissant à Bethléhem, v, 2. — 6° La prophétie messianique d’Isaie est très étendue. Elle porte sur la naissance du Messie et sur son nom, vii, 14 ; sur ses attributs divins, ix, 6 ; sur sa descendance de David, XI, 1 ; sur son empire universel, xvi, 5 ; xviii, 7 ; xxivxxvii ; sur son caractère de pierre angulaire, xxviii, 16 ; sur l'âge d’or qu’il ramènera sur la terre, xxxv ; sur son précurseur, xl, 1-11 ; sur sa qualité de serviteur de Jéhovah, xlii, 1-9, de lumière des nations et de salut d’Israël, xlix. Elle insiste sur le sacrifice rédempteur, L, 5, S, sur les tourments et la mort volontaire du Messie. lui. À ce prix seront assurées la fondation de l'Église, la conversion des peuples et la victoire définitive du Christ, liv, lv, lx, lxi, lxiii, lxv, lxvi. — 7° Nahum, i, 15, annonce la prédication évangélique. — 8° Jérémie prédit l’infidélité d’Israël, ii, 13-28 ; le sacrifice du Messie, ii, 19, le « germe » et le vrai pasteur que Dieu doit susciter, xxiii, 4-8 ; xxxiii, 14, 15 ; il fait allusion à la douleur de Rachel, près de Rama, xxxi, 15, et à l’incarnation, xxxi, 22. — 9° Baruch, iii, 24-38, chante la venue du Messie au milieu des hommes. —10° Ézéchiel prophétise la conversion des Juifs, xi, 14-21 ; xxxvi, 16-32, et l’avènement du vrai pasteur, xxxiv, 23-31, qui doit régir Israël, xxxvii. — 11° Daniel voit la petite pierre qui doit renverser le colosse de l’idolâtrie, ii, et le Fils de l’homme devenant maître des empires, vii, 13, 14. Il annonce l'époque de sa venue et le châtiment d’Israël infidèle, IX.

— 12° Aggée, ii, 1-10, promet à ses contemporains que le Messie entrera dans le nouveau temple qu’ils bâtissent.

— 13° Zacharie salue le Messie à Sion, ii, 8-13, le « germe », iii, 8, qui doit élever le vrai temple du Seigneur, vi, 9-15, le roi sur sa pauvre monture, ix, 9, source de grâce à Jérusalem, xiii, 1 ; xiv. — 14° Le dernier prophète, Malachie, annonce le précurseur qui doit ie suivre à plus de quatre siècles de distance, iii, 1 ; il parle du sacrifice qui remplacera tous les autres, i, 10, 11, et de la conversion finale des Juifs, iv, 5, 6.

Prophéties selon l’ordre de leur accomplissement.

Les prophéties messianiques peuvent aussi être

présentées dans l’ordre même de leur accomplissement au cours de la vie du Sauveur. On voit alors avec quelle exactitude les traits du modèle décrit à l’avance corresI

pondent à ceux de la réalité, quoique, parmi ces prophéties, les unes aient été écrites dans le sens littéral, et les autres dans le sens spirituel.

1. Patrie du Sauveur. « Et toi, Bethléhem Éphrala, petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer sur Israël, et dont l’origine remonte aux temps anciens, aux jours de l'éternité. » Mich., v, 2 ; Matth., ii, 6 ; Joa., vii, 42. Voir Bethléhem, 1. 1, col. 1691.

2. Ancêtres du Messie. Abraham, Isaac, Jacob, Juda, David ont été désignés comme ancêtres du Messie. Gen., xii, 3 ; xxii, 18 ; xxvi, 4 ; xxviii, 14 ; xlix, 8-12 ; I Par., xvii, 11. Jésus-Christ est né de leur race. Matth., i, 2-6 ; Luc, iii, 31-34.

3. La Vierge, mère du Messie. « Une vierge concevra et enfantera un fils, et elle l’appellera Emmanuel. » Is., vu, 14 ; Matth., i, 18-25 ; Luc, i, 27-34. Voir Emmanuel, t. ii, col. 1732.

4. La présence du Messie dans le temple de Zorobabel. « La gloire de cette dernière maison sera plus grande que celle de la première, et c’est dans ce lieu que je donnerai la paix. » Agg., Il, 9 ; Luc, ii, 22.

5. L’adoration des mages. « Les rois de Tharsis et des îles paieront les tributs, les rois d’Arabie et de Saba offriront des présents ; tous les rois se prosterneront devant lui. » Ps. lxxii (lxxi), 10-15 ; Is., lx, 3-6 ; Matth., n, 1-11.

6. Le massacre des Innocents. « On entend des cris à Rama, des lamentations et d’amers gémissements ; Rachel pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus. » Jer., xxxi, 15 ; Matth., Il, 18.

7. Le précurseur. « Voici que j’enverrai mon messager, qui préparera le chemin devant moi. Aussitôt entrera dans son temple le Seigneur que vous cherchez et l’ange de l’alliance que vous désirez. Voici qu’il vient. » Mal., iii, 1 ; iv, 5 ; Luc, i, 5-25, 57-80.

8. Prédication de Jean-Baptiste. « Une voix crie : Préparez dans le désert le chemin de Jéhovah, aplanissez pour notre Dieu une route dans les lieux arides, etc. » Is., xl, 3-5 ; Matth., iii, 1 ; xiv, 1-10 ; Marc, i, 2-4 ; Luc, iii, 3.

9. Débuts de la prédication évangélique. « Les temps à venir couvriront de gloire la terre voisine de la mer (de Galilée), au delà du Jourdain, le territoire des nations. Le peuple qui marchait dans les ténèbres voit

'une grande lumière, etc. » Is., ix, 1 ; Matth., iv, 13-15.

10. Guérisons miraculeuses. « Alors les yeux des aveugles s’ouvriront, les oreilles des sourds entendront ; le boiteux sautera comme un cerf et la langue du muet s’agitera joyeuse. » Is., xxxv, 5, 6 ; Matth., xi, 5.

11. Prédication de l'Évangile. « L’esprit de Jéhovah est sur moi ; car Jéhovah m’a oint pour porter la bonne nouvelle aux malheureux ; il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs la liberté, aux prisonniers la délivrance, et publier l’année de grâce de Jéhovah. » Is., lxi, 1 ; Luc, iv, 18.

12. Douceur et humilité du Sauveur. « Voici mon serviteur que je soutiendrai, mon élu en qui je mets ma complaisance. J’ai placé mon esprit sur lui : il annoncera la justice aux nations ; il ne criera point, il n'élèvera pas la voix et ne la fera pas entendre dans les rues. Il ne brisera pas le roseau cassé et n'éteindra pas la mèche qui fume encore. » Is., xlii, 1-3 ; Matth., iii, 17 ; xii, 18 ; xvii 5 ; Marc, i, 11 ; Luc, iii, 22 ; Matth., xi, 29 ; Joa., viii, 11.

13. Entrée triomphale à Jérusalem. « Sois transportée d’allégresse, fille de Sion ! Éclate en cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi, juste et victorieux, humble et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. » Zach., ix, 9 ; Matth., xxi, 4, 5.

14. L’Eucharistie. « Les malheureux mangeront et se rassasieront… Tous les puissants de la terre mangeront et eux aussi se prosterneront. » Ps. xxii (xxi), 27, 30. « Tu es prêtre pour toujours, selon l’ordre de Melchisédech. » Ps. ex (cix), 4. « En tous lieux est offert à mon nom l’encens et une hostie pure. » Mal., i, 11 ; Matth., ixvi, 26-29 ; Marc.xrv, 22-25 ; Luc, xxii, 15-20.

15. Agonie du Sauveur. « Mon cœur tremble en moi, et les terreurs de la mort m’assiègent ; la crainte et l’épouvante m’assaillent et le tremblement se saisit de moi. » Ps. lv (liv), 5, 6 ; Matth., xxvi, 3646 ; Marc, xiv, 32-42 ; Luc, xxii, 39-46.

16. La trahison de Judas. « Celui-là même avec qui j’étais en paix, qui avait ma confiance et qui mangeait mon pain, lève le talon contre moi. » Ps. xli (xl), 10. « Ils pesèrent pour mon salaire trente sicles d’argent. Jéhovah me dit : Jette-le au potier, ce prix magnifique auquel ils m’ont estimé. » Zach., xr, 12, 13 ; Matth., xxvi, 47-50 ; xxvii, 3-10 ; Marc, X£V, 43-45 ; Luc, xxii, 47, 48 ; Joa., xviii, 2-6.

17. Condamnation du Sauveur. « Pourquoi les nations s’agitentelles, … pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils. .. contre Jéhovah et contre son Christ ? » Ps. ii, 2. « De faux témoins se lèvent : ils m’interrogent sur ce que j’ignore et me rendent le mal pour le bien. » Ps. xiiv (xxxiv), 11-12 ; Matth., xxvi, 57-€6 ; Marc, xiv, 53-64 ; Joa., xviii, 19-24.

18. Les outrages et les supplices de la passion. « J’ai livré mon dos à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas détourné mon visage des opprobres et des crachats. » Is., l, 6 ; Matth., xxvi, 67-68 ; Marc, xiv, 65 ; Luc, xxii, 63-€5.

Ils mettent du fiel dans ma nourriture et, pour étan

rie, à la brebis qui se tait devant ceux qui la tondent ; il n’a point ouvert la bouche. Il a été enlevé par l’angoisse et le châtiment, et, parmi ceux de sa génération, qui a cru qu’il était retranché de la terre des vivants et frappé pour les péchés do son peuple ?… Il a plu à Jéhovah de le briser par la souffrance. Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, il verra une postérité. .. Il partagera le butin avec les puissants, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort, qu’il a été mis au nombre des malfaiteurs, qu’il a porté les péchés de beaucoup d’hommes et a intercédé pour les coupables. »

— Les prophéties concernant la passion du Messie sont les plus remarquables par leur nombre et par la précision de leurs détails, afin que le mystère de la croix, qui devait être un scandale pour les Juifs, I Cor., i, 23, ne pût cependant être méconnu. Au début de sa Passion, le Sauveur fait comprendre à saint Pierre que c’est le moment où doivent s’accomplir les Écritures qui annoncent ses souffrances. Matth., xxvi, 54. Cf. Joa., xix, 28.

19. La résurrection. « Vous ne laisserez pas mon âme dans le Se’ol et vous ne permettrez pas que celui qui vous aime voie la corruption ; vous m’indiquerez le sentier de la vie. » Ps. xv, 10, 11 ; Matth., xxviii, 59 ; Marc, xvi, 9-11 ; Joa., xx, 11-18.

20. La rémission des péchés. « En ces jours-là, une source sera ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour le péché et pour l’impureté. » Zach., xiii, 1 ; Matth., ix, 2, etc.

21. L’ascension. « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds. »

cher ma soif, ils m’abreuvent de vinaigre. » Ps. lxix j Ps. ex (cix), 1 ; Marc, xvi, 19.

(lxvih), 22 ; Matth., xxvii, 48 ; Marc, xv, 36 ; Joa., xix, 29. Il y a surtout deux prophéties capitales sur la passion du Sauveur. L’une est contenue dans le Psaume xxii (xxi), dont Notre-Seigneur daigna proférer le premier verset sur la croix et dont il indique ainsi l’importance messianique. En voici les principaux traits :

Tous ceux qui me voient se moquent de moi,

Ils ont la raillerie sur les lèvres et branlent la tête :

c II s’est conûé en Jéhovah, qu’il le sauve !

Qu’il le délivre s’il l’aime ! »…

Ne t’éloigne pas de moi, car l’angoisse est proche,

Et personne n’est là pour me secourir.

De nombreux taureaux m’environnent…

Ils ouvrent contre moi leur gueule

Comme un lion rugissant et dévorant.

Je suis comme l’eau qui s’écoule,

Et tous mes os sont disjoints…

Voici que des chiens m’assaillent,

Une troupe de brigands m’assiègent,

Ils percent mes mains et mes pieds,

Je pourrais eompter tous mes os ;

Et eux me regardent et me considèrent,

Ils partagent entre eux mes vêtements

Et tirent ma tunique au sort.

Matth., xxvii, 35-44 ; Marc, xv, 24-32 ; Luc, xxiii, 3343 ; Joa., xix, 18-24. L’autre prophétie se lit au chapitre lui d’Isaie ; elle porte surtout sur l’attitude du Messie pendant sa passion et sur les effets de sa mort : « Il n’avait ni beauté ni éclat pour charmer nos regards, et son aspect n’était pas fait pour nous plaire. Méprisé et rebuté des hommes, homme de douleur et habitué à la souffrance, pareil à quelqu’un dont on détourne la vue, nous l’avons dédaigné, sans faire cas de lui. Cependant, il a porté nos souffrances et il s’est chargé de nos douleurs. Nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu et humilié ; mais il était blessé pour nos péchés, brisé à cause de nos iniquités. Le châtiment qui nous assure la paix est tombé sur lui, et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun s’égarait dans une voie particulière ; Jéhovah l’a frappé pour notre iniquité à tous. Il a élé maltraité et opprimé et il n’a pas ouvert la bouche, semblable à l’agneau qu’on mené à la bouche 22. La descente du Saint-Esprit. « Je répandrai mon esprit sur toute chair ; vos fils et vos filles, prophétiseront. .. Même sur les serviteurs et les servantes, en ces jours-là, je répandrai mon esprit. » Joël., Il, 28, 29 ; Act., ii, 2-18.

23. Conversion des gentils. « Lève-toi (Jérusalem), sois éclairée, car ta lumière arrive et la gloire de Jéhovah se montre sur toi. Vois, les ténèbres couvrent la terre et l’obscurité les peuples ; mais sur toi Jéhovah se lève, sur toi sa gloire apparaît : les nations marchent à ta lumière et les rois à l’éclat de tes rayons. Jette les yeux tout autour et regarde : tous s’assemblent et viennent vers toi. » Is., lx, 1-4 ; Act., xi, 18.

Force des prophéties.

1. Telles sont les principales

prophéties concernant Jésus-Christ. Elles tirent leur force de leur clarté, de la variété de leurs auteurs et de la manière dont elles s’adaptent au personnage qui en est l’objet. « Quand un seul homme aurait fait un livre des prédictions de Jésus-Christ, pour le temps et pour la manière, et que Jésus-Christ serait venu conformément à ces prophéties, ce serait une force infinie. Mais il y a bien plus ici. C’est une suite d’hommes, … qui, constamment et sans variation, viennent, l’un en suite de l’autre, prédire ce même avènement. » Pascal, Pensées, II, vi, 13, édit. Guthlin, Paris, 1896, p. 177. Et, cette variété de peintres ne nuit en rien à l’unité du tableau. « Dans cette multitude de peintres, se servant de pinceaux différents, chacun d’eux contemple le même personnage ; mais aucun d’eux ne voit sa physionomie totale. Ils annoncent tous le même événement ; mais nul ne l’annonce tout entier. Ils se lèvent à leur heure ; ils donnent un trait, un coup de pinceau ; puis ils disparaissent sans se douter de ce qu’est ce trait, ce coup de pinceau dans l’ensemble… Et cependant, de ces touches multiples, de ces coups de pinceau si divers, jetés sur la toile, de siècle en siècle, naît une peinture d’une unité si profonde, qu’on sent bien qu’il y a une main unique sous toutes ces mains, un regard souverain qui voit le tout et qui, seul, a le secret de cette peinture anticipée et lumineuse du Christ qui va venir. » Bougaud, Le christianisme et les temps présents, Paris, 1878, t. iii, p. 516. Cf. S. Irénée, Cont. hxres.,

iv, 33, 10, t. vii, col. 1079. — 2. Parmi ces textes messianiques, la plupart sont pris dans le sens littéral, c’est-à-dire qu’ils ne se rapportent à aucun autre personnage que le Messie futur. D’autres textes sont pris dans le sens spirituel, se rapportant à un premier objet, puis, dans un sens supérieur et figuratif, au Messie. C’est ainsi que le texte : « Vous ne briserez aucun de ses os, » Exod., xii, 46 ; Num., ix, 12, est entendu de Jésus-Christ par saint Jean, six, 36. Les paroles : « Je serai pour lui un père et il sera pour moi un fils, » II Reg., vii, 14, dites à propos de Saloinon, sont ensuite appliquées au Fils de Dieu. Heb., i, 5. David célèbre l’ascension de l’arche sur le mont Sion : « Tu montes en haut, traînant les captifs à ta suite, tu reçois les présents des hommes, même des rebelles, » Ps. lxviii (lxvii), 19, et saint Paul applique directement ces paroles à l’ascension du Sauveur. Eph., iv, 8, etc. Enfin il arrive quelquefois que les écrivains du Nouveau Testament allèguent comme textes prophétiques des passages qui ont littéralement un autre sens dans l’Ancien Testament. La parole d’Osée, xi, 1 : « J’appelai mon fils hors de l’Egypte, » dont saint Matthieu, ii, 15, signale l’accomplissement au retour de l’enfant Jésus, après son exil, est une prophétie dans le sens spirituel ; elle a trait originairement à la sortie d’Egypte des Hébreux. Le même Ëvangéliste, parlant du séjour de Notre-Seigneur à Nazareth, dit que c’est pour l’accomplissement de ce qui a été écrit par les prophètes : « Il sera appelé nazaréen. » Matth., ii, 23. Or aucun prophète ne fait mention du séjour du Messie à Nazareth. Mais Isaie, xi, l, appelle le Messie nêsér, <s. rejeton, » et d’autres, puisque samtMatthieu vise plusieurs prophètes, lui donnent le nom équivalent de sémah, « germe. » Jer., xxiii, 5 ; Zach., iii, 8 (Vulgate : Oriens). Ce nom suffit à l'écrivain sacré pour justifier son allusion. On trouverait un autre exemple d’accommodation encore beaucoup plus saillant en comparant Deut., xxx, 11-14, avec la citation que saint Paul en fait et l’argument qu’il en tire. Rom., x, 4-9. Dans les textes de cette dernière espèce, il nous serait difficile de reconnaître à première vue des prophéties messianiques. Si les Apôtres leur ont attribué cette valeur et s’ils ont raisonné en conséquence, c’est que ce genre d’interprétation avait des bases réelles et qu’en tous cas il était accepté comme parfaitement démonstratif par leurs contemporains. Or, l’un des buts principaux des écrivains sacrés du Nouveau Testament était de faire accepter Jésus-Christ comme le Messie, en montrant en lui la réalité de ce qu’avaient annoncé les prophètes. Il leur était donc loisible de se servir, dans certains cas, des rapprochements qu’autorisait sans difficulté l’exégèse de leur temps. Pour nous, qui avons tant d’autres arguments à notre disposition, nous pouvons nous en tenir aux prophéties messianiques dont le sens littéral est démontrable ou dont le sens spirituel est suffisamment autorisé, et négliger celles qu’acceptait au temps des Apôtres une exégèse moins rigoureuse que la nôtre. — 3. À prendre les prophéties messianiques dans leur sens obvie et naturel, on est logiquement obligé de reconnaître qu’elles ont en vue un homme et non une collectivité quelconque. Quand, par exemple, Jérémie, xxxru, 16-18, écrit : « David ne manquera jamais d’un successeur assis sur le trône de la maison d’Israël ; les prêtres et les lévites ne manqueront jamais devant moi de successeurs, pour offrir les holocaustes, brûler l’encens avec les offrandes et faire les sacrifices quotidiens, «  les Juifs étaient exposés, en s’en tenant au sens littéral, à compter sur une dynastie perpétuelle qui assurerait leur prospérité et sur un sacerdoce lévitique non moins durable. Mais, près de deux siècles avant Jérémie, Isaïe avait formellement présenté cette descendance royale de David, destinée à régner à jamais, sous les traits d’un enfant nouveau-né, qui était en même temps

I le Dieu fort, l’Emmanuel, en un mot le Messie homme et Dieu. Is., vii, 14 ; ix, 6 ; xi, 1 ; xvi, 5, etc. — Le Messie est encore annoncé par les prophètes comme « serviteur de Jéhovah ». Ce serviteur apparaît comme prophète, prédicateur de la vérité, en butte à la souffrance et victime de la mort pour les péchés de son peuple, sans qu’il soit rattaché à la descendance de David, ni investi de la royauté. Mais ce serviteur ne peut être collectivement ni le peuple d’Israël, ni même l'élite de ce peuple. Isaïe, xlix, 6, distingue très nettement le serviteur d’avec le peuple : « C’est peu que tu sois mon serviteur pour restaurer les tribus de Jacob et convertir les restes d’Israël : je t'établis pour être la lumière des nations. » D’ailleurs, on convient généralement que le chapitre Lin du même prophète décrit des souffrances individuelles et nullement celles d’une collectivité. Il faudrait en dire tout autant du psaume xxi. Ce qui prouve encore ce vrai sens des prophéties messianiques, c’est qu’elles trouvent dans la vie de Jésus-Christ une explication et une réalisation pleinement satisfaisantes, tandis qu’entendues d’un peuple ou d’une collectivité quelconque, elles cadrent mal avec l’hisloire et ne s’expliquent qu'à condition d'être dénaturées. — 4. Quelque opinion qu’on puisse adopter sur la date où ont été formulées les prophéties messianiques, on est forcé d’admettre qu’elles sont toutes antérieures d’au moins quatre cents ans à Jésus-Christ. Là est leur valeur probante. Peu importe, d’ailleurs, qu’elles aient été plus ou moins bien comprises par leurs auteurs, qu’elles aient été entendues par les Juifs dans un sens ou dans l’autre. Les prophéties ne s’expliquent clairement, pour l’ordinaire, qu'à la lumière des événements. Jésus-Christ est venu, il a vécu et il est mort comme l’avaient dit les prophètes, et, du même coup, sa vie a expliqué les prophéties et les prophéties ont prouvé son caractère messianique. — Sur les prophéties messianiques, voir S. Justin, Dialog. cum Tryphon., 5X1-55, 66, 108, t. vi col. 586 ; cf. Freppel, S. Justin, Paris, 1869, p. 387-390 ; S. Augustin, De av. Dei, xviii, 28-35, t. xli, col. 584-596 ; Huet, Démonst. evang., dans les Démonst. évang. de Migne, t. v, col. 487-934 ; Stanhope, Défense de la religion chrétienne, ibid., 1843, t. vi, col. 530-542 ; Hooke, De vera religione, dans le Cursus theol. de Migne, 1853, t. iii, col. 66-149 ; Meignan, Les prophéties messianiques, Paris, 1858 ; Les deux premiers livres des Rots, Paris, 1878 ; David, Paris, 1889 ; Les prophètes d’Israël, Paris, 1892 ; Reinke, Die messianischen Weissagungen bei den Propheten, Giessen, 1859 ; Tholuck, Die Prophelen und ihre Weissagungen, Gotha, 1860 ; Morisot, Le Christ avant Bethléem, Paris, 1870 ; Castelli, Il Messia secundo gli Ebrei, Florence, 1874 ; Bougaud, Le christianisme et les temps présents, Paris, 1878, t. iii, p. 518-558 ; Trochon, Introduction générale aux prophètes, Paris, 1883, p. lixcxiv ; Schelling, Vaticinia messiana in modum chrestomathix hebraicw, , Ljon, 1883-1884 ; De Bolle, Christologia Antiqui Testamenti, Evere, 1884 ; Frz. Dehtzsch, Messianische Weissagungen in geschichtlichen Folge, Leipzig, 1890 ; De Broghe, Questions bibliques, Paris, 1897, p. 321-380.

m. l’attente du messie par les juifs. — 1° Époque de la venue du Messie. — Deux prophéties permettaient aux Juifs de savoir à peu près exactement l'époque à laquelle paraîtrait le Messie. —1. La première était celle de Jacob annonçant que « le sceptre ne sortirait pas de Juda ni le bâton de commandement d’entre ses pieds » jusqu'à ce que vienne celui qu’on attendait. Gen., XLIX, 10. Cette prophétie semblait très claire en elle-même ; mais l’histoire montre que son accomplissement souffrit des intermittences. Tout d’abord, le sceptre n’est mis aux mains de Juda qu'à l’avènement de David. Ce roi et son fils Salomon commandent seuls à toute la nation. Leurs successeurs ne régnent que sur deux tribus. La captivité vient interrompre ce règne. Zorobabel, qui

préside au retour des exilés, est le petit-fils ou le petit-neveu du roi de Juda, Jéchonias, I Par., iii, 19 ; Matth., i, 12 ; il est réellement le chef de la nation, quoiqu’il ne soit qu’un simple gouverneur de province sous l’autorité du roi de Perse. Néhémie, qui vient ensuite, appartient vraisemblablement à la tribu de Juda, mais n’exerce qu’un pouvoir subordonné. Près de trois siècles plus tard, les Machabees régnent plus réellement pendant environ l’espace d’un siècle, mais ils sont de la tribu de Lévi. Enfin, en l’an 40, un étranger iduméen, Hérode, reçoit du sénat romain le titre de roi de Judée. Peu de temps après, le peuple juif achève de perdre son indépendance et cesse pour toujours de former un corps de nation. C’est à ce moment-là même que Jésus-Christ, fils de David, de la tribu de Juda, prend spirituellement, et pour toute la suite des siècles, le sceptre de son ancêtre. Les Juifs, avec les fausses idées qu’ils se faisaient d’un Messie conquérant, n’avaient pas compris la prophétie de Jacob dans son sens véritable. Ils n’en attendaient pas moins le Messie vers l’époque où il est venu en effet. — 2. La prophétie de Daniel, ix, 20-27, avait beaucoup plus de précision. Avant l’événement, il est vrai, elle pouvait prêter à quelque hésitation, mais cette hésitation se limitait à un champ très restreint. Si l’année exacte de l’apparition du Messie ne pouvait être déterminée, l’époque générale pouvait l’être avec certitude, à sept ou huit années près. Voir Daniel, t. ii, col. 1277-1282, et Revue biblique, 1892, p. 65-79 ; 1893, p. 439-440.

Les derniers livres inspirés.

Sans rien ajouter

d’essentiel aux anciennes révélations des prophètes, ces livres s’y référaient cependant et entretenaient ainsi la foi au Messie attendu. L’auteur de l’Ecclésiastique ne parle pas expressément de celui que l’on espère ; mais il est facile de reconnaître l’expression de l’attente générale dans les paroles de sa prière : « Renouvelez les prodiges, reproduisez les merveilles… Brisez la tête des chefs ennemis qui disent : Il n’y en a pas d’autre que nous ! Rassemblez toutes les tribus de Jacob… Remplissez Sion de vos oracles ineffables et votre peuple de votre gloire. Rendez témoignage à ceux qui sont vos créatures depuis le commencement et réveillez les prédictions publiées en votre nom ! » Eccli., xxxvi, 6-17. Il y a là un appel à l’intervention de Dieu de qui Israël attend la délivrance, comme l’ont promis les anciens prophètes. — Dans le livre de la Sagesse, la notion de la Sagesse personnelle s’inspire de la définition des Proverbes, vin, 22, et fait déjà pressentir le Logos de saint Jean. Sap., vii, 24-29. Mais surtout l’auteur sacré trace, des persécutions et de la mort du Juste, un tableau presque évangélique, qui montre le dessein de la Providence de ne pas laisser perdre de vue l’idée d’un Messie souffrant : « Que notre force soit la loi de la justice : ce qui est faible ne semble bon à rien. Traquons donc le juste, puisqu’il nous est inutile, qu’il est opposé à notre manière d’agir, nous reproche de violer la loi et nous fait honte avec les fautes de notre conduite. Il prétend posséder la science de Dieu et même s’appelle fils de Dieu. Il se fait le révélateur de nos pensées. Sa vue même nous est insupportable, parce que sa vie n’est pas comme celle des autres et qu’il se conduit tout autrement. Nous passons à ses yeux pour des êtres futiles, il s’abstient de notre manière de vivre comme d’une immoralité, préconise la fin des justes et se vante d’avoir Dieu pour père. Voyons donc si ce qu’il dit est vrai ; faisons l’épreuve de ce qui lui arrivera et nous verrons bien comment il finira. S’il est vraiment fils de Dieu, Dieu prendra sa défense et l’arrachera aux mains de ses adversaires. Infligeons-lui les outrages et les tourments, nous nous rendrons compte de sa constance et nous constaterons sa patience. Condamnons-le à la mort la plus honteuse ; on verra alors ce qu’il faut penser de ses discours. » Sap.* ii, 11-20. C’est, tracé au vif, tout le

programme des Juifs qui ont condamné et mis à mort leur Messie.

Les apocryphes juifs. — En dehors des livres inspirés, l’idée messianique se retrouve dans les écrits juifs ou d’inspiration juive dont la composition précède ou suit de près l’époque évangélique. Mais cette idée est complexe. Elle comprend un certain nombre de notions qui, de fait, se rattachent étroitement à l’œuvre messianique, et sont également formulées dans le Nouveau Testament. — 1. Des troubles et des désordres de toutes sortes se manifesteront d’abord dans le monde physique, le monde social et le monde moral. Apoc. Baruch., 70, 2-8 ; IV Esd., vi, 24 ; ix, 1-12, xiii, 29-31 ; Mischna Sota, ix, 15. Ces idées semblent s’appuyer sur Osée, un, 13, et Dan., xii, 1 (hébreu) : « Ce sera une époque de détresse telle qu’il n’y en a pas eu depuis qu’il existe des nations jusque maintenant. » — 2. Elie apparaîtra ensuite comme précurseur. Eduioth, viii, 7 ; Baba mezia, i, 8 ; ii, 8 ; iii, 4, 5. Il est fait allusion à ce rôle d’Élie dans le Nouveau Testament. Matth., xvii, 10-12 ; Marc, ix, 10-12 ; Joa., i, 21-25. Voir Eue, t. ii, col. 1675-1676.

— 3. Alors viendra le Messie, pour remporter la victoire sur les puissances ennemies. Orac. Sybil., iii, 652-656 ; Psalm. Salom., xvii, 24-41 ; Philon, De prsemiu et pœnis, 16. On l’appelle « oint », ou « messie », Henoch, xlviii, 10 ; lii, 4 ; Apoc. Baruch., xxix, 3 ; xxx, 1, etc. ; Psalm. Salom., xvii, 36 ; xviii, 6, 8 ; Beracholh., i, 5 ; Sota, ix, 15 ; « fils de l’homme, » Henoch, xlvi, 1-4 ; xlviii, 2 ; lxix, 26, 27, etc. ; « élu, » Henoch, xlv, 3, 4 ; xlix, 2 ; li, 3, 5, etc. ; cf. Luc., xxiii, 35 ; « fils de Dieu, » Henoch, cv, 2 ; IV Esd., vii, 28, 29 ; xiii, 32, 37, 52 ; xiv, 9 ; « fils de David, » Psal. Salom., xvii, 5-23 ; IV Esd., xii, 32. En tous ces passages, il est nettement question d’un être individuel, d’un personnage qui sera un « roi saint », àyvbç ava£, venant fonder sur la terre un royaume immortel. Orac. Sybil., iii, 48-50, 652-656. Les livres juifs sont formels sur la personnalité du Messie. Ce n’est donc ni sur leurs interprétations, ni sur l’exégèse impartiale des textes bibliques qu’on peut s’appuyer pour soutenir que le « messie », le « fils de l’homme », etc., ne désignaient pour les auteurs sacrés que la nationalité israélite prise, collectivement. Cf. Daniel, t. ii, col. 1273 ; Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1890, t. ii, 1 « part., p. 595-598. On croyait d’ailleurs que le Messie apparaîtrait subitement, sans qu’on sût d’où il venait. Joa., vii, 27. Quant à l’idée d’un Messie souffrant, on ne la trouve que très exceptionnellement chez les auteurs juifs, et encore dans des écrits postérieurs à la prédication évangélique. Sanhédrin, 936, 98 a. Dans saint Justin, Dxalog. cuni Tryph., 89, 90, t. vi, col. 690, Tryphon confesse que le Messie doit souffrir, ainsi qu’il est clairement annoncé dans les Écritures ; il conteste seulement qu’il puisse souffrir sur une croix. Mais on peut dire que, dans les temps immédiatement antérieurs à Jésus-Christ, pas plus que durant sa vie, les Juifs n’ont jamais accepté l’idée que leur Messie pût souffrir. Cf. Wunsche, Yssûrê ham-màSiah oder die Leiden des Messias, Leipzig, 1870.

— 4. Le combat définitif sera livré aux puissances ennemies. Orac. Sybil., iii, 663 ; IV Esd., xiii, 33 ; Henoch, xc, 16. L’ennemi spécial du Messie doit être l’Antéchrist, Apoc. Baruch., 40, l’Armilus du Talmud. Buxtorf, Lexic. on chald. et talm., col. 221-224. — 5. Ces puissances seront anéanties. Assumptio Mosis, x ; Apoc. Baruch., xxxix, 7-xl, 2 ; lxxii, 2-6 ; IV Esd., xii, 32, 33 ; xiii, 37, 28, 35-38. — 6. Jérusalem sera renouvelée. Ce point de vue a sa raison d’être dans les anciennes prophéties. Is., uv, lx ; Ezech., xl-xl viii, Agg., ii, 7-9 ; Zach., ii, 617 (Vulgate, 1-13) ; cf. Apoc. Baruch., IV, 2-6 ; IV Esd., x, 44-59. Henoch, lui, 6 ; xc, 28, 29. — 7. Les dispersés d’Israël seront rassemblés. Psal. Salom., xi ; xvii, 34 ; IV Esd., xiii, 37-49. Cf. S. Jérôme, In Joël., iii, 7, t. xxv, col. 982. — 8. La Palestine sera le centre du grand  »

royaume messianique universel. Ce grand royaume aura Dieu pour chef suprême. Orac. Sybil, iii, 704-706, 756759 ; Psal. Salom., rvn, 1, 38, 51 ; Josèphe, Bell, jud., II, vin, 1. La Palestine devient alors le siège d’un roi qui commande au monde entier. Orac. Sybil., M, 698-726, 766-783 ; Henoch, XC, 30, 37 ; Apoc. Baruch., lxxii, 5 ; Assumptio Mosis, x, 8. On prend ainsi à la lettre ce qui a été dit par les prophètes dans un sens spirituel. Is., xi, 10 ; xlii, 1-6 ; liv, 4, 5 ; Jer., iii, 17 ; xvi, 19 ; Soph., h, 11 ; iii, 9 ; Zach., ii, 13 ; viii, 20 ; xiv, 9, etc. Dans ce royaume, on jouira de tous les biens ; ce sera le retour de l’âge d’or. Orac. Sybil., iii, 371-380, 620-623, 743-750, 787-794 ; Apoc. Baruch, xxix, 5-8 ; lxxiii, 2-8 ; lxxiv, 1 ; Henoch, x, 18, 19 ; Philon, De prsemiis et pœnis, 15, 16, 20. £t la durée de ce royaume sera sans fin. Orac. Sybil., iii, 49, 50, 766 ; Psal. Salom., xvii, 4 ; Henoch, ixii, 14. Ces idées sur le futur royaume palestinien percèrent jusque dans le monde païen et furent signalées par Tacite, Hist., v, 13, et Suétone, Vespas., 4. Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, v, 4. — 9. Il y aura une rénovation du monde, une itaXiYY&veuta. Matth., xix, 28 ; Henoch, xlv, 4, 5 ; Apoc. Baruch., lxxiv, 2, 3 ; Berachoth, i, 5. — 10. Ensuite viendra la résurrection, Henoch, li, 1 ; Psal. Salom., iii, 16 ; xiv, 2 ; Apoc. Baruch., xxx, 1-5, L, 1-u. 6 ; IV Esd., vii, 32 ; Sanhédrin, x, 1 ; Aboth, iv, 22, pour les âmes justes qui sont déjà dans l’autre vie, Josèphe, Ant. jud., XVIII, i, 3 ; cf. S. Justin, Dial.cum Tryphon., 5, t. vi, col. 488 ; ce qui n’exclut pas la résurrection générale pour le jugement. Sanhédrin, x, 3 ; Aboth, IV, 22. — 11. Enfin, le jugement dernier décidera pour l’éternité du bonheur ou du malheur de chacun. Apoc. Baruch., L, 4 ; li, 4, 5 ; IV Esd., vii, 33-44 ; Henoch, xcviii, 7, 8 ; civ, 7 ; Aboth, H, 1, etc. — Toutes ces idées représentent la croyance des Juifs par rapport au Messie et à son règne. Elles s’inspirent des écrits des prophètes, mais transportent souvent dans le domaine temporel ce que les écrivains sacrés ont annoncé dans un sens purement spirituel. Cf. Soloweyczjk, La Bible, le Talmud et l’Évangile, Paris, 1875, p. 100-115. C’est ce qui fait que la question posée par Pilate au Sauveur : « Es-tu le roi des Juifs ? » pouvait être entendue soit dans un sens purement messianique et spirituel, soit dans un sens temporel. Notre-Seigneur, pour dissiper l’équivoque, demande à Pilate s’il parle ainsi d’après d’autres ou de sa propre initiative. Les autres, les princes des prêtres, donnaient alors à ce titre une portée politique. Pour lui, il se dit roi, mais dans un sens qui ne peut offusquer le procurateur. Joa., xviii, 34-38. Cf. Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, 1898, t. ii, p. 498-556, et les auteurs qu’il cite, p. 496.

Le vrai sens des prophéties messianiques.

Les

traces de ces croyances sont manifestes dans plusieurs passages de l’Évangile ; les Apôtres ou les J uifs y parlent suivant les idées qui ont cours, et parfois Notre-Seïgneur les approuve ; d’autres fois, il est obligé de redresser leurs croyances erronées. Ainsi : 1, de grandes catastrophes doivent se produire ; le Précurseur signale avec raison « la colère à venir », Matth., iii, 7, et « la cognée à la racine de l’arbre ». Luc, iii, 9. Mais la vengeance ne doit s’exercer qu’après le déicide, à la ruine de Jérusalem. Matth., xxiv, 4-22 ; Marc, xiii, 5-20 ; Luc, xxi, 8-24. C’est du reste dans cet ordre que Daniel, IX, 26, 27, avait annoncé les événements. — 2. Élie est attendu. On demande à Jean-Baptiste s’il n’est pas Élie, Joa., i, 21, et, après la mort du précurseur, plusieurs croient que Jésus lui-même est Élie. Marc, VI, 15 ; Luc, ix, 8. Les Apôtres remarquent que les scribes comptent sur un retour préalable d’ÉHe. Matth., xvii, 10. Notre-Seigneur répond qu’en effet Élie est déjà venu, Matth., xvii, 12 ; Marc, ix, 11, 12, en la personne de Jean-Baptiste, qui avait en lui l’esprit et la puissance de l’ancien prophète. Luc, i, 17. — 3. Les prophéties qui marquent

l’époque du Messie ont été suffisamment comprises. Au moment où paraît Notre-Seigneur, Jes princes des prêtres ne sont pas étonnés que les mages parlent de la naissancedu « roi des Juifs », c’est-à-dire du Messie, et sans hésiter ils envoient à Bethléhem pour le trouver. Matth., ii, 2. La seule chose qui les trouble, c’est que des étrangers connaissent avant eux cet événement. La Samaritaine sait que le Messie va venir. Joa., iv, 25. Jean-Baptiste envoie ses disciples demander à Jésus-Christ s’il est « celui qui doit venir », Matth., xi, 3 ; les Juifs adjurent le Sauveur de leur dire s’il est le Christ, Joa., x, 24, et le peuple le salue en cette qualité. Joa., vii, 26 ; Matth., xi, 2-5. Tous se croient donc bien à l’époque marquée pour la venue du Messie. Sur son origine, on se réfère tantôt à la prophétie qui le fait venir de Bethléhem, Matth., ii, 6 ; Joa., vii, 42, ce qui exclut naturellement Nazareth, Joa., 1, 46 ; vil, 52 ; tantôt à cette croyance, inspirée sans doute par lsai’e, lui, 8 (Septante), qu’on ne saura pas d’où vient le Messie. Joa., vii, 27. Quant à l’idée d’un Messie souffrant, elle répugne visiblement à tous les personnages évangéliques, qui, sur ce point, partagent complètement les préjugés de leurs contemporains. Quand Notre-Seigneur annonce sa passion et sa mort, les Apôtres sont décontenancés, saint Pierre observe avec insistance qu’un pareil dénouement n’est pas possible, Matth., xvi, 22 ; Marc, viii, 33, et la foule oppose au divin Maître cet axiome que, « d’après la loi, le Christ demeure éternellement. » Joa., xii, 34. La remarque que fait à ce sujet l’évangéliste permet de conclure qu’on ne croyait pas à l’accomplissement de cet oracle d’Isaie, lui, 1, qui commence par les mots : « Qui a cru à notre prédication ? » Joa., xii, 37, 38. En livrant son Maître, Judas partageait sans doute cette persuasion ; de là son étonnement quand il vit mener Jésus à la mort. Matth., xxvii, 3. Aussi, dans son entretien avec les disciples d’Emmaus, Notre-Seigneur s’applique-t-il à établir que, contrairement aux idées reçues, il fallait que le Christ souffrît. Luc, xxiv, 26. Il est certain que, sous l’empire de ces préjugés, les Apôtres n’avaient rien compris aux annonces réitérées que Jésus-Christ leur avait faites de sa passion et de sa résurrection. Quand saint Jean veut expliquer la foi tardive que Pierre et lui-même ont prêtée au fait de la résurrection, il dit seulement : « Ils ne savaient pas encore l’Écriture, » Joa., xx, 9, sans même que sa pensée se reporte alors aux prédictions si précises du Sauveur. — 4. Le combat contre les puissances ennemies est livré par Jésus-Christ contre le démon, qui se plaint que le Sauveur vient le perdre. Luc, iv, 31. — 5. La puissance anéantie est celle du démon, le prince de ce monde qui sera jeté dehors. Joa., xii, 31. — 6. La Jérusalem renouvelée ne sera pas la cité terrestre, mais la cité céleste et spirituelle, qui est l’Église, la Jérusalem nouvelle. Apoc, iii, 12 j xxi, 2. — 7. Les dispersés d’Israël, ce sont les autres brebis qui ne sont pas du bercail du Sauveur, qu’il se propose lui-même de ramener et qui écouteront sa voix. Joa., x, 16. L’idée que le Messie puisse se tourner vers les gentils choque manifestement les Juifs. Matth., xxi, 43, Joa., vii, 35. — 8. Enfin, le grand royaume, c’est celui dans lequel Jésus, descendant de Jacob et de David, doit régner sans fin. Luc, r, 32, 33. Lui-même salue Jérusalem comme la « cité du grand roi », Matth., v, 35, et envoie ses Apôtres pour publier 1’« Évangile du royaume », Marc, I, 14, et le « royaume des cieux », Matth., iv, 17 ; x, 7 ; ou « royaume de Dieu ». Marc, I, 15 ; Luc, iv, 43 ; x, 11 ; Joa., iii, 5. Ce royaume est d’ordre tout spirituel et ne ressemble pas à ceux de ce monde. Joa., xviii, 36° Mais les Apôtres, pas plus que les Juifs, ne l’entendent ainsi. Le tentateur traduit fidèlement leur pensée quand il fait passer les royaumes de ce monde sous les yeux du Sauveur et lui dit : « Je te les donnerai tous ! » Matth., IV, 8, 9. C’est bien là la royauté que rêvent les Juifs. Les deux fils de Zébédée osent demander les deux

premières places dans ce royaume. Matth., xi, 21. Notre-Seigneur a beau dire que le royaume de Dieu, royaume tout spirituel, existe déjà au milieu des Juifs, depuis le commencement de la prédication évangélique. Luc, xvii, 20-21. Les deux disciples d’Emmaùs avouent qu’ils espéraient que Jésus de Nazareth « rachèterait Israël », Luc, xxiv, 21, c’est-à-dire le délivrerait du joug des nations et le mettrait à leur tête. Bien plus, au jour même de l’Ascension, les Apôtres en sont encore à poser cette question : « Seigneur, est-ce à présent que vous allez rétablir le royaume d’Israël ? » Act., i, 6. C’est, d’ailleurs, comme chef de ce royaume que le Messie est appelé roi des Juifs, et ce titre de « roi des Juifs » est donné à Notre-Seigneur, tantôt sérieusement, Matth., ii, 2 ; xxvii, 11 ; Marc, xv, 2 ; Luc, xxiii, 3 ; Joa., xviii, 33 ; tantôt par dérision. Matth., xxvii, 29, 37 ; Marc, xv, 9, 12, 18, 26 ; Luc, xxiii, 37, 38 ; Joa., xviii, 39 ; xix, 3, 14, 19. C’est pourquoi les grands-prêtres protestent contre cette attribution. Joa., xix, 15, 21. — A l’époque où vint Notre-Seigneur, les Juifs attendaient donc. vraiment le Messie, celui qu’avaient annoncé les prophètes, mais dont la notion avait été assez gravement défigurée par les préjugés nationaux.

III. Nativité de Jésus, son enfance et sa vie cachée. — I. avant la naissance. —1° La préexistence.

— Saint Jean commence son Évangile en disant ce qu’est dans l’éternité celui qui a voulu apparaître dans le temps. Dans le principe, alors que Dieu créa le monde, Gen., i, 1, déjà le Verbe était. Il est donc antérieur à tout ce qui a été créé. Il était itpôç tôv ©eôv, « près de Dieu, » c’est-à-dire près du Père, par conséquent distinct de lui, et Dieu lui-même, possédant la nature divine. Par rapport à la créature, il est auteur de toutes choses, sans exception ; c’est donc par son Verbe que le Père a créé le monde. En lui était la vie, vie qui est la lumière des hommes et leur salut. Le Verbe est donc l’auteur de la grâce aussi bien que de la nature. S’il a tout créé, sans qu’aucun être put venir à la vie autrement que par lui, c’est aussi lui qui illumine tout de sa lumière surnaturelle, sans que les ténèbres de l’erreur et du mal puissent l’empêcher de luire, Sap., vii, 10, 30 ; Joa., xii, 35, ou veuillent être éclairées par elle. Joa., iii, 19 ; Rom, , 1, 21. Jean-Baptiste a été envoyé pour rendre témoignage à ce Verbe et attirer le regard des hommes sur cette lumière. Mais celui que Jean-Baptiste a montré préexistait à tous les hommes. Il était la lumière qui éclaire tout homme, et cette lumière venait maintenant en ce monde, Èp-/du.evov elç tov xô(Tjji.ov, mots que la Vulgate, probablement avec moins de raison, applique à l’homme lui-même. Venant en ce monde, dans le domaine qui lui appartient, cette lumière vivante est méconnue et rejetée. Ceux-là seuls la reçoivent qui, ne se contentant pas des aptitudes et des désirs de la vie purement naturelle, obtiennent de Dieu une vie supérieure, par la foi en ce Verbe qui s’est fait chair. Voir Incarnation, col. 863, et Verbe. Le Verbe fait chair a donné aux hommes des preuves de sa venue : il a habité parmi eux et ils ont pu l’entendre, le voir, le toucher, I Joa., i, 1 ; et pour faire reconnaître sa qualité de Fils unique du Père, il a laissé éclater sa gloire et s’est montré rempli de grâce et de vérité. Joa., 1, 1-14. C’est par ces quelques traits que saint Jean prélude à l’histoire de Jésus-Christ, publiant tout d’abord sa divinité et attribuant la méconnaissance de cette divinité à l’état d’esprit de ceux qui ne veulent pas se laisser élever à la vie surnaturelle. — Voir Knabenbauer, Evang. sec. Joan., Paris, 1898, p 62-85 ; W. Baldensperger, Der Prolog des vierten Evangelium, Fribourg-en-Brisgau, 1898 ; Revue biblique, Paris, 1899, p. 151-155, 232-248 ; 1900, p. 1-29, 378-399.

L’Annonciation.

Avant que son Fils apparaisse

sur la terre. Dieu, qui a fait taire les prophètes depuis quatre cents ans, intervient à nouveau pour avertir qu’en

fin le grand événement va se produire. Tout d’abord, c’est la naissance du précurseur qui est annoncée. Luc, I, 5-25. Celui-ci sera l’enfant du miracle, car Elisabeth sa mère est déjà avancée en âge. Il naîtra de race sacerdotale, marquant ainsi la principale raison d’être du sacerdoce lévitique, qui a été de préparer le Messie par le culte figuratif rendu à Dieu. Voir Jean-Baptiste, col. 1156. L’ange Gabriel, le messager de l’incarnation, voir Gabriel, col. 23, est envoyé, six mois plus tard, à la vierge Marie, descendante de David, dans la ville de Nazareth, et lui annonce le choix que Dieu a fait d’elle. L’enfant auquel elle donnera le jour sera le Fils du Très-Haut et il occupera à jamais le trône de David, double caractère que les prophéties ont attribué au Messie. Sur une question bien naturelle de Marie, l’ange, après avoir indiqué la fin. fait connaître le moyen que Dieu se propose d’employer. L’incarnation se produira par l’opération du Saint-Esprit. Ce sera là une muvre de puissance, qui vient d’avoir un prélude démonstratif, la conception extraordinaire d’Elisabeth. Marie, alors, donne son assentiment. Luc, i, 26-38. Voir Annonciation, t. i, col. 649-654. À ce moment même s’opère le mystère de l’incarnation. Cf. V. Rose, La conception surnaturelle de Jésus, dans la Revue biblique, 1899, p. 206-231 ; Bardenhewer, Zur Geschichte der Auslegung der Worle Luc, i, 34, dans le IV’Congrès scient, internat, des catholiques, Fribourg, 1897, IIe sect., p. 13-22. Sur la généalogie de Jésus et sa descendance de David, voir Généalogie de Jésus-Christ, col. 166-171.

La Visitation.

Considérant la.nouvelle que l’ange

lui a donnée comme une sorte d’invitation, Marie se rend auprès de sa cousine Elisabeth, qui salue en elle la « mère de son Seigneur ». La Vierge exhale alors ses sentiments dans un cantique tout inspiré des pensées des prophètes. Luc, I, 39-55. Cf. G. Morin, dans la Revue biblique, 1897, p. 286-288 ; A. Durand, L’origine du Magnificat, dans la Revue biblique, 1898, p. 74-77 ; 1901, p. 630-631. Le séjour de Marie auprès d’Elisabeth aboutit à la naissance de Jean-Baptiste, sans que le texte de saint Luc, i, 56, permette d’établir si, oui ou non, elle assista à cet événement. Cf. Knabenbauer, Etang, sec. Lue., Paris, 1896, p. 88.

L’hésitation de saint Joseph.

Saint Joseph était

uni à Marie par le mariage. Voir Fiançailles, t. ii, col. 2231. L’état dans lequel il vit bientôt son épouse le troubla et il songea à la quitter. Un ange l’avertit de ne rien en faire. Ce qui était en elle venait du Saint-Esprit. Joseph dut néanmoins exercer l’office de père en imposant son nom à l’Enfant, et ce nom était Jésus, parce que cet enfant devait sauver le peuple de ses péchés. Matth., i, 18-21. À Marie, l’ange avait annoncé Jésus comme Fils de Dieu et héritier du trône de David. Mais ce second titre ne doit pas pas être pris dans un sens temporel, et Joseph est averti que l’Enfant qui va naître sera un sauveur, venu pour racheter les péchés. — Joseph obéit à l’ordre du ciel et demeura avec Marie. La prophétie de Michée, v, I, désignait Bethléhem comme le lieu de la naissance du Messie ; cependant Marie résidait à Nazareth et n’avait aucune raison de quitter cette ville. Le recensement ordonné par l’empereur Auguste l’obligea à partir pour Bethléhem avec Joseph. Voir Cyrinus, t. ii, col. 1188-1191. — Sur la date de la naissance de Notre-Seigneur et sur celle des principaux événements de sa vie, voir Chronologie biblique, ix, t. ii, col. 734-736.

JJ. la nativité et l’enfance. — 1° La naissance.

— Marie et Joseph arrivèrent à Bethléhem, voir Bethléhem, 1. 1, col. 1691-1694, et, ne trouvant point de place dans le khan, voir Caravansérail, t. ii, col. 253-255, ils se retirèrent dans une grotte, servant d’étable aux animaux. Voir Étable, t. ii, col. 1989 ; Ane, t. i, col. 572 ; Bœuf, col. 1837. C’est là que le divin Enfant vint au monde pendant la nuit et que Marie le coucha dans la crèche. Voir Crèche, t. ii, col. 1107-1109. Avertis par

III. - 40

des anges qu’il leur était né un « Sauveur, le Seigneur Christ », des bergers du voisinage vinrent lui rendre leurs hommages et répandirent la nouvelle tout autour d’eux. Voir Berger, iii, t. i, col. 1618. Huit jours après sa naissance, l’Enfant fut circoncis, voir CIRCONCISION, t. ii, col. 772-779, et on lui donna le nom de Jésus. Luc, n, 1-21. Cf. Ramsay, Was Christ born in Bethléhem ? Londres, 1898. Pour l’iconographie, voir Max Schmid, Die Darstellung des Geburt Christi in der bildenden Kunst, Stuttgart, 1890.

La présentation au Temple.

Le quarantième

jour, Jésus fut porté au Temple pour y être présenté au Seigneur et racheté par l’offrande de deux oiseaux ; car le premier-né appartenait à Dieu. Par sa venue au Temple, le Sauveur réalisa la prophétie d’Aggée, II, 1-10. La sainte Vierge accomplit de son côté les rites de purification auxquels l’obligeait légalement sa maternité. Voir Impureté légale, i, 5°, col. 858. Le vieillard Siméon intervint pour saluer en l’enfant Jésus le Sauveur, « lumière pour éclairer les nations et gloire du peuple d’Israël ; » puis il prédit à Marie les douleurs dont cet Eniant serait pour elle l’occasion et les contradictions auxquelles il serait lui-même en butte. Siméon rappelait ainsi, sous l’influence du Saint-Esprit, la notion du Messie persécuté et souffrant. Voir Siméon. La prophétesse Anne vint aussi rendre témoignage à l’Enfant. Luc, ii, 22-38. Voir Anne, t. i, col. 630.

L’adoration des Mages.

Des mages venus d’Orient

arrivèrent à Jérusalem, après la naissance de l’enfant Jésus, à jine époque que l’on ne peut déterminer, mais qui suivit cette naissance de deux années au plus, et très probablement de beaucoup moins. Matth., ii, 16. Voir Mages. Ils demandèrent où était né le « roi des Juifs », dont ils avaient vu l'étoile en Orient. Voir Étoile des mages, t. ii, col. 2037. On les renseigna, d’après la prophétie de Michée, v, 2. À Bethléhem, ils trouvèrent l’Enfant dans une maison, l’adorèrent et lui offrirent des présents. Matth., ii, 1-12. Ces étrangers réalisaient déjà la parole de Siméon saluant le Messie comme la « luornière pour éclairer les nations ». Luc, ii, 32.

Le séjour en Egypte.

Hérode, qui sentait toujours

son trône mal affermi, savait que les Juifs attendaient un Messie, qu’ils se représentaient comme un roi temporel. Aussi fut-il effrayé de la requête des mages. Avec une hypocrisie et une cruauté qui étaient dans son caractère, voir Hérode, col. 641-646, il chercha à se renseigner sur le nouveau roi, puis fît massacrer tous les enfants de Bethléhem jusqu'à l'âge de deux ans, comptant avoir ainsi fait périr celui qu’il redoutait. Voir Innocents, col. 879. Mais un avertissement divin avait éfé donné à Joseph, qui s’enfuit en Egypte avec l’Enfant et sa mère et y demeura jusqu'à la mort d’Hérode, arrivée en mars 750 de Rome, 4 ans avant l'ère chrétienne. La durée de ce séjour ne peut être fixée, parce qu’on ne connaît ni la date de la naissance du Sauveur, ni celle de l’arrivée des mages. On ne sait pas davantage en quel endroit d’Egypte résida la sainte Famille. Voir Egypte, t. ii, col. 1620. Après la mort d’Hérode, Joseph reçut un nouvel avertissement divin et quitta la terre d’exil. Mais il craignit de se rendre en Judée, où régnait Archélaus, fils d’Hérode, voir Archélaus, t. i, col. 927, et il retourna à Nazareth, où il habitait avec Marie avant le voyage à Bethléhem. Matth., ii, 12-23. Le séjour en Egypte n’est pas mentionné par saint Luc, qui, le passant sous silence, fait retourner la sainte Famille à Nazareth après la présentation. Luc., ii, 39. Il procède ainsi pour aller droit à son but, qui est de parler du séjour de Jésus à Nazareth. Peut-être aussi veut-il dire qu’aussitôt après la présentation, la sainte Famille partit pour Nazareth, et que de là elle revint s'établir à Bethléhem, où les mages se présentèrent ensuite, et où saint Joseph songeait encore à retourner après l’exil d’Egypte. Matth., Il, 22. . 5° La croissance de Jésus. — Saint Luc en parle deux

fois. Après le récit de la présentation, il dit que « l’enfant croissait et se fortifiait, plein de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui, an' aix6, in Mo ».Luc, ii, 40. Le progrès n’est ici indiqué que dans l’ordre corporel ; quant à l'âme de l’Enfant, elle était pleine de sagesse, par suite de son union personnelle avec la divinité, et la grâce de Dieu, c’est-à-dire sa faveur, sa complaisance, son infinie libéralité s’exerçait envers cet Enfant qui s’appelait le « Fils de Dieu ». Lorsque Jésus eut atteint sa douzième année, « il progressait, » dit encore saint Luc, ii, 52, « en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et les hommes. » La sagesse est ici en progrès ; ce progrès comportait-il une infusion de plus en plus abondante des dons divins dans l'âme de Jésus, et un développement réel de ses facultés intellectuelles ? Saint Athanase et quelques autres Pères l’ont cru. « C'était l’humanité seule qui croissait en sagesse, s'élevant peu à peu au-dessus de la nature humaine, rendue divine, devenant et apparaissant à tous comme l’instrument de la sagesse dont la divinité se servirait pour agir et briller. » S. Athanase, Orat. m cont. Arian., 53, t. xxvi, col. 435. Cette manière d’entendre le texte de saint Luc paraissait fournir un argument plus solide contre les Ariens, en leur montrant que la perfection grandissait sans cesse en Jésus-Christ. Des auteurs modernes ont admis cette interprétation. Schanz, Comment, ùb. dos Evang. des heil. Lucas, Tubingue, 1883, p. 148. Mais la plupart des Pères et des théologiens n’ont cru enNotre-Seigneur qu'à un progrès réel de sagesse, celui de la science expérimentale, provenant des rapports croissants de la nature humaine du Sauveur avec les choses créées. Quant à la science intuitive, résultant de l’union hypostatique, et à la science infuse, communiquée par la divinité à l'âme de Jésus, elles auraient été parfaites dès le début, et il n’y aurait eu progrés que dans leurs manifestations, proportionnées à l'âge de Notre-Seigneur. Il suffit qu’il en soit ainsi pour justifier l’expression de saint Luc. Il n’est pas nécessaire d’ailleurs de supposer en Notre-Seigneur, considéré comme homme, la connaissance actuelle de toutes choses ; mais son âme, en rapport immédiat avec la source infinie de toute science, pouvait y puiser instantanément et sans effort tout ce qu’elle voulait connaître. Cf. Pétau, De incarn. Verbi, XI, ii, 1-12 ; S. Thomas, III », q. vii, a. 12 ; Suarez, Disp. in m part. S. Th., xviii ; Bisping, Erklàr. des Evang. nach Lucas, Munster, 1868, p. 208-212, etc. — La croissance en âge peut aussi comprendre la croissance en taille ; le mot grec, T)Xtxc’a, a les deux sens. C’est une croissance toute physique. — Il est dit enfin que l’enfant croissait « en grâce devant Dieu et les hommes ». Il s’agit ici d’un progrès que les hommes peuvent constater. La grâce, c’est ce qui rendait Jésus de plus en plus agréable à Dieu, par les vertus qu’il pratiquait et les mérites qu’il acquérait, et de plus en plus aimable aux hommes, par un ensemble de qualités qui le faisaient bien venir de tous, sans cependant trahir sa nature divine.

Le voyage à Jérusalem.

À l'âge de douze ans,

Jésus fut conduit à Jérusalem par ses parents pour la fête de la Pâque. Le voyage se faisait dans des conditions telles que le divin Enfant put rester dans la ville à l’insu de Marie et de Joseph. Voir Caravane, t. ii, col. 249-250 ; Fêtes juives, col. 2218 ; Paque. Au bout de trois jours, ceux-ci le retrouvèrent dans le Temple, interrogeant les docteurs et les émerveillant par sa prudence et ses réponses. À une observation de sa mère, qui prit alors la parole en vertu d’une autorité supérieure, à certains égards, à celle de Joseph, Jésus répondit : « Ne saviez-vous pas qu’il me faut m’occuper des affaires de mon Père ? » Luc, II, 40-50. Cette réponse démontre que Jésus enfant a pleine conscience de sa qualité de Fils de Dieu et des devoirs qu’elle lui impose. S’il se renferme pendant de longues années dans le siR

lence et l’obscurité, ce n’est donc ni par ignorance, ni par impuissance, mais uniquement parce qu’il le veut. /II. LA VIE cachée. — Après son retour de Jérusalem, Jésus vécut soumis à ses parents. Luc, ii, 51. Il continua à recevoir dans la famille l'éducation qui se donnait habituellement. Voir Éducation, t. ii, col. 1595-1598. Il apprit par conséquent un métier et choisit naturellement celui de son père adoptif, qui était charpentier. Voir Charpentier, t. ii, col. 601. On le connut plus tard sous le nom de « fils du charpentier » et « charpentier » lui-même. Matth., mi, 55 ; Marc, vi, 3. Il exerça ce métier jusqu'à l'âge d’environ trente ans, où il commença son ministère public II suit de là que lui, qui avait à s’occuper des affaires de son Père, y travaillait de la sorte, ainsi qu’au salut des hommes, aussi efficacement qu’il eût pu faire par des œuvres plus éclatantes.

— Bien qu’appelé « premier-né » de Marie, Luc, ii, 7, Jésus fut son fils unique. Ceux que les évangélistes appellent « frères de Jésus » ne sont que ses cousins. Voir Frère, t. ii, col. 2403-2405. — Pour suppléer au silence des évangélistes sur l’enfance et la vie cachée du Sauveur, des auteurs du premier siècle ont imaginé des récits plus circonstanciés, le « Protévangile de Jacques % l' « Évangile de saint Thomas », l' « Évangile arabe de l’enfance ». Sur la valeur de ces récits, voir Évangiles apocryphes, t. ii, col. 2115-2116. — Cf. Lagrange, Le récit de l’enfance de Jésus dans saint Luc, dans la Revue biblique, 1895, p. 160-185 ; Chauvin, L’enfance du Christ, Paris, 1901.

IV. Ministère public.

La durée exacte du temps que Jésus-Christ a consacré à la prédication de son Evangile ne nous est pas connue, bien que la parabole du figuier stérile, Luc, xiii, 7, donne à penser que cette durée a été probablement d’un peu plus de trois ans. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Lucam, Paris, 1896, p. 411, et t. ii, col. 735. Aussi, dans ce résumé de la vie publique du Sauveur, nous abstiendrons-nous de suivre l’ordre chronologique des faits, tel qu’il a pu être établi pour une période évangélique de trois ans et demi. On trouvera les faits disposés dans cet ordre à l’article Évangiles (Concorde des), t. ii, col. 2099-2114. Nous préférons les grouper en tenant surtout compte des milieux dans lesquels Notre-Seigneur a porté la bonne nouvelle, ce qui nous permettra de justifier les différences que l’on remarque entre les procédés d'évangéhsation que décrivent les synoptiques et ceux que l’on constate dans les récits de saint Jean.

I. L’INAUGURATION DE LA PRÉDICATION ÉVANGÉLIQUE.

— Pendant la première période de sa vie publique, le Sauveur se présente dans les divers milieux qu’il se propose d'évangéliser, mais sans donner encore à sa prédication tout son essor. Il ne veut pas interrompre brusquement le ministère de Jean-Baptiste ; c’est seulement après l’emprisonnement du Précurseur que lui-même commencera à prêcher sa doctrine. Matth., iv, 12 ; Marc, 1, 14.-1° La prédication de saint Jean-Baptiste. — « En ces jours-là, » c’est-à-dire à une époque indéterminée avant l’apparition de Notre-Seigneur au milieu des foules, le Précurseur prêchait la pénitence. Il invitait les hommes à se préparer à la venue de quelqu’un qui serait plus grand que lui, et vis-à-vis duquel il se jugeait indigne de remplir même le rôle d’esclave. Matth., iii, 11 ; Marc, i, 7 ; Luc, iii, 15. Voir Jean-Baptiste, col. 1157.Il baptisait dans l’eau du Jourdain. Voir Baptême, t. i, col. 14341435. Mais en même temps il avertissait que le Messie baptiserait dans le Saint-Esprit. Voir Lagrange, Bethanie ou Bethabara, dans la Revue biblique, 1895, p. 502-512.

, — 2° Le baptême de Jésus. — Venu de Galilée, Jésus se présenta un jour au baptême de Jean. Celui-ci protesta . qu’il avait plutôt à recevoir le baptême de Jésus qu'à lui donner le sien. Mais le Sauveur déclara qu’il y avait là un < actedejustice à accomplir. Pendant que Jean le baptisait, la voix du Père désigna Jésus comme son « Fils bien-aimé »,

et le Saint-Esprit descendit sur lui. Matth., iii, 13-17 ; Marc, i, 9-11 ; Luc, iii, 21-23. À ce signe, Jean reconnut que Jésus, dont il n’ignorait pas la mission divine et le caractère messianique, allait commencer à se présenter publiquement comme le Messie. Joa., i, 33. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 136. De plus, en recevant le baptême de Jean, Jésus honorait le ministère du Précurseur et donnait à entendre que, s’il prenait sa place, ce n'était pas pour évincer un concurrent, mais pour continuer et parfaire une œuvre que Jean n’avait eu que la grâce de préparer. Cf. Bornemann, Die Taufe Chnsti durch Johannes, Leipzig, 1896. — 3° La tentation au désert. — L’Esprit qui était descendu sur Jésus le conduisit immédiatement au désert où, à la suite d’un jeûne de quarante jours, le démon vint le tenter. L'œuvre de la rédemption commençait ainsi par une lutte avec Satan, comme avait commencé jadis l'œuvre de la déchéance. Le but du tentateur était de se renseigner sur la personnalité qu’il avait devant lui. En quel sens Jésus avait-il été appelé « Fils bien-aimé » de Dieu ? N'était-il pas le Messie ? En succombant à la tentation, Jésus eût naturellement rassuré Satan. Mais, au contraire, il repoussa ses offres et rappela des textes de l'Écriture qui opposaient au tentateur une fin de non-recevoir, sans pourtant lui fournir aucune lumière décisive sur la question qu’il avait intérêt à résoudre. Quand, plus tard, Notre-Seigneur fit à ses Apôtres la coniidence de ce qui s'était passé entre lui et Satan, il dut, pour se mettre à leur portée, raconter la tentation sous une forme des plus concret^. Mais on croit communément que la suggestion diabolique n’atteignit que l’imagination du Sauveur, sans pouvoir du reste ni inquiéter l’esprit, ni troubler la conscience, ni produire le moindre ébranlement dans la volonté. Impuissant, ce jour-là, à obtenir la solution qui l’intéressait, le démon interviendra souvent dans le cours de la vie publique du Sauveur, afin de poursuivre son enquête. Matth., iv, 1-11 ; Marc, I, 12-13 ; Luc, iv, 1-13. Cf. A. G. Ammon, Tentator Satanas confutalus a D. N. J. C, dans le Thésaurus de Hase et Iken, Lejde, 1732, t. ii, p. 159-174 ; L. Fillion, Évangile selon saint Matthieu, 1878, p. 82-87. — 4° Le témoignage de JeanBaptiste. — Cependant les membres du sanhédrin avaient délégué plusieurs des leurs auprès de Jean pour l’interroger. Celui-ci déclara qu’il n'était ni le Messie, ni Elie, ni le prophète (6 K^ofr^i^c), Deut., xviii, 15, mais qu’il préparait la voie à celui qui devait venir. Quand Jésus reparut sur les bords du Jourdain, il le désigna comme « l’agneau de Dieu » et montra qu’il reconnaissait en lui le Messie. C’est alors que s’attachèrent à Jésus ses cinq premiers disciples, Jean, André, Simon-Pierre, Philippe et Nathanæl, appelé aussi Barthélémy. La mission de Jean touchait ainsi à son but : il avait annoncé la enue imminente du Messie, préparé les âmes par la pénitence à le recevoir, baptisé et enfin montré le Rédempteur en personne. Joa., i, 19-51. — 5° Les noces de Cana. — Ainsi présenté aux Israélites par son Précurseur, Jésus se rendit immédia tement dans la Galilée, qui allait devenir le théâtre le plus habituel de ses prédications et où il avait dessein d’inaugurer son œuvre messianique. Il assista à des noces à Cana et y lit son premier miracle, en changeant l’eau en vin. Voir Cana, t. ii, col. 110. Le résultat fut que « ses disciples crurent en lui », c’est-à-dire commencèrent résolument à le regarder comme le Messie, non plus seulement sur la. parole de Jean, mais sur la constatation de sa puissance surnaturelle. Joa., ii, 1-12. — 6° Le premier séjour à Jérusalem. — Après un court séjour à Caphafnaum, le Sauveur monta à Jérusalem, à l’occasion de la Pâque, et se rendit au Temple. Voir P. Aucler, Le Temple de Jérusalem au temps de N.-S. J.-C, dans la Revue biblique, 1898, p. 193-206. D y fit acte d’autorité en chassant les marchanda qui s'étaient 141-7

JÉSUS-CHRIST

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établis dans la « maison de son Père », et il accomplit différents miracles qui lui gagnèrent d’autres disciples. Joa., ii, 13-25. Parmi ceux-ci fut un membre du sanhédrin, Nicodème, qui vint s’entretenir de nuit avec Notre-Seigneur. Ce fut l’occasion pour le divin Maître de formuler son premier enseignement doctrinal. L’homme qui veut entrer dans le royaume de Dieu, dit-il, doit renaître, c’est-à-dire recevoir une nouvelle vie, et cette vie lui sera communiquée par le Fils de l’homme, qui, un jour, sera élevé comme le serpent d’airain au désert. Joa., iii, 1-21. Voir Nicodème. — 7° Retour par la Samarie. — Après avoir quitté Jérusalem, le Sauveur s’arrêta quelque temps en Judée et commença à faire administrer le baptême par ses disciples. Puis il reprit sa route vers la Galilée et passa par la Samarie. C’est là qu’auprès du puits de Jacob il conversa avec la Samaritaine, l’amenant peu à peu à désirer l’eau vive de la Vérité, parlant à sa conscience et lui révélant enfin qu’il était le Messie attendu. Parmi les gens du pays, beaucoup crurent en lui. Joa., IV, 1-42. — 8° L’emprisonnement de Jean-Baptiste. — Les disciples du Précurseur s’étaien t émus en voyant les disciples de Jésus se mettre à baptiser. Leur maître, se servant d’une comparaison familière, leur expliqua que Jésus, était l’époux, tandis que lui-même n’était que l’ami de l’époux, par conséquent son serviteur et son introducteur. Voir Fiançailles, i, 7°, t. ii, col. 2230. Jésus était le Fils envoyé par le Père ; il convenait donc à Jésus de grandir et à Jean de s’éclipser. Joa., iii, 22-36. Peu après, le Précurseur fut « jeté en prison par Hérode. Luc, iii, 19-20. Jusqu’à cet événement, Jésus s’était comme tenu sur la réserve. II avait répondu au témoignage de Jean en manifestant sa qualité de Messie, mais s’il avait parlé, c’était toujours dans un cercle assez restreint. Toutefois, il est à remarquer qu’il avait tenu à paraître dans les principaux endroits qui devaient bientôt recevoir la semence évangélique, d’abord en Galilée, puis à Jérusalem, en Judée et enfin, en Samarie. Son ministère se trouvait ainsi inauguré dans les différents milieux où il allait désormais s’exercer dans toute sa plénitude.

II.’L'ÉVANGÉLISATION DE LA GALILÉE. — La plus

grande partie, de la vie publique de Notre-Seigneur se passa en Galilée. C’est là qu’il donna à la prédication évangélique sa forme la plus populaire, la plus simple et la plus touchante. Il avait ses raisons pour choisir ce pays comme le théâtre ordinaire de son activité messianique. A cause de leur origine et de leur contact plus fréquent avec les étrangers, les Galiléens avaient l’esprit ouvert, le commerce aimable, les mœurs simples et honnêtes. Leur caractère était ardent, prompt à la décision, quelquefois téméraire et emporté. Le mépris dont ils étaient l’objet de la part des Judéens les poussait à prendre en beaucoup de choses le contre-pied des coutumes de la Judée. Ils devaient, être très flattés que le Messie résidât de préférence parmi eux et, par le fait même, ils se montrèrent plus disposés à accepter sa doctrine, à la propager et à la défendre. Voir Galilée, col. 93 ; Galiléen, col. 95, 96. L’évangéhsation de la Galilée a fourni aux trois Évangiles synoptiques le thème principal de leurs récits et, selon toute probabilité, le canevas de la prédication apostolique à travers le monde. 1° Première mission en Galilée.

Aussitôt après

l’incarcération de Jean-Baptiste, Notre-Seigneur se mit à prêcher <c l’évangile du royaume ». Il parlait dans les synagogues, où tout homme instruit était habituellement invité à se faire entendre. Voir Synagogue. On l’écoutait avec grande satisfaction. Marc, I, 14, 15 ; Luc, iv, 14, 15. Il n’y eut alors d’excepdfen qu’à Nazareth. Par déférence pour ses compatriotes, Jésus’voulut lesvisiter des premiers. La jalousie locale"prit ombrage des succès inattendus du « fils de Joseph », et le divin’Maître Il’échapoa que par miracle à la brutalité de ceux qui, pourtant, avaient été si longtemps les témoins de ses

vertus. Luc, iv, 16-30. À Cana, il accueillit la demande d’un chef venu de Capharnaum pour implorer la i, ’iiérison de son fils sur le point de mourir. Il guérit le m ilade à distance. Ce miracle eut pour effet de frayer la voie à l’Évangile dans cette ville populeuse. Voir Capharnaum, t. ii, col. 201, 202. Jésus y arriva bientôt après pour y prêcher la pénitence et l’approche du royaume des cieux. Joa., iv, 46-54 ; Matth., iv, 13-17. Il y choisit définitivement, sur les bords du lac, Simon, André, Jacques et Jean, pêcheurs de poissons dont il voulait faire des « pêcheurs d’hommes ». Ce choix avait été immédiatement précédé d’une pêche miraculeuse, qui rendit invincible l’appel du Maître et donna aux nouveaux élus quelque idée du ministère qui allait leur être assigné. Matth., iv, 18-22 ; Marc, i, 16-20 ; Luc, v, 1-11. La ville de Capharnaum était comme un centre d’où Jésus rayonnait dans toute la région. Matth., iv, 23 ; Marc, I, 35-39 ; Luc. iv, 42-44. Sa parole, accompagnée de miracles, soulevait l’enthousiasme dans toute la contrée. Il ne pouvait entrer dans une bourgade sans qu’on accourût de tous côtés pour l’entendre et lui-faire guérir des malades ; l’aflluence était d’ailleurs la même dans les lieux inhabités. Partout il n’était bruit que de ces merveilles. Marc, i, 45 ; Luc, iv, 37 ; v, 15, 16. À Capharnaum, les miracles avaient quelque chose de plus saillant. C’est là que Jésus guérit un démoniaque, la belle-mere de Pierre et le paralytique qu’il fallut descendre par le toit. Les circonstances de cette dernière guérison montrent que l’empressement des foules n’était pas moindre dans la ville que dans les campagnes. Déjà aussi l’on voit, surgir l’opposition contre l’enseignement nouveau : des’pharisiens et des scribes se formalisent que Jésus o « e remettre les péchés. Matth., ix, 1-8 ; Marc, ii, 1-12 ; Luc, v, 17-26. Ils vont encore murmurer quand le Sauveur, après avoir appelé à sa suite le publicain Matthieu, ira s’asseoir à la table des pécheurs et laissera ses disciples se dispenser des jeûnes institués par l’autorité des docteurs. Matth., ix, 11-17 ; Marc, II, 13-22 ; Luc, v, 27-39. — Ici se termine cette première mission galiléenne ; car aussitôt après les derniers incidents, Jésus se rend à Jérusalem pour le « jour de fête ». Joa., v, 1. Si ce jour de fête est la Pâque, Notre-Seigneur aurait employé presque toute une année à parcourir la Galilée et à y prêcher. Sa prédication paraît d’ailleurs s’être concentrée sur une donnée assez simple : la pénitence et la réforme des mœurs, comme moyen d’entrer dans le royaume messianique. Les miracles qui l’accompagnaient déterminaient les esprits à regarder Jésus comme le Messie et à croire en sa parole ; la réforme intérieure était aidée par la rémission des péchés qui résultait soit de la déclaration directe du Sauveur, soit du baptême administré par ses disciples. L’impression que laissent les récits de cette première mission en Galilée, c’est que le Sauveur, procédant progressivement, avait tenu d’abord à préparer les voies à une révélation plus complète de la vérité évangélique.

Seconde mission en Galilée.

Au retour de Jérusalem,

les disciples cueillirent quelques épis dans les champs le jour du sabbat, et, à un sabbat suivant, Notre-Seigneur guérit un homme qui avait la main desséchée. Ces faits inspirèrent aux pharisiens de nouvelles plaintes sur l’inobservation de la loi sabbatique et la résolution arrêtée de perdre le Sauveur. Matth., xii, 1-14 ; Marc, n, 23-in, 6 ; Luc, vi, 1-11. Jésus se retira alors sur les bords du lac de Tibériade ; mais sa réputation était déjà si célèbre qu’on accourait à lui, non seulement de Galilée, de Judée et de Jérusalem, mais encore de tous les pays qui avoisinaient la Palestine. Matth., iv, 24, 25 ; Marc, iii, 7-12 ; Luc, vi, 17-19. C’est à cette époque qu’il fit choix de douze disciples qu’il appella « apôtres ». Voir Apôtres, 1. 1, col. 782-787. Il s’agissait donc désormais de préparer l’organisation du « royaume de Dieu » en jetant les bases de l’Église. Matth., x, 2-4 ; Marc, iii, iUd

JESUS-CHRIST

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13-19, Luc, vt, 12-16. Mais, pour entrer dans ce royaume, il fallait se conduire d’après certains principes, parfois assez différents de ceux qui faisaient loi dans le monde juif, pour qu’il fût nécessaire d’en donner une vue d’ensemble, claire et saisissante. Les règles de la loi nouvelle furent formulées par le divin Maître dans un entretien mémorable, à la fois solennel et familier, qui est connu sous le nom de « sermon sur la montagne ». C’est en effet sur les flancs d’une montagne que saint Matthieu, v, 1, place la scène de cet entretien. Voir Béatitudes (Mont des), t. i, col. 1528-1531. Saint Luc, vi, 17, parle d’une plaine, èrfk zinov TtsSivoO, ce qui peut s’entendre d’un plateau situé sur les flancs de la montagne. Il se pourrait aussi que l’entretien ait eu lieu un peu plus tôt, avant le dernier voyage à Jérusalem, comme il faudrait le conclure d’après la place que saint Matthieu lui donne dans son récit. Mais on sait que cet évangéliste ne s’astreint pas aussi exactement que saint Luc à l’ordre chronologique. Il est probable d’ailleurs que le diin Maître a répété plus d’une fois les mêmes enseignements, et l’on peut encore admettre que les deux évangélistes rapportent des entretiens qui se ressemblent beaucoup, mais qui ont été prononcés dans des occasions différentes. NotreSeigneur avait devant lui, au premier plan, ses nouveaux apôtres et ses disciples, et, au second plan, une foule accourue de tous les environs. A tous, il proposait une doctrine à croire, et aux premiers un enseignement moral à comprendre et à retenir de manière à pouvoir le prêcher plus tard. C’était donc réellement comme la promulgation de la loi nouvelle, pour des âmes disposées par la première mission du Sauveur. Néanmoins, le sermon sur la montagne est loin de fournir un code complet de la morale évangéhque ; il n’en touche que quelques points principaux, sur lesquels l’attention des auditeurs du divin Maître avait sans doute plus particulièrement besoin d’être attirée à cette période de son ministère public. L’instruction débute par huit maximes appelées c< béatitudes » et que saint Luc réduit à quatre. Ces maximes énoncent des vérités dont plusieurs ont dû sembler singulièrement paradoxales à ceux qui les ont entendues les premiers, mais qui, dès l’abord, caractérisent très nettement la différence qui existera entre ce rojaume messianique, tel que Jésus-Christ entend l’établir, et celui dont les Israélites se sont fait une conception arbitraire et conforme à leurs préjugés. La suite du discours contient des préceptes et des conseils moraux qui se rattachent assez étroitement aux béatitudes. Cf. H. Lesêtre, N.-S. J.-C. dans son saint Évangile, Paris, 1892, p. 165-180. — Après cette instruction, le Sauveur continua à parcourir la Galilée. On le voit successivement à Capharnaum, où il guérit le serviteur d’un centurion, et à Naim, où il opéra la première résurrection qu’aient racontée les Évangélistes. Matth., viii, 5-13 ; Luc, vii, 1-17. À ce moment intervinrent des disciples de Jean-Baptiste qui, dans sa prison, avait entendu parler des merveilles accomplies par Jésus et lui envoyait poser cette queslion : « Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Matth., xi, 3 ; Luc, vii, 19. Le Précurseur avait déjà solennellement reconnu en Jésus le Messie. Joa., i, 29-34 ; iii, 26-36. Pour admettre chez lui une hésitation ou une défaillance de la foi, par suite des ennuis de son emprisonnement, il faudrait que la question posée interdise toute autre interprétation. Or les Pères qui se sont occupés de ce passage ont été à peu près unanimes à remarquer que la question a été posée, non pour exprimer un doute, mais pour provoquer une déclaration du Sauveur, qui rattachât à ce dernier les disciples de Jean, plus que jamais dévoués à leur maître depuis qu’il était persécuté. Cf. S. Augustin, Serni., lxvi, 4, t. xxxviii, col. 432 ; Knabenbauer, Èvang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 417-420. Notre-Seigneur répondit à l’interrogation en revendiquant pour

lui-même les caractères qu’Isaïe avait assignés au Messie, et en montrant en Jean-Baptiste le précurseur, l’Élie prédit parMalachie. Matth., xi, 2-15 ; Luc, Ml, 1830. Par cette réponse, Jésus attirait sur son activité messianique l’attention des disciples de Jean, et même à supposer que le Précurseur ait eu quelque impatience à voir fonder le grand « royaume de Dieu » qu’on attendait, elle donnait à entendre que le Sauveur s’occupait de cette œuvre, mais dans les conditions qu’avait prédites Isaie et que lui-même il adoptait. Malgré la prédication et les miracles du Sauveur, le succès ne répondait pas toujours à ses efforts. Il y avait des villes qui repoussaient le royaume de Dieu. Matth., xi, 20-24. Par contre, les âmes humbles et, à leur suite, des âmes pécheresses y entraient. Matth., xi, 25-30 ; Luc, vii, 3650. Le Sauveur se remit donc avec un nouveau zèle à parcourir villes et bourgades, Luc, viii, 1-3, poursuhi des lors par des scribes et des pharisiens venus de Jérusalem pour gêner une propagande vue de mauvais œil par les autorités religieuses. Matth., xii, 24 ; Marc, iii, 22. Parfois il était obligé d’avoir avec eux des discussions doctrinales analogues à celles qu’on lui imposait dans la capitale. Matth., xii, 25-37 ; Luc, xi, 16-26. Il tenait pourtant à ne pas se départir de la forme de prédication simple et populaire qu’il avait adoptée en Galilée. Les synoptiques lui font inaugurer à ce moment l’enseignement par paraboles. Matth., xiii, 1 ; Marc, iv, 1 ; Luc, vm, 4. Il prenait soin d’ailleurs de donner à ses Apôtres la clef des paraboles, afin qu’à leur tour ils puissent transmettre la doctrine contenue dans cette enveloppe comme le fruit dans son écorce. Quand il les jugea bien préparés par l’exemple de sa propre prédication, il les envoya à leur tour en mission, exclusivement dans la région galiléenne, non sans leur avoir donné d’utiles avis sur la manière de se comporter et les avoir munis du pouvoir de chasser les démons et de guérir les malades. Les Apôtres s’en allèrent sur l’ordre du Maître et exécutèrent heureusement ce qu’il leur avait prescrit. Matth., x, 1-xi, 1 ; Marc, vi, 7-13 ; Luc, ix, 1-6. — Le résultat de cette seconde mission galiléenne était important. Jésus-Christ avait confirmé son autorité messianique par de nombreux miracles, tormulé sa doctrine d’une manière plus complète, revêtu de gracieuses paraboles les idées fondamentales du « rojaume des cieux », et enfin exercé ses Apôtres au ministère auquel ils auraient à se consacrer après lui. La Galilée avait été parcourue dans tous les sens, Matth., ix, 36-38 ; Marc, vi, 6, et le divin Maître s’y était dépensé sans compter pour le succès de son œuvre.

La crise messianique en Galilée.

Au cours de

cette seconde mission du Sauveur, saint Jean-Baptiste avait été mis à mort par Hérode, et ce prince, interprétant avec ses idées superstitieuses les espérances messianiques dont il était bruit dans tout le pays, s’imagina que Jean-Baptiste revivait en Jésus. Matth., xiv, 1, 2 ; Marc, vi, 14-16. Quand les Apôtres furent revenus de leur mission, peu de temps après la mort de Jean-Baptiste et quelques jours seulement avant la Pàque, le Sauveur passa avec eux au nord-est du lac de Tibériade. Il y fut suivi par une multitude de personnes qu’avait attirées le désir de voir les prodiges opérés par Jésus en faveur des malades. Beaucoup d’entre eux, d’ailleurs, faisant route vers Jérusalem pour la Pâque, profitaient de leur passage aux environs de Capharnaum pour , » oîr celui dont on parlait tant de tous côtés. C’est en faveur de cette foule que le Sauveur accomplit une première multiplication des pains dans le désert. Matth., xiv, 13-21 ; Marc, vi, 30-44 ; Luc, ix, 10-17 ; Joa., vi, 1-13. Ce miracle enthousiasma à tel point la foule qu’elle s’apprêta à entraîner Jésus et a le proclamer roi de ce grand royaume messianique et temporel que tous attendaient. Jésus lit partir en avant par le lac ses Apôtres, trop enclins à partager des préjugés dans lesquels leur

intérêt personnel trouvait son compte. Lui-même les rejoignit la nuit en marchant sur les eaux et se remit à parcourir les environs de Génésarelh en continuant à guérir les malades, même au simple contact de ses vêtements. Matth., xiv, 22-36 ; Marc, vi, 45-56 ; Joa., vi, 14-21. La popularité de Jésus atteignait alors son apogée dans la région galiléenne ; pour peu qu’il s’y fût prêté, tout le peuple se soulevait en sa faveur et saluait en lui le roi de ses espérances, mais dans des conditions que le Sauveur ne pouvait accepter. L’occasion se présenta tout aussitôt pour lui de remettre les esprits au point. Dans la synagogue de Gapharnaûm, on mit en parallèle le pain qu’il venait de multiplier et la manne du désert. Jésus expliqua à ses interlocuteurs qu’ils avaient à chercher, non le pain matériel et périssable, mais celui de la vie éternelle, la vérité qu’il enseignait, puis son corps et son sang qu’il donnerait un jour en nourriture. Cette explication les révolta. Au lieu d’un Messie disposé à réaliser leurs rêves de royaume temporel et de domination universelle, ils ne trouvaient plus en face d’eux que des promesses spirituelles et qu’un aliment surnaturel dont l’idée même paraissait inconcevable. Bon nombre d’entre eux se refusèrent à être plus longtemps les disciples d’un Maître si peu conforme à leur attente. Les préjugés de ces hommes ne leur permettaient pas de voir en Jésus le véritable Messie ; ils travaillaient, avec un lamentable succès, à tourner de plus en plus l’opinion contre lui. Mis en demeure de se prononcer à leur tour, les Apôtres restèrent fidèles au divin Maître. Joa., vi, 22-72. Notre-Seigneur, à la suite de ces incidents, ne se rendit pas à Jérusalem pour la Pâque ; il se contenta de continuer ses courses en Galilée. Joa., vii, 1. Dès lors cependant, les synoptiques le montrent beaucoup moins occupé à instruire le peuple, qu’à se défendre contre les pharisiens et à former ses Apôtres à leur futur ministère. — Les émissaires venus de Jérusalem lui cherchent d’abord querelle au sujet des ablutions et des pratiques instituées par les docteurs. Jésus leur répond, instruit ses Apôtres sur ce sujet, puis quitte momentanément le pays de Galilée, comme pour pouvoir s’occuper plus librement de l’instruction de ses Apôtres. Matth., xv, 1-20 ; Marc, vii, 1-23. De retour en Galilée, après avoir enjoint à ceux-ci de ne dire à personne qu’il était le Christ, Fils de Dieu, Matth., xvi, 20 ; Marc, viii, 30 ; Luc, IX, 21, il retrouva en face de lui l’hostilité croissante que suscitaient les autorités de la capitale. Il en prit occasion pour faire à ses Apôtres une première révélation de sa passion future. Cette révélation les décontenança singulièrement, surtout quand le Maître ajouta que, pour être ses vrais disciples, ils auraient, eux aussi, à porter leur croix. Matth., xvi, 21-28 ; Marc, viii, 31-39 ; Luc, ix, 22-27. La transfiguration, qui suivit de près, raffermit la foi, au moins chez les trois principaux Apôtres. Mais, à la descente de la montagne, Jésus trouva les neuf autres entourés d’incrédules. Avant de guérir le malheureux que ses Apôtres n’avaient pu soulager, il jugea à propos de manifester à cette population incroyante et malveillante ce qu’il pensait d’elle. Matth., xvii, 16 ; Marc, IX, 18 ; Luc, ix, 41. En fait, ses frères eux-mêmes, c’est-à-dire ceux de ses parents qu’il n’avait pas appelés à l’apostolat, n’avaient pas foi en lui, et le monde le poursuivait de sa haine. Joa., vii, 5, 7. Il quitta alors la Galilée, comme à la dérobée, et se rendit secrètement à Jérusalem pour la fête des Tabernacles. Marc, ix, 29 ; Joa., vii, 10. — Humainement parlant, les six derniers mois passés en Galilée, de la Pàque à la fête des Tabernacles, avaient imprimé au succès de l’œuvre messianique un sérieux mouvement de recul. Jésus-Christ, auquel les deux missions précédentes avaient gagné le cœur des Galiléens, rencontrait désormais au milieu d’eux la défiance^ l’incrédulité et la malveillance. Tels n’étaient pas, sans doute, les sentiments de tous ; mais, avec leur perfide habileté, les meneurs venus de Jérusalem

gagnaient aisément ceux dont les espérances se trouvaient ruinées par la manière dont le Sauveur entendait son rôle messianique. Cependant, à un point de vue supérieur, le temps fut loin d’être perdu. Le divin Maître l’avait très utilement employé à l’instruction et à la formation de ses Apôtres, et, du moment qu’il voulait semer pour toute l’humanité et pour tous les siècles, il y avait médiocre intérêt à ce que la semence levât plus ou moins heureusement dans le petit pays de Galilée.

Le dernier séjour en Galilée.

Après avoir célébré

à Jérusalem la fête de la Dédicace, le 25 du mois de casleu, c’est-à-dire au commencement de décembre, Notre-Seigneur revint en Galilée et y resta quelque temps. Matth., xvii, 21. Il prédit alors à nouveau sa passion, paya pour lui-même et pour Pierre l’impôt du didrachme, et fit à ses Apôtres deux recommandations, sur la simplicité de l’enfant qu’il faut imiter et sur la tolérance envers les disciples de bonne volonté qui se mettaient à prêcher en son nom. Matth., xvii, 21-xviii, 5 ; Marc, ix, 30-40 ; Luc, ix, 44-50. Puis, avec ses Apôtres et une escorte de disciples fidèles, il se mit en route pour Jérusalem où, quelque trois mois après, allait se consommer sur le Calvaire sa carrière messianique. Saint Luc, IX, 51-xviii, 14, est seul à raconter ce suprême vojage, quant à sa partie galiléenne, mais il le raconte avec une assez grande richesse de détails. Le Sauveur avait-il dessein de traverser directement la Palestine du nord au sud, en passant par la Samarie, ou seulement de longer la frontière qui sépare la Galilée de la Samarie, en s’arrêtant tantôt dans l’une et tantôt dans l’autre ? L’Évangéliste ne le dit pas. Voir Galilée, col. 88, et la carie. Toujours est-il qu’à sa dernière apparition sur le sol samaritain, on refusa de lui donner passage, par suite de la violente antipathie des gens du pays contre tous ceux qui venaient de Jérusalem ou qui s’y rendaient. Luc, ix, 53. Le divin Maître dut donc cheminer de l’ouest à l’est, en se tenant sur le territoire galiléen. Il poursuivit pendant ce vojage son ministère évangélique, en instruisant tantôt ses disciples, tantôt les populations, et en multipliant les bienfaits et les miracles sur son passage. Tout d’abord, il choisit soixante-douze de ses disciples, leur donna des avis analogues à ceux qu’avaient jadis reçus les Apôtres, et les envoya deux par deux en mission devant lui, laissant ainsi à entendre que les Apôtres auraient à être aidés par des ministres inférieurs dans la prédication de l’Évangile. Luc, x, 1-12. Cette mission, comme celle du Sauveur, rencontra des oppositions ; ce furent ordinairement les plus humbles d’entre le peuple qui accueillirent la bonne parole. Luc, x, 13-24 ; xi, 27-36. De là des reproches adressés aux villes infidèles et des comparaisons peu flatteuses pour ceux qui ne tiraient aucun fruit de sa prédication. Luc, x, 13-16 ; xi, 29-36. — La Sauveur, parfois reçu chez des amis, comme Marthe et Marie, Luc, x, 38-42, poursuivait avec zèle la formation de ses Apôtres et de ses disciples. Il leur adressa, au cours de ce voyage, ou leur répéta d’importantes instructions sur la prière, Luc, xi, 1-13, sur la providence du Père, Luc, xii, 22-54, sur la vigilance, Luc, xii, 35-48, sur le feu qu’il apportait lui-même à la terre, Luc, xii, 49-53, sur la fidélité au service de Dieu, Luc, xvi, 1-13, sur les scandales du monde, Luc., xvii, 1-2, sur la correction fraternelle, Luc, xvii, 3, 4, sur le bon et fidèle serviteur, Luc, xvii, 5-10, et encore sur la prière. Luc, xviii, 1-8. Quand l’occasion s’en présentait, il parlait directement aux foules de la vanité des richesses, Luc, xii, 13-21, de la venue du Messie, Luc, XII, 54-59, de la nécessité de la pénitence, Luc, xiii, 1-9, du royaume de Dieu, Luc, xiii, 18-21, des conditions du salut, Luc, xiii, 22-30, des qualités requises pour devenir son disciple. Luc, xiv, 25-35. Il encourageait au repentir par la parabole de l’enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, et à l’humilité par celle du pharisien et du publicain. Luc, XVIK,

9-14. Il gardait si peu rancune aux Samaritains de ne l’avoir pas reçu que, dans une autre parabole, il faisait d’un Samaritain le modèle de la charité fraternelle. Luc, x, 25-37. Il continua d’ailleurs à côtoyer les frontières de leur province, de sorte que, quand il guérit dix lépreux, ce fut un Samaritain, le seul du reste parmi les dix, qui vint le remercier. Luc, xviii, 9-14. — Ce qui est surtout à remarquer, pendant ce dernier voyage en Galilée, c’est la surveillance, ordinairement malveillante, que les scribes et les pharisiens exercent sur les démarches et sur les paroles de Notre-Seigneur. Luc, xi, 53-54. Ils lui cherchent querelle à propos d’un démon qu’il a chassé, Luc, xi, 14-26, ou des guérisons qu’il a opérées le jour du sabbat. Luc, xiii, 10-17 ; xiv, 1-15. Ils tentent de l’éloigner en le menaçant d’une intervention d’Hérode. Luc, xiii, 31-35. Ils trouvent mauvais qu’il entre en relations avec des pécheurs. Luc, xv, 1-10. Le divin Maître ne dédaigne pas de les éclairer. C’est à eux qu’il adresse ses paraboles du festin, Luc, xiv, 16-24, et du mauvais riche. Luc, xvi, 19-31. C’est devant eux qu’il stigmatise l’hypocrisie et le respect humain, Luc., xii, 1-12, et qu’il explique les conditions de l’avènement du Christ. Luc, xvii, 20-37. C’est contre eux enfin qu’il s’élève avec force, pour pallier le mauvais effet que produisent sur le peuple leurs discours et leurs exemples. Luc, xi, 37-54 ; xvï, 14-18. — Parvenu à la rive droite du Jourdain, le Sauveur quitta la Galilée pour n’y plus reparaître qu’après sa résurrection. Durant son dernier séjour, il avait continué son œuvre, malgré l’opposition de ses ennemis ; la foi en sa mission divine avait perdu en étendue dans le pays, mais pour gagner en profondeur et en solidité dans le cœur de ses vrais disciples.

111. LES EXCURSIONS HORS DE LA PALESTINE. — 1° En

Samarie. — Bien que la Samarie fit géographiquement partie de la Palestine, elle y formait comme une enclave étrangère, entre la Judée et la Galilée. Voir Samarie. Notre-Seigneur traversa le pays au commencement de son ministère public. Il constata lui-même que la moisson des âmes y arrivait à maturité. Joa., iv, 35. Mais il ne resta que deux jours en Samarie. Joa., iv, 40. À la fin de son ministère, il sembla vouloir y revenir, mais en fut empêché par le mauvais vouloir des habitants. Luc, ix, 53. La semence évangélique ne fut donc pas jetée dans l’ensemble de ce champ par Notre-Seigneur. Cette œuvre fut réservée aux Apôtres. Act., i, 8 ; vin, 25.

Au pays des Géraséniens.

Pendant sa seconde

mission en Galilée, Notre-Seigneur traversa un jour avec ses Apôtres le lac de Tibériade, sur lequel se déchaîna une furieuse tempête qu’il apaisa, Matth., viii, 23-27 ; Marc, iv, 35-40 ; Luc, viii, 22-25, et aborda sur la côte orientale. Voir Géraséniens (Pays des), col. 200-207. Là il guérit un possédé et permit à une légion de démons d’entrer dans le corps de pourceaux qu’ils firent périr. Son séjour fut très court, parce que les Géraséniens effrayés le prièrent de s’en retourner. Matth., vm, 28-34 ; Marc, v, 1-20, Luc, viii, 26-39.

En Phénicie.

Peu après la multiplication des

pains et l’éloignement d’un grand nombre de disciples, à la suite des déclarations faites par le divin Maître dans la synagogue de Capharnaum sur le caractère spirituel de sa mission, Joa., vi, 60-67, eut lieu l’excursion sur le territoire phénicien. Matth., xv, 21 ; Marc, vii, 24, 31.’Notre-Seigneur ne s’y rendit pas pour prêcher l’Évangile, car il n’était envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël, Matth., xv, 21 ; il venait seulement pour s’y dérober momentanément à l’empressement et aussi aux contradictions dont il était l’objet en Galilée. Marc, vu, 24. Le pays, placé sous la juridiction romaine, avait pour villes principales Tyr et Sidon. Voir Phénicie. Le Sauveur n’alla probablement pas jusqu’auprès de ces cités païennes. Cf. Matth., xi, 21. Il se contenta de séjourner dans les régions les moins habitées. Son vœu

pourtant ne fut pas accompli. Sa renommée l’y avait précédé depuis longtemps, puisque déjà assistaient au sermon sur la montagne une foule de gens accourus de Tyr et de Sidon. Matth., iv, 24 ; Luc, vi, 17. Quand sa présence eut été ébruitée, une femme païenne du pays vint demander la guérison de sa fille tourmentée par le, démon ; elle implora le divin Maître avec tant de confiance et de persévérance qu’elle obtint ce qu’elle désirait. Matth., xv, 22-28 ; Marc, vii, 25-30. Tel fut le seul incident noté par les Évangélistes à l’occasion d’un séjour qui ne dut pas se prolonger beaucoup.

En Décapote.

On appelait de ce nom les villes et

la contrée situées sur la rive orientale du lac de Tibériade. Voir Décapole, t. ii, col. 1333-1336. Cette région avait fourni à Notre-Seigneur beaucoup de ses auditeurs en Galilée, Matth., iv, 25, et le démoniaque gérasénien y avait publié sa guérison. Marc, v, 20. C’est là que le Sauveur se rendit après avoir quitté le pays phénicien. Matth., xv, 29 ; Marc, vii, 31. On lui amena aussitôt une, foule de malades qu’il guérit, entre autres un sourd-muet, et toute la population en fut transportée d’admiration. Matth., xv, 3CM31 ; Marc, vii, 32-37. Pour récompenser leur empressement, et aussi sans doute pour signifier que les dons promis aux Israélites étaient également destinés aux païens et à tout l’univers, Jésus renouvela en leur faveur le miracle de la multiplication des pains, dans des conditions analogues à celles qui s’étaient produites peu auparavant en Galilée. Matth., xv, 32-38 ; Marc, viii, 1-9. Le divin Maître ne resta vraisemblablement que quelques jours dans ces parages.

En Gaulanitide.

C’était le pays situé au nord-est

du Jourdain ; il faisait partie de la tétrarchie de Philippe. Voir Gaulon, col. 116-117. De la Décapole, Jésus, remonta vers le nord, aux environs de Dalmanutha. Matth., xv, 39 ; Marc, viii, 10. Voir Dalmanutha, t. ii, col. 1209-1211. Des pharisiens et des sadducéens, que n’avaient pas satisfaits les multiplications des pains, l’y, poursuivirent en réclamant un signe dans le ciel. Il leur répondit qu’ils n’auraient d’autre signe que celui de Jonas. Puis, redescendant vers le lac de Tibériade, il le traversa en barque. Matth., xvï, 1-12, Marc, viii, 11-21. Arrivé à Bethsaide, où il ne voulait sans doute que passer, il guérit un aveugle, auquel il recommanda de taire ce qui était arrivé. Marc, viii, 22-26. Ensuite, continuant à se dérober aux Galiléens, il remonta beaucoup plus au nord, jusque dans la région qui dépendait de Césarée de Philippe. Matth., xvï, 13 ; Marc, vin, 27 ; voir Césarée de Philippe, t. ii, col. 450-456. Là, en récompense de la fermeté avec laquelle Pierre salua en lui le Christ, le Fils du Dieu vivant, il lui annonça qu’il ferait de lui la pierre fondamentale et inébranlable de son Église. Matth., xvï, 13-19 ; Marc, viii, 27-29 ; Luc, ix, 18-20. Faite en lieu païen, cette promesse indiquait que l’Église future ne serait pas pour les seuls Israélites, mais pour l’universalité des hommes.

— Les Évangélistes ne marquent pas le temps que Notre-Seigneur consacra à ces différentes excursions en Phénicie, en Décapole, en Gaulanitide. Les incidents que notent leurs récits auraient pu se dérouler en quelques jours seulement. Il est à croire cependant que Notre-Seigneur a voulu se soustraire à la Galilée durant un temps beaucoup plus notable, puisqu’il entrait dans ses vues de répondre à l’ingratitude et à l’incrédulité des Galiléens par une plus grande réserve dans l’expansion de ses bienfaits. Les auteurs sacrés n’ont raconté, de ces excursions, que les faits principaux.

En Pérée.

On donnait ce nom au pays qui

s’étend à l’est du Jourdain, de la mer Morte au lac de Tibériade. Voir Pérée. Notre-Seigneur y arriva au cours de son dernier voyage, lorsque, après avoir suivi de l’ouest à l’est la frontière qui sépare la Galilée de la Samarie, il franchit le Jourdain. Matth., xix, 1 ; Marc, x, 1 ; Joa., x, 40. Ce pays lui avait aussi envoyé de nombreux audi

tenrs quand il parla snr la montagne. Matlh., iv, 23. Jésus Christ ne s’y contenta pas, comme dans les régions païennes de Phénicie et de Gaulanitide, de converser avec ses Apôtres. Il séjourna quelque temps, guérit les malades, instruisit les foules et gagna beaucoup de disciples. Matth., xix, 2 ; Marc, x, 1 ; Joa., x, 41, 42. Les pharisiens l’abordèrent de nouveau et le questionnèrent sur le divorce ; le divin Maître en prit occasion pour faire devant ses Apôtres une allusion élogieuse au célibat volontaire. Matth., xix, 3-12 ; Marc, x, 2-12. Chemin faisant, il se plaisait à bénir les enfants, en recommandant d’imiter leur simplicité. Malth., xix, 13-15 ; Marc, x, 13-16 ; Luc, xviii, 15-17. La rencontre d’un jeune homme vertueux, qui n’eut pas le courage de renoncer à tout, fut suivie d’une instruction sur la pauvreté évangéhque et sur la récompense promise à ceux qui la pratiqueraient. Matth., xix, 16-30. Marc, x, 17-31 ; Luc, xviii, 1830. Saint Matthieu, xx, 1-16, place ici la parabole des ouvriers envoyés à la vigne. Jésus était au delà du Jourdain quand, de Béthanie, Marthe et Marie lui envoyèrent annoncer la maladie de leur frère Lazare. Il demeura encore deux jours en Pérée, puis se mit en route pour aller ressusciter son ami, qui était mort sur ces entrefaites. Joa., xi, 1-16. Il quitta alors la Pérée pour n’y plus revenir. — Le séjour du Sauveur dans ces différentes contrées situées hors de Palestine fut donc relativement court. Le divin Maître prépara du moins, par ses miracles, l’évangéhsation future de ces régions ; il les récompensa par sa présence de l’empressement avec lequel une partie de leur population était venue le trouver en Galilée. Ces pays lui offrirent d’ailleurs une retraite quand il jugea à propos de répondre à l’incrédulité des Galiléens par la soustraction momentanée de son enseignement et de ses bienfaits, pour se consacrer plus exclusivement à la formation de ses Apôtres.

IV. LE MINISTÈRE EN JUDÉE ET À JÉRUSALEM.

Bien

que résidant habituellement en Galilée, au cours de sa vie publique, Notre-Seigneur ne laissa pas de paraître de temps en temps à Jérusalem, ordinairement à l’époque des^ grandes fêtes. Les synoptiques, dont les évangiles servirent de thème à la prédication apostolique, et qui, pour cette raison, se sont à peu près bornés aux récits et aux instructions plus populaires du ministère galiléen, ont passé presque entièrement sous silence les apparitions du Sauveur à Jérusalem. Ces dernières font l’objet principal de l’Évangile de saint Jean. De là une si notable dissemblance entre cet Évangile et les autres. La scène n’est plus la même. Les interlocuteurs surtout sont absolument différents. Si la Galilée offrait au divin Maître une population simple et disposée à faire accueil à la bonne nouvelle, la Judée au contraire lui opposait sa morgue, ses préventions contre un prophète venu d’une province méprisée, son entêtement à suivre des usages ou à s’astreindre à des règles minutieuses qui, sous prétexte de vénération pour la loi divine, n’aboutissaient qu’à l’altérer ou même à la rejeter au second plan, enfin, son intransigeance à l’égard de toute doctrine, de toute forme de vie, de toute mission messianique en désaccord avec les idées reçues. De plus, c’est à Jérusalem surtout que se rencontraient, à l’état militant, les adeptes des deux grandes sectes juives : les pharisiens, scribes et docteurs, zélateurs de la loi dont ils s’étaient fait une conception arbitraire et étroite, attachés à leurs pratiques de piété traditionnelles, portant avec impatience le joug romain et attendant un Messie qui les en délivrerait, en réalisant au sens temporel et politique les antiques promesses, et, en face d’eux, les sadducéens, matérialistes avoués, nantis de toutes les charges lucratives, y compris le souverain pontificat, en bons termes avec les Romains dont l’autorité protégeait leur situation, et n’ayant aucun désir de voir surgir un Messie qui bouleverserait un étal de choses dont ils étaient pleinement satisfaits. Voir Pharisiens, Sadducéens.’Autour d’eux, et s’inspirant surtout des doctrines pharisiennes, vivait un. peuple fort différent des Galiléens, les Juifs ou habitants de la Judée. Ce peuple avait foi en ses docteurs, mais il n’était pas inaccessible aux idées élevées, ce qui fait que de temps en temps au moins Notre-Seigneur recueillera de sa part de vraies marques de sympathie. Enfin, à Jérusalem, le Sauveur avait à compter avec le sanhédrin, la grande autorité religieuse de la nation. Voir Sanhédrin. Le sanhédrin avait le droit de réclamer ses titres de créance à quiconque se présentait comme docteur, comme prophète, comme investi d’une mission spirituelle et surtout comme Messie. Il n’avait pas manqué d’exercer ce droit quand Jésus fit, pour la première fois, acte d’autorité dans le Temple. Joa., ii, 18. À plusieurs reprises, les synoptiques nous montrent Jésus épié et interrogé par des émissaires ou des représentants du sanhédrin. Luc, v, 21, 30 ; VI, 2, 7 ; Marc, iii, 22 ; Matth., xii, 38 ; Marc, vii, 1 ; viii, 11 ; Luc, xiii, 14, 31 ; xvii, 20, etc. Dans un pareil milieu, Notre-Seigneur ne pouvait se comporter comme en Galilée. Avec les scribes et les docteurs de la loi, il lui fallut exposer sa doctrine sous une forme dogmatique et abstraite, répondre aux objections de ses adversaires et déjouer toutes leurs subtilités. Ses miracles devaient aussi avoir une portée plus grande, par conséquent être accomplis dans des conditions telles qu’ils pussent servir de preuve à sa mission. Voilà pourquoi dans l’Évangile de saint Jean, qui raconte le ministère de Jésus à Jérusalem, les paraboles et les entretiens familiers font place à des expositions ou à des discussions doctrinales dont la plupart dépassaient de beaucoup la portée du simple peuple. L’Évangile à prêcher au monde ne pouvait revêtir la forme qui convenait à des auditeurs experts dans la science religieuse. Aussi le Sauveur passa-t-il la plus grande partie de son ministère public en Galilée ; il ne fit à Jérusalem que de courts séjours, à l’époque des grandes fêtes, ainsi que saint Jean le marque avec soin. Il y parut une première fois, comme nous l’avons vii, au début de sa prédication. Joa., ii, 13-Hl, 36. Voici ce qui se passa aux autres séjours du divin Maître dans la ville sainte ou en Judée. 1° À la seconde Pâque.

Sa première visite avait eu

lieu à l’occasion de la fête de la Pâque. Joa., ii, 13. La seconde se fit à l’occasion d’une fête que l’Évangéliste désigne par éopiîj ràv’IouSatwv, ou, dans beaucoup de manuscrits, ï| êopTîj, dies festus Judœorum, fête que l’on croit communément être la Pâque, mais qui pourrait à la rigueur être une autre grande solennité. Au cours de l’octave de la fête, Jésus fit un grand miracle le jour du sabbat. Il guérit un paralytique qui se tenait depuis trente-huit ans à la piscine probatique, et lui ordonna de s’en retourner chez lui en emportant son grabat. D’où émoi des Juifs, aux yeux de qui porter un fardeau était violer le sabbat. Voir Bethsaide, 1. 1, col. 1723-1732. L’ordre d’agir ainsi fut vraisemblablement donné au paralytique pour attirer l’attention sur le miracle et provoquer une explication. Jésus la fournit. Il se présenta comme Fils du Père, sans cesse en activité comme le Père, opérant des miracles pour attester sa filiation divine, et investi par le Père du pouvoir déjuger vivants et morts. Pour appuyer ses affirmations, il fit appel à trois preuves : le témoignage de Jean-Baptiste, ses propres miracles et les prédictions de l’Écriture accomplies en sa personne. Les docteurs d’Israël étaient insensibles à ces preuves ; leur incrédulité pouvait être d’un funeste exemple pour le peuple. Aussi le Sauveur leur reprocha-t-il de n’en croire qu’à eux-mêmes, sans vouloir même se soumettre à la parole de Moise. Joa., v, 1-47. Ainsi ce jour-là, le Sauveur déclara nettement aux autorités religieuses qui il était, et il indiqua les preuves sur lesquelles il appuyait sa parole, preuves dont tous les éléments se trouvaient aux mains des docteurs, et que ceux-ci pouvaient étudier et discuter à leur aise

Leurs préjugés orgueilleux les empêchèrent de conclure ; mais saint Jean n’enregistre aucune réplique de leur part, malgré le blâme direct qui leur fut adressé. La scène décrite par l'Évangéliste a pu se passer tout entière dans l’espace d’une journée ; il est possible toutefois que le divin Maître soit resté à Jérusalem pendant toute l’octave de la fête. — À la Pâque suivante, celle qui précéda sa mort d’une année, Jésus-Christ ne se rendit pas en Judée, parce que les Juifs voulaient le tuer. Joa., vii, 1. Déjà, des sa première visite au Temple, le Sauveur, qui connaissait les Juifs, ne se fiait pas à eux. Joa., ii, 24. Apres le miracle de la piscine probatique, l’idée de la suppression de Jésus par une mort violente devint tellement familière aux Juifs, que quand, à son retour de Jérusalem et probablement encore en Judée, il guérit le jour du sabbat un homme qui avait la main desséchée, des pharisiens et des Hérodiens tinrent conseil ensemble pour aviser aux moyens de le faire périr. Matth., xii, 14 ; Marc, iii, 6 ; Luc, vi, 11. Le Sauveur était donc déjà condamné deux ans avant que le projet pût être exécuté, si la fête dont parle saint Jean, v, 1, est la Pâque. Avec de pareils desseins dans l’esprit, les Juifs étaient-ils en état d’examiner impartialement la doctrine et les œuvres de Jésus ?

À la fête des Tabernacles.

Cette fête se célébrait

le premier jour du mois de tisri, c’est-à-dire vers la fin de septembre. On était donc alors à six mois environ de la mort du Sauveur. Ses proches l’invitèrent à monter avec eux à Jérusalem, afin de s’y produire en public. Il ne voulut pas partir avec eux, sans doute parce qu’ils ne croyaient pas en lui, peut-être aussi parce que, sachant bien ce dont les Juifs étaient capables, il ne voulait arriver dans la ville sainte que quand les Galiléens, favorables en somme à sa personne et à sa cause, s’y trouveraient en nombre pour tenir en respect ses adversaires. Joa., vii, 2-10. Cependant, à Jérusalem, on le cherchait avec d’autant plus d’empressement qu’il n’avait pas paru à la Pâque précédente. Chacun émettait son avis sur sa personne, mais rien ne se disait en public, à cause de la crainte qu’inspiraient les dispositions des Juifs. Joa., vii, 11-13. Au milieu de la fête, Jésus arriva et se rendit directement au Temple. Il y parla de manière à émerveiller ses auditeurs, qui ne savaient d’où lui venait tant de science. Il expliqua que cette science lui venait de son Père, au nom de qui il parlait. Puis, interpellant directement ses adversaires, il leur dit, en présence de toute la foule : « Pourquoi cherchez-vous à me tuer ? » Le miracle de la piscine, opéré un jour de sabbat, était le prétexte. Pourquoi, pour obéir au Père, ne pouvait-il guérir le jour du sabbat, quand les Juifs, pour obéir à Moïse, donnaient la circoncision même ce jour-là ? Il n’y avait rien à répliquer à de telles observations. Les autorités du sanhédrin n’y songeaient d’ailleurs en aucune manière. Tout leur souci était d’exécuter leurs projets homicides. À plusieurs reprises, ils envoyèrent des hommes pour le saisir ; mais ceux-ci n’osèrent le faire, à cause de la foule qui remplissait le Temple. Car, à ceux qui partageaient les vues du sanhédrin se trouvaient mêlés en grand nombre des croyants, que les paroles du divin Maître avaient convaincus et qui, maintenant, disaient tout haut : C’est un prophète, c’est le Christ ! Pour atténuer l’effet de ces adhésions, les pontifes et les pharisiens traitaient de foule ignorante et maudite ceux qui croyaient en Jésus ; ils proclamaient bien haut que le Christ ne pouvait venir de Galilée. Deux fois, pendant le cours des fêtes, et une troisième fois, le dernier jour, on tenta d’arrêter le Sauveur. Mais son heure n'était pas encore venue, parce que lui-même commandait les événements et rendait impuissants les efforts de ses adversaires. Les gardes qu’on envoyait pour le prendre tombaient eux-mêmes en admiration devant ses paroles ; ces hommes qui entendaient discuter les grands docteurs d’Israël déclaraient nettement que personne ne parlait

comme Jésus. La fête se termina sans que le sanhédrin pût rien contre lui, sinon faire ressortir l’origine galiléenne qu’il lui attribuait et qui, d’après la prophétie de Michée, v, 2, paraissait, en effet, incompatible avec la qualité de Messie. Quant au Sauveur, il avait gagné de nombreux disciples et posé la question messianique dans de tels termes qu’il était impossible au sanhédrin de l'éluder. Joa., vii, 14-53.

Le lendemain du dernier jour de la fête, le Sauveur, qui avait passé la nuit au mont des Oliviers, revint aux Temple et se mit à enseigner le peuple accouru auprès de lui. Les scribes et les pharisiens, piqués du reproche qui leur avait été fait de ne pas croire à Moïse, lui posèrent un cas qui, à leur sens, devait le mettre en mauvaise posture devant le peuple, quelque solution qu’il apportât. Ils lui amenèrent à juger la femme adultère. L’affaire tourna à leur confusion et ils se retirèrent les uns après les autres. Voir Femme adultère, t. ii, col. 2199-2201. La discussion reprit bientôt après avec d’autres pharisiens, ceux-ci contestant la valeur du témoignage que Jésus se rendait à lui-même, et le Sauveur en appelant au témoignage que lui rendait son Père. Cette discussion eut lieu près de la salle du trésor, à la droite du parvis des femmes. Voir Gazophylacium, col. 133-135. Il eût été facile de saisir le Sauveur dans ces bâtiments intérieurs du Temple. Saint Jean, viii, 20, remarque qu’on ne le fit pas, toujours parce que son heure n'était pas encore venue. Il continua donc à converser avec les Juifs. On lui demandait : c< Qui êtesvous ? » Il répondit en confirmant ses précédentes déclarations. Il parla ensuite sur la liberté que la vérité évangélique devait apporter à tous. Ce fut le signal d’une scène des plus orageuses. Les Juifs étaient libres, disaient-ils, puisqu’ils avaient Abraham et Dieu même pour pères. Jésus répliqua que la paternité d’Abraham entraînait l’imitation des œuvres d’Abraham, tandis que par leurs pensées et leurs actes les Juifs se montraient plutôt les fils de Satan, homicide dès le commencement. Furieux de cette apostrophe, les Juifs traitèrent le Sauveur de samaritain et de possédé, et comme il en appelait à son Père et affirmait son antériorité à Abraham, ils prirent des pierres pour le lapider. Jésus se déroba à leurs coups et sortit du temple. Joa., viii, 1-59.

Au sabbat qui suivit cette scène, Jésus reparut au Temple, accompagné de ses disciples. Il y guérit un aveugle-né, en frottant ses yeux avec un peu de boue et en l’envoyant se laver -à la fontaine de Siloé. Ce fut grande rumeur parmi les pharisiens, qui virent dans l’acte du Sauveur une violation flagrante du repos sabbatique. Ils n'étaient pas tous d’accord cependant, plusieurs d’entre eux concluant avec raison qu’il y avait la un miracle, et qu’un pécheur ne peut faire de miracles. On fit une enquête en règle, qui n’aboutit qu'à mettre en plus vive lumière la réalité du fait. Les pharisiens eurent beau déclarer très haut qu’ils savaient que Jésus était un pécheur ; l’aveugle guéri répondit avec beaucoup de bon sens que, pour opérer de telles merveilles, il fallait venir de Dieu. Cf. D. Ebersbach, De mirac. piscin. Bethesdss, dans le Thésaurus de Hase et Lken, t. ii, p. 486-493. Aux pharisiens qui se trouvèrent auprès de lui le même jour, le divin Maître observa que, s’il rendait la lumière aux aveugles, il la faisait perdre à certains voyants. Les pharisiens comprirent que ce trait les concernait. Le Sauveur n’en poursuivit pas moins ses instructions au peuple. Il se présenta comme le bon pasteur envoyé par le Père, en opposition avec les faux pasteurs, ces scribes., ces docteurs, ces pharisiens, qui avaient pris la direction spirituelle du peuple, mais se comportaient en brigands. Enfin, à la pensée des complots tramés contre sa vie, il déclara que, sur l’ordre de son Père, il ne quitterait la vie que de sa propre volonté, pour la reprendre ensuite. Pendant ces quelques journées, au plus sept ou huit, le Sauveur avait encore tenté

d'éclairer les Juifs ; il avait opéré un miracle éclatant qui devait les convaincre. On ne lui répondit que par des invectives et par des violences. S’il ne périt pas en cette occasion, c’est qu’il était le maître et que, d’ailleurs, toutes ces scènes se déroulaient au milieu d’une foule considérable qui intimidait les plus violents. Car si beaucoup disaient : « C’est un possédé du démon, un fou, » d’autres répliquaient : « Ses paroles ne sont pas celles d’un possédé, et puis le démon peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? » Joa., x, 1-21.

À la fêle de la Dédicace.

Cette fête, qui durait

huit jours, comme la précédente, commençait le 25 casleu, dans la seconde moitié de décembre. Voir Dédicace, t. ii, col 1339. Les récits évangéliques ne permettent pas de dire ce que fit Notre-Seigneur pendant les trois mois qui s'écoulèrent de la fête des Tabernacles à celle de la Dédicace. Il ne resta certainement pas à Jérusalem, où il était menacé de mort. Il revint probablement en Galilée, son séjour habituel, et y passa ces trois mois ; il est toutefois possible qu’il se soit retiré dans quelque autre région solitaire, pour s’y occuper exclusivement de la formation de ses Apôtres. À la fête de la Dédicace, il reparut dans le Temple et se tint sous le portique de Salomon, parce qu’on était en hiver. Les Juifs l’entourèrent et lui posèrent la question : « Si tu es le Christ, dis-le nous clairement. » Jésus répondit de nouveau en invoquant ses œuvres et en affirmant son unité avec le Père. Mais ce que demandaient les interlocuteurs, c'était moins une réponse qu’un prétexte à la violence. Ils saisirent des pierres pour le lapider. Le Sauveur les contint par son attitude. Les Juifs l’avaient parfaitement compris ; ils l’accusaient de blasphème parce que lui-même se disait Dieu, à quoi il répliqua : « Vous dites : Tu blasphèmes, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu. Si vous ne me croyez pas moi-même, ajouta-t-il, croyez à mes œuvres. » Les positions réciproques apparaissaient donc très nettes : d’un côté, Jésus se donnant comme Fils de Dieu et par conséquent comme Messie, et prouvant son affirmation par ses miracles ; de l’autre, les Juifs fermant obstinément les yeux aux preuves proposées et persistant dans leur parti pris de regarder comme une imposture l’affirmation du Sauveur. Ce jour^là encore ils essayèrent de mettre la main sur lui ; mais il leur échappa de nouveau. Joa., x, 22-39.

À l’occasion de la résurrection de Lazare.


Après la fête de la Dédicace, le Sauveur retourna en Galilée, où il fit son dernier voyage aux confins de la Samarie, et de là passa en Pérée, où il reçut la nouvelle de la maladie de Lazare. Il repassa alors le Jourdain et monta vers Béthanie. Le péril qu’il courait en retournant près de Jérusalem était grand, d’où la réflexion de Thomas : « Allons, nous aussi, et mourons avec lui. » Joa., XI, 16. La résurrection de Lazare s’accomplit dans les conditions les plus émouvantes et les plus solennelles. Béthanie n'était qu'à trois quarts d’heure de Jérusalem, voir Béthanie, t. i, col, 1655-1660, et beaucoup de Juifs considérables étaient venus pour offrir leurs condoléances à Marthe et à Marie. La guérison de l’aveugle-né avait laissé dans leurs esprits un vivant souvenir, Joa., xi, 37 ; la résurrection de Lazare en porta un grand nombre à croire en Jésus. Joa., xi, 17-45. L’effet produit sur les membres du sanhédrin fut tout différent. Informés par quelques-uns des témoins du miracle, les pontifes, qui étaient sadducéens, firent valoir que la continuation des miracles finirait par tant agiter le peuple que les Romains interviendraient et ruineraient définitivement la nation. Caiphe ouvrit alors l’avis qu’un seul devait mourir pour tout le peuple, et, à dater de ce jour, on prépara les moyens de mettre à mort le Sauveur. Pour lui, en attendant l’heure prochaine de sa passion, il se retira avec ses disciples à Éphrem, dans les montagnes de Judée. Voir

Éphrem, t. ii, col. 1885-1889. Joa., xi, 46-54. Il faut noter que la mort tramée contre le Sauveur avait une apparence de légalité ; elle était la conséquence de la sentence d’excommunication portée par le sanhédrin contre celui que ce haut tribunal s’obstinait à regarder comme un violateur du sabbat et un blasphémateur. Voir Excommunication, t. ii, col. 2133-2134.

Au dernier voyage vers Jérusalem.

Le séjour à

Éphrem ne se prolongea guère au delà d’une semaine ou deux ; car la Pàque était proche et déjà beaucoup d’Israélites montaient à Jérusalem pour se disposer à la fête par les purifications légales. Voir Impureté légale, col. 860. On s'étonnait même déjà que Jésus ne fût pas arrivé, tandis que les pontifes prenaient leurs mesures pour que sa présence leur fût signalée aussitôt ; en vue de son arrestation. Joa., xi, 55-56. Au jour qui lui convint, le Sauveur partit secrètement d'Éphrem, au nord de la tribu de Benjamin, et se porta, vers le sud-est, dans la direction de Jéricho. Voir la carte, t. i, col. 1588. Il était accompagné de ses douze Apôtres auxquels il annonça de nouveau le sort qui l’attendait à Jérusalem. Ils ne pouvaient plus guère s'étonner d’une pareille annonce, après les tentatives dont ils avaient été eux-mêmes les témoins. Cependant ils ne comprirent rien à ce qui leur fut dit, ne pouvant sans doute concilier la possibilité d’une fin tragique avec ce qu’ils connaissaient de la puissance du Maître et avec les préjugés dont ils étaient imbus sur le règne éternel du Messie. Ils ne firent aucune attention à la prédiction d’une résurrection qui n’avait de raison d'être que si la mort précédait. Matth., xx, 17-19 ; Marc, x, 32-31, Luc, xviii, 31-34. Ils eurent cependant le sentiment de la fondation imminente du royaume messianique, car deux apôtres, Jacques et Jean, appuyés de leur mère, demandèrent au Sauveur les deux places principales dans son royaume. Les autres Apôtres furent indignés de cette requête. Pour tout remettre au point, le divin Maître leur expliqua que, dans son rojaume, la primauté consisterait à servir les autres et à se dévouer pour eux. Matth., xx, 20-28 ; Marc, x, 35-45. À Jéricho, il guérit deux aveugles. L’affluence fut énorme pour le voir. Il descendit chez le chef des publicains, Zachée, dont il fit ainsi l’un de ses disciples. Comme beaucoup s'étonnaient qu’il eût pris gîte chez un pareil hôte, il déclara qu’il était surtout venu pour sauver ceux qui périssaient. Il appuya cette déclaration par la parabole des mines ou talents, qui mettait en relief le mauvais usage que les Juifs avaient fait des grâces reçues et laissait entrevoir le châtiment réservé à ceux qui allaient renier leur Messie et leur roi. Luc, xix, 11-28. Jésus se remit en route pour Jérusalem. Le sixième jour avant la Pâque, au plus tard par conséquent la veille du sabbat, il arriva à Béthanie. Simon le lépreux lui offrit un festin, auquel furent conviés Lazare et des disciples.Pendant le repas, Marie, sœur deMarthe, vint répandre un vase de parfums sur la tête du Sauveur, sainte prodigalité qui excita les murmures de Judas et à laquelle Notre-Seigneur donna sa pleine approbation. A la nouvelle de sa présence à Béthanie, un grand nombre de Juifs accoururent pour le voir et aussi pour contempler Lazare, le ressuscité. Beaucoup d’entre eux crurent encore en Jésus, ce qui suggéra aux princes des prêtres l’idée de comprendre Lazare dans leur arrêt de mort. Matth., xxvi, 6-13 ; Marc, xiv, 3-9 ; Joa., XII, 1-11. Le lendemain, le Sauveur fit son entrée triomphale dans la ville sainte. — Si l’on compte les jours que NoireSeigneur passa à Jérusalem, à la première Pâque, quand il chassa les marchands du Temple, à la seconde Pâque, aux fêtes des Tabernacles et de la Dédicace, on voit que le nombre n’en excède guère quinze ou vingt, à s’en tenir aux informations que fournit saint Jean. Le temps pendant lequel il fut, en dehors de Jérusalem, en contact aec la population de la Judée, ne paraît pas

avoir été beaucoup plus considérable. On comprend cette réserve du Sauveur. À Jérusalem, la prédication de l'Évangile ameutait contre elle tous les préjugés, toutes les passions et toutes les haines, par le fait même que Jésus-Christ ne répondait nullement à l’idée arbitraire et fausse que les docteurs juifs s'étaient faite du Messie. Même avec les membres du sanhédrin les mieux intentionnés, comme Nicodème, l’enseignement du divin Maître devait prendre un tour dogmatique et s'élever à une hauteur qui ne lui permettait plus de garder la forme simple et populaire indispensable à une doctrine destinée au monde entier et à tous les temps. Les docteurs de Jérusalem représentaient une élite intellectuelle et religieuse avec laquelle Notre-Seigneur devait compter, puisqu’il fallait que sa doctrine soutint l’assaut de toutes les forces de la raison humaine ; mais cette élite ne se retrouverait pas communément en face des prédicateurs de l'Évangile. Les simples et les ignorants formaient la grande masse de l’humanité : à eux convenait la doctrine du Sauveur telle qu’il la prêchait en Galilée. Il n'était donc pas nécessaire qu’il s’attardât dans des milieux cultivés comme Jérusalem ; il suffisait qu’il y parût et y expliquât clairement sa pensée. De plus, l’opposition des Juifs imposait à son enseignement une allure polémique dont ne s’accommodait guère la sérénité habituelle de l'Évangile. Enfin, et c’est là une raison de toute gravité, dès que NotreSeigneur commença à enseigner publiquement, les autorités religieuses de Jérusalem, se sentant incapables de lui tenir tête sur le terrain de la doctrine et des miracles, en vinrent de suite aux violences et aux tentatives de meurtre. Dans ces conditions, les séjours du Sauveur en Judée et à Jérusalem ne pouvaient être que rares et rapides. Encore n’y vint-il qu'à l'époque des grandes fêtes, quand les Galiléens s’y trouvaient en nombre, et chaque fois il opéra un grand miracle qui, en lui conciliant la faveur d’une bonne partie de la population, lui fit rencontrer en elle une protection contre les menées de ses ennemis. L’irrésistible puissance de sa volonté, maîtresse des hommes et des événements, se servait de ces précautions naturelles pour arriver à ses fins. Cf. Azibert, Étude historique sur les huit derniers mois de la vie publique de N.S., Paris, 1895.

V. Sa manière de vivre.

Un certain nombre de traits épars dans les récits évangéliques permettent de se faire quelque idée des relations habituelles et de la vie journalière de Notre-Seigneur pendant le cours de son ministère public, au moins en Galilée.

I. ses DELATIONS.

Avec sa mère.

Marie n’apparaît que rarement. 1. Aux noces de Cana, elle intervient

pour avertir son divin Fils que le vin va manquer. Jésus lui fait entendre qu’il agira au moment opportun et l’appelle « femme », terme qui n’a rien que d’honorable en hébreu, et dont il se servira encore au Calvaire. Joa., xix, 26. Elle comprend si bien sa pensée qu’elle recommande aux serviteurs de faire tout ce qu’il leur dira. Joa., ii, 1-11. L’attitude du Sauveur est ici pleine de déférence pour sa mère. Voir J. Bourlier, Les paroles de Jésus à Cana, dans la Revue biblique, 1897, p. 405-422. — 2. Quelque temps après le sermon sur la montagne, un jour que Notre-Seigneur venait de répondre aux pharisiens qui l’accusaient de chasser les démons par Béelzébub, une femme s'écria dans la foule : « Heureuses les entrailles qui vous ont porté, les mamelles qui vous ont allaité ! » A cette évocation du souvenir de sa mère, Jésus répondit : « Bien plus heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent ! » ajoutant ainsi à la louange de celle qui était sa mère par nature l'éloge plus délicat de celle qui, entre tous ses auditeurs, comprenait et gardait le mieux sa parole. Luc, xi, 27, 28. — 3. Le mêmejour, pendant qu’il enseignait à l’intérieur d’une maison, on lui dit : « Voici dehors votre mère et vos frères qui vous cherchent. »

II reprit, en désignant ses disciples qui l'écoutaient : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la pratiquent. » Matth., xii, 46-50 ; Marc, iii, 31-35 ; Luc, viii, 19-21. Cette seconde maternité appartenait encore à Marie plus qu'à tout autre. La sainte Vierge n’apparaît plus dans l'Évangile jusqu’au jour de la passion du Sauveur. Il est probable qu’elle accompagnait habituellement son divin fils, quand il cheminait avec ses disciples et les saintes femmes. Aux grandes fêtes, elle ne dut pas manquer de le suivre à Jérusalem. Voir Marie, mère de Jésus.

Avec ses parents.

Le Sauveur avait à Nazareth

des cousins qui sont appelés ses « frères », voir Frères, t. ii, col. 2403-2405, et des cousines qui sont appelées ses « sœurs *. Matth., un, 55, 56 ; Marc, vi, 3. À part Jacques le Mineur, Simon et Jude, qu’il s'était attaches en qualité d’apôtres, la plupart de ses autres parents ne paraissent guère avoir compris sa mission. Un jour que, dans une maison, il était entouré d’une telle foule qu’il ne pouvait sortir pour prendre son repas, les siens vinrent le prendre en disant très irrespectueusement : « Vraiment, il est fou ! » Marc, iii, 21. À Nazareth, on ne les vit pas prendre parti pour le Sauveur méconnu et maltraité. Luc, iv, 28, 29 ; Matth., xiii, 57 ; Marc, vi, 3. Avant la fête des Tabernacles, ils lui conseillèrent d’aller en Judée pour se manifester et opérer ses prodiges, au lieu d’agir en cachette, c’est-à-dire en Galilée, loin du centre intellectuel et religieux qui pouvait consacrer la réputation d’un homme. Il est vrai qu'à la Pâque précédente le Sauveur n'était pas monté à Jérusalem. Joa., vu, 1. Saint Jean remarque que « ses frères ne croyaient pas en lui », ce qui signifie que, tout en reconnaissant la réalité de ses miracles et la célébrité que lui valait son enseignement, ils ne le regardaient ni comme Messie, ni comme Fils de Dieu. Joa., vii, 2-7.

Avec ses Apôtres.

Notre-Seigneur les choisit luimême et travailla à leur formation. Ce choix n’eut lieu

qu’au bout d’une année, après la seconde Pàque ; jusquelà, les futurs Apôtres restèrent au rang des disciples. Voir Disciples, t. ii, col. 1440. Ils accompagnaient partout le divin Maître, et, outre les enseignements communs à tous, ils reçurent souvent des instructions ou des explications particulières. Matth., xiii, 10, 36 ; Marc, vu, 17 ; ix, 27, etc. Voir Apôtre, t i, col. 784. NotreSeigneur eut parfois à souffrir de la lenteur de leur esprit, Matth., xv, 17 ; xvi, 9, 11 ; Marc, vi, 52 ; vii, 18 ; vm, 17, 21 ; Luc, xviii, 34, et même de leur indiscrétion. Matth., xvi, 22, 23 ; xx, 20-22 ; Marc, viii, 32, 33 ; x, 35-39. 4° Avec les saintes femmes.

À partir de la seconde

année de son ministère public, Notre-Seigneur fut accompagné dans ses courses apostoliques par de saintes femmes, Marie-Madeleine, Jeanne, femme de Chusa, intendant d’Hérode, Susanne, « et beaucoup d’autres, qui le servaient avec leurs propres ressources. » Luc, vm, 1-3. Leur rôle était donc bien déterminé ; pendant que le Sauveur et ses Apôtres parcouraient la Galilée, sans pouvoir songer ni au gîte, ni à la nourriture, ces femmes dévouées pourvoyaient à tout à leurs propres dépens, avec une charité aussi discrète que généreuse. Parmi celles que ne nomme pas saint Luc, il faut sans doute ranger en première ligne la Vierge Marie. À Marie de Béthanie se joignait aussi sa sœur Marthe. Pendant le dernier voyage de Galilée, les deux sœurs donnèrent l’hospitalité au Sauveur et à ses Apôtres dans une maison qu’elles possédaient en ces parages. Luc, x, 38-42. En Judée, sur le chemin d'Éphrem à Jéricho, la mère des fils de Zébédée, Jacques et Jean, s'était jointe au cortège du Sauveur. Matth., xx, 20, 21. Les saintes femmes se retrouveront pendant la passion et après la résurrection. 5° Avec les enfants.

Le Sauveur témoigne aux

enfants une prédilection marquée. Il aime à les bénir, Matth., xix, 13-15 ; Marc, x, 13-16 ; Luc, xviii, 15-17, et à recommander qu’on les imite et qu’on les respecte 4463

JÉSUS-CHRIST

im

Matth., xviii, 2-6, 10 ; Marc, ix, 35, 30, 41. Voir Enfant, t. ii, col. 1789, 1790.

Avec les pécheurs.

Notre-Seigneur n’hésite pas

à les accueillir, à les instruire, à les traiter avec beaucoup de compassion et de bonté, afin de pouvoir ensuite leur pardonner leurs péchés. C’est ainsi qu’il procède avec la Samaritaine, Joa., iv, 7-27 ; avec le paralytique de Capharnaùm, Marc, ii, 5-9 ; avec le publicain Matthieu, à l’occasion duquel il déclare être venu non pour les justes, mais pour les pécheurs, Marc., ii, 14-17 ; Luc, v, 29-32 ; avec la pécheresse, Luc, vii, 37-50 ; avec la femme adultère, Joa., viii, 3-11 ; avec Zachée. Luc, xxi, 1-10. Aux pharisiens et aux scribes qui se scandalisent de cette condescendance, il révèle qu’il y a grande joie au ciel pour la conversion d’un seul pécheur, et raconte la touchante parabole du prodigue. Luc, xv, 1-32.

Avec les pharisiens.

Vis-à-vis de ces hommes qui

avaient en grande partie la direction religieuse de la nation, Notre-Seigneur se montra condescendant, mais ferme et même sévère, quand il le fallut. Il accepta trois fois de prendre son repas chez des pharisiens, bien qu’il ne fût pas toujours accueilli avec les égards qu’on ne refusait à aucun hôte honorable, et que même là on continuât à l’épier et à lui tendre des pièges. Luc, vii, 36-50 ; xi, 37-54 ; xiv, 1-24. Il y trouvait une occasion de travailler à la conquête de quelques âmes et à l’instruction ou l’édification de beaucoup d’autres, d’autant plus que l’usage autorisait, même ceux qui n’étaient pas conviés, à pénétrer dans la salle du festin. Cf. Trench, Notes on the Parables, Londres, 1841, p. 299. Cela n’empêchait pas cependant-le Sauveur d’adresser aux pharisiens de sévères reproches, surtout vers la fin de son ministère public, après qu’ils eurent tout fait pour entraver son œuvre et quand la sévérité resta le seul moyen de convertir ceux que n’avait pu gagner la bonté. Luc, xi, 37-54 ; xvi, 13-18. Voir Pharisiens.

Avec la foule.

Cette foule se composait de gens du

peuple, parmi lesquels se trouvaient des pauvres, des infirmes, des estropiés et des malades, quelquefois incapables de se mouvoir eux-mêmes et transportés par des voisins charitables. Cette foule était énorme autour de Notre-Seigneur. À celle que fournissait la Galilée s’ajoutait celle qui accourait de la Judée, de la Pérée, de la Syrie, de l’Idumée, de la Phénicie et des bords de la mer. Matth., iv, 24, 25 ; Marc, iii, 7, 8 ; Luc, vi, 17. Divers mobiles agitaient cette foule qui se renouvelait partout où Jésus paraissait : la curiosité, le désir de voir des miracles, d’en profiter pour soi-même ou d’en faire profiter les autres, quelquefois la reconnaissance et aussi l’attrait surnaturel que le Fils de Dieu exerçait, à leur insu, sur les âmes simples et droites. Ces multitudes, en partie recrutées parmi les gentils, se montraient souvent indiscrètes, sans que jamais le bon Maître se plaignît. Elles encombraient les maisons où il était entré, Marc, ii, 2 ; Luc, viii, 19 ; ne lui laissaient même pas le temps de prendre sa nourriture, Marc, iii, 20 ; vi, 31 ; se précipitaient sur lui, Marc, iii, 10 ; le pressaient, Marc, y, 24 ; le retenaient pour l’empêcher de s’en aller. Luc, IV, 42. Il en était arrivé à ne plus pouvoir entrer dans les villes et se voyait obligé de rester dans la campagne, pour que la foule pût trouver placeautour de lui. Marc., 1, 45. Elle le suivait, même au prix de longues courses, jusque dans des lieux inhabités. Matth., xiv, 13-15 ; Marc, vi, 31-34 ; Luc, ix, 10, 11 ; Joa., vi, 5, etc. Jésus éprouvait un profond sentiment de compassion en voyant ces milliers d’hommes qui le suivaient ainsi. Matth., xv, 32 ; Marc, vi, 31 ; viii, 2. Cette compassion n’était pas stérile ; elle se traduisait par des guérisons et des miracles de toutes sortes. En Galilée, les multitudes se montraient très sympathiques au divin Maître ; les notes discordantes venaient ordinairement des pharisiens et des scribes envoyés de Jérusalem. Dans la ville sainte, où Notre-Seigneur ne se rendait qu’à lVpoque des grandes fêles,

les Juifs ne pouvaient aisément manifester la haine qui animait bon nombre d’entre eux contre lui ; car l’élément galiléen s’y trouvant alors fortement représenté, il n’eût pas été prudent de violenter le Sauveur sous les yeux de ses compatriotes. Luc, xxii, 2. Pour se faire une idée juste du dévouement surhumain de Jésus et de l’effet qu’il produisit sur les masses, il importe de se le représenter presque sans cesse entouré de ces foules immenses, se faisant écouter d’elles et multipliant en leur faveur, avec une imperturbable patience, les preuves de sa puissance et de sa bonté.

II. SA vie journalière.

L’habitation.

Depuis

qu’il avait quitté Nazareth, Notre-Seigneur n’avait plus de demeure fixe. Capharnaum, que saint Matthieu, IX, 1, appelle « sa ville », était le centre principal d’où rayonnait son activité. Voir Capharnaum, t. ii, col. 201203. Joa., Il, 12, Matin., iv, 13. Il est probable que, dtns

266. — Image antique du Christ. — Cimetière de S. Gaudioso à Naples. D’après Garrucci, Storia deW arte Christiana, t. II pi. 104.

cette ville, quelque disciple avait mis une maison à sa disposition. Pendant ses courses apostoliques, Jésus trouvait aisément l’hospitalité chez les habitants du pays qu’il visitait. Voir Hospitalité, col. 762. Il pratiquait sans doute pour son propre compte les recommandations qu’il faisait à ses Apôtres et à ses disciples : à l’arrivée dans une localité, demander quelle est la maison honorable, s’y présenter en disant : « Paix à cette demeure, » et y rester durant tout son séjour en ce même lieu, sans passer de maison en maison. Matth., x, 11, 12 ; Marc, vi, 10 ; Luc, IX, 4 ; x, 5-7. Mais bien souvent, quand il se retirait loin des villes et des bourgades, il pouvait dire que le Fils de l’homme n’avait pas ou reposer sa tête, tandis que les chacals ont leur tanière et les oiseaux leur nid. Matth., viii, 20 ; Luc, ix, 58. À Jérusalem, il était reçu chez quelque autre disciple. Il en est un qui devint son hôte au moment de la dernière Cène. Matth., xxvi, 18 ; Marc, xiv, 13-15 ; Luc, xxii, 11, 12. Mais celui-là ne devait pas donner habituellement asile au Sauveur, puisque Judas ignora sa maison jusqu’au moment où il y pénétra. Notre-Seigneur logeait vraisemblablement dans l’intérieur de la ville, quand Nicodème vint le trouver « de nuit ». Joa., iii, 2. Des que la persécution devint plus mena

çante, au lieu de passer la nuit en ville, il se retirait le sçir sur la montagne des Oliviers, peut-être à Bethphagé, où on le connaissait bien. Joa., viii, 1 ; Matth., xxi, 2, 3 ; Marc, xi, 2, 3 ; Luc, xix, 30, 31.

Le costume.

Le Sauveur était vêtu comme le

commun des Galiléens, sans ces recherches et ces élégances par lesquelles certains personnages attiraient sur eux l’attention. Matth., xi, 8 ; xxiii, 5. Il portait sur la tête le kouffièh ou turban flottant, qui était d’usage invariable parmi ses compatriotes et que le climat rendait indispensable, surtout en voyage. Voir Coiffure, t. ii, col. 828. Il avait une tunique sans couture, Joa., xix, 23, et le manteau un peu ample qu’une ceinture relevait et serrait autour des reins quand il voulait marcher. Voir Ceinture, t. ii, col. 392, 3°. Ces vêtements n’étaient pas tout blancs, car ils le devinrent à la transfiguration, Matth., xvii, 2, ni probablement rouges, cette couleur étant réputée luxueuse et plus spéciale au manteau militaire. Matth., xxvii, 28. Voir Cochenille, , t. ii, col. 818, 3°, 4°. Le brun, le bleu et les rayures de couleur sur fond blanc étaient alors d’usage commun, et l’on employait, à la confection des vêtements, surtout la laine, puis le fin et peut-être le coton. Voir Étoffes, t. ii, col. 2036. Le Sauveur était chaussé de sandales retenues par des courroies. Matth., m, 11 ; Marc, 1, 7 ; Luc, iii, 16 ; Joa., i, 27. Voir Chaussure, t. ii, col. 633, 634. Un bâton lui servait de soutien pendant la marche et parfois de défense contre les animaux sauvages, surtout la nuit. Voir Bâton, 1. 1, col. 1509. Notre-Seigneur avait recommandé à ses Apôtres de s’en aller prêcher dans le plus simple appareil : rien qu’un bâton, pas de provisions, pas d’argent, pas de rechange pour la tunique ni les sandales. Matth., x, 9 ; Marc, vi, 8, 9 ; Luc, IX, 3 ; x, 4. Ainsi procédait-il vraisemblablement lui-même. Sur les traits du Sauveur, d’après les anciennes peintures, voir fig. 266 et 267, et Beauté, 1. 1, col. 1534 ; Philpin de Rivière, La physiologie du Christ, Paris, 1899, p. 250-270. Pour l’iconographie du Sauveur, voir E. von Dobschutz, Christusbilder. Untersuchungen zur cliristlichen Legenden, 2 in-8°, Leipzig, 1899 (bibliographie de la prosopographie depuis 1649 jusqu’à nos jours, t. ii, p. 293**) ; F. X. Kraus, Iieal-Encyklopàdie, t. ii, p. 24 ; H. Detzel, Chrhtlicha Ikonographie, 2 in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894-1896, t. i, p. 75-93 : E. Hennecke, Altchristliche Malerei, in-8°, Leipzig, 1896, p. 79-84 ; Ad. Beissel, Bilder aus der Geschichte der allchristhchen Kunst, in-8°, Fribourgen-Brisgau, 1899.

La nourriture.

Le Sauveur se contentait naturellement

des aliments les plus communs, ceux qu’il nomme lui-même dans une de ses instructions, le pain, le poisson, les œufs. Matth., vii, 9, 10 ; Luc, xi, 11, 12. Ce pain était ordinairement du pain d’orge et ces poissons, des poissons du lac de Tibériade, que les Apôtres eux-mêmes eurent de temps en temps l’occasion de pêcher, que l’on faisait sécher et qui s’expédiaient ensuite dans tout le pays. Matth., xiv, 17 ; xv, 34 ; Marc, vi, 38 ; viii, 7 ; Luc, ix.13 ; Joa., vi, 9. Les Apôtres allaient quelquefois eux-mêmes chercher ces provisions, Joa., IV, 8, et les emportaient avec eux quand il était nécessaire. Marc, viii, 14. Les saintes femmes pourvurent habituellement à ce soin. Luc, viii, 3. Toutefois les Apôtres disposaient de quelque argent pour acheter le nécessaire en certaines circonstances. Joa., vi, 6, 7. Judas fut chargé de tenir la bourse et de faire certains achats. Joa., xiii, 29. Le divin Maître accepta plusieurs fois de prendre part à des repas plus importants. Matth., ix, 9-17 ; Luc, vii, 36 ; xiv, 1 ; xix, 1-10 ; Joa., ii, 2 ; xii, 1-10. Comme il vivait de la vie commune et ne pratiquait pas les mortiûcations extraordinaires de saint Jean-Baptiste, certains esprits étroits se scandalisaient et l’appelaient « gourmand et buveur de vin », ainsi qu’il le remarque lui-même. Matth., xi, 19 ; Luc, vii, 34.

Le repos.

Il n’en est guère question dans la vie

publique du Sauveur. Quand il passe par la Samarie, il est fatigué du chemin et s’assied près du puits de Jacob ; mais c’est pour travailler aussitôt à l’instruction de la Samaritaine. Joa., IV, 6. Pendant une traversée du lac de Tibériade, il dort dans la barque, la tête appuyée sur un coussin. Matth., viii, 24 ; Marc, iv, 38 ; Luc, viii, 23. Mais il passait aussi des nuits en prière, Luc, vi, 12, et il aimait à prier dans la solitude. Marc, 1, 35 ; Luc, v, 16 ; xi, 1. C’était là son repos.

La prédication.

Elle fut l’occupation principale

du Sauveur pendant sa vie publique. Il faisait entendre partout sa parole, au bord du lac, Matth., xiii, 1 ; Marc, iv, 1 ; du haut d’une barque, Luc, v, 3 ; dans la campagne, Matth., v, 1 ; Luc, vi, 17 ; dans les maisons,

+DEDONI.SDEIGAVDIO SVS FECITI 267, — Image antique du Christ. — Cimetière de Pontien. D’après Garrucci, Storia deW arte Christiana, t. II, pl. 86.

Matth., xii, 46 ; Marc, ii, 2 ; et surtout dans les synagogues. Marc, i, 21 ; Matth., xii, 9 ; Joa., vi, 60, etc. Voir Synagogue.

VI. Dernière semaine de la vif. de Jésus. — Les six derniers jours de la vie de Notre-Seigneur ont une importance extrême, parce que c’est pendant ces jours qu’il remplit, de la manière la plus imprévue, la plus tragique et la plus émouvante, sa mission de Rédempteur. Aussi les Évangélistes sont-ils riches de détails sur cette courte période, saint Jean menant ici son récit parallèlement à celui des synoptiques, mais ajoutant beaucoup de traits et surtout beaucoup de discours dont ses devanciers, toujours tributaires des nécessités de la prédication populaire, n’avaient pas fait mention.

I. LE PREMIER JOUR (DIMANCHE DES RAMEAUX). —

1° Le lendemain du festin chez Simon le lépreux, lequel avait eu lieu probablement le jour du sabbat, Joa., xii, 12, Jésus partit de Béthanie pour Jérusalem. Les Juifs, croyants ou sceptiques, qui s’étaient rendus dans la première localité, Joa., xii, 9, le devancèrent et portèrent dans la ville sainte la nouvelle de son arrivée. A quelque distance du petit village de Bethphagé, voir Bethphagé, 1. 1, col. 1706-1709, et Revue biblique, 1892,

p. 105-106, le Sauveur envoya prendre un ànon atlaché à une porte dans un carrefour, et en fit sa monture. Voir Ane, t. i, col. 570-571. Puis il commença à descendre la pente du mont des Oliviers pour remonter le flanc opposé de la vallée du Cédron. Il est à remarquer, et deux Évangélistes ne manquent pas de le faire, Matth., xxi, 4, 5 ; Joa., xii, 14-16, qu’une prophétie de Zacharie, ix, 9, annonçait l’entrée, à Jérusalem, du Messie monté sur un ânon. La résurrection de Lazare, récemment opérée, avait procuré au Sauveur une popularité plus grande que jamais. La foule l’accompagna donc avec toutes les marques de respect qu’on prodigue à un triomphateur : les cris de joie, les manteaux étendus sur la route en guise de tapis, les rameaux d’oliviers agités par toutes les mains. De Jérusalem, où affluaient déjà les pèlerins de la Pàque prochaine, d’autres vinrent en grand nombre au-devant de Jésus. Une multitude énorme l’escortait, en le saluant de noms qui, dans l’esprit de tous, désignaient le Messie : fils de David, celui qui vient au nom du Seigneur. En vain des pharisiens scandalisés lui demandèrent de faire cesser ces cris. II s’y refusa. Matth., xix, 9 ; Marc, xi, 1-10 ; Luc, xix, 29-40 ; Joa., xii, 12-19.

— 2° En approchant de la ville, Jésus se mit à pleurer sur elle, et prédit le terrible sort qui lui était réservé, pour n’avoir pas voulu reconnaître son Messie. Luc, xix, 41-44. — 3° Arrivé à Jérusalem, il entra dans le Temple et jeta un coup d’oeil sur ce qui s’y trouvait. Mais comme c’était le soir et qu’il ne voulait pas rester dans la ville pendant la nuit, a cause des desseins perfides de ses ennemis, il s’en retourna avec ses douze Apôtres à Béthanie, Matth., xxi, 17 ; Marc, xi, 11, ou dans le voisinage. Luc, xxi, 37-38. Cette journée de triomphe exaspéra les pharisiens, qui constatèrent que tout le monde allait à Jésus. Joa., xii, 19.

il. le second jour (lundi saint). — 1° Le matin de ce jour, Jésus reprit la route de Béthanie à Jérusalem. Chemin faisant, il eut faim et chercha des fruits sur un figuier ; mais il n’y trouva que des feuilles et le maudit. Voir Figuier, t. ii, col. 2239. Cette malédiction était symbolique et tombait sur ces Juifs chez qui la frondaison des pratiques traditionnelles abondait, mais qui ne portaient aucun fruit de vertu. Matth., xxi, 18, 19 ; Marc, xi, 12-14. — 2° Entré dans le Temple, le Sauveur se mit en devoir d’y faire cesser les désordres qu’il avait constatés la veille. Il chassa de nouveau les marchands, accourus pour vendre aux étrangers les objets nécessaires à la Pàque, et empêcha qu’on ne traitât la maison de’prière en heu profane. Il alla alors jusqu’à accuser les Juifs d’en avoir fait une caverne de voleurs. Voir Changeurs de monnaie, t. ii, col. 549 ; Commerce, t. ii, col. 888. À la première Pàque à laquelle il assista pendant sa vie publique, il avait déjà fait" une semblable exécution dans des conditions qui supposaient, semble-t-il, des abus plus grands. Joa., ii, 13-22. Ces abus avaient repris, avec la connivence des grands-prêtres qui, devenus des hommes de lucre, permettaient aux marchands de s’installer avec des animaux dans le parvis des gentils et ne manquaient pas de tirer avantage de cette concession sacrilège. Voir Grand-Prètre, col. 302. Une nouvelle ovation accueillit cette intervention du Sauveur. Des aveugles et des sourds vinrent à lui et furent guéris, et les enfants recommencèrent à acclamer, comme la veille, le fils de David. Les desseins homicides du sanhédrin s’accentuèrent encore, mais la présence d’une foule nombreuse et sympathique autour de Jésus les mettait dans le plus grand embarras. Matth., xxi, 12-16 ; Marc, xi, 15-18 ; Luc, xix, 4548. — 3° Peut-être faut-il assigner à ce même jour un incident que saint Jean, xii, 20-36, est seul à relater. Des Grecs, venus dans le Temple pour adorer le Seigneur, comme il leur était permis de le faire dans le parvis des gentils, t’adressèrent à Philippe pour voir Jésus. Le Sauveur, sans parler directement à ces hommes, annonça publi quement la glorification dont il allait être l’objet de la part de son Père. Comme pour confirmer cette prédiction, une voix se fit entendre du ciel et frappa les oreilles de la foule, qui crut à un éclat de tonnerre ou à l’intervention d’un ange. Notre-Seigneur ajouta que le moment était venu où « le prince de ce monde », Satan, allait être jeté dehors, que, pour lui-même, il devait être élevé de terre pour attirer tout à lui. La foule comprit qu’il faisait allusion à sa mort et en fut déconcertée, car on croyait que le Christ devait demeurer éternellement. Le Sauveur se contenta d’inviter ceux qui l’écoutaient à profiter de la lumière qui ne luirait plus à leurs yeux que très peu de temps. Puis il se déroba à la foule et retourna de nouveau du côté de Béthanie pour y passer la nuit. Joa., xii, 36 ; Matth., xxi, 17 ; Marc, xi, 19.

/II. LE TROISIEME JOUR (MARDI SAINT). — 1° Sur le

chemin, pendant le retour à Jérusalem, les Apôtres remarquèrent que le figuier maudit la veille était desséché. Notre-Seigneur leur expliqua qu’avec une foi vive ils pourraient non seulement produire un semblable effet, mais encore faire changer de place une montagne. Matth., xxi, 20-22 ; Marc, xi, 20-26. — 2° Les membres du sanhédrin attendaient Jésus dans le Temple. Sitôt qu’ils l’aperçurent, ils vinrent à lui et, au sujet de ce qu’il avait exécuté la veille en chassant les marchands, lui posèrent cette question devant le peuple : « En vertu de quel pouvoir agis-tu ainsi ? » Le Sauveur avait déjà répondu plusieurs fois qu’il agissait par l’ordre de son Père et que ses miracles attestaient sa mission. Au lieu de le croire, ils avaient cherché à le saisir pour le mettre à mort. À des hommes qui avaient droit d’interroger, puisqu’ils étaient les docteurs d’Israël, mais qui, à ce titre, devaient savoir à quoi s’en tenir sur la mission de ceux qui se présentaient au nom de Dieu, Jésus se contenta de poser à son tour une question : « Dites-moi d’abord de qui était le baptême de Jean, de Dieu ou des hommes ? » Rien ne pouvait les embarrasser davantage. Dire : « Il est de Dieu, » c’était reconnaître la mission divine de Jean-Baptiste et par conséquent la valeur du témoignage qu’il avait rendu en faveur de Jésus-Christ ; dire : « Il est des hommes, » c’était heurter de front la conviction du peuple qui regardait Jean-Baptiste comme un prophète. Ils crurent se tirer d’affaire en répondant : « Nous ne savons pas. » Par cette réponse, ils constataient devant la foule leur ignorance en un sujet sur lequel leur devoir les obligeait à instruire les autres ; à quoi leur servait-il d’être docteurs et chefs religieux, s’il n’avaient pas d’avis sur un fait aussi grave ? Jésus leur dit alors : « Je ne vous répondrai pas à ce que vous me demandez. » Incapables de juger Jean-Baptiste, comment pouvaientilsjuger Jésus ? Matth., xxi, 23-27 ; Marc, xi, 27-33 ; Luc, xx, 1-8. — 3° Le divin Maître expliqua alors, en trois paraboles, le rôle des Juifs dans la question messianique. La parabole des deux fils envoyés à la vigne montre les pharisiens qui font parade d’obéissance à Dieu et n’obéissent pas, tandis que les pécheurs et les pécheresses, d’abord indociles, accourent au royaume de Dieu. Non seulement les chefs religieux de la nation refusent de venir au Messie, mais ils s’apprêtent à le faire mourir, comptant prendre pour eux l’héritage que le Père lui a assigné : c’est ce qu’explique la parabole des vignerons homicides. Les princes des prêtres comprirent si bien le sens accusateur de cette parabole, qu’ils auraient mis la main sur le Sauveur, si la crainte du peuple ne les eût retenus. Mais Jésus continua et, dans la parabole du festin, fit voir que les gentils seraient substitués aux Juifs dans le royaume de Dieu. Matth., xxi, 28-xxii, 14 ; Marc, XII, 1-12 ; Luc, xx, 9-19. Les pharisiens’furent surtout blessés dans leur orgueil quand le Sauveur leur prédit que le royaume de Dieu leur serait ôté pour être transmis à une nation qui en tirerait profit. Il eut beau montrer que cette substitution était la conséquence de leur propre conduite, prédite par l’Écriture, quand ils rejet

teraient la pierre angulaire sur laquelle Dieu entendait bâtir. Nulle idée ne pouvait les révolter davantage que celle de n’être plus le peuple de Dieu. — 4° Pour prendre une revanche publique sur le terrain qui avait entraîné leur’défaite au début de cette journée, les ennemis du Sauveur revinrent, probablement dans l’aprèsmidi, et lui posèrent une série de questions destinées à l’embarrasser. Ce fut d’abord une question politique, formulée par les pharisiens et les hérodiens, celle du tribut à César. Voir César, t. ii, col. 449 ; Impôts, col. 853. Il était délicat de prendre parti. Notre-Seigneur fit une réponse telle que tout l’odieux de la question retomba Sur ses interlocuteurs. Ceux-ci n’eurent plus qu’à se taire et à s’en aller. Matth., XXII, 15-22 ; Marc, XII, 13-17 ; Luc, xx, 20-27. La calomnie qu’ils formuleront bientôt devant Pilate, Luc, xxiii, 2, montre assez quelle réponse ils eussent désirée. — Voyant que ces premiers interrogateurs étaient battus, des sadducéens, probablement des princes des prêtres, qui n’admettaient pas la résurrection, apportèrent contre ce dogme une difficulté qui leur paraissait absolument insoluble. Le Sauveur leur répliqua en tirant de l’Écriture une démonstration de la résurrection. Des docteurs de la loi, présents à l’entretien, applaudirent la réponse, et les sadducéens renoncèrent à se mettre en avant. Matth., xxii, 23-33 ; Marc, xii, 18-27 ; Luc, xx, 27-40. — Des pharisiens revinrent alors et l’interrogèrent sur un point qu’ils osaient bien mettre en discussion : « Quel est le plus grand commandement de la loi ? » Jésus affirma que c’est le premier, qui prescrit l’amour de Dieu, et le second, qui est tout semblable et prescrit l’amour du prochain. L’un des docteurs présents approuva cette réponse et alla même jusqu’à ajouter, contrairement à l’opinion de la plupart des pharisiens, que l’amour du prochain a le pas sur les sacrifices. Cette affirmation lui valut du Sauveur cette assurance : « Toi, tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Personne n’osa plus, dès lors, interroger Jésus. Matth., xxii, 34-40 ; Marc, XII, 28-34. Lui-même alors prit les devants et leur demanda de quelle manière le Christ peut être le fils de David. Personne ne sut que répondre. Matth., xxii, 41-46 ; Marc., xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44. — 5° Une foule nombreuse suivait avec attention tous ces débats et écoutait avidement les paroles du Sauveur. Marc, xii, 37. Même parmi les principaux personnages, beaucoup croyaient en lui, mais n’osaient se déclarer, parce que le sanhédrin avait porté la peine de l’excommunication contre tous ceux qui, en Jésus, reconnaîtraient le Christ. Joa., IX, 22. Le Sauveur, pour convaincre les hésitants et les incrédules, répétait donc qu’il parlait au nom de son Père, qu’il venait pour être la lumière et le salut du monde, et non pour le juger actuellement, que l’écouter, c’était écouter son Père et gagner la vie éternelle. Joa., XH, 37-50. L’aveuglement persistait chez ceux-là même qui auraient dû se rendre les premiers et conduire le peuple à son Messie. Ce soir-là, comme les jours précédents, aprè ; avoir enseigné dans le Temple, le Sauveur se retira sur la montagne des Oliviers, du côté de Béthanie. De bon matin, le peuple était déjà dans le Temple, prêt à l’écouter. Luc, xxi, 37-38.

IV. LE QUATRIÈME JOUR (MERCREDI SAINT). — 1° Le

Sauveur revint au Temple le mercredi malin, comme le donne à penser le texte de saint Matthieu, xxii, 46. Toutes ses exhortations aux Juifs avaient été à peu près vaines, surtout par la faute des scribes et des docteurs qui égaraient le peuple. Le Sauveur, sans pitié désormais pour des hommes qui conduisaient les autres à leur perte, dénonça publiquement leur orgueil et leur cupidité, stigmatisant toutes leurs prétentions aux honneurs et leur dureté pour les autres. Matth., xxiii, 1-12 ; Marc, xii, 38-40 ; Luc, xx, 45-47. Passant ensuite aux pharisiens, il maudit leur hypocrisie, leur avarice, leur formalisme étroit, leur mépris des grands préceptes du

Seigneur, leur cruauté meurtrière contre tous les prophètes ; et, lançant à Jérusalem une dernière apostrophe pleine de tendresse, il prédit aux Juifs que leur maison, leur ville serait abandonnée, c’est-à-dire rejetée de Dieu et privée de ses habitants. Matth., xxiii, 13^-38. Les scribes et les pharisiens ne répliquèrent pas. Ils tenaient en réserve des arguments d’une autre nature. — 2° Ce même jour, en effet, l’un des douze, Judas, poussé par le démon, vint trouver les princes des prêtres, et, pour trente deniers, voir Denier, t. ii, col. 1380, s’engagea à leur livrer Jésus à la première occasion propice. Matth., xxvi, 14-16 ; Marc, xiv, 10, 11 ; Luc, xxii, 3-6. — 3° Cependant Jésus, qui se trouvait dans le Temple pour la dernière fois, s’avança jusque dans le parvis des femmes, près du trésor. Voir Gazophylacium, col. 135. Là il eut l’occasion de faire ressortir la charité d’une pauvre femme qui versait dans le trésor deux petites pièces de monnaie. C’était la vraie cl.arité, faisant contraste avec l’ostentation égoïste des pharisiens. Marc, xii, 41-44 ; Luc, xxi, 1-4. — 4° Jésus alors sortit du Temple ; comme ses Apôtres lui en faisaient remarquer la superbe structure, il en prédit la ruine totale. Matth., xxiv, 1, 2 ; Marc, xiii, 1, 2 ; Luc, xxr, 5, 6. — 5° Arrivé au mont des Oliviers, le Sauveur s’assit, ayant en face de lui Jérusalem et le Temple » Un long entretien avec les Apôtres commença. Ceux-ci, après avoir entendu prédire la ruine du Temple, posèrent naturellement cette question : « Quand arriveront ces choses ? » Jésus énuméra les signes avant-coureurs de la ruine de Jérusalem et de la fin du monde. Voir Fin du monde, t. ii, col. 2263. Comme le premier événement est la figure du second, les Evangélistes passent insensiblement de l’un à l’autre. Certains traits d’ailleurs sont communs aux deux catastrophes. Saint Luc, qui écrivit à une époque plus voisine de l’accomplissement de la prophétie sur Jérusalem, distingue plus nettement que les deux autres synoptiques entre la ruine de la ville et la fin du monde. Matth., xxiv, 4-35 ; Marc, xiii, 5-31 ; Luc, xxi, 8-33. — Notre-Seigneur n’avait pas pour but de satisfaire la curiosité des Apôtres. Aussi, après leur avoir annoncé les événements, les exhorta-t-il à s’y tenir préparés, et pratiquement à être toujours en mesure de paraître devant le souverain Juge. La parabole des dix vierges, puis celle des talents prêtèrent une forme concrète aux conseils du divin Maître. Matth., xxiv, 36-xxv 30 ; Marc, xiii, 32-37 ; Luc, xxi, 34-36. — Le Sauveur acheva en décrivant le jugement dernier, par lequel tout doit se terminer. Matth., xxv, 31-46. Voir Jugement dernier. Cet enseignement eschatologique ne fut donné qu’aux seuls Apôtres et à quelques disciples. — 6° Ce même jour, après avoir terminé son long entretien, Jésus dit aux disciples : « Vous savez, dans deux jours on fait la Pàque et le Fils de l’homme sera livré pour être crucifié. » Aux prophéties à échéance lointaine succédait la prophétie à échéance immédiate. De son côté, le sanhédrin se réunit chez Caiphe pour prendre ses dernières résolutions. Mais on fut d’accord pour éviter un éclat le jour de la fête, de peur d’exciter des désordres parmi le peuple. Matth., xxvi, 1-5 ; Marc, xiv, 12 ; Luc, xxii, 1, 2. Ce ne fut pas la volonté du sanhédrin, mais celle du Sauveur qui prévalut. Jésus fut jugé et mis en croix le jour de la fête, et il n’y eut pas de désordre parmi le peuple. — La fête de la Pàque attirait à Jérusalem une foule énorme d’Israélites venus de toutes les contrées du monde. Josèphe, Bell, jud., III, xiv, 3, parle de trois millions d’hommes présents au moment de la fête des Azymes, et encore, Bell, jud., VI, ix, 3, de deux cent cinquante-six mille agneaux immolés dans le Temple à l’occasion de la solennité pascale. Or, ajoulet-il, on ne pouvait jamais être moins de dix, on était souvent jusqu’à vingt pour manger chaque agneau. Il se peut qu’il y ait quelque exagération dans ces supputations ; mais encore faut-il tenir compte de tous les un

JÉSUS-CHRIST

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étrangers qui venaient à ce moment à Jérusalem et de tous les Israélites présents dans la ville qu’une raison ou une autre empêchait de manger la Pàque. Au milieu d’une si extraordinaire affluence, rien n'était plus à redouter qu’un soulèvement. C’est cependant à travers cette multitude que se déroulèrent les principales scènes de la passion du Sauveur, fait qu’il ne faut pas oublier, si l’on veut avoir une idée exacte du caractère grandiose de ces scènes et de la part prise par tout un peuple à la condamnation de son Messie.

v. le cinquième jour (jeudi saint). — 1° Préparation de la Cène. — Le mercredi, le Sauveur avait dit à' ses Apôtres : « Bans deux jours, ce sera la Pâque et le Fils cfe l’homme sera livré et crucifié. » Matth., xxvi, 2. Le premier jour des Azymes, d’après les synoptiques, les Apôtres demandèrent donc à Jésus où il voulait qu’on préparât la Pâque. Au lieu de choisir Judas, qui, semblet-il, était ordinairement chargé de remplir les fonctions de ce genre, Joa., xiii, 29, mais dont il fallait maintenant se défier plus que jamais, le Sauveur chargea Pierre et Jean de s’occuper des préparatifs. Pour que Judas ne pût connaître à l’avance le lieu du rendez-vous, qu’il lui eût été par trop facile d’indiquer aux princes des prêtres, Notre-Seigneur dit aux deux apôtres de suivre simplement un homme portant une cruche d’eau, qu’ils rencontreraient à la porte de la ville. Le Cénacle, où se célébra la dernière Cène, était situé à l’extrémité méridionale de Jérusalem, dans un lieu qui se trouvait à cette époque aussi éloigné que possible des centres d’agitation. Voir Cénacle, t. ii, col. 399-403. Le plus facile chemin pour y arriver en venant de la montagne des Oliviers descendait la vallée du Cédron et menait en ville par la porte de la Fontaine. II Esd., xii, 36 (hébreu). L’homme que les Apôtres rencontrèrent à cette porte remontait tout naturellement de la fontaine de Siloé. Ils le rejoignirent d’autant plus aisément qu’une différence de niveau de plus de quarante mètres séparait la fontaine du Cénacle, et que l’homme allait lentement en montant la pente. Les Apôtres préparèrent tout dans le lieu indiqué. Le soir, le divin Maître y vint avec les douze pour célébrer la Pàque. — Sur le jour où fut célébrée cette Pàque et sur le cérémonial qui fut suivi, voir Cène, t. ii, col. 408-417 ; Chronologie biblique, col. 734-736. Cf. Semeria, Le jour de la mort de Jésus, dans la Revue biblique, 1896, p. 78-87 ; Chwolson, Das lelzte Passamahl Christi, Saint-Pétersbourg, 1892.

Episodes divers.

Trois incidents remarquables

se produisirent au cours du festin. Comme ces incidents se rapportent aux défaillances des Apôtres, saint Luc, xxil, 21-34, conformément à sa méthode historique, les groupe tous les trois ensemble en les rattachant au dernier, la prédiction du reniement de saint Pierre, qui est postérieure à l’institution de la sainte Eucharistie. Cf. H. Lesêtre, La méthode historique de S. Luc, dans la Revue biblique, 1892, p. 179-184. Mais les deux premiers sont antérieurs à cette institution. — Les Apôtres commencent par se disputer sur une question de préséance, suite naturelle de la demande formulée naguère par les deux fils de Zébédée. Matth., xx, 20-28. NotreSeigneur leur déclare que, dans son royaume, la primauté consistera à servir les autres. Puis, joignant à la parole un exemple des plus inattendus, il prend le costume de l’esclave et se met à laver les pieds de ses Apôtres. Luc, xxii, 24-30 ; Joa., xiii, 1-17. Voir Lavement des pieds. — On se remet ensuite à table et le Sauveur dénonce formellement aux douze la trahison de l’un d’eux. Pour indiquer le traître à saint Jean, il tend une bouchée de pain trempé à Judas et lui dit : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Judas sort aussitôt ; mais, à part saint Jean, chacun croit qu’il est parti pour l’exécution d’un ordre du divin Maître. Matth., xxvi, 21-25 ; Marc, xiv, 1821 ; Luc, xxii, 21-23 ; Joa., xiii, 18-30. Quand, le lendemain, Judas verra le résultat de sa trahison, il rapportera

aux grands-prêtres l’argent qu’il a reçu et ira se pendre en désespéré. Matth., xxvii, 3-10. Voir Judas Iscariote. — Le troisième incident n’a lien qu’après l’institution de la sainte Eucharistie, peut-être même, d’après saint Matthieu, xxvi, 30-35 ; Marc, xiv, 26-31, seulement après le départ du cénacle. Notre-Seigneur ayant annoncé aux onze Apôtres qui restent qu’ils vont tous l’abandonner, Pierre s’opiniâtre à promettre une fidélité inébranlable et s’attire la prédiction de son triple reniement. Luc, xxii, 31-34 ; Joa., xiii, 36-38. Voir Pierre (Saint).

Institution de l’Eucharistie.

Vers la fin du festin pascal, Jésus institue la sainte Eucharistie, en changeant le pain et le vin en son corps et en son sang,

en les distribuant à ses Apôtres et en leur ordonnant de faire la même chose en mémoire de lui. Matth., xxvi, 26-29 ; Marc, xiv, 22-25 ; Luc, xxii, 19-20. Voir Cêke, t. ii, col. 416, 417. Tout oblige à prendre dans le sens le plus littéral les paroles du Sauveur : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang ; » la solennité de la circonstance, dans laquelle Notre-Seigneur, qui se sait à la veille de sa mort, exprime ses volontés suprêmes, comme tout homme le fait à pareille heure, dans un langage simple et clair, Joa., xvi, 25, 29 ; les termes mêmes qu’il emploie pour identifier ce qu’il donne avec son corps qui va être livré et son sang qui va être versé pour les hommes ; la mention de la « nouvelle alliance » qui serait de beaucoup inférieure à l’ancienne si, au lieu d'être scellée par un sang véritable, elle ne l'était que par un vin vulgaire ; la conformité parfaite entre le don du corps et du sang de Jésus comme nourriture et la promesse si formelle qu’il en a faite antérieurement, Joa., vi, 48-58 ; l’insignifiance absolue de ce que le Sauveur, si puissant et si libéral, eût laissé à l’humanité rachetée, si le don n’eût consisté que dans un morceau de pain et un peu de vin rappelant son souvenir ou figurant sa personne ; l’impossibilité littérale d’expliquer dans le sens d’un simple souvenir, d’une image ou d’une ligure les expressions si catégoriques et si claires dont se sert ici le divin Maître ; enfin l’inconvenance suprême qu’il y aurait à supposer que Notre-Seigneur, avec sa prescience de l’avenir, ait pu laisser son Église croire à sa présence réelle sur la foi d’expressions dont la clarté eût constitué un piège pour ses disciples et pour tous les croyants. Il est donc incontestable que Jésus a voulu laisser aux hommes dans l’Eucharistie son corps et son sang. Et ce qu’il a voulu, il a pu l’accomplir en vertu de cette puissance dont ses miracles antérieurs ont fourni tant de preuves irréfragables. De même que la formule : « Le Verbe s’est fait chair, » suppose en lui la personne complète, divinité, âme et corps, ainsi les expressions : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, » entraînent dans l’Eucharistie la présence complète du Verbe incarné, divinité, âme, corps et sang, parce que depuis la résurrection du Sauveur, tous les éléments constitutifs de sa personnalité sont inséparables. Rom., VI, 9.

Discours après la Cène.

Après l’institution de

l’Eucharistie, Notre-Seigneur eut avec ses Apôtres un long entretien pour épancher son âme dans la leur et leur transmettre ses derniers conseils. Les Apôtres étaient effrayés par toutes les allusions qui venaient d'être faites à des événements tragiques et imminents. Pour les encourager, le Sauveur leur annonce qu’il retourne à son Père, mais que cependant il ne les laissera pas orphelins et leur enverra l’Esprit-Saint, chargé de continuer son œuvre sur la terre. Joa., xiv, 1-31. Voir Esprit-Saint, t. ii, col. 1968. Quittant alors la salle du festin, Joa., xiv, 31, sans doute pour prendre le chemin de Gethsémani, il continua à leur parler. Il leur expliqua ce qu’est la vie surnaturelle, avec son double fruit, l’amour réciproque de Dieu et de l'âme et l’amour du prochain. Cette vie les aidera à triompher de la haine du monde, qui les poursuivra comme elle a poursuiû

le Maître. Joa., xv, 1-27. D’ailleurs l’Esprit-Saint sera là pour les éclairer et les soutenir, et le Sauveur lui-même, dont ils vont pleurer la disparition, leur rapportera bientôt après la joie de sa présence, quand sa victoire aura été complète. Joa., xvi, 1-33. Jésus termina par une sublime prière dans laquelle il demanda à son Père sa propre glorification et ensuite toutes les grâces nécessaires à ceux qu’il laissait au milieu d’un monde méchant et maudit, ses disciples d’abord et ensuite tous ceux qui viendraient après eux. Joa., xvii, 1-26.

Agonie du Sauveur.

Il arriva alors au pied du

mont des Oliviers, Matth., xxvi, 30 ; Marc, xiv, 26, dans le jardin de Gethsémani. Voir Gethsémani, col. 229-233. Là, en se mettant en face des péchés des nommes dont il assumait la responsabilité et des tourments qu’il allait endurer, Jésus entra en agonie. Voir Agonie de Notre-Seigneur, t. i, col. 271-273. Un ange vint du ciel pour l’aidera subir victorieusement les assauts de la tristesse, de l’ennui et de la terreur qui l’assaillirent furieusement. Matth., xxvi, 36-46 ; Marc, xiv, 32-42 ; Luc, xxii, 39-46.

go Arrestation du Sauveur. — Le dernier événement de cette journée fut l’arrestation du Sauveur par une troupe que conduisait Judas, et qui se composait d’une cohorte romaine, Joa., xviii, 3, et de serviteurs du Temple, munis de lanternes, de falots, de bâtons et de glaives. A ces subalternes s’étaient joints un certain nombre de membres du sanhédrin, même des grands-prêtres. Sur ces derniers, voir Grand-Prêtre, col. 303. Les princi-paux incidents de cette arrestation sont le baiser par lequel Judas désigne son Maître à la troupe, après avoir recommandé de se saisir de lui et de le conduire avec précaution ; l’accueil amical que Jésus fait au traître et le reproche qu’il lui adresse ; la double question qu’il pose à la troupe et l’effroi que cause sa parole ; l’ordre qu’il lui intime de laisser les Apôtres en liberté ; l’apostrophe aux grands-prêtres, aux fonctionnaires du Temple et aux anciens, qui n’osent répliquer un seul mot ; la tentative inconsidérée de Pierre pour défendre le Sauveur, la blessure de Malchus et sa guérison ; le garrottement du Sauveur et le départ pour Jérusalem ; la fuite des Apôtres ; la rencontre du jeune homme que la troupe veut arrêter et qui réussit a s’échapper. Matth., xxvi, 47-56 ; Marc, xiv, 43-52 ; Luc, xxii, 47-55 ; Joa., xviii, 2-11.

VI. LE SIXIÈME JOUR (VENDREDI SAINT). — Selon la

manière de compter des Juifs, ce jour avait commencé la veille au soir, à partir du coucher du soleil. Il comprenait donc déjà une bonne partie des faits que, d’après notre manière habituelle de diviser le temps, nous avons attribués au jeudi. C’est le vendredi que se déroulent tous les événements de la passion du Sauveur. Sur la passion, voir Friedlieb, Archéologie de la passion de N.-S. J.-C, trad. F. Martin, Paris, 1897 ; Ollivier, La Passion, Paris, 1891.

Jésus chez Anne.

Au milieu de la nuit, Notre-Seigneur

fut d’abord amené chez Anne, ancien grandprêtre, qui conservait encore ce titre sous son gendre, Caiphe, le grand-prêtre en exercice. Dans sa maison eut lieu un premier interrogatoire, que beaucoup d’auteurs confondent avec celui qui se fit ensuite chez Caiphe, mais que saint Jean, xviii, 19-24, place formellement chez Anne. La halte chez ce pontife était justifiée par l’influence prépondérante qu’il exerçait. Voir Anne 6, t. i, col. 630-632. Cependant c’était seulement à titre officieux qu’Anne pouvait commencer l’interrogatoire de Jésus. Aussi le Sauveur opposa-t-il une sorte de déclinatoire à ses questions en le renvoyant aux auditeurs de sa doctrine prêchée dans les synagogues et dans le Temple, par conséquent toujours en public et devant des hommes capables d’en témoigner. La brutalité d’un valet qui intervint alors, sans doute avec l’assurance d’aller au-devant des désirs du pontife, ne servit qu’à faire ressortir la douceur du divin Maître. Anne

CICT. DE LA BIBLE.

envoya Jésus garrotté à Caïphe. Joa., xviii, 19-24. Les deux grands-prêtres logeaient dans des palais qu’on estime avoir été distants l’un de l’autre d’environ 150 mètres, mais qui avaient une cour commune ; la tradition les place sur le mont Sion. Voir Azibert, La nuit de la Passion chez Anne et Caïphe, dnns la Revue biblique, 1892, p. 282-292.

Reniement de saint Pierre.

Trois fois, comme

l’avait prédit le Sauveur, Pierre renia son maître. Le premier reniement eut lieu dans la cour d’Anne, où l’Apôtre avait été introduit par saint Jean. On avait allumé du feu, pour conjurer la fraîcheur de la nuit, et Pierre, reconnu par une portière à la lueur du foyer, déelara qu’il n’était pas des disciples de Jésus. Matth., xxvi, 58, 69-70 ; Marc, xiv, 54, 66-68 ; Luc, xxii, 54-57 ; Joa., xviii, 15-18. Les deux autres reniements, provoqués par une servante et par plusieurs valets du grandprêtre, se produisirent dans la cour du palais de Caiphe, où l’on avait aussi allumé du feu. À sa première dénégation, Pierre joignit des serments. Aussitôt après le troisième reniement, le coq chanta et un regard de Jésus fit rentrer l’Apôtre en lui-même. Matth., xxvi, 7175 ; Marc, xiv, 69-72 ; Luc, xxii, 58-62 ; Joa., xviii, 2527. Voir Coq, t. ii, col. 953.

Jésus devant Caiphe.

1. Pendant l’arrêt de

Notre-Seigneur chez Anne, le sanhédrin eut le temps de se réunir chez Caiphe pour une séance, sinon légale, du moins plénière. Voir Caiphe, t. ii, col. 44-47 ; Sanhédrin ; Dupin, Jésus devant Caïphe et Pilate, dans les Démonst. évang. de Migne, 1852, t. xvi, col. 727-754, "Chauvin, Le procès de Jésus-Christ, Paris, 1901 ; Lémann, Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ, Paris, 1876. Jésus comparut donc devant cette assemblée. On commença par produire contre lui des témoins, mais seulement des témoins à charge, dans le but avoué de justifier une condamnation à mort. Les témoins étaient en nombre ; mais ils ne s’entendirent pas, même les deux sur lesquels on avait compté le plus. Aussi, interpellé à son tour sur les accusations de pareils témoins, Notre-Seigneur ne daigna pas répondre. Caiphe lui posa alors la question capitale : « Es-tu le Christ Fils de Dieu ? — Je le suis, » répondit Jésus, et à cette affirmation il ajouta l’annonce qu’un jour ses juges le verraient venir sur les nuées du ciel. Aussitôt Caiphe cria au blasphème, déchira ses vêtements, voir Déchirer ses vêtements, t. ii, col. 1337, et demanda l’avis de l’assemblée. Tous répondirent : « Il mérite la mort ! » Cette séance au milieu de la nuit n’avait rien de légal. Il fallait attendre le jour pour tenir une séance régulière. Pendant les dernières heures de la nuit, on abandonna Jésus à la garde des serviteurs du grand-prêtre qui lui crachèrent au visage, lui donnèrent des soufflets, et, le traitant de faux Christ, lui voilèrent la tête et le frappèrent en lui criant de deviner les auteurs des coups. Matth., xxvi, 57-68 ; Marc, xiv, 53-65 ; Luc, xxii, 63-65. — 2. Dès le lever du jour, on fit comparaître à nouveau Jésus devant le sanhédrin. Les témoins furent laissés de côté. À la question : « Es-tu le Christ ? » le Sauveur, pour mettre en relief la mauvaise foi de ses juges, observa qu’on ne croirait pas à sa parole. Il répéta néanmoins sa solennelle affirmation de la nuit et la sentence de mort fut renouvelée. Matth., xxvii, 1 ; Marc, xv, 1 ; Luc, xxii 66-71.

^° Jésus devant Pilate. — Pour devenir exécutoire, cette sentence devait être confirmée par le procurateur qui, depuis l’occupation romaine, avait seul à Jérusalem le jus gladii ou droit de mort. Il était absolument impossible, en pleine Pâque et en présence du procurateur, de procéder tumultuairement au supplice de Jésus, comme on le fit plus tard pour Etienne. Voir Etienne’(Saint), t. ii, col. 2035. Il fallut donc de toute nécessité se rendre auprès de Pilate, pour en obtenir une sen--’III. - 47

tence conforme à celle du sanhédrin. Voir Pilate. La résidence du procurateur était à l’autre extrémité de la ville, à la citadelle Antonia, qui flanquait la partie septentrionale du Temple. Voir Antonia, t. i, col. 712, 713. Pour y arriver, on eut donc à traverser toute la cité, dont les rues étroites regorgeaient déjà de la multitude des pèlerins. Quoiqu’il fût encore d’assez bon matin, Piiate reçut le cortège, afin de se débarrasser au plus tôt d’une affaire gênante, en un jour où la surveillance de la population occupait toute son attention. Mais les choses n’allèrent pas aussi rapidement qu’il espérait. De part et d’autre, on procéda d’abord avec une mauvaise humeur marquée. « De quoi accusez-vous cet homme ? » dit brusquement Piiate. « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne l’aurions pas amené, » répondirent les représentants du sanhédrin. Piiate alors interrogea directement Jésus qu’on accusait de se faire roi des Juifs, de soulever la nation et d’empêcher de payer le tribut à César. Piiate était suffisamment informé par sa police pour être convaincu que ces griefs politiques ne reposaient sur rien. Voir Lémann, La police autour de la personne de Jésus-Christ, Paris, 1895. Il ne retint que l’accusation qui faisait de Jésus le « roi des Juifs », titre auquel s’attachait dans la pensée de tous l’idée des revendications nationales contre le joug des Romains. Le Sauveur lui expliqua que son rojaume ne tirait pas ses ressources « de ce monde », que ses moyens d’action provenaient d’ailleurs et que son but était de rendre témoignage à la vérité. Très sceptique sur une question dont la solution lui paraissait aussi chimérique qu’inutile, Piiate sortit de son prétoire, où il avait fait comparaître le divin accusé, voir Prétoire, et déclara aux Juifs qu’il n’y avait en Jésus aucune matière à condamnation. Matth., xxvii, 11-14 ; Marc, xv, 2-5 ; Luc, xxiii, 2-5 ; Joa., xviii, 29-38.

Jésus chez Hérode.

Apprenant que Jésus était de

Galilée, Piiate crut se délivrer d’une cause importune en le renvoyant au jugement d’Hérode, venu à Jérusalem pour les solennités pascales. Voir Hérode Antipas, col. 647-649. Notre-Seigneur ne daigna pas répondre au meurtrier de Jean-Baptiste, et celui-ci le renvoya à Piiate revêtu d’une robe blanche en signe de mépris. Voir Couleurs, t. ii, col. 1070.

6° Condamnation, de Jésus. — Le procurateur ne croyait nullement à la culpabilité du Sauveur, auquel d’ailleurs s’intéressait sa propre femme ; mais n’ayant pas assez d’énergie pour imposer sa volonté, il recourut à divers expédients pour sauver Jésus. Il proposa sa délivrance, en vertu d’une coutume nationale qui permettait au peuple de faire mettre en liberté, à l’occasion de la Pâque, un prisonnier à son choix. Le peuple, qui assistait en foule énorme à toutes les péripéties du jugement, se laissa soudoyer par les agents du sanhédrin et, au lieu de choisir Jésus, réclama la délivrance du brigand Barabbas. Voir Barabbas, . t. i, col. 1443. Matth., xxvii, 15-23 ; Marc, xv, 6-14 ; Luc, xxiii, 13-23 ; Joa., xviii, 39, 40. Comme ensuite on requérait la mise en croix de Jésus, Piiate commença par le faire flageller. Voir Flagellation, t. ii, col. 2282, 2283 ; Fouet, col. 2331. Les soldats de la cohorte en garnison à l’Antonia, voir Cohorte, t. ii, col. 827, 828, prirent ensuite le Sauveur, le couronnèrent d’épines, voir COURONNE, t. ii, col. 1086-1089, lui couvrirent les épaules d’un manteau de pourpre, voir Cochenille, t. ii, col. 818, et l’accablèrent d’outrages. Après ces supplices, Piiate le présenta aux Juifs, espérant que la vue d’un homme si cruellement châtié désarmerait leur fureur. Il n’en fut rien. Les grands-prêtres et leurs complices entraînèrent la foule à crier plus fort que jamais : « Qu’il soit crucifié ! « Attentifs aux hésitations de Piiate, ils le menacèrent d’en référer à l’empereur, s’il refusait de condamner un homme qui, en se déclarant roi, s’insurgeait contre César. À cette menace, le procurateur céda ;

monté sur son tribunal extérieur, voir Lithostrotos, il prononça la condamnation de Jésus à la croix et le livra aux Juifs. Matth., xxvii, 24-30 ; Marc, xv, 15-19 ; Luo, xxiii, 24-25 ; Joa., xrx, 1-16.

Crucifiement.

Jésus reprit ses vêtements ordinaires

et fut chargé de porter, de l’Antonia jusqu’au Calvaire, l’instrument de son supplice, la croix, si accablante que Simon le Cyrénéen dut être requis pour lui venir en aide. Voir Simon le Cyrénéen ; Croix, t. ii, col. 1130-1134 ; Calvaire, t. ii, col. 77-87. Au Calvaire, on le fixa sur la croix avec des clous, voir Clou, t. ii, col. 810-812 ; les exécuteurs se partagèrent ses vêtements et tirèrent au sort sa tunique d’une seule pièce. Voir DÉ, t. ii, col. 1326 ; Sort, Tunique. On avait attaché au sommet de la croix le titre de la condamnation, rédigé par Piiate. A’oir Titre de la croix. Matth., xxvii, 31-38 ; Marc, xv, 20-28 ; Luc, xxiii, 26-38 ; Joa., xix, 16-21.

Mort du Sauveur.

1. Jusque sur la croix, Jésus

fut l’objet des moqueries des membres du sanhédrin, d’un des deux voleurs crucifiés à ses côtés, des soldats qui l’avaient supplicié et de la foule. Il vécut ainsi près de trois heures. Mais la fureur de ses ennemis céda peu à peu à l’effroi causé par les signes extraordinaires qui se produisirent alors. Voir Éclipse, t. ii, col. 1562. Pendant ce temps, Notre-Seigneur fit entendre sept paroles. Quand on le clouait à la croix : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. » Au larron repentant : « En vérité, je te le dis, tu seras aujourd’hui avec moi en paradis. » À sa mère et à saint Jean : « Femme, voici votre fils. — Voici ta mère. » À son Père : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Puis : « J’ai soif ! » Enfin : « C’est accompli ! » et : « Père, je remets ma vie entre vos mains. » Cf. Bellarmin, De septem verbis a Christo in cruce prolatis, Cologne, 1618. Ensuite Jésus expira en poussant un grand cri. Matth., xxvii, 39-50 ; Marc, xv, 29-37 ; Luc, xxiii, 35-46 ; Joa., xix, 25-30. — 2. À la mort du Sauveur, le voile du Temple se déchira, voir Voile, la terre trembla et les pierres se fendirent. Voir Calvaire, t. ii, col. 82. Le grand cri poussé par Jésus expirant étonna tellement le centurion de garde auprès de la croix, qu’il confessa publiquement la divinité du Sauveur. Dès le soir même, on s’occupa de la sépulture, la mort étant constatée par le soldat qui, jugeant inutile de rompre les jambes d’un supplicié déjà mort, se contenta de lui percer le côté d’un coup de lance. Voir Eau, t. ii, col. 1519, 7°, et Sang. Deux membres du sanhédrin, qui n’avaient pas pris part à la condamnation du divin Maître, Joseph d’Arimalhie et Nicodème, se mirent en devoir de détacher le corps de la croix, après que le premier en eût obtenu l’autorisation de Piiate ; puis ils l’ensevelirent, voir Embaumement, t.n, col. 1728 ; Ensevelissement, col. 1816, et Suaire, et le déposèrent dans le sépulcre neuf que Joseph d’Arimathie s’était préparé pour lui-même près du Golgotha. Voir Jardin, col. 1133, et Sépulcre (Saint-). Les saintes femmes furent témoins de ces derniers devoirs rendus au corps de Jésus un peu hâtivement ; car tout ce que racontent les Évangélistes au sujet de la sépulture dut être accompli entre le moment de la mort, à trois heures du soir, et l’apparition des premières étoiles, qui marquait le commencement du sabbat et la cessation de tout travail. Matth., xxvii, 51-61 ; Marc, xv, 38-47 ; Luc, xxiii, 45-56 ; Joa., xix, 31-42. — 3. Pour bien comprendre plusieurs des termes dont se servent les Évangélistes en parlant de l’ensevelissement ou de la résurrection de Notre-Seigneur, il importe de se faire une idée exacte de la manière dont étaient agencés les tombeaux des Juifs. Celui du Sauveur a été isolé de tout ce qui l’entourait primitivement et mis dans un tel état qu’il est impossible aujourd’hui d’y retrouver trace des dispositions antérieures. Il avait été creusé dans le roc même, pour l’usage de Joseph d’Arimathie ; T1 n’avait pas encore scru un

JÉSUS-CHRIST

1478

quand le corps de Jésus y fut déposé. Matth., xxvii, 60 ; Marc, xv, 46 ; Luc, xxiii, 53 ; Joa., xix, 41. Il devait comprendre, comme les tombes qui appartenaient à des personnages riches et importants, une première chambre ou vestibule, dans lequel on accédait en descendant quelques marches, suivant la disposition du sol. Cf. Legendre, Le Saint-Sépulcre, Le Mans, 1898, p. 22-24. Dans ce vestibule ouvrait, par une porte ordinairement très basse, l’entrée du caveau proprement dit, dans lequel on ne pouvait pénétrer et regarder qu’en se baissant. Joa., xx, 5, 11. Ce caveau n’avait pas de grandes dimensions. Il ne mesure actuellement que 2 ID 07 sur l m 93. Une banquette de pierre y avait été ménagée pour y déposer un corps ; trois ou quatre personnes auraient pu à peine tenir ensemble dans l’espace qui restait libre. La grande préoccupation des anciens était de fermer leurs tombeaux d’une manière qui ne permit pas au premier venu de les ouvrir. Comme les Égyptiens, les Israélites inventèrent dans ce but divers procédés ingénieux. À Jérusalem, en particulier, on employait parfois de grandes pierres, en forme de meules, que l’on faisait rouler devant la porte du caveau. M. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 222, 223, a retrouvé ces dispositions dans le Tombeau des Rois, et il les décrit ainsi : « Une fois descendu sur le sol du vestibule, on aperçoit au fond de la paroi de gauche une petite porte fort basse, et par laquelle on ne peut passer qu’en rampant. C’est l’entrée des caveaux. Cette entrée, qui est aujourd’hui libre, était jadis déguisée avec soin…Un disque de pierre de grande épaisseur, roulant dans une rigole circulaire, venait s’appliquer exactement contre la baie, et cette lourde pierre ne pouvait se mouvoir, sur le plan incliné que lui offrait la rainure dans laquelle il se tromait engagé, qu’à l’aide de la pression d’un levier, agissant de droite à gauche pour dégager la porte, et de gauche à droite pour la clore… Il était facile de solliciter, à l’aide d’un levier dont le point d’appui se prenait sur l’arête même de l’encastrement, le disque de pierre, forcé dès lors à se mouvoir, en montant à gauche de la porte, sur le plan incliné de la rainure circulaire… Une fois le disque de clôture ainsi chassé à gauche et calé fortement, le passage devenait libre. » Actuellement, « le disque n’a pas conservé une position rigoureusement verticale ( par suite du peu de soin que l’on a mis à l’écarter et à le caler. » Cf. G. Saintine, Trois ans en Judée, Paris, 1860, p. 224 ; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 328 ; Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, p. 445. Le tombeau dit des Hérodes (voir col. 647), découvert en 1891, était aussi fermé par une pierre ronde (fig. 267) qu’on y voit encore en place comme au Tombeau des Rois. Dans ce dernier, on n’arrivait au disque de pierre que par un couloir auxiliaire, dissimulé dans l’aménagement de l’hypogée. Les dispositions étaient beaucoup moins compliquées dans le tombeau de Notre-Seigneur ; mais à coup sûr, un disque de pierre y avait été préparé, pour servir dans des conditions analogues à celles qui viennent d’être décrites. Le corps du Sauveur une fois déposé dans le caveau, « on roula une grosse pierre à la porte du monument, » ïcpo<mvi<rac Xc’ôov jj-lyoev trj fhipa, advolvit snxum magnum ad ostium. Matth., xxvii, ’60. Quand l’ange du Seigneur apparut au matin de la résurrection, il « fit rouler », àicex’jXicre, revolvit, la pierre de fermeture. Matth., xxvii, 2. Cependant les saintes femmes se disaient : « Qui nous fera rouler, àiroxuXt’ffet, revolvet, la pierre ? » Et en approchant, elles virent que la pierre avait été roulée, àjcoxsxûÀto-uat, revolutum, Marc, XVI, 3, 4, â710xexuXi<r|iévov, reyoîufrujn. Luc, xxiv. 2. Ces verbes sont des composés de xviXtvSo), qui signifie « rouler ». Le récit.évangélique montre que la tombe de Joseph d’Arimathie était toute prête à recevoir un corps ; il n’y eut plus à se procurer, au dernier moment, que les objets nécessaires à l’ensevelissement.

VII. LE SEPTIÈME JOUR [SAMEDI SAINT). — C’était le

jour du sabbat, par conséquent du repos absolu. Les amis du Sauveur se tinrent enfermés, se promettant de retourner au sépulcre dès le lendemain du sabbat, afin de compléter l’ensevelissement, trop sommaire à leur gré, du corps de Jésus. De leur côté, les membres du sanhédrin se réunirent et firent une démarche auprès de Pilate, afin d’obtenir que le sépulcre fût gardé contre toute tentative d’enlèvement du corps par les disciples. Le procurateur les chargea de prendre ce soin eux-mêmes. Ils allèrent donc, mirent des scellés sur la pierre de fermeture et laissèrent des gardes. L’évangéliste ne dit pas si ces précautions furent prises dès la première heure du sabbat, le vendredi soir, ou seulement le lendemain au matin. Mais il était élémentaire, pour les représentants du sanhédrin, de s’assurer de la présence du corps dans le sépulcre avant de mettre les scellés sur la pierre qui le fermait. Il est inadmissible

268. — Porte du tombeau dit des Hérodes. D’après la Revue biblique, 1802, p. 270.

que la prudence et la haine des persécuteurs aient pu négliger ce soin. Matth., xxvii, 62-66.

VII. La. Vie de Jésus bessuscité. — i. le jour de la résurrection. — Les apparitions du Sauveur ressuscité sont multiples en ce premier jour. Chaque Évangéliste n’en raconte que quelques-unes ; aussi les détails des différents récits paraissent-ils parfois difficiles à harmoniser. On y parvient cependant assez aisément en serrant les récits de près et en tenant compte de ce que les écrivains sacrés ont pu ou dû sous-entendre dans une narration aussi rapide. Cf. Loofs, Die Auferstehungsberichte und ihr Wert, Leipzig, 1898. Voici comment on peut établir l’harmonie des textes. — 1° Avant le lever du jour, les saintes femmes qui, la veille au soir, après la clôture du sabbat, ont acheté des aromates, se mettent en route pour le sépulcre et y arrivent au soleil levé. Chemin faisant, elles se demandaient qui leur a. roulerait » la pierre, mais elles ignoraient qu’on eût placé des gardes. Matth., xxviii, 1 ; Marc, xvi, 1-3 ; Luc, xxiv, 1 ; Joa., xx, 1.-2° Pendant ce temps, un ange était descendu du ciel, avait fait rouler la pierre, s’était assis non pas sur elle, ÈV ocOtoô, mais « au-dessus d’elle », èitâveo aùioO, et avait, par l’éclat de son aspect, mis en fuite les gardes terrifiés. Matth., xxviii, 2-i. Ceux-ci retournent à Jérusalem, mais ne sont pas rencontrés par les saintes femmes. — 3° Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, en arrivant près du sépulcre, s’aperçoivent que la pierre a été écartée de l’entrée. Aussitôt, Madeleine s’imagine que le corps du Seigneur a été enlevé ; elle revient précipitamment sur ses pas pour en informer les Apôtres. Marc, xvi, 4 ;

Luc, xxiv, 2 ; Joa., xx, 1, 2. — 4° Les deux autres femmes pénètrent dans le sépulcre et n’y voient pas le Corps. Pendant qu’elles se désolent, deux anges leur apparaissent, leur annoncent la résurrection et leur font remarquer que Jésus l’avait prédit. Luc, xxiv, 3-8. — 5° Jeanne et d’autres saintes femmes, Luc, xxiv, 10, avaient suivi de près les précédentes. Elles arrivent aussi au tombeau. Des deux anges qui s’étaient montrés à Salomé et à sa compagne, il n’y en a maintenant plus qu’un de visible. Les nouvelles arrivées entrent à leur tour dans le vestibule qui précède la chambre sépulcrale. Elles aperçoivent l’ange qui est assis à droite. Elles sont saisies d’effroi ; l’ange leur annonce la résurrection, leur montre le sépulcre vide et leur commande de dire aux disciples et à Pierre qu’ils le verront en Galilée. Matth., xxviii, 5-7 ; Marc, xvi, 5-7. — 6° Cependant, Pierre et Jean, avertis par Madeleine, accourent. Ils entrent dans le sépulcre, ne sont pas favorisés de la vue des anges, et constatent la disposition régulière des linges, excluant l’hjpolhèse d’un enlèvement furtif et précipité. Joa., xx, 3-10. — 7° Marie-Madeleine, qui est revenue à leur suite, reste près du tombeau à pleurer. Jésus se montre à elle ; mais elle le prend pour le jardinier et ne le reconnaît enfin qu’au son de sa voix. Joa., xx, 16 ; Marc, xvi, 9.

— 8° Pendant ce temps, les saintes femmes qui avaient précédemment quitté le tombeau, pleines d’épouvante et de joie, se trouvent sur le chemin du retour, quand Jésus leur apparaît et leur commande lui-même d’aller dire à ses frères qu’ils le verront en Galilée. Matth., xxviii, 8-10 ; Marc, xvi, 8. — 9° Les saintes femmes et Marie-Madeleine vont successivement raconter aux Apôtres ce qu’elles ont vii, mais elles ne sont pas crues. Marc, xvi, 10, 11 ; Luc, xxiv, 9-11. — 10° Jésus se montre longuement à deux disciples sur le chemin d’Emmaus, voir Emmaus, t. ii, col. 1735-1748, converse et mange avec eux. Ceux-ci reviennent précipitamment pour apporter la nouvelle aux Apôtres. Marc, xvi, 1213 ; Luc, xxiv, 13-35. Le récit des deux Évangélistes, Marc, , xvi, 13, et Luc, xxiv, 34-35, suppose ici chez les Apôtres des alternatives de foi et de doute. — 11° Pierre est favorisé d’une apparition particulière dont le détail n’est pas donné. Seul avec Jean, Joa., xx, 8, il croit fermement à la résurrection. Luc, xxiv, 34. — 12° Enfin, sur le soir, et après le retour des disciples d’Emmaus, Jésus vient dans le cénacle, où sont rassemblés les Apôtres, moins Thomas ; il se fait voir et toucher, leur donne le pouvoir de remettre les péchés et mange devant eux. Marc, xvi, 14 ; Luc, xxiv, 36-43 ; Joa., xx, 19-25. — 13° Ce même jour, dans la matinée, un fait d’un tout autre ordre s’était passé. Les gardes du tombeau avaient informé les princes des prêtres de ce qui était arrivé. On leur donna de l’argent pour dire que les disciples aaient enlevé le corps et on leur promit de les garantir contre toute difficulté de la part de Pilate. Matth., xxviii, 11-15. Saint Justin, Dialog. cum Tryphon., 108, t. VI, col. 727, atteste que les Juifs prirent soin de faire colporter leur mensonge dans tout l’univers. — Ce qui ressort très nettement des récits de ce premier jour, c’est que personne, parmi les Apôtres et les disciples de Notre-Seigneur, ne s’attendait à sa résurrection. Les saintes femmes n’y croient que sur l’affirmation des anges. Les Apôtres n’admettent pas ce qu’elles affirment avoir vu et entendu ; ils ne se rendent que quand Jésus apparaît vivant devant eux, et encore Thomas va-t-il récuser pendant huit jours le témoignage de tous les autres. A prendre les Évangiles dans leur rigueur, il n’y a donc nulle place pour une croyance s’insinuant par persuasion ou par suggestion, puisque les témoins changent subitement de conviction dans le cours d’une même journée, et ne le font qu’à l’apparition de celui dont ils niaient la résurrection l’instant d’auparavant. Voir aussi Évangiles (Concorde des), t. ii, col. 2111.

II. ENTRE LA RÉSURRECTION ET L’ASCENSION. — 1° Huit

jours après la résurrection, Jésus se montra de nouveau dans le cénacle et se fit toucher par Thomas, qui crut alors comme les autres Apôtres. Joa., XX, 26-29. — 2° Quelque temps après, quand les disciples se furent rendus en Galilée, comme il le leur avait fait dire, Notre-Seigneurse montra à sept d’entre eux sur le rivage du lac de Tibériade. Saint Jean le reconnut le premier. Le Sauveur leur fit manger du pain et du poisson, puis, ayant demandé, par trois fois à Pierre s’il l’aimait, il lui confia le soin de paître ses agneaux et ses brebis. Joa., xxi, 1-24.

— 3° Jésus apparut de nouveau aux onze sur une montagne de Galilée et leur donna ses instructions pour la prédication de son Évangile à travers le monde. Matth., xxviii, 16-20 ; Marc, xvi, 15-18. — 4° Il est de toute évidence que les apparitions de Jésus ressuscité en Galilée ne sont pas toutes consignées dans les récits évangéliques. Le Sauveur avait fait dire à Pierre, comme chef de son Église et chargé de procurer l’exécution de ses ordres, et aux disciples venus à Jérusalem pour la Pâque, qu’il se montrerait à eux en Galilée, où il leur était commandé de se rendre. Matth., xxviii, 10. Les Évangélistes ne rapportent que les apparitions aux Apôtres, auxquels se trouvent joints trois disciples seulement. Joa., xxi, 2. Il est possible que beaucoup de disciples aient accompagné les onze sur la montagne, car il est dit qu’alors « certains doutèrent », ce qui ne peut s’appliquer aux Apôtres. Matth., xxvii, 17. Saint Paul complète les renseignements fournis par les Évangélistes, quand il écrit que le Seigneur s’est fait voir à Pierre, puis aux onze, ensuite à plus de cinq cents frères ensemble, enfin, à Jacques et plus tard à tous les Apôtres, ce dernier nom comprenant sans doute tous ceux qui, outre les onze, devaient être envoyés pour prêcher l’Évangile. I Cor. r xv, 5-7.

/II. l’ascension. — Le quarantième jour après sa résurrection, le Sauveur se retrouva avec ses Apôtres et des disciples sur le mont des Oliviers. Il leur recommanda de rester à Jérusalem jusqu’à la venue de l’Esprit-Saint, et leur donna ses avis suprêmes pour la prédication de son Évangile à travers le monde. Puis, il s’éleva au ciel en leur présence. Quand il eut disparu, deux anges vinrent annoncer qu’il ne reviendrait plus visiblement que dans une manifestation triomphale analogue à celle de son ascension. Marc, xvi, 19, 20 ; Luc, xxiv, 44-53 ; Act., i, 1-11. Voir Ascension, t. i, col. 10711073.

VIII. Enseignement de Jésus-Christ.

Si Jésus-Christ vint sur la terre pour racheter les hommes par sa mort, il eut aussi le dessein de leur apprendre à profiter de la rédemption. Il prêcha donc une doctrine qui complétait les révélations antérieures et visait à la fois toute l’humanité et tous les temps. Les vérités précédemment acquises reçurent de lui leur confirmation et un plus complet développement. De nouvelles révélations furent ajoutées aux anciennes ; des principes de foi furent posés, qui étaient destinés à fournir, dans la suite des âges, de fécondes conséquences ; en un mot, comme le disait le Sauveur lui-même, la « parole de Dieu » fut une semence qui, tombée dans une bonne terre, devait rendre cent pour un. Toute la doctrine catholique n’est que le développement de l’enseignement de Notre-Seigneur. Cf. Kewman, Histoire du développement de la doctrine chrétienne, trad. J. Gondon, Paris, 1848 ; de Broglie, Le progrès religieux, dans Religion et critique, Paris, 1896, p. 293-357. Cet enseignement est à étudier dans ses dogmes, dans ses préceptes, dans ses sources et dans la manière dont il a été présenté par le divin Maître.

I. l’enseignement dogmatique. — 1° La Sainte Trinité. — Jésus-Christ suppose accepté et indiscutable le dogme du Dieu unique et créateur. Marc, xii, 29, 32. Mais ce qui lui est propre, c’est la révélation complète et 1481

JÉSUS-CHRIST

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définitive du mystère de la sainte Trinité, que l’Ancien Testament avait dû laisser presque totalement dans l’ombre. Il ordonne à ses Apôtres de baptiser tous les hommes « au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », JVIatth., xxviii, 19, mettant ainsi au même rang les trois personnes divines. — 1. Le Père est le Maître souverain auquel tout obéit. Maith., xi, 25, 26 ; Luc, x, 21. C’est le Jéhovah de l’ancienne loi. Cependant Jésus-Christ veut que les hommes lui donnent le nom de Père. Matth., vi, 9 ; Luc, xi, 2. En parlant de lui à ses disciples, il dit habituellement : « Votre Père, qui est dans les cieux. » Matth., v, 48 ; vi, 14 ; vii, 11 ; Marc, xi, 25, 26 ; Luc, xi, 13 ; xil, 32, etc. C’est un Père qui aime les hommes, Joa., iii, 16 ; xvi, 27, et qui prend soin d’eux avec une tendresse vigilante. Matth., VI, 32 ; x, 29 ; Luc, xii, 6, 7, 28, 32 ; xviii, 7, 8. Sous la loi nouvelle, les rapports de ce Père avec les hommes vont avoir un caractère bien plus marqué de tendresse et de libéralité. — 2. Le Fils, c’est Jésus-Christ lui-même, non plus dans le sens large et imparfait, comme quand il est dit de certains hommes : « Vous êtes tous des fils du Très-Haut, » Ps. lxxxi (lxxxii), 6, mais dans toute l’acception naturelle du mot. Voir Fils de Dieu, t. ii, col. 2253-2257. Ce Fils ne fait qu’un avec le Père, Joa., xiv, 7 ; xv, 23, 24 ; xvi, 15 ; xvii, 10, 21, mais il en est distinct par la connaissance, Matth., xi, 27 ; Luc, x, 22, et par l’activité. Joa., v, 17-23. C’est du Père qu’il a reçu sa mission. Joa., vii, 28 ; xii, 44-50 ; xiv, 31 ; xv, 10-15 ; xvi, 27 ; xvii, 3. Aussi, tandis que les hommes appellent Dieu « notre Père », Matth., vi, 9, lui l’appelle constamment « mon Père », Matth., x, 32 ; Marc, vin, 38 ; Luc, ii, 49 ; Joa., ii, 16 ; v, 18 ; etc., comme tenant à ce Père par une filiation tout autre que celle des hommes. Quoique s’étant uni par l’incarnation une âme et un corps humain, il n’en reste pas moins le « Fils bien-aimé » du Père. Matth., iii, 17 ; xvii, 5 ; Marc, i, 11 ; Luc, iii, 22 ; ix, 35 ; Joa., iii, 35 ; v, 20, etc. Cependant, dans sa nature humaine qui est créée, il est inférieur au Père. Matlh., XX, 23 ; xxvi, 39 ; xxvii, 46 ; Luc, xxiii, 46 ; Joa., v, 30-32, 36 ; XIV, 28, etc. Ce titre de « Fils » que se donne par rapport à Dieu Jésus-Christ, en qui ils ne voient qu’un homme, révolte souverainement les Juifs, qui d’ailleurs entendent avec raison ce nom de « Fils » dans son acception la plus étroite. Joa., x, 36 ; xix, 7. — 3. Le Saint-Esprit, que l’Ancien Testament ne nous fait pas connaître nettement comme personne, complète la Trinité. Notre-Seigneur dit de lui qu’il procède du Père, Joa., xv, 26, mais qu’en même temps il recevra de ce qui est au Fils. Joa., xvi, 15. C’est d’ailleurs le Fils qui l’enverra sur la terre pour compléter son œuvre. Joa., xv, 26 ; xvi, 7, etc. Voir Esprit-Sacnt, t. ii, col. 1967-1969. 2° Le Messie.

Jésus-Christ se présente lui-même

comme le Messie. Joa., IV, 26. Il est le Messie qui réalise les prédictions des prophètes, mais il ne répond pas à l’idée que s’en sont faite les Juifs. Il lui faut donc redresser leurs préjugés. Ils disent que quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il vient, tandis qu’on sait d’où est Jésus et qu’en conséquence il ne saurait être le Messie. Joa., vii, 27. Le Sauveur leur explique que, s’ils savent qui il est et de quel pays il vient, ils ignorent sa véritable origine et l’ignorent volontairement, puisque, malgré toutes les preuves qu’il leur fournit, ils refusent d’admettre qu’il vient du Père. Joa., vii, 28, 29. Us le croient venu simplement de Galilée et de Nazareth. Joa., 1, 46 ; vii, 41. Pour les éclairer, Jésus leur rappelle que le Messie est « fils de David », mais que David^ l’appelle à l’avance son Seigneur, par conséquent un personnage qui lui est supérieur à lui-même. Matth., xxii, 41-46 ; Marc, xii, 35-37 ; Luc, xx, 41-44. Ils n’osent tirer une conclusion qui ne cadrerait pas avec leurs idées préconçues. Jésus-Christ s’applique à faire comprendre à ses disciples que le Messie promis doit être un Messie humble et souffrant, qui sera rejeté par les autorités nationales et mis à mort par les gentils, aux quels les Juifs l’auront livré. Matth.. xvi, 20-23 ; xvii, 21, 22 ; Marc, viii, 30-33 ; rx, 29-31 ; Luc, ix, 21, 22, 44, 45. « Mettez bien ces paroles dans vos cœurs, » dit-il à ses Apôtres qui ne peuvent se faire à cette idée. Luc, ix, 44. Quelques jours avant sa mort, il renouvelle son avertissement, en observant que toutes ces choses ont été écrites par les prophètes au sujet du Fils de l’homme. Matth., xx, 17-19 ; Marc, x, 32-34 ; Luc, xvii, 31-34. Enfin, la semaine même de sa passion, il dit à tous dans le Temple que le Fils de l’homme sera élevé de terre. Tous comprennent si bien le sens de ses paroles qu’on lui réplique aussitôt : « Nous avons entendu dire d’après la loi que le Christ demeure à jamais. » Joa., xii, 32-34. Le Sauveur n’insiste pas, parce que le malentendu ne peut être dissipé que par les faits. Plus tard, ceux qui le voudront verront qu’en effet le Christ demeure à jamais, mais non de la manière qu’ils avaient rêvé. De fait, il entrait dans les plans de la Providence que l’idée d’un Messie souffrant parût inacceptable au plus grand nombre des Juifs ; c’était précisément la condition requise pour que ce Messie fût rejeté des siens et livré aux gentils. En accusant Jésus devant Pilate de se donner pour le « Christ roi », Luc, xxii, 2, les princes des prêtres ont l’intention avérée d’exciter les susceptibilités du procurateur par le titre de « roi » qu’ils évoquent ; mais le nom de « Christ » attribué à un homme d’aussi modeste apparence les révolte encore plus étrangement ; c’est pourquoi ils protesteront avec tant de vivacité quand Pilate écrira au sommet de la croix : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs, » ce qui pour tous est synonyme de « Jésus de Nazareth, Messie ». Joa., xix, 20 r 21.La suite des événements a montré que, seul de son temps, le Sauveur avait eu la pleine intelligence des prophéties messianiques. Luc, xxiv, 26-27. Les JuiTs se regardaient comme une race privilégiée, vis-à-vis de laquelle Dieu était, pour ainsi dire, plutôt débiteur que créancier, et qui avait droit, en vertu d’antiques promesses mal comprises, à recevoir de lui un Messie glorieux et puissant qui associerait tous ses compatriotes à sa grandeur. La vérité était tout le contraire de cette conception. Les Juifs avaient péché comme tous les hommes et péchaient encore plus gravement que les gentils. Notre-Seigneur le leur répète pour abaisser leur orgueil. Joa., viii, 21, 24 ; ix, 41 ; xv, 22, 24 ; xvi, 9 ; xix, 11. Or le péché appelait l’expiation, et l’expiation ne pouvait se faire sans le sacrifice. Voilà pourquoi le Sauveur, en présentant la coupe eucharistique à ses Apôtres, leur disait : « Ceci est mon sang de la nouvelle alliance, qui sera versé pour beaucoup en rémission des péchés. » Matth., xxvi, 28. Toute l’idée messianique est dans cette formule, dans laquelle Notre-Seigneur parle du sang qui va être versé pour remettre les péchés des hommes, et leur permettra de contracter avec Dieu une alliance plus universelle, plus durable et plus salutaire que l’ancienne.

Le royaume de Dieu.

1. Les Juifs comprennent

ce royaume comme ils ont compris le Messie, dans un sens tout terrestre. Aussi rejettent-ils avec indignation le « roi des Juifs » qu’on leur présente pauvre et humilié. Notre-Seigneur vient pour établir le « royaume de Dieu » ou le a royaume des cieux », c’est-à-dire la royauté, le règne de Dieu sur la terre, paffiXet’a, regnum. Les conditions dans lesquelles il l’établit sont aussi conformes au sens spirituel des prophéties que contraires à l’attente des Juifs, qui interprétaient ces prophéties dans le sens le plus grossier. Ils s’imaginaient que le royaume de Dieu serait inauguré tout d’un coup, avec grand éclat, comme quand un grand prince monte sur le trône. Luc, xix, 11. Un jour, des pharisiens demandent au Sauveur : « Quand vient le royaume de Dieu ? » Et il leur répond : « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière qu’on puisse l’observer, » comme on observe les astres, uêtà itapaT^p^ccwî, « et on ne peut pas dire : le voici ici, le voici là. » Luc, xvii, 20, 21. Ce rojauine de Dieu,

c’est la puissance de Dieu s’eierçant sur les âmes pour les éclairer, les racheter, les sanctifier et les sauver. Cette puissance n’agit pas sur les âmes comme elle agit dans le monde matériel, où tout lui obéit sans résistance possible ; elle réclame la foi, le consentement et le concours de ces âmes, dont elle respecte la liberté jusqu'à s’interdire de la léser, même pour assurer leur salut. Une royauté de cette nature ne peut donc s'établir que peu à peu, à mesure que les âmes mieux éclairées lui donnent leur adhésion. Aussi, quand NotreSeigneur commence à prêcher l'Évangile, il ne dit pas : Voici le royaume de Dieu, mais : « Le royaume de Dieu approche. » Matth., IV, 17 ; x, 7 ; Marc, i, -15 ; Luc, x, 9, 10. Il n’y a pas de grandeurs temporelles à ambitionner dans ce royaume. Matth., xx, 21-28 ; Marc, X, 37-45. Ses sujets sont les pauvres, les persécutés, les obéissants, Matth., v, 3, 10, 19 ; Luc, vi, 20, ceux qui sont humbles et petits comme des enfants. Matth., xviii, 3 ; xix, 14 ; Marc, x, 14 ; Luc, xviii, 16. Ce ne sont pas des qualités passives que réclame le Sauveur, mais des vertus actives, le renoncement plus ou moins complet aux jouissances et aux richesses, Matth., xix, 12, 23, 24 ; Marc, x, 23, 24, et surtout l’accomplissement de la volonté du Père. Matth., vii, 21. C’est une nouvelle vie à laquelle il faut renaître. Joa., iii, 3, 5. Dans ces conditions, Notre-Seigneur peut dire : « Le rojaune de Dieu est au-dedans de vous, » èv-rôç û[iwv, Luc, xvii, 21 ; il réside dans les âmes, et un certain nombre d'âmes, disséminées au milieu du peuple d’Israël, ont déjà accueilli ce rojaume. Il faut le chercher avant toute autre chose. Matth., VI, 33 ; Luc, xii, 31. Depuis que JeanBaptiste a commencé à annoncer l’approche du règne de Dieu, de violentes oppositions se sont dressées contre lui, Matth., xi, 12 ; les scribes et les pharisiens, loin de l’accepter pour eux-mêmes, ont tout fait pour empêcher les autres de le reconnaître. Matth., xxiii, 13. Néanmoins il se propage. Il y a même des membres du sanhédrin qui l’attendent, Marc, xv, 43, et des scribes qui ne sont pas loin du royaume de Dieu, Marc, xii, 34, tandis que, par la pénitence et le changement de vie, les pécheurs, les publicains et les courtisanes y entrent de suite et en grandnombre. Matlh., xxi, 31 ; Luc, xiii, 29. Extérieurement, le règne de Dieu se manifeste par l’expulsion des démons, Matth., xii, 28 ; Luc, xi, 20, et par la prédication qu’en font les Apôtres et les disciples du Sauveur. Luc, ix, 2, 60. Voilà donc un royaume qui diffère radicalement du royaume de la terre, par son origine, Joa., xviii, 36, par ses moyens d’action, par son but. — 2. Le royaume de Dieu, par sa nature même, est un royaume toujours en formation. Il ne sera définitivement établi que quand le Sauveur aura complètement accompli sa mission. Luc, ix, 27. Mais sans cesse les disciples du Seigneur auront à répéter sur la terre : « Que votre règne arrive, » Matth., vi, 10 ; Luc, xi, 2, non seulement dans l’autre vie, mais en ce monde même, où le nom de Dieu doit être sanctifié et sa volonté accomplie comme au ciel. Pour mieux expliquer ce qu’il entend par ce royaume, Notre-Seigneur se sert de paraboles, dont il donne ensuite l’explication à ses Apôtres, parce que ceux-ci doivent être initiés aux « mystères du royaume des cieux », pour pouvoir travailler utilement à sa propagation. Matth., xiii, 11 ; Luc, viii, 10. L'élément constitutif de ce royaume spirituel, c’est la vérité, à laquelle Jésus est venu rendre témoignage, Joa., xviii, 37, et la grâce, qui donne aux âmes une vie surnaturelle. La vérité et la grâce sont comme une semence, qui ne produit que selon les dispositions des âmes qui la recueillent. Matth., xiii, 1-23. Quand cette semence est jetée, l’ennemi du bien, Satan, vient aussi jeter la sienne, d’où mélange de bons et de mauvais dans le royaume des cieux ; le triage des uns et des autres ne se fera utilement qu'à la moisson, au jugement. Matth., xiii, 24-30 ; Marc, iv, 26-29. Le royaume des cieux,

d’abord semblable à une petite graine, doit se dévelop- 1 per et devenir un grand arbre. C’est aussi un levain qui exerce son action sur toute la pâte. Matth., xiii, 31 35. Ces comparaisons sur le royaume des cieux donnent l’idée d’une société animée par un souffle divin, destinée à comprendre dans son sein toute l’humanité, renfermant par conséquent un mélange d'âmes bonnes et mauvaises, et se développant d’une manière continuelle, puisque chaque génération humaine lui fournit un nouveau contingent à conquérir. Bien que spirituel, ce royaume n’est pas invisible ; il doit brillera tous les veux comme la lampe placée sur le candélabre. Marc, iv, 21, 22 ; Luc, viii, 16, 17. Enfin, Notre-Seigneur donne à Pierre les clefs du royaume, Matth., xvi, 19, c’est-àdire la puissance à exercer dans ce royaume. Voir Clef, t. ii, col. 802, 803. Il ajoute que toutes les décisions de Pierre seront ratifiées dans les cieux, c’est-à-dire par Dieu lui-même. Le royaume des cieux ainsi décrit n’est autre que l'Église. Voir Église, t. ii, col. 1600. Les Juifs se croyaient tout droit à être les maîtres dans ce royaume : il leur sera ôté et passera à d’autres hommes qui sauront le faire fructifier. Matth., xxi, 43. La masse des Juifs aura d’ailleurs vis-à-vis de ce royaume une singulière attitude que le Sauveur caractérise prophétiquement dans plusieurs autres paraboles. La société religieuse issue de l’ancienne loi sera incapable d’apporter le moindre remède aux maux de la pauvre humanité blessée, comme le prêtre et le lévite qui passent sans s’arrêter devant la victime des brigands sur le chemin de Jéricho, Luc, x, 31, 32, comme le riche qui re&le insensible à la misère du malheureux Lazare. Luc, xi, 19-21. Appelés les premiers à prendre part au festin messianique, les Juifs dédaigneront de venir et se laisseront substituer les gentils, Luc, xiv, 17-24 ; Matth., xxii, 310, qu’ils mépriseront comme le pharisien méprisait le publicain, Luc, xviii, 11-14, et dont ils seront jaloux comme le fils aîné qui murmure de l’accueil fait par le père au jeune prodigue repentant, Luc, xv, 25-32, et comme les ouvriers de la première heure, qui se plaignent du salaire accordé aux derniers venus. Matth., xx, 9-15. Bien plus, comme les vignerons homicides, ils voudront accaparer pour eux-mêmes le rojaume des cieux et croiront y réussir en mettant à mort le Fils du Père qui vient pour le fonder. Matth., xxi, 37-40 ; Marc, xii, 1-9 ; Luc, xx, 13-16. Tous ces traits prophétiques se sont vérifiés au cours des temps, et, du vivant même des Apôtres, le rojaume des cieux n’a pas eu d’ennemis plus acharnés que les Juifs. Act., iv, 1-7 ; v, 17-24 ; vi, 1215 ; vii, 56-59 ; viii, 1 ; xii, 1-4 ; xiii, 45-50 ; xiv, 18 ; xvii, 5-8 ; xviii, 12 ; xxi, 26-36 ; xxiii, 12-21, etc. — 3. Le royaume des cieux établi sur la terre a son prolongement sans fin dans l’autre vie. Luc, xxiii, 42. C’est là en effet qu’après le triage, le bon grain sera recueilli. Matth., xiii, 30. Notre-Seigneur l’appelle le royaume de son Père, Matth., xxvi, 29 ; " Marc, xiv, 25 ; Luc, xxii, 16-18, et il y convie ses serviteurs fidèles. Luc, xxii, 29, 30. Ce sera le royaume définitif, dont celui de la terre n’est que la préparation, dont l’inauguration triomphale suivra le jugement final, Luc, xxi, 31, et qui deviendra la possession des vrais serviteurs de Dieu. Matth., xxv, 34.

La vie surnaturelle.

1. Ce n’est pas seulement

une société que Notre-Seigneur vient constituer, c’est une vie nouvelle qu’il communique aux âmes. « En lui est la vie, et cette vie est la lumière des hommes. » Joa, , I, 4. Il veut que par lui on ait la vie et que cette vie abonde. Joa., x, 10. Il ne s’agit évidemment pas de la vie naturelle, que les hommes possédaient avant sa venue et qui, après lui, n’a pas différé de ce qu’elle était auparavant. C’est une vie spirituelle, dans laquelle il faut entrer par une nouvelle naissance, Joa., iii, 3-8, et dont lui-même est la source, jaillissante jusqu'à la vie éternelle. Joa., iv, 13, 14. Pour obtenir cette vie, il est nécessaire d’avoir la foi en Jésus Christ, qui seul peut

la donner. Joa., nr, ’36 ; v, 40 ; vi, 33 ; viii, 12 ; xx, 31. Cette foi elle-même ne devient pas le partage de l’homme sans le concours formel de sa bonne volonté. Il faut pratiquer la vérité pour venir à la lumière, Joa., iii, 21 ; il faut obéir à la volonté du Père pour devenir capable de discerner la divinité de la doctrine évangélique. Joa., vil, 17. Jésus est même le pain de vie, dont la foi se nourrit pour produire et entretenir la vie surnaturelle. Joa., vi, 35. On participe à cette vie par l’union intime avec le Sauveur, union qu’il compare lui-même à celle de la branche avec le cep de vigne. Joa., xv, 4-6. Cette vie n’existe pas par la foi seule ; encore moins est-elle produite par les pratiques de la loi ancienne, Joa., v, 39 ; elle suppose la pureté de l’âme, Joa., xv, 3, 4, et la fidélité aux commandements. Malth., xix, 17. — 2. Notre-Seigneur présente certains rites extérieurs comme destinés à produire dans les âmes la vie surnaturelle. Il faut tout d’abord renaître par l’eau et par le Saint-Esprit. Joa., iii, 5 ; Act., i, 5. De là deux premiers sacrements de l’Église. Voir Baptême, t. i, col. 1435 ; Confirmation, t. ii, col. 919. Comme le péché est incompatible avec la vie surnaturelle, les Apôtres reçoivent le pouvoir de le remettre. Joa., xx, 22, 23. Voir Pénitence. Enfin l’Eucharistie est instituée comme pain de vie par excellence, qui fait vivre par Jésus-Christ, et sans lequel la vie n’existe pas dans l’âme. Joa., vi, 48-59. — 3. De même que le royaume des cieux sur la terre se continue par celui qui est au ciel, ainsi la vie surnaturelle aboutit à la vie éternelle. Joa., vi, 55, 59 ; x, 28 ; xii, 25 ; xvii, 2. Jésus-Christ est ainsi la « vie » dans le sens le plus élevé, la vie divine communiquée aux âmes créées, dans la mesure que peut réaliser la puissance de Dieu. Joa., xiv, 6.

La destinée humaine.

1. Le Sauveur ne vient

pas changer les conditions ordinaires de la vie naturelle. Il ne s’est point servi de sa science divine pour faire avancer les connaissances humaines. Il ne blâme pas ce qui fait ici-bas l’occupation légitime des hommes ; mais il exige qu’avant toute chose on fasse passer la recherche du royaume de Dieu et de sa justice. Matth., vi, 33. Il accuse de folie celui qui ne pense qu’à jouir du bien qu’il s’est amassé. Luc, xii, 19, 20. Il faut qu’on le suive, même en portant sa croix ; autrement on perd son âme pour l’éternité. Malth., xvi, 24-28 ; Marc, viii, 34-39 ; Luc, IX, 23-27. C’est le petit nombre qui règle ainsi sa vie. Luc, XII, 32. Mais ceux qui s’égarent peuvent encore, tant qu’ils sont en vie, s’accommoder avec la justice divine. Matth., v, 25. Aux Apôtres, qui demandent si c’est seulement le petit nombre qui se sauvera, Notre-Seigneur ne répond que par un conseil pratique. Luc, xiii, 23, 24. Voir Élus, t. ii, col. 1708-1711. En tous cas, Dieu viendra prendre chaque homme à l’improviste ; il faut donc se tenir prêt à paraître devant lui et à rendre compte de sa vie. Matth., xxiv, 42-50 ; Marc, xiii, 35-37 ; Luc, xii, 35-40. — 2. Au delà de la mort, l’homme aura à subir un jugement. Matth., xii, 36. Il y a des fautes qui pourront alors lui être remises, Matth., xii, 32 ; Marc, iii, 28-29, mais dontil lui faudra payer la dette à la dernière rigueur. Matth., v, 25, 26. Voir Purgatoire. Les bons, même ceux qui auront eu à subir cette expiation transitoire, obtiendront la vie éternelle dans le ciel, Matth., v, 12 ; xiii, 43 ; Luc, VI,

23, voir Ciel, t. ii, col. 754, 755, et les méchants seront envoyés dans le lieu des tourments. Matth., v, 29, 30 ; Luc, xii, 5. Voir Enfer, t. ii, col. 1795, 1796. C’est alors que Dieu exercera définitivement sa justice en récompensant ceux qui auront souffert pour lui sur la terre, et en châtiant ceux qui n’auront songé qu’à jouir, au mépris de sa loi. Matth., v, 11, 12 ; Luc, vi, 22-25 ; xvi,

24, 25. — 3. Le monde lui-même aura une fin. Matth., v, 18. Voir Fin du monde, t. ii, col. 2263, 2264. Les corps ressusciteront pour se réunir à leur âme immortelle, Matth., xxii, 23-33 ; Marc, xii, 18-27 ; Luc, xx,

27-40 ; Joa., vi, 39-55 ; xi, 23-24, afin que le corps soit désormais associé au sort final de l’âme. Joa., v, 28, 29. Voir Résurrection de la chair. Jésus-Christ paraîtra alors et jugera tous les hommes. Matth., xxv, 31-46. Voir Jugement dernier. Ceux-ci seront renvoyés soit à la vie éternelle, soit au feu éternel. C’est uniquement pour faire arriver les hommes à la vie éternelle que le Sauveur est descendu sur la terre et qu’il y a fondé son royaume. Matth., xviii, 11-14 ; Luc, xix, 10 ; Joa., iii, 15, 16 ; x, 28. Là est l’idée maltresse sur laquelle il a ordonné toute sa vie, ses œuvres et l’Église qu’il a laissée après lui. Cf. Dollinger, Le christianisme et l’Église, trad. Bayle, Tournai, 1863, p. 22-44 ; Wendt, Die Lehre Jesu, Gœttingue, 1886.

II. l’enseignement moral. — 1° La morale prêchée par Notre-Seigneur est dominée tout entière par certains principes qui l’élèvent au-dessus de la morale mosaïque et de toute morale humaine. Il professe d’abord qu’il n’est pas venu pour abolir la Loi, celle que Moïse avait imposée aux Israélites, mais pour l’accomplir et la compléter, selon les deux sens du verbe TtÀi)pô(rai, adimplere. Matth., v, 17. Comme modèle de vertu et de sainteté, il ne propose rien moins que le Père céleste : « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait, » Matth., v, 48, principe en vertu duquel chaque homme est obligé de tendre à la perfection qui est propre à sa nature. Il recommande ensuite de chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, Matth., VI, 33, non par des actes purement extérieurs ni de vaines aspirations, mais par l’accomplissement de la volonté du Père. Matth., vii, 21. Le disciple de Notre-Seigneur a donc tout d’abord à faire régner Dieu en lui-même, en accomplissant fidèlement ce qui est juste et ce qui le rendra juste, c’est-à-dire la très sage volonté de Dieu. Enfin, comme il vient pour perfectionner et enseigner la loi morale, Jésus-Christ se propose lui-même en exemple, Joa., un, 15, et ajoute, pour encourager à le suivre : « Prenez mon joug sur vous et faites-vous mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Vous trouverez alors le repos pour vos âmes, car mon joug est aimable et mon fardeau léger. » Matth., xi, 29, 30. Ces principes s’adressent à tous. A ceux que Dieu appelle à une plus haute perfection conviennent des règles plus austères, que formulent les conseils évangéliques. Voir Conseils évan&éliques, t. ii, col. 922-924.

2° Notre-Seigneur dégage nettement sa morale des superfétations et du formalisme dont les pharisiens et les docteurs avaient surchargé la loi ancienne. Il dit à ses disciples : « Si votre justice n’est pas plus complète que celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » Matth., v, 20. Il reproche à ces derniers de ne chercher que la pureté extérieure, de s’appliquer à des pratiques méticuleuses au détriment de la grande loi morale, d’accabler les autres d’obligations intolérables, sans rien faire pour les aider, Luc, xi, 39-46, de n’agir que pour être vus des hommes, Matth., vi, 16, en un mot de ressembler à des sépulcres blanchis, éclatants au dehors, pleins de corruption au dedans. Matth., xxiii, 2-33. Le Sauveur réprouve énergiquement la conception et la pratique d’une semblable morale. Il ne veut pas d’un peuple qui honore Dieu des lèvres, mais n’ait rien dans le cœur. Matth., xv, 7-9 ; Marc, vii, 6, 7. Dieu veut être adoré et servi « en esprit et en vérité », Joa., iv, 23, 24, c’est-à-dire avant tout par les pensées, les sentiments et les volontés, l’acte extérieur n’ayant de valeur qu’autant qu’il est conforme à l’attitude de l’âme elle-même. Notre-Seigneur recommande en conséquence de se tenir en garde contre les enseignements des scribes et des pharisiens, comme contre un ferment corrupteur. Matth., xvi, 5-12 ; Luc, xii, 1-3. Chaque fois que l’occasion s’en présente, il corrige publiquement leurs fausses interprétations de lr loi divine. Les docteurs avaient rendu

., l’observation du sabbat presque impossible. Le divin Maître opère à dessein des miracles ce jour-là, et profite de leurs attaques pour montrer au peuple l’inconséquence et l’arbitraire de leurs prescriptions. Matth., xii, 1-14 ; Luc, xiii, 14-16 ; xiv, 1-6 ; Joa., v, 10 ; vii, 23 ; ix, 14, etc. Voir Sabbat. Cf. J. C. Wakins, Christi curatio sabbalhica, dans le Thésaurus de Hase et Iken, t. ii, p. 191-211. Il redresse également leur enseignement outré au sujet de jeune, Luc, v, 33-35 ; du choix des aliments, Matth., xxiii, 24 ; Luc, x, 7 ; des ablutions avant les repas, Matth., xv, 2, 11-20 ; Marc, vii, 2-5, 1523 ; du serment, Matth., xxiii, 16-22 ; du vœu. Matth., xv, 3-9 ; Marc, vii, 9-13 ; voir Corban, t. ii, col. 958, etc.

3° Le premier principe de la morale de Jésus-Christ est l’amour de Dieu par-dessus tout, Matth., x, 37, et l’amour du prochain. Matth., v. 23, 24, 44 ; Marc, xii, 31 ; Luc, vi, 38 ; x, 25, etc. L’amour de Dieu commande l’obéissance à son égard, Matth., vii, 21 ; xii, 50 ; Marc, m, 35 ; Luc, viii, 21 ; la confiance en sa Providence, Matth., vi, 25-32 ; x, 29-33 ; Luc, xii, 4-12, 22-34 ; xviii, 1-8 ; la prière venant du fond du cœur, Matth., VI, 7, 8 ; vil, 7-12 ; Marc, xi, 24 ; Luc, xi, 1-13 ; Joa., xvi, 23, 24 ; la foi en Jésus-Christ, Joa., vii, 38 ; le respect de la maison de Dieu. Matth., xxi, 12-17 ; Joa., ii, 16, etc. L’amour du prochain aura pour corollaires la tolérance, Marc, ix, 37-40 ; Luc, IX, 49, 50 ; le pardon des injures, Matth., xviii, 21-35 ; l’aumône. Matth., VI, 2-4 ; Luc, XI, 41 ; xii, 33, etc. Cf. Ehrhardt, Der Grundcharakter der Ethik Jesu, Leipzig, 1895. L’obligation de se sauver soi-même a pour conséquences le renoncement, Matth., xvi, 24-26 ; Luc,-xiv, 25-35 ; la pénitence pour expier les péchés passés, Matth., iv, 17 ; Luc, xiii, 3 ; Xv, 7-10 ; le jeûne et la prière pour écarter le démon, Marc, ix, 28 ; la vigilance, Luc, xii, 35-53 ; l’humilité. Matth., xviii, 2-5 ; xx, 26-28 ; Luc, xviii, 9-14 ; xxii, 24, etc. Le mariage, constitutif de la famille, est ramené à sa loi primitive. Matth., v, 32 ; xix, 1-12. Enfin, les devoirs envers l’autorité temporelle trouvent à la fois leur obligation et leur limite marquées dans cette formule : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Matth., xxii, 21. Tels sont en résumé les principaux points de cette morale qui, tout en réclamant les actes extérieurs, tient par-dessus tout à ce que les sentiments intérieurs s’y conforment loyalement, et qui, assez tempérée dans ses exigences pour ne pas excéder les forces des plus faibles, aidés de la grâce, peut cependant conduire les âmes d'élite aux plus hauts sommets de la vertu, mais toujours a^ec la grâce de Dieu. Car c’est encore là ce qui établit une différence essentielle entre les préceptes du divin Maître et ceux que formulent les sages. Ces derniers peuvent conseiller, ils ne peuvent aider. Sans Jésus-Christ, la morale évangélique est impraticable ; avec Jésus-Christ, intimement uni à l'âme par la vie surnaturelle, tout devient possible : « Celui qui demeure en moi, et moi en lui, porte beaucoup de fruits ; mais sans moi vous ne pouvez rien faire. » Joa., xv, 5. Cf. Pauvert, Vie de Jésus-Christ, Paris, 1867, t. ii, p. 133-267.

111. LES SOURCES DE L’ENSEIGNEMENT DE JÉSUS. —

1° L'Écriture Sainte. — Notre-Seigneur ajant déclaré qu’il ne venait pas abolir la Loi, mais la compléter, Matth., v, 17, il s’ensuit que la première source de son enseignement a été la révélation faite antérieurement et contenue dans les Livres Saints. II a connu ces Livres à fond. Il les cite souvent, ou y fait de fréquentes allusions. Matth., iv, 1-11 ; x, 15 ; xii, 3 ; Marc, vii, 6 ; Luc, rv, 17-21, 25-27 ; xi, 30-32 ; xvii, 26 ; Joa., v, 39, 46 ; x, 34, etc. Il sait les parcourir d’un bout à l’autre pour démontrer le caractère messianique de sa personne. Luc, xxiv, 27. Enfin il ouvre l’intelligence de ses Apôtres pour qu’ils comprennent les Écritures. Luc, Xxiv, 45, 46. Il possédait lui-même éminemment ce qu’il communiquait ainsi aux autres. — Au temps de I

Notre-Seigneur, la Sainte Écriture n’existait que dans son texte hébreu et dans la version grecque des Septante. Or la langue parlée en Palestine à cette époque était une langue néo-hébraïque, connue sous le nom d’araméen ou de syro-chaldaïque. II Mach., vii, 8, 21, 27 ; xii, 37 ; xv, 29. Cf. Vigoureux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, Paris, 1896, p. 26-39 ; Schûrer, Geschichte des judischen Volkes, t. ii, p. 18-20. Les lettrés comprenaient l’ancien hébreu ; mais pour le peuple l’hébreu était devenu une langue morte. Aussi, dans les synagogues, après la lecture de la Loi et des Prophètes, avait-on soin de donner immédiatement une traduction des textes en araméen. NotreSeigneur lisait les Écritures dans le texte hébreu et, quand il enseignait dans une synagogue, il le traduisait lui-même en langue vulgaire. Luc, IV, 20, 21. C’est du moins ce que suppose le grand étonnement de ses compatriotes de Nazareth qui disaient : « D’où lui vient donc cette science ? » Matth., xiii, 54 ; Marc, vi, 2, et des Juifs qui faisaient cette remarque : « Comment saitil donc les lettres sans les avoir apprises ? » Joa., vii, 15. Le fait que dans les Évangiles les textes de l’Ancien Testament, surtout ceux qu’allègue Notre-Seigneur, sont presque toujours cités d’après les Septante, ne prouve nullement que le divin Maître se soit servi de cette version. La seule conclusion qu’on en peut tirer, c’est que les auteurs sacrés, s’adressant à des lecteurs qui parlaient grec et à des Juifs qui lisaient les Septante, ont emprunté à cette version les passages qu’ils avaient à citer. Cf. Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Rotterdam, 1685, p. 186 ; E. Bolil, Die altestamentliche Citate ins neuen Testament, Vienne, 1878 ; Chauvin, La Bible dans l'Église catholique, Paris, 1900, p. 5-8.

Le Sauveur n’emprunte rien aux hommes.

On

ne peut faire venir l’enseignement de Notre-Seigneur d’aucune source humaine. Ceux qui ne veulent voir en lui qu’un homme n’admettent pas, et avec raison, qu’il ait inventé de toutes pièces la doctrine qu’il a prêchée. Ils sont donc obligés de faire de lui le disciple soit de Jean-Baptiste, soit des docteurs de son temps. Les faits contredisent absolument cette supposition. — 1. La doctrine de Jésus ne vient pas de Jean-Baptiste. — Le Sauveur n’a rien dû à son précurseur, saint Jean-Baptiste. Ce dernier n’avait eu aucune formation humaine ; il était resté dans la solitude jusqu’au jour où il parut en public. Luc, I, 80. Pendant ce temps, Jésus habitait à Nazareth, sans qu’aucun rapport avec Jean-Baptiste soit mentionné. Matth., ii, 23 ; Luc, ii, 39, 52. Jean commença à prêcher sur les bords du Jourdain ; il annonça celui qui devait venir après lui. Mais Jésus ne suivit pas ses prédications ; il ne parut près de lui que pour se faire baptiser. Matth., iii, 13 ; Marc, i, 9 ; Luc, iii, 21. Il semble même que Jean, tout en sachant qui il était, Matth., iii, 14, n’avait pas de la mission du Sauveur une connaissance complète. Joa., i, 33. Le Précurseur prêche la pénitence ; il le fait avec le zèle et un peu la rigueur du prophète Élie, ainsi que l’ange l’a prédit, Luc, i, 17 ; mais sa mission se borne à préparer les hommes à la venue du Messie. Matth., iii, 1-12 ; Luc, iii, 1-18. JésusChrist prêche aussi la pénitence, Marc, i, 15 ; il le fallait bien, puisque la première condition pour arriver au « royaume des cieux », c’est de se détacher du péché. Cependant ce n'était là qu’un prélude. La doctrine du divin Maitre s'étend à tous les points de la croyance et du devoir ; loin d'être présentée avec cette sévérité dont Jean-Baptiste devait user vis-à-vis d’hommes orgueilleux, qui pour la plupart avaient déjà abusé des dons divins, la doctrine du Sauveur revêt d’ordinaire une forme attrayante, propre à gagner les cœurs, non seulement dans la Judée, mais dans le monde entier auquel elle est destinée. En somme, entre Jean-Baptiste et Jésus-Christ, il n’y a de rapport doctrinal que celui jqui

doit nécessairement exister entre un enseignement préparatoire et restreint à quelques points et un enseignement définitif et complet.— I.La doctrine de Jésusn’apas été empruntée aux Esséniens. — On a parfois affirmé que Notre-Seigneur avait emprunté au moins quelques traits de sa doctrine aux Esséniens, qui, au rapport de Josèphe, £e2I.Jud., III, 'viii) 4, se trouvaient en grand nombre dans toutes les villes de Palestine. On manque de renseignements précis sur l’origine et la nature de la secte que formaient les Esséniens. Il semble que leurs pratiques et leurs idées n'étaient autres que celles des pharisiens, mais poussées à l’extrême. Ils pratiquaient le communisme, rejetaient le serment, prohibaient les onctions d’huile, se baignaient dans l’eau froide avant chaque repas, portaient des vêtements blancs, poussaient à un degré incroyable l’observation de la loi sabbatique et des lois de pureté extérieure, s’abstenaient du mariage, ne faisaient jamais offrir au Temple de sacrifices sanglants, etc. Cf. Joséphe, Bell, jud., II, viii, 2-13 ; Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes, t. ii, p. 559-584. Les ressemblances entre les maximes et la manière de vivre des Esséniens et celles de Notre-Seigneur sont superficielles ou accidentelles. À la pureté extérieure qu’ils préconisent, le Sauveur oppose très formellement la pureté intérieure ; les renoncements qu’ils s’imposent rigoureusement font, dans la morale du divin Maître, l’objet de simples conseils adressés à un petit nombre d'âmes d'élite. Quant aux formules esséniennes qui paraissent semblables à certaines sentences évangéliques, il reste toujours à se demander si elles sont, de la part des Esséniens, des prêts ou des emprunts. Si même elles étaient à leur usage avant la prédication évangélique, on ne voit pas pourquoi Notre-Seigneur aurait évité de s’en servir, dès lors qu’elles étaient justes ; encore cette antériorité n est nullement certaine, et les similitudes ne portent que sur des points accessoires. Il est possible que Noire Seigneur ait assez souvent rencontré des Esséniens. Ni lui, ni les Apôtres ne font la moindre mention d eux, ce qui prouve que les Esséniens qui pouvaient être répandus dans le pays étaient confondus pratiquement avec les pharisiens. — 3. La doctrine du Sauveur n’a pas été empruntée aux pharisiens. — À ceux-ci non plus le Divin Maître n’a rien emprunté. Sans doute, il est d’accord avec eux sur les doctrines qui sont vraies. Luc, xx, 39 ; Marc, xii, 28, 34, etc. Mais sur les points de doctrine ou de morale qui caractérisent leur secte, il les combat ouvertement ; c’est même à la persévérance avec laquelle il poursuit leurs traditions abusives ou erronées qu’il doit la haine dont il finit par être la victime. Il est certain d’autre part que le Sauveur ne fréquenta jamais les écoles des docteurs juifs. Joa., vii, 15. Il n’a donc été tributaire d’aucun de ses compatriotes, d’aucun de ses contemporains, d’aucun même des sages qui l’avaient précédé. Il est par conséquent vrai de dire : « Personne n’a été moins de son temps que Jésus ; personne n’a moins subi l’influence de son milieu ; personne n’a été plus affranchi de préjugés et plus indépendant que lui. » Stapfer, La Palestine au temps de Jésus-Christ, Paris, 1885, p. 472. Cf. Harnack, Dos Wesen des Christenthums, Leipzig, 1900, p. 21-24. Pour faire croire à une dépendance de la doctrine de Jésus-Christ par rapport à l’enseignement rabbinique, on a mis en parallélisme les sentences de l'Évangile et celles du Talmud. E. Soloweyczyk, La Bible, le Talmud et l’Evangile, trad. Wogue, Paris, 1875. La différence saute aux yeux. « Le meilleur traité de la Mischna, le Pirke Abolh, est séparé par un abîme des préceptes de la morale évangélique. » Stapfer, La Palestine au temps de J.-C, p. 24. Cf. Frz. Delitzsch, Jésus und Hiilel, Erlangen, 1867.

La doctrine de Jésus lui vient de son Père.

La

vraie source de l’enseignement de Jésus-Christ, c’est la révélation directe qui lui a été faite par son Père ; c’est

par conséquent l’illumination de sa sainte âme par la divinité à laquelle elle était unie. Les synoptiques disent peu de chose à ce sujet, parce que l'Évangile qu’ils écrivent a été prêché dans un milieu où l’autorité doctrinale du Sauveur s’imposait d’elle-même et s’appuyait d’ailleurs sur d’incessants miracles. Mais en Judée, à Jérusalem, au Temple, les représentants du sanhédrin ont le droit de demander à Jésus quel a été son maître, d’où lui vient sa doctrine. Saint Jean, qui seul fait le récit du ministère public du Sauveur auprès des Juifs de la capitale, enregistre ses réponses. Elles sont décisives et fréquemment répétées. Tout d’abord, c’est Jean-Baptiste qui dit de Jésus : « Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous. Ce qu’il a vu et entendu, il l’atteste… Celui que Dieu a envoyé dit les paroles de Dieu. » Joa., iii, 31-34. À la fête des Tabernacles, le Sauveur lui-même dit aux Juifs : « Ma doctrine n’est pas à moi, mais à celui qui m’a envoyé. Quiconque voudra obéir à sa volonté, reconnaîtra si la doctrine vient de Dieu ou si je parle en mon propre nom. Quand on parle en son propre nom, on cherche à se glorifier soi-même ; mais celui qui cherche la gloire de qui l’a envoyé, celui-là mérite d'être cru. » Joa., vii, 16-18. Au cours de la même fête, il dit encore : « Celui qui m’a envoyé mérite créance, et ce que j’ai entendu de lui, c’est ce que je dis au monde… Ce que mon Père m’a enseigné, je le dis… Je vous ai dit la vérité que j’ai apprise de Dieu. » Joa., viii, 26, 28, 40. La semaine même de sa passion, il répète de nouveau dans le Temple : « Je n’ai pas parlé en mon nom, mais le Père qui m’a envoyé m’a ordonné ce que je dois dire et prêcher… Aussi ce que je dis, je le dis conformément à ce que m’a dit le Père. » Joa., xii, 49, 50. À ses Apôtres, le jeudi saint, il renouvelle les mêmes protestations : « Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même… L’enseignement que vous avez entendu n’est pas de moi, mais de mon Père qui m’a envoyé. » Joa., xiv, 10, 24. « Je vous appelle mes amis, parce que tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait savoir. » Joa., xv, 15. « "Père, … les paroles que vous m’avez dites, je les leur ai transmises. » Joa., xvii, 8. Qu’on n’imagine pas cependant que saint Jean soit seul à rappeler de pareils témoignages. On en trouve un tout aussi net et tout aussi démonstratif sous la plume de saint Matthieu, xi, 27, et de saint Luc, x, 22 : « Toutes choses m’ont été transmises par mon Père. Personne ne connaît le Fils que le Père, personne ne connaît le Père que le Fils, et celui auquel le Fils aura bien voulu le révéler. » C’est l’affirmation de l’identité de science dans le Père et dans le Fils. Il était difficile de revenir avec plus d’insistance sur une même affirmation. NotreSeigneur tenait manifestement à ce qu’aucune équivoque ne subsistât sur ce point capital : sa doctrine ne venait pas des hommes, mais uniquement de Dieu.

La science de Notre-Seigneur.

On peut se demander dans quelle mesure la science divine a été

communiquée à l'âme de Notre-Seigneur. Les textes évangéliques ne fournissent pas les renseignements désirables pour faire la lumière complète sur cette question. Nous avons vu plus haut que le texte de saint Luc, ii, 52, parlant d’une croissance « en sagesse » de l’enfant Jésus, est suffisamment justifié par l’idée d’une manifestation progressive de la sagesse, d’aulent plus que, dans un texte précédent, ii, 40, l'Évangéliste a déjà dit que le divin Enfant était « plein de sagesse », comme il le montre dans son apparition au Temple. Notre-Seigneur, il est vrai, déclare à ses Apôtres que ni les anges, ni lui-même, ne connaissent le jour et l’heure du jugement. Matth., xxiv, 36 ; Marc, xiii, 32. Quelques auteurs en ont conclu qu’en réalité NotreSeigneur a ignoré l'époque du jugement. Cf. Schell, Katholische Dogmatik, Wurzbourg, 1893, t. iii, p. 142147. Mais on enseigne communément que l’ignorance

dont il est parié ici a pu n’être que relative, et par rapport à ceux qui interrogeaient. Le renseignement demandé ne faisait pas partie des choses que le Sauveur avait à révéler. Cf. Petau, De incarnatione Verbi, XI, I, 1-15. La réponse serait donc, pour le fond, analogue à celle que le divin Maître fit à ses Apôtres au matin de son ascension : « Ce n’est pas à vous de sa^ir les temps ni les moments que le Père tient en son pouvoir. » Act., i, 7. II est certain que l’âme de Notre-Seigneur, créée et finie, n’était pas capable d’une science infinie. Du moins était-elle capable de puiser directement dans la science divine les connaissances qui se rapportaient à la mission rédemptrice. Or Jésus donne les détails les plus circonstanciés sur les derniers jours du monde et sur le jugement ; il déclare que le Père lui a « tout remis entre les mains », Joa., xiii, 3 ; qu’entre autres pouvoirs, il lui a assigné celui d’exercer tout jugement, particulièrement à la fin des temps. Joa., v, 22, 27 ; Matth., xxiv, 31. Comment donc ne saurait-il pas l’époque du jugement qu’il doit présider lui-même ? D’ailleurs, à prendre le texte à la rigueur, ce ne serait pas seulement le Verbe incarné dont l’âme serait privée de cette connaissance, ce serait le « Fils », la seconde personne de la sainte Trinité, pour laquelle le « Père » aurait un secret. On comprend très bien que Notre-Seigneur ait refusé aux hommes la connaissance de l’époque à laquelle finira le monde. Pour couper court à toute question, il donne une réponse négative, qui doit être prise dans un sens analogue à celui qu’on prête à ces autres paroles : « Je ne monte pas (à Jérusalem ) pour ce jour de fête, » Joa., vii, 8, alors que quelques jours après, le Sauveur se mit en route. Rien, dans l’Evangile, ne s’oppose donc à ce que l’on reconnaisse en Notre-Seigneur une science puisée directement à la source infinie de l’omniscience divine ; science aussi grande que pouvait la comporter une âme créée, la plus parfaite de toutes les âmes par son union personnelle avec la divinité ; science enfin qui ne pouvait recevoir du dehors que la notion expérimentale de ce qui était déjà connu par intuition directe en Dieu même.

IY. LA MÉTHODE D’ENSEIGNEMENT DU SAUVEUR. —

Notre-Seigneur n’avait pas à prêcher sa doctrine aux seuls hommes de son pa^s et de son temps. Son enseignement s’adressait à l’humanité entière. Il importait donc qu’il fût présenté sous une forme accessible à tous les esprits. De là les caractères particuliers de la prédication du Sauveur.

Jésus enseigne en maître.

Tout d’abord, Notre-Seigneur

parle en maître. « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… et moi je vous dis… » Matth., v, 22, 28, 32, 34, 39, 44, etc. Si on lui objecte ce que Moïse a établi, il substitue son autorité à celle de Moise. Matth., xix, 7-9 ; Marc, x, 4-9. Si l’on fait difficulté pour admettre son enseignement, loin de l’atténuer, il le répète avec plus de force. Joa., vi, 41-65. Pour énoncer plus énergiquement certains principes, il les fait précéder de la formule : « En vérité, en vérité, je vous le dis. » Matth., v, 18 ; Marc, iii, 28 ; Luc, iv, 24 ; Joa., i, 51, etc. Voir Amen, t. i, col. 475. Et ce n’est pas seulement quand il est en face des Galiléens et qu’il n’a guère d’opposition à redouter qu’il procède ainsi. S’il s’adresse aux Juifs de Jérusalem et aux plus hautes autorités religieuses, il affirme avec la même assurance. Joa., viii, 16, 44-47, 58 ; Marc, xi, 17 ; Luc, xix, 46 ; Matth., xxvi, 55, 64, etc. Cette attitude tranchait singulièrement avec la "méthode familière aux docteurs juifs, qui citaient toujours les dires d’autres docteurs plus ou moins célèbres, opposaient leurs décisions les unes aux autres, subtilisaient sur leurs sentences et n’arrivaient jamais à se faire une conviction personnelle d’accord à la fois avec la loi divine et avec le bon sens. C’est l’impression que donne à chaque page la lecture du Talmud.

Aussi Notre-Seigneur disait-il des docteurs de son temps : « Laissez-les ; ce sont des aveugles conduisant des aveugles. » Matth., xv, 14. Quant à lui, il faisait l’admiration des foules par sa manière de les enseigner. « Car il les instruisait comme ayant autorité, et non comme leurs scribes et les pharisiens. » Matth., vn, 29. Quelquefois l’admiration faisait pousser à ses auditeurs des exclamations enthousiastes. Luc, xi, 27. On l’écoutait toujours volontiers, Marc, xii, 37, et même les habitués du Temple, qui avaient l’occasion continuelle d’entendre parler les docteurs, ne pouvaient s’empêcher de faire cette remarque : « Jamais homme n’a parlé comme cet homme ! » Joa., vil, 46. Il étonnait surtout les docteurs par l’aisance et l’autorité avec lesquelles il tranchait les cas qu’ils lui posaient pour l’embarrasser. Rien de plus surprenant pour ses ennemis, mais aussi rien d’aussi péremptoire que ses réponses sur le jeûne, Luc, v, 34 ; sur le repos du sabbat, Matth., XII, 3, il ; sur l’expulsion des démons, Matth., XII, 26, 27 ; sur l’impureté extérieure, Marc, vii, 18-23 ; sur le cas de la femme adultère, Joa., viii, 7 ; sur sa divinité, Joa., x, 32-38 ; sur son autorité, Marc, xi, 29-33 ; sur le tribut à César, Matth., xxii, 21 ; sur la résurrection, Luc, XX, 34-36 ; sur le premier commandement de la loi. Marc, xii, 29-31. C’est bien ainsi que devait parler au milieu des hommes le Fils unique, qui est au sein du Père, et qui venait raconter ce qu’il y avait appris. Joa., i, 18.

2° Jésus parle avec la connaissance du fond des cœurs.

— Le merveilleux à-propos avec lequel le Sauveur parlait à ses interlocuteurs s’explique par le don qu’il avait de lire dans les consciences les pensées et les sentiments qui s’y cachaient. Les Évangélistes en font souvent la remarque. Il ne se servait d’ailleurs de ce don que pour éclairer les âmes et appliquer aux maux dont elles souffraient le remède convenable. « Il connaissait tous les hommes, et il n’était pas besoin qu’on lui rendît témoignage de qui que ce fût ; il savait bien lui-même ce qu’il y avait au dedans de l’homme. » Joa., Il, 24, 25. C’est ainsi qu’il voit clairement ce qu’il y a dans la conscience de Nathanæl, Joa., i, 47 ; de la Samaritaine, Joa., iv, 18 ; des gens de Nazareth. Luc, IV, 23. Il surprend dans le cœur des disciples les idées qu’ils se font sur le levain des pharisiens, Matth., xvi, 7, 8 ; Marc, viii, 16, 17 ; sur la primauté qu’ils ambitionnent, Marc, ix, 33, 34 ; Luc, îx, 47 ; sur la. sainte prodigalité de Madeleine. Marc, xiv, 4. Les dispositions perfides de Judas lui sont connues longtemps à l’avance. Joa., vi, 71 ; xiii, 21 ; Luc, xxii, 48. Quant aux pharisiens malveillants, il lit leurs pensées au fond de leur cœur et y répond, avec une précision qui les déconcerte, au sujet de la rémission des péchés, Matth., ix, 4 ; Marc, ii, 8 ; Luc, v, 22 ; de la pécheresse repentie, Luc, vii, 39, 40 ; de l’intervention de Beelzébub, Matth., xii, 25 ; Luc, xi, 17 ; du pain de vie, Joa., vi, 62 ; des ablutions avant le repas, Luc, XI, 38, 39 ; de l’orgueil, Luc, xviii, 9, 10 ; du déniera pajerà César. Matth., xxii, 18 ; Marc, xii, 15 ; Luc, xx, 23, etc. Les Apôtres eux-mêmes lui en rendent d’ailleurs le témoignage : « Nous savons que vous connaissez tout, sans qu’il soit besoin qu’on vous interroge ; c’est ce qui fait que nous croyons que vous êtes venu de Dieu. » Joa., , xvi, 19, 30.

3° Jésus adapte son enseignement à l’intelligence de ses auditeurs. — Ce qui caractérise encore la méthode de Notre-Seigneur, c’est l’adaptation parfaite de sa parole à la portée de toutes les intelligences humaines. Il vient apporter au monde les mystères les plus sublimes et la morale la plus élevée. Tous comprennent, tant il y a de clarté, de simplicité, de noble familiarité dans son exposition. À la suite du sermon sur la montagne, par exemple, « les foules sont dans l’admiration sur sa doctrine, » Matth., vii, 28, parce que tous les auditeurs sont émerveillés d’avoir pu<très facilement saisir un.

enseignement si substantiel et si élevé. Sans nul doute, le Sauveur qui était né Juif vivait suivant les usages de sa nation, parlait la langue de son pajs, prêchait dans un milieu tout israélite et exerçait son ministère dans un cadre palestinien, au sein d’une nature qui a sa physionomie originale et très nettement caractérisée. Il fallait qu’il s’imposât tout d’abord aux hommes de son temps. Aussi ceux qui parlaient sa langue et vivaient de sa vie devaient-ils trouver à son enseignement un charme et une saveur qu’il n’a pas été permis aux autres hommes de goûter. Luc, iv, 22. Cf. Wiseman, Mélanges religieux, scientifiques et littéraires, trad. Bernhardt, Paris, 1858, p. 149-152. Un caractère trop impersonnel eût été un obstacle au succès de la doctrine auprès des contemporains qu’il fallait gagner les premiers. Néanmoins, indépendamment de cet intérêt particulier que la parole du divin Maître devait avoir pour ses compatriotes, elle garde pour tous les hommes de tous les temps des charmes tels que les esprits les plus simples en ont l’intelligence et en gardent un souvenir vivifiant, tandis que les esprits cultivés s’y passionnent et n’en peuvent mesurer ni l'élévation, ni la profondeur. Cela tient en grande partie à la forme si claire et si familière que Notre-Seigneur a bien voulu donner à sa divine doctrine. L'Évangile, il est vrai, a ses obscurités. Les unes tiennent à notre propre ignorance des choses du temps où il a été prêché. Les autres sont voulues. Il y a certains enseignements qui ne sont pas destinés à tous, mais ne concernent que des âmes privilégiées. Notre-Seigneur en avertit alors ses auditeurs : « Qui a des oreilles pour entendre, entende. » Matth., xi, 15 ; xiii, 9, 43 ; Marc, IV, 9, 23 ; vii, 16 ; Luc, viii, 8 ; xiv, 35. « Tous ne comprennent pas cette parole, comprenne qui pourra. » Matth., xix, 11, 12. « Qui lit, comprenne. » Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14. Il ne suit nullement de là que NotreSeigneur ait eu une doctrine ésotérique, à la manière de certains philosophes de l’antiquité qui réservaient leur enseignement à quelques initiés. Le Sauveur parlait pour tous les hommes. S’il prenait parfois à part ses disciples pour leur expliquer ses paraboles ou leur faire des révélations que la masse du peuple n'était pas alors en état de porter, ce n'était pas pour qu’ils fissent de ces vérités un trésor caché. « Ce que vous avez entendu à l’oreille, prêchez-le sur les toits, » Matth., x, 27, leur commandait le divin Maître. Aussi peut-il dire en toute vérité au grandprêtre : k J’ai parlé publiquement au monde, j’ai toujours enseigné dans la synagogue et dans le Temple où tousse réunissent, je n’ai rien dit en secret. » Joa., xviii, 20. D’autre part, on n’a pas davantage le droit de conclure que tout ce qui a été dit par le Sauveur a été consigné dans les Évangiles. Rien n’autorise à le prétendre. Saint Jean, xx, 30 ; xxi, 25, dit positivement le contraire en ce qui concerne ses actes : il y a toute probabilité que cette affirmation doit s'étendre aussi aux paroles, et que si d’autres Évangélistes avaient été suscités par Dieu après les quatre premiers, ils auraient pu nous transmettre des discours du divin Maître qui resteront à jamais ignorés. Il ne faut donc pas s'étonner que certaines pensées et certaines prescriptions du divin Maitre ne nous soient parvenues que par voie de tradition. Cf. Curci, Lezioni sopra i quattro Evangeli, t. v, p. 173 ; Lescceur, JésusChrist, Paris, 1888, p. 31-48. — Sur les paroles attribuées à Notre-Seigneur et conservées en dehors des Évangiles canoniques, voir A. Resch, Agrapha, Leipzig, 1889 ; Aussercanonische Paralleltexte zu den Evangelien, Leipzig, 1893 ; A<5f* 'Ihi<to3, Sayings of Our Lord discovered and ediied by B. P. Grenfell and A. S. Hunt, Londres, 1897 ; A. Harnack. Uber die jûngst entdekten Spr « cve/esM, Fribourg-en-Brisgau, 1897 ; Revue biblique, 1897, p. 501-515 ; 1898, p. 129 ; Batiffol, Les Logia du papyrus de Behnésa, dans le IV' Congres scient, internat, des catholiques, Fribourg, 1897, II » sect., p. 103117.

Enseignement par paraboles.

Ce qui par-dessus

tout rend l’enseignement de Notre-Seigneur éminemment concret, intelligible, populaire et attachant, c’est l’emploi qu’il fait de la parabole. Voir Parabole. Rien ne saisit mieux l’esprit que ce petit récit pittoresque, emprunté aux réalités ordinaires de la vie et, par comparaison, servant d’illustration aux idées supérieures. Les antiques peintures de la vallée du Nil nous expliquent, bien mieux que tous les textes, les mœurs des anciens Égyptiens Les paraboles jouent un rôle analogue par rapport aux doctrines évangéliques. Représentant des scènes qui se produisent sans cesse dans tous les pays, elles portent avec elles et leur propre explication et celle de la doctrine dont elles sont comme l’enveloppe. Ordinairement, ce sont des récits, d'étendue plus ou moins longue, dont la signification est ensuite transposée du fait raconté à l’idée qu’il s’agit de faire comprendre et retenir. Plus rarement le récit porte sa morale en luimême, sans qu’il soit besoin d’en faire l’application à un autre ordre d’idées. C’est le cas des paraboles du bon Samaritain, du riche insensé, du pauvre Lazare, du pharisien et du publicain. Les paraboles ne se lisent que dans les synoptiques ; saint Jean n’en transcrit aucune, bien que Notre-Seigneur en ait raconté plusieurs à Jérusalem même. On comprend que le quatrième Évangéliste, qui ne reproduit guère que les discussions dogmatiques du Sauveur avec les Juifs, ne soit pas revenu sur des enseignements plus populaires, déjà consignés dans les trois Évangiles antérieurs. Le nombre précis des paraboles est seulement de vingt-neuf, si l’on s’en tient aux paraboles proprement dites, en laissant de côté les allégories et les simples comparaisons.

1. Les paraboles évangéliques.

Elles se présentent en trois groupes bien distincts. — Premier groupe de paraboles. — Il comprend huit paraboles, se rapportant toutes au « royaume des cieux », par conséquent à la société nouvelle que Jésus-Christ travaille à fonder et qui, après la Pentecôte, deviendra l'Église. Ces paraboles sont les suivantes : 1° le semeur, Matth., xiii, 1-23 ; Marc, iv, 1-20 ; Luc, viii, 4-15, se rapportant au travail de la prédication évangélique plus ou moins fructueux, suivant les dispositions des âmes sur lesquelles il s’opère ; — 2° le froment et l’ivraie, Matth., xiii, 24-30, révélant l’effort tenté par la puissance du mal pour dénaturer l'œuvre du semeur ; — 3° le grain de sénevé, Matth., xiii, 31-32 ; Marc, iv, 30-32 ; Luc, xiii, 18-19, marquant le développement que prendra la société nouvelle ; — 4° le Jevain, Matth., xiii, 33 ; Luc, xiii, 20-21, symbolisant l’influence salutaire du « royaume des cieux » au milieu de l’humanité ; — 5° la semence qui croît d’elle-même, Marc, iv, 26-29, signifiant les progrès futurs de l'Église, par la seule grâce invisible de Dieu ; — 6° le trésor caché, Matth., xiii, 44, qui est la grâce du royaume des cieux à laquelle il faut tout sacrifier ; — 7° la perle précieuse, Matth., xiii, 45-46, dont la signification est la même ; — 8° enfin la seine, Matth., xiii, 47-49, qui indique dans l'Église le mélange des bons et des méchants, jusqu’au triage qui se fera au jugement. Ces paraboles sont assignées par saint Matthieu à la période du ministère public qui suivit le sermon sur la montagne.

Second groupe de paraboles. — Elles sont rapportées par saint Luc dans le récit du dernier voyage en Galilée et en Pérée. Elles portent sur les conditions requises pour faire partie du « royaume des cieux ». Yoici ces paraboles : 1° le bon Samaritain, Luc, x, 25-37, nécessité de la charité effective envers le prochain, même ennemi ; — 2° le serviteur sans miséricorde, Matth., xviii, 23-35, obligation de pardonner les injures ; — 3° l’hôte nocturne, Luc, xi, 5-8, efficacité de la prière instante adressée à Dieu ; — 4° le riche insensé, Luc, xii, 16-20, folie de celui qui ne songe qu'à l’acquisition des biens terrestres ; — 5° le figuier stérile, Luc, xiii, 6-9, résistance à la grâce ; — 6° les invités au festin, Luc, xiv, 16-24,

mépris des inspirations de la grâce et danger de se voir substituer des âmes plus dociles ; — 7° la brebis perdue, Luc, xv, 3-7 ; Matth., xviii, 12, 13, désir qu’a Dieu de sauver les pécheurs ; — 8° la drachme perdue, Luc, xv, 8-10, même enseignement ; —9° l’enfant prodigue, Luc, xv, 11-32, miséricorde de Dieu envers le pécheur qui se convertit et blâme au fidèle qui en serait jaloux ; — 10° l’intendant malhonnête, Luc, xvi, 1-13, habileté avec , laquelle il faut se servir des biens de ce monde en vue de l'éternité ; — 11° le mauvais riche et le pauvre Lazare, Luc, xvi, 19-31, compensations qui, dans l’autre vie, rétabliront la justice selon les mérites de chacun ; — 12° le mauvais juge et la veuve, Luc, xviii, 1-8, assurance que Dieu vengera ses serviteurs contre leurs ennemis ; — 13° le pharisien et le publicain, Luc, xviii, 9-14, l’orgueil et l’humilité en face de Dieu ; — 14° les ouvriers envoyés à la vigne, Matth., xx, 1-16, petit nombre des âmes d'élite en regard des âmes peu généreuses au ser. vice de Dieu. VoirÉLDS, t. ii, col. 1710. — Ces paraboles . disent aux enfants du royaume des cieux ce qu’il faut éviter : la dureté envers le prochain, l’attachement aux biens de la terre, la résistance à la grâce, la jalousie, l’insensibilité envers le pauvre, l’orgueil, la lâcheté au service de Dieu ; et ce qu’il faut pratiquer : l’amour du prochain, l’assiduité à la prière, la docilité à la grâce, le retour à Dieu quand on l’a abandonné, l’habileté à travailler pour son salut, la patience dans les maux en vue des biens éternels, la confiance en Dieu, l’humilité et le zèle généreux au service du Seigneur. — Ces paraboles sont d’intérêt général. Mais, bien que devant s’appliquer à tous les temps, elles prenaient vis-à-vis des Juifs rebelles un sens tout particulier. Ceux-ci devaient se reconnaître dans le lévite et le prêtre qui abandonnent le blessé que soignera le Samaritain, dans le figuier stérile, dans les invités qui refusent de venir au festin, dans le fils aîné jaloux de l’accueil ménagé au prodigue, dans l’intendant infidèle, dans le riche insensible, dans le pharisien orgueilleux, dans les ouvriers de la première . heure qui murmurent contre les derniers venus.

Troisième groupe de paraboles. — Les paraboles de la troisième série appartiennent aux derniers jours de la vie de Notre-Seigneur. 1° La parabole des mines, Luc, XIX, 11-27, racontée à Jéricho, se rapporte au bon usage qu’il faut faire des grâces de Dieu, parce qu’il en demandera compte un jour. Elle a en même temps pour but de montrer que le royaume de Dieu ne va pas se manifester immédiatement. Enfin elle fait allusion à la démarche que les princesdes nations soumises aux Romains étaient obligés d’aller faire à Rome avant d'être autorisés à régner, à la requête que les Juifs avaient adressée jadis à Auguste pour empêcher Àrchélaus de succéder à Hérode, voir Archélaus, t. i, col. 927, et aussi au refus que les Juifs vont opposer au règne de leur Messie et au châtiment qui en sera la conséquence. — 2° La parabole des deux fils envoyés à la vigne, Matth., xxi, 28-32, met en regard les Juifs qui n’entrent pas dans le « rojaume des cieux », après l’avoir désiré, les pécheurs et bientôt les gentils qui y entrent en foule, après l’avoir méconnu. — 3° La parabole des vignerons homicides, Matth., xxi, 33-46 ; Marc, XII, 1-12 ; Luc, xx, 9-19, est une lugubre peinture des mauvais traitements que les Juifs ont infligés aux anciens prophètes que Dieu leur avait envoyés, de la sentence de mort que le sanhédrin va proférer contre le Fils même de Dieu et de la punition qui attend la nation ingrate. Le Sauveur faisait entendre cette dernière parabole trois jours avant sa mort. Les princes des prêtres en comprirent le sens et n’en devinrent que plus furieux. — 4° La parabole des noces royales, Matth., xxil, 1-14, reproduit celle des invités au festin, Luc, xiv, 16-24, avec cette différence que les premiers invités ne se contentent pas de ne point venir ; ils mettent à mort ceux qui leur rappellent l’invitation. — Les deux dernières paraboles sont adressées aux seuls disciples. — 5° Celle des

dix vierges, Matth., xxv, 1-13, vient à l’appui de cet enseignement qu’il faut se tenir prêt à paraître au jugement de Dieu. — 6° Celle des talents, Matth., xxv, 14-30, ressemble à celle des mines, et montre qu’en se tenant prêt pour le jugement, il faut travailler pour mériter la récompense. Les cinq vierges folles qui manquent l’entrée dans la salle du festin, le serviteur négligent qui ne fait pas valoir son talent et accuse son maître d'être dur, représentent encore le peuple juif, infidèle à sa mission. Ces six dernières paraboles, dont cinq sont postérieures à l’entrée solennelle à Jérusalem, ont donc une portée significative ; elles constituent comme un dernier avertissement adressé aux Juifs sur les conséquences du déicide qu’ils vont commettre.

Autres paraboles. — Toutes les paraboles dont le divin Maître s’est servi n’ont pas été reproduites par les Évangélistes. En dehors de celles qu’ils transcrivent, quelques autres sont brièvement indiquées, comme celle des deux débiteurs, Luc, vii, 40-41 ; d’autres ne sont probablement représentées que par une comparaison ; la plupart ne nous ont pas été conservées. Saint Matthieu, xiii, 34, constate, en effet, qu’au moins après le sermon sur la montagne, Jésus « ne parlait aux foules qu’en paraboles ». Saint Marc, iv, 33, 34, dit avec plus de détail : « C’est ainsi qu’il leur adressait la parole, avec de nombreuses paraboles comme celles-ci, selon ce qu’ils pouvaient entendre. Il ne leur parlait pas sans paraboles, mais à part il expliquait tout à ses disciples. »

2. Sens profond et multiple des paraboles.

II est à remarquer que quand Jésus commence à parler en paraboles, les disciples s’en étonnent et lui disent : « Pourquoi leur parlez-vous en paraboles ? » Matth., xiii, 10. Notre-Seigneur leur explique alors que les paraboles sont destinées à voiler son enseignement de manière que ses auditeurs ne soient plus à même de le saisir dans toute sa portée. Matth., xiii, 11-17 ; Marc, IV, 10-12 ; Luc, viii, 9, 10. À cette époque de sa vie publique, les Galiléens commençaient en effet à montrer moins de docilité à l'égard du Sauveur. Circonvenus par les pharisiens et les scribes, ils deviennent de plus en plus réfractaires à l’idée d’un Messie humble et doux et d’un « rojaume des cieux » purement spirituel. Us ne sont plus dignes d’avoir la confidence des secrets divins. Le Seigneur leur parlera encore de temps en temps sans paraboles, comme le montre la suite de l'Évangile. Toutefois, en ce qui concerne « les mystères du royaume des cieux », il ne leur sera plus parlé qu’en paraboles, afin qu’ils voient et entendent, mais sans voir ni comprendre le principal, dont les vrais disciples auront seuls la révélation. Les paraboles ont donc à ce point de vue, pour les contemporains du Sauveur, le caractère d’un châtiment, d’une restriction voulue dans les révélations divines. Elles ne sont pas totalement inintelligibles ; autrement l’on ne comprendrait pas comment le Sauveur les eût dites devant toutes sortes d’auditeurs. Chacune renferme un enseignement particulier qu’il est assez facile de saisir et une leçon dont on peut se faire l’application personnelle. Mais le sens plus général qui se rapportait au « royaume des cieux », cette description prophétique des destinées de l'Église et de l’attitude que la masse des Juifs devait prendre en face des gentils convertis, devenait pour le grand nombre un mystère dont ils ne soupçonnaient même pas qu’il fût question dans les paroles du divin Maître. Parfois cependant ce sens supérieur de la parabole était tellement manifeste que des auditeurs avisés s’en apercevaient. C’est ainsi que les princes des prêtres et les pharisiens se reconnurent dans la parabole des vignerons homicides. Matth., xxi, 45 ; Marc, xii, 12 ; Luc, xx, 19. Mais d’autres fois, il faut faire attention à la formule initiale : « Le royaume des cieux est semblable… » pour se rendre compte de ce sens supérieur. Matth., xiii, 44-45. Cette formule n’existe pas toujours, comme, par exemple, dans la parabole du

prodigue. Luc, xv, 11. Mais si, dans cette parabole, on voulait s’en tenir à l’application morale individuelle, toute la fin du récit, qui relate la conduite du fils aîné, Luc, xv, 25-32, semblerait un hors-d œuvre sans grande portée intelligible. L’ensemble des paraboles constitue ainsi comme une histoire prophétique qui explique les destinées de l'Église, tout en ménageant à chaque âme en particulier les plus hautes leçons de la morale chrétienne. Le Sauveur seul pouvait parler ainsi, seul il pouvait enfermer dans les mêmes récits les prophéties les plus saisissantes de vérité pour ceux qu’il voulait initier aux secrets divins, et les instructions du charme le plus pénétrant pour la direction morale des hommes de tous les temps et de tous les pays.

Sur les paraboles, voir Maldonat, Comment, in IV Evang., Pont-à-Mousson, 1597 ; Salmeron, Sermon, in parabol., Anvers, 1600 ; Unger, De parabol. Jesu natura, interpretatione, etc., Leipzig, 1828 ; Lisco, Die Parabeln Jesu, Berlin, 1831 ; Ed. Greswell.JS’acposifion of theParabtes, Londres, 1839 ; Trench, Notes on the Parables, Londres, 1841 ; Wiseman, Mélanges religieux, scientif. et httér., trad. Bernhardt, Paris, 1858, p. 8-67 ; Buisson, Paraboles de l'Éiiangile, 1849 ; Guthrie, The Parables, W& ; Stier, Reden des Hen-n/1865-1874 ; W. Arnot, The Parables of our Lord, 2e édit., Londres, 1883 ; W. Beyschlag, Die Gleichnissreden des Rerrn, Halle, 1875 ; H. W. J. Thiersch, Die Gleichnisse Çhristi nach ihrer moralischen und prophetischen Bedeutung betrachtct, 2e édit., Francfort-s.-M., 1875 ; H. Tamm, Der Realismus Jesu in seiner Gleichnissen, Iéna, 1886 ; S. Gobel, Die Parabeln Jesu, Gotha, 1880 ; Curci, Lezioni sopra i qualtro Evangeli, t. ii, p. 453-467 ; Bruce, The parabolic Teaching of Christ, Londres, 1882 ; Bacuez, Manuel biblique, Paris, 1886, t. iii, p. 400-426 ; Julicher, Die Gleichnissreden Jesu, Fribourg-en-Brisgau, 1886 ; Id., Die Gleichnissreden Jesu in Allgemeinen, Fribourg-en-Brisgau, 1888 ; Id., Auslegung der Gleichnissreden der drei ersten Evangelien-, Fribourg-enBrisgau, 1899 ; A. Freystedt, Die Gleichnisse des Rerrn, Predigten, Leipzig, 1896 ; I. Stockmeyer, Exegelische. und praktische Erklarung ausgewâhlter Gleichnisse Jesu Vorlesungen, Bàle, 1897.

IX. Sa divinité.

Quand il s’agit de Jésus-Christ, la question capitale à résoudre est celle de sa divinité. S’il n’est pas Dieu, l’Ancien Testament est un livre sans objet défini et sans conclusion. Quant à l'Évangile, il devient tellement inexplicable, qu’il faut en atténuer tous les traits pour qu’il ait quelque sens. Par contre, ces livres entendus dans leur signification naturelle et historique fournissent une démonstration invincible de la divinité de Jésus-Christ. Il sort de ces écrits trois preuves qui, séparées l’une de l’autre, n’auraient qu’une valeur relative, mais qui, réunies, forment l’ensemble le plus convaincant qu’on puisse désirer. Les prophéties accomplies et les miracles opérés prouvent péremptoirementque Jésus-Christesttout au moins l’envoyé de Dieu ; ils iraient même parfois jusqu'à prouver logiquement sa divinité. Mais entre les deux se place l’affirmation solennelle de Jésus-Christ sur sa divinité ; affirmation qui, appuyée d’une part sur les prophéties accomplies en sa personne, de l’autre, sur les miracles opérés, démontre que celui qui est manifestement envoyé par Dieu, et que Dieu ne cesse d’autoriser par les miracles qu’il lui fait opérer, est vraiment Dieu lui-même, puisqu’il l’affirme. I. les prophéties.

1° Prophéties concernant Jésus' Christ. — 1. Parmi les prophéties qui concernent le Messie, il en est qui fixent le temps et les circonstances de sa venue, et d’autres qui tracent à l’avance les caractères de sa personne et de sa mission, quelques-unes seulement laissent entendre qu’il sera Dieu. Ps. ii, 7 ; xlv (xliv), 7 ; Is., ix, 6. Mais ces dernières sont rares. Elles ne pouvaient d’ailleurs constituer un signe pour reconnaître le Messie ; elles affirment seulement et comme

en passant, pour ne pas dévoiler trop clairement aux anciens un mystère qui devait rester pour eux dans une ombre discrète, que celui qui est promis et qu’on attend sera Dieu. Or toutes les prophéties messianiques que nous avons énumérées plus haut, col. 1430, se sont exactement vérifiées en Jésus-Christ. Cf. S. Justin, ûialog. cum Tryphon., 49-53, 66, 77, 78, 85, 91, 98, t. vi, col. 586-594, 627, 655-663, 675-679, 691, 706 ; Freppel, Saint Justin, Paris, 1869, p. 386-391 ; Pascal, Pensées, édit. Guthlin, Paris, 1896, p. 170-215. Jésus-Christ et les prophéties se sont éclairés mutuellement. Les prophéties ont permis de reconnaître en Jésus le Messie promis, l’envoyé de Dieu, et Jésus-Christ a fait comprendre les prophéties, en réalisant dans sa personne des caractères qui paraissaient tout d’abord inconciliables et en démontrant quel sens, littéral ou spirituel, il fallait attribuer aux oracles messianiques. L’argument à tirer de l’accomplissement des prophéties est de telle importance que, pour conserver ces textes antiques, la Providence a perpétué et perpétuera jusqu'à la fin des temps, Rom., xi, 25, 26, le peuple juif, dans les conditions les plus anormales, au milieu de tous les autres peuples, aux mœurs desquels il s’accommode sans rien perdre de son caractère national et en s’assurant une prospérité matérielle qui est une des conditions nécessaires de sa durée. « Si les Juifs eussent été tous convertis par Jésus-Christ, nous n’aurions plus que des témoins suspects ; et s’ils avaient été exterminés, nous n’en aurions point du tout. » Pascal, Pensées, p. 210. — 2. Pour être démonstratif, il faut que l’accomplissement des prophéties messianiques ne puis « e être attribué à aucune cause naturelle. — a) Tout d’abord, cet accomplissement n’est pas fortuit. Si les prophéties portaient seulement que le Messie naîtrait à Bethléhem et serait crucifié, il pourrait se rencontrer assez facilement un homme qui réalisât ces deux conditions. Si on en ajoute une troisième, que ! a naissance aura lieu à telle époque donnée, déjà la réalisation par le hasard de l'événement prédit devient beaucoup plus improbable. Mais ce ne sont pas seulement deux ou trois traits, c’est un portrait compliqué, avec des centaines de particularités importantes, qui a été tracé à l’avance par les prophètes et auquel correspond de point en point la figure de Jésus-Christ. Il est absolument impossible de ne voir là qu’une coïncidence fortuite ; ce serait contraire à toutes les règles du bon sens. — 6) On ne peut dire non plus que Jésus-Christ n’est que le résultat naturel de tout un mouvement d’idées et d’inspirations créé par les prophéties. Les événements évangéliques ne seraient alors que le produit de la pensée prophétique, la pensée ayant tendance naturelle à se réaliser dans les faits. Deux raisons historiques, en dehors des autres, s’opposent radicalement à l’acceptation de cette théorie. C’est d’abord que la prophétie s'était arrêtée quatre cents ans avant Jésus-Christ. I Mach., ix, 27. « Après quatre cents ans d’interruption, paraissent Jean-Baptiste d’abord et ensuite Jésus-Christ. Est-ce une idée admissible que celle d’un mouvement de pensée et d’opinion qui s’arrête pendant quatre cents ans et qui, au bout de ce temps, se remet à marcher brusquement, pour arriver d’un bond plus haut qu’il ne s’est élevé jusque-là? N’est-il pas certain qu’un mouvement qui s’interrompt ainsi périt entièrement ? » De Broglie, Questions bibliques, Paris, 1897, p. 368. D’autre part il est certain que tout effet est de même nature que sa ^cause. Comment donc des prophéties interprétées par toute une nation dans le sens d’un Messie temporel et glorieux, auraient-elles suscité dans cette même nation un Messie spirituel et souffrant ? La contradiction serait d’autant plus flagrante que, pendant les quatre cents ans qui ont précédé Jésus-Christ, à défaut de prophéties nouvelles, il n’y avait plus à fermenter dans les esprits que les anciennes prophéties entendues dans un sens grossier et étroit qui n’a rien de commun avec ce que

le Sauveur est venu réaliser. — c) Quant à l’idée que Notre-Seigneur aurait lui-même adapté sa vie aux données des prophéties, afin de se faire passer pour le Messie, on ne peut s’y arrêter sérieusement. « Il n’est pas au pouvoir d’un homme de choisir son lieu de naissance, de naître à Bethléhem plutôt qu’à Rome ou ailleurs, de naître de la race d’Abraham, de la tribu de Juda, de la maison de David, de paraître au temps marqué par Jacob, par Daniel et par Aggée, de faire des miracles, d’obtenir la foi d’une grande partie du genre humain, de se faire adorer dans le monde, de ressusciter après sa mort, d’être glorifié comme le Dieu tout-puissant et éternel ; et cela, parce que c’était prédit ! » Freppel, Saint Justin, Paris, 1869, p. 390. — d) Il ne reste donc qu’une explication possible de l’accord qui existe entre les prophéties et la vie du Sauveur ; c’est que Dieu, qui a inspiré les prophètes, a réglé l’existence de Jésus-Christ de telle façon qu’elle répondît exactement au programme qu’il en avait tracé à l’avance. Il suit de là en toute rigueur que Jésus-Christ est l’envoyé de Dieu, le Messie promis. — e) En rigoureuse exégèse, on peut tirer des prophéties une conclusion plus décisive encore. Plusieurs d’entre elles en effet attribuent la divinité au Messie promis. Il est écrit au Psaume ii, 7 : « Jéhovah m’a dit : Tu es mon Fils, je t’engendre aujourd’hui. » Il ne s’agit pas là d’un fils adopté, comme quand il est question de Salomon, II Reg., vii, 14, mais d’un fils engendré, yâlad, par conséquent d’un fils de la même nature que celui qui l’engendre. Le Psaume xlv (xliv), 4, 8, célèbre un héros qui est le Messie et auquel il donne le nom de Dieu. Isaie, vii, 14, appelle le Fils de la Vierge Emmanuel, « Dieu avec nous, » et ailleurs, IX, 6, plus directement encore, lui attribue le nom de Dieu. Des différentes descriptions de la Sagesse, en laquelle on reconnaît le Messie futur, on peut aussi conclure que ce Messie aura tous les caractères de la divinilé. Prov., viii, 22-31 ; Sap., vii, 24-26 ; Eccli., xxiv, 1-31, etc. Cf. Scheeben, Handbuch der kalholischen Dogmatik, Fribourg, 1875, t. ii, p. 522. C’est du reste en faisant appel aux textes prophétiques de l’Ancien Testament que l’auteur de l’Épitre aux Hébreux, I, 3-13, établit la divinité du Sauveur. Suivant la coutume de son temps, il allègue même en faveur de cette thèse certains textes qui n’ont pas ce sens littéral, mais qui n’en avaient pas moins force probante pour les Juifs auxquels il s’adressait. Il va de soi que ces textes se rapportent toujours en quelque manière à Jésus-Christ, autrement le Saint-Esprit n’en aurait pas inspiré l’application. — f) Il ne paraît pas cependant que Notre-Seigneur ait voulu établir sa divinité personnelle par les textes prophétiques. Ce qu’il veut prouver par les Écritures, c’est la divinité de sa mission. S’il renvoie les Juifs aux écrits sacrés et à Moïse, Joa., v, 39, 46, c’est uniquement pour démontrer qu’il est venu « au nom du Père », Joa., v, 43, qu’il est son envoyé authentique, réalisant dans sa personne et dans sa vie tout ce qui a été annoncé par les anciens prophètes. La conclusion principale et inattaquable à tirer de l’accomplissement des prophéties est donc celle-ci : Jésus-Christ est le Messie envoyé de Dieu.

Prophéties faites par Jésus-Christ.

Notre-Seigneur

a annoncé lui-même à l’avance et avec une extrême précision, un certain nombre de faits qu’on ne pouvait prévoir humainement et qui se sont accomplis de point en point. Ces faits sont les suivants : — 1. Sa passion, avec ses principales circonstances : la part qu’y prendra le sanhédrin, Matth., xvi, 21 ; xvii, 12 ; xx, 18 ; Marc, viii, 31 ; x, 33 ; Luc, ix, 22 ; la trahison de Judas, Joa., vi, 71 ; xiii, 26 ; Matth., xxvi, 21-25 ; Marc, xiv, 18-21 ; Luc, xxii, 21, 23 ; l’abandon par les Apôtres, Matth., xxvi, 31 ; Marc, xiv, 27 ; Joa., xvi, 32 ; le reniement de Pierre, Matth., xxvi, 33-35 ; Marc, xiv, 29-31 ; Luc, xxii, 34 ; Joa., xiii, 38 ; la comparution devant

les gentils, Matth. ; xx, 19 ; Marc, x, 33 ; Luc, ix, 44 ; xviii, 32 ; les outrages, les tourments et particulièrement la flagellation, Matth., xx, 19 ; Marc, x, 34 ; Luc, xvil, 25 ; xviii, 32 ; enfin la mort, et la mort sur la croix, Matth., xvi, 21 ; xvii, 22 ; xx, 19 ; xxi, 39 ; Marc, viii, 31 ; ix, 31 ; x, 34 ; Luc, ix, 22 ; xviii, 33, que le Sauveur appelle une « élévation » comme celle du serpent d’airain. Joa., iii, 14 ; viii, 28 ; xii, 32. Cf. P. Schwartzkopff, Die Weissagungen Jesu Christi von seinem Tode, Goettingue, 1895. — 2. Sa résurrection. Dès le début de sa vie publique, Notre-Seigneur se compare à un temple que l’on détruira, mais qu’il relèvera en trois jours. Joa., ii, 19. Il annonce que, comme Jonas qui fut trois jours et trois nuits dans le ventre du monstre, il sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre, Matth., xii, 40 ; xvi, 4 ; Luc, xi, 29, 30, et qu’ensuite il reparaîtra ressuscité et vivant. L’expression trois jours et trois nuits n’implique nullement un espace de temps de trois fois vingt-quatre heures. Selon la manière habituelle de compter des Juifs, elle marque seulement trois journées, dont la première et la troisième peuvent n’être représentées que par quelques heures. Cf. Esth., iv, 16 ; v, 1 ; Tob., iii, 10, 12 ; I Reg., xxx, 12-13. Voir F. Baringius, De tribus diebus et tribus noctibus comnwrat. Christi m cord. terne, dans le Thésaurus de Hase et Iken, p. 220-227. Dans les passages où il prédit sa passion, le Sauveur ajoute qu’il ressuscitera le troisième jour. Matth., xvi, 21 ; xvii, 22 ; xx, 19 ; Marc, viii, 31 ; ix, 30 ; x, 34 ; Luc, ix, 22 ; xviti, 33. Cette prédiction était si connue que les princes des prêtres prirent des mesures en conséquence. Matth., xxvil, 63. — 3. Son ascension. Le Sauveur y fait allusion deux fois. Joa., vi, 63 ; vii, 34. — 4. La venue du Saint-Esprit. Notre-Seigneur l’annonce à ses Apôtres, Joa., xiv, 16, 26, et leur recommande, après sa résurrection, de ne pas quitter la ville avant qu’il ait été envoyé. Luc, xxiv, 49. — 5. Les destinées de l’Église, telles qu’elles sont décrites dans les paraboles sur le « royaume descieux », voir plus haut, col. 1494, et spécialement la promesse que les puissances de l’enfer ne prévaudront pas contre elle, Matth., xvi, 18, toutes choses que l’histoire du monde.n’a cessé de vérifier jusqu’à ce jour. —6. La ruine de Jérusalem, Le Sauveur décrit l’événement près de quarante ans à l’avance, avec des détails qu’on ne pouvait humainement prévoir et qui se vérifièrent : l’apparition des faux messies, Matth., xxiv, 4, 5 ; Marc, xiii, 5, 6 ; Luc, xxi, 8 ; cf. Imposteur, col. 851 ; Josèphe, Ant. jud., XX, v, 1 ; vin, 6, 10 ; Bell, jud., II, xiii, 5 ; IV, iii, 14 ; VI, v, 2 ; les bruits de guerre et de révoltes, Matth., xxiv, 6 ; Marc, xiii, 7 ; Luc, xxi, 9 ; cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, ix, 1 ; XX, iii, 3 ; v, 3, 4 ; Bell, jud., II, xii, 1, 2 ; les pestes, les famines, les tremblements de terre, Matth., xxiv, 7 ; Marc, xiii, 8 ; Luc, xxi, 11 ; cf. Famine, t. ii, col. 2175 ; Josèphe, Ant. jud., III, xv, 3 ; XX, ii, 5 ; v, 2 ; Bell, jud., VI, v, 3 ; Tacite, Annal., xiv, 27 ; xv, 22 ; les persécutions infligées aux Apôtres, Matth., xxiv, 9 ; Marc, xiii, 9 ; Luc, xxi, 12 ; cf. Act., iv, 3 ; v, 18, 27, 41 ; vi, 12 ; vii, 58 ; viii, 1 ; ix, 2 ; xii, l, 2 ; xiii, 50, etc. ; la prédication de l’Évangile dans le monde entier, Matth., xxiv, 14 ; Marc, xiii, 10 ; avant la ruine de Jérusalem, les Apôtres se dispersèrent en effet à travers le monde et y prêchèrent Jésus-Christ ; les Actes mentionnent spécialement les missions de saint Paul en Asie Mineure et en Grèce, et enfin sa prédication à Rome, Act., xxviii, 30, 31 ; l’abomination de la désolation dans le lieu saint, Matth., xxiv, 15 ; Marc, xiii, 14, c’est-à-dire la présence autour de la ville sainte, Luc, xxi, 20, et dans Jérusalem même" des aigles idolâtriques de l’armée romaine, ce qui eut lieu quand Cestius Gallus, à la tête d’une armée de vingt-cinq à trente mille hommes, occupa à Jérusalem le quartier de Bézétha, puis hésita à donner l’assaut et se retira, Josèphe, Bell, jud., II, xix, 4-6 ; voir Abomination de la désolation, t. i, col. 70

73 ; la fuite des chrétiens vers les montagnes, avec la plus grande promptitude possible, Matth., xxiv, 16-20 ; Marc, xiii, 14-18 ; Luc, xvi, 21-23 ; Josèphe, Bell, jud., II, XX, 1, raconte qu’après la retraite de Cestius Gallus, on s’attendit en Judée à un puissant retour offensif des Romains, et qu’alors « un grand nombre de Juifs de marque s’enfuirent de la ville comme on se sauve à la nage d’un navire sur le point de sombrer » ; enfin, toutes les horreurs du siège de Jérusalem, les discordes civiles, les assauts, la famine, la prise et la ruine de la cité. Matth., xxiv, 21 ; Marc, xui. 19 ; Luc, xxi, 24 ; cf. Josèphe, Bell, jud., IV, ix-VI, ix ; F. de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, Paris, 1866, p. 200-420.

— 7. La ruine du Temple. Le Sauveur prédit qu’il n’en resterait pas pierre sur pierre. Matth., xxiv, 2 ; Marc, mi, 2 ; Luc, xxi, 6. Josèphe, Bell, jud., VII, i, 1, dit qu’après la prise de Jérusalem, Titus ordonna de détruire de fond en comble la cité et le Temple, et que tout fut si bien nivelé qu’on aurait eu peine à croire qu’il avait existé à cet emplacement une ville habitée. Plus tard, la tentative de Julien l’apostat pour relever le Temple ne servit qu’à procurer l’accomplissement plus complet de la prophétie du Sauveur. Cf. Ammien Marcellin, Rer. gest., xxiii, 1 ; Socrate, Hist. eccl., iii, 20, t. lxvii, col. 429 ; Sozomène, Hist. eccl., v, 22, t. lxvii, col. 1284 ; S. Jean Chrysoslome, Adv. Judœos, v, 11, t. xlviii, col. 901 ; Théodoret, H. E., iii, 15, t. lxxxii, col. 1112. — Ces prophéties du Sauveur, si complètement justifiées par les faits, seraient une preuve de sa divinité, si l’on pouvait démontrer rigoureusement qu’il ne les a pas faites par l’inspiration d’un autre, mais en vertu de la connaissance personnelle qu’il possédait de l’avenir et de sa propre puissance pour régir les événements. Les prophètes ne parlaient pas en leur nom ; ils faisaient précéder leurs oracles de cet avertissement : Voici ce que dit le Seigneur. Jésus-Christ, au contraire, parle toujours sans faire appel à aucune inspiration qui soit étrangère à sa personne. Néanmoins, si une preuve rigoureuse de sa divinité ne peut être tirée de ses prophéties, quand on les considère isolément, il est une autre conséquence qui s’impose logiquement : celui qui a fait de telles prophéties était nécessairement un inspiré de Dieu, un envoyé de Dieu, un ami de Dieu, quelqu’un dont Dieu entendait expressément autoriser les paroles et les actes. Cf. Lescœur, Jésus-Christ, p. 302-328 ; Hettinger, Apologie du christianisme, trad. franc, Paris, 2e édit., t. ii, p. 305-360.

II. l’affirmation du sauveur. — Cette affirmation est comme la clef de voûte de la question. À vrai dire, en effet, on ne peut être assuré que Dieu est là présent dans une nature humaine, que s’il dit lui-même : Je suis Dieu, et si tout, dans son caractère, dans ses actes, dans les différentes circonstances de son apparition, atteste que celui qui parle ainsi ne trompe pas. Or les prophéties accomplies par Jésus-Christ, celles qu’il a faites lui-même et qui ont été véritiées par les événements, nous proment déjà tout au moins que, jusqu’à la fin de sa vie, Jésus-Christ a eu Dieu même pour inspirateur, pour ami, pour garant, et que par conséquent il disait la vérité, surtout sur ce qui pouvait intéresser plus particulièrement la cause et l’honneur de Dieu. Or voici ce que Jésus-Christ a laissé dire ou a dit de sa propre personne.

Les appellations.

1. Il s’est donné formellement

comme le Messie, Joa., iv, 26, et s’est appliqué à lui-même des passages de l’Écriture concernant le Messie, Luc, iv, 18-21, spécialement dans une circonstance où Jean-Baptiste lui envoyait demander solennellement s’il était « celui qui doit venir ». Matth., xi, 4-6 ; Luc, vii, 22, 23. — 2. Il s’est laissé attribuer, sans jamais protester, des appellations qui, dans la pensée de tous, désignaient le Messie : « roi d’Israël, » Luc, xix, 38 ; Joa., J, 49 ; xii, 13 ; xviii, 37 ; « fils de David, » Matth., îx.

27 ; xv, 22 ; xx, 30, 31 ; xxi, 9, 15 ; Marc, x, 47. 48 ; xi, 10 ; Luc, xviii, 38, 39 ; «  « elui qui vient au nom du Seigneur. » Matth., xxi, 9 ; Marc, xi, 10 ; Luc, xix, 38 ; Joa., xii, 13. Voir plus haut, col. 1425. Lui-même se donne très fréquemment le titre de « Fils de l’homme », qui, tout en le caractérisant comme l’homme par excellence, est encore un des noms attribués au Messie. Voir Fils de l’homme, t. ii, col. 2258-2260. — 3. Il donne à entendre qu’il est plus grand qu’Abraham, Joa., viii, 53, 56, que Moise, Matth., xix, 8-9, que Salomon et Jonas. Matth., xii, 41, 42 ; Luc, xi, 31, 32. — 4. Il se dit habituellement l’envoyé du Père, Joa., v, 36, 37, 43 ; vi, 39, 40, 58 ; viii, 16, 18, etc. ; il appelle Dieu son Père, Luc, h, 49 ; Joa., ii, 16 ; v, 17, 43 ; vi, 32, 40, 66 ; viii, 27, etc. ; il approuve qu’on lui donne les noms de Maître et de Seigneur. Joa., xiii, 13, 14. Quand on observe que Dieu seul peut remettre les péchés, il les remet, Marc, ii, 7, 10 ; Luc, v, 21, 24 ; vii, 48, 49 ; il s’affirme comme le maître du Sabbat, Matth., xii, 8 ; Marc, ii, 28 ; Luc, vi, 5, et fait remarquer à Pierre qu’en sa qualité de « Fils » il n’aurait pas à pær l’impôt du Temple. Matth., xvii, 24, 25. — 5. Dès le début de son ministère public, il se laisse décerner par Nathanæl le nom de Fils de Dieu. Joa., i, 49. Les Apôtres, Matth., xiv, 33, et Marlhe, Joa., ’xi, 27, le lui attribuent aussi. Par deux fois, il approuve Pierre qui l’appelle « le Christ, Fils de Dieu », Joa., vi, 70, « le Christ, Fils du Dieu vivant. » Matth., xvi, 16 ; Marc, viii, 29 ; Luc, ix, 20. — 6. Enfin, dans quatre circonstances mémorables, il se proclame lui-même Fils de Dieu. À l’aveugle-né qu’il a guéri et qui lui demande quel est le Fils de Dieu, Jésus répond : « Tu le vois, c’est celui qui te parle. » Joa., ix, 35-37. Aux Juifs qui l’interpellent dans le Temple en lui disant : « Si tu es le Christ, dis-le-nous clairement, » il réplique en invoquant le témoignage de son Père, dont il dit : « Moi et le Père nous ne sommes qu’un, » et il se plaint qu’on l’accuse de blasphème parce qu’il a dit : « Je suis le Fils de Dieu. » Joa., x, 24, 30, 36. La nuit qui précède sa mort, Jésus-Christ comparait deux fois devant le sanhédrin rassemblé, qui représente la suprême autorité religieuse de la nation. Une première fois, le grand-prêtre Caïphe se lève et lui dit : « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu. » Et Jésus repond : « Vous l’avez dit, je le suis. » Et pour qu’on ne s’y trompe pas, en prenant dans un sens incomplet le nom de « Fils de Dieu », il avertit ses juges qu’ils le verront assis à la droite du Dieu tout-puissant et venant sur les nuées du ciel. Matth., xxvi, 63-64 ; Marc, xiv, 61-62. Quand les membres de ce même sanhédrin lui demandent de nouveau : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » il répond encore : « Vous le dites, je le suis. » Luc, xxii, 70. Cette double déclaration a d’autant plus d’importance qu’elle est provoquée par l’autorité compétente et qu’elle entraîne une sentence de mort. — 7. Notre-Seigneur, qui a ainsi parlé devant le sanhédrin, ne répond pas quand c’est Satan, Matth., iv, 3, 6 ; Luc, iv, 3, 9, ou quand ce sont des moqueurs, Matth., xxvii, 40, qui lui demandent de prouver par des miracles inutiles qu’il est le Fils de Dieu. Il n’a pas à renseigner le démon sur ce point, voir Démon, t. ii, col. 1372-1373, et aux Juifs, il ménage un miracle plus grand que sa descente de la croix, sa résurrection. — 8. Notre-Seigneur se laisse donc donner et prend lui-même le nom de Fils de Dieu dans son acception totale et absolue. Voir Fils de Dieu, "Y ii, col. 2254. Si on l’avait mal compris, il aurait corrigé la fausse interprétation, comme firent plus tard Paul et Barnabe quand ils furent pris pour des dieux. Act., xiv, 12-15. Si lui-même avait faussé ou exagéré la vérité, Dieu ne lui eût accordé ni le don de prophétie, ni celui des miracles.

Les conséquences.

1. Il suit de là qu’il est impossible

de restreindre sa filiation divine au sens d’une

simple filiation adoptive, comme celle qui convient aux serviteurs de Dieu, à des degrés plus ou moins élevés. Voir Fils de Dieu, t. ii, col. 2257. Les textes s’opposent à cette interprétation. Quand, par exemple, Pierre déclare au nom des Apôtres ce qu’il reconnaît en Jésus, . _ il prétend bien le mettre au-dessus de Jean-Baptiste, d’Élie, de Jérémie et des prophètes. Ainsi il l’appelle le Christ, et non pas seulement un fils de Dieu, comme pouvaient l’être ceux qu’on vient de nommer, mais « le Fils du Dieu vivant », 6 uiôç toO ©eoû. En approuvant sa réponse, le Sauveur évoque le souvenir, non seulement du Père qui est dans les cieux, mais de son Père à lui, 6 it*-ri)p (iou. Puis, il établit une sorte de parallèle entre la situation qu’il fait à Pierre et celle que Pierre lui a reconnue : Pierre aura dans l’Église un caractère unique, qui le mettra hors de pair, de même que Jésus-Christ a une filiation supérieure à toutes les filiations adoptives. Matth., xvi, 14-18. Les termes par lesquels est annoncée la naissance du Sauveur ne peuvent pas davantage se restreindre à une filiation adoptive. L’ange déclare à Marie que l’enfant qu’elle mettra au monde sera « Fils du Très-Haut » et « Fils de Dieu ». Luc., i, 32, 35. Si ces termes étaient isolés, on pourrait se demander s’il ne faut pas les entendre d’une filiation par adoption. Mais le contexte indique en quel sens autrement précis l’enfant sera Fils de Dieu. Il n’aura point de père sur la terre. Avis est donné à Marie que cette naissance sera l’œuvre du Saint-Esprit, du Très-Haut, Luc, 1, 35, et à Joseph que l’enfant à naître de Marie est du Saint-Esprit. Matth., i, 20. L’adoption divine suppose un être déjà existant, qu’elle élève à un degré de particulière et surnaturelle union avec Dieu. Mais ce que porte Marie est Yevv/)6èv èx IIvsû|jiaToç êcflov, « engendré par le Saint-Esprit. » Matth., i, 20. Or engendrer marque une filiation naturelle et non une filiation adoptive. Saint Jean, x, 24, 30, rapporte les paroles par lesquelles le Sauveur explique lui-même cette filiation : il est « Fils de Dieu » en ce sens que le Père et lui ne font qu’un. Si l’adoption établit des rapports d’intimité entre l’adoptant et l’adopté, elle n’établit pas l’unité entre l’un et l’autre. C’est donc une filiation naturelle que Notre-Seigneur revendique pour lui-même ; c’est cette filiation que comprennent les Juifs et les membres du sanhédrin, quand ils condamnent à mort Notre-Seigneur parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. S’il ne se fût agi que d’une filiation adoptive, le Sauveur s’en serait expliqué nettement, il eût détrompé ses juges, et ceux-ci n’eussent pu lui tenir rigueur de s’attribuer une prérogative que chaque pieux Israélite pouvait revendiquer pour lui-même. Ceux qui refusent d’admettre la divinité de Jésus-Christ s’efforcent d’entendre dans ce dernier sens le nom de Fils de Dieu que lui donne l’Évangile. Cf. Soloweyczyk, La Bible, le Talmud et l’Évangile, p. 179-181. — 2. Il ne saurait être question d’une simple filiation d’ordre intellectuel, provenant de la connaissance de Dieu. Cette connaissance serait, dit-on, « la sphère dé la filiation divine, » seul genre de filiation auquel aurait prétendu le Sauveur quand il dit : « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui il voudra bien le révéler. » Matth., XI, 27 ; Luc, x, 22. Cf. Harnack, Dos Wesen des Christenthums, p. 81. Qui ne voit que ce texte, même si on l’isole des autres textes synoptiques et de tous ceux de saint Jean, ne se prête nullement à une semblable restriction ? La teneur des termes y est telle que le Père est placé dans les mêmes rapports vis-à-vis du Fils, que le Fils vis-à-vis du Père. Si le Fils n’a qu’une filiation intellectuelle et par conséquent une divinité très improprement dite, la divinité et la paternité du Père ne sont pas d’un autre ordre, et dès lors c’est Dieu même qui disparaît. /II. les miracles. — 1° Leur variété. — Notre-Seigneur a opéré un très grand nombre de miracles. A plusieurs reprises, les Évangélistes signalent, sans entrer

dans le détail, des guérisons d’une fouie de malades et de possédés. Matth., iv, 23 ; viii, 16, 17 ; xii, 15 ; xv, 30, 31 ; Marc, i, 32-34 ; iii, 10-12 ; Luc, iv, 40, 41 ; v, 17 ; vi, 18-19 ; ix, 11. Saint Jean, XX, 30, termine son évangile en disant que Jésus-Christ « a fait beaucoup d’autres miracles » qui ne sont pas consignés dans son livre, et il ajoute hyperboliquement que le monde ne contiendrait pas les écrits que l’on rédigerait au sujet de ce qu’il a fait. Joa., xxi, 25. Le caractère miraculeux, surhumain et divin de ces actes n’est pas contestable. S’il en est quelques-uns qu’on a pu essayer, sans succès d’ailleurs, d’expliquer naturellement, la plupart ne sont même pas susceptibles d’une pareille tentative, et suffisent au but que se proposaient les Évangélistes en les racontant. Voir Miracle. Les miracles du Sauveur sont de différentes sortes. On peut distinguer : a) Les miracles sur les choses de la nature : ils sont au nombre de dix : 1° le changement de l’eau en vin à Cana, Joa., ii, 1-11 ; 2° et 3° les deux pêches miraculeuses, Luc, v, 1-11 ; Joa., xxi, 1-13 ; 4° la tempête apaisée, Matth.,-vm, 23-27 ; Marc, iv, 35-40 ; Luc, viii, 22-25 ; 5° la marche sur les eaux, Matth., xiv, 25-31 ; Marc, vi, 48 ; Joa., vi, 19 ; 6° le didrachme trouvé dans la bouche du poisson, Matth., x ,

23-26 ; 7° le figuier desséché, Matth., xxi, 18, 19 ; Marc, xi, 12, 14-20 ; cf> J. C. Goesgenius, De ficu maledicta, dans le Thésaurus de Hase et Iken, t. ii, p. 417-424 ; 8° et 9° les deux multiplications des pains, Matth., xiv, 1321 ; xv, 32-39 ; Marc, vi, 30-44 ; viii, 1-10 ; Luc, ix, 1017 ; Joa., vi, 1-13 ; 10° la transfiguration. Matth., xvii, 113 ; Marc, ix, 1-12 ; Luc, ix, 28-36 ; voir Transfiguration. — b) Les expulsions des démons du corps des possédés. Voir Démoniaques, t. ii, col. 1375. — c) Les guérisons de toutes sortes de maux. Voir Guérison, col. 360-361. — d) Les résurrections du fils de la veuve de Naim, Luc, vii, 11-17 ; de la fille de Jaïre, Matth., ix, 18-26 ; Marc, v, 22-43 ; Luc, viii, 41-56 ; de Lazare, Joa., xi, 1-45, et la propre résurrection du Sauveur lui-même. Matth., xxviii, 6. — e) Il convient aussi de tenir compte des miracles qui ont été opérés, sinon par Jésus-Christ personnellement, du moins à cause de lui, pour accréditer sa mission divine : les apparitions des anges à différentes époques de sa vie, Matth., i, 20 ; ii, 13, 19 ; iv, 11 ; xxviii, 2, 5 ; Marc, i, 13 ; Luc, I, 26-38 ; ii, 9, 10, 13, 15 ; xxii, 43 ; xxiv, 23 ; Joa., xx, 12 ; l’étoile des Mages, Matth., ii, 2 ; la voix du Père à son baptême, Matth., iii, 17 ; Marc, i, 11 ; Luc, iii, 22, à sa transfiguration, Matth., xvii, 5 ; Marc, ix, 6 ; Luc., ’ix, 35, et dans le Temple, Joa., xii, 28 ; l’apparition de l’Esprit-Saint sous forme de colombe, Matth., iii, 16 ; Marc, i, 10 ; Luc, iii, 22 ; Joa., i, 32 ; l’apparition de Moïse et d’Élie, Matth., xvii, 3 ; Marc, IX, 3 ; Luc, IX, 30 ; les ténèbres pendant que le Sauveur était en croix, Matth., xxvii, 45 ; Marc, xv, 33 ; Luc, xxiii, 44-45, cf. S. Kissling, De labore solis, laborante sole justitise, dans le Thésaurus de Hase et Iken, t. ii, p. 364-380 ; le déchirement du voile du Temple, Matth., xxvii, 51 ; Marc, xv, 38 ; Luc, xxiii, 45 ; le tremblement de terre et la fente des rochers, Matth., xxvii, 51 ; la résurrection et l’apparition de plusieurs morts. Matth., xxvii, 52, 53. Cf. do Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, Paris, 1885, p. 310351.

Leur signification.

a) On pourrait remarquer

d’abord que Notre-Seigneur opère ses miracles par sa propre initiative, en vertu d’une puissance qui réside en lui. Il n’a pas besoin de prier longuement comme Élie, III Reg., xvii, 19-22, ou comme Elisée, IV Reg., iv, 33-35, pour ressusciter un mort. Ce n’est pas au nom d’un autre que, comme les Apôtres, Act., iii, 6, il opère des guérisons. Agissant de cette manière, Notre-Seigneur prouve vraiment qu’il est Dieu, puisqu’il accomplit par lui-même des actes dont Dieu seul a la puissance. De ce qu’avant de ressusciter Lazare, il remercie son Père de l’avoir exaucé, comme il l’exauce toujours, Joa., xi, 41

42, il ne suit nullement qu’il ne soit vis-à-vis de Dieu que dans les termes de créature à Créateur, comme par exemple, Moïse, qui opère aussi de grandes merveilles par l’ordre de Dieu. Exod., vil, 1-6. Mais, comme Verbe incarné, il rapporte à son Père et sa mission et les miracles par lesquels il la prouve. Néanmoins, cette autonomie thaumaturgique n’est pas toujours évidente ; il n’y a d’ailleurs aucune nécessité à l’admettre pour arriver sûrement à démontrer la divinité du Sauveur. — b) La principale, signification des miracles, c’est la preuve qu’ils apportent à la parole de Jésus-Christ affirmant sa divinité. C’est pour cela qu’ils sont appelés par les Évangélistes <r/)[ieïa, signa, « témoignages. » Tel est en effet l’un des sens principaux du mot grec <r/]jieïov. Thucydide, II, 42 ; Platon, Cratyl., 395 ; Tint., 71 ; Respubl., 368 ; Sophocle, Œdip. Rex, 710, 1059 ; Electr., 21, etc. Cette signification apparaît dès le récit du miracle de Cana. Joa., ii, 11. Notre-Seigneur y accomplit le premier de ses <jï)HEta. Ceux qui suivent sont, comme celui-ci, donnés en preuve de la mission et de la véracité du Sauveur. Aux envoyés de Jean-Baptiste qui lui demandent qui il est, il se contente de faire remarquer les miracles qu’il opère. Matth., xi, 2-6 ; Luc, vii, 18-23. S’il maudit les villes de Corozaïn, de Bethsaide et de Capharnaùm, c’est qu’on n’y a pas tenu compte de ses miracles. Matth., xi, 20-24 ; Luc., x, 13-15. À la vue de ses miracles, les foules concluent naturellement à une intervention de Dieu. Matth., ix, 8 ; Marc, ii, 12 ; Luc, v, 26 ; vii, 16 ; Matth., ix, 33 ; Joa., vi, 14 ; Luc, ix, 44 ; Matth., xiv, 33, etc. Le centurion, témoin des merveilles qui se passent au Calvaire, tire lui-même la vraie conclusion : « C'était réellement le Fils de Dieu ! » Matth., xxvii, 54 ; Marc, xv, 39 ; Luc, xxiii, 47. — C’est surtout saint Jean qui fait des miracles la preuve de la divinité du Sauveur, lui qui termine son Évangile en disant : « Ceux-ci ont été mis par écrit afin que vous croyiez que Jésus est le Christ Fils de Dieu. » Joa., xx, 31. En dehors des deux miracles qui figurent l’Eucharistie, celui de Cana et la multiplication des pains, il n’en raconte que trois autres, mais avec grand détail, pour que le récit ait toute sa valeur probante. Il les choisit parmi ceux qui ont été opérés sous les yeux mêmes des Juifs, la guérison du paralytique à la piscine Probatique, Joa., v, 1-47, celle de l’aveugle-né, à sa sortie du Temple, Joa., ix, 1-41, et enfin la résurrection de Lazare à Béthanie, en présence d’un grand nombre de Juifs. Joa., xi, 1-46. Il semble que Notre-Seigneur veuille faire allusion à ces trois miracles si importants, quand il dit à ses Apôtres dans le discours après la Cène : « Je suis la voie, la vérité et la vie, » Joa., xiv, 6 ; voie, il fait marcher le paralytique ; vérité, il éclaire l’aveugle de naissance ; vie, il ressuscite le mort. Saint Jean rapporte ensuite les discussions dont ces miracles ont été l’occasion, et les conclusions que le divin Maître en a tirées. Ainsi, en guérissant le paralytique et en lui commandant d’emporter son grabat le jour du sabbat, Notre-Seigneur montre qu’il est le maître du sabbat. Comme ensuite il compare son activité à celle de son Père, les Juifs comprennent parfaitement -qu’il dit que « Dieu est son Père, se faisant ainsi l'égal de Dieu ». Joa., v, 18. Le Sauveur en appelle alors formellement à ses miracles pour prouver sa mission : « Les œuvres que mon Père m’a données à accomplir, les œuvres mêmes que je fais rendent de moi ce témoignage que c’est le Père qui m’a envoyé. » Joa., v, 36. Du reste, les Juifs, imbus de tous leurs préjugés, n'étaient pas faciles à satisfaire sous ce rapport, puisqu'à la suite de la multiplication des pains, alors que le Sauveur se présente comme l’envoyé du Père, ils en sont encore à lui dire : « Quel miracle fais-tu, pour qu’en le voyant nous croyions en toi ? Qu’opères-tu ? » Joa., vi, 30. — Quand il vint à Jérusalem pour la fête des Tabernacles, le peuple disait : « Le Christ, quand il viendra, fera-t-il plus de miracles que celui-ci n’en fait ? » Joa., vii, 31.


Le Sauveur opéra alors, encore un jour de sabbat, la guérison de l’aveugle-né, qui fut l’objet d’une enquête si minutieuse de la part du sanhédrin. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit, 1901, 1. 1, p. 76-84. L’aveugle guéri raisonnait fort juste quand il disait : « Si cet homme ne venait pas de Dieu, il n’aurait rien pu faire. » Joa., IX, 33. On disait ensuite dans la toule : « Est-ce le démon qui peut ouvrir les yeux des aveugles ? » Joa., x, 21. À la fête de la Dédicace, on lui demanda de nouveau de prouver sa mission. Il répondit : « Les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi. » Les Juifs voulant le lapider parce que lui, homme, voulait se faire Dieu, il ajouta : « Si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes œuvres, afin de reconnaître et de croire que le Père est en moi et moi dans le Père. » Joa., x, 25, 33, 38. Au bord du Jourdain, où il se retira, la foule vint à lui en remarquant que « Jean n’avait fait aucun miracle ». Joa., x, 41. — La résurrection de Lazare acheva la démonstration que le Sauveur voulait fournir aux Juifs. « Père dit-il avant d’opérer le miracle, je vous rends grâces de m’avoir exaucé. Pour moi, je savais bien que vous m’exaucez toujours ; mais à cause du peuple qui est là, j’ai parlé, afin qu’ils croient que vous m’avez envoyé. » Joa., xi, 42. Il s’appliqua ensuite à attirer l’attention de ses Apôtres sur la valeur probante de ses miracles. « Le Père qui réside en moi est l’auteur de mes œuvres. Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père et que le l'ère est en moi ? Croyez-le du moins à cause des œuvres elles-mêmes. » Joa., xiv, 10-12. « Si je n’avais pas fait au milieu d’eux des œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils ne seraient point coupables. » Joa., xv, 24. — Ainsi l’intention du Sauveur est manifeste : ses miracles sont avant tout des arff.f.%, des preuves, non toujours directement de sa divinité, mais de sa mission et de la vérité de sa parole. Cf. Curci, Lezioni sopra i qualtro Evangeli, t. ii, p. 299. Or cette parole, dont il veut imposer la créance, c’est celle-ci : Je suis l’envoyé du Père, je suis le Fils de Dieu. Si cette parole n'était pas l’expression d’une vérité absolue, Dieu ne l’aurait pas accréditée jusqu'à la fin, en maintenant à celui qui la répétait le pouvoir d’opérer les plus éclatants miracles.Les prophéties d’une part, .les miracles de l’autre, nous apparaissent dès lors, comme les deux solides et puissants contreforts sur lesquels s’appuie l’affirmation de JésusChrist, se présentant aux hommes comme Fils de Dieu. — c) Les miracles servent encore de preuves à des vérités particulières. Jésus-Christ, pour faire voir qu’il a le pouvoir de remettre les péchés, guérit un paralytique. Matth., ix, 6 ; Marc, ii, 10, 11 ; Luc, v, 24. Pour montrer qu’il est le maître du sabbat, Matth.. xii, 8, il affecte d’opérer des guérisons ce jour-là. Parce qu’il est venu pour jeter dehors le prince de ce monde, Satan, Joa., XII, 31, il commence par le chasser du corps des hommes. Maître de l’espace comme de toute la nature, il guérit les malades à distance. Joa., IV, 50-52 ; Matth., xv, 28 ; Marc, vii, 30 ; Luc, xvii, 14. Venu pour être le « pain de vie », Joa., VI, 35, 48, il multiplie les pains au désert. Parce qu’il est « la résurrection et la vie », Joa., xi, 25, il ressuscite des morts. Mais plus que ses autres attributs, c’est surtout sa grande miséricorde, Matth., xv, 32 ; Marc, vi, 34 ; viii, 2, sa bonté, sa qualité de rédempteur que Notre-Seigneur tient à démontrer en guérissant tant de malades, en semant tant de miracles sur son passage, en devançant lui-même les prières qu’on pourrait lui adresser, Luc, vil, 13-15 ; Joa., v, 6 ; etc., en intervenant même, comme à Cana, dans des conditions où le miracle, qui n’est point appelé par une extrême nécessité, n’en manifeste que mieux sa gracieuse bonté. Chaque miracle constitue donc la démonstration de quelque attribut du Sauveur. Aussi refuse-t-il de faire des miracles réclamés par la simple curiosité. Il éconduit les scribes et les pharisiens qui demandent un

III. - 43

miracle dans le ciel. Matth., xii, 38, 39 ; Luc, xi, 16. En eussent-ils cru davantage ? « S’ils n’écoutent ni Moïse ni les prophètes, ils ne croiront pas même si quelqu’un ressuscite d’entre les morts, » Luc, xvi, 31, dira le Sauveur lui-même. Il refuse de faire tomber le feu du ciel sur la ville des Samaritains qui ne veulent pas le recevoir, Luc, ix, 55, 56, parce que ce miracle eût été en contradiction avec sa mission de Sauveur. Enfin il ne veut ni appeler à son secours les douze légions d’anges, Matth., xxvi, 53, ni descendre de la croix, Matth., xxvii, 40, 42 ; Marc, xv, 32, parce que ces miracles eussent empêché sa passion et par conséquent la rédemption des hommes. Cf. Trench, Noteson the Miracles, Londres, 1847 ; Pauvert, La vie de N.-S. J.-C, t. i, p. 21-98 ; Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 1901, t. i, p. 65-84 ; Vallet, Les miracles de l’Évangile, Paris, 1901.

Leur symbolisme moral.

Outre leur double

signification directe, visant la véracité des paroles du Sauveur et la réalité de quelqu’un de ses attributs, les miracles, ainsi que l’ont souvent exposé les Pères de l’église, apparaissent encore comme des figures symboliques des merveilles de l’ordre surnaturel. Ils sont ainsi en action ce que les paraboles sont en récit. C’est Notre-Seigneur lui-même qui suggère cet ordre d’idées par la relation étroite qu’il établit entre les miracles qu’il opère et certaines institutions de la loi nouvelle. Ainsi, après la première pêche miraculeuse, Jésus dit à quatre de ses disciples : « Je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Matth., iv, 19 ; Luc, v, 1-10. À la suite de la seconde pêche, il dit à. Pierre : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Joa., xxi, 6-17. La pêche miraculeuse est donc une leçon de choses, un symbole de la pêche des âmes, de l’apostolat. Ce miracle a ainsi une analogie avec la parabole de la seine. Matth., xiii, 47-48. La barque qui porte les Apôtres sur le lac de Tibériade est assaillie par la tempête ou fatiguée par le vent contraire, pendant que Jésus dort ou qu’il est absent ; Jésus s’éveille ou apparaît soudain, et le calme renaît. Marc, IV, 38, 39 ; vi, 47-50. Cette barque, c’est l’Église sur la mer agitée de ce monde : inactif en apparence et invisible, Jésus est toujours là pour veiller sur elle. Les guérisons des aveugles figurent l’arrivée des âmes à la lumière de la foi, par la docilité à la parole du Sauveur et par la grâce du baptême. Après avoir obtenu la vision corporelle, l’aveugle-né se prosterne devant le Fils de Dieu en disant : « Je crois, Seigneur. » Joa., ix, 38. La vision naturelle est l’image de la vision par la foi. Les maladies de toute nature, la lèpre, la mort, figurent le péché avec toutes ses conséquences. Notre-Seigneur guérit tous ces maux et même ressuscite les morts pour symboliser les guérisons et les résurrections spirituelles qui s’opéreront dans son Église par le sacrement de pénitence. Lui-même signale la relation qui existe dans sa pensée entre la guérison du paralytique et la rémission des péchés. Luc, v, 20-24. La promesse de l’Eucharistie est trop étroitement liée au miracle de la multiplication des pains pour que le symbolisme de ce miracle puisse être contesté. La transsubstantiation a sa figure dans le miracle de Canà. Cf. Wiseman, Mélanges religieux, scient, et littér., p. 84-147.

iv. la résurrection. — La résurrection est le miracle capital du Sauveur ; c’est aussi celui sur lequel les évangélistes ont donné le plus de détails. — 1° Notre-Seigneur a prédit plusieurs fois qu’il ressusciterait le troisième jour après sa mort. Matth., xvi, 21 ; xvii, 9, 22 ; xx, 19 ; xxvi, 32 ; Marc, viii, 31 ; ix, 8, 9, 30 ; x, 34 ; xiv, 28 ; Luc, ix, 22 ; xviii, 33. Il indique même son séjour de trois jours et trois nuits au tombeau comme devant être le signe incontestable de sa mission. Matth., xii, 39, 40 ; Luc, xi, 29. — 2° Les Juifs ont parfaitement compris que Notre-Seigneur avait promis de ressusciter au bout de trois jours. Aussi prirent-ils toutes les pré cautions commandées par la prudence humaine pour s’assurer contre toute intervention des disciples. Matth., xxvii, 62-66. La mort du Sauveur avait du reste été constatée par le centurion, Marc, xv, 44, et le sépulcre, taillé dans le roc vif, Matth., xxvii, 60, ne se prêtait à aucune effraction souterraine. Ces circonstances ruinent les hypothèses qu’on a faites soit d’un enlèvement du corps, soit d’un retour à la vie de celui qui n’était pas mort quand on l’ensevelit. Cf. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, t. ii, p. 111-118, 535541. — 3° La résurrection se produisit au temps marqué. Les gardes placés près du tombeau furent les premiers témoins des phénomènes merveilleux qui l’accompagnèrent. Le sanhédrin les paya libéralement pour dire que les Apôtres avaient enlevé le corps. Matth., xxviii, 11-15. Si cette accusation eût été fondée, les Apôtres auraient été poursuivis sans délai et les gardes auraient été sévèrement punis pour avoir sommeillé au lieu de veiller. — 4° Les quatre Évangélistes racontent différentes apparitions du Sauveur. On a voulu mettre leurs récits en contradiction les uns avec les autres, supposer, d’après ceux-ci, que les apparitions n’ont eu lieu qu’en Galilée, d’après ceux-là, qu’il ne s’en est produit qu’à Jérusalem, etc. Cf. Rohrbach, .Die Berichte uberdievuferstehungJesu Christi, Berlin, 1898. Nous avons vu plus haut, col. 1478, que les quatre récits peuvent se combiner sans grande difficulté et sans qu’on ait à tourmenter les textes. Cf. Fleck, Sanctorum quatuor Evange-Uorum concordia, Rixheim, 1881, p. 173-178. Il est vrai qu’avant sa mort le Sauveur avait dit à ses Apôtres qu’après sa résurrection il les précéderait en Galilée, Matth., xxvi, 32 ; Marc, xiv, 28, que les saintes femmes reçoivent l’ordre de dire aux disciples et à Pierre que Jésus ressuscité les précédera en Galilée, où ils le verront, Matth., xxviii, 7 ; Marc, xvi, 7, et qu’enfin le Sauveur répète personnellement le même avis. Matth., xxviii, 10. Il est également vrai que saint Matthieu ne parle pas des apparitions aux Apôtres à Jérusalem, et que saint Marc ne mentionne les apparitions d’Emmaus et du cénacle que dans sa finale contestée par plusieurs. Mais saint Matthieu exclut si peu les apparitions de Jérusalem, qu’après avoir rapporté les paroles de l’ange aux saintes femmes : « Voici qu’il vous précède en Galilée, c’est là que vous le verrez, » il raconte immédiatement l’apparition dont Jésus les favorisa sur le chemin. Matth., xxviii, 7, 9. Quand il dit ensuite que les onze disciples s’en allèrent en Galilée, a sur la montagne que Jésus leur avait marquée, » Matth., xxviii, 16, ne suppose-t-il pas une apparition précédente dans laquelle le Sauveur leur a assigné ce rendez-vous particulier sur la montagne ? Ces mentions de la Galilée dans les récits de la résurrection s’expliquent d’ellesmêmes. On voit que Jésus n’apparaît à Jérusalem qu’aux Apôtres et peut-être à un petit nombre de disciples.il a ses raisons four ne se montrer qu’en Galilée à la grande masse de ses disciples restés à peu près fidèles. Il le leur fait donc dire par les saintes femmes, et Pierre est averti nommément, parce qu’en sa qualité de chef déjà reconnu, il aura à transmettre cet avertissement à tous les intéressés. — La distinction entre deux traditions différentes sur le fait de la résurrection, l’une galiléenne, représentée par saint Matthieu et par saint Marc (moins sa finale), qui ne « connaissent » que les apparitions en Galilée, l’autre hiérosolymitaine, représentée par saint Luc et saint Jean, qui « connaissent » des apparitions à Jérusalem, n’a donc qu’un fondement spécieux. Pour que la conclusion négative fût logique, il faudrait établir au préalable que « connaître » et « raconter » sont une même chose, que saint Matthieu et saint Marc n’ont rien connu au delà de ce qu’ils ont raconté, et que, parmi tant d’épisodes ayant trait aux manifestations du divin ressuscité, les Évangélistes étaient obligés soit de tout raconter, soit de s’en tenir

aux mêmes détails, sous peine de voir le silence des uns érigé en contradiction irréductible contre le récit des autres. En disant formellement qu’« après sa passion il s’est montré à eux par beaucoup de manifestations (xsx(/, ripioi ;, « témoignages probants » ), leur apparaissant pendant quarante jours », Act., i, 3, saint Luc montre assez clairement que les récits évangéliques de la résurrection sont loin d’être complets. Les divergences signalées dans les récits, apparition d’un ange ou de deux anges, assis ou debout dans le tombeau ou hors du tombeau, etc., sont sans importance. N’est-il pas naturel que dans une scène aussi mouvementée et aussi merveilleuse, les principaux acteurs aient changé maintes fois d’attitude, et que les témoins aient reproduit les faits tels qu’ils se déroulaient sous leurs yeux au moment où ils en étaient le plus vivement frappés ?

— 5° Notre-Seigneur n’apparaît à aucun de ses ennemis. Ils n’en sont pas dignes et il n’a pas à leur imposer une foi dont ils n’ont pas voulu quand ils avaient tous les éléments désirables pour croire. D’ailleurs ceux qui ne croyaient ni à Moïse ni aux prophètes auraient encore trouvé des raisons pour conclure contre l’apparition d’un mort ressuscité. Luc, xvi, 31. — 6° Au lieu d’aller au-devant de l’idée d’une résurrection de leur Maître, les Apôtres font les plus grandes difficultés pour l’admettre. En voyant le tombeau vide, Madeleine croit à un enlèvement du corps, Pierre garde le silence, Jean seul commence à croire ; mais c’est des Écritures, et nullement de la promesse du Sauveur, que semble lui venir la pensée de la résurrection. Joa., xx, 6-9. Les saintes femmes se rappellent les paroles de Noire-Seigneur, mais seulement quand les anges ont appelé leur attention sur ce point. Luc, xxiv, 7, 8. Quand elles-mêmes racontent aux Apôtres qu’elles ont vu le Seigneur vivant, on traite leur récit de folie et on ne les croit pas. Luc, xxiv, 11.0n ne croit guère davantage le récit des deux disciples d’Emmaus. Marc, xvi, 13. Aussi Notre-Seigneur apparaissant aux onze dans le cénacle leur reproche-t-il leur incrédulité et la dureté de leur cœur. Marc, xvi, 14. À son tour, Thomas récuse le témoignage de tous les autres et veut voir et toucher pour croire. Joa., xx, 25. Enfin, en Galilée, il semble que, des disciples ne croyaient pas encore à la réalité de la résurrection, malgré toutes les assurances qu’avaient pu donner les témoins oculaires. Matth., xxviii, 17. Loin donc de trouver des prédispositions dans l’esprit des Apôtres et des disciples, la croyance à la résurrection s’y est heurtée au contraire à une opposition qui n’a cédé que devant une irréfutable démonstration. — 7° La résurrection de Jésus-Christ n’a pas été purement idéale. Le Sauveur s’est laissé voir et toucher, Luc, xxiv, 39, 40 ; Joa., xx, 20, 27 ; il a mangé sous les yeux de ses Apôtres, Luc, xxiv, 42, 43 ; il a fait les actes d’un vivant, Joa., xxi, 5, 6, 9-13 ; Luc, xxiv, 15-17, 25-31, tout en gardant à son corps glorieux le privilège d’échapper aux lois de la matière. Luc, xxiv, 31 ; Joa., xx, 19, 26 ; Luc, xxiv, 51. — 8° Le fait de la résurrection n’a pas été discrètement conservé dans le souvenir de quelques disciples. Il a été publié dans tout l’univers comme l’événement principal de toute l’histoire évangélique et le fondement même de la foi chrétienne. Act., i, 22 ; ii, 24, 31 ; iii, 15, 26 ; iv, 2, 10, 33 ; v, 30 ; x, 40, 41 ; xiii, 30, 34, 37 ; xvii, 3, 18, 31 ; xxvi, 23. Saint Paul dit même que « si le Christ n’est pas ressuscité d’entre les morts, notre foi est vaine ». I Cor., xv, 14, 17. — La résurrection, historiquement indéniable, met donc le sceau à la démonstration de la divinité du Sauveur. Il avait prédit qu’il ressusciterait ; il est ressuscité ; il a ainsi confirmé la vérité de toutes ses paroles : donc il est vraiment le Fils de Dieu. Cf. Hooke, De vera religione, dans le Cursus theol. de Migne, 1853, t. iii, col. 44-64 ; Sherlock, Les témoins de la résurrection de J.-C, dans les Démonst. évang.

de Migne, 1843, t. vii, col. 527-594 ; West, Observations sur l’histoire de la résurrection de J.-C., ibid., t. x, col. 1023-1172 ; Freppel, Confér. sur la divinité de Jésus-Christ, Paris, 1873, p. 211-232 ; Lescœur, La science et les faits surnaturels contemporains, Paris, 1897, p. 10-23, 94-102.

V. LE CARACTÈRE DE JÉSUS-CHRIST.

Si Jésus-Christ est vraiment le Fils de Dieu, on doit trouver dans sa vie des vertus morales et un héroïsme du bien qui répondent à l’idée qu’on peut se faire d’un Dieu incarné, vivant à la manière des hommes. C’est précisément ce que l’Évangile permet de constater, au delà même de ce qu’on pouvait attendre.

Sa sainteté.

En lui, d’abord, est la sainteté parfaite,

a) Il peut, sans que personne ne relève le défi, dire dans le Temple : « Qui de vous me convaincra de péché ? » Joa., viii, 46. Les démons eux-mêmes sont forcés de reconnaître en lui le « Saint de Dieu ». Marc, i, 24 ; Luc, iv, 34. Sans doute, ses ennemis l’accusent d’être un « samaritain », d’être possédé du démon, Joa., viii, 48, d’être un « pécheur », Joa., ix, 24, un blasphémateur, Matth., xxvi, 65 ; Marc, xiv, 64, un violateur du sabbat, Joa., IX, 16, un « malfaiteur », Joa., XVIII, 30, un perturbateur, Luc, xxill, 5, un « séducteur ». Matlh., xxvii, 63. On sent bien que ce sont là des calomnies dictées par la haine. Quand Pilate le condamne, c’est en disant : « Je suis innocent du sang de ce juste, » Matth., xxvii, 24, et quand les membres du sanhédrin réclament sa mort, c’est en répétant la sentence qu’ils ont déjà proférée à leur tribunal : « Nous avons une loi, et d’après cette loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu. » Joa., xix, 7. Le seul reproche que ses ennemis les plus acharnés ont pu lui adresser a donc été de s’être attribué ce qui lui appartenait, la divinité. — b) La sainteté du Sauveur n’est pas seulement négative. Elle se manifeste en lui par les plus sublime vertus. C’est d’abord une attention de tous les instants pour honorer son Père et procurer sa gloire. Il s’y applique dès son enfance. Luc, ii, 49. Il lui rend vraiment le culte « en esprit et en vérité », Joa., iv, 23, que ce Père réclame. Il se tient vis-à-vis de lui dans une dépendance absolue. Joa., v, 20, 30 ; vii, 16, 17 ; xii, 49, 50 ; xiv, 10. Il fait en tout sa volonté, Joa., v, 30, viii, 29 ; c’est là sa nourriture, Joa., lv, 34, même quand cette volonté lui impose les plus durs sacrifices. Matth., xxvi, 42 ; Joa., xviii, 11. Il honore son Père, Joa., viii, 49 ; il fait respecter sa maison, Joa., ii, 16 ; il peut lui dire en toute assurance à la fin de sa vie : « Je vous ai glorifié sur la terre, » Joa., xvii, 4, car c’est à lui qu’il a rapporté fidèlement toute sa prédication et tous ses miracles. Il ne cesse de le prier, Marc, i, 35 ; vi, 46 ; Luc, iii, 21 ; v, 16 ; vi, 12 ; ix, 18, 28 ; xi, 1 ; xxii, 32, 41 ; Matth., xxvi, 36, 39, 42, 44, et apprend aux hommes à le prier sous le nom de « Père ». Matth., VI, 9. Il lui rend grâces de tontes ses bontés. Matth., xi, 25 ; xiv, 19 ; xv, 36 ; Marc, viii, 6 ; xiv, 23 ; Luc, xxii, 17 ; Joa., vi, 11 ; xi, 41, 42, etc. En un mot, il l’aime, comme un tel fils peut aimer un tel père. Joa., xiv, 31. Sa grande douleur est de se sentir abandonné de lui pendant sa passion, Matth., xxvii, 46 ; Marc, xv, 34 ; sa grande joie est de pouvoir remettre son âme entre ses mains. Luc, xxiii, 46.

Amour de Jésus pour les hommes.

Il dépasse

tout ce qui s’est jamais vu sur la terre, puisque c’est cet amour qui a poussé le Fils de Dieu à se faire homme, avec le plein agrément du Père. Joa., iii, 16. Pendant trente ans, le Sauveur manifeste cet amour en prenant pour lui la pauvreté, le travail et les obligations communes aux plus humbles des hommes. Puis, quand l’heure est venue pour lui de se manifester au monde, il se dépense pour l’instruction et le salut de tous, et en toute vérité « passe en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient sous l’empire du démon ». Act., x,

38. Il a une compassion sans bornes pour toutes les misères corporelles ; il use de son pouvoir miraculeux pour guérir tous les malades, délivrer tous les possédés et ressusciter les morts. Les misères morales émeuvent son cœur bien davantage encore. Les pauvres pécheurs sont l’objet de toutes ses prévenances, tels la Samaritaine, Joa., iv, 7-27, le publicain Matthieu, Matth., ix, 9-13, Marie-Madeleine, Luc, vii, 37-47 ; Zachée, Luc, XIX, 1-10 ; il a pour eux tous les pardons. Luc, v, 20 ; Joa., viii, 2-11, etc. Sa tendre compassion à leur égard a son émouvante expression dans la parabole de l’enfant prodigue. Luc, xv, 11-32. Les enfants attirent son cœur par leur simplicité et leur innocence. Matth., xviii, 1-5 ; xix, 13-15 ; Marc, x, 13-16 ; Luc, xviii, 15. Aux pauvres Galiléens, aussi bien qu’aux docteurs de Jérusalem, il prodigue ses enseignements. Matth., xi, 5 ; Luc, vii, 22. Ses pires ennemis ne sont pas exclus de son amour, Matth., xxiii, 37 ; Luc, xxil, 51, et même pendant qu’ils le crucifient, il implore leur pardon. Luc, xxiii, 34. S’il se montre parfois sévère à l’égard des scribes et des pharisiens, on s’aperçoit que c’est surtout à cause des préjugés qu’ils sèment dans le peuple pour l’empêcher d’arriver à la vérité et au salut. Matth., xxiii, 4, 13, 15. « Venez à moi, vous tous qui peinez et qui êtes surchargés, et je vous referai ! » Matth., xi, 28. Tel est le sentiment d’amour et de compassion qui pénètre toutes les pages de l’Évangile. Le Sauveur ne s’en tient pas là. Après avoir dit que « la perfection de l’amour, c’est de donner sa vie pour ceux qu’on aime », Joa., xv, 13, il réalise de son plein gré le vœu de Caiphe : « Il est utile qu’un.homme meure pour le peuple, plutôt que le peuple ne périsse. » Joa., xi, 50. Il va au-devant des supplices qu’il lui eût été si facile d’éviter, Matth., xxvi, 53, il affronte en silence tous les outrages, il se laisse déshonorer devant tout un peuple, condamner comme un malfaiteur ; il répand son sang et donne sa vie pour les hommes. Matth., xxvi, 28 ; Marc, xiv, 24 ; Luc, xxii, 20. Cf. Dupanloup, Histoire de N.-S. J.-C., Paris, 1870, p. xi-lix. Ce principe d’amour pour les hommes s’étendait, dans l’intention - de Notre-Seigneur, non seulement aux choses qui concernent le salut des âmes, mais encore à tout ce qui intéresse le bonheur de la vie présente, pour les sociétés comme pour les individus. Matth., vi, 33 ; Luc, xii, 31. 3° Jésus modèle de toutes les vertus.

Enfin, considéré

en lui-même, le divin Maître nous apparaît comme le type surhumain de toutes les vertus. Rien de heurté, de violent, d’irritant dans sa conduite ; tout, au contraire, est mesuré, harmonieux et d’une parfaite dignité. Sa jeunesse se passe dans l’obéissance, Luc, ii, 51, et le travail. Matth., xiii, 55. Dans sa vie publique, une large part est faite à la pénitence, Matth., IV, 2, à la pauvreté, Matth., viii, 20 ; Luc, viii, 3 ; ix, 58, à l’humilité, Matth., xii, 16 ; Marc, i, 25, 43, iii, 12 ; Luc, xviii, 19 ; Joa., vm, 50 ; xiii, 4, 5, sans cependant que les habitudes de cette vie tranchent trop violemment dans le milieu où il se trouve. Mr.tth., xi, 18 ; Luc, vii, 34. Son autorité personnelle est irrésistible. Matth., iv, 19 ; ix, 9. Elle se manifeste par une fermeté sereine et inébranlable en face des contradicteurs et des ennemis, Matth., xxvi, 55 ; Marc, v, 40 ; Luc, iv, 30 ; xiii, 32 ; Joa., h. 19 ; vu, 33 ; viii, 48, 49 ; x, 32, et par une intrépidité aussi calme qu’énergique en face du danger. Matth., xxvi, 46 ; Marc, xiv, 42 ; Joa., xi, 8. Sa patience au milieu des indélicatesses de son entourage, des froissements, des affronts, des souffrances, est vraiment surhumaine. Matth., xxvi, 33-35 ; Luc, xxii, 68 ; xxiii, 9 ; Joa., xviii, 23. Pendant les longues heures de sa passion, il porte aux dernières limites la possession de.soi-même, le C-dme et la présence d’esprit au milieu de la conspiration la plus odieuse qui fût jamais, la résignation dans l’humiliation la plus profonde et les tortures les plus imméritées, la sérénité d’âme même entre les bras

de la croix. Toutes les actions de sa vie ont été réglées avec une admirable prudence. Matth., xvii, 9 ; cf. Luc., xiii, 27-29 ; xxi, 8. La douceur de ses procédés est merveilleuse, Matth., xii, 19-20 ; Luc, ix, 54-56, et il apporte dans ses rapports avec les autres une gracieuseté incomparable. Matth, , xx, 22 ; Marc, v, 32-34 ; xii, 43 ; Luc, x, 41-42 ; xix, 9 ; Joa., i, 47 ; iv, 7 ; v, 6 ; ix, 35-36, etc. Rien de plus délicat que sa manière d’adresser des reproches, Luc, xxii, 61 ; Joa., viii, 8, et quand il apparaît quelque dureté dans ses paroles, c’est toujours l’indice d’une précieuse compensation qui se prépare. Matth., xv, 24-28 ; xvi, 23 ; Marc, ix, 18 ; Joa., iv, 48. Cette égalité de caractère, cette possession de soi sont d’autant plus remarquables que, dès le début de son ministère public, le Sauveur se voit en butte à une hostilité sauvage qu’exaltent, an lieu de la désarmer, les miracles de bonté qu’il ne cesse d’opérer. On sait comment les gens de Nazareth procédèrent à son égard quand il reparut au milieu d’eux. Luc, iv, 29. À la seconde Pàque, les Juifs commencent à le traiter en ennemi, à cause du miracle de la piscine Probatique. Joa., v, 16. Au retour, quand il a guéri dans une synagogue l’homme à la main desséchée, les pharisiens complotent déjà sa mort de concert avec les hérodiens. Matth., xii, 14 ; Marc, iii, 6 ; Luc, vi, 11. Dès lors, des scribes sont envoyés de Jérusalem pour le traquer partout où il va et s’efforcer d’inspirer aux Galiléens la haine irraisonnée qui anime les Juifs contre lui. Marc, m, 22. De la sorte le divin Maître vit, parle et agit dans une atmosphère de suspicion et d’hostilité sourde qui eût suffi à aigrir ou du moins à décourager l’âme la mieux trempée. Et pourtant rien ne lui fait perdre son calme, rien ne lasse sa patience, et si son cœur est blessé par tant d’ingratitude, sa compatissante générosité ne laisse échapper aucune occasion de s’exercer. Tout se résume par le don qu’il fait de lui-même aux hommes en instituant son Eucharistie la veille même de sa mort, au moment où il sait que les complots ourdis contre lui vont aboutir à une exécution violente. Il voyait au fond même des cœurs toutes les haines accumulées contre sa personne et contre son œuvre. Il n’en tient compte que pour se dévouer avec plus de magnanimité. Tel était le Sauveur, vivant à la manière des hommes sans doute, puisqu’il s’était fait homme, mais pratiquant les plus merveilleuses vertus, de manière à charmer tous ceux qui vivaient près de lui, montrant aux plus parfaits un idéal qu’ils ne peuvent atteindre, et aux plus simples un modèle qu’il ne leur est pas permis de trouver hors de leur portée. Cette vie est digne d’un Dieu lait homme ; loin de constituer une objection à l’affirmation de celui qui s’est dit Fils de Dieu, elle en corrobore la vérité ; et si, du temps du Sauveur, « le peuple entier se réjouissait de tout ce qu’il faisait avec tant de gloire, » Luc, xiii, 17, l’humanité, qui ne retrouve que son portrait dans l’Évangile, a pour lui la même admiration joyeuse que les Galiléens. Cf. Bougaud, Le christianisme et les temps présents, Paris, 1877, t. ii, p. 610619 ; Lescœur, Jésus-Christ, p. 239-267 ; de Place, Jésus-Christ, sa divinité, son caractère, son œuvre et son cœur, Paris, 1875 ; de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, p. 334-340 ; d’Hulst, Caième de Notre-Dame, 1895, Retraite.

IX. Jésus-Christ d’après l’enseignement des Apôtres.

— Après la Pentecôte, les Apôtres ont prêché Jésus-Christ à travers le monde. Leur pensée sur le diin Maître nous est parvenue, consignée dans les Actes des Apôtres, les Épîtres et l’Apocalypse. De ces écrits, nous pouvons donc tirer la confirmation, l’interprétation et les conclusions des récits évangéliques.

l. la vie du sauveur. — 1° Jésus-Christ est préparé par Dieu dés l’origine du monde, Rom., i, 4 ; I Pet., i, 20 ; Apoc, xiii, 8 ; c’est lui qu’attendent les patriarches et qu’annoncent Moise et les prophètes. Act., iii, 21-25 ;

xxvi, 22-23 ; xxviii, 23 ; Gal., iii, 14 ; I Pet., i, 10, 11. Les anciennes institutions le figurent, Rom., xv, 8 ;

I Cor., x, 4 ; en un mot, il est « la fin de la Loi », Rom., x, 4, elle n’a pas d’autre raison d’être que lui. — 2° Au temps marqué, Je Fils de Dieu prend une nature humaine qui fait de lui notre frère, Heb., Il, 16-17 ; il naît de la race d’Abraham, Gal., iii, 16, de Juda, Heb., vu, 14, et de David, Rom., i, 3 ; ix, 5 ; Apoc, xxii, 16, et il a une mère comme les autres hommes. Gal., iv, 4.

— 3° La prédication du Sauveur est précédée par celle de Jean-Baptiste, Àct., xiii, 23, 24 ; lui-même paraît ensuite, annonce l’Évangile et opère une foule de merveilles bienfaisantes. Act., x, 36, 38 ; ii, 22 ; cf. iv, 10 ; xx, 35. Il se transfigure sur la montagne sainte. II Pet., i, 16-18. Il institue la sainte Eucharistie. I Cor., xi, 23-29 ; X, 16 ; cf. I Pet., ii, 3. Puis il se livre volontairement à la mort. Il Cor., xiii, 3, 4 ; Phil., ii, 7-11 ; Heb., xii, 2. Il est trahi par Judas, Act., i, 16, condamné par Pilate, Act., iv, 27, 28 ; I Tim., .vi, 13 ; mais ce sont les Juifs qui réclament sa mort et qui en sont responsables. Act., h, 23 ; iii, 12-20 ; v, 30 ; x, 39 ; xiii, 27-29 ; I Thés., ii, 15.

II meurt sur la croix. Act., x, 39 ; Heb., v, 7 ; xiii, 12.

— 4° Après sa mort, Jésus-Christ descend aux enfers, pour annoncer la rédemption aux âmes des justes, Eph., iv, 9, 10 ; I Pet., iii, 19. — 5° Jésus-Christ ressuscite le troisième jour. Act., i, 13 ; ii, 24-32 ; iii, 26 ; x, 40, 41 ; xiii, 30-37 ; I Cor., xv, 3-8, 20 ; Gal., i, 1 ; II Tim., il, 8 ; Heb., xiii, 20. C’est surtout cette résurrection que les Apôtres prêchent au monde, comme l’événement capital de la vie du Sauveur. Act., i, 21, 22 ; iv, 2, 33 ; xvii, 18 ; Rom., iv, 24. — 6° Jésus ressuscité ne peut plus mourir. Rom., vi, 9. Il est monté au ciel et siège à la droite de Dieu. Act., i, 4-11 ; ii, 33-36 ; Heb., iv, 14 ; x, 12, 13. — 7° Pendant sa vie mortelle, le Sauveur a donné l’exemple des vertus, de la charité, Eph., iii, 18-19 ;

I Joa., iii, 16, de la douceur et de l’humilité, II Cor., x, l, de l’obéissance, Heb., v, 8, de la pauvreté volontaire, II Cor., vin, 9, du renoncement. Rom., x, 3 ; Heb., xii, 2 ; I Pet., n, 23.

n. sa divinité. — 1° Jésus-Christ a Dieu pour Père. Rom., xv, 6 ; I Cor., i, 3 ; xi, 3 ; xv, 28 ; II Cor., i, 3 ; xi, 31 ; Eph., i, 3, 17 ; Col., i, 13 ; I Pet., i, 3 ; 1 Joa., v, 9, 10. — 2° Il est le Fils de Dieu. Act., viii, 37 ; IX, 20 ;

II Cor., i, 19 ; Heb., i, 5-13 ; I Joa., iv, 15 ; v, 5 ; II Joa., i, 3. — 3° Il s’est incarné pour venir en ce monde. I Tim., m, 16 ; Tit., ii, 11, 12 ; Heb., ii, 11-13 ; x, 5-9 ; I Joa., i, 1-3 ; iv, 2, 3 ; v, 20 ; II Joa., 7. Il y est venu envoyé par son Père, Rom., viii, 3 ; Gal., iv, 4 ; Heb., 1, 1, 2 ; I Joa., iv, 9, 14, pour ruiner les œuvres du démon, I Joa., iii, 8, et pour racheter les péchés de l’homme. I Joa., iii, 5.

— 4° Jl a en sa personne tous les attributs de la divinité. Il est l’image du Dieu invisible, II Cor., iv, 4 ; Col., i, 15 ; voir Image, col. 843 ; il est la vérité absolue, Eph., iv, 21 ; I Joa., v, 6, et il possède toute science. Col., ii, 3. Par son incarnation, il devient le chef de toute la création, mais toujours supérieur à toutes les créatures, même aux anges. 1 Cor., xv, 47 ; Col., i, 15-17 ; ii, 10 ; Heb., i, 4 ; iii, 3 ; Judae. 4. Il est l’égal de Dieu, Phil., ii, 6, et la plénitude de la divinité réside en lui. Col., i, 19 ; il, 9 ; cf. I Joa., ii, 23 ; v, 1. Aussi ne peut-on proférer dignement son nom qu’avec la grâce du Saint-Esprit. I Cor., xii, 3.

m. le rédempteur. — 1° Pour racheter les hommes par sa mort, Jésus-Christ a fait œuvre de puissance et a remporté la victoire contre les démons. I Cor., i, 18, 23-24 ; xv, 57 ; Col., ii, 14-15 ; Heb., ii, 14-15. 2° C’est le Père qui a voulu que son Fils souffrit pour le rachat des hommes. Rom., iii, 24, 25 ; viii, 32 ; Heb., ii, 10 ; I Joa., iv, 10. — 3° Jésus-Christ est donc mort pour nous. Act., xvii, 3 ; Rom., v, 9 ; xiv, 15 ; I Cor., i, 30 ; v, 7 ; viii, 11 ; Gal., ii, 20 ; Eph., v, 2 ; I Pet., i, 18-19 ; H, 21. — 4° Il est mort pour tous les hommes. Rom., v, 6 ; II Cor., v, 14-15 ; I Tim., ii, 6 ; iv, 10 ; I Joa., ii, 2 ;

Apoc., v, 9. — 5° Il s’est fait ainsi notre Sauveur. Rom., v, 21 ; Tit., i, 4 ; II Pet., i, 1, 11 ; ii, 20 ; iii, 2. - 6° Il a racheté l’homme du péché, Rom., iv, 25 ; Gal., i, 3, 4 ; Eph., i, 7 ; I Tim., i, 15 ; Tit., ii, 14 ; Heb., IX, 1315, 28 ; I Pet., ii, 24 ; iii, 18 ; I Joa., i 7 ; iii, 5 ; Apoc., i, 5, et de la servitude de l’ancienne loi. Rom., vii, 4 ; viii, 2 ; xiv, 14 ; Gal., ii, 4, 21 ; iii, 13 ; iv, 31. — 7° Il nous a ainsi réconciliés avec Dieu. Rom., v, 10, 11 ; I Cor., xv, 22, 45 ; II Cor., v, 16-19 ; Col., i, 20, 22 ; Eph., ii, 13-16 ; iv, 32 ; Heb., v, 9 ; x, 10, 14 ; I Pet., iii, 22 ; II Pet., ii, l.

— 8° Enlin, il nous fait participer à sa propre résurrection, en nous méritant la grâce d’une vie nouvelle, Rom., vi, 4 ; Col., iii, 1, 12 ; I Pet., i, 3, 4 ; iii, 21, et en nous préparant pour l’avenir une résurrection effective. Rom., viii, 11 ; xiv, 9 ; I Cor., vi, 14 ; xv, 12 ; II Cor. iv, 14.

IV. le médiateur.

Le Sauveur avait dit : « Personne ne vient au Père que par moi. » Joa., xiv, 6. C’est la conséquence nécessaire de l’incarnation et de la rédemption. La médiation du Sauveur est une doctrine sur laquelle les Apôtres insistent fortement. — 1° Jésus-Christ est le médiateur entre Dieu et les hommes, c’est par lui que nous avons accès auprès du Père, et c’est lui qui intercède sans cesse pour nous. Rom., viii, 34 ; ICor., iii, 22, 23 ; viii, 6 ; II Cor., iii, 4 ; Eph., ii, 17, 18 ; I Thés., i, 3 ; I Tim., i, 1 ; II, 5 ; Heb., IV, 15, 16 ; vil, 22, 25 ; ix, 24 ; xii, 24. — 2° En conséquence, il est le pontife choisi par Dieu même pour remplacer tous les prêtres de l’ancienne loi, et offrir le seul sacrifice agréable au Seigneur et salutaire aux hommes. Heb., iii, 1-2 ; v, 5-6, 10-11 ; vi, 20 ; vii, 20-26 ; viii, 1, 2, 6 ; ix, 11, 12, 25, 26. — 3° Par lui, nous sommes appelés à la foi et au service de Dieu. Eph., i, 11-16 ; Phil., iii, 14 ; I Tim., i. 9, 10 ; I Pet., v, 10 ; Judæ 1. — 4° En son nom nous est donné le baptême. Act., ii, 38 ; viii, 12 ; x, 48 ; Rom., vi, 3. — 5° Par lui nous obtenons la rémission des péchés, après le baptême, comme en le recevant. Act., ii, 38 ; v, 31, 32 ; x, 43 ; xiii, 38-39 ; Rom., v, 21 ; vi, 11 ; vil, 24-25 ; I Cor., vi, 11 ; II Cor., v, 20, 21 ; Heb.. ii, 17, 18 ;

I Joa., ii, 1. 12. — 6° C’est encore en son nom que s’opèrent les miracles qui accréditent la prédication apostolique. Act., iii, 6 ; iv, 29, 30 ; ix, 34 ; xvi, 18. — 7° Par la grâce du médiateur nous triomphons des ennemis spirituels. II Cor., i, 8 ; ii, 14 ; Apoc, xii, 11.

— 8° Tous les biens de l’ordre surnaturel nous arrivent par Jésus-Christ, la grâce, Rom., v, 15 ; I Cor., i, 4-5 ; Eph., i, 6 ; ii, 5-7 ; Phil., i, 11 ; la foi, II Cor., iv, 6 l’espérance, Col., i, 27 ; II Thés., ii, 15, 16 ; II Tim., i, 1 ; Tit., iii, 4-7 ; la justification, Rom., iii, 24 ; v, 1, 9 ; vm, 30 ; I Cor., vi, 11 ; Gal., ii, 16 ; Tit., m. 7 ; la paix,

II Cor., i, 2 ; Eph., yi, 23 ; I Tim., i, 2 ; II Tim., i, 2 ; Heb., xiii, 20 ; la filiation divine avec ses glorieux avantages. Rom., viii, 17 ; I Cor., i, 9 ; Gal., iv, 4, 5 ; Eph., i, 4, 5 ; II Thés., ii, 12, 13 ; Heb., iii, 14 ; II Pet., i, 4. 9° C’est enfin le médiateur qui assure notre salut. Act., rv, 10-12 ; xv, 11 ; Rom., v, 17 ; vi, 23 ; viii, 1 ; I Thés., v, 9 ; II Tim., ii, 10 ; Judæ 21 ; Apoc, xxi, 27 ; xxil, 14. Saint Paul résume en un mot tous ces dons de la munificence divine : « Dieu qui n’a point épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous aurait-il pas donné toutes choses avec lui ? » Rom., viii, 32.

y. le christ et l’église. — Le « royaume des cieux », que Jésus-Christ est venu fonder, devient. pour les Apôtres 1’« Église », par laquelle toutes choses seront renouvelées dans le Christ. Eph., i, 10. — 1° Jésus-Christ est la pierre fondamentale de l’Église. Eph., Il, 20-22 ; I Pet., ii, 4, 5. Il est le roi de ce nouveau royaume, Act., xvii, 7 ; Col., i, 18 ; Apoc, v, 10 ; le pasteur de ce troupeau, I Pet., ii, 25 ; v, 4 ; la tête de ce corps dont les fidèles sont les membres, I Cor., xv, 23 ; Eph., i, 22, 23 ; iv, 15, 16 ; v, 23, 24 ; Col., i, 24 ; le fils de famille dans cette maison. Heb., iii, 6. — 2° Jésus

Christ aime et traite l’Église comme son épouse. Eph., v, 25-30 ; Apoc, xxi, 9-11. — 3° C’est lui qui choisit des pasteurs pour son Église. Rom., i, 5, 6 ; Gal., i, 1 ; Phil., iii, 12 ; Eph., iv, 11-14 ; II Cor., viii, 23 ; I Tim., I, 12. — 4° Ces pasteurs ont à prêcher Jésus-Christ. Act., iv, 18 ; v, 42 ; viii, 35 ; ix, 27 ; xviii, 4 ; xxviii, 31 ; II Cor., iv, 5 ; Gal., iii, 1 ; Phil., i, 18 ; Eph., iii, 10, 11 ; II Thés., i, 12 ; Col., ii, 2.-5° Ils commandent au nom de Jésus-Christ. I Cor., v, 3-5 ; II Cor., x, 5.

VI. LE CHRIST ET LE CHRÉTIEN.

1° Il faut tout

d’abord avoir la foi en Jésus-Christ, et appuyer cette foi, non par les œuvres de l’ancienne loi, mais par « les bonnes œuvres que Dieu a préparées pour que nous les accomplissions ». Eph., ii, 8-10 ; Act., xvi, 31 ; xx, 21 ; Rom., iii, 22, 26 ; v, 1-2 ; x, 9 ; Gal., ii, 16-17 ; iii, 22, 26 ; Eph., iii, 11, 12 ; I Pet., i, 8 ; I Joa., iii, 23 ; v, 11-13. — 2° Il faut ensuite imiter les exemples de Jésus-Christ, pour arriver à lui ressembler. Rom., vi, 6-8 ; vm, 29 ; xiii, 14 ; I Cor., iv, 16 ; xi, 1 ; Gal., iii, 27 ; Col., il, 6-7 ; Phil., ii, 5 ; Heb., xii, 3-4 ; I Pet., iv, 1 ; I Joa., H, 6. — 3° Il faut l’aimer. I Cor., xvi, 22 ; I Tim., i, 14 ; II Tim., i, 13 ; I Joa., iv, 19. — 4° Il faut travailler et souffrir pour Jésus-Christ. Act., v, 4041 ; xv, 25-26 ; xxi, 13 ; II Cor., xii, 9-10 ; Gal., i, 10 ; ii, 19 ; vi, 14 ; Col., i, 24 ; Phil., iii, 7-10 ; Heb., xiii, 12-13 ; II Tim., il, 3 ; iii, 12 ; I Pet., iv, 13-14. — 5° À ces conditions Jésus-Christ habite dans le chrétien. Rom., viii, 9, 10 ; II Cor., xiii, 5 ; Col., iii, 16 ; Eph., iii, 17 ; I Thés., v, 10 ; I Joa., ii, 24 ; Apoc, iii, 20. — 6° Il y vit. I Cor., ii, 15-46 ; iv, 10-11 ; Gal., ii, 19-20 ; Col., iii, 2-4 ; Phil., I, 21-23. — 7° Il y grandit. I Cor., iii, 9-10 ; Gal., IV, 19 ; Il Pet., iii, 18. C’est ainsi que l’œuvre sanctificatrice du Sauveur, propagée et appliquée par l’Église dans laquelle il réside, vit et agit, arrive jusqu’à chaque âme en particulier pour l’élever à une vie supérieure et la conduire à la vie éternelle.

VII. LE REGNE DE JÉSUS-CHRIST.

1° Après tout Ce

qu’il a fait sur la terre pour la gloire de son Père et pour le salut des hommes, le Sauveur mérite tout honneur et toute gloire. Rom., ix, 5 ; Heb., Il, 9 ; I Pet., iv, 11 ; II Pet., iii, 18 ; Apoc, i, 5-6 ; vii, 10. — 2° II est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs. Apoc, xvii, 14. Son empire s’étend sur le ciel, sur la terre et sur les enfers. Phil., ii, 10 ; Apoc., v, 12, 13. Il est « le premier et le dernier », le principe et la fin de toutes les créatures, Apoc, l, 17 ; ii, 8 ; iii, 14 ; le maître de tout, même de la mort et de l’enfer, Apoc, i, 18 ; iii, 7 ; le Saint, le Vrai, le Fidèle, Apoc, iii, 7 ; xix, 11 ; le puissant vainqueur de tous les ennemis de son régne, Apoc, xix, 14-16 ; la lumière et la joie des habitants du ciel. Apoc, vii, 15-17 ; xxi, 23. — 3° Il aura un second avènement pour juger tous les hommes. Alors les éléments du monde seront bouleversés, II Pet., iii, 12 ; les morts ressusciteront, ! Thés., iv, 15 ; Eph., v, 14 ; Phil., iii, 20, 21 ; le Christ apparaîtra sur son tribunal, devant lequel seront cités tous les hommes, I Thés., i, 10 ; Heb., ix, 28 ; II Cor., v, 10 ; I Tim., vi, 14-15 ; Apoc, i, 7 ; Rom., xiv, 10 ; Tit., ii, 13 ; il jugera les vivants et les morts. Act., x, 42 ; xvii, 31 ; Rom., ii, 16 ; II Tim., iv, 1, prononcera la sentence de malédiction éternelle contre les méchants, II Thés., i, 7-9 ; ii, 8 ; Jud., 6, et la sentence de bénédiction en faveur de ceux qui l’auront connu et servi sur la terre. I Cor., i, 7, 8 ; II Cor., i, 14 ; Phil., i, 6, 10 ; Col., iii, 24 ; I Thés., ii, 19 ; iii, 13 ; iv, 16 ; v, 23 ; II Thés., i, 10 ; ii, 1 ; I Pet., i, 7, 13 ; iii, 22 ; I Joa., il, 28 ; Jud., 24, 25. — 4° Dès lors ce sera le règne éternel de JésusChrist, roi incontesté de toute la création, I Pet., iii, 22 ; Apoc, xi, 15 ; Eph., i, 19-21, associant à son bonheur et à sa gloire ceux qui lui auront été fidèles. Apoc, xix, 7-9.

C’est ainsi que Jésus-Christ remplit toute l’histoire de son nom, de son action et de sa personne. Annoncé dés la chute d’Adam, il est attendu par le peuple israélite,

il vient sur la terre, vit et meurt au milieu des hommes, leur laisse après lui sa doctrine, ses exemples, sa grâce, son Église, sa présence cachée, et enfin continue au ciel son éternelle vie, à laquelle il associe la nature humaine qu’il a prise dans l’incarnation et qu’il fera partager à ceux qui auront voulu vivre ici-bas de ses enseignements et de sa grâce. Seul un Dieu pouvait ainsi remplir le monde de son action et de sa gloire.

X. Ce que disent de Jésus-Christ les anciens historiens PROFANES. — Quatre écrivains profanes font une très courte mention de Jésus-Christ. — 1° Josèphe, qui dit un mot du supplice infligé par Hérode à « Jean surnommé Raptiste », Ant. jud., XVIII, v, 2, et de la condamnation portée par le grand-prêtre Ananus contre « Jacques, frère de ce Jésus qui était appeléChrist ». Ant. jud., XX, ix, 2, ne pouvait guère passer complètement sous silence le Sauveur lui-même. Il lui a en effet consacré un court paragraphe ainsi conçu : « En ce temps fut Jésus, homme sage, s’il faut toutefois l appeler un homme. Car il opéra des œuvres étonnantes, et fut le maître des hommes qui reçoivent avec plaisir la vérité. Il entraîna à lui beaucoup de Juifs et beaucoup de Grecs. C’était le Christ. Rien que Pilate, sur la dénonciation des premiers d’entre nous, l’eût condamné à la croix, ceux qui l’avaient d’abord aimé ne s’en désistèrent pas. Il leur apparut en effet le troisième jour vivant de nouveau, comme les divins prophètes l’avaient annoncé à son sujet, ainsi que mille autres merveilles. Jusqu’à ce jour subsiste la tribu des chrétiens, qui tire son nom de lui. » Ant. jud., XVIII, iii, 3. Ce passage a été l’objet de nombreuses et vives controverses. Il est difficile de croire que Josèphe n’ait rien dit de Jésus dans son histoire, mais on peut admettre que ce texte a été interpolé par une main chrétienne. Les mots en italiques représentent ceux qui paraissent avoir été ajoutés dans le texte grec. Il a été cité pour la première fois parEusèbe, H. E., i, U, t.xx, col.ll7 ; Ztem. ev., iii, 5, t.xxii, col. 221, et ensuite par saint Jérôme. De viris illuslr., xiii, t. xxiii, col. 631. Voir Daubuz, Pro testimonio FI. Josephi de Jesu Christo, Londres, 1706. Parmi les auteurs qui se sont occupés du texte de Josèphe, les uns soutiennent son authenticité : Bohmert, Veber des FI. Josephus Zeugniss von Christo, Leipzig, 1823 ; Langen, Judenthum in Palastina, Fribourg-en-Brisgau, 1866, p. 440 ; Studien und Kritiken, 1856, p. 840 ; Kneller, FI. Josephus ûber Jésus Christus, dans les Slimmen aus Maria-Laach, 1897, p. 1-19, 161-174, etc. ; d’autres le jugent interpolé : G. A. Muller, Christus bei Josephus FI., Inspruck, 1895 ; Th. Reinach, Josèphe sur Jésus, dans la Revue des Études juives, 1897, p. 1-18 ; Revue biblique, 1898, p. 150-152, etc. ; enfin, quelques auteurs croient à son inauthenticité totale : Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, Leipzig, t. i, 1901, p. 544-549, adopte ce dernier sentiment en remarquant que Josèphe, qui tenait à ne point froisser les Romains, a dû passer sous silence tout ce qui rappelait les espérances messianiques et conséquemment ne rien dire de Jésus dont il ne pouvait parler comme d’un simple moraliste.

2° Tacite, Ann., xv, 44, parlant des supplices infligés aux chrétiens sous Néron, s’exprime ainsi : « L’auteur de ce nom, le Christ, avait souffert le supplice, sous’le règne de Tibère, par ordre du procurateur Ponce-Pilate. Momentanément réprimée, la funeste superstition se déchaînait à nouveau, non seulement à travers la Judée, le berceau du mal, mais dans la Ville même. » Il est possible que l’historien se soit inspiré du texte primitif dç Josèphe. Mais comme il se montre beaucoup plus hostile que l’écrivain juif, il est plus probable qu’il a puisé ses renseignements dans les documents officiels, auxquels il ajoute les appréciations courantes du monde païen. Sur le texte de Tacite, cf. Douais, dans la Revue des questions historiques, iS85, p. 336-397 ; Boissier, Comptes rendus de l’Académie des inscriptions, 26 mars 1886.

3° Suétone, Claud., [25, est beaucoup moins renseigné. U dit seulement que l’empereur Claude « chassa de Rome les Juifs qui se livraient à des désordres continuels à l’instigation de Chrestus ». Les Juifs sont ici des chrétiens poursuivis par des Juifs, ou des Juifs poursuivant des chrétiens à raison de leur foi. On croit communément que Suétone a écrit Chrestus pour Christus. Voir Aquila, t. 1, col. 809 ; Claude, t. ii, col. 798 ; Allard, Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, Paris, 1892, p. 20.

4° À la mention de ces historiens peut encore s’ajouter le simple mot de Pline le Jeune, Ep., x, 97, écrivant à Trajan que les chrétiens prétendent se réunir certains jours pour « chanter ensemble un hymne au Christ comme à un dieu ».

XI. Bibliographie. — Il y a d’abord à consulter sur Jésus-Christ les commentateurs des quatre Évangiles, signalésàla fin des articles Jean(Saint), col.1190, Luc(Saint1, Marc (Saint), Matthieu (Saint) ; puis les traités théologiques De incarnatione, spécialement S. Thomas, Sum. theol., iii, q. i-lix, et Petau, De incarnatione Verbi, 1. ii-xiii. Principaux auteurs qui ont écrit spécialement sur la vie du Sauveur : 1° Catholiques : Ludolphe le Chartreux, Vita Christi, Strasbourg, 1474, souvent rééditée ; de Ligny, Histoire de la vie de J.-C, Paris, 1830 ; Sepp, Dos Leben Christi, Ratisbonne, 1843, traduite en français par C. de Sainte-Foi, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1861 ; Foisset, Histoire de J.-C, Paris, 1863 ; Lecanu, Histoire de N.-S. J.-C, Paris, 1863 ; L. Veuillot, Vie de N.-S. J.-C, Paris, 1864 ; Wallon, Vie de N.-S. J.-C, Paris, 1865 ; Pauvert, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1867 ; H. Coleridge, The Life of our Life, Londres, 1869, traduit en français par Petit et Mazoyer, La vie de notre Vie, Paris, 1888-1895 ; Dupanloup, Jftstoire de N.-S. J.-C, Paris, 1870 ; Schegg, Sechs Bûcher des Lebens Jesu, Fribourg-en-Brisgau, 1874 ; Dehaut, L'Évangile expliqué, défendu, médité, Paris, 1875 ; Grimm, Das Leben Jesu nach den vier Evangelien, Ratisbonne, 1876 ; Bougaud, Jésus-Christ, t. H dans Le christianisme et les temps présents, Paris, 1877 ; Ch.Fouard, Xa vie deN.-S. J.-C., Paris, 1880 ; E.Le Camus, Lavie deN.-S. J.-C, Paris, 1883 ; Bidon, Jésus-Christ, Paris, 1891 ; H. Lesêtre, N.-S. J.-C dans son saint Évangile, Paris, 1892 ; Fretté ; N.-S.JésusChrist, Paris, 1892 ; Pègues, J.-C. dans l'Évangile, Paris, 1898 ; Fomari, Délia vita di Gesù Cristo, Rome, 1901. — 2° Protestants : Hase, Das Leben Jesu, Leipzig, 1835 ; Neander, Das Leben Jesu Christi, Hambourg, 1845 ; Lange, Life of Christ, Edimbourg, 1854 ; de Pressensé, Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, Paris, 1866 ; Keim, Geschichte Jesu von Nazara, Zurich, 1867 ; Plumptre, Christ and Christendoni, Londres, 1867 ; Farrar, Li/e of Christ, Londres, 1864 ; Wittichen, Das Leben Jesu, Iéna, 1876 ; Geikie, The Life and Words of Christ, Londres, 1877 ; Thomson, Word, Work and Will, Londres, 1879 ; B. Weiss, Das Leben Jesu, Berlin, 1882 ; Edersheim, The Life and Times of Jésus the Messiah, Londres, 1883 ; Beyschlag, Leben Jesu, Halle, 1885 ; Schmidt,

Geschichte Jesu, Bâle, 1899.
H. Lesêtre.

JETA (hébreu : mai » et nia », Yûttâh et Yuttah ; Septante : 'Iôâv, Jos., xv, 55 ; T « vû, Jos., xxi, 16 ; Alexandrinus : 'IeTra), ville sacerdotale de la partie montagneuse de la tribu de Juda. Jos., xv, 55 ; xxi, 16. Dans ce dernier passage, elle est énumérée parmi les villes sacerdotales, mais elle est omise dans la liste parallèle de I Par., vi, 57-59. Son nom primitif s’est conservé. Elle s’appelle aujourd’hui Yutta, gros village identifié par Seetzen en 1807. Il est situé à vingt-cinq kilomètres environ de Beit-Djibrin, l’ancienne Éleuthéropolis {dix-huit milles d’après Eusèbe et S. Jérôme, Onomastica særa, Gœtlingue, 1870, p. 133, 266), et dans le voisinage d’Hébron, deKurmul (Carmel de Juda), de Ma’in Maon) et de Tell ez-Zif (Ziph), sur une éminence. Les

maisons sont en pierre ; un certain nombre d’habitants vivent néanmoins sous la tente. Aucune source ; on n’a point d’autre eau que celle des citernes antiques. Les alentours sont extrêmement pierreux. On y remarque de tous côtés d’anciens pressoirs taillés dans le roc et, au sud, des tombeaux également taillés dans le roc vif. Quelques oliviers et des figuiers poussent au midi du village ; à l’ouest il y a un petit bosquet d’oliviers. Malgré l’aridité du sol, les gens de Jeta sont riches en troupeaux : brebis, chèvres, chevaux, bœufs, ânes et chameaux. Survey of western Palestine, Memoirs, t. iii, 1883, p. 310, 380 ; Ed. Robinson, Biblical Researches, 1841, t. ii, p. 195, 628 ; 2e édit., t. i, p. 495 ; t. ii, p. 206.

La Vulgate l’appelle Jeta dans Jos., xxi, 16, et Jota dans Jos., xv, 55. Jeta est simplement mentionnée dans l’Ancien Testament, Jos., xv, 55, comme appartenant au territoire de Juda, et Jos., xxi, 16, comme ville sacerdotale. Mais elle a acquis une certaine notoriété depuis qu’Ad. Reland, Palsestina, 2 in-8°, Utrecht, 1714, t. ii, p. 870, a émis l’hypothèse, acceptée par un certain nombre de savants, que la Yuttâh de Josué est la patrie de saint Jean-Baptiste. « Je soupçonne, dit-il, que cette ville est mentionnée par saint Luc, i, 39, qui l’appelle toSàic 'IoûSoc, le io étant transcrit par un A. C’est la patrie de Jean-Baptiste. Son père étant prêtre, où pourrons-nous chercher plus convenablement sa maison et son habitation que dans une ville sacerdotale, telle qu'était Juta, 'IoijToe ? Jos., xxi, 16. Sa position convient également : èv Jpsivîj, dans la région montagneuse, car, Jos., xv, elle est jointe à Hébron et aux autres villes des montagnes de Juda. Je n’ajouterai rien sur Bethzacharia, qu’une tradition ancienne affirme être la patrie de saint Jean et qui ne paraît pas avoir été placée dans un lieu bien différent de celui qu’Eusèbe indique comme le site de Juta. Je pense que cette conjecture recevra l’approbation de tous ceux qui examineront avec soin les paroles de saint Luc ; ils verront que si nous expliquons 7tôXtv 'Io05a, comme on le fait ordinairement, par ville de Judée, il ne sera pas question d’une ville particulière, ce qu’on a le droit d’attendre, et il n’y aura guère alors rien de plus obscur dans tout l'Évangile de saint Luc, ainsi que l’a reconnu Papebrock, traitant de la patrie de saint Jean dans les Acta sanctorum, junii t. iv, p. 703. » Ces arguments ont été jugés plausibles par un certain nombre d’exégètes. C. Fouard, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 1882, t. i, p. 21-22. Ils sont loin cependant d avoir convaincu tout le monde. Voir Careij, t. ii, col. 260-266 ; Jean-Baptiste, col. 1156 ; E. Le Camus. La Bible et les études topographiques, dans la Bévue biblique, 1892, p. 107-109 ; Germer Durand, ibid., 1894, p. 444 (en faveur de Bethzacharia) ; Séjourné, ibid., 1895, p. 260-261 ; Fillion, évangile selon saint Luc, 1882, p.48 ; V. Guérin, Judée, t. i, p. 83-103, t. iii, p. 205-206 ; Survey of western Palestine, Memoirs, t. iii, 1883, p. 19, 60-61. F. Vigouroux.

    1. JÉTÉBA (hébreu Yotbâh##


JÉTÉBA (hébreu Yotbâh, « bonté, agrément ; » Septante : 'Ietéëa ; Alexandrinus : 'IsxaxâX), patrie de Messalémeth, femme de Manassé et mère d’Amon, rois de Juda. IV Reg., xxi, 19. Sa situation est complètement inconnue. On peut seulement supposer qu’elle était dans le royaume de Juda. Plusieurs l’identifient, mais sans preuves et avec peu de vraisemblance, à Jétébatha.

    1. JÉTÉBATHA##

JÉTÉBATHA (hébreu : Yotbâtàh ; Septante : 'E T egaŒx ; Alexandrinus : 'IersSaSav, 'IereBiOa), campement des Israélites dans le désert, mentionné Num., xxxiii, 33-34, et Deut., x, 7, entre Gadgad, col. 32, et Hébrona, col. 542. Sa position est inconnuee t l’on en sait seulement ce que nous apprend l’auteur sacré, que e'étaitune « terre abondante en eau >. Deut., x, 7. On peut admettre, néanmoins, d’après le contexte, que Jétébatha n'était pas bien

loin de la pointe septentrionale du golfe Élanitique. Quelques commentateurs croient, mais sans preuves, que les Israélites campèrent à deux reprises différentes à Jétébatha.

JETH (hébreu : Yahaf, voir Jàijath 2, col. 1105 ; Septante : ’Iéè), lévite, descendant de Gersom, fils de Lobni et ancêtre d’Asaph. I Par., vi, 20.

    1. JETHÉLA##

JETHÉLA (hébreu : Jtlâh ; Septante : Ec), a8â ; Alexandrinus .-’Ie6Xex), ville de la tribu de Dan. La situation de Jéthéla est douteuse. Elle était dans le voisinage d’Aïalon, d’Élon et de Thammatha, d’après le seul passage de l’Écriture où elle est nommée. Jos., xix, 42. Selon les explorateurs anglais de la Palestine, Survey of western Palestine, Memoirs, t. iii, 1883, p. 43, ce serait probablement la ruine appelée aujourd’hui Beit Tûl, à cinq kilomètres environ au sud-est de Yalo (Aïalon). On y trouve des restes de fondations. Ibid., p. 86. Voir Dan 2, t. ii, col. 1233.

    1. JÉTHER##

JÉTHER (hébreu : Yéfér), nom, dans la Vulgate, de cinq Israélites et d’une ville de Juda. Sans le texte original, six personnages portent le nom de Jéther. Le sixième, qui est le plus ancien de tous, Jéthro, est appelé Yéfér dans l’Exode, IV, 18. Le nom de Jéther a en hébreu à peu près les mêmes consonnes, mais il est ponctué autrement : Yaffîr.

1. JÉTHER (Septante : Ms8Ép), fils aîné de Gédéon. Lorsque son père eut atteint les rois madianitesZébéeet Salmana qu’il poursuivait après les avoir vaincus, il demanda à son fils de les tuer pour venger le sang de ses parents que ces princes avaient massacrés sur le Thabor, mais Jéther n’était encore qu’un enfant et il n’eut pas le courage de tirer son épée. Jud., viii, 20. Il périt plus tard avec ses frères (Joatham ayant échappé seul au carnage), par ordre d’Abiméiech, fils de Gédéon et d’une femme de second rang, originaire de Sichem. Jud., vm, 31 ; ix, 5.

2. JÉTHER (Septante : ’Iedlp), père d’Amasa et beau-frère de David, dont il avait épousé la sœur Abigail. Voir cependant Abigail 2, t. i, col. 49. II Reg., xvii, 25 ; III Reg., ii, 5, 32 ; I Par., ii, 17. Le texte hébreu l’appelle, II Sam., xvii, 25, Ytra’, forme que la Vulgate a rendue par Jetra. La nationalité de Jéther est douteuse, à cause de la discordance des différents textes, qui le font, les uns originaire de Jezræl, les autres simplement Israélite, les autres enfin Ismaélite. D’après la Vulgate, II Reg., xvii, 25, il était « de Jezræl », mais l’hébreu porte en cet endroit « Israélite ». Cette dernière leçon est, il est vrai, fort suspecte, parce qu’on ne s’explique pas pourquoi l’auteur sacré ferait remarquer que Jéther était Israélite, dés lors qu’il vivait en Israël et épousait une Israélite. D’après I Par., ii, 17, Jéther était Ismaélite ; cette lecture est préférée par la plupart des critiques. La leçon Jezraélite a néanmoins pour elle, outre la Vulgate, l’édition sixtine des Septante.

S. JÉTHER (Septante : ’Ie6ép), fils atné de Jada, de la tribu de Juda, dans la branche d’Hesron. Il mourut sans postérité. I Par., ii, 32.

4. JÉTHER (Septante : ’IeJlp), fils d’Ezra, de la ribu de Juda. I Par., iv, 17.

5. JÉTHER (Septante : ’IsBrjp), chef d’une famille de la tribu d’Aser. I Par., vii, .38. Quelques commentateurs pensent qu’il est le même que celui qui est appelé Jéthran au }. 37.

6. JÉTHER (hébreu : Yattir ; Septante : ’Isôsp, re8<ip),

ville sacerdotale située dans la tribu de Juda. Elle est nommée, Jos., xv, 48, comme faisant partie du territoire de Juda, et Jos., xxi, 14 et I Par., vi, 58 (hébreu, 42), comme ayant été donnée aux descendants d’Aaron. Dans I Reg., xxx, 27, Jéther est mentionnée parmi les villes à qui David envoya une part du butin pris sur les Amalécites, lorsqu’il les poursuivit et les battit pour leur enlever les dépouilles de Siceleg. Deux des soldats de David, qui étaient allés se joindre à lui pendant la persécution de Saul, Ira et Gareb (voir ces noms), étaient probablement de Jéther. Voir Jéthrite, col. 1521. Dans la liste de Josué, xv, 48, Jéther fait partie du groupe de la partie montagneuse de Juda, entre Samir et Socoth, et non loin de Dabir. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 232, disent que c’était de leur temps une localité importante, située au milieu du Daroma, près de Malatha, à vingt milles romains d’Éleuthéropolis (Beit-Djibrin), et habitée seulement par des chrétiens. Ed. Robinson, Biblical Besearches, 2e édit., t. i, p. 494, l’a identifiée avec le’Attir actuel, et cette identification est assez généralement admise comme probable (Fr. Buhl, Géographie des alten Palàstina, 1896, p. 164), quoique le ain initial du nom actuel soit difficile à expliquer et qu’elle ne soit pas à vingt milles romains (29 tln 600) de Beit-Djibrin comme le dit Eusèbe, mais à vingt-quatre (35 lm 500). Si l’on admet l’identification, il faut reconnaître une erreur de chiffres dans Eusèbe.’Attir est à seize kilomètres au nord de Tell el-Mihl (Molada) et à dix-neuf kilomètres environ au sud-ouest d’Hébron. Ses ruines sont sur deux collines peu élevées. « La colline orientale, dit V. Guérin, Judée, t. iii, p. 198, était le site de la ville proprement dite. Les maisons qui la couvraient étaient pour la plupart bâties en pierre de taille d’un appareil moyen. Un certain nombre d’entre elles sont encore debout. Voûtées intérieurement, elles offrent à l’extérieur l’apparence d’une petite construction carrée surmontée d’une terrasse. Quant aux voûtes de ces mo-’destes habitations, elles sont généralement cintrées ; quelques-unes néanmoins sont encore ogivales. Un caveau creusé dans le roc servait à chaque famille de magasin souterrain. » On remarque çà et là des tronçons de colonnes. Sur la colline occidentale gisent quelques fûtsmutilés de colonnes monolithes, au milieu des débris, d’un édifice qui doit avoir été une église chrétienne. Au bas, du côté de l’est, est un birket ou piscine. Voir Survey of western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 404, 408. F. Vigourobx.

    1. JÉTHETH##

JÉTHETH (hébreu : Yéféf ; Septante : ’ltU ? ; Aleœandrinus : ’Ieëép, dans Gen., xxxvi, 40 ; ’Ie9é9, dans I Par., i, 51), un des chefs Çallûf) d’Édom, dans la généalogie de la postérité d’Ésau.

    1. JETHMA##


JETHMA.(hébreu : Itmâh ; Septante : ’IeGa^â), Moabite qui s’attacha à la fortune de David et fut l’un de ses. vaillants soldats. I Par., xi, 46.

    1. JETHNAM##

JETHNAM (hébreu : Ifnân ; Septante : ’Aaoptwvae’v ; Alexandrinus : ’ISvaÇîç ; dans le premier mot Itnân est amalgamé avec le nom d’Asor qui précède dans le texte, et dans le second, avec Ziph qui suit ; la recension de Lucien portait exactement’I8vôv, Zei’ç), ville de la tribu de Juda, dans le Négeb. Jos., xv, 23. Elle était dans la partie méridionale de Juda et près du désert, du côté de Cadès, . mais le site n’en a pas été retrouvé.

    1. JÉTHRAAM##

JÉTHRAAM (hébreu : ’I(re’âm ; Septante : ’IîŒpocaiL et’Is9paâ(x), le sixième fils de David, né à Hébron. Sa mère s’appelait Égla. II Reg., iii, 5 ; I Par., iii, 3. Soa nom est écrit Jéthraham dans ce second passage.

    1. JËTHRAHAM##


JËTHRAHAM. Voir Jéthraam.

    1. JÉTHRAI##

JÉTHRAI (hébreu : Yéatraî ; Septante : ’Ie6pf), lévite, fils de Zara, de la descendance de Gersorn. Il était probablement le chef des Gersonites lorsque David organisa le service du sanctuaire. I Par., vi, 21. Il est peut-être le même que l’Athanaï du ꝟ. 41, qui est indiqué dans cet endroit comme le fils de Zara.

    1. JETHRAM##


JETHRAM, orthographe, dans laVulgate, Gen., xxrvi, 26, du nom d’nn Horréen qui est écrit plus correctement Jéthran dans I Par., i, 41. Voir Jéthran 1.

    1. JÉTHRAN##

JÉTHRAN (hébreu : Itrân), nom d’un Horréen et d’un Israélite.

1. JÉTHRAN (Septante : ’I6p<Jv et’Isepâu.), Horréen, fils de Dison, qui habitait le mont Séir avant qu’Ésau se fût rendu maître du pays. Gen., xxxvi, 26 ; 1 Par., i, 41. La Vulgate écrit son nom Jéthramdans Gen., xsxvi, 26.

2. JÉTHRAN (Septante : ’IeOpdt et’IeOép), de la tribu d’Aser, fils de Supha, I Par., vil, 37, père de Jéphoné, de Phaspha et d’Ara, si le Jéther du ji. 38 est le même que le Jéthran du jꝟ. 37, comme c’est généralement admis Voir Jéther 5, col. 1519.

    1. JÉTHRÉENS##

JÉTHRÉENS (hébreu : hay-Itri ; Septante : ’Apai ; Vulgate : Jethrei), famille de Juda comptée parmi les familles de Cariathiarim. I Par., ii, 53. La Vulgate rend ailleurs par Jethrxus et Jethrites le mot hébreu qu’elle rend ici par Jethrei. Voir Jéthrite.

    1. JÉTHRITE##

JÉTHRITE (hébreu : hay-îtrl ; Septante : 4’EOipato ;, ô’Eôevaîoç, h’Ieôpt ; Vulgate : Jethrites, Jethrseus, Jethrei), descendant de Jéther ou originaire de la ville de Jéther. Les mots hébreux formés par la désinence’, « , désignent tantôt la descendance généalogique, tantôt le lieu d’origine. L’Écriture parle des Jethrites, de la tribu de Juda (Jethrei) comme formant une tamille de Cariathiarim, I Par., ii, 53, et de deux Jethrites qui vivaient du temps de David. Il est difficile dans ces passages de choisir entre cette double signification hébraïque ; rien dans le contexte ne permet de préciser. Deux des soldats de David, Ira et Gareb, sont appelés « Jethrites » (Jethrseus, Jethrites), II Reg., xxiii, 38 ; I Par., xi, 40, soit qu’ils fussent fils d’un Jéther, soit qu’ils fussent nés dans une ville du même nom. Voir Gareb 1, col. 105. Nous savons seulement par I Par., ii, 53, que les Jethrites ou Jéthréens (Vulgate : Jethrei) étaient de la tribu de Juda et par I Reg., xxx, 27, que David, pendant la persécution de Saul, avait habité dans les parages de la ville de Jéther, ꝟ. 31, et avait envoyé à ses habitants une partie du butin pris sur les Amalécites. Voir aussi Ira 1, col. 921, Jairite.coI. 1111, et Jéthréens.

    1. JÉTHRO##

JÉTHRO (hébreu : Yîtrô ou Fêter ; Septante : ’IoGo’p), le beau-père de Moise. — 1° Une difficulté se présente tout d’abord au sujet de l’identité du personnage qui parait avoir porté différents noms. Il est dit, Exod., ii, 18, que Moïse épousa Séphora, fille de Raguel, le madianite. Ailleurs, le beau-père, hôtên, de Moïse est appelé Jéthro, prêtre de Madian. Exod., iii, 1 ; iv, 18. Enfin, Hobab est aussi nommé le fils de Raguel le madianite et le beau-père, hôtên, de Moïse. Num., x, 29 ; Jud., iv, 11. Voir Hobab, col. 725. Comme Hobab est formellement présenté en qualité de fils de Raguel, il faut, pour concilier les textes, prendre hô(ên dans un autre sens que celui de beau-père. La chose est possible en hébreu, où les noms qui désignent la parenté comportent généralement une grande latitude de sens. Voir Fils, t. ii, col. 2252 ; Frère, col. 2403. D’ailleurs en araméen et en arabe, hatan, en assyrien hatanu, désignent à la fois la relation de beau-père à gendre et celle de mari à beau frère. Cf. Buhl, Gesenius* Handwôrterb., Leipzig, 1899, p. 288. Hobab a donc été vraisembablement non le beau-père, mais le beau-frère de Moïse. Quant à Raguel, c’est le même personnage que Jéthro, puisque l’un comme l’autre est madianite et beau-père de Moïse, et que cette double qualité est rappelée, sous les deux noms différents, à quelques versets de distance. Exod., ii, 18 ; III, 1 ; IV, 18. Comme Jéthro était prêtre de Madian, il ne serait pas impossible que le mot re’û'êl, ’Pafou^X, Raguel, qui veut dire « ami de Dieu », indiquât sa fonction, de même que l’expression rê’éh hanvmélék, « ami du roi, » est le titre d’une dignité à la cour. II Reg., xv, 37 ; xvi, 16 ; III Reg., iv, 5. Voir Ami 2, 7°, t. i, col. 479. Josèphe, Ant. jud., II, xiii, 1 ; III, m ; iv, 1, 2, se sert toujours du nom de Raguel pour désigner le beau-père de Moise. Il ajoute que Raguel s’appelait aussi’lztitfa.Xoc, Ant. jud., ii, xil, 1. Ce dernier nom résulte peut-être de la combinaison des deux mots hnt7-t~iTy, yétér-re’û'êl, devenus par contraction’îHWiri’, yéfr’û'él, et ensuite, par substitution d’un î à un i, biwiiv, yé(eg’û'el. Cf. de Hummelauer, In Exodura, Paris, 1897, p. 42. Toujours est-il que l’identité de Raguel et de Jéthro doit être maintenue.

2° Jéthro était prêtre de Madian. Exod., ii, 16 ; iii, 1-Quand il vint retrouver Moise dans le désert, il bénit Jéhovah des merveilles qu’il avait accomplies en faveur d’Israël, le proclama supérieur à tous les dieux et ensuite offrit des sacrifices à Élohim. Exod., xviii, 9-12. Il faut conclure de là que Jéthro était prêtre du vrai Dieu, comme Melchisédech. La dignité sacerdotale était attachée à sa qualité de père de famille, conformément à l’usage patriarcal. À la suite des récits qui lui sont faits, il reconnaît la supériorité de Jéhovah sur tous les dieux, ce qui n’implique nullement que son sacerdoce fût idolâtrique. S’il en eût été ainsi, l’écrivain sacré n’eût sans doute pas insisté si complaisamment sur ce sacerdoce. Il ne suit pas de là non plus que Jéthro fût un adorateur de Jéhovah. Il adore Dieu, tel qu’il le connaît par sa raison et par les traditions patriarcales ; il salue en Jéhovah ce Dieu unique, en tant que protecteur et Dieu spécial des Hébreux ; mais il n’est pas appelé lui-même à l’honorer au même titre et il se contente d’offrir ses sacrifices à Élohim. Moïse, Aaron et les anciens d’Israël approuvent son culte en y prenant part, ce qu’ils n’auraient pu faire si Jéthro eût été un prêtre idolâtrique. Exod., xviii, 12. Si, d’autre part, Jéthro avait honoré de faux dieux avant de connaître Moïse, il est à croire que l’écrivain sacré eût mentionné sa conversion au monothéisme, avant de parler de son sacrifice à Élohim.

3° En quittant la cour du pharaon, Moïse s’était réfugié dans le pays de Madian. Voir Madian. Il y rencontra les sept filles de Jéthro, qui venaient puiser de l’eau à la fontaine et qu’il défendit contre des bergers insolents. Le père, reconnaissant de ce service, offrit l’hospitalité à Moïse et ensuite lui donna en mariage Séphora, l’une de ses filles. Pendant que Moïse faisait paître les troupeaux de son beau-père, Dieu l’appela à Horeb et lui commanda d’aller délivrer ses frères en Egypte. Exod., n, 15-ui, 2. Moise prit donc congé de Jéthro, qui lui répondit : « Va en paix ! » Exod., iv, 18. — Moïse avait passé la mer Rouge avec tout son peuple et venait de vaincre les Amalécites, quand Jéthro, au récit de tout ce qui s’était passé, vint au-devant de son gendre. Il amenait avec lui Séphora, qui avait quitté son mari avant l’arrivée en Egypte, Exod., iv, 24-26, et les deux fils de Séphora, Gersam et Éliézer. L’entrevue fut cordiale, malgré le mécontentement que Séphora avait dû manifester contre Moïse en revenant chez son père. Exod., xviii, 1-7. Voir Séphora. Moïse raconta tout ce que Dieu avait fait pour son peuple. Jéthro prévoyait sans doute que les hommes de sa tribu ne tarderaient pas à se heurter aux Hébreux, que la lutte éclaterait entre les deux peuples, Num., xxv, 16-18 ; xxxi, 3-12, et que les Madianites

pourraient partager le sort des Amalécites. II lui importait donc personnellement de s’assurer les bonnes grâces d’un homme devenu aussi puissant que son gendre. Il applaudit à tout ce que Moïse lui raconta, bénit Jéhovah, le Dieu d’Israël, des merveilles accomplies pour châtier la méchanceté des Égyptiens et offrit à Dieu un sacrifice dont Moïse et les principaux d’Israël mangèrent avec lui les victimes. Exod., xviii, 1-12. Jéthro ne se borna pas à ces félicitations. Le lendemain, il fut témoin de l’emploi que Moïse fit de la journée entière à régler les différends de son peuple. Il trouva cette manière d’agir peu pratique ; les plaignants attendaient indéfiniment leur tour et Moïse s’épuisait à donner tant de consultations. Jéthro lui conseilla donc, avec l’autorité que lui conférait l’âge, le sacerdoce et la parenté, de se réserver la haute direction du peuple et le jugement des affaires les plus importantes, mais de confier le règlement des détails de l’administration et de la justice à des chefs de mille, de cent, de cinquante et de dix. L’établissement de cette hiérarchie judiciaire aurait pour heureux effet de permettre à Moise de suffire à sa tâche et au peuple de parvenir à sa destination. Moïse suivit le conseil qui lui était donné et tout le monde s’en trouva bien. Jéthro n’attacha pas son sort à celui des Hébreux. Il quitta Moïse et retourna dans son pays. Exod., xviii, 13-27. À partir de ce moment, il n’est plus fait mention de Jéthro. Mais son fils Hobab et ses descendants héritèrent de ses sentiments et se rendirent utiles aux Hébreux, durant leur séjour dans le désert. Num., x, 29-32 ; Jud., i, 16 ; iv, 11, 17 ; I Reg., xv, 6. Voir Hobab, col. 725, et Cinéen, i, 3*, t. ii, col. 768.

H. Lesêtre.
    1. JETHSON##

JETHSON (Codex Vaticanus : AEx|ji<iv ; Alexandrinus : reSswv), ville lévitique, située à l’est du Jourdain, dans la tribu de Ruben, et donnée aux Mérarites d’après la Vulgate. Jos., xxr, 36. Ce nom est probablement altéré, car il ne se rencontre nulle part ailleurs, pas même dans la Vulgate dans le passage parallèle de IPar., vi, 77-79. Le ꝟ. 36 lui-même dans lequel nous le trouvons diffère dans tous les anciens teites. Cf. C. Vercellone, Varias lectiones Vulgatse lahnse, Rome, 1864, t. ii, p. 68-70. « Ce verset, dit Calmet, Commentaire huerai, Josué, 1720, p- 301-303, ne se lisait point dans les anciens exemplaires hébreux des Massorètes, ni dans le fameux manuscrit d’Hillel (col. 712), ni dans le corps de l’édition de Venise, ni dans plusieurs anciens manuscrits latins, quoiqu’on le trouve dans quelques autres plus nouveaux… On voit encore des manuscrits hébreux où il manque quelques mots de ce verset. Enfin ce passage est transposé dans quelques’éditions latines où les villes de la tribu de Gad qui furent cédées aux lévites sont marquées avec celle de Ruben. Il y a toute apparence que saint Jérôme n’avait pas ce passage dans ses exemplaires hébreux et que, s’il l’a mis dans sa version latine, il l’a pris sur le grec des Septante, auquel sa traduction est tout à fait semblable [excepté que Dekmôn y figure au lieu de Jethson], mais non pas au texte hébreu, comme on le verra ci-après. Les Septante pouvaient l’avoir lu dans les anciens livres hébreux de leur temps, ou peut-être l’ont-ils tiré des Paralipomènes (I Par., vi, 78-79), pour suppléer ce qui manquait ici. Mais ce qui peut faire croire qu’il était autrefois dans l’hébreu, c’est que la version des Septante n’est pas tout à fait semblable au texte hébreu des Paralipomènes, et que dans la somme des douze villes qui furent données aux Mérarites, celles de Ruben y sont nécessairement comprises, car sans elles il n’y en aurait que huit. Le syriaque semble avoir aussi ajouté ce passage à ses exemplaires, puisqu’il le place avant lesꝟ. 34 et 35 qui comprenaient les villes détachées de Zabulon pour être données aux Lévites. Tout ce mélange et toutes ces variétés prouvent visiblement que les anciens ma-. Buscrits originaux ont été mal conservés en cet endroit. I

Voici l’hébrea de ce passage comme il se lit dans nos éditions communes : « Et de la tribu de Ruben, Bézer et « ses faubourgs (ou ses champs) ; Jazar et ses faubourgs ; « Cédémoth et ses faubourgs ; Méphaath et ses faubourgs, « ce qui fait quatre villes. » Les Paralipomènes portent : « Et au delà du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho, à l’orient « du Jourdain, [on leur donna] de la tribu de Ruben, « Bézer dans le désert, et ses faubourgs ; Jaza et ses faubourgs ; Cadémot et ses faubourgs ; Méphaat et ses faubourgs ; » ce qui est, comme on voit, assez différent de notre texte hébreu. Les Septante approchent beaucoup plus de l’hébreu des Paralipomènes, mais ils ne lui sont point encore semblables. Les voici à la lettre : « Et les « villes du Jourdain, Jéricho de la tribu de Ruben, une « ville de refuge pour celui qui a tué ; Bosor et ses champs, « Jazeret ses champs ; Cedzonet ses champs ; Masphaa et « ses champs, quatre villes. « Enfin, notre Vulgate estdifférente de tous ces textes en ce qu’elle met cinq villes, savoir Bosor, Misor, Jazer, Jethson et Masphaath, et qu’aussitôt après elle n’en compte que quatre, et que dans la totalité des villes de Mérari elle n’en reconnaît que douze. Mais Aquila et Symmaque ont cru que Misor de cet endroit signifie simplement la plaine ou le désert dans lequel Bosor était située, et, en effet, on trouve quelques passages (Deut., iv, 43 ; Jos., xx, 8 ; Jer., xlviii, 21) où Misor est pris dans ce sens, lorsqu’on parle des pays où était située la ville de Bosor et quelques autres villes des campagnes de Moab. » Par tout ce qui précède, on voit que Jethson tient dans Jos., xxi, 36, la place qu’occupe Cadémoth dans les autres textes et dans le passage parallèle I Par., vi, 79. Il faut donc vraisemblablement lire ici Cadémoth, ville dont le site est inconnu. Voir Cadémoth, t. ii, col, 12. Les critiques reconnaissent d’ailleurs généralement que le ꝟ. 36 de Josué, xxi, est authentique et que Rabbi Jacob ben Chajim le supprima à tort, sur l’autorité de Kimchi et de la grande Massore, dans son édition de la Bible rabbinique (1525). Voir A. Knobel, Numeri, Deuteronomium und Josua, 1861, p. 474 ; Frd. Keil, Biblisches Commentar, Josua, 1874, p. 168. F. Vigouroux.

    1. JÉTHUR##

JÉTHUR (hébreu : Yetûr ; Septante r’Iexoùp, ’lerrovp ; Vulgate : Jethur, Jetur), descendant d’Ismæl qui fut le père des Ituréens. Gen., xxv, 15 ; I Par., i, 31. Voirliurée, col. 1039.

    1. JÉTRA##

JÉTRA (hébreu : l(ra’; Septante : ’Ie6sp, II Reg., xvii, 25 ; ’Ioèo’p, I Par., ii, 17), père d’Amasa, qu’il eut d’Abigail, sœur de David. Il fut donc beau-frère de David et oncle de Joab, d’Abisai et d’Asæl, les trois fils de Servia. Était-il Ismaélite ou de Jezræl ou bien est-il qualifié simplement d’Israélite ? C’est là un point controversé, à cause du désaccord des anciennes versions et du texte original lui-même, qui a deux leçons différentes, II Reg., xvii, 25 et I Par., ii, 17. Voir Jezrahélite, col. 1544, et Abigaïl 2, t. i, col. 49. Dans III Reg., ii, 5, 32, il est appelé Jéther. Voir Jéther 2, col. 1519.

JEU (hébreu : iâfraq ; grec : itac’Çeiv ; latin : ludere, « jouer » ), action de jouer, amusement, divertissement.

— 1° Amusements des enfants et des adultes. — Les enfants chez le peuple juif, comme partout, se livraient aux amusements de leur âge et il est plusieurs fois fait allusion à leurs jeux dans la Bible. « Les rues de la ville sont remplies de jeunes garçons et de jeunes filles jouant dans les rues, » dit Zacharie, viii, 5. Cf. Job, xxi, 10. Les enfants s’amusaient aussi avec des animaux. Il est fait allusion à ces jeux dans Job, XL, 24 (xli, 5). Dieu demande à son serviteur s’il jouera avec le crocodile comme avec un oiseau ou s’il l’attachera pour l’amusement des jeunes filles. Ils imitaient aussi les cérémonies des mariages et des funérailles, comme le font les enfants d’aujourd’hui. Matth., xl, 16 ; Luc, vii, 32.

Voir Le Camus, Les enfants de Nazareth, in-12, Paris, 1900. Saint Paul fait allusion aux jeux de l’enfance, quand il dit que, devenu homme, il a laissé de côté les choses enfantines. I Cor., xiii, 11. — Parmi les amusements communs aux enfants et aux adultes était en première ligne la danse ; c’est pourquoi ce jeu est désigné, entre autres expressions, par le mot sihaq, forme pihel de éâhaq, « jouer, o Voir Danse, t. ii, col. 1286. Les Hébreux s’amusaient aussi à se poser des énigmes. Jud., xiY, 12 ; Ezech., xvii. Voir Énigme, t. ii, col. 1807. Comme tous les Orientaux, ils préféraient la conversation aux jeux qui donnent du mouvement.

Jeux grecs et romains.

Les jeux publics, c’est-à-dire

les spectacles qui consistaient dans des exercices d’adresse, des combats d’athlètes et d’animaux, étaient tout à fait contraires aux mœurs juives, aussi l’érection d’un gymnase pour des exercices de ce genre par Jason fut-il considéré comme un acte de paganisme. I Mach., i, 14 ; II Mach., ix, 12-14. Voir Gymnase, t. iii, col. 369. L’érection par Hérode le Grand d’un théâtre et d’un amphithéâtre à Jérusalem, Josèphe, Ant. jud., XV, viii, 1, à C Jsarée, Ant. jud., XV, ix, 6, Bell, jud, ., i, xxi, 8, et à Béryte, Ant. jud., et l’institution dans ces mêmes endroits de jeux quinquennaux comprenant les concours habituels d’athlètes, les courses de chars et des combats de bêtes féroces, furent vus de très mauvais œil par les Juifs. Ant. jud., XV, viii, 1. — Dans le Nouveau Testament, il est souvent fait allusion aux jeux de cirque. Saint Paul en particulier emprunte plusieurs comparaisons aux usages observés dans ces jeux. Act., xx, 24 ; Rom., ix, 16 ; I Cor., ix, 24-27 ; Gal., ii, 2 ; v, 7 ; Eph., vi, 12 ; Philip., i, 30 ; ii, 16 ; iii, 12-14 ; Col., ii, 1 ; I Thess., ii, 2 ; I Tim., iv, 8 ; vi, 12 ; II Tim., ii, 5 ; iv. 7-8 ; Heb., x, 32, 33 ; xii, 1, 2. Pour l’explication des détails voir Athlète, t. i, col. 1222. E. Beurlier.

    1. JEU DE MOTS##

JEU DE MOTS, similitude phonétique entre des mots différents, recherchée par un écrivain pour rendre une pensée plus saillante ou plus facile à retenir. Les Orientaux aiment ces formes de langage et l’on en trouve bon nombre d’exemples dans la Sainte Écriture. On en distingue de plusieurs sortes.

1° Dans les allitérations, l’auteur affecte de répéter les mêmes lettres ou les mêmes syllabes. La bénédiction de Gad par Jacob contient une suite de jeux de mots :

Gâd gedûd yegûdénnû

venu yâgud’âqêb. « Gad, l’armée’l’attaquera, et lui-même lui attaquera le talon. » Gen., xlix, 19. Voir aussi ꝟ. 8, 13, 14, 16, 22. Samson dit aux Philistins :

Lûlê’hara&tèm be’(glati

là mesâ’fém hidâfi, « Si vous n’aviez pas labouré avec ma génisse, vous -n’auriez pas trouvé mon énigme. » Jud., xiv, 18. Les Philistins disent à leur tour :

Nâtan’êlohénû bfyâdênû’êp àimSôn’ôyebênû. « Notre Dieu a livré en nos mains Samson, notre ennemi. » Jud., xvi, 23. Sur le passage de David, vainqueur de Goliath, on répète :

Hikkâh Sâ’ûl bâ’âlâfâv

ve-Dâvtd benbboâv. « Saùl a frappé ses mille, et David ses dix mille. » I Reg., xviii, 7. Ces assonnances, avec recherche de la rime, se remarquent dans les dictons populaires de tous les pays. Souvent l’allitération existe entre les deux mots principaux d’une sentence. « Le nid, qên, du Cinéen, qaîn, sera ravagé. » Num., xxiv, 21. « L’homme comprend en insensé, nâbûb illâbêb. » Job, xi, 12. « Demande, et je te donnerai les peuples pour ta possession, na&àîâfe’fcô, et les extrémités de la terre pour ton domaine, ’âhuzzâfékâ. » Ps. ii, 8. « Que l’homme qui vient de terre, ’érés, ne persiste pas à terrifier, ’âros. » Ps. x, 18. « Beaucoup le verront, yîr’û, et le révéreront, yîrd’û. » Ps. xli (xl), 4. Cette allitération entre les deux verbes râ’âh, « voir, » et yârê’, « révérer, » se rencontre encore Ps. lui (lu), 8, et Zach., ix, 5. « La courtisane a oublié, sâkafrâh, l’alliance de son Dieu, c’est pourquoi sa maison penche, sâhâh, vers la mort. » Prov., ii, 18 ; cf. iv, 18. — La recherche de l’assonnance, sous ses différentes formes, est fréquente dans les prophètes : « Il attendait l’équité, niîspât, et voici la violence, miSpâh, la justice, sedâqâh, et voici x des cris de détresse, se’âqâh. » Is., v, 7. « Pour leur donner un diadème, pe’êr, au lieu de cendre, ’êfér. » Is., lxi, 3. Le Seigneur dit à Jérémie : « Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis : Je vois une branche d’amandier, Saqêd. Et Jéhovah me dit : Tu as bien vu car je veille, Soqêd, sur ma parole pour l’exécuter. » Jer., i, 11, 12. On lit encore dans Jérémie, vi, l : Biteqô’a fîq’ù Sôfâr, « dans Thécué sonnez de la trompette. » Dans Osée, ii, 12 : « Je détruirai son figuier, fêênàdh, dont elle dit : C’est mon salaire, ’éfenâh. » Le même prophète joue ainsi sur le nom d’Éphraim : Yafrî’, « il est fertile. » Ose., xiii, 15. Joël, i, 15, compare le malheur au désastre, Sod, qui vient du Tout-Puissant, êdddai. Pour dire : « Galgala sera menée captive, » Amos, v, 5, se sert des trois mots suivants : Gilgdl gâloh igléh. On trouve dans Michée : Bdko’al-fibkû, « ne pleurez pas dans Acco, » et immédiatement après : lo’yâs’àh yôUbéf sa’ândn, « elle ne sort pas l’habitante de Zaanan, » Mich., i, 10-11. Dans ce passage, Michée fait, sur dix noms de villes, autant de jeux de mots. Voir Accho, iii, t. i, col. 110. Sophonie, ii, 4, dit de même : ’Azzâh’âzzûbâh, « Gaza sera détruite. » Mais les allitérations les plus remarquables sont celles de Daniel prononçant la sentence contre les juges iniques qui ont calomnié Susanne. L’histoire de Susanne n’existe que dans le texte grec. Au vieillard qui prétend avoir vu Susanne ûtio s/ïvov, sub schino, « sous un lentisque, » Daniel répond : L’ange du Seigneur (r/tuct as yiuov, scindet te médium, « te coupera par le milieu. » À celui qui dit l’avoir vue ûjtb ïcpivov, sub pnno, « sous un chêne, » Daniel répond : L’ange du Seigneur va itp ! <rat (ré (ié(iov, ut secet te médium, « te fendre en deux. » Dan., xiii, 54-59. On ne peut dire si le jeu de mots a existé en hébreu ou en chaldéen, si le texte grec le traduit littéralement ou s’il se contente de le rendre par des équivalents. Ce qui est certain, c’est qu’en hébreu des assonnances analogues sont possibles, par exemple, entre le nom de l’arbre appelé firzdh, probablement une sorte de chêne, Is., xliv, 14, et le verbe râzdh, « faire périr, » Soph., ii, 11 ; entre’éldh, nom d’une espèce de térébinthe, Gen., xxxv, 4, et le verbe’âldh, « maudire. » D’autres exemples ont été cités par les commentateurs. La traduction syriaque a conservé le jeu de mots, mais en employant des termes différents : pîsteqâ, , n pistachier, » elpesak, « couper ; » rimmônà’, « grenadier, » et rum, « enlever. » Cf.Frz. Delitzsch, De Habac. prophet. vita atque setate, Leipzig, 1842, p. 102 ; Trochon, Daniel, Paris, 1882, p. 11-12 ; Vigouroux, Susanne, dans les Mélanges bibliques, 1 }’édit., p. 477-483. 2° Les écrivains sacrés jouent encore sur les mots en répétant le même terme, quelquefois sous des formes différentes, dans une même phrase. Job, xxx, 3, parle de malheureux dans des déserts qui sont déjà Mâh, « dénudation, » et mes’ô'âh, « dévastation. » On lit au Ps. xxxvi (xxxv), 10 : Be’ôrkâ mr’éh’ôr, « à ta lumière nous verrons la lumière, » et au Ps. cxxv (cxxiv), 4 : Hètibàh laltobim, « fais du bien aux bons. » Un tour analogue, suivi d’une allitération, se trouve au Ps. cxxii (cxxi), 6, 7 : èâ’àlû selôm YerûSdldim, * implorez la

paix pour Jérusalem ; » « que la paix, selôm, soit dans tes murs, et la tranquillité, salvàh, dans tes palais. » Les Proverbes, xxx, 33, offrent on exemple curieux de ces sortes de répétitions :

Jlffe hâlâb yôs ? Iiém'âh, Umis 'afydsi' dâm, Umîs 'affayim yôyi' rib. « La pression du lait amène la crème, la pression du nez amène le sang et la pression de la colère amène la querelle. » Isaie a une prédilection pour ces jeux de mots. En voici plusieurs exemples : 'tm lo' ta'âmînû kî lo' fa'âmênû, « si vous ne croyez pas, vous ne résisterez pas. » Is., vii, 9. Le verbe 'aman a le double sens de « avoir la foi » et « être solide ». « Jéhovah te lancera, metaltélkd, avec une force virile, taltêlàh ; il t’enveloppera comme une pelote, 'otkâ 'atôh, roulant il te fera rouler comme une balle, sânôf isnofkà senêfdh. » Is., XXII, 17, 18. Bogdim bdgâdû ûbégéd bogdim bâgâdû, « les pillards pillent, c’est un pillage que les pillards pillent, » Is., xxiv, 16, manière de dire que tout n’est que pillage et que les pillards sont incorrigibles. Les Israélites pervertis se moquent en ces termes des recommandations du prophète : $av lâsav sav lâsav, qâv lâqâv qâv Idqâv, le'îr Sâm ze’ir Sâm, « précepte sur précepte, précepte sur précepte, règle sur règle, règle sur règle, un peu par-ci, un peu par-là. » Is., xxviii, 10. Hâyefdh (â'ânyyâh va'ânyyâh, « il y aura plainte et gémissement. » Is., xxix, 2. Voici un dernier exemple dans lequel les mots se correspondent : « Malheur au ravageur, sôdêd, non ravagé, Mdûd, au pillard, bôgêd, non pillé, bâgdû ; quand tu auras fini d'être ravageur, Sôdêd, tu seras ravagé. fûésad ; quand tu auras fini d'être pillard, bôgêd, on te pillera, îbgedû. » Is., xxxiii, 1. Dans Jérémie, le jeu de mots devient plus compliqué. L’exemple suivant présente une répétition de mots et des assonnances de syllabes : « Revenez, subû, chacun de la voie mauvaise, hârâ'âh, et de la malice, ro’a, de vos actions, ma' allêkém, et vous habiterez, Sebû, sur la terre, hâ' âdâmâh, que le Seigneur a donnée à vous et à vos pères, la' âbôtékém. » Jer., xxv, 5. Mais le cas le ^ plus curieux se présente dans une phrase en chaldéen que le prophète insère dans l’un de ses oracles, et que les Israélites devront retenir pour l’opposer aux tentations d’idôlatrie : '

Elâhayyâ' di-Semayyâ' ve’arqâ' là 'âbadù, yê'badû mê'ar'â' ûmin-(ehô{Semayyâ' 'êlléh. « Les dieux qui les cieux et la terre n’ont pas fait disparaîtront de la terre et de dessous les cieux, eux. » Jer, x, 11. On remarquera la singulière contexture de cette phrase. Le dernier terme « eux » répond au premier « les dieux » ; l’avant dernier « de dessous les cieux », au second « les cieux », et ainsi du reste. Il y a de plus une assonnance très accentuée entre 'âbadû et yébadû. Il fallait cette construction artificielle et mnémotechnique pour que les Israélites pussent garder dans leur souvenir cette sentence en une langue qui leur était étrangère, bien qu’analogue à la leur.

3° Les jeux de mots sont plus rares dans le Nouveau Testament. Les deux principaux à signaler consistent plutôt en métaphores destinées à symboliser des choses supérieures. Notre-Seigneur voit Simon et André qui pèchent, et il leur dit : « Venez, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes, » âXieïç àv6pw ?r&>v, piscatores hominum. Il est clair que le mot « pêcheur » prend un sens très différent quand, au lieu de l’appliquer aux poissons, on l’applique aux hommes. — Quand le divin Maître voit Simon, frère d’André, pour la première fois, il lui dit : c On t’appellera Céphas, Krjçïc. » Joa., 1, 43. Le nom araméen kêfâ', correspond à l’hébreu kêf, à l’assyrien kâpu, et ces trois mots signifient « pierre ». Plus tard, Notre-Seigneur lui dit : * Tu es

kêfâ', et sur ce kéfd je bâtirai mon Église. » Matth., xvi, 18. En grec et en latin, il faut faire passer le mot du féminin, xézpot., pelra, au masculin, flérpoc, Petrus, tandis qu’en araméen le mot reste le même, comme du reste en français où le genre ne se manifeste que dans l’adjectif. Le Sauveur change le nom de Simon en celui de Céphas pour le mettre en harmonie avec la vocation de son apôtre. C’est ainsi qu’autrefois Dieu avait changé le nom d’Abram en Abraham et celui de Jacob en Israël ; c’est ainsi encore que le pharaon d’Egypte avait donné à Joseph un nouveau nom. Gen., xli, 45. D’ailleurs on cherchait souvent, dans l’Ancien Testament, à établir une relation entre le nom donné à l’enfant et certaines circonstances qui attiraient l’attention à sa naissance. Voir Nom. Des jeux de mots proprement dits se rencontrent dans d’autres passages : Atjxoi xort Xotpoé, Luc, xxi, 11 ; àmivéTouç, àmivTSTouç, Rom., i, 31, etc. Voir Vigouroux, Manuel biblique, 11e édit., t. ii, n° 604, p. 283.

4° Il y aurait grave erreur à ne voir que futiles jeujc d’esprit dans ces formes de langage que recherchent parfois les écrivains sacrés. Ces allitérations et ces assonnances marquaient avec succès la ressemblance ou l’opposition des choses et servaient à les graver dans la mémoire. « Tant qu’une nation, dit Herder, a plus de sensations que de pensées, tant que le langage est pour elle dans la bouche et dans l’oreille, au lieu de ne s’adresser qu’aux yeux par la forme des lettres, tant qu’elle a peu ou point de livres, ces assonnances lui sont aussi nécessaires qu’agréables. C’est une source de souvenirs où les peuples neufs puisent cette concision énergique, cette justesse et cette rapidité d’expression qui devient impossible dès qu’on trace des lettres pour exprimer sa pensée. Il serait ridicule, extravagant, de chercher à imiter les locutions hébraïques dans les langues modernes, mais il serait tout aussi ridicule, tout aussi extravagant, de blâmer la naïveté du langage, les concordances du son et de la pensée qui établissent un lien harmonieux entre l’oreille et l'âme, et qui caractérisent l’enfance d’un peuple. » Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, trad. Carlowitz, Paris, 1851, p. 464. — Voir W. Gesenius, Lehrgebaude der hebrâischen.

Sprache, in-8°, Leipzig, 1817, p. 856 ; G. W. Hopf, Allitération, Assonam, Reim in der Bibel, in-8° Erlangen, 1883.
H. Lesêtre.
    1. JEUNE##

JEUNE (hébreu : sâm, et une fois ta'ânît, I Esd., rx, 5, substantif correspondant à l’expression 'innâh nafsô, TometvoOv viv’t/vyr(v, affligere animant suam, Lev., XVI, 29, 31, etc. ; chaldéen : tevât ; Septante : v^triet’a ; Vulgate : jejunium), abstinence de tout aliment pendant un temps prolongé, ordinairement pendant tout un jour.

La loi du jeûne.

1. Le dixième jour du septième

mois, c’est-à-dire à la fête de l’Expiation, tout Israélite doit « affliger son âme ». Lev., xvi, 29, 31 ; xxiii, 27, 32 ; Num., xxix, 7. Voir Expiation (Fête de l'), t. ii, co !., 2137. L’expression « affliger son âme » signifiait « jeûner », ainsi qu’il résulte du simple nom de « jeûne » donné à la fête de l’Expiation. Act., xxvii, 9 ; Josèphe, Ant.jud., lll, X, 3 ; S. Jérôme, Ep. cxxx, ad Demetriad., 10, t. xxii, col., 1115. D’après Lev., xxiii, 32, la fête commençait le neuvième jour au soir et se prolongeait jusqu’au lendemain soir. Le texte sacré semble comprendre le jeûne dans les mêmes limites ; un simple jeûne dedouze heures eût, en effet, constitué une pénitence assez légère. — 2. Outre ce jeûne obligatoire et public, la Loi prévoyait des jeûnes facultatifs et privés, puisqu’elle stipule que si une femme a fait vœu d' « affliger son âme », il appartient au mari de ratifier ou d’annuler ce vœu. Num., xxx, 14.

L’esprit de la loi.

Le jeûne ne comportait pas

une simple privation d’aliments, comme celle que s’imposaient les Égyptiens. Hérodote, ii, 40 ; iv, 186. L’exprès

sion dont se sert le législateur, Hnnâh nafsô, signifie « affliger » et « humilier son âme », c’est-à-dire priver momentanément sa vie de tout ce qui peut en faire l’agrément et l’orgueil. Cette expression se rapporte donc au but moral et religieux du jeûne, tandis que le mot sôm ne s’applique qu’à l’acte en lui-même. Or, selon sa coutume, si la Loi prescrit une pratique afflictive, c’est pour arriver à produire dans le cœur même des sentiments correspondants de deuil, de repentir et de renoncement, autant que l’homme en est capable.- C’est pour cela qu’elle fait du jeûne comme la caractéristique de la fête de l’Expiation, dans laquelle les Israélites avaient surtout à se repentir de leurs péchés. Cl. Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 674. D’ailleurs 1’& affliction de l’âme » comprenait encore, outre la privation d’aliments, celle de toutes les choses agréables à la vie, le bain, les onctions, les chaussures, l’usage du mariage, etc. Siphra, 252, 2. Dans quelques circonstances plus graves, on ajoutait même Ai jeûne certaines démonstrations extérieures, on revêtait le cilice, on déchirait ses vêtements, on répandait de la cendre sur sa tête, etc. En un mot, toutes les abstentions et toutes les démonstrations auxquelles on se soumet naturellement sous l’empire d’une profonde douleur, on les reproduisait à des jours donnés, non seulement pour signifier, mais encore pour exciter intérieurement le repentir du péché. Un passage d’Isaie nous fournit à la fois la description des pratiques extérieures des Israélites qui jeûnaient, et l’indication des sentiments que le Seigneur exigeait d’eux. Les Israélites se plaignent que Dieu n’a pas égard à leur jeûne : « Pourquoi jeûner si tu ne le regardes même pas ? Pourquoi humilier notre âme si tu n’y prends pas garde ? » Et Dieu répond : « C’est que, le jour de votre jeûne, vous n’en faites qu’à votre volonté et vous exigez tout de vos mercenaires. En jeûnant, vous ne rêvez que disputes et querelles, que brutalités et coups de poing. Vous ne jeûnez pas comme il le faudrait en un pareil jour, pour que voire voix soit entendue là-haut. Est-ce là le jeûne que j’aime, le jour où l’homme afflige son âme ? Incliner la tête comme un jonc, et se coucher sur le sac et la cendre, est-ce là ce qui s’appelle un jeûne, un jour qui plaise au Seigneur ? Voici le jeûne que je veux : Brisez les chaînes injustes, relâchez les courroies du joug, pour renvoyer libres tous les opprimés et cesser toute espèce de tyrannie. Partagez votre pain avec l’affamé, recueillez chez vous les malheureux sans asile, couvrez celui que -vous voyez sans vêtement et ne dédaignez pas celui qui est votre propre chair. » Is., lviii, 3-7. À la pratique afflictive du jeûne, il fallait donc joindre les œuvres de justice et de miséricorde. Jérémie, xiv, 12, dit que le Seigneur ne veut tenir aucun compte des jeûnes et des supplications de ceux qui lui sont infidèles. L’Ecclésiastique, vu, 19, recommande d’« affliger beaucoup son âme, puisqu’il y aura le feu et le ver pour punir l’impie » ; par conséquent il faut jeûner et faire sérieusement pénitence en ce monde pour éviter le châtiment futur. Il ajoute : « L’homme qui jeûne pour ses péchés et les commet de nouveau, à quoi sert son humiliation et qui exaucera sa prière ? » Eccli., xxxiv, 31. Le repentir et leferme propos sont donc inséparables du jeûne. La prière « st encore un des éléments qui doivent s’y joindre. Tob., m, 8.

Les jeûnes publics extraordinaires.

Outre le

jeûne de la fête de l’Expiation, des jeûnes publics étaient ordonnés en certaines circonstances. Ainsi tout le peuple, ou du moins une partie notable du peuple jeûne pour expier certaines fautes générales, I Reg., vii, 6 ; Jer., xiv, 12 ; xxxvi, 9 ; Bar., i, 5 ; Joël, i, 14 ; ii, 15 ; II Esd., IX, 1 ; avant d’entreprendre la guerre, Jud., xx, 26 ; II Par., xx, 3 ; II Mach., xiii, 12 ; à la mort d’un roi, I Reg., xxxi, 13 ; I Par., x, 12 ; pour détourner un malheur public, Judith, iv, 8, 12 ; Esth., iv, 3, 16, etc. Le pro phète Joël, i, 12-n, 17, décrit ce qui se passait dans les deuils publics qui étaient accompagnés de jeûne. Voir Deuil, t. ii, col. 1399. C’est ainsi qu’au nom d’Achab, Zézabel fit publier un jeûne pour expier un blasphème calomnieusement imputé à Naboth, qu’on fit périr pour prendre sa vigne. III Reg., xxi, 8-14. — On lit dans la prophétie de Jonas, iii, 5, 7, qu’un jeûne public de pénitence fut imposé à tous les habitants de Ninive, du plus petit au plus grand, et que l’obligation porta même sur les animaux. Le jeûne imposé aux animaux n’est là que pour marquer la rigueur de la pénitence. Virgile, Eclog., v, 25-26, fait de même jeûner les quadrupèdes à la mort de Daphnis.

Les jeûnes particuliers.

Ces jeûnes sont pratiqués

pour les raisons les plus diverses. David jeûne tout un jour à l’occasion de la mort de Saul, II, Reg., 1, 12 ; il jeûne, plus tard, pour obtenir la guérison de son enfant malade, mais il cesse le jeûne, comme inutile, aussitôt que l’enfant a fini de vivre. II Reg., XII, 16, 2123. Réprimandé par Élie, le roi Achab jeûne et détourne de sa personne la vengeance divine. III Reg., xxi, 27-29. Les Psalmistes jeûnent en esprit de pénitence et pour appeler le secours de Dieu. Ps. lxviii (lxix), 11 ; cvm (cix), 24. L’un d’eux jeûne quand il voit ceux qui sont autour de lui tomber malades. Ps. xxxiv(xxxv), 13. Sara, fille de Raguel, jeûne trois jours et trois nuits pour obtenir que Dieu la délivre des obsessions du démon. Tob., iii, 10. Esther, xiv, 2, jeûne et prie pour que le Seigneur protège son peuple contre les projets homicides d’Aman. Daniel, IX, 3, jeûne pour que l’époque de la venue du Messie lui soit révélée. Esdras jeûne et fait jeûner pour s’assurer un heureux retour à Jérusalem. I Esd., viii, 21. Il jeûne de nouveau pour déplorer les mariages des Juifs avec des femmes étrangères. I Esd., x., 6. Enfin Néhémie jeûne en apprenant les malheurs de ses compatriotes. II Esd., i, 4. On jeûnait donc non seulement à la suite des malheurs passés, mais encore en vue d’obtenir les biens et d’écarter les maux de l’avenir. Il y avait même des Israélites qui prolongeaient le jeûne pendant de longues périodes ; telle Judith qui, veuve depuis trois ans et demi, jeûnait continuellement à l’exception de certains jours. Judith, viii, 6. Telle encore Anne la prophétesse qui, veuve de bonne heure, jeûnait depuis ce temps et atteignait ses quatrevingt-quatre ans. Luc, ii, 37. Il arrivait aussi parfois qu’on s’engageait à jeûner jusqu’à ce que telle ou telle chose fût accomplie. Tob., vii, 10 ; Act., xxiii, 21.

Les jeûnes institués après la captivité.

À cette

époque, de nouveaux jeûnes viennent s’ajouter à celui du septième mois. Zacharie, vii, 5 ; viii, 19, parle de jeûnes le quatrième, le cinquième, le septième et le dixième mois. Il est question d’un autre jeûne établi en souvenir des événements qui s’étaient passés du temps d’Esther, la veille de la fête des Phurim. Esth., ix, 31. Voir Phurim. La tradition juive, Geni. Jer., Taanith, 68, assigne ainsi l’origine des jeûnes mentionnés par Zacharie : jeûne du quatrième mois, le 17 thammouz, en mémoire du jour où furent brisées les tables de la loi, et où plus tard cessa le sacrifice perpétuel ; jeûne du cinquième mois, le 9 ab, en souvenir de la ruine du Temple ; jeûne du septième mois, le 3 tischri, en mémoire du meurtre de Godolias, IV Reg., xxv, 25 ; jeûne du dixième mois, le 10 tébeth, pour rappeler le siège et la prise de Jérusalem par les Chaldéens. Cependant le Rosch hasschana, 18, 5, rapporte ce dernier événement au 9 tamnuz. Saint Jérôme, In Zachar., ii, 8, t. xxv, col, 1475, établit ainsi, d’après les Juifs eux-mêmes, la signification de ces quatre jeûnes : jeûne du quatrième mois, pour rappeler les tables de la Loi, brisées par Moïse, Exod., xxil, 19, et la démolition des murs de Jérusalem par les Chaldéens, Jer., iii, 14 ; jeûne du cinquième mois, pour rappeler d’abord la sédition des ! Hébreux au retour des explorateurs de Chanaan et le

long voyage au désert qni en fat la conséquence, Num., siv, 1-25, ensuite l’incendie du Temple par Nabuchodonosor et par Titus, et le massacre des Juifs à Béther sous Adrien, voir Béther, t. i, col. 1684 ; jeûne du septième mois pour le meurtre de Godolias et la dispersion des derniers habitants de Jérusalem, IV Rcg., xxv, 25, 26 ; jeûne du dixième mois, en mémoire du jour où Ezéchiel et les Juifs captifs apprirent la ruine du Temple, arrivée au cinquième mois. Ezech., xxiv, 1. On voit qu’aux raisons assignées à l’institution des quatre jeûnes, à l'époque de Zacharie, s’en ajoutèrent d’autres dans la suite des temps. — À l'époque évangélique, les Juifs observaient des jeûnes tous les mois. Voici la liste de ces jeûnes et des causes qu’on leur assignait : Nisan, 1, mort des fils d’Aaron ; 10, mort de Marie ; 26, mort de Josué. Jjar, 10, mort d’Héli ; 28, mort de Samuel. Sivan, 23, schisme des dix tribus ; 25, meurtre de dix martyrs par les Romains ; 26, supplice par le feu de B. Chanina. Thammouz, 17, destruction des tables de la loi, prise de Jérusalem et cessation du sacrifice perpétuel. Ab, 1, mort d’Aaron ; 2, interdiction de l’entrée dans la Terre promise ; 9, ruine du premier et du second Temple ; 18, extinction de la lampe occidentale sous Achaz. Elul, %, mort des explorateurs de la Terre-Sainte. Tischri, 3, mort de Godolias ; 5, emprisonnement du B. Akiba ; 7, sentence contre les adorateurs du veau d’or ; 10, fête de l’Expiation. Marcheschvan, 6, cécité de Sédécias. Casleu, 28, le livre sacré brûlé par le roi Joakim. Tébeth, 8, traduction du Pentateuque en grec sous PtoléméePhiladelphe ; 9, mort d’Esdras ; 10, siège de Jérusalem par les Chaldéens. Schebat, 5, mort des anciens, Jud., ii, 7 ; 20, réunion de tout Israël contre Benjamin. Jud., xx, 20, 21. Adar, 7, mort de Moïse ; 9, désaccord entre Hillel et Schammai ; 13, jeûne d’Esther. Cf. Beland, Antiquilates sacrée, Utrecht, 1741, p. 273275 ; C. Jken, Antiquitates hebraicx, Brème, 1741, p. 148-150. — Le sanhédrin ordonnait encore d’autres jeûnes : trois jours, s’il n’avait pas encore plu au 17 marcheschvan ; trois autres jours à la nouvelle lune de casleu, si la pluie n'était pas venue ; encore trois jours, y si le mois de casleu se passait sans pluie, et ensuite toute une semaine. Les synagogues particulières prescrivaient aussi des jeûnes locaux, pour écarter les afflictions qui menaçaient une ville ou un village. Taanith, n. Cf. Josèphe, Tila, 56. — Enfin, par pure dévotion, les Juifs zélés, surtout les pharisiens, jeûnaient régulièrement deux fois la semaine, le deuxième et cinquième jour, lundi et jeudi. On attribuait à Esdras l’institution de ces jeûnes hebdomadaires. JBabyl. Baba Kama, i. 82, 1, Le choix des deux jours indiqués s’inspirait de cette supposition que Moïse serait monté sur le Sinai le cinquième jour et en serait descendu le second jour. Taanith, II, 9 ; Jerus. Megillah, ꝟ. 75, 1. Le pharisien de la parabole se vante de jeûner deux fois la semaine. Luc, xviii, 12. À l’exemple des pharisiens, les disciples de Jean jeûnaient ces mêmes jours, et ils s'étonnaient que les disciples de Jésus n’en fissent pas autant. Matth., ix, 14-15 ; Marc, ii, 18 ; Luc, v, 33. Il est à noter que la dévotion n'était pas toujours seule à inspirer ces jeûnes. On voyait des Juifs s’y astreindre pour des motifs tout futiles, par exemple, se procurer des rêves agréables, arriver à deviner le sens d’un songe, conjurer un présage funeste, etc. 6° Les règles du jeûne judaïque.

On constate dans

la Sainte écriture des jeûnes de trois jours et de trois nuits consécutifs sans aucune réfection, Esth., iv, 15 ; cf. Tob., iii, 10 ; de sept jours, I Reg., xxxi, 13 ; I Par., x, 12 ; cf. IV Esd., v, 13 ; vi, 31 ; de trois semaines, avec abstention de tout mets délicat, Dan., x, 3 ; et de quarante jours. Exod., xxiv, 18 ; III Reg., xix, 8 ; Matth., iv, 2. Ces derniers, il est vrai, ne comportent aucune réfection et sont miraculeux ; ce sont les jeûnes de Moïse, d'Élie et de Notre-Seigneur. Le jeûne ordinaire d’un jour durait vingt-quatre heures, d’un soir à

l’autre. On s’abstenait de tout aliment jusqu’au soir, £<> ; êirapaç. II Reg., i, 12 ; iii, 35 ; Josèphe, Ant. jud., III, x, 3. Le soir commençait au moment où l’on pouvait apercevoir au ciel trois étoiles moyennes, ce qui fait dire à Tertullien, Dejejun., 16, t. ii, col. 977, que, pour terminer leur jeûne, les Juifs « soupirent après l’ordre d’une étoile lente à paraître ». Des docteurs relâchés enseignaient cependant que le jeûne de nuit ne signifiait rien, et que l’on pouvait manger et boire jusqu'à ce que l’orient fût éclairé. Taanith, ꝟ. 64, 3. C’est ce que font aujourd’hui les musulmans pendant leur jeûne du ramadan. — Il y avait certains jours où l’on devait s’abstenir de jeûner. Judith, viii, 6, suspendait son jeûne les jours de sabbat, de néoménies et de fêtes juives. Cet exemple fit loi. Taanith, t. 66, 1. — Les femmes enceintes ou nourrices et les enfants étaient dispensés du jeûne. On les soumettait cependant aux sept jeûnes prescrits par le sanhédrin et à celui du 9 ab, en souvenir de la destruction du Temple. Taanith, i, 6. — Les jours de jeûne, on s’abstenait des choses accessoires qui contribuent à l’agrément de la vie. Dans le jeûne simple, il était encore permis de s’oindre et de se lær le visage. Un jeûne plus sévère ne pouvait s’accommoder de ces soins corporels. Matth., vu ; Yoma, viii, 1, Jerus. Maasar Scheni, ꝟ. 53, 2 ; Schabbath, ꝟ. 12, 1, 16-18 ; Dan., x, 3. Dans le jeûne le plus rigoureux, on ne saluait même plus ses amis, et l’on se répandait de la cendre sur la tête et sur le visage. Taanith, i, 4-7 ; il ; Yuchasin, ꝟ. 59. Schurer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, 1898, t.ii, p. 489-491. Saint 3éiôme, Epist., xxxix, ad Paulam, 3, t. xxii, col. 470, parlant du jeûne des Juifs de son temps, écrit : « Us pleurent, vont pieds nus, se roulent dans la cendre et couchent sur un cilice. Et pour compléter la superstition, d’après le rite parfaitement futile des pharisiens, ils prennent ensuite pour premier aliment des lentilles, afin de montrer par quel mets ils ont perdu leur droit d’aînesse. » — Sur le jeûne chez les Juifs, voir les traités du Talmud Yoma et Taanith ; Reland, Antiquitates sacræ, p. 270-275 ; lken, Antiquitates hebraic », p. 147-151, 243-246.

Le jeûne dans le Nouveau Testament.

NotreSeigneur se refuse à astreindre ses disciples à tous les

jeûnes qu’ont institués les docteurs juifs. Ces prescriptions font partie des traditions humaines et des fardeaux impossibles à porter que le divin Maître réprouve si énergiquement. Le jeûne est une pratique de deuil et de pénitence ; il ne convient donc pas que les disciples s’y livrent pendant que l'Époux est avec eux. Le jeûne ne sera pourtant pas proscrit de la loi nouvelle. NotreSeigneur ajoute aussitôt, en effet, que quand il ne sera plus là, ses disciples jeûneront.Matth., ix, 14, 15 ; Marc, il, 18-20 ; Luc, v, 33-35. Lui-même donne l’exemple, Matth., iv, 2 ; Marc, i, 13 ; Luc, iv, 1, et c’est pour honorer son jeûne dans le désert que l'Église a institué le carême ou jeûne de quarante jours. Le Sauveur enseigne aussi à ses Apôtres que certains démons ne peuvent être chassés que par le jeûne et la prière. Matth., xvii, 20 ; Marc, ix, 28. Mais il veut que, quand on jeûne, on se dispense des démonstrations extérieures que recherchaient les pharisiens hypocrites. Le chrétien qui jeûne doit avoir le visage lavé et soigné, de manière que les hommes ignorent sa pénitence. Matth., VI, 16, 17. — Après la Pentecôte, la pratique du jeûne fut familière aux chrétiens. Pendant qu’on jeûne, le Saint-Esprit fait connaître sa volonté sur Saul et Barnabe, et c’est encore' après avoir jeûné que les Apôtres ordonnent ces deux disciples. Act., xiii, 2, 3. SaintPaul jeûnait fréquemment. II Cor., vi, 5 ; xi, 27. Les chrétiens devaient également jeûner, bien que les auteurs sacrés ne le mentionnent pas formellement. Cette pratique, recommandée parl’exemple même de Notre-Seigneur, Matth., iv, 2, était une des conditions nécessaires de la vertu de mortification et du combat contre les convoitises de la chair. A. Lesêtre.

    1. JEUNESSE##


JEUNESSE, temps de la vie qui s'écoule entre l’enfance et l'âge mûr.

I. Noms divers.

1° Be^urîtn, vsôtyic, juventus, Eccle., xi, 9 ; xii, 1, la jeunesse dans toute sa force ; le bafyôr, v£<xv(<x{, veavîoxoç, juvenis, Deut., xxxii, 25 ; Ruth., iii, 40 ; Is., lxii, 5, etc., est le jeune homme dans tout son développement, de bâl, tar, « choisir, » d’où « homme d'élite », dans l’ardeur de la jeunesse, Buxtorf, Leocicon hebr. et chald., Bâle, 1655, p. 70, à moins que ce mot ne vienne d’un autre radical bâhar, analogue à celui qui a donné aux guerriers assyriens leur nom de bal}ûUiti.Buiil, Hebr. undaram. Handwôrterbuch, Leipzig, 1899, p. 99. — 2' Yaldût, veÔTï) ;, adolescentia, Eccle., xi, 9, 10, et dans le sens collectif, Ps. ex (cix), 3, de yâlad, « engendrer, « par conséquent la jeunesse qui se rapproche encore de l’enfance. Le yéléd, TcaiSt’ov, uaiSàpiov, vs « v£o, xo ;, puer, adolescens, Gen., xiv, 23 ; xlii, 22 ; III Reg., xii, 8 ; Dan., i, 4, etc., est le nom donné à Joseph déjà âgé de plus de seize ans ; aux jeunes conseillers qui étaient du même âge que Roboam, et avaient par conséquent une quarantaine d’années, IV Reg., xiv, 21 ; aux compagnons de Daniel, I, 4, etc. — 3° Nô'ar, v£<5nr|ç, adoïescentia, juventus, seulement dans des textes poétiques. Job, xxiii, 25 ; Ps. lxxxviii (lxxxvh), 16 ; Prov., xxix, 21. — Ne'ûrim, veôty) ;, adoïescentia, juventus, pubertas, l'âge où l’on peut se marier. Ps. lxxi (lxx), 5, 17 ; Prov., v, 18 ; Is., liv, 6 ; Mal., ii, 14, etc. — Ne'ûrôf, vs6ty)c, adoïescentia. Jer., xxxii, 30. — Ces trois substantifs se rattachent au mot na’ar, qui veut dire « enfant », mais aussi « jeune homme », vcavtdxo ;, icaiSipiov, adolescens, puer. Gen., xxxiv, 19 ; xli, 12 ; Is., iii, 4, etc. Salomon, au début de son règne, à l'âge d’au moins vingt ans, puisqu’il mourut vieillard après quarante ans de règne, III Reg., xi, 4, se nomme lui-même un na’ar qâlon, TOtiSâpiov (xtxpâv, puer parvulus. III Reg., iii, 7. La jeune fille est appelée wa’ardft, veâvi ?, ira15£<jxYi, xopântov, puella. Jud., xix, 4 ; Ruth, ii, 6 ; Am., ii, 7 ; Esth., ii, 3, etc. — 4° 'Âlûmîm, ve6r/|i ;, adoïescentia, Job, xx, 11 ; xxxiil, 25 ; Ps. lxxxix (lxxxviii), 46 ; Is., uv, 4, de’dfam, « être fort, » d’après certains lexicographes. Mais il faut remarquer que 'âlam n’a ce sens qu’en arabe ; en hébreu, il signifie toujours « cacher, être caché ». De là vient le nom du jeune homme, 'élém, za.vim.oç, puer, appliqué à David après sa victoire sur Goliath, I Reg., xvii, 56, et le nom de la jeune fille, 'almâh. "Voir 'Almah, t. i, col. 390. — 5° èafyârôl, de éaJyar, « aurore, » l’aurore de la vie, la jeunesse. Eccle., xi, 10 ; lxx : avotoe ; Vulgate : voluptas. Les versions paraissent avoir lu sikhârôn, Y « ivresse » des plaisirs qui produit la déraison. — 6° Les noms de bên, Mç, filius, « fils, » Cant., il, 3 ; Prov., x, 45, et de bat, Ou-râTep, filia, « fille, » Gen., xxx, 13 ; Canl., ii, 2 ; Judith, xii, 9 ; Is., xxxii, 9, servent aussi à désigner le jeune homme et la jeune fille. — Enfin l’adolescent est encore appelé gâdêl, de gddal, « grandir, » wopsud(jisvoç, ixeîÇtov, proficiens, crescens. I Reg., ii, 26 ; II Par., xvii, 12.

II. Jeunes gens et jeunes filles mentionnés dans la Bible. — 1° La Sainte Écriture mentionne, à différents titres, un certain nombre de jeunes gens : Joseph, dont la jeunesse fut remplie d'événements remarquables, Gen., xxxix, 10 ; voir Joseph ; David qui, encore jeune homme, tua Goliath et parut à la cour de Saul, I Reg., xvii, 42, 55, voir David, t. ii, col. 1311-1314 ; Jéroboam, devenu dans sa jeunesse intendant des gens de corvée sous Salomon, II Reg., xi, 28 ; les « fils des prophètes », jeunes gens qui s’instruisaient dans les écoles de prophètes, IV Reg., v, 22, voir écoles des prophètes, t. ii, col. 1567 ; le jeune homme que le prophète Elisée envoya pour sacrer Jéhu, IV Reg., ix, 4-10 ; Daniel prenant, à l'âge de seize à dix-huit ans, la défense de Susanne, Dan., xiii, 45 ; voir Daniel, t. ii, col. 1248 ; les trois compagnons de Daniel qui, jetés dans la fournaise, chan tèrent le cantique appelé Canticum trium pueroruni, Dan., iii, 51-90 (le texte les appelle cependant gubrin, viri) ; les sept frères Machabées qui souffrirent si vaillamment le martyre sous Antiochus Ëpiphane, II Mach., vil, 4-40 ; les vingt jeunes hommes qui accomplirent des hauts faits sous Judas Machabée contre les Syriens. II Mach., x, 35-38. — Dans le Nouveau Testament, il y a à signaler le jeune homme que Notre-Seigneur regarde avec amour, mais qui n’a pas le courage du renoncement complet, Matth., xix, 16-22 ; Marc, x, 17-22 ; Luc, zviii, 18-23 ; le jeune homme de Naïm que Jésus ressuscite, Luc, vii, 14 ; le prodigue qui abandonne son père, Luc, xv, 12 ; le jeune homme qui suit Notre-Seigneur au commencement de sa Passion, Marc, xiv, 51 ; Saul, encore adolescent, veavîaç, adolescens, qui assiste au martyre de saint Etienne, Act., vii, 57 (59) ; le jeune Eutyque qui, à Troade, s’endort et tombe par la fenêtre pendant un discours de saint Paul, Act., xx, 9 ; enfin cet autre jeune homme, neveu de saint Paul, qui dénonce au tribun romain le complot tramé contre l’Apôtre par des Juifs fanatiques. Act., xxiii, 15-22. — 2° Les jeunes filles sont naturellement moins en vue dans la Sainte Écriture, parce que c’est seulement quand elles étaient mariées qu’elles pouvaient jouer un rôle capable d’attirer l’attention. D’ailleurs elles se mariaient fort jeunes et n'étaient guère à même, avant leur mariage, de prendre une sérieuse initiative. On doit signaler cependant, parmi celles qui se sont fait remarquer pendant qu’elles étaient jeunes filles, Dina, fille de Jacob, Gen., xxx, 21 ; la fille du Pharaon qui sauva Moïse, Exod., ii, 5 ; la fille de Jephté, Jud., xi, 34 ; Axa, fille de Caleb, Jos., xvi, 16 ; Thamar, fille de David, II Reg., xiii, 1 ; la fille de Jaire, Matth., ix, 18 ; et enfin Salomé, fille d’Hérodiade. Matth., xiv, 6. Voir ces noms.

III. Fonctions assignées aux jeunes gens.

1° A Jérusalem, III Reg., xii, 8, et à Babylone, Dan., i, 10, des jeunes gens sont élevés à la cour pour devenir ensuite les officiers du prince. D’autres sont écuyers, I Reg., xiv, 16 ; courriers. II Reg., i, 5-16, etc. Ils vont à la guerre, II Mach., x, 35, et les jeunes et élégants cavaliers d’Assyrie charment Ooliba, qui personnifie les femmes de Jérusalem. Ezech., xxiii, 12. — 2° Comme les missions qui réclament de l’agilité et de la vigueur sont ordinairement confiées à la jeunesse, II Reg., xvii, 17-21, les anges, actifs et puissants mandataires de Dieu, sont habituellement représentés sous la forme de jeunes hommes. Ainsi en est-il de l’archange Raphaël, quand il s’offre à conduire le jeune Tobie, Tob., v, 5 ; des anges qui apparaissent à la tête de l’armée de Judas Machabée, II Mach., ii, 26 ; de l’ange qui se montre aux saintes femmes au tombeau de Notre-Seigneur. Marc, xvi, 5. — 3° Mais les jeunes gens ne sont pas aptes à remplir l’office de conseillers. Pour avoir écouté ses compagnons d'âge, Roboam perdit les dix tribus sur lesquelles avaient régné David et Salomon. III Reg., xii, 8. — 4° La jeunesse n’est cependant pas un obstacle au ministère sacré. À Timothée, qui a été ordonné évêque à un âge relativement jeune, saint Paul recommande de rendre sa jeunesse respectable par ses vertus. I Tim., iv, 12. Voir Timothée.

IV. Conseils a la jeunesse.

1° L’homme est porté au mal dès sa jeunesse. Gen, , viii, 21. Cet âge parait être celui de la joie, mais cette joie n’est que vanité. Prov., xx, 29 ; Eccle., xi, 9, 10. Le jeune homme succombe parfois aux plus graves tentations. Prov., vii, 713. De là des « péchés de jeunesse » dont on se repent toute sa vie. Job, xiii, 26 ; xx, 11 ; Ps. xxiv (xxv), 7. — 2° Comme l’homme suit toute sa vie la voie qu’il a prise pendant sa jeunesse, Prov., xxii, 6 ; le jeune homme doit écouter les leçons de la sagesse, Prov., i, 4 ; Eccli., vi, 18 ; s’appliquer de bonne heure à la pratique du bien, Eccle., xi, 9 ; se souvenir de son Créateur.

Eccle., xii, l ; discipliner sa vie, Eccli., xxx, ll ; se corriger par la fidélité aux commandements, Ps. cxviii (cxix), 9, et savoir porter le joug. Lam., iii, 27. — 3° Le jeune homme trouvera une sauvegarde et une joie dans la fondation d’une famille. Il chérira l’épouse de sa jeunesse, Prov., v, 18 ; Is., liv, 6 ; Mal., ii, 15, et la jeune épouse elle-même, si aile devient veuve et ne peut persévérer dans un saint veuvage, devra se remarier. I Tim., v, 11-14. — 4° Il convient à la jeunesse de louer Dieu, Ps. cxlviii, 9 ; de chercher sa joie dans le Seigneur, Ps. xliii (xlii), 4 ; de parler peu dans sa propre cause, Eccli., xxxii, 10 ; d’être soumise aux vieillards, I Pet., v, 5 ; d’amasser pour ses vieux jours, Eccli., xxv, 5, et surtout de se montrer énergique dans le service de Dieu et la lutte contre le démon. I Joa., ii, 13, 14. — 5° Une jeunesse ainsi employée méritera l’éloge qui en est fait au livre de la Sagesse, iv, 8-16 : « La vieillesse respectable n’est pas celle qui se prolonge et se compte par le nombre des années : pour l’homme, la sagesse tient lieu de cheveux blancs et une vie sans tache vaut un âge avancé… » Le juste, « même s’il meurt prématurément, a fourni une longue carrière… Le juste qui meurt est la condamnation des impies qui survivent, et la jeunesse enlevée rapidement celle des longues années

du méchant. »
H. Lesêtre.
    1. JÉZABAD##

JÉZABAD (hébreu : Yôzâbâd, « Jéhovah adonné ; » Septante : ’ItoaÇagâO), Benjamite, de Gadéroth, qui s’attacha à David, pendant que celui-ci demeurait à Siceleg, et se distingua par sa bravoure. I Par., xii, 4. — Sept autres Israélites portent le nom de Yôzabâd dans le texte original, mais la Vulgate appelle cinq d’entre eux Jozabad, I Par., xii, 20 (deux dans ce verset) ; II Par., xxxi, 13 ; xxxv, 9, et les deux derniers Jozabed, I Esd., viii, 33 ; X, 22, 23 (celui du ꝟ. 23 est probablement identique avec le Jozabed de II Esd., viii, 7, et xi, 16). Dans tous ces noms, l’élément initial Yehôvâh est abrégé en Yo. Enfin trois autres noms propres hébreux ne diffèrent de ceux-là que par l’emploi du nom sacré Yehô au lieu de Yô. La Vulgate a transcrit ces trois noms de Yehôzâbâd par Jozabad, IVReg., xii, 21, etIIPar., xxiv, 26 ; I Par., xxvi, 4 ; JI Par., xvii, 18.

i. JÉZABEL. (hébreu : ’îzébél ; Septante : ’IsÇaê^, ’IeÇaëa), femme du roi d’Israël Achab. — C’était une princesse phénicienne, fille du roi des Sidoniens, Ithobaal l", qui était en même temps grand-prêtre de l’Astarthé sidonienne. Cf. Astarthé, t. i, col. 1182 ; Ménandre, dans Josèphe, Cont. Apion., i, 18. Il est vraisemblable que le mariage de Jézabel avec Achab fut ménagé par le père de ce dernier, Amri, qui comptait ainsi s’assurer une alliance avantageuse contre les Syriens, de plus en plus envahissants. Voir Amri, t. i, col. 526. La présence de Jézabel à Samarie y introduisit le goût du luxe phénicien et des habitudes raffinées que l’on n’y connaissait pas encore. Mais le pire fut que la nouvelle reine, fanatique des dieux de son pays, décida Achab à les adopter et à les servir avec elle. Baal eut donc son temple et son autel à Samarie même, et l’Astarthé phénicienne y fut également installée. III Reg., xv, 31, 32. Le premier avait à son service quatre cent cinquante prêtres, et la seconde quatre cents, qui étaient entretenus aux frais de Jézabel. III Reg., xviii, 19. Le prophète Élie s’éleva énergiquement contre cette invasion du culte de Baal. Il provoqua sur le Carmel la réunion de tous les prêtres qui desservaient le temple de l’idole, et, après la démonstration publique de leur impuissance et de celle de leur dieu, les fit massacrer. III Reg., xviii, 40. Cette exécution pouvait servir de représailles aux meurtres des prophètes ordonnés par Jézabel. Abdias, intendant du palais d’Achab, en avait caché et en nourrissait cent dans des cavernes, pour les soustraire à la cruauté de la reine, III Reg., xviii, 4, 13 ;

car beaucoup d’antres avaient déjà péri par son ordre. Jézabel entra en fureur en apprenant ce qui s’était passé au Carmel, et elle menaça de mort le prophète, qui s’enfuit dans le royaume de Juda. III Reg., xix, 1-3. La reine joua aussi le rôle le plus odieux dans l’affaire de la vigne de Naboth. Achab désirait acquérir, par achat ou par échange, cette vigne qui était contigue à son palais ; mais Naboth refusait d’aliéner l’héritage de ses pères. Jézabel intervint alors. Elle écrivit aux principaux de la ville, au nom d’Achab et en revêtant les lettres du sceau royal, pour leur commander de suborner deux faux témoins, qui accuseraient Naboth d’avoir maudit Dieu et le roi : puis, en conséquence de ce crime, on lapiderait Naboth. C’est ce qui fut fait. Jézabel invita ensuite le roi à venir prendre possession de la vigne. Mais Élie apparut, sur l’ordre du Seigneur ; il annonça à Achab les maux qui se déchaîneraient sur toute sa maison, et lui prédit que les chiens lécheraient son sang dans le champ même de Naboth et dévoreraient Jézabel près du rempart de Jezraèl. III Reg., xxi, 1-29. Voir Achab, t. i, col. 121, 124. Jézabel fut le mauvais génie d’Achab qu’elle excitait au mal et dont elle réussit à faire l’un des princes les plus impies et les plus abominables qui aient régné sur Israël.

Après la mort d’Achab, Jézabel resta toute-puissante sur ses deux fils, Ochozias et Joram, qui régnèrent l’un après l’autre. Le premier imita la conduite de son père et de sa mère. III Reg., xxii, 53. Joram ne fut pas meilleur. L’influence malfaisante de Jézabel s’exerça même sur le royaume de Juda, par sa fille Athalie, qui épousa Joram, roi de Juda. Voir Athalie, t. i, col. 1207. La vengeance divine atteignit enfin Jézabel, comme l’avait prédit Élie, et comme Elisée le fit rappeler à Jéhu. IV Reg., ix, 7-10. Quand celui-ci, après avoir tué Joram, rentrait à Jezraèl, Jézabel, parée de son mieux (voir Antimoine, t. i, col. 672), comme pour en imposer au nouveau roi, se mit à la fenêtre d’une tour. De là, elle interpella ironiquement Jéhu en lui disant : « Estce la paix, nouveau Zambri, assassin de son maître ? » Zambri, en effet, avait tué le roi d’Israël, Éla, et n’avait lui-même régné que pendant sept jours. III Reg., xvi, 10-18. Jéhu leva la tête et demanda : « Qui est pour moi, qui ? » Deux ou trois eunuques se présentèrent et il leur dit : « Jetez-la en bas. » Jézabel fut donc précipitée, son sang rejaillit sur la muraille, Jéhu et ses compagnons la foulèrent aux pieds de leurs chevaux. Après avoir pris son repas dans le palais, Jéhu ordonna de l’enterrer, car elle était fille de roi. Mais les chiens avaient dévoré son cadavre, et il n’en restait que les extrémités des pieds et des mains. IV Reg., ix, 30-37. Ainsi se vérifiaient à la lettre les prophéties d’Élie et d’Elisée. — Le nom de Jézabel est resté synonyme de débauche, d’impiété et d’idolâtrie. Saint Jean donne le nom de Jézabel à une femme qui se dit prophétesse et propage, dans la ville de Thyatire, les pratiques de l’impureté et

de l’idolâtrie. Apoc, ii, 20-23.
H. Lesêtre.
    1. JÉZABEL##


2. JÉZABEL, nom donné dans l’Apocalypse, ii, 20-23, à une femme de Thyatire, fausse prophétesse qui imitait l’impiété et les crimes de Jézabel, femme d’Achab. Saint Jean annonce à « l’ange de Thyatire » que ceux qu’elle a séduits seront punis et mis à mort, s’ils ne font pas pénitence. Voir Jézabel 1.

    1. JÉZATHA##

JÉZATHA (hébreu : Vayezdfâ’; Septante : Za60u0aïo ;), le dixième et dernier des fils d’Aman. Les Juifs le firent périr à Suse avec tous ses frères. Esth., ix, 9. Les Septante et la Vulgate ont vu dans le Va initial la conjonction « et » et l’ont par conséquent supprimé dans le nom même.

    1. JÉZER##

JÉZER, nom, dans la Vulgate, d’un Israélite et d’une ville qui portent un nom différent en hébreu.

1. JÉZER (héhreu : ’Pézêr ; Septante : ’A X iéÏEp), fils aîné de Galaad, de la tribu de Manassé, et chef de la famille des Jézérites. Num., xxvi, 30. Dans Jos., xvii, 2, et dans I Par., vil, 18 ; cf. Jud., vi, 34 ; viii, 2, il est appelé Abiézer. Voir Abiézer 1, t. i, col. 47.

2. JÉZER (hébreu : Ya’âzër ; Septante. : ’Iartp), ville de refuge située dans la tribu de Gad. I Par., vi, 8. La Vulgate l’appelle ailleurs Jazer. Voir Jazer, col. 1150.

1, JÉZÉRITE (hébreu : hâ-’î'ézri ; Septante : *A X isÇept ; Vulgate : Jezerilsè), famille de Manassé descendant de Jézer. Voir Jézer 1. Num., xxvi, 30. Gédéon appartenait à cette famille. Dans l’histoire de ce juge d’Israël, la Vulgate, Jud., vi, 11, 24 ; viii, 32, l’appelle « la famille d’Ezri ». Voir EzRi, t. ii, col. 2164. — Le nom des Jézérites descendant de Manassé est différent en hébreu et dans la Vulgate de celui de Jézérite, par lequel est distingué Samaoth. Voir Jézérite 2.

2. JÉZÉRITE (hébreu : hay-lzrah ; Septante : &’Ieo paé ; Vulgate : Jézérites), nom patronymique de Samaoth, le cinquième chef de l’armée de David, qui était de service au cinquième mois de l’année, à la tête de vingt-quatre mille hommes. I Par., xxvii, 8. Le terme hébreu hay-lzrah est probablement identique au mot haz-zarhi qu’on lit au même chapitre, f Il et 13 (Vulgate : Zarahi et Zarai) et signifie que Samaoth appartenait à la famille de Zara ou Zaré, de la tribu de Juda. Dans les Nombres, xxvi, 20, les descendants de Zara sont appelés par la Vulgate Zareitæ.

    1. JÉZIA##

JÉZIA (hébreu : Izzîyâh ; Septante : ’AÇ( « ), descendant de Pharos, un des sept membres d’une famille qui avaient épousé des femmes étrangères. Esdras les obligea à les répudier. I Esd., x, 25.

    1. JEZLIA##

JEZLIA (hébreu : Izli’âh ; Septante : ’UlXiac, Alexandrinus : ’E ?Xi(4), Benjamite, fils d’Elphaal, qui habitait à Jérusalem. I Par., viii, 18.

    1. JÉZONIAS##


JÉZONIAS, nom de trois Israélites et d’un Réchabite. La Vulgate écrit uniformément leur nom Jezonias. Dans le texte hébreu, leur nom, quoique identique au fond, est écrit, tantôt Ya’âzanyâh, tantôt Ya’âzanyâhû, et une fois, par abréviation : Yezanyâkû. Ce nom signifie : « que Jéhovah exauce ! »

1. JÉZONIAS (hébreu : Ya’âzanyâhû, IV Reg., xxv, 23 ; Yezanyâhù, dans Jérémie ; Septante : ’Ieïovîaî, IV Reg., xxv, 23 ; ’EÇovîaç, Jer., xlvii, 8[xl, 8] ; ’AÇapiaç, Jer., xlix, 1 [xlii, 1]), fils d’Osaïas, Jer., xui, 1, le Maachatite. IV Reg., xxv, 23, Jer., xl, 8. C’était probablement un des chefs de troupes qui avaient réussi à s’échapper de Jérusalem, assiégée par l’armée de Nabuchodonosor, au moment où l’ennemi allait s’emparer de la ville. Lorsque Godolias eut été nommé gouverneur de la Judée par le roi de Babylone, Jezonias avec plusieurs autres se rendit auprès de lui à Masphath et en fut fort bien accueilli. Après que Godolias eut été tué parlsmahel, fils de Nathanias (voir Ismahel 2, col. 994), Jezonias se joignit à Johanan pour poursuivre le meurtrier et lui enlever son butin. À la suite de ces événements, il engagea ses compatriotes, malgré les exhortations de Jérémie, à s’enfuir en Egypte pour échapper à la vengeance de Nabuchodonosor qu’il redoutait. Son avis fut suivi et le prophète fut emmené de force en Egypte. IV Reg., xxv, 23-26 ; Jer., XL, 8 ; xlii, 1 ; xlui, 1-7. Dans ce dernier passage, J. 2, le nom de Jezonias paraît être altéré en Azarias, dans l’hébreu, les Septante et la Vulgate. Voir Azarias 29, t. i, col. 1302. La forme Azarias so trouve aussi dans les Septante, non seulement Jer., L, 2 (xliii, 2), mais aussi xlix (xlii), 1.


2. JÉZONIAS (hébreu : Ya’âzanyâh ; Septante : ’Iex ^ ?’Jer., xlii [xxxv], 3), Réchabite, fils de Jérémie et petit-fils d’Habsanias. Il était le chef des descendants de Réchab, à l’époque où le prophète Jérémie interrogea ces derniers dans le temple de Jérusalem et les proposa en exemple aux Juifs. Jer., xxxv, 3. Voir Réchabites.

3. JÉZONIAS (héhreu : Ya’âzanyâhû ; Septante : ’IeX » 1 "’* ? > Alexandrinus : ’l£^ovîaç), fils de Saphan, chef des soixante-dix anciens d’Israël, qui, un encensoir à la main, rendaient un culte sacrilège aux idoles représentées sur le mur du parvis du temple de Jérusalem, Dieu révéla leur infidélité à Ézéchiel dans une vision. Ezech., viii, 11.

4. JÉZONIAS (hébreu : Ya’âzanyâh ; Septante : ’Iexovîaç), fils d’Azur, un des chefs du peuple qui lui donnaient de mauvais conseils du temps d’Ézéchiel et à qui le prophète annonça qu’il périrait par l’épée. Ezech., xi, 1-12.

    1. JEZRA##

JEZRA (hébreu : Yahzêrdh ; Septante : ’EÇipà ; Alexandrinus : ’IeÇpi’aç), prêtre, de la seizième famille sacerdotale, celle d’Emmer. I Par., IX, 12. Il paraît être le même que celui qui est appelé Ahazi dans II Esd., xi, 13. Voir Emmer, t. ii, col. 1763 ; Ahazi, t. i, col. 290.

    1. JEZRAËL##

JEZRAËL (Izre’é'l, « Dieu sème » ou « semence de Dieu » ), nom de deux villes et d’une plaine de Palestine, Voir aussi Jezrahel.

1. JEZRAËL (Septante : ’hÇpaéX, ’IeÇpaiiX, ’IaÇ-fa ; Alexandrinus : ’Eapaé, ’I&ÇpaéX, etc.), ville de la tribu d’Issachar (fig. 269). Jos., xvii, 16. Son nom a subi dans le cours des âges des modifications bien diverses, mais on peut néanmoins toujours reconnaître la forme primitive. Le livre de Judith, I, 8, etc., en fait en grec’EirSpTiXwv ; Eusèbe, Onomast., 1862, p. 230, ’Eo8pa-/]>ii ; le Pèlerin de Bordeaux le transforme en Stradela, Itinerarium, Patr. lai., t. viii, col. 790 ; Guillaume de Tyr, Hist. rer. transm., xxii, 266 (Patr. lai., t. cci, col. 881), en Parvum Gerinum, etc. La forme indigène actuelle est Zera’în, Zer’in. Le yod initial est tombé et la terminaison el a été changée en iii, de même que dans Béthel qui est devenu Beilin. Pour l’histoire de ces noms, voir Ed. Robinson, Biblical Researches, 1e édit., t. iii, p. 163-165. La Vulgate écrit Jezræl dans Jos., xvii, 16 (plaine) ; xix, 18 (ville), et dans Jud., vi, 33 (plaine) ; et partout ailleurs, Jezrahel (soit la plaine soit la ville). Cf. G. Kampffmeyer, Aile Namenim heutigen Palâstina, dans la Zeitschrift des Deutschen Palastina Vereins, 1893, t. xvi, p. 42.

I. Description.

Nous avons visité l’antique Jezraèl le 25 avril 1899. Cette ville qui a eu un moment d’éclat sous le règne d’Achab est complètement déchue de sa splendeur. On n’y trouve même aucune ruine de l’époque judaïque. Ce n’est aujourd’hui qu’un misérable petit village, composé d’une trentaine de masures basses et malpropres, construites en pisé, sur des monceaux de décombres, et disséminées çà et là, sans aucun ordre, sur la partie occidentale d’un petit plateau qui s’abaisse de ce Côté par une pente très douce vers la plaine. Mais, quelle que soit la dégradation actuelle de Zera’in, le site est resté admirable. Voir la carte d’Issachar, col. 1008. « Au centre à peu près du village, sur un petit monticule, s’élève une maison de forme carrée, semblable à une tour, où réside le scheikh (fig. 270). Très dégradée, comme la plupart des autres maisons, elle paraît d’origine arabe ; mais elle a pu succéder à une construction plus ancienne. De son sommet, on jouit d’une vue très étendue : à l’est, on embrasse toute la vallée qui s’étend entre le petit Hermon au nord, aujourd’hui le Djebel ed-Dhahy, et le Gelboé, actuellement Djebel

III. - 49

Fûkâ’ah, au nord ; c’est l’ancienne vallée de Jezraél. On aperçoit très distinctement le Tell Beisan, c’est-à-dire l’ancienne acropole de Bethsan. Au delà du Jourdain, l’horizon est borné, de ce même côté, par les montagnes de l’antique pays de Galaad. À l’ouest, se déroule l’immense plaine de Jezræl ou d’Esdrelon, dont la fertilité est justement renommée, et qui servit tant de fois de champ de bataille à des armées si diverses. Encadrée entre les montagnes de la Galilée et de la Samarie, elle présente à la vue une surface très étendue, boursouflée par de faibles ondulations et parsemée çà et là de petits monticules. » Victor Guérin, Samarie, t. i, p. 311-312. La montagne conique du Thabor est cachée par le Djebel ed-Duhy (mont Moréh), mais on voit Sunem sur le flâne de ce dernier et un peu plus loin, à gauche, el-Fûléh, où le 16 avril 1799 le

vée de 109 mètres au-dessus de la fontaine de’Aîn-Djalûd. Jezræl était donc facile à défendre et difficile à attaquer.

A l’avantage de sa situation, Zera’in joint celui de posséder de l’eau en abondance, richesse d’autant plus inappréciable qu’elle est plus rare en Palestine. A 1 500 mètres à l’est, au pied d’un des rochers du Gelboé, jaillit le’Ain Djalûd, probablement l’ancien Harod, l’une des plus belles sources du monde. Voir Harod, col. 421. Plus près du village, à une vingtaine de minutes, également à l’est, à mi-chemin entre le’Atn-Djalûd et Zera’in, au milieu de rochers de basalte noir, couverts de lichens rougeâtres, est une autre^ource, appelée’Ain el-Maitéh, « la source morte, » parce qu’elle avait disparu lorsque, au moyen d’excavations, on la fit reparaître en 1834. Elle forme un rukseau con 2C9. — Vue de Zera’in. D’après une photographie.

général Bonaparte, avec 3000 Français, battit plus de 30000 Turcs. Plus au nord, on peut apercevoir les maisons blanches les plus hautes qui s’étagent sur la colline de Nazareth. À l’ouest se détache sur le Carmel la crête A’el-Mahraqah, le lieu traditionnel du sacrifice du prophète Élie ; directement au sud pointent, dans un berceau de verdure et de palmiers, les dômes blanchis et les minarets de Djénin (Engannim), et par derrière, formant le fond du tableau, se dressent les montagnes de la Samarie. Cf. Esdrelon, t. ii, col. 1945.

La position de Jezræl n’est ni moins forte ni moins importante que belle et pittoresque. Bâtie sur une colline, en partie artificielle, qui forme le dernier contrefort nord-ouest du mont de Gelboé, à la ligne de faîte qui sépare le bassin de la Méditerranée de celui du Jourdain et de la mer Morte, au sud du Djebel ed-Dhahy, eUe est la clef de la route qui conduit de l’est du Jourdain, de Damas et de Bethsan (Scythopolis) à la vaste et fertile plaine à laquelle elle a donné son nom, et, de là, en Galilée, en Phénicie, au Carmel et en Samarie. Elle est accessible au sud et à l’ouest ; à l’est, une coupure sépare le plateau de Zera’in du Gelboé et une route passe en cet endroit entre la ville et la montagne. Au nord, la pente est raide et escarpée. La colline est éle s.dérable abondant en petits poissons. C’est probablement la « Fontaine de Jezræl » de l’Écriture. I Reg., xxix, 1. Son eau est douce comme celle du’Aïn Djaloud. Un puits, appelé Bir es-Souweid, existe aussi au nord de Zera’in. Enfin, au milieu du village même, on remarque beaucoup de citernes abandonnées, qu’on estime au nombre d’environ trois cents. Elles avaient été évidemment creusées afin que la ville n’eût pas à souffrir du manque d’eau en cas de siège.

Nous savons par l’histoire de Naboth qu’on cultivait la vigne sur les coteaux de Jezraél. III Reg., xxi, 1. Les vignobles étaient sans doute à l’orient, car on y voit encore des pressoirs taillés dans le roc. Tous les environs sont fertiles, mais mal cultivés. Les cactus y abondent et y forment des haies impénétrables. Autour du village, nous avons remarqué plusieurs de ces amoncellements où s’entassent, depuis des siècles, des cendres, des immondices et des détritus de toute sorte qui finissent par atteindre une assez grande hauteur. C’est sur un amas de débris semblables, qu’on appelle aujourd’hui mezbelé, que s’était réfugié Job frappé de la lèpre. Job, il, 8. Voir Cendres, t. ii, col. 408.

II. Histoire.

Le* nom de Jezræl apparaît pour la première fois dans l’Écriture parmi les villes qui furent

données à Issachar dans le partage de la Terre Promise. Jos., xii, 18. — Du temps des Juges, les Madianites et les Amalécites qui venaient par Bethsan pour piller Israël campèrent auprès de Jezræl et c’est là qu’ils furent battus par Gédéon. Jud., vi, 33. — Saul avait réuni ses troupes au même endroit, près de la fontaine de Jezraël, I Reg., xxix, 1, dans la dernière guerre qu’il soutint contre les Philistins et où il perdit la vie. I Reg., xxxi, 1-6. Cette fontaine était le’Ain el-Maitéh ou, d’après quelques-uns, le’Ain Djalùd : non seulement ce voisinage lui fournissait en abondance l’eau dont il avait besoin, mais il garantissait en même temps son armée contre toute attaque du côté du sud en l’abritant derrière le

surveiller la vallée orientale et toute la plaine, faisait aussi partie du palais royal. IV Reg., ix, 17 ; Josèphe, Ant. jud., IX, vi, 4. Dans le voisinage, plutôt sans doute que dans la ville même, la reine Jézabel, phénicienne d’origine, avait élevé un temple à la déesse chananéenne Astarthé et établi de nombreux prêtres de Baal. Cf. III Reg., xviii, 19 ; IV Reg., x, 11. Plusieurs des événements qui nous sont connus de la vie d’Achab et de Jézabel, s’accomplirent à Jezræl. Le roi s’y rendit du mont Carmel, après le triomphe d’Élie sur les prêtres de Baal. III Reg., xviii, 45. C’est là qu’était la vigne de Naboth, qu’Achab convoita pour en faire un des jardins de son palais. Naboth ayant refusé de la lui

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270. — La tour de Zera’in. D’après une photographie.

mont Gelboé. Les Philistins occupaient la ville même de Jezræl. IReg., xxix, 11. Quand ils se furent retirés, après leur campagne, elle resta fidèle- à la famille de Saul et reconnut pour roi Isboseth. II Reg., ii, 9. — Il n’est plus question d’elle jusqu’au temps d’Achab. C’est sous ce roi et sous son successeur Joram, qu’elle acquit le plus de célébrité et d’éclat. La situation de Jezræl rendait faciles les relations de cette ville avec la Phénicie d’où la reine Jézabel était originaire. Elle devint donc la résidence préférée du roi Achab et de sa femme et ils l’embellirent à l’envi. Ce prince y construisit un palais, qui était situé dans la partie orientale de la ville, cf. III Reg., xxi, 1 ; IV Reg., ix, 25, 30, 33, et adossé aux remparts. « La maison d’ivoire, » III Reg., xxii, 39, y en taisait probablement partie. Elle était ainsi appelée à cause des incrustations d’ivoire qu’on y admirait et ce luxe attira sur elle les malédictions du prophète Amos, m, 15 ; vi, 4. Le palais où habitait la reine était attenant à celui du roi, près de la porte de la ville ; des fenêtres, on voyait la route qui conduisait de Bethsan à Jezraël. IV Reg., ix, 30-31. Une haute tour, d’où l’on pouvait

vendre, il périt, lapidé, par la perfidie de la cruelle Jézabelj et c’est là qu’Élie prophétisa au roi et à la reine le châtiment de leur crime. III Reg., xxi. Quelques exégètes supposent que Naboth fut jugé et exécuté à Samarie, mais le texte sacré semble bien dire que le crime fut commis à Jezræl même. III Reg., xxi, 1 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, xv, 6. Voir Naboth. — Le fils d’Achab, Joram, qui fut son second successeur, continua à résider à Jezræl. C’est là qu’il reçut la visite d’Ochozias, roi de Juda. IV Reg., viii, 29 ; ix, 6. Pendant que les deux princes se trouvaient réunis, une sentinelle aperçut soudain, du haut de la tour de Jezræl, dont nous avons parlé plus haut, la venue d’une troupe et l’annonça à Joram. Le fils d’Achab, soupçonnant une révolte, envoya aussitôt à sa rencontre un premier messager, et, celui-ci ne revenant pas, un second qui ne revint point davantage. La sentinelle annonça au roi cette nouvelle défection et ajouta : « On dirait la marche de Jéhu, fils de Namsi, car il avance avec furie. » Inquiet, pris de peur, Joram ordonne d’atteler promptement son char et il part aussitôt au-devant de Jéhu, avec

Ochozias, roi de Juda. Il n’eut pas le temps d’aller bien loin. Le fils d’Achab et l’usurpateur de sou royaume, Jéhu, ministre de la vengeance divine, se rencontrèrent dans le champ même de Naboth, contigu au palais. « Est-ce la paix, Jéhu ? » lui demanda aussitôt Joram qui se sentit perdu en le voyant. « Quelle paix ? lui répondit Jéhu, tant que durent les prostitutions et les maléfices sans nombre de Jézabel, ta mère ! » Incapable de se défendre, Joram tourna bride et s’enfuit en criant à Ochozias : « Trahison, Ochozias ! » Mais Jéhu tendit son arc et il frappa Joram entre les épaules ; la flèche sortit par le cœur et le fils d’Achab tomba dans son char en s’affaissant sur les genoux. Jéhu dit alors à Badacer, un de ses officiers : « Prends-le et jette-le dans le champ de Naboth de Jezræl, car souviens-toi [que lorsque moi et toi, nous suivions à cheval, à côté l’un de l’autre, Achab, son père, Jéhovah prononça contre lui cette sentence : Aussi certainement que j’ai vu hier le sang de Naboth et le sang de ses fils, je te rendrai la pareille dans ce même champ, a dit Jéhovah. Prends-le donc et jette-le dans le champ, selon les paroles de Jéhovah. » IV Reg., IX, 14-26. Le premier acte de cette sanglante tragédie venait de s’accomplir ; un second allait le suivre. Nous avons vu que le palais royal était sur le rempart même de la ville. De la vigne de Naboth, devenue jardin royal, Jéhu entra dans Jezræl. Jézabel l’ayant appris, se peignit les yeux (voir Antimoine, t. i, col. 472), orna sa tête et se mit à regarder par la fenêtre. Au moment où Jéhu franchissait la porte, la vieille et fière reine, bravant l’usurpateur, lui cria : « Est-ce la paix, [nouveau] Zambri, assassin de son maître ? » Il leva les yeux vers la fenêtre, et demanda : « Qui est pour moi ? qui ? » Et deux ou trois eunuques se penchèrent (à la fenêtre). « Jetez-la en bas, » leur dit-il. « Ils la jetèrent et son sang rejaillit sur la muraille et sur les chevaux. Il la foula alors aux pieds ; puis il entra, mangea et but, et il dit : Allez voir maintenant cette maudite et enterrez-la, car elle est fille de roi. Ils allèrent donc pour l’enterrer, mais ils ne trouvèrent plus d’elle que .le crâne, les pieds et les paumes des mains. » Selon la prophétie d’Élie, elle avait été dévorée par les chiens. IV Reg., ix, 30-37. Ils sont nombreux et sans maîtres, dans ce pays, , et ils n’ont pour nourriture que les débris qu’on jette des maisons et les cadavres des animaux morts. Dès qu’une proie de ce genre leur est livrée, ils accourent rapidement de toutes parts en multitude, et au bout de très peu de temps, nous en avons été témoin en plusieurs circonstances, il ne reste plus qu’un squelette complètement décharné. Ce spectacle est fréquent, par exemple, à Iskenderîyéh (Alexandrette) où les nombreuses caravanes de chameaux, qui y arrivent d’Alep et de fort loin au delà, perdent souvent à leur arrivée des chameaux épuisés par la fatigue du voyage. A Zera’in même, nous avons vii, au milieu des débris qui forment les mezbelé, les carcasses de plusieurs animaux domestiques, chameaux, bœufs ou ânes, qui avaient été dévorés par les chiens. Ochozias, roi de Juda. s’étant enfui de Jezræl, fut poursuivi et blessé et il mourut de ses blessures. IV Reg., ix, 27-28 ; II Par., xxil, 6-9. La mort de Jézabel fut suivie du massacre des soixante-dix fils d’Achab qui furent égorgés à Samarie. On apporta leurs têtes à Jéhu, et, selon l’usage oriental, il les fit exposer en deux monceaux à la porte de la ville. IV Re~., x, 1-10. Le nouveau roi fit également périr tout ce qui restait de la maison d’Achab à Jezræl, ses officiers, ses familiers et les prêtres de ses idoles. IV Reg., x, 11. Il quitta alors cette ville qui venait d’être inondée de tant de sang pour se rendre à Samarie, IV Reg., x, 12, et avec lui sembla disparaître la gloire de Jezræl (884 avant J.-C. d’après la chronologie ordinaire). — Aucun roi n’y fit plus sa résidence et l’Ecriture n’en parle plus que dans la prophétie d’Osée. Sous le régne de Jéroboam II, arrière-petit-fils de Jéhu,

Osée ayant eu un fils, « Jéhovah lui dit : Donne-lui lenom de Jezræl, car encore un peu de temps et je châtierai la maison de Jéhu pour le sang répandu à Jezræl et je mettrai fin au royaume de la maison d’Israël. En ce jour-là, je briserai l’arc d’Israël dans la vallée de-Jezræl. .. Grande sera la journée de Jezræl. » Ose., i, 4-5, 11 (hébreu, i, 4-5 ; ii, 3). Le Messie seul sèmera une semence nouvelle qui sera véritablement « Jezræl à la semence de Dieu ». Ose., ii, 22 (hébreu, 24). Cf. Matth., xin, 3. — Le nom de Jezræl ne reparaît plus qu’accidentellement et défiguré, à l’époque des croisades. En 1183’, les croisés, attirés par l’abondance de ses eaux, campèrent près de cette ville et en repoussèrent Saladin.’Guillaume de Tyr, Hist., xxil, 26-27, t. cci, col. 881, 884. En 1217, les croisés passèrent à Jezræl pour se rendre par la vallée à Bethsan, Fr. Wilken, Geschichte der Kreuzzûge, Leipzig, 1808-1832, t. ii, part, ii, p. 144. Depuis lors, son nom ne se lit que dans les récits des pèlerins et des voyageurs. Voir Jezrahélite. — Cf. Ed. Robinson, Biblical Researches, 1™ édit., t. iii, p. 161168 ; 2e édit., t. ii, p. 318-325 ; A. P. Stanley, Sinai and Palestine, 1877, p. 349 ; V. Guérin, Samarie, t. i, p. 310 ; G. A. Smith, Historical Geography of the Holy Land y 1894, p. 356, 381. F. Vigouroux.

    1. JEZRAEL##


2. JEZRAEL, ville de la tribu de Juda, dans la partie montagneuse de son territoire, non loin du Carmel et de Ziph. Jos., xv, 56. Le site n’a pas été retrouvé. La première femme de David, Achinoam, était de Jezræl de Juda. I Reg., xxvii, 3, etc. Voir Jezrahélite. Les-Qussstiones hebraiese in librum I Paralipomenon, II, 55, t. xxiii, col. 1570, disent faussement qu’elle était de Jezræl, patrie de Naboth.

    1. JEZRAEL##


3. JEZRAEL, plaine de la Palestine. Ce nom désigne la partie de la grande plaine qui sépare la Samarie-dela Galilée, mais il s’applique plus spécialement à lai partie qui est située entre le mont Gelboé et le petit Hermon. Jos., xvii, 16 ; Jud., vi, 33 ; III Reg., iv, 12 ; Ose., i, 5. Dans le livre de Judith, la version grecque a transformé le nom de la plaine de Jezræl en celui d’Esdrelon, sous lequel elle est universellement connue. Voir Esdrelon, t. ii, col. 1945.

    1. JEZRAHEL##

JEZRAHEL (hébreu : Izre’é'l), nom de personne et de ville. La Vulgate -écrit ordinairement Jezrahel, et quelquefois Jezræl. Voir Jezræl, col. 1538.

1. JEZRAHEL (Septante : ’IeCpo^X), de la tribu de Juda, fils d’Étam, c’est-à-dire du fondateur de cette ville. I Par., IV, 3. Le passage où il est nommé est obscur, et, d’après plusieurs commentateurs, tronqué. Les uns considèrent Jezrahel comme un nom de personne, les. autres comme un nom de lieu.

2. JEZRAHEL (Septante : ’IeÇpetift), nom donné par le prophète Osée à son fils aîné, pour signifier que Dieu vengerait « le sang versé à Jezrahel sur la maison de Jéhu » et qu’il « briserait l’arc d’Israël dans la vallée de Jezrahel ». Ose., i, 4.

    1. JEZRAHÉLITE##

JEZRAHÉLITE (hébreu : Izre’ê'lî ; féminin : Jzre^’lip ; Septante : ’IeÇpaijXî-nriç ; féminin : ’IeÇpaïjXÎTCç ; Vulgate : Jezrahelita, Jezrahelites ; féminin : Jezrahelites et Jezrahelitis), originaire de Jezrahel. Le masculin est employé pour désigner la patrie de Naboth, III Reg., xxi, 1, 4, 6, 7, 15, 16 ; IV Reg., ix, 21, 25, et le féminin pour désigner la patrie d’Achinoam, femme de David. I Reg., xxvii, 3 ; xxx, 5 ; II Reg., ii, 2 ; iii, 2 ; I Par., iii, 1. Naboth était de Jezræl d’Issæhar et Achinoam de Jezræl de Juda.

    1. JEZRAÏA##

JEZRAÏA (hébreu : l^ra^yâh, « que Jéhovah fasse

-briller », omis dans les Septante), lévite, chef du chœur -des chantres, lors de la dédicace solennelle des murs de Jérusalem du temps de Néhémie. H Esd., xii, 41.

JIM, ville de Juda, qu’on écrit tantôt Jim, tantôt Iim. Jos., xv, 29. Voir Iim, col. 840,

JOAB (hébreu : Yô’âb, « Jéhovah [est] père » ), nom de trois Israélites.

1. JOAB, chef d’armée sous le règne de David. — Joab était fils de Sarvia, sœur de David ; il avait deux frères, l’un plus âgé, Abisai, et l’autre plus jeune, Asæl. I Par., ii, 16. Il était donc neveu de David, et l’on comprend, dès lors, que celui-ci ait réservé une fonction importante dans son armée à Joab, dont il connaissait d’ailleurs la bravoure et l’habileté. — 1° Joab est nommé pour la première fois, comme frère d’Abisai, pendant la persécution de Saul, 1 Reg., xxvi, 6, mais il n’entre personnellement en scène qu’au moment où David est proclamé roi à Hébron, après la mort de Saul. Abner, chef de l’armée de Saul, avait, de son côté, fait proclamer roi Isboseth, fils de Saul. À qui des deux resterait la royauté sur tout Israël ? On ne pouvait le décider que par les armes. Joab, à la tête des gens de David, et Abner vinrent au-devant l’un de l’autre et se rencontrèrent près de l’étang de Gabaon, occupant chacun une rive opposée. Voir Gabaon, col. 18-21. On convint d’abord d’un combat singulier, dans lequel douze hommes de chaque parti lutteraient les uns contre les autres. Le combat fut si acharné que les vingt-quatre champions se frappèrent mutuellement à mort. Une telle issue ne comportant aucune solution, les deux armées en vinrent aux mains. Abner fut battu, mais Asæl périt de sa main en le poursuivant de trop près. Voir Asæl, t. i, col. 1054. Joab et Abisai continuèrent la poursuite et ne s’arrêtèrent que sur la demande d’Abner, lorsque les hommes de Benjamin vinrent se grouper autour du fugitif. Abner marcha toute la nuit et passa le Jourdain. Joab revint à son camp et constata que dix-neuf des siens manquaient, tandis que les partisans d’Abner avaient perdu trois cent soixante hommes. Il alla ensuite ensevelir Asæl dans le sépulcre paternel, à Bethléhem, et regagna Hébron. II Reg., ii, 13-32.

La mort d’Asæl laissa au cœur de Joab une violente rancune. La loi du goel l’obligeait, d’ailleurs, à venger la mort de son frère. Voir Goel, IV, 2°, 2, col. 262. A quelque temps de là, pendant que Joab et les gens qu’il commandait étaient à la poursuite de brigands étrangers, Abner vint trouver David et lui fit sa soumission. Quoiqu’il abandonnât le fils de Saùl par dépit et par colère, le roi l’accueillit honorablement ; il lui offrit un grand festin et le laissa aller pour faire reconnaître sa royauté dans tout Israël. À son retour, Joab apprit l’entrevue. La haine qui l’animait contre Abner ne lui permit pas de comprendre la franchise de sa démarche. D’ailleurs, avec son caractère entier et dominateur, il ne pouvait lui plaire qu’un guerrier de cette valeur se mit au service de David et le supplantât peut-être lui-même. Il alla donc aussitôt trouver le roi « t lui reprocha d’avoir laissé partir en liberté un homme qui, à son avis, n’était venu que pour espionner. Puis, sans rien dire à David, il envoya des messagers à la suite d’Abner pour le prier de revenir. Quand celui-ci fut arrivé à Hébron, Joab le prit à part, comme pour lui parler en secret, et il le mit à mort. Le texte sacré dit expressément qu’il tua son ennemi « pour venger le -sang de son frère Asaël », II Reg., iii, 27, et les coutumes du temps lui donnaient le droit d’agir ainsi ; elles autorisaient tous les moyens de faire périr le meurtrier d’un de ses proches, comme le savait fort bien Abner, II Reg., ii, 22, qui eut le tort de l’oublier en cette circonstance. Quelque odieux que nous paraisse le guet apens et quelque blâmable que fût l’ambition de Joab, il faut, pour être juste envers lui, reconnaître les circonstances atténuantes de son acte. David, apprenant ce meurtre qui ne pouvait que nuire à sa cause, et craignant d’être soupçonné de complicité, protesta énergiquement de son innocence et maudit Joab et sa maison. Cette dernière malédiction avait sa raison d’être, puisque Abisaï, lui aussi, comme goêl de son frère Asæl, avait contribué à cette vengeance. David prit les vêtements de deuil, assista aux funérailles de la victime à Hébron, ne voulut prendre aucune nourriture de la journée et, dans un chant funèbre qu’il composa en l’honneur d’Abner, traita de « méchants » ceux qui l’avaient tué. Voir Abner, t. i, col. 63-66. Le peuple comprit que David n’était pour rien dans ce meurtre ; celui-ci constata de son côté que si Joab et Abisaï lui avaient rendu des services, ils les lui faisaient payer bien cher et que tout était à redouter pour lui de leur insolente influence « Ces gens, les fils de Sarvia, dit-il, sont vraiment trop brutaux. Que Jéhovah fasse payer le mal à qui le commet ! » II Reg., iii, 22-39.

2° Cependant, les qualités militaires de Joab étaient telles que David ne put se dispenser de les utiliser. Quand il devint roi reconnu de tout Israël et qu’il constitua son administration, Joab fut établi officiellement chef de l’armée. II Reg., viii, 16. Il avait dû prendre part aux campagnes dirigées directement par David contre les Jébuséens, les Philistins, les Moabites, les Syriens et les Iduméens. II Reg., v, 6-25 ; viii, 1-14. Le titre du psaume lx (lix), 2, lui fait honneur de la victoire sur les Iduméens. Quand, ensuite, Hanon, roi des Ammonites, maltraita les envoyés de David, Joab fut chargé d’aller le mettre à la raison. À son arrivée près de Rabbath-Ammon, la capitale ammonite, Joab aperçut l’armée ennemie rangée en avant de la ville, et, plus bas, dans la plaine, une armée de Syriens que le roi Hanon avait pris à sa solde. En habile tacticien, il divisa aussitôt ses troupes en deux corps, garda avec lui l’élite de son armée pour attaquer les Syriens au nombre de trente-trois mille, et confia le reste à Abisai, qui devait opérer contre les Ammonites. L’un et l’autre convinrent de se porter mutuellement secours, au cas où les ennemis l’emporteraient. Joab, en effet, comprenait que l’affaire serait rude, et il disait : « Que Jéhovah fasse ce qu’il jugera bon ! » Les Syriens furent enfoncés les premiers par Joab, et leur déroute entraîna celle des Ammonites. Voir Ammonites, t. i, col. 496. Joab ne tenta pas d’assiéger ces derniers dans leur ville et il revint à Jérusalem. Adarézer, roi de Soba, l’un de ces princes sjriens qui étaient venus au secours d’Ammon, ne se résigna pas à sa défaite ; à la tête d’une nouvelle armée, il entreprit de la venger. David en personne, après avoir mobilisé « tout Israël », vint le joindre au de la du Jourdain, le battit complètement et lui ôta toute idée de coalition avec les Ammonites. Voir Adarézer, 1. 1, col. 212. II Reg., x, 6-19 ; I Par., xviii, 1-13.

3° L’année suivante, David voulut régler définitivement le compte des Ammonites. Joab, chargé d’aller mettre le siège devant Rabbath-Ammon, commença par ravager le pays ennemi, I Par., xx, 1, et ensuite procéda aux opérations du siège. Pendant qu’elles se poursuivaient, David, qui était resté à Jérusalem, commit son crime avec Bethsabée, et, pour le cacher, résolut d’en commettre un autre contre Urie. Joab se prêta avec une coupable docilité au meurtre de ce vaillant homme et à la triste comédie qui était destinée à voiler le complot. Le siège de Rabbath continua cependant. Joab s’empara d’abord de la « ville des eaux, » ou ville basse, dont l’occupation rendait intenable la ville haute, car cette dernière se trouvait ainsi privée d’eau et n’avait plus aucun moyen de se ravitailler. Josèphe, Ant. jud., VII, vii, 5. Voir Rabbath-Ammon. Puis, par un scrupule de délicatesse qui étonne quelque peu de sa part, ou

plutôt probablement avec une arrière-pensée de courtisan, Joab envoya dire à David d’accourir pour prendre la ville, afin que l’honneur de la victoire revint au roi et non au chef de l’armée. David arriva avec de nouvelles troupes, présida à la dernière attaque de Rabbath et s’en rendit maître. Il s’empara de la couronne royale et fit un grand butin. Puis il plaça les habitants de Rabbath et des autres villes ammonites « sur des scies, des traîneaux, des haches de fer et des moules à briques », c’est-à-dire qu’il les réduisit en esclavage et les préposa à ces différents outils, pour qu’ils devinssent, au service d’Israël, scieurs de pierres, bûcherons, briquetiers, etc. Voir Aire, t. i, col. 326 ; Fodr, t. ii, col. 2338 ; Hachb, col. 389 ; II Reg., xi, 1-xii, 31 ; I Par., xix, 1-19. Près de deux années s’écoulèrent, entre le crime de David et la naissance du second fils de Bethsabée. L’historien enclave le récit de cet épisode entre le commencement du siège de Rabbath et la prise de la ville par David. Il ne s’ensuit nullement que le siège ait duré plus d’une saison. Nul doute que l’historien n’ait tenu à raconter tout d’un trait ce qui se rapportait à l’union de David et de Bethsabée. Si le siège s’était prolongé aussi longtemps, il en eût fait mention.

4* Joab eut l’occasion d’intervenir auprès du roi pour procurer le retour d’Absalom, le plus âgé des (ils survivants de David ; à cause de ce droit d’aînesse, le rusé politique entrevoyait le successeur de David et il tenait à se ménager d’avance ses bonnes grâces. Absalom était en fuite depuis trois ans, à cause du meurtre de son frère Amnon. Quand le mécontentement de David parut s’apaiser, Joab envoya au roi une femme de Thécué qui, sous forme d’apologue (voir Apologue, 2°, 1. 1, col. 779), introduisit la cause d’Absalom. David reconnut aussitôl, dans cette démarche, l’inspiration de Joab. Il permit le retour d’Absalom, que Joab lui-même alla chercher à Gessur et ramena à Jérusalem, mais, pendant deux ans encore, David refusa de le recevoir. Par deux fois, Joab se déroba aune nouvelle intervention ; il finit par se décider, sur les instances d’Absalom, et ménagea une réconciliation entre le roi et son fils. II Reg., xiv, 1-33. "Absalom profita de son retour en grâce pour intriguer et chercher à supplanter son père. Celui-ci fut bientôt obligé de quitter Jérusalem et de mener la vie d’un fugitif, pendant que son fils s’emparait du pouvoir et le poursuivait lui-même jusqu’au delà du Jourdain. Il fallut en venir aux armes. Absalom avait mis à la tête de ses troupes Amasa, un fils qu’Abigail, sœur de David, avait eu d’un étranger, et que son oncle avait tenu à l’écart depuis le commencement de son régne. David organisa ses partisans en trois corps, dont il donna le commandement à Abisai, à Joab et à Éthai. Il recommanda par-dessus tout à ces trois chefs d’épargner Absalom. La bataille se livra dans la forêt d’Éphraim. Absalom, vaincu, s’enfuit sur un mulet et resta pris, par la chevelure, aux branches d’un térébinthe. Averti de l’accident, Joab accourut et, malgré les observations qu’on lui fit, planta trois javelots dans le cœur d’Absalom et le laissa achever par ses écuyers. II Reg., xviii, 1-15. On ne peut dire à quelle inspiration obéit Joab en faisant périr Absalom. L’Écriture ne nous apprend pas comment il était devenu l’ennemi de celui qu’il avait fait rappeler. Voulait-il, par cette mort, mettre tout d’un coup fin à la révolte ? Craignait-il qu’Absalom, s’il survivait et plus tard devenait roi, lui tînt rigueur de la défaite qu’il venait de lui infliger ? Il est difficile de répondre, mais il est certain que la mort d’Absalom paraissait la condition nécessaire d’une paix durable.

5° La mort d’Absalom changea en deuil, pour David, ce jour de victoire. Comme il s’attardait à pleurer son fils, Joab entra brusquement chez lui et lui tint ce langage : « Tu fais aujourd’hui la honte des serviteurs qui t’ont sauvé la vie. Tu aimes ceux qui te haïssent et tu

hais ceux qui t’aiment. Je le rois bien, tu serais content si Absalom vivait et si nous étions tous morts. Lève-toi donc, sors et parle au cœur de tes serviteurs. Autrement, je le jure par Jéhovah, il ne restera pas un seul homme avec toi cette nuit. » David ne répondit rien à cette arrogante sommation ; mais, à dater de ce jour, il vit le sang de son fils couvrir celui d’Abner sur la main de Joab. À son neveu Amasa, qui avait dirigé les troupes, rassemblées contre lui, il fit offrir le commandement de son armée, en remplacement de Joab. II Reg., xix, 1-13. Une nouvelle révolte, celle de’Séba, de Benjamin, détacha du roi tout Israël, hormis la tribu de Juda. Amasa, le nouveau chef militaire, chargé de réunir les troupes, , tarda à exécuter sa mission. David eut alors recours à Abisai, qui partit à la poursuite de Séba. Joab, la rancune au cœur, méditait sa vengeance. Il accompagnait son frère. Amasa arriva de son côté avec les troupes qu’il avait pu réunir, et la jonction des deux corps se fit près de la grande pierre de Gabaon. Alors Joab s’avança vers Amasa pour lui demander de ses nouvelles et l’assassina avec une épée qu’il tenait cachée sous ses. vêtements. Voir Amasa, t. i, col. 442. Reprenant ensuite le commandement de l’armée, que ne pouvait lui refuser son frère, il continua la poursuite de Séba, qu’il vint assiéger à Abel-Beth-Maacha. Voir Abel-Beth-Maacha, t. i, col. 31. Pour obtenir que la ville fût épargnée, les habitants lui jetèrent la tête de Séba. Joab revint à Jérusalem auprès du roi. Il garda le commandement de l’armée, que David jugea impolitique de lui retirer, après le nouveau service qu’il venait de rendre. II Reg., xx, 1-23.

6° Le roi l’éloigna momentanément de Jérusalem, malgré ses justes observations, pour l’envoyer faire le dénombrement de la population israélite, opération qui dura près de dix mois et qui fut désapprouvée de Dieu. II Reg., xxiv, 2-10 ; IPar., xxi, 1-7. Fidèle à se ménagerla faveur du successeur présumé de David, Joab s’entendit avec le grand-prêtre Abiathar, afin d’assurer cette succession à Adonias, fils que David avait eu immédiatement après Absalom et qui prétendait faire valoir son droit d’aînesse. Mais le roi ne mettait pas Joab dans la confidence de ses desseins. Celui-ci se trompa dans cette intrigue et n’aboutit qu’à hâter la proclamation de Salomon. III Reg., i, 7-48. La condamnation de Joab est inscrite dans le testament de David à Salomon : « Tu sais ce que m’a fait Joab, fils de Sarvîa, ce qu’il a fait à deux chefs de l’armée d’Israël, à Abner et à Amasa. Il les a tués, il a versé en pleine paix le sang de la guerre, il a mis le sang de la guerre sur la ceinture de ses reins et sur la chaussure de ses pieds. Agis selon ta sagesse et ne laisse pas ses cheveux blancs descendre en paix dans la tombe. » Joab méritait le châtiment. David, qui avait eu le malheur de le prendre pour complice dans le meurtre d’Urie, n’osa le lui infliger. Il laissa ce soin à son fils. La prudence exigeait d’ailleursque celui qui avait tant fait souffrir le père, et qui avait posé la candidature d’Adonias, fût mis hors d’état de nuire au nouveau roi. L’exil d’Abiathar par Salomon avertit Joab du sort qui le menaçait lui-même. Il courut au tabernacle et saisit les cornes de l’autel, pour assurer son inviolabilité. Voir Corne, t. ii, col. 1010. Salomon envoya Banaïas pour le tuer. Joab refusa de sortir et Banaïas le frappa au lieu même où il s’était, réfugié. On l’enterra dans la maison qu’il possédait au désert de Juda. III Reg., ii, 5, 6, 28-35. Cf. II Reg., xiv, 30 ; I Par., ii, 54 ; et Ataroth 6, t. i, col. 1206. C’est ainsi que périt misérablement celui qui eût pu se faire un nom si glorieux en Israël. Quelques historiens ont reproché à David d’avoir été jaloux des talents militaires du chef de son armée, mais celui-ci ne fournit que trop de motifs de plainte à son oncle. Pour servir son ambition, Joab avait mis en œuvre la cruauté et l’hypocrisie ; il n’avait reculé devant aucune atrocité, même à

l’égard ds ses cousins, Absalom et Amasa. Si grands qu’ils aient été, ses services militaires n’ont pu faire oublier l’indignité de plusieurs de ses actes. Joab avait les talents qui constituent le guerrier ; il manqua des

qualités qui font l’homme.
H. Lesêtre.

2. JOAB (Septante : ’ïoSêâê ; Alexandrinus : ’Iwâ6), fils de Saraïa, descendant de Cénez, de la tribu de Juda. Il était père ou chef de la vallée des Artisans (hébreu : Gô’hârâsîm ; Vulgate : Vallis artificum). I Par., iv, 14. Le Pseudo Jérôme dit, Qusest. heb. in Par., t. xxiii, col. 1372, d’après la tradition juive, que « Joab est appelé père des artisans, parce que ce furent ses fils qui devinrent architectes de la maison du Seigneur « .Cette explication parait fort suspecte. La « Vallée des Artisans » est nommée une seconde fois dans II Esd., xi, 35. Voir Vallée des Artisans.

3. JOAB (Septante : ’Iuâë), chef d’une des familles qui revinrent de la captivité avec Zorobabel, au nombre de 2812, en y comprenant la famille de Josué. Les deux familles réunies sont appelées « fils de Phahath-Moab ». I Esd., ii, 6(vm, 9) ; II Esd., vii, 11. Voir Phahath-Moab.

    1. JOACHAZ##

JOACHAZ (hébreu : Yehô’abaz ; Septante : ’l<oà-/*0< nom de quatre Israélites dans la Vulgate. Le nom du quatrième diffère, dans le texte hébreu, du nom des trois premiers, par la manière dont le nom sacré initial est abrégé, mais il est, au fond, le même, et a toujours la même signification : « Jéhovah possède. »

    1. JOACHAZ##


1. JOACHAZ, roi d’Israël. Il était fils de Jéhu, auquel il succéda sur le trône de Samarie. Son règne dura dix-sept ans (856-810 avant J.-C, d’après la chronologie vulgaire ; 815-799, d’après les chronologistes qui s’appuient sur les documents assyriens). Pendant ce temps, Joas régnait à Jérusalem. Joachaz resta fidèle aux traditions schismatiques de Jéroboam. Il eut à compter avec le roi de Syrie, Hazæl, qui lui infligea de grands désastres et réduisit l’armée israélite à l’état de « la poussière qu’on foule aux pieds ». Plusieurs villes d’Israël restèrent aux mains du vainqueur et ne furent recouvrées que par Joas, fils de Joachaz. Voir Hazæl, col. 460. Quand Joachaz eut été ainsi châtié de son idolâtrie et de celle de son peuple, le Seigneur donna aux enfants d’Israël un libérateur ; ils échappèrent aux mains des Syriens et habitèrent dans leur tente comme auparavant. Ce libérateur, d’après quelques-uns. ne fut autre que le roi assyrien, Rammanirar III, qui tint Hazæl en respect, en attendant que les circonstances lui permissent d’assiéger Damas et de réduire le roi de Syrie sous sa domination. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, t. iii, 1899, p. 101-102. D’après l’opinion commune, ce fut Joas, roi d’Israël, fils et successeur de Joachaz, IV Reg., xiii, 25, ou Jéroboam II, fils et successeur de Joas. IV Reg, xiv, 25. La puissance de Joachaz fut néanmoins amoindrie considérablement. Le vainqueur ne lui permit plus d’avoir que cinquante cavaliers, dix chars et dix mille hommes de pied. À sa mort, Joachaz fut inhumé à Samarie avec ses pères. IV Reg., xiii, 1-9. Elisée prophétisait pendant

son règne en Israël et lui survécut.
H. Lesêtre.
    1. JOACHAZ##


2. JOACHAZ, quatrième fils du roi de Juda, Josias.

I Par., iii, 25. Lorsque le roi Josias eut péri à Mageddo, en voulant s’opposer au pharaon d’Egypte, Néchao II, venu pour s’emparer de la Syrie, le peuple prit pour roi (610 avant J.-C), à sa place, son fils Joachaz. Ce dernier avait pourtant un frère, Joakim, plus âgé que lui de deux ans, mais qui n’était pas de la même mère, et qui régna après Joachaz. À la suite de Joakim, régna Sédécias, frère de Joachaz par la même mère, appelée Amital.

II aurait été de treize ans plus jeune que son aîné, s’il

n’y a pas d’altération de chiffre dans II Par., xxxvi, 11 ; mais d’autre part, I Par., iii, 15, le fait plus âgé que Joachaz. Joachaz est appelé ailleurs du nom de Sallûm, Sellum, nom déjà porté par un roi d’Israël qui n’avait régné qu’un mois. IV Reg., xv, 13. On a pensé que Jérémie, xxii, 11, donne ce nom à Joachaz à cause de la brièveté de son règne. Mais le nom de Sellum est indiqué, I Par., iii, 15, comme celui d’un des fils de Josias. Il faut donc en conclure qu’en devenant roi, Sellum crut devoir prendre le nom de Joachaz, de même que son frère Éliakim dut changer le sien en celui de Joakim. IV Reg., xxiii, 30-34. Le sacre de Joachaz est expressément mentionné, IV Reg., xxiii, 30, sans doute parce qu’il ne succédait pas régulièrement à son père. La royauté de Joachaz ne fut pas du goût de Néchao. Ce pharaon, à son second passage en Palestine, au retour de sa campagne victorieuse en Syrie, fit venir Joachaz à Rebla et l’emmena prisonnier en Egypte. Ézéchiel, xix, 2-4, fait allusion à cette captivité. Joachaz avait-il combattu à Mageddo aux côtés de son père Avait-il été investi d’une certaine autorité par Josias et désigné pour lui succéder, de préférence à Joakim ? On ne le sait. Toujours est-il que Néchao mit Joakim à la place de son frère plus jeune, comme pourimposer le respect du droit d’aînesse et en même temps de sa propre suzeraineté, et il trappa le pays d’une forte contribution. IV Reg., xxiii, 31-34 ; II Par., xxxvi, 1-3. Joachaz n’avait régné que trois mois. On comptait, à Jérusalem, que l’exil de Joachaz ne serait pas définitif. Jérémie, xxii, 10-12, déclara que cette espérance était illusoire : « Ne pleurez pas celui qui est mort (Josias) et ne vous lamentez pas à son sujet. Mais pleurez celui qui s’en va, car il ne reviendra plus, il ne reverra plus le pays de sa naissance. Ainsi parle Jéhovah sur Sellum, fils de Josias, roi de Juda… Il mourra dans le pays où on l’emmène captif. » Joachaz mourut, en effet,

en Egypte. Voir Néchao.
H. Lesêtre.

3. JOACHAZ (hébreu : Yehô’ahaz ; Septante : ’OxoÇfaç), fils de Joram, roi de Juda. Il est dit II Par., xxi, 17, que des pillards philistins et arabes tuèrent tous les fils de Joram et ne lui laissèrent que Joachaz le plus jeune. Plus loin, II Par., xxii, 1, l’historien raconte que les habitants de Jérusalem donnèrent pour successeur à Joram son plus jeune fils, Ochozias, le seul survivant de ses entants. Ce Joachaz est donc le même qu’Ochozias. Quelques commentateurs ont supposé qu’il avait pris ce dernier nom en montant sur le trône. D’autres remarquent que le nom de Joachaz ne diffère de celui d’Ochozias que par la transposition des lettres et qu’il est, au fond, le même. Plusieurs, enfin, supposent qu’il y a là une erreur des copistes. Les Septante lisent’O/oÇfa ;, tandis que la Vulgate reproduit la leçon de

l’hébreu. Voir Ochozias 2.
H. Lesêtre.

4. JOACHAZ (hébreu : Yo’àfyâz ; Septante : ’luxi/xÇ), père de Joha, historiographe ou chroniqueur de Josias, roi de Juda. II Par., xxxiv, 8.

    1. JOACHIN##


JOACHIN, roi de Juda, ainsi appelé par la Vulgate dans IV Reg., xxiv, 6, 8, 12, 15 ; xxv, 27 ; II Par., xxxvi, 8, 9 ; Jer., lii, 31. Il est appelé ailleurs Jéchonias. Voir Jéchonias, col. 1210.

    1. JOACIM##


JOACIM, nom de deux Israélites dans la Vulgate. Voir Joakim.

1. JOACIM (hébreu : Yôyâqîm, forme contractée de Yehôyaqîm, « que Jéhovah élève, affermisse ! » Septante : ’Iwax{[i.), grand-prêtre, fils de Jésus ou Josué, et petit-fils de Josédec, père d’Éliasib, qui lui succéda dans le souverain pontificat. Il était contemporain de Néhémie. II Esd., xii, 10, 12, 26.

1551

JOACIM — JOAKIM

1552

2. JOACIM (Septante
lugxtp.), grand-prêtre, contemporain

de Judith, qui alla avec les anciens du peuple à Béthulie féliciter l’héroïne de sa victoire. Judith, xv, 9 (grec, 8). À la place de ce nom, on trouve, dans Judith, iv, 5, 7, 11, celui d’Éliachim, qui n’en diffère que par le nom de Dieu (’El dans ce dernier ; Yô, forme abrégée de Yehôvâh dans le premier). Les Septante l’appellent partout M<oax ! [ ».

    1. JOADA##

JOADA (hébreu : Yehô’addâh, « Jéhovah orne ; » Septante : ’IaSi ; Alexandnnus.’IwiaSâ), fils d’Ahaz et père d’Alamath, d’Azmoth et de Zamri. Il descendait de Saül par Méribbaal ou Miphiboseth. I Par., viii, 36. Dans la liste généalogique de I Par., jx, 42, Joada est appelé Jara, par suite du changement de deux lettres semblables, d et r. Voir Jara 2, col. 1128.

    1. JOADAN##

JOADAN (hébreu : Yehô’adin dans II Par., xxv, 1 ; Yehô’addàn dans IV Reg., xiv, 2 ; Septante : ’IwaSift ; ’Iwaêalv), femme du roi Joas et mère d’Amasias, qui devint roi de Juda. Elle était de Jérusalem. IV Reg., xiv, 2 ; II Par., xxv, 1.

JOAH (hébreu : Yô’ah), nom de deux lévites dans la Vulgate. Trois autres Israélites portent le même nom en hébreu, mais la version latine a donné à leur nom une orthographe différente. L’un d’eux est appelé Joaha, un autre Joahé et le troisième Joha. Voir ces mots.

1. JOAH (Septante : 'Ia>âê), lévite, de la branche de Gersom, fils ou petit-fils de Zamma et père d’Addo. I Par., vi, 21. Certains commentateurs pensent que Joah est le même qu’Éthan, donné au ꝟ. 42 comme le fils de Zamma, mais il est possible qu’il y ait quelque nom omis dans ce dernier passage.

2. JOAH (Septante : IwSaiS ; Alexandrinus : ’Iwâ), lévite, fils de Zemma et père d’Éden, de la famille de Gersom. Il prit part à la restauration et à la purification du temple de Jérusalem sous le règne d’Ezéchias. II Par.,

x xxix, 12.

    1. JOAHA##

JOAHA (hébreu : Yô’âff, voir Joah ; Septante : ’Itaàft ; Alexandrinus : ’Iuaâ), lévite, de la branche de Coré, le troisième fils d’Obédédom. Il vivait du temps de David et fut chargé avec ses frères de la garde de la porte méridionale de la maison de Dieu, ainsi que de la garde de la maison des’Asuppîm (Vulgate : seniorum eoncilium). I Par., xxvi, 4, 8, 15. Voir Asuppim, t. i, col. 1197.

    1. JOAHÉ##

JOAHÉ (hébreu : Yffali, voir Joah ; Septante : ’Idxxç ; dans Isaïe : ’ïiaây}, fils d’Àsaph, scribe ouhistoriographe d’Ezéchias, roi de Juda. Il était vraisemblablement de la tribu de Lévi. Ezéchias l’envoya, avec Éliacim et Sobna, auprès du Rabsacès, l’ambassadeur de Sennachérib, pour parlementer avec ce dernier près de l’aqueduc de la piscine supérieure, sur le chemin du Champ du Foulon (t. ii, col. 529). IV Reg., xviii, 18, 26, 37 ; Is., xxxvi, 3, 11, 22.

    1. JOAKIM##

JOAKIM (hébreu : YeMyàqîm, « que Jéhovah élève, affermisse » ), nom de cinq Israélites, mais le nom de deux d’entre eux est écrit Joacim, II Esd., xii, 10, 12, 26, et Judith, XV, 9, dans la Vulgate, quoiqu’il soit étymologiquement le même.

1. JOAKIM (Septante : ’Loaxi’ii, ’Iwaxsi’n)’dix-huitième roi de Juda (609-598 avant J.-C). Il était fils de Josias par Zébida. Il succéda à son frère Joachaz, fils de Josias par Amital, qui, bien que plus jeune que lui de deux ans, fut proclamé roi à la mort de son père. Voir Joachaz 2, col. 1549. Néchao détrôna Joachaz au bout

de trois mois pour mettre â sa place le fils de Zébida. Celui-ci s’appelait primitivement Éliacim, ’Êlyâqim, « que Dieu a constitué. » Néchao changea son nom en Yehôyâqîm, « que Jéhovah élève, » comme pour faire entendre que le roi qu’il lui plaisait d’établir devait être considéré comme établi par Jéhovah, le Dieu particulier de Juda. Joakim avait alors vingt-cinq ans. Dès le début de son règne, il fut obligé de payer au pharaon une forte contribution d’or et d’argent. Afin de s’acquitter, il lui fall ut imposer au peuple de durs impôts et, pour en assurer la rentrée, déterminer avec soin la part que chacun avait à fournir. IV Reg., xxiii, 33-36. Malgré les exigences de Néchao, le roi, sa cour et bon nombre de ses sujets se persuadaient que sa domination valait mieux pour eux que celle du monarque chaldéen. D’autre part, le secours de Dieu n’était plus compté pour rien. Vivant à leur gré dans tous les désordres, les principaux de la nation s’imaginaient que leur situation demeurerait inexpugnable et que leur Temple ne cesserait jamais d’être pour eux la garantie de leur inviolabilité nationale. Dès le commencement du règne, lérémie intervint pour dissiper ce fol espoir. Dans le parvis même du Temple, il vint proclamer que si l’on ne faisait pénitence, le Temple et la ville seraient un jour ruinés et maudits. Il y eut grand émoi parmi les grands et parmi le peuple. Les cris de mort retentirent contre le prophète, et les juges s’assemblèrent à la Porte neuve du Temple pour le condamner. Jérémie affirma qu’il avait parlé au nom du Seigneur et il renouvela ses appels à la pénitence. On se rappela que, sous Ezéchias, Michée avait fait entendre d’aussi graves prophéties contre Jérusalem, sans qu’on tentât rien contre lui. Ahicam, fils de Saphan, qui avait eu la confiance de Josias, prit la défense de Jérémie et empêcha qu’on le livrât aux énergumènes qui voulaient le mettre à mort. Un autre prophète, Urie, fut moins heureux. Menacé par Joakim pour avoir prédit, comme Jérémie, les malheurs du pays, il se sauva en Egypte. Saisi par les émissaires du prince, il fut ramené devant lui pour être frappé de l’épée, et son cadavre fut jeté avec ceux du menu peuple. Jer., xxvi, 1-24.

Dès le début de son règne, Joakim se montra le prince impie et méchant qu’il devait être pendant onze ans. Il suivit les pires exemples de ses prédécesseurs, IV Reg., xxiii, 37, et commit toutes les abominations. II Par., xxxvi, 8. Jérémie nous renseigne à ce sujet dans ce portrait qu’il a laissé du prince : « Malheur à celui qui bâtit sa maison par l’injustice et ses chambres par l’iniquité ; qui fait travailler son prochain sans le pajer, sans lui donner son salaire ; qui dit : Je me bâtirai une maison vaste et des chambres spacieuses ; qui y perce des fenêtres, y met des lambris de cèdre et la peint en rouge ! Affermiras-tu ta royauté, parce que tu te compareras au cèdre ? Ton père ne mangeait-il pas, ne buvait-il pas, tout en pratiquant la justice et l’équité ? Alors il fut heureux ? Il jugeait la cause du pauvre et de l’indigent, et il s’en trouva bien. N’était-ce pas me connaître ? dit Jéhovah. Toi, lu n’as d’yeux et de cœur que pour la cupidité, pour verser le sang innocent, pour opprimer et faire violence ! » Et le prophète concluait par cette terrible annonce : « Voici ce que dit Jéhovah au sujet de Joakim, fils de Josias, roi de Juda : On ne dira pas de lui en pleurant ; Hélas ! mon frère ; hélas ! ma sœur. On ne se lamentera pas sur lui en disant : Hélas ! seigneur ; hélas ! prince. Il aura la sépulture d’un âne, il sera traîné et jeté hors des portes de Jérusalem. » Jer., xxii, 13-19. Joakim ne connut que plustard cet oracle. Le prophète, qui venait d’échapper au danger, l’eût sûrement payé de sa vie.

Cependant le roi de Babylone n’était pas d’humeur à laisser Néchao maître incontesté de la Syrie. Nabopolassar, alors trop âgé pour entreprendre une campagne militaire, confia à son fils, Nabuchodonosor, le soin de

refouler le pharaon jusque sur les rives du Nil. Néchao’, prit l’offensive et se porta à la rencontre de l’armée chaldéenne jusque dans le voisinage de l’Euphrate. Complètement battu à Charcamis (605), voir Charcamis, t. ii, col. 585, il s’enfuit en hâte vers sa frontière. Jérémie, xlvi, 1-12, salua ironiquement sa défaite comme celle d’un ennemi de Juda. Dès le commencement du règne de Joakim, en effet, il avait préconisé la soumission au roi de Babylone comme le seul moyen d’échapper aux vengeances que celui-ci exercerait contre ceux qui chercheraient à lui tenir tête. Jer., xxvii, 1-11. La victoire de Charcamis fit tomber toute la Syrie sous la domination chaldéenne. Nabuchodonosor, qui s’était mis en marche pour commencer sa campagne, dès la troisième année de Joakim, vint jusqu’à Jérusalem, assiégea la ville et la prit. C’est à cette occasion que le jeune Daniel fut emmené en captivité avec plusieurs autres jeunes gens de noble race. Dan., i, 1-3. Joakim fut bien obligé de se soumettre au joug. Mais le roi chaldéen ne put assurer solidement sa conquête. La mort de son père et la nécessité d’affermir son autorité royale au centre même de son empire le l’appelèrent presque aussitôt à Babylone. En racontant la conquête de la Syrie par Nabuchodonosor, Josèphe, Ant.jud., X, vi, 1, en excepte la Judée. Si ce renseignement a quelque valeur, il permet au moins de supposer que la soumission de la Judée fut de courte durée et que, sitôt les Chaldéens disparus, Joakim reprit son indépendance.

Jérémie comprit le danger. Saisi de douleur, il répétait la menace du Seigneur : « Ce que j’ai bâti, je le détruirai ; ce que j’ai planté, je l’arracherai, c’est-à-dire tout le pays. » Jer., xlv, 4. Parlant plus clairement encore cette même année, qui était la quatrième de Joakim, il proclama devant l’assemblée l’oracle qui annonçait que tout le peuple de Juda serait captif à Babylone pendant soixante-dix ans. Jer., xxv, 1-11. Le prophète ne dit rien de l’effet produit sur l’assistance par cette révélation. Les grands n’y crurent pas sans doute, assurés qu’ils se croyaient, grâce à leurs combinaisons politiques, de pouvoir conserver leur indépendance, en s’appuyant sur l’Égjpte. Leur confiance reposait d’ailleurs sur ce double fait que, depuis Charcamis, Nabuchodonosor était occupé à surveiller ses puissants et dangereux voisins de la Médie, et que, d’autre part, Néchao, réorganisant sa flotte, se mettait en mesure de jeter des troupes dans les ports du littoral syrien. C’était à ce dernier qu’allaient toutes les sympathies de Joakim et de sa cour, malgré les avertissements de Jérémie. Nabuchodonosor finit par s’émouvoir de ce qui se passait en Palestine. La huitième année de Joakim, il se décida à intervenir de nouveau. IV Reg., xxiv, 1. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. iii, p. 536. Josèphe, Ant. jud., X, vi, 1, raconte que le roi de Babylone se présenta à la tête de son armée, menaçant d’en venir aux hostilités si Joakim ne s’engageait à lui payer tribut. Celui-ci se hâta de s’exécuter, éloigna le monarque à prix d’argent et se mit en mesure de payer le tribut demandé.

Provisoirement satisfait de ce dénouement, Joakim continua sa vie d’impiété, d’oppressions et de violences. De son côté, le peuple suivit l’exemple du prince et resta adonné à tous les vices que, tant de fois déjà, lui avaient reprochés les prophètes. Jérémie ne se résigna pas à cette coupable insouciance. Il voulut frapper un grand coup pour essayer de ramener ses concitoyens à une pénitence salutaire. Il dicta donc à son disciple, Baruch, toutes les prophéties que Dieu lui avait inspirées depuis le temps .de Josias ; puis, sur son ordre, Baruch alla les lire publiquement dans le Temple, un jour du neuvième mois où l’on célébrait un jeûne solennel. Tout le peuple entendit la terrible lecture. Instruits de ce qui venait de se passer, les grands voulurent aussi se faire lire l’écrit prophétique. Profondément émus de telles révélations,

ils déclarèrent qu’ils en informeraient le roi ; mais, en attendant, ils conseillèrent à Baruch et à Jérémie de se cacher. Le roi, à son tour, envoya chercher le rouleau de Baruch, et se le fit lire dans sa chambre où brûlait un brasier, car l’on était en hiver. Quand il eut entendu trois ou quatre colonnes du rouleau, Joakim entra en fureur, saisit l’écrit, le lacéra avec le canif du scribe et en jeta les débris dans le brasier. On comprend son emportement, quand le lecteur arriva à l’apostrophe, Jer., xxii, 13-19, qui le visait personnellement. Il commanda aussitôt d’arrêter Baruch et Jérémie ; mais on ne put les trouver. Informé de la scène qui venait d’avoir lieu au palais, Jérémie dicta à nouveau toutes ses prophéties, et y ajouta cet autre oracle : « Sur Joakim, roi de Juda, tu diras : Ainsi parle Jéhovah : Tu as brûlé ce livre en disant : Pourquoi y as-tu écrit ces paroles : Le roi de Babylone viendra, il ruinera ce pays et en fera disparaître hommes et bêtes ? C’est pourquoi voici ce que dit Jéhovah sur Joakim, roi de Juda : Personne de sa race ne sera assis sur le trône de David, et son cadavre sera jeté dehors à la chaleur du jour et au froid de la nuit. Je le châtierai, lui, sa race et ses serviteurs, à cause de leurs iniquités : je ferai tomber sur eux, sur les habitants de Jérusalem et sur tous les hommes de Juda tous les maux dont je les ai menacés, sans qu’ils m’aient écouté. » Jer., xxxvi, 1-31. Cette nouvelle prophétie ne fut sans doute pas montrée au roi, qui n’eût pas manqué d’exercer de plus vives poursuites contre leur auteur. — Dans l’hébreu et la Vulgate, les faits que raconte ce chapitre sont datés de la quatrième et de la cinquième année de Joakim. Jer., xxxvi, 1, 9. Les Septante les datent de la quatrième et de la huitième ; Josèphe, Ant. jud., X, vi, 2, de la cinquième. Il peut sembler tout d’abord étonnant que Jérémie ait écrit tant de prophéties la quatrième année de Joakim, Jer., xxv, 1 ; xxxvi, 1 ; xlv, 1 ; xlvi, 2, et qu’il n’ait plus élevé la voix pendant les sept dernières années du règne. Il est peu probable aussi que le prophète se soit tu, quand il constata que la seconde apparition de Nabuchodonosor n’avait rien changé dans la conduite du prince et de ses sujets. Il y aurait donc quelque raison d’adopter ici le chiffre des Septante et de rapporter à la huitième année de Joakim, dans l’hiver qui suivit la seconde campagne de Nabuchodonosor, la scène de la lecture et du brasier. Outre que les chiffres sont souvent sujets à caution dans les textes bibliques, par le fait des copistes, on conçoit que, dans ce cas particulier, on ail aisément pu lire, à cause de la ressemblance des lettres, ntnort, hàmîU, « cinquième, » ou même >y ! 3°i, rebi’i, « quatrième, » au lieu de >j>dw, semînî, « huitième. » Quant au jeûne dont il est parlé dans ce passage comme ayant été célébré le neuvième mois, c’était un jeûne extraordinaire, peut-être prescrit par le grand-prêtre pour conjurer les malheurs des temps. Le jeûne annuel avait lieu le septième mois. Voir Jeune, col. 1529.

Les tendances égyptiennes du roi et de la cour ne firent que s’accuser à la suite de la seconde apparition du roi de Babylone à Jérusalem. Du reste, Joakim inclinait naturellement à entrer dans les vues politiques de Néchao, auquel il devait son trône. Les choses allèrent si loin dans ce sens que, trois ans après la dernière expédition chaldéenne, Joakim en vint à se révolter ouvertement contre son suzerain, sans doute en lui refusant le tribut. Les généraux chaldéens entrèrent aussitôt en campagne. Ils renforcèrent leurs troupes de contingents syriens, moabites et ammonites et parurent devant Jérusalem. Le livre des Rois n’indique pas le résultat de la guerre. Il insiste seulement sur le caractère providentiel de cette calamité, déchaînée pour punir Juda de tous les crimes commis, particulièrement sous le roi Manassé. IV Reg., xxiv, 1-6. Le livre des Paralipomènes, plus explicite, raconte que Nabuchodonosor vint en personne à Jérusalem, ce qui laisse supposer que le

roi chaldéen amena de nouveaux renforts pour vaincre une résistance dont ses généraux ne pouvaient triompher. D’après les Septante et la Vulgate, Joakim aurait été chargé de chaînes et conduit à Babylone. Le texte hébreu dit seulement que Nabuchodonosor le chargea de chaînes « pour le conduire à Babylone ». II Par., xxxvi, 5-7. Ce projet ne fut pas exécuté, pour une raison que le texte sacré n’indique pas. Josèphe, Ant. ]ud., X, vi, 3, dit que Joakim reçut pacifiquement Nabuchodonosor à Jérusalem, persuadé qu’il n’avait rien à redouter de lui, mais qu’une fois entré dans la ville, le monarque chaidéen mit à mort les plus distingués d’entre les habitants, et parmi eux le roi lui-même, dont il fit jeter le cadavre hors des murs sans sépulture. Ensuite il établit roi Joachin (Jéchonias), fils de Joakim, et emmena avec lui à Babylone trois mille captifs, au nombre desquels se trouvait le jeune Ézéchiel. Ce récit de Josèphe assigne à Joakim une fin conforme à ce que, par deux fois, avait prédit Jérémie. xxii, 18, 19 ; xxxvi, 30. Il est dit ailleurs que Joakim « se coucha avec ses pères ». IV Reg., xxiv, 5. Mais cette expression peut signifier soit simplement qu’il mourut, soit qu’après le départ de Nabuchodonosor son cadavre fut recueilli et enseveli dans le tombeau des

rois par les soins de son fils.
H. Lesêtre.

2. JOAKIM ('IwotxEîji), grand-prêtre (6 Eepeyc), fils du souverain pontife Helcias, contemporain de Jérémie et de Baruch. Il était resté à Jérusalem et les captifs de Babylone lui envoyèrent de l’argent pour les sacrifices et le service du sanctuaire. Baruch, i, 7.

3. JOAKIM ('iMaxss’ij), Juif déporté à Babylone, mari de Susanne, distingué par son rang et par ses richesses. Dan., xiii, 1, 4, 6, 28, 29, 63. Les vieillards qui accusèrent Susanne fréquentaient sa maison et avaient ainsi leurs entrées dans son parc. jr. 15-16, 26. Joakim rendit grâces à Dieu, ꝟ. 63, lorsque sa femme eut été justifiée, par la sagesse de Daniel, de leurs accusations calomnieuses. Quelques exégètes ont supposé que ce personnage important n'était autre que le roi Joakim.

^ Voir Joakim 1.

    1. JOANNA##

JOANNA ('ImswS ;), fils de Résa, un des ancêtres de Jésus-Christ. Luc, iii, 27. L'Évangéliste le donne comme petit-fils de Zorobabel. Il est possible qu’il soit le même que l’Hananias mentionné comme fils de Zorobabel (en prenant « fils » dans le sens de petit-fils). I Par., iii, 19. 'I(i) « w3 ; peut être la transcription grecque de Ifànanyâh. Voir Hananias 1, col. 414.

    1. JOARIB##

JOARIB (hébreu : Yehôyàrîb ; Septante : 'Iùiapîg), orthographe, dans II Esd., xi, 10, et dans I Mach., ii, 1, du prêtre qui est appelé dans les Paralipomènes Joiarib. Voir Joiarib.

JOAS (hébreu : Yô'ds, écrit aussi Yehô'âs, les deux formes étant employées indifféremment en hébreu pour désigner le même personnage ; Septante : 'Itoâç), nom en hébreu de sept Israélites. Joas5 est appeb’parla Vulgate Securus. En revanche, un huitième Israélite qu’elle appelle Joas, I Par., vii, 8 (voir Joas 6), porte en hébreu un nom différent.

1. JOAS, père de Gédéon, descendant de Manassé, de la famille d’Abiézer. Jud., vi, 11, 29 ; vii, 14 ; viii, 29, 32. Il n’avait pas été fidèle au service du vrai Dieu et avait élevé un autel à Baal, mais lorsque son fils, après avoir été appelé à délivrer son peuple de la servitude des Madianites, eut renversé l’autel idolâtrique et coupé Vaschérah, Joas prit sa défense contre les autres membres de sa tribu. Jud., vi, 29-32. Voir Gédéon, col. 146.

2. JOAS, fils d’Amélech, d’après la Vulgate. III Reg.,

xxir, 26 : II Par., xviii, 25. On croit assez communément que Aniéléch, regardé comme un nom propre par saint Jérôme, est en réalité un nom commun, ham-mélék, « le roi, » et qu’il faut traduire le texte original ainsi : « Joas, fils du roi, » c’est-à-dire d’Achab, roi d’Israël. D’après cette explication, Joas aurait été un des jeunes fils de ce prince qui lui aurait confié, ainsi qu'à Amon, gouverneur de Samarie, l’administration du royaume, pendant qu’il conduisait lui-même son armée contre RamothGalaad. Avant son départ, Achab donna l’ordre à l’un et à l’autre de retenir en prison le prophète Michée, fils de Jémia, qui lui avait prédit qu’il périrait au siège de Ramoth. Voir Amélech 1, t. i, col. 473, et Michée, fils de Jémia.

3. JOAS, roi de Juda (877-837 d’après la chronologie ordinaire ; 837-798 d’après la chronologie assyrienne). Il était fils d’Ochozias, qui fut mis à mort par l’ordre de Jéhu. À la mort d’Ochozias, sa mère, Athalie, fit périr toute la descendance de son fils, afin de monter ellemême sur le trône de Juda. Joas, le plus jeune fils d’Ochozias, à peine âgé d’un an, fut soustrait au massacre par sa tante, Josabeth, et ensuite tenu caché pendant six ans dans le Temple. La septième année, le grand-prêtre Joi’ada révéla sa présence, le fit proclamer roi, le sacra et suscita ainsi une sorte de conspiration dans laquelle Athalie périt à son tour. Voir Athalie, t. i, col. 1207, 1208. Joiada profita de la proclamation du nouveau roi pour faire jurer au peuple fidélité envers le Seigneur, détruire le culte de Baal, qu’Athalie avait installé jusque dans le Temple, et rétablir toutes choses dans les conditions réglées par le roi David.

Le jeune Joas subit naturellement l’influence du grand-prêtre auquel il devait le trône. Il demeura fidèle au Seigneur tant que cette influence s’exerça sur lui. Devenu plus grand, il se préoccupa des travaux de réparation et d’entretien que réclamait le Temple, et il ordonna aux prêtres de consacrer à ces travaux l’argent qui provenait des offrandes. La vingt-troisième année de son règne, Joas constata qu’il n’avait pas été tenu compte de ses ordres. Il s’en plaignit à Joiada et résolut de décharger les prêtres d’un soin dont ils s’acquittaient si mal. Un coffre fut placé dans le Temple pour recevoir les offrandes. Quand il paraissait plein, un officier du roi et un représentant du grand-prêtre le vidaient. Les sommes ainsi recueillies servirent à payer les ouvriers employés aux réparations de l'édifice. Celles-ci terminées, on consacra les sommes qui restaient disponibles à la fabrication d’ustensiles d’or et d’argent destinés au Temple.

Joiada s'éteignit à un âge très avancé. Voir Joiada. Après sa mort, certains chefs de Juda acquirent auprès du roi l’influence qu’avait eue le grand-prêtre et ils en firent mauvais usage. Joas, qui paraît avoir manqué de caractère, se laissa persuader par ses nouveaux conseillers. Il permit de rétablir le culte d’Astarthé et des idoles, à la place du culte du vrai Dieu. En vain des prophètes firent entendre leurs voix. Le fils même de Joiada, Zacharie, ne fut pas écouté. Joas poussa l’ingratitude jusqu'à le faire lapider dans le Temple, crime qui suscita une horreur dont Notre-Seigneur lui-même évoque le souvenir. Matth., xxiii, 35 ; Luc, xi, 51. La même année, par un juste châtiment de Dieu, le roi de Syrie, Hazæl, monta contre le royaume de Juda, s’empara de Geth et serait arrivé jusqu'à Jérusalem, si Joas ne l’avait arrêté en lui envoyant tous les objets précieux qui avaient été consacrés dans le Temple par ses prédécesseurs et par lui-même, et tout ce que renfermaient le trésor du sanctuaire et le trésor royal.

Celte défaite et cette humiliation affectèrent profondément le roi. Les partisans de Joiada et de Zacharie reprirent courage et deux serviteurs de Joas, Zabad et Jozabad, se faisant les exécuteurs d’une haine générale,

regorgèrent dans son lit. Il laissa après lui un nom si maudit qu’on lui refusa l’honneur d’être enterré dans le tombeau des rois ; on se contenta de l’inhumer dans la cité de David. Joas avait régné quarante ans. Le dernier quart de son règne fut assez criminel et assez malheureux pour faire oublier les années de prospérité qui l’avaient commencé. IV Reg., xi, 1-xii, 21 ; II Par., xxii, 10-xxiv, 26. Joas fut contemporain du prophète Elisée et peut-être aussi du prophète Joèl. Son nom est omis, comme celui d’Ochozias et d’Amasias, dans la généalogie de Notre-Seigneur en saint Matthieu.

H. Lesêtbe.

1 4. JOAS, roi d’Israël (840-824 selon la chronologie ordinaire ; 798-783 selon la chronologie assyrieune). Il était fils de Joachaz, auquel il succéda la trente-septième année de Joas, roi de Juda. On eut ainsi pendant trois ans deux rois du même nom à la tête des deux royaumes divisés. Joas, roi d’Israël, suivit, comme ses prédécesseurs, les traditions du premier roi schismatique, Jéroboam ; il entretint son peuple dans les pratiques idolâtriques qui, lui semblait-il, étaient la sauvegarde de 1 autonomie d’Israël. Il fut néanmoins un prince énergique et habile, comme le prouvent les deux guerres qu’il entreprit et qui se terminèrent pourlui par des victoires. C’est sous son règne que mourut le prophète Elisée. Joas le visita pendant sa dernière maladie et reçut de lui, sous une forme symbolique, l’annonce des succès qu’il devait remporter contre les Syriens. Voir Elisée, t. ii, col. 1695. En effet, quand Hazæl mourut et que son fils Bénadad III lui succéda, Joas attaqua ce dernier, le battit à trois reprises et rentra en possession des villes qu’Hazaêl avait enlevées à son père Joachaz.

A Joas de Juda avait succédé son fils Amasias. Voulant entreprendre une campagne contre les Iduméens, ce dernier chercha à fortifier son armée en prenant à sa solde, pour cent talents d’argent, des guerriers d’Israël. C’est le seul exemple d’une armée mercenaire que nous offre l’histoire de cette époque. Un prophète l’engagea à renoncer à un pareil concours. Les guerriers d’Israël furent donc congédiés. Mais, bien que la solde déjà versée leur eût été laissée, ils se montrèrent fort courroucés du mépris qu’on semblait faire de leur valeur et, en retournant chez eux, ils pillèrent les villes de Juda, depuis Samarie jusqu’à Béthoron, et y tuèrent trois mille personnes.

Revenu victorieux de sa guerre contre les Iduméens, Amasias proposa à Joas une alliance ou une guerre : « Viens et voyons-nous ! » Joas répondit par le dédai-’gneux apologue du cèdre et du chardon (voir Apologue, t. ], col. 778) et ajouta : « Tu as battu les Iduméens et ton cœur s’enorgueillit. Jouis de ta gloire et reste chez toi. » Voir Amasias, t. i, col. 44^-445. Amasias insistant, Joas partit en campagne contre lui, le défit à Bethsamès et le fit prisonnier. Puis, il le reconduisit ironiquement à Jérusalem, dans les murs de laquelle il fit pratiquer une brèche de cent coudées, de la porte d’Éphraïm à la porte de l’Angle. Il laissa la vie et le trône à son rival ; mais il s’empara des quelques trésors du Temple qui restaient encore dans la maison d’Obédédom et de ceux qui se trouvèrent dans la maison du roi. Puis, emmenant avec lui des otages, il s’en retourna à Samarie. Dans cette campagne contre Juda, il fit preuve à la fois d’habileté et de modération. Joas ne régna que seize ans, mais son règne procura profit et gloire à Israël. Il fut enterré à Samarie, dans le tombeau de ses pères. IV Reg.,

xiii, 10-xiv, 16 ; II Par., xxv, 6-24.
H. Lesêtre.

5. JOAS, descendant de Sélah, de la tribu de Juda. La Vulgate n’a pas conservé son nom sous sa forme hébraïque, mais l’a appelé Secutiis, « ferme, » selon sa signification étymologique. Elle a traduit d’ailleurs également tous les autres noms propres du même verset. 1 Par., iv, 22. Voir Incendiaire, col. 864.

6. JOAS (hébreu : Yô’as), le second des neuf fils de Béchor, qui était lui-même le second fils de Benjamin et le petit-fils de Jacob. I Par., vii, 8. Son nom est différent en hébreu de celui des autres Joas.

7. JOAS, second fils de Samaa, de Gabaath, de la tribu de Benjamin. Avec son frère Athiézer, il alla se joindre à David pendant la persécution de Saùl et fut un de ses vaillants soldats. I Par., xii, 3.

8. JOAS, un des intendants du roi David. Il était chargé de la garde des approvisionnements d’huile.

I Par., xxvil, 28.

    1. JOATHAM##

JOATHAM (hébreu : Yô(âm ; Septante : 'la>âfa v), nom d’un roi de Juda et de deux autres Israélites. Celui du roi est écrit quelquefois Joathan et c’est aussi l’orthographe qu’a adoptée la Vulgate pour le troisième.

    1. JOATHAM##


1. JOATHAM, le plus jeune fils de Gédéon. Jud., ix, 5.

II réussit à échapper au massacre de ses soixante-neuf frères, égorgés par ordre d’Abimélech à Éphra, t. ii, col. 1869, et étant monté sur le mont Garizim, il annonça aux habitants de Sichem, par l’apologue des arbres (voir Apologue, t. i, col. 778), le sort que leur réservait la tyrannie du fils dénaturé de Gédéon qu’ils venaient de mettre à leur tête. Jud., ix, 7-20. Il s’empressa alors d’aller se réfugiera Béra 2, ꝟ. 21 (t. i, col. 1604) et l’on ne sait plus rien de son histoire.

    1. JOATHAM##


2. JOATHAM, onzième roi de Juda, depuis le schisme(757-741 avant J.-C, d’après la chronologie ordinaire ; 750-735, d’après la chronologie assyrienne). Il était fils d’Ozias. Quand celui-ci fut entré dans le sanctuaire, afin de brûler des parfums sur l’autel, et eut été frappé de la lèpre, pour s’être ingéré dans un ministère qui appartenait exclusivement aux prêtres, son fils Joatham dut lo remplacer dans l’accomplissement des fonctions publiques. Il prit le gouvernement du palais et jugea le peuple, pendant que le malheureux Ozias restait confiné dans une demeure écartée. Voir Ozias. Joatham n’eut pas à remplir longtemps son office de vice-roi, car il n’avait que vingt-cinq ans quand il commença à régner, à la mort de son père. Il fut un roi bon et pieux, comme avait été Ozias avant sa funeste ingérence dans le sanctuaire ; il eut soin de ne pas s’immiscer dans les fonctions réservées aux prêtres. II Par., xxvi, 16 ; xxvii, 2. Cependant, malgré sa piété, les hauts lieux continuèrent à subsister. Le peuple y offrait des sacrifices et des parfums et la perversion générale s’accentuait. C’est contre elle que protestèrent les prophètes qui se firent entendre du temps de Joatham, Isaie, i, 1, Osée, i, 1, et Michée, i, 1. — Joatham fut grand bâtisseur. Il construisit la porte supérieure du Temple. II Par., xxvii, 3. Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 2, parle de portiques et de vestibules élevés dans le Temple, de réparations aux parties en ruine des murs de la ville, auxquels furent ajoutées de grandes et fortes tours. Le texte sacré dit que ces derniers travaux furent exécutés sur la colline d’Ophel, au sud de la ville. II Par., xxvii, 3. Des cités furent encore bâties dans la montagne de Juda, et, dans les bois, des. châteaux et des tours. II Par., xxvii, 4. Le roi ne faisait d’ailleurs que continuer les entreprises de son père. II Par., xxvi, 9-10. — Joatham eut à faire la guerre contre le roi des Ammonites. Il le vainquit et lui imposa un tribut de cent talents d’argent, dix mille cors de froment et autant d’orge. Ce tribut lui fut payé pendant trois ans. De son temps, Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël, se préparèrent à envahir le royaume de Juda. Les fortifications, construites par Ozias et Joatham, avaient sans doute été élevées en prévision de cette inva. sion. Il ne paraît pas cependant que celle-ci se soit pro-I duite du vivant de Joatham ; ce fut son fils Achaz qui « ut à la subir. La faveur divine fut donc assurée en toutes choses à Joatham, en récompense de sa fidélité. Après un règne de seize ans, ii mourut et fut enseveli dans la cité de David. Il fleg., xv, 32-38 ; II Par.,

xxvii, 1-9.
H. Lesêtre.
    1. JOATHAN##


1. JOATHAN, orthographe du nom de Joatham, roi <le Juda, dans IV Reg., xv, 5, 7 ; I Par., iii, 2 ; v, 17 ; Is., i, 1 ; vii, 1 ; Ose., i, 1 ; Mich., i, 1. Voir Joatham 2.

    1. JOATHAH (voir Joatham)##


2. JOATHAH (voir Joatham), second fils de Johaddaï, êe la tribu de Juda. I Par., ii, 47.

JOB, nom, dans la Vulgate, d’un Israélite et du patriarche de la terre de Hus. Ils portent en hébreu un nom différent.

1. JOB (hébreu : Yôb ; Septante : ’Ao-oup ; Alexandrinus : ’Iao-ovip), troisième fils d’Issachar et petit-fils de Jacob. Gen., xlvi, 13. Dans I Par., vii, 1, il est appelé Jasub. Voir Jasub 1, col. 1144.

2. JOB (hébreu : av », ’Yôb, « adversaire ; » Septante : ’Lié), patriarche de la terre de Hus (fig. 271). Sa vie nous est connue seulement par le livre qui porte son nom et dont nous montrerons plus loin le caractère

271. — Job. D’après Fra Bartolommeo. Galerie des UfTizi à Florence. Voir aussi Blaie, The Book of Job, invented and engraved, in-f —, Londres, 1825.

3. JOB (LIVRE DE). — I. GENRE LITTÉRAIRE ET PLAN

sommaire. — 1° Poème didactique. — Le Livre de Job participe du drame, de l’épopée et du genre lyrique : il se historique. « Il y avait dans la terre de Hus un homme I rapproche du drame par sa forme dialoguée, sa strucappelé Job. Cet homme était pieux, juste, craignant I ture interne et les caractères bien soutenus des person offrait à Dieu des holocaustes pour ses enfants, dont la vie désœuvrée et dissipée lui causait des craintes. Satan, jaloux de sa vertu, qu’il attribue à l’égoîsme, jure d’en venir à bout et, dans une réunion des fils de Dieu (des anges) qui se tenait en présence de Jéhovah, il demande la permission de l’éprouver. Dieu y consent. Alors les calamités fondent sur le saint homme. Ses bœufs et ses ânesses sont emmenés dans une razzia de Sabéens ; le feu du ciel, la foudre, extermine ses troupeaux avec leurs gardiens ; les Chaldéens enlèvent à main armée ses chameaux et leurs conducteurs ; un ouragan renverse la maison où sont réunis ses dix enfants qui périssent dans les décombres. En recevant ces nouvelles, arrivées coup sur coup, Job fait cette sublime réponse : « Nu je suis sorti du sein de ma mère et nu je retournerai dans le sein (de la terre). Ce qu’il m’avait donné, le Seigneur l’a repris : béni soit le nom du Seigneur ! En tout cela, Job ne pécha point et ne dit rien d’insensé contre Dieu. » Job, i, 21-22. Sur une nouvelle permission d’en haut, Satan, furieux de sa défaite, se remet à l’œuvre. A Dieu, qui lui vantdit la patience inaltérable de Job, il avait dit : « Peau pour peau ; l’homme donnera tous ses biens pour conserver sa vie ; mais étendez la main, touchez ses os et sa chair et nous verrons s’il ne vous maudira pas en face. » Job, ii, 4-5. En conséquence, Job est frappé d’un mal terrible qui le rend à charge à lui-même et aux autres. Sa femme insulte à ses souffrances et lui conseille de blasphémer. Il est inébranlable. Trois de ses amis, venus pour le consoler, se tiennent en silence auprès de lui, sept jours et sept nuits durant, témoignant par leurs larmes et leur attitude quelle part ils prennent à sa douleur. Enfin, quand Job commence à exhaler ses plaintes ils sortent de leur mutisme. Une discussion s’engage où les amis cherchent à prouver que tous les maux terrestres sont le châtiment de crimes antérieurs, tandis que Job proteste avec énergie de son innocence et finit par réduire au silence ses interlocuteurs, sans cependant trouver lui-même le mot de l’énigme. Cette solution, autant que la raison humaine peut la découvrir, sera suggérée par un jeune assistant, EUti. Dieu termine le débat en distribuant des reproches aux trois amis, des éloges tempérés de blâme à Job. Celui-ci s’humilie devant le Seigneur, reconnaît sa présomption et promet d’en faire pénitence. Le bonheur rentre dans sa maison ; ses nombreux amis lui apportent à l’envi des présent ? ; sa fortune d’autrefois s’accroît du double. Il possède à la fin quatorze mille brebis ou chèvres, mille paires de bêtes à corne, mille ânesses. Il eut sept fils et trois filles : l’une d’elles s’appela Yemîmâh (Vulgate : Dies), col. 1248, la seconde, Qeçi’âh (Vulgate : Cassia), t. ii, col. 337, la troisième, Qérén hap-pûk (Vulgate : Coimu stibii, « Corne d’antimoine » ), t. ii, col. 1012. Job vécut encore cent quarante ans et il vit ses petits-fils jusqu’à la quatrième génération. Une addition apocryphe à la traduction grecque des Septante identifie faussement Job avec le roi édomite Jobab. Voir Jobab 2, col. 1579. — Sur la patrie de Job, voir Hus (Terre be), t. iii, col. 782-783. — Sur la maladie de Job voir Éléphantiasis, t. ii, col. 1663. — Sur le fumier de Job voir Cendre, t. ii, col. 407, 3° ; Vigouroux, Manuel biblique, ll’édit., 1902, t. ii, p. 293. F. Prat.

Dieu et fuyant le mal. Il avait sept fils et trois filles ; et sa fortune comprenait sept mille têtes de menu bétail ( ?ô’n), trois mille chameaux, cinq cents paires de gros bétail (bâqâr), cinq cents ânesses et de très nombreux serviteurs. C’était le plus grand (le plus puissant et le plus riche) des Orientaux. » Job, i, 1-3. Chaque jour il

nages ; les parties en prose, épilogue et prologue, lui donnent un faux air de poème épique ; enfin, certains discours des trois amis, d’Éliu, de Job, surtout de Dieu, atteignent au lyrisme le plus sublime. Cependant, à proprement parler, le livre de Job n’est pas un drame, car il manque de ce qui est essentiel au drame, c’est-à

dire une intrigue que les événements embrouillent d’abord, puis dénouent ; ce n’est pas davantage une épopée, car la narration, très brève par rapport au reste, n’est pas le fond du poème, mais seulement un complément accessoire quoique essentiel ; de même l’expression lyrique des sentiments n’est pas le but de l’auteur, elle n’est que l’effet spontané de son éloquence naturelle, de son exubérante imagination et de la facilité avec laquelle il s’identifie à ses personnages. Job est la production puissante d’un génie créateur, une œuvre littéraire grandiose qu’il serait oiseux et puéril de vouloir ramener aux règles édictées par Aristote, ou faire rentrer dans quelqu’un des genres usités chez les littérateurs indo-européens. Tout ce qu’on peut dire, c’est que l’écrivain se propose avant tout d’instruire et que son ouvrage appartient, par là même, au genre didactique.

Beauté littéraire.

On est unanime à l’admirer. « La langue du livre de Job est l’hébreu le plus

limpide, le plus serré, le plus classique. On y trouve toutes les qualités du style ancien, la concision, la tendance à l’énigme, un tour énergique et comme frappé au marteau, cette largeur de sens éloignée de toute sécheresse, qui laisse à notre esprit quelque chose à deviner, ce timbre charmant qui semble celui d’un métal ferme et pur. » Renan, Le livre de Job, étude prélim., in-8°, Paris, 1859, p. xxxvi. Cornill, Einleitung, 4e édit., in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 233, appelle Job 6 la couronne des livres sapientiaux, une des plus merveilleuses créations de l’esprit humain ». Tout y décèle, avec une puissance et une richesse de conception extraordinaires, un art consommé qui s’étend jusqu’aux moindres détails. Les caractères, par exemple, sont parfaitement soutenus. Éliu est jeune, impétueux, diffus, plein de pensées qui s’embarrassent mutuellement et ne trouvent pas d’expression adéquate ; avec cela, sensé, bienveillant, généreux. Les trois amis de Job, dont le rôle est presque identique, ne se ressemblent pourtant pas et représentent trois nuances bien tranchées. Éliphaz est âgé, grave, jaloux de sa réputation de sagesse héréditaire ; mais la contradiction l’offense, l’irrite et le fait sortir de lui-même. Baldad est d’âge moyen, riche et bien né, présomptueux et arrogant ; il ne fait guère que répéter les raisons du précédent, en y ajoutant cependant de beaux développements poétiques. Sophar est fougueux, emporté, loquace, insolent, emphatique, sûr de lui, comme il sied à un jeune homme. — La forme est si imagée, le tour si vif, la pensée si noble, le ton si éloquent, que ce dialogue, stationnaire pour ainsi dire, ne cause au lecteur aucune fatigue.

Divitiondu livre.

Voici maintenant la structure

extérieure et pour ainsi dire le squelette du poème. Il comprend : 1° un Prologue (en prose). — Prospérité et épreuves de Job, i-n ; 2° le Dialogue de Job et de te* trois ami*, m-xxzi, qui forme la majeure partie du livre et renferme : 1. le prélude : Plaintes de Job, iii, et S. multiple discussion entre Job et ses amis. I— diia.ittion. — a) Discours d’Éliphaz, iv-v, et réponse de Job, vi-vn. — b) Discours de Baldad, viii, et réponse de Job, ix-x. — c) Discours de Sophar, xi, et réponse de Job, xii-xrv. — // discussion. — a) Reprise d’Éliphaz, xv, et réplique de Job, xvi-xvii. — 6) Reprise de Baldad, xviii, et réplique de Job, xix. — c) Reprise de Sophar, xx, et réplique de Job, xxi. — /// ditcuttion. — a) Dernier assaut d’Éliphaz, xxii, repoussé par Job, xxiii-xxiv.

— b) Quelques mots de Baldad, xxv ; Job riposte, xxvi.

— c) Monologue de Job, xxvii-xxxi. — 3° Intervention d’Éliu, xxxii-xxxvii. — 4° Théophanie et discourt de Jéhovah, xxxviii-xli. — 5° Épilogue (en prose). Les trois amis sont blâmés et Job est récompensé, xi.n.

II. Cakonicité, autorité. — 1° Place dans le canon.

— Aucun doute ne s’étant jamais produit, ni parmi les Juifs ni parmi les chrétiens, sur la canonicité du livre

de Job, il est superflu d’insister sur ce point. — La place occupée par le livre de Job dans le canon est très variable. Dans la Bible hébraïque, il fait partie des Hagiographes (Kefûbîm) et suit les Psaumes, quand ceux-ci viennent après un autre livre des Kefûbim, ou bien les Proverbes, quand les Psaumes commencent la série. En grec. Job précède maintenant les Psaumes et suit immédiatement les livres historiques ; il en est de même en latin, dans l’édition officielle de la Vulgate, mais les manuscrits anciens, tant grecs que latins, lui donnent comme d’ailleurs aux autres livres, les places les plus diverses. Voir, pour les manuscrits hébreux et grecs Ryle, The Canon of the Old Testament, in-8°, Londres, 1892, p. 281 ; pour les latins, S. Berger, Hittoire de la Vulgate, in-8°, Paris, 1893, p. 331-339. Chez les Syriens Job venait après le Pentateuque.

Caractère historique de Job.

L’opinion mentionnée

dans le Talmud (Baba bathra, t » 15), que c Job n’a jamais existé et n’est pas un être réel mais une parabole », ne fut jamais dominante même parmi les Juifs, aussi cette affirmation fut-elle plus tard modifiée ainsi : c Job n’a existé que pour être une parabole. » Tous les Pères, sans exception, regardent Job comme un personnage historique. Ils en ont pour garant l’Écriture même. Ézéchiel, xiv, 14, 20, range Job, à côté de Noé et de Daniel, au nombre des saints dont les vertus seraient impuissantes à conjurer le courroux divin. Pour ne rien dire de Tobie, ii, 12-15, où Job n’est nommé que dans la Vulgate, saint Jacques, v, 11, écrit aux fidèles : i Vous avez entendu (raconter ou lire) la patience de Job et vous avez vu quelle fin le Seigneur (mit i ses épreuves), car le Seigneur est clément et miséricordieux. » Aussi l’Église latine fait-elle mention de Job au martyrologe, le 10 mai, et l’Église grecque le 6 mai. Cf. Acta sanetorum, maii t. ii, p. 492 ; pour les textes des Pères, cf. Knabenbauer, Commentar, 1888, p. 12-13.

Vérité historique du Livre de Job.

Si tout le

monde à peu près s’accorde à reconnaître l’existence réelle de Job, les protestants sont très divisés sur la valeur historique du livre. Les uns n’y voient qu’un pur roman (Reuss, Hengstenberg, Merx) ; d’autres y découvrent un noyau historique assez léger (Cheyne, Budde) ; d’autres encore augmentent un peu la dose d’histoire, tout en laissant prédominer la fiction (Delitzsch, Driver, Davidson, etc.). — Il est clair que Job et ses amis ne parlaient point en vers et il n’est pas probable qu’un dialogue improvisé, reproduit tel quel, présentât cet ordre, cette régularité de plan, cet enchaînement admirable dans le développement du sujet. Une conversation n’est pas une thèse, ni une suite de monologues. Aussi, depuis Huet, les interprètes catholiques admettent-ils sans difficulté c que Job et ses amis n’ont prononcé que le fond du discours qu’on leur met â la bouche et quela diction [entendue dans le sens le plus large] appartient à l’auteur sacré ». Le Hir, Le Livre de Job, in-8°, Paris, 1873, p. 232. La part exacte de l’auteur reste impossible à déterminer. Saint Thomas, Expotit. in Job, Opéra, Parme, t. xiv, p. 126, pense que la théophanie peut n’avoir été qu’une révélation intérieure projetée au dehors. À plus forte raison, la scène où Satan est représenté dans le conseil de Dieu est-elle dramatisée, pour mettre en relief cette double vérité que le démon est jaloux de la vertu de l’homme, mais qu’il ne peut le tenter sans la permission de Dieu. Tout le monde accorde aussi que les chiffres exprimant la fortune de Job, soit avant soit après l’épreuve, sont des nombres ronds. Il y a également, on ne doit pas le méconnaître, dans le récit des malheurs fondant coup sur coup sur le saint homme, un procédé artificiel que l’on peut ne pas prendre à la rigueur de la lettre. Quatre fois, un serviteur, le seul échappé au désastre, vient porter son triste message, juste au moment où le précédent achève de s’acquitter du sien. Néanmoins, comme il s’agit d’événements sur

naturels, l’objection n’est pas péremptoire. Il faut en dire autant des autres difficultés soulevées par les rationalistes : le miracle admis, les impossibilités s'évanouissent ; il convient seulement, selon l’axiome théologique, de ne pas multiplier les miracles sans nécessité.

Autorité relative des diverses parties.

i. Ce

livre étant canonique, c’est-à-dire inspiré, on doit regarder comme divin tout ce que l’auteur dit lui-même ou fait dire à Dieu : soit le prologue et l'épilogue, avec le discours de Jéhovah, i-ii ; xxxviii-xlii. — 2. L’examen du poème montre que l’auteur met ses pensées dans la bouche d'Éliu. Ce dernier parle après tous les autres, pour donner une solution nouvelle que personne ne réfute, que personne ne conteste. Job semble en être satisfait, puisqu’il n’y répond pas ; Dieu n’y trouve rien à reprendre. Dans ces conditions, le discours d'Éliu doit être regardé aussi comme d’autorité divine, xxxii-xxxvii. — 3. Pour les autres interlocuteurs, la question est plus délicate. On ne peut guère qu’appliquer ce principe général : dans un drame ou dans un dialogue, l’auteur approuve et fait sien ce dont tous les interlocuteurs conviennent et qui est ainsi placé hors de toute controverse ; par exemple, ici, le dogme de la providence, de la bonté, de la sagesse, de la toute-puissance, de la science infinie de Dieu. — 4. Job est repris par Éliu, xxxiii, 8-12, et par Dieu, xxxviii, 2, et il se blâme luimême, xxxix, 33-35 (xl. 3-5) ; xlii, 3, mais peut-être le reproche et le désaveu portent-ils moins sur le fond que sur la manière. Ses plaintes sont excessives, ses paroles inconsidérées, ses apostrophes trop violentes ; mais la thèse qu’il soutient est juste et, en définitive, Dieu lui donne raison. C’est pourquoi plusieurs Pères allèguent sans difficulté, comme témoignage scripturaire, les paroles de Job. S. Augustin, Ad Oros. contra Prise, et Orig., 9, t. xlii, col. 676 ; S. Jérôme, Contra Pelag., Il, 4, t. xxiii, col. 563. En tout cas, le danger d’erreur doit être limité aux assertions contestées jusqu’au bout par les amis ou désapprouvées par Dieu et par Éliu. — 5. Restent les trois amis contre lesquels « s’allume le courroux de Dieu pour n’avoir pas proféré des paroles de vérité comme Job », xlii, 7. II ne s’ensuit pas que tout soit faux dans leurs discours. Saint Paul, I Cor., iii, 19, cite un mot d'Éliphaz, avec un passage des Psaumes, sous la formule ordinaire des citations bibliques : « Car il est écrit : Je prendrai les sages dans leur ruse ; » texte emprunté à Job, v, 13. Mais l’Apôtre a qualité pour discerner infailliblement ce qui, dans ces discours mêlés de vrai et de faux, a la sanction de l’auteur inspiré et, par conséquent, de Dieu. Quoi qu’en pense saint Augustin, Ad Oros., 9, t. xlii, col. 676, ce discernement est souvent difficile à tout autre.

III. État dd texte, versioks, métrique. — Dans ces dernières années, le texte du livre de Job a été l’objet de nombreux travaux. Les critiques sont généralement d’avis que la conservation du texte est satisfaisante, surtout pour un écrit si difficile à comprendre. Outre les commentateurs, ont surtout travaillé à rétablir le texte, avec des critères fort différents : A. Merx, Das Gedicht von Hiob, 1871, Iéna, p. lvii-lxxxviii ; F. Hitzig, Das Buch Hwb, Leipzig, 1874 ; G. H. Bateson Wright, TheBook ofJob, Londres, 1883 ; C. Siegfried, The Book of Job (Bible polychrome), Leipzig, 1895 ; G. Béer, Der Text des Bûches Hiob, Marbourg, 1895 et 1897 ; enfin Bickell et Ley dans les ouvrages mentionnés plus loin. Les principaux secours pour la restitution du texte primitif sont, avec le sens et le contexte, les versions et la métrique. 1° Versions.

Celles qui dérivent du grec, telles que

l’italique, la syriaque et la copte, nous aident seulement à rétablir le texte des Septante. La Vulgate, dont tout Je monde s’accorde à reconnaître les grands mérites, représente un original très voisin du texte actuel. Elle permet cependant de faire quelques corrections de détail. Cf. Kaulen, Einleilung, 3e édit., Fribourg-en Brisgau, 1890, p. 304. — Par contre, les Septante s'éloignent notablement de la recension massorétique. Plusieurs passages ressemblent moins à une traduction qu'à une paraphrase. Il y a surtout des omissions nombreuses, évaluées par saint Jérôme, Prsefat. in Job, t. xxviii, col. 1080, à sept ou huit cents stiques (versus), et par Hésychius ou l’auteur, quel qu’il soit, d’un ouvrage inédit intitulé Hypothèses in libros sacros, dans G. Bickell, De indole ac ratione versionis Alexandrinse in interpretando libro Jobi, Marbourg, 1862, p. 30, à six cents stiques, sur 2200 que contient le livre entier de Job. Origène, Epist. ad Afric, t. xi, col. 55, témoigne qu’il a dû suppléer souvent, d’après l’hébreu, trois, quatre, et même quatorze ou seize et jusqu'à dix-neuf stiques qui manquaient à la version des Septante. Avant d’entreprendre sa traduction sur l’hébreu, saint Jérôme avait ajouté à l’ancienne version, en les notant d’un astérisque, les passages omis ; c’est l'édition dont saint Augustin fit usage, sans tenir compte des signes diacritiques. Ces signes ont disparu de presque tous les exemplaires et n’ont été conservés que dans deux manuscrits grecs (Colbert 1952 de Paris, et Vatic. 346), deux manuscrits latins de la correction de saint Jérôme (codex de Marmoutiers édité par Martianay et réimprimé par Migne, t. xxix, col. 59-114, et un manuscrit de la Bodléienne, cod. Lat. 24 26), enfin le texte sj ro-hexaplaire de l’Ambrosienne (édité en phototypie, par Ceriani, Milan, 1874). Plus tard, Ma r Bsciai a découvert à Rome, dans la bibliothèque du musée Borgia, une traduction copte-sahidique de Job, sans les additions hexaplaires, éditée par Ciasca (Sacror. Bibl. fragmenta CoptoSahidica Musei Borgiani, Rome, 1889, t. II). Ciasca évalue les omissions des Septante à 376 stiques, Bickell à 373, Dillmann à 400. C’est presque le cinquième du livre. Il est donc extrêmement important de savoir quelle est la valeur de la version grecque et quel parti on en peut tirer pour la critique du texte. — E. Hatch, Essays xii Biblical Greek, Oxford, 1889, a défendu les Septante avec plus de conviction que de bonheur. Il a été appujé par G. Bickell, Das Buch Hiob nach Anleitung der Strophik und der Septuagmta, Vienne, 1894, jadis très défavorable aux Septante. Ces deux savants sont à peu près seuls de leur avis et à juste titre. En effet, un examen attentif montre que : 1. Le traducteur grec rendait le texte de façon très lâche ou passait simplement ce qu’il ne comprenait pas. — 2. Il omettait, de parti pris, tout ce qui lui paraissait faux, blasphématoire, injurieux à la providence. — 3. Il n’a aucun sentiment du parallélisme poétique et.fond souvent en un deux hémistiches. — 4. Il se propose manifestement d’abréger. Dans les quatre premiers chapitres, pas d’omissions ; dans les dix suivants, presque pas ; les suppressions commencent en grand au second ejele de discours, quand les interlocuteurs, reprenant la parole, répètent plusieurs de leurs arguments. Le rôle d’jiliu est particulièrement maltraité : on devine pourquoi. Au contraire, les discours de Dieu sont respectés. — Dans ces conditions, il serait téméraire de s’autoriser trop facilement des Septante pour corriger ou pour mutiler le texte hébreu et la Vulgate.

Métrique de Job.

Les lois de la poésie hébraïque, si elles étaient exactement connues, rendraient

d’immenses services au critique. Malheureusement, les innombrables études sur la nature des vers hébreux, en particulier dans le livre de Job, ne font que se réluter et se détruire les unes les autres. On convient que la poésie diffère de la prose, non seulement par le style et par le parallélisme des membres, mais encore par un rythme, sensible à l’oreille la moins exercée. Mais quand il s’agit de spécifier, les auteurs se partagent entre trois systèmes principaux, dont l’un, presque abandonné aujourd’hui, pèse les syllabes (comme en grec, en latin, en arabe), tandis que le second les

compte (comme en français, en syriaque, en persan), et que le troisième, ne considère que l’accent. — Se sont occupés ex professo de la métrique de Job : Meri, Das Gedicht von Hiob, Iéna, 1871 ; Bickell, Cartnina Vet. Testant, melrice, Inspruck, 1882, outre un grand nombre d’articles dans la Zeitschrift fur kathol. Theol. et dans la Wiener Zeitschrift fur die Kunde des Morgent andes, où il a notablement modifié son premier système ; Ley, Die metrische Beschaffenheit des Bûches Hiob, dans les Theologischen Studien und Kritiken, Gotha, 1895, p. 635 ; 1897, p. 7 ; Grimme, Metrisch-kritische Emendationen zum Bûche Hiob, dans la Tùbinger Theol. Quarlalschrift, Ravensburg, 1898, p. 100. Voir, pour l’exposé des systèmes et la bibliographie complète, J. Doller, Rhythnius, Metrik und Strophik in der biblisch hébr. Poésie, Paderborn, 1899. Plusieurs érudits estiment que le rythme hébreu est quelque chose de sut generis, dont il faut renoncer à trouver le pendant dans les autres littératures. Vetter, Die Metrik des Bûches Job, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 57-60, a spécialement étudié le vers de Job ; il le fait consister en une certaine disposition de coupes ou césures sans un nombre fixe de syllabes. Tout vers comprend deux ou trois césures principales qui en font un distique ou un tristique. Le stique, à son tour, est partagé en deux par une césure secondaire. Les césures, tant principales que secondaires, correspondent à une pause. L’intervalle entre deux césures forme un groupe tonique, dominé par un seul accent principal. Les autres règles sont assez compliquées. Budde, Dos Buch Hiob, Gœttingue, 1896, p. v, exprime des doutes sur la valeur de tous les systèmes proposés. En somme, en dehors du parallélisme, la nature du vers hébreu et la division strophique des poèmes nous sont encore trop peu connues pour servir bien utilement à la correction et à la reconstitution du texte.

IV. Age et auteur du poème.

1° Opinions diverses.

— Il n’est point de livre dans l’Écriture dont la date ait donné lieu à des opinions plus discordantes.’Tandis que les uns le font remonter jusqu’aux temps de Moïse, les aiftres le font descendre jusqu’à l’époque des Machabées. On renonce aujourd’hui à chercher le nom du poète, car aucun indice ne permet de le reconnaître, ni même de le deviner avec quelque vraisemblance. Autrefois on désignait Moïse, ou Salomon, ou Job lui-même, ou Éliu, ou un ami de Job, ou Isaie (Godurc), ou un Iduméen anonyme (Grotius). Voir Knabenbauer, Comment, in Job, Paris, 1886, p. 14. De nos jours, tout l’effort de la controverse se porte, non sur l’attribution, mais sur l’âge approximatif du poème ; sans résultats bien décisifs, il faut en convenir. L’origine mosaïque, malgré le nombre et la valeur de ses anciens défenseurs, doit être définitivement abandonnée. Cf. Cornely, Introductio, Paris, 1887, t. ii, part. II, p. 48. Au sujet de la date probable, la plus grande variété d’opinions règne parmi les critiques. Dans l’impossibilité de les énumérer toutes, contentons-nous d’indiquer les principales. — Driver, Introduction, 4e édit., Edimbourg, 1892, p. 405, estime que ce livre ne peut guère être antérieur à Jérémie et date probablement du temps de la captivité. Les preuves qu’il en donne sont les suivantes : 1. Connaissance de la Loi, qui semble se trahir çà et là, xxii, 6 ; xxiv, 9 (gages) ; xxii, 27 (vœux) ; xxiv, 2 (bornes) ; xxxi, 9-11 (procédure). — 2. État social avancé, hiérarchie, XXX, 1-8 ; la porte où se traitent les affaires publiques, xxix, 7 ; xxxi, 21. — 3. La période de foi aveugle a fait place au doute, à la discussion, à la spéculation. — 4. État de misère et de désordre général. Il est question de nations détruites, de peuples exilés, xii, 17. — 5. La perfection de la forme, la puissance du souffle poétique, le développement ordonné et progressif d’une idée supposent un âge de haute culture littéraire. — 6. La forme développée de la morale et de la théodicée. En dehors de Job, Satan n’est nommé que dans Zach., iii, 1-2, et dans I Par.,

xxi, 1. — 7. Le vocabulaire contient un mélange de mots araméens et quelques arabismes. Tout cela indique, d’après lui, une époque à peu près contemporaine du second Isaïe. — Cornill, Einleituny in das A. T., 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 239-241, sans s’arrêter à une date précise, prétend que le livre de Job doit être : 1. postérieur à Jérémie, parce que Job, iii, dépend de Jer., xx, 14-18 ; — 2. postérieur à Ezéchiel, car si Ezéchiel avait connu Job il n’aurait pas pu écrire son chapitre xviii ; — 3. postérieur aux Proverbes, car Job, xv, 7, suppose Prov., viii, 25. — Kautzsch, Abriss der Geschichte des alttesm. Schrifttums, Leipzig, 1897, p. 181, place, avec un point d’interrogation, la composition de Job, en regard de l’année 332. — Budde, Dos Buch Hiob, 1896, p. xxxix-xlvi, après avoir critiqué assez longuement les autres opinions, se prononce, comme Kuenen, pour l’année 400. — Duhm, Das Buch Hiob, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. ix, opine pour la première moitié du Ve siècle. Plusieurs des arguments de Driver et de Cornill portent à faux, d’autres sont peu concluants.

Date probable.

Faute d’indices plus certains, on

en est réduit à la déterminer d’après le style et par la comparaison avec les autres écrivains dont l’âge est connu ; or, on sait combien ces appréciations sont délicates, subjectives et partant sujettes à l’erreur. Les rapports du livre de Job avec les autres livres sont nombreux, mais le plus souvent il s’agit de pensées ou d’expressions que deux auteurs peuvent fort bien avoir trouvées indépendamment. On pourrait presque reconstruire la troisième lamentation, par exemple, avec des fragments de Job, cf. Royer, Die Eschatologie des Bûches Job, Fribourg-en-Brisgau, 1901, p, 57-65 : cela tient surtout à l’analogie du sujet. La comparaison avec les Psaumes, assez curieuse parfois, ne mène à rien d’assuré, soit parce que la date du Psaume est douteuse, soit parce que le rapport de dépendance n’est pas établi. Il y a entre les deux parties d’Isaie et Job des coïncidences frappantes : Job, iii, 8 ; XL, 25, et Is., xxvii, 1 (Léviathan) ; Job, xx, 16 ; XL, 15, et Is., xxx, 6 (Béhémoth et la Vipère) ; Job, xxvi, 12-13, et Is., li, 9-10 (Rahab le Dragon) ; Job, ix, 23, et Is., xxviii, 18 (le Fléau). Comparez encore : Job, xii, 14, et Is., xxii, 22 ; Job, xiv, 2, et Is., xl, 6-8 ; Job, xiv, 11, et Is., xix, 5 ; Job, xix, 8, 12, etls., xxix, 3 ; Job, xxx, 26, et Is., lix, 9. Il est cependant impossible de dire de quel côté est la priorité ; on peut seulement soutenir que les deux écrivains respiraient la même atmosphère intellectuelle ; mais la différence est grande entre eux : l’auteur de Job est psychologue et se plaît dans l’examen des difficultés et des antinomies, tandis qu’Isaie est surtout théologien et contemple les contradictions apparentes du haut des principes les plus élevés. Les rapports de Job et de Jérémie méritent plus d’attention. Comparez surtout : Job, iii, 3-13, , 20-22 ; x, 1819, et Jer., xx, 14-18 ; Job, xxr, 7-15, et Jer., xii, 1-4 ; Job, xxix, 12-20, et Jer., xxii, 3-4, 15-16 ; Job, xxxi, 24-25, et Jer., xv, 10, 15-16. La comparaison est toute à l’avantage de l’auteur de Job. Ses tableaux sont tracés avec une sûreté de main, une vigueur de pinceau et une originalité d’invention qui ne trahissent en rien l’imitateur. Et s’il faut qu’il y ait réminiscence d’un côté ou de l’autre, il sera toujours beaucoup plus naturel de la mettre du côté du prophète qui, comme on sait, doit tant à ses devanciers. — Le chapitre XXVm de Job, qui renferme le célèbre éloge de la sagesse, rappelle Prov., i-ix, et Baruch, iii, 9-iv, 4, dont le sujet est identique. On peut rapprocher avec intérêt Prov., iii, 13-15 ; viii, 10-11, de Job, xxviii, 15-19, mais aucune conclusion n’en ressortira nettement sur la date relative des deux passages en question. — Il faut donc se contenter de soutenir que le livre de Job appartient à l’âge d’or de la littérature hébraïque. Seulement cet âge d’or couvre une assez longue période et l’on ne voit pas de quel droit on en

exclurait l’époque d’Isaïe. Mais on a autant de peine à s’imaginer notre auteur contemporain de Jérémie ou d’Ezéchiel qu’à placer, par exemple, Joinville au xviie siècle ou Bossuet au xrxe. « Un homme qui a quel . que tact et qui est versé dans la littérature hébraïque ne pourra jamais se persuader qu’une poésie si originale et si sublime appartienne à un temps où le dépérissement de la langue et l’état dégénéré du peuple n’ont produit, au point de vue littéraire, que de pâles reflets des anciens et une poésie généralement médiocre. » Le Hir, Le livre de Job, 1873, p. 240. On fixera donc la composition de Job entre Salomon et Ezéchias. Beaucoup d’auteurs préfèrent le début da cette période et regardent l’auteur de Job comme contemporain de Salomon : S. Grégoire de Nazianze, Orat., xix, 5, t. xxxv, col. 1061 ; S. Jean Chrysostome, Synopsis, t. lvi, col. 362, les catholiques Cornely, Knabenbauer, Welte, Danko, Kaulen, Vigouroux, Zschokke, Lesêtre, etc. ; les protestants Havernick, Hahn, Frd. Keil, Schlottmann, Frz. Delitzsch, etc.

V. Unité d’auteur, intégrité. — D’après certains critiques, le noyau primitif du livre, beaucoup plus réduit que le poème actuel, se serait accru peu à peu par d’importantes interpolations. Siegfried, par exemple, The Book of Job, Leipzig, 1893 (Bible polychrome), sépare du poème les parties suivantes : 1. Interpolations polémiques dirigées contre la tendance du poème : vii,

— 1-11 ; xiv, 1-2, 6-12, 13-22 ; xxviii, xxxii-xxxvii. —

2. Corrections destinées à rendre la doctrine orthodoxe ; xii, 7 ; xiii, 1 ; xxi, 16-18 ; xxiv, 13-24 ; xxvii, 7-23. —

3. Doublets ou compositions parallèles : xii, 4-6, XVII, 11-16 ; XL, 6 ; xiii, 6 : — 1° Prologue et épilogue, i-ii, xlh, 7-17. — Ces deux parties soni regardées comme interpolées par Stuhlmann, Bernstein, Knobel, Studer et Cheyne (au moins l’épilogue). On a quelque peine à concevoir leurs raisons. Sans le prologue, le poème est, non seulement incomplet et mutilé, mais totalement incompréhensible. On ne connaît ni la cause des plaintes de Job, ni le motif de la présence des trois amis, ni le sujet de la discussion ; on ignore en un mot tout ce qu’il faudrait savoir pour s’intéresser au débat et en suivre le fil. À première vue, l’épilogue est moins indispensable ; néanmoins le lecteur s’attend à un dénouement et il serait déçu s’il n’apprenait ce qu’il advint du juste éprouvé. Aussi les critiques les plus avancés (Driver, Cornill, Siegfried, etc.) sont-ils maintenant favorables à l’authenticité. Du moins admettent-ils, comme Budde et Duhm, que le poète a connu le récit en prose, appelé par eux livre populaire ( Volksbuch) ; et l’a pris pour base de son travail. — 2° D’autres contestent le caractère primitif de xxvii, 11-xxviii, 28, sous prétexte que Job y abandonne sa thèse pour embrasser celle de ses amis. Mais, cette objection reposant sur une erreur d’exégèse, l’analyse du poème suffit à la résoudre. — 3° On a dit que XL, 15-xli, 26 (béhémoth et léviathan), n’est qu’une amplification oiseuse de ce’qui précède. En réalité, cette description ne répète rien ; elle est en gradation avec le reste et, si on la supprime, le second discours de Dieu ne comprendra que huit versets assez insignifiants, XL, 7-14 : ce qui est inadmissible. — 4° Presque toute la controverse se porte aujourd’hui sur le discours d’Éliu, xxxi, xxxvii, déclaré interpolé après coup par la plupart des critiques protestants et rationalistes. Comme ils en appellent surtout à la valeur cumulative de leurs arguments, nous allons les exposer en bloc. — l. Manque de liaison avec le reste. — Éliu n’est mentionné ni dans le prologue ni dans l’épilogue. Job ne lui répond pas. Jéhovah répond à Job par-dessus le discours d’Éliu et sans en tenir compte. — 2. Forme du discours. — Sous le rapport de la langue, de la pensée, de l’art, les discours d’Éliu sont fort inférieurs au reste du poème. Contrairement aux autres interlocuteurs, Éliu parle de Job à la troisième personne, au lieu de s’adresser directement à

lui. — 3. Sujet du discours. — Éliu n’ajoute rien d’essentiel aux raisons des trois amis. Ce qu’il peut ajouter n’est pas en rapport avec la solution de l’auteur. La harangue d’Éliu déflore le discours de Jéhovah et le rend à peu près superflu ; elle va droit contre les idées du poète, savoir que la souffrance du juste est un mystère. Telles sont les raisons accumulées par Stuhlmann, Eichhorn, Delitzsch, etc., et bien résumées par Driver, Introd. to the Liter. of the O. T., 4e édit., 1892, p. 403405, qui les fait siennes. — La réponse à ces difficultés est aisée. Pour qu’on ne l’accuse pas de parti pris, nous l’empruntons à deux critiques peu suspects, Cornill, Einleitung in dos A. T., 4e édit., 1896, p. 235-238, et Budde, Dos Buch Hiob, 1896, p. xvii-xxi. — 1. L’auteur n’avait aucun motif de nommer Éliu dans le prologue, où il n’a point affaire. Il est introduit en son

lieu et suffisamment annoncé par la mention répétée

d’un auditoire assistant aux débats, xvii ; 9, xviii, 2 ; xxx, 1. Job n’avait pas à lui répondre, puisque, dans l’intention du poète, l’analyse en fait foi, Éliu a raison. Dieu, pour la même cause, n’avait ni à le blâmer ni à l’approuver : l’approbation ressort du dialogue même. — 2. Éliu parle de Job à la troisième personne parce qu’il ne le prend pas seul à partie ; il en veut aussi aux trois amis, qui n’ont pas su prouver leur thèse. Voilà pourquoi il s’adresse aux spectateurs et les fait juges de ses raisons. On ne peut nier, qu’au point de vue du style et de la diction, le rôle d’Éliu ne soit moins achevé. Mais ce manque de fini peut être intentionnel. L’auteur a partout grand soin de faire parler ses personnages selon leur âge, leur rang, leur caractère. En mettant en scène cet impétueux adolescent, ne lui a-t-il pas prêté à dessein des discours prolixes, un ton emphatique, des raisonnements embrouillés ? D’ailleurs le lexique de ce morceau n’a rien de bien spécial. Après une étude approfondie, Budde, Beitrâge zur Erklârung des Bûches Uiob, 1876, est arrivé à cette conclusion : Au point de vue linguistique, l’authenticité du discours d’Éliu demeure très possible. Cornill et Wildeboer souscrivent pleinement à ce verdict ; Kuenen lui-même déclare que l’objection tirée du style est désormais bien affaiblie. En continuant à étudier Job, Budde a remarqué que toute la seconde moitié, xxii-xli (à l’exception des chapitres xxix, xxxi, xxxviii et xxxix), est beaucoup moins soignée que la première. Il attribue ce fait à deux causes : a) La fatigue de l’auteur qui se traduirait par des négligences, des obscurités, des répétitions. Les chapitres exceptés ci-dessus, qui forment des épisodes indépendants, auraient pu être composés plus tôt et insérés ensuite dans le poème. 6) Le mauvais état du texte, dont la seconde moitié a beaucoup plus souffert aux mains des copistes et des critiques, témoin les Septante, que la première. Le discours d’Éliu regardé comme moins important a particulièrement souffert. — 3. L’analyse montrera que les objections rangées sous le troisième chef n’ont rien de fondé. Ce qu’Éliu ajoute aux discours des amis c’est la vraie cause des souffrances, que les amis ne soupçonnent pas. La harangue d’Éliu n’est pas rendue inutile par l’intervention de Jéhovah car Jéhovah n’explique pas la raison de la souffrance, mais enseigne à l’accepter avec résignation, même si l’on n’en voit pas la raison, parce que cette raison doit exister. Enfin, supposer que la solution d’Éliu est contraire à celle du poète c’est admettre a priori et sans la moindre preuve que le poète est un sceptique, dont l’unique but est de montrer que le problème agité par lui ne comporte pas de solution : idée aussi contraire à la vraisemblance qu’à la tournure d’esprit des Sémites.

VI. Exégèse.

Sens littéral.

Le livre de Job

étant un dialogue, il faut lui appliquer les règles d’interprétation propres au dialogue ; car l’inspiration ne change pas la nature d’une œuvre littéraire. Or, dans un dialogue, la pensée de l’auteur ressort du conflit

d’idées échangées entre les interlocuteurs. Parfois l’écrivain fait de l’un des personnages son porte-parole : dans notre poème, nous l’avons vii, c’est Éliu qui remplit ce rôle. En tout cas, les choses admises sans discussion par tous les interlocuteurs, comme ici la providence, la justice, la puissance, la sainteté de Dieu, contiennent certainement la pensée de l’auteur. Pour l’exégète, il importe peu que le dialogue soit fictif ou réel, ainsi que saint Thomas l’a très bien remarqué : au contraire, s’il est fictif, le sens en ressortira avec plus de netteté et de certitude ; car on sera sûr que rien d’oiseux, d’étranger au sujet, ne se mêle au développement régulier des idées et des caractères. D’ailleurs, même dans un thème historique, l’écrivain intelligent élague les digressions inutiles, rétablit l’ordre souvent troublé par le hasard de la conversation, en un mot prête à ses personnages non pas exactement ce qu’ils ont dit mais ce qu’ils devaient dire. — 2° Sens spirituel. — Pour regarder Job comme le type de Noire-Seigneur, nous avons l’autorité de plusieurs Pères et des analogies frappantes. Des deux côtés : 1. dignité princière, 2. épreuves imméritées, 3. éloignement apparent de Dieu, 4. souffrances du corps, 5. agonie de l’âme, 6. abandon des amis et des proches, 7. Satan investi du pouvoir de tenter et de persécuter, 8. plaintes causées par l’excès des douleurs, 9. résignation, force et humilité dans la souffrance, 10. récompense et gloire finales. Cf. Tirin, Comment., édit. de Turin, 1882, t. ii, p. 712. Mais en dehors du Christ, aucune autre figure prophétique bien caractérisée et sur laquelle on soit d’accord n’exisle dans ce livre. Dans les trois filles de Job, la glose voit les trois vertus théologales ; Nicolas de Lyre, la Trinité ; saint Bruno, les trois parties du monde. Pour saint Éphrem, l’onagre figure Satan ; pour saint Grégoire, c’est le Verbe incarné ; pour saint Augustin, c’est le vrai serviteur de Dieu. Et ainsi des autres détails. Ces incertitudes et ces contradictions nous montrent que les explications mystiques, dont les anciens commentaires sont remplis, sont moins des sens typiques ou spirituels que des sens accommodatices, légitimes sans doute et même louables s’ils nourrissent la piété et portent à l’édification, mais sans valeur aucune pour l’intelligence du texte sacré.

VII. Sujet du livre.

Opinions diverses.

Le livre

de Job appartenant au genre didactique, tout en ayant la forme d’un drame, doit renfermer une idée dominante et développer une thèse. Saint Thomas, dans le Prologue de son Expositio in Job, Opéra, édit. Vives, 1875, t. xviii, p. 1, croit que l’objet de l’auteur est de démontrer la providence. Mais, comme le fait justement remarquer Nicolas de Lyre, le sujet d’un dialogue ne saurait être ce dont tous les interlocuteurs conviennent, autrement le dialogue n’aurait pas lieu : or, tous sont pleinement d’accord sur le dogme de la providence. — Nicolas de Lyre lui-même, suivi par Cordier, Estius et plusieurs autres, n’est guère plus heureux, en soutenant que le poème a pour but de combattre la fausse persuasion où étaient les Juifs que tous les biens et les maux terrestres sont le fruit de leurs bonnes ou de leurs mauvaises actions. La fausseté de cette opinion ressort déjà nettement du prologue et, si la discussion n’avait pas d’autre objet, elle serait finie avant de commencer. — Il faut opposer la même objection aux auteurs (Meinhold, Scharer, Schlottmann, Ràbiger, Szold, Preiss) qui formulent ainsi la thèse du livre :  ; Y a-t-il sur la terre une vertu désintéressée ? C’est là l’objet de la gageure céleste et le point de départ de tout le récit, mais ce n’est nullement le sujet du dialogue lui-même. — La grande majorité des écrivains modernes, qu’ils soient catholiques, protestants ou rationalistes, énoncent parfaitement le problème : Quelle est la cause des maux de cette vie ? ou, d’une manière plus spéciale et en appliquant la thèse à la situation de Job : Pourquoi le juste souffre-t-il ? Seulement la solution


est très différente suivant les* auteurs. — Un groupe considérable de théologiens protestants (Michælis, Ewald, Dillmann, Delitzsch) cherche la réponse à la question proposée dans le rôle de Job et c’est alors, soit l’espérance de la vie future qui ferait contrepoids aux maux de cette vie, soit cette sage maxime, que, dans notre ignorance des conseils de Dieu, il faut les adorer et nous taire. Bien que ces deux idées puissent être des éléments partiels de solution, ce n’est pas la solution même. En effet, l’existence d’une vie future ne supprime pas le problème des maux de cette vie et l’obligation de nous soumettre aux décrets de Dieu ne nous en montre pas la sagesse. Aussi Job, après avoir exprimé les pensées ci-dessus, continue à se plaindre et à chercher, ch. xxix-xxxi : preuve qu’il n’a pas trouvé ce qu’il cherche. — D’autres écrivains, presque tous rationalistes (Bertholdt, Eichhorn, Knobel, Vatke, Arnheim, Steudel, Hirzel, Renan, Kuenen, Merx, Hitzig, Studer, Reuss, Cheyne, Smend, Bruch, Meier, Bleek, etc., d’après Budde, Dos Buch Hiob, 18%, p. xxviii), unanimes à rejeter comme apocryphe le discours d’Éliu, demandent la solution finale au discours de Jéhovah, qui peut se résumer ainsi : L’homme doit s’abstenir de scruter les sages mais insondables conseils de Dieu. En d’autres termes : Si le problème a une solution, elle est inaccessible à l’homme. Avec ces prémisses, on était autorisé à considérer l’auteur de Job comme un sceptique. Mais il est étrange et invraisemblable que le poète ait dépensé tant de travail et de génie pour aboutir à cette conclusion que sa question n’a pas de réponse et que son problème est une énigme.

Sentiment commun des catholiques.

Le problème :

Pourquoi le juste souffre-t-il ? est non seulement énoncé mais résolu. Cf. Vigouroux, Manuel bibl., 11° édit., t. ii, p. 288 ; Cornely, Introductio II, II, p. 44 ; Lesêtre, Le Livre de Job, Paris, 1886, p. 15 ; Knabenbauer, Comment, in Job, Paris, 1886, p. 9 ; Zschokke, Hist. ant. Testam., 3e édit., Vienne, 1888, p. 241 ; Welte, Das Buch Job, Fribourg, 1849, p. xiv ; Kaulen, Emleilung, 3° édit., 1890, p 298. Plusieurs protestants, notamment ceux qui admettent l’authenticité des discours d’Éliu, tels que Budde, Cornill, Wildeboer, Kamphausen, Stickel, sont, en substance, du même avis ; seulement quelques-uns établissent une distinction inutile et peu justifiée entre le but de l’ouvrage populaire (parties en prose) et celui du poème. — C’est dans le discours d’Éliu qu’il faut chercher la solution. Les trois amis s’en tiennent à l’opinion vulgaire que la vertu est toujours récompensée dès ici-bas et par conséquent nient l’existence même du problème. Job, ignorant la cause de ses épreuves, ne peut opposer à leurs fausses théories que ses protestations d’innocence. Le lecteur, il est vrai, est dans une situation plus favorable et connaît en partie le mot de l’énigme : enpartie seulement, car la cause des malheurs de Job est trop spéciale pour l’étendre et la généraliser. Éliu parait. L’auteur, qui met dans la bouche de cet inconnu sa propre doctrine, le représente comme un adolescent, peut-être pour montrer que la solution n’est pas si ardue, qu’elle n’exige qu’un esprit droit et loyal. Les peines de ce monde ne sont pas uniquement vindicatives ; elles sont encore médicinales. Elles sont un antidote contre la présomption et l’orgueil ; elles purifient de ces fautes vénielles dont nul homme n’est exempt. — À ces causes générales que la raison aperçoit, il faudrait en ajouter une autre : la tentation du démon permise par Dieu. C’est la principale dans le cas présent ; mais les interlocuteurs ne peuvent la soupçonner. Le lecteur plus instruit en tire cette leçon que, même dans l’obscurité des voies de Dieu, il convient à l’homme de croire à la sagesse divine et de l’adorer.

VIII. Analyse du dialogue et progrès de la discussion. — i.mosologuedejob, m. — Job maudit le jour

III. - 50

de sa naissance, 1-10 ; il Implore la mort, 11-19 ; il voudrait n'être jamais né- 20-26. Par la violence de ses plaintes il donne à ses amis, jusque-là silencieux, l’occasion d’entrer en scène. La discussion s’engage et se développe en une suite de discours, où les trois amis parlent tour à tour, dans l’ordre suivant : Éliphaz, Baldad, Sophar. Chaque attaque est suivie de la réplique de Job. Le troisième cycle est incomplet, à cause du silence de Sophar.

u. première discussion, iv-xiv. — 1° Premier discours d'Éliphaz. — 1. Dans un excrde insinuant, il rappelle à son ami qu’il ne devrait pas s’abandonner au désespoir, lui qui a consolé tant d’infortunes, IV, 1-7. Puis il expose nettement sa thèse : L’expérience prouve, ꝟ. 8-11, et il sait par révélation, ꝟ. 12-16, que tout homme est coupable et mérite des châtiments divins, iv, 17-v, 7. Que Job reçoive sa peine sans regimber, en baisant la main qui le frappe ! Dieu se laissera fléchir, car il exalte ceux qui s’abaissent. Discours admirable de tact, d'élégance, de noblesse et de poésie, mais partant d’une fausse hypothèse : la culpabilité de Job. — 2. Job riposte avec aigreur. Ses maux sont intolérables et ses plaintes restent bien au-dessous de ses malheurs, vi, 1-12. Ses amis, dont il espérait quelque consolation, l’ont trompé comme un torre’nt gonflé par les pluies d’orage qui se dessèche aussitôt et se perd dans le sable, ꝟ. 13-23. Puisqu’ils l’accusent, qu’ils lui montrent ses iniquités, ꝟ. 2430. Cela dit, il laisse derechef un libre cours à ses plaintes et ne demande à Dieu qu’un moment de répit, vu, 1-2.

2° Premier discours de Baldad, — 1. Croyant ou feignant de croire que Job accuse Dieu d’injustice, il relève vivement ce prétendu blasphème, viii, 1-7. Les anciens sages nous l’apprennent : les méchants sont punis dès ici-bas, leur prospérité n’est qu’un leurre ; au contraire, le juste reçoit sa récompense, ꝟ. 8-22. —2. C’est par l’ironie que Job lui réplique. S’il ne s’agit que d’exalter les attributs de Dieu, Job saura renchérir encore sur les dithyrambes de ses amis, IX, 1-21. Mais ce n’est pas le point en litige :

Il n’importe. C’est pourquoi je dis :

Dieu frappe également 16 juste et l’impie.

Si un fléau sévit soudain,

Il se fait un jeu d'éprouver l’innocent.

La terre est livrée aux mains de l’impie ;

Il couvre la face du juge (il l’aveugle).

N’en est-il point ainsi ? Qu’est-ce donc ? ix, 22-24.

Voilà la vraie question. Puis, d’un ton plus calme, Job renouvelle ses plaintes, ix, 25-x, 7. Ses regrets s’avivent au souvenir des anciennes faveurs reçues de Dieu, ꝟ. 819. Il termine en implorant un moment de répit, )>. 2022.

Premier discours de Sophar.

1. Il répète, avec la

fougue et la violence de la jeunesse, les arguments de ses amis. Il s’indigne d’entendre Job protester de son innocence, XI, 1-6 ; Dieu est la sagesse même et ses voies sont insondables, ꝟ. 7-12 ; Job n’a qu'à s’y soumettre sans chercher à les scruter. Un repentir sincère ramènera le bonheur, ꝟ. 13-20. — 2. Job ne répond pas directement à Sophar, mais il prouve par de nombreux exemples que la distribution des biens et des maux sur la terre n’est pas conforme à la théorie des trois amis, xii. Qu’ils cessent donc de défendre par des mensonges la cause de Dieu, xiii, 1-12. Job, s’adressant à Dieu lui-même, lui demande la solution de ses doutes, jr. 13-28. Il conclut par une pathétique description de la misère et de la vanité de l’homme, xiv, 1-22.

m. deuxième discussion, xv-xxi. — Le dialogue devient plus serré et la discussion fait un grand pas. Les trois amis, descendant des généralités, ne prouvent plus leur thèse par les seuls arguments a priori, tels que les attributs de Dieu, sa bonté (Éliphaz), sa justice (Baldad), sa sagesse (Sophar) ; ils entament le vif du sujet et sou tiennent explicitement leur fausse théorie : Tout impie est châtié ici-bas, tout juste est récompensé.

1° Second discours d'Éliphaz. — Outré de se voir contredit, il perd toute mesure, xv, 1-11. Il accuse formellement son ami d’impiété, . de présomption, d’entêtement, d’orgueil, ꝟ. 12-16 ; et dépeint, avec les plus sombres couleurs, la vie misérable de l’impie, sa mort prématurée et aussi, fait assez rare dans l’Ancien Testament, les remords de sa conscience, 1. 17-35 :

Un bruit effrayant frappe ses oreilles ; Au sein de la paix, il craint l’ennemi. La nuit, il désespère de revoir le jour, Il se voit par avance la proie du glaive, xv, 21-22.

— Sans relever autrement que par le mépris ces insinuations outrageuses, Job expose de nouveau ses malheurs immérités, xvi, 1-16 :

Pourtant mes mains n’ont pas commis l’injustice, Et ma prière (ma religion) était pure.

Malgré tout, il reste persuadé qu’il a un témoin au ciel et un défenseur là-haut. Non qu’il espère trouver justice en ce monde. Pour lui tout est fini sur terre. Plus d’espoir, plus d’illusion. Il n’a qu'à descendre au se'ôl, où peut-être il goûtera un peu de repos, xvi, 18-xvii, 16.

Second discours de Baldad.

1. Il ne fait, en

somme, que répéter sous une autre forme l’argumentation d'Éliphaz. II affirme et ne prouve pas. Néanmoins ce morceau, d’un style très imagé et plein de mouvement, atteint la plus haute éloquence, quoique l’exagération le dépare un peu, xviii. — 2. En présence de ses amis conjurés contre lui, de Dieu même qui semble l’abandonner, Job paraît accablé et consterné. Mais tout à coup sa confiance renaît. La perspective d’un rédempteur, qui le vengera après la mort et réparera les ruines de son corps, lui rend l’espoir. Il emprunte pour l’exprimer le style prophétique, xix.

Second discours de Sophar.

1. Rivalisant de lyrisme

avec ses prédécesseurs, Sophar décrit la misère du pécheur, sa fin lamentable et prématurée, sa destruction totale, xx. — 2. Job, pour le réfuter, en appelle à l’expérience de tous les jours. On voit l’impie heureux sur la terre, au milieu de ses blasphèmes dont il se fait gloire. Loin d'être puni de son vivant, il est quelquefois honoré des hommes après sa mort, xxi.

IV. TROISIEME discussion, xxii-xxxi. — Battus sur le terrain des faits, comme sur celui des principes, les trois amis se rejettent sur cette position nouvelle dont rien ne peut les tirer : Job est coupable, puisqu’il est puni de Dieu. On voit le sophisme : ils supposent précisément toute la question. D’indirecte qu’elle était, l’attaque contre Job devient directe et fournit au saint homme une belle occasion de se justifier.

1° Troisième discours d'Éliphaz. — 1. C’est Éliphaz, comme le plus grave des trois, qui se charge du réquisitoire. Partant de ce faux principe que toute souffrance est un châtiment, il en conclut hardiment, non sans quelque ironie, que Job est châtié pour ses crimes sans doute et non pour ses vertus. Ces crimes, il ne craint pas de les énumérer : cruauté, avarice, injustices, fautes ordinaires des grands de la terre. Il termine par une exhortation à la pénitence, gage assuré d’un meilleur avenir, xxii. — 2. Job ne répond pas directement aux malveillantes insinuations de son accusateur. Il voudrait, dit-il, plaider sa cause devant Dieu même qui reconnaîtrait son innocence, xxiii. Mais la thèse d'Éliphaz est en contradiction avec les faits. Dans les campagnes désertes, comme dans les cités populeuses, souvent l’impie triomphe et le criminel prospère jusqu'à la mort,

XXIV.

' 2° Troisième discours de Baldad. — 1. Par la concision et l’insignifiance de sa réponse, Baldad montre que les trois amis sont à bout d’arguments et que, par suite, le débat est terminé. Baldad se borne à répéter, presque

mot pour mot, des pensées déjà exprimées par Éliphaz : Dieu est le très haut, le tout-puissant, devant qui la lune n’a pas d'éclat, les étoiles pas de clarté ; comment l’homme, pourriture, comment le fils de l’homme, ver de terre, prétendrait-il être juste en présence de Dieu ? xxv. — 2. Job a déjà plus d’une fois renversé ce sophisme. Sans y revenir, il se contente d’exalter, en termes magnifiques, la puissance etla majesté du Créateur. Ce n’est pas sans une secrète ironie à l’adresse de Baldad qui se flattait de lui apprendre une chose si bien connue de lui, xxvi.

Discours de Job après la cessation des attaques de ses amis. — Après avoir répondu à Baldad, il y a un moment de silence. Job semble attendre que le troisième interlocuteur, Sophar, dont c’est le tour de parler, ait ajouté son mot. Sophar se tait, témoignant par son silence qu’il n’a plus rien à dire. Job reprend donc et affirme, avec plus d'énergie que jamais, son innocence. Tout à coup on l’entend changer de Ion et soutenir exactement la thèse de ses adversaires, xxvii, 13-23. Ce phénomène a été expliqué de différentes façons. Job se convertirait à la théorie de ses interlocuteurs, ou l’accepterait du moins comme la règle ordinaire de la Providence ; mais ce qui précède, comme ce qui suit, dément cette hypothèse. Quelques-uns ont vu dans le passage en question le troisième discours de Sophar, changé de place par un scribe distrait. Mais l'économie du dialogue fait voir que si Sophar s’est abstenu de parler à son tour c’est qu’il ne devait point parler. L’explication la plus simple et la plus naturelle est que Job résume les arguments de ses amis. Il l’indique assez en tète du morceau, xxvii, 12-13 :

Vous autres, vous savez tout cela ; Pourquoi donc disputez-vous en vain ? (Vous dites) : Voici le sort réservé au méchant, Le destin qui attend l’oppresseur, etc.

Ce serait le moment de donner sa propre solution ; mais, s’il voit très bien le faible de l’argumentation adverse, il n’a à lui opposer qu’un simple démenti. Pour lui aussi, la distribution des biens et des maux icibas est un mystère. L’homme fouille les entrailles de la terre pour en retirer l’or et le diamant, xxviii, 1-11 ; mais où trouvera-t-il la sagesse, c’est-à-dire l’intelligence des conseils de Dieu ? xxviii, 14-15 :

L’abîme dit : Elle n’est point en moi ;

La mer dit : Elle n’est point ici.

Elle ne s’achète pas au prix de l’or,

On ne l'échange pas contre de l’argent, etc.

Dieu seul la connaît et la révèle à l’homme, ꝟ. 28 :

Craindre Adonaï, voilà la sagesse ; S'éloigner du mal, voilà l’intelligence.

Dans les trois chapitres suivants, Job met en contraste son passé, dont il fait la plus fraîche et la plus riante peinture, xxix, avec les tristesses, les misères et les humiliations de l’heure présente, xxx. Il termine par un saisissant parallèle entre sa conduite et la loi morale qui a été la règle de toute sa vie, xxxi. Ce dernier chapitre est fort remarquable, comme résumé poétique de la loi naturelle.

V". intervention d'éliu. — 1° Bouillant et impétueux, comme il sied à un adolescent, Éliu ne peut plus contenir sa colère. Il l’a réprimée jusqu’ici par égard pour l'âge des interlocuteurs, mais maintenant il faut qu’elle éclate. Éliu en veut aux amis de Job de n’avoir pu trouver aucune solution raisonnable ; il reproche à Job d’avoir fait sonner trop haut son innocence, xxxii, 1xxxiii, 7. Cet exorde diffus, un peu embrouillé, peint au vif l'état d’esprit d’un homme en colère. Job veut-il connaître la raison d'être de la souffrance ? Eh bien ! Dieu instruit les hommes par des songes prophétiques, xxxiii, 14-18, par la maladie et la douleur, ꝟ. 19-22, et par ses

messagers, ꝟ. 23-28. Dieu renouvelle à plusieurs reprises ces avertissements salutaires, ꝟ. 29-30 :

Afin de retirer l’homme de la ruine Pour qu’il voie la lumière des vivants.

2° Dans un second discours, Éliu prouve que l’homme, alors même qu’il n’arriverait pas à comprendre les voies de Dieu, ne devrait pas douter de sa justice souveraine, xxxrv. — 3° Un troisième discours montre que la piété est toujours utile et le mal toujours nuisible à l’homme, xxxv. — Le discours final d'Èliu a pour but avoué de venger la Providence, xxxvi, 1-5. Dieu n’abandonne pas le juste, il ne perd pas de vue le méchant, ꝟ. 5-8. Il les force par les tribulations à reconnaître leurs fautes, 1. 10 :

H les rend attentifs a ses avis Et les porte à s'éloigner du mal.

Et pour résumer tout cela : Dieu instruit l’homme par le revers, xxxvi, 15. Éliu termine en célébrant longuement la sagesse et la puissance divines qu’il exhorte Job à adorer en silence, xxxvi, 22-xxxvii, 24. — Ainsi, contrairement aux affirmations des trois amis, les peines de ce monde ne sont pas uniquement vindicatives, elles sont quelquefois médicinales ; elles ont pour but de purifier l’homme de ses souillures, de l’instruire de sa faiblesse et de le préserver des dangers futurs, surtout de la présomption et de l’orgueil.

VI. THÉOPBANIE.

Bien qu'Éliu soit le porte-parole de l’auteur et qu’il assigne aux souffrances des causes autres que les péchés commis, si bien que Job, après s'être révolté contre les sophismes des trois amis, ne' trouve plus maintenant un mot à répliquer, la question n’est pas encore entièrement résolue à la satisfaction du lecteur. Éliu a marqué en général les causes possibles des tribulations, il n’a pas rencontré la cause spéciale et réelle des malheurs de Job, à savoir l’envie de Satan et son insolent défi. Cette cause, ni Éliu, ni Job, ni personne ne la connaît ; le lecteur seul est mis dans la confidence et, tout en approuvant les raisons du fils de Barachel, il sent qu’il y manque quelque chose. Dieu pourrait achever de convaincre Job par des arguments irréfutables et lui révéler le drame céleste, mais il est contraire à la dignité de Dieu de discuter avec l’homme, et d’ailleurs il convient que ce dernier soit tenu dans l’ignorance des décrets divins pour que sa foi ait plus d’exercice et de mérite. C’est pourquoi Jéhovah, du sein de la nuée, accable Job de questions insolubles, afin de lui faire toucher du doigt les bornes étroites de son esprit et la nécessité d’acquiescer sans murmure, sans discussion, aux dispositions d’en haut, lors même qu’on n’en comprend pas la sagesse et l’opportunité. — Dans un premier discours, il passe en revue les merveilles de la création, xxxviii, 1-38, sur la terre, ꝟ. 4-18, et dans les cieux, ꝟ. 19-38, les miracles de la provideuce dans la nature animée, le lion, ꝟ. 39-40, le corbeau, ꝟ. 41, lo chevreuil, xxxix, 1-4, l’onagre, ꝟ. 5-8, le buffle, ꝟ. 9-12, l’autruche, jt. 13-18, le cheval, ꝟ. 19-25, le faucon, #. 2630. Job confesse qu’il a parlé inconsidérément de choses qui le dépassent, ꝟ. 33-35 (hébreu, xl, 3-5). — Pour achever de le confondre, Dieu l'invite ironiquement à prendre le gouvernement du monde, pour y faire régner l’ordre et la justice, xl, 1-9. Mais le pourra-t-il, lui, impuissant et désarmé devant deux monstres qui ne sont qu’un jouet dans les mains de Dieu, Béhémoth (l’hippopotame) et Léviathan (le crocodile) ? xl, 10-xli, 25 (hébreu, xl, 15-xii 26). Job répète son humble aveu et y joint cette déclaration qui clôt le poème, xlii, G :

C’est pourquoi je me condamne
Et je fais pénitence dans la cendre et la poussière.

IX. Doctrine.

Plaintes de Job.

Pour les justifier, saint Grégoire recourt à l’allégorie. Job pleurerait le sort du genre humain, il maudirait le jour de sa nais

sance à cause du péché originel, etc. — Pineda voit dans ces lamentations l’expression d’une charité parfaite. Il montre comment, dans le délire de la passion, les amants s’accusent d’injustice et de cruauté, appellent la mort, maudissent le destin. — Les Juifs, suivis en cela par beaucoup de protestants et de rationalistes modernes, ne craignent pas de dire que Job a blasphémé et qu’il est tombé dans le désespoir. Mais cette opinion est inconciliable avec les éloges dont les saints Pères comblent Job et avec la manière dont Dieu le traite après l'épreuve. — Cherchons l’explication ailleurs. 1. La perfection de l’Ancien Testament n’est pas celle du Nouveau. L’amour de la croix, le désir des injures, sont des vertus réservées aux disciples du Crucifié. Il ne faut pas les demander aux patriarches, encore moins à un juste vivant sous la loi naturelle. Du reste on ne doit pas viser à tout excuser en Job, puisque Dieu le reprend et qu’il reconnaît lui-même sa faute. — 2. Le langage de Job est poétique. Hyperboles, prosopopées. adjurations à la mort, à l’enfer : autant de figures que la poésie tolère et que la prose repousserait. Le lecteur attentif rétablit la balance et remet tout au point. — 3. En exhalant ses plaintes, Job n’a pas seulement en vue d’alléger ses peines ; il veut prouver à ses amis la grandeur de ses maux. Les mœurs orientales autorisent, en pareil cas, des cris de désespoir, des exagérations qui nous semblent dépasser toute mesure, si on les passe au crible d’une rigide théologie. — 4. C’est plutôt la psychologie qu’il faut consulter. Une douleur extrême, en diminuant la réflexion et la liberté, suggère des paroles peu d’accord avec la froide raison. D’ailleurs, n’oublions pas que le langage de Job n’est pas proposé sans réserve à notre imitation. Tout ce qu’on peut faire c’est d’en atténuer la hardiesse et d’en expliquer l’imprudence.

Science de la nature.

Aucun autre livre sacré

n’offre autant de points de contact avec les sciences profanes. On trouve dans Job des allusions à l’astronomie, ix, 7-9 ; xxxviir, 31-33. à la cosmologie, xxvi, 7-10, à la météorologie, xxxvi, 27-32 ; xxxvii, 3-6, 9-13, 21-22 ; -xxxviii, 1-11, au travail des mines, xxviii, 1-11, etc., surtout à la zoologie, xxxix-xli. On a toujours admiré la description du cheval, xxxix, 19-25, de l’hippopotame (Béhémoth), xl, 15-24. et du crocodile (Léviathan), 25-32 ; celles de l’onagre, xxxix, 5-8, de l’autruche, 13-18, de l’aigle, 27-30, ne révèlent pas une observation moins fine ni un art moins achevé. De plus, l’auteur de Job tire continuellement ses comparaisons et ses métaphores des arts ou des sciences naturelles, de la gravure, de la musique, de l’agriculture, de la géographie, de la médecine, etc., et c’est ce qui rend son style si brillant, si varié et si pittoresque. Rien de plus saisissant, par exemple, que la peinture des caravanes trompées par le mirage, vi, 15-20.

Morale.

Elle est résumée au chapitre xxxi qui

est en quelque sorte l’examen de conscience de Job. Il y énumère les principaux devoirs des grands de ce monde et se rend le témoignage de les avoir fidèlement remplis. Il a évité les fautes contre la pureté, xxxi, 1-4, contre la justice, ꝟ. 5-15 (fraude, ꝟ. 5-6, vol, ꝟ. 7-8, adultère, ꝟ. 9-12, oppression des faibles, ꝟ. 14-15), contre la charité, ꝟ. 16-23 (refus de l’aumône, ꝟ. 16-18, mépris des pauvres, ꝟ. 19-20, violences, ꝟ. 22-23) ; il a évité aussi les péchés d’avarice, ꝟ. 24-25, de superstition, ꝟ. 26-28, d’envie, *. 29-30, d’inhospitalité, ^. 31-32. d’orgueil, ꝟ. 33, de pusillanimité en présence du devoir, ꝟ. 34. Ce chapitre, qui rappelle l’abrégé de morale contenu au psaume xv (xiv), a sa contrepartie dans le réquisitoire d'Éliphaz contre Job, xxii, 2-11 (usure, ꝟ. 6, dureté envers les malheureux, ꝟ. 7, rapines, ꝟ. 8, oppression des veuves et des orphelins, ꝟ. 9, présomption orgueilleuse,

The’cdicée.

Tout le monde sait qu’elle est très

développée dans le livre de Job. La descriptior de la

nature et des attributs de Dieu remplit presque la moitié du poème. Jamais peut-être, sauf dans Isaïe et les Psaumes, n’ont été plus magnifiquement célébrées la puissance de Dieu, ix, 5-10 ; xxvi, 5-14, sa sagesse, xxviii, 20-28, sa justice, xxxvi, 5-11, sa prudence, xxxiv, 21, xxiii, 10, sa perfection incompréhensible, xi, 7-9.

5* Job et les fins dernières. — Il serait très intéressant d'étudier de près les idées du livre de Job sur la vie, sur la mort, sur le se'ôl, sur l’au-delà avec ses châtiments et ses récompenses. Mais ce travail, pour être utile, exigerait de trop longs développements. Cf. J. Royer, Die Eschatologie des Bûches Job, dans les BiLlische Studien, Fribourg-en-Brisgau, 1901. Le texte le plus intéressant et le plus ardemment discuté est Job, xix, 23-27.

Qui me donnera que mes paroles soient écrites ?

Qui me donnera qu’elles soient tracées dans un livre,

Gravées sur le plomb avec un poinçon de fer,

Sculptées sur le roc (pour durer) à jamais ?

Oui, moi je sais que mon goel est vivant,

Et qu'à la fin il surgira sur la poussière (du tombeau) ;

Et quand ma peau sera tombée en pièces, ceci (arrivera)

Que de (ou loin de) ma chair je verrai Dieu.

Moi, je le verrai pour moi,

Mes yeux le verront et non pas un autre.

Mes rems défaillent dans mon sein !

Voir pour l’exégèse de ce passage : Rose, Étude sur Job, xix, 25-27, dans la Revue biblique, 1896, p. 39-55 ; Patrizi, De mterpret. Script, sacrée, Rome, 1844, t. ii, 237-253 ; Corluy, Spicilegium, Gand, 1884, t. i, p. 278296, etc. — Clément Romain, 1 Cor., 26, t. i, col. 265 ; Origène, In Matth., xxii, 23, t. un, col. 1565 ; saint Cyrille de Jérusalem, Catech., xviii, 15, t. xxxiii, col. 1036 ; saint Épiphane, Ancorat., 99, t. xliii, col. 196 ; saint Ambroise, In Psalm. cxrni, serm. x, t. xv, col. 1336, saint Jérôme, Epist. ad Paulin., lui, 8, t. xxii, col. 545, y voient une preuve de la résurrection. Au contraire, saint Jean Chrysostome, Epist. u ad Olympiad., 8, t. lui, col. 565, nie que Job connût la résurrection. Saint Justin, Athénagore, saint Irénée, Tatien, Didyme d’Alexandrie, saint Isidore de Péluse, Théodoret, saint Jean Damascène, et en général les Pères grecs, ayant à parler de la résurrection, n’invoquent pas le témoignage de Job, mais c’est parce qu’ils ne pouvaient pas en soupçonner la portée et le véritable sens, la version grecque, la seule qu’ils eussent entre les mains, ayant mal traduit et dénaturé Job, xix, 23-27. Pour saint Chrysostome, en écrivant sa lettre, peut-être n’avait-il pas notre passage présent à l’esprit ; d’autant plus que, dans son commentaire, il paraphrase ainsi la pensée de Job : Puisse Dieu ressusciter ma peau qui a souffert tout cela ! Il ajoute : « Job n’ignorait donc pas, à mon avis, la résurrection des corps ; à moins qu’on ne dise que la délivrance de ses maux était la résurrection (qu’il espérait). » T. lxiv, col. 621. Les versions anciennes sont également favorables à l’opinion qui trouve dans le texte de Job l’expression de la résurrection ; toutefois, beaucoup moins clairement que la Vulgate. Cette exégèse est confirmée par les faits suivants : 1. Job n’attend plus rien de ce monde ; il regarde sa mort comme prochaine et assurée, du reste, il ne conserve plus aucun espoir icibas, x, 20-22 ; xiv, 13 ; xix, 10. — 2. La solennité de ce qui précède, xix, 23-24, et de ce qui suit, 28-29, promet au lecteur quelque chose d’extraordinaire. C’est le ton des grandes prophéties messianiques. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 596-601. — En tout cas, l’annonce de Job ne se vérifie pas dans la théophanie, car Dieu ne surgit pas sur la poussière (du tombeau) mais parle du sein de la nue ; d’ailleurs la théophanie était tout à fait imprévue et inespérée.- — 4. Notez encore l’expression « mon œil le verra » qui expliquée je verrai Dieu » et qui serait en

fièrement superflue s’il s’agissait d’une vision de l'âme après la mort. — 5. Le dernier éditeur critique de Job, Siegfried, regarde les trois versets, 25-27, comme une interpolation tardive, précisément parce qu’ils contiennent le dogme de la résurrection, qui, selon lui, ne fut connu des Juifs que plus tard. Le procédé est peu critique, mais il montre du moins que l’idée de la résurrection est assez clairement exprimée, même dans le texte hébreu.

X. Bibliographie.

1 ° Pères. — 1. Grecs : Aucun commentaire entier des Pères grecs ne nous est parvenu. Des fragments de vingt-quatre d’entre eux ont été réunis, vers la fin du xie siècle, par Nicétas, évêque d’Héraclée, et publiés, d’abord en latin, par Paul Comitoli, S. J., Catena in beatissimum Job absolutissimae XXIV Grsecise doctorum explanationibus contexla, Lyon, 1586 ; Venise, -1587 ; puis, en grec et en latin, par Patricius Junius, Catena Grsecorum Patrum in beatum Job, Londres, 1637. La plupart de ces fragments sont reproduits par Migne : pour saint Athanase, t. xxvii, col. 13431348 ; pour Didyme d’Alexandrie, t. xxxix, col. 11191154, pour saint Chrjsostome, t. lxiv, col. 505-656 ; pour Olympiodore, t. xciii, 13-469, mais plusieurs de ces derniers textes appartiennent à Polychronius ; pour Origène, t. xii, col. 1031-1050. — 2. Pères latins : S. Augustin, Annotationes in Jobum, t. xxxiv, col. 825-886 (cf. Retraclationes, II, 13, t. xxxii, col. 635) ; S. Grégoire le Grand, Exposit. in Job (Moralium libri XXXV), t. lxxv, col. 509-1162 ; t. lxxvi, col. 9-782. — Les deux commentaires imprimés dans les œuvres de saint Jérôme ne sont pas de lui, t. xxiii, col. 1407-1480 ; t. xxvi, col. 619-802 : le dernier est attribué au prêtre Philippe, disciple de saint Jérôme. — Il existe de courtes scolies de saint Éphrem, Rome, 1740, t. ii, p. 1-20.

Commentateurs catholiques.

Walaf. Strabon

(Glose), t. cxiii, col. 747-840, saint Bruno, t. clxiv, col. 551696, et Rupert, t. clxviii, col. 963-1196, ne font guère que copier ou abréger saint Grégoire ; saint Odon de Cluny, t. cxxxiii, col. 105-512, et Pierre de Blois, t. ccvii, col..795-826, le résument ex professo. Saint Thomas et Nicolas de Lyre s’attachent de préférence au sens littéral ; Denys le Chartreux, au sens mystique. À partir du xvie siècle : Cajetan, O. P., Comment, m librum Jobi, Rome, 1535 ; Titelmann, O. M., Elucidatio paraphraslica m Jobum, Anvers, 1547 ; A. Steuchus (Eugubinus), Enarrationes in hbrum Jobi, Venise, 1567 ; Did. de Zuniga (Stunica), Comment, in lib. Job, Tolède, 1584 ; Pineda, S. J., Comment, in Job, 2 in-f", Madrid, 15971601 (excellent) ; Sanctius (Sanchez), S. J., Comment, cum paraphrasi, Lyoa, 1625 ; Corderius (Cordier), S. J., Job elucidatus, Anvers, 1646 (reproduit dans le Cursus de Migne, 1839, t. xiii et xiv) ; Codurcus (calviniste converti), Scholia seu Adnot. in Jobum, Paris, 1651 ; Vavassor, S. J., Jobus brevi comment, et metaphrasi poetica illustratus, Paris, 1638 ; Jansonius, Enarrationes in Job, Louvain, 1623 ; Castanseus (Chasteignier de la RochePosai), ExercitalionesinJob, Poitiers, 1628 ; Bolduccius, O. M., Comment, in lib. Job, Paris, 1638 ; Hardouin, S. J., Le livre de Job paraphrasé, Paris, 17, 29 ; Duguet, Explication du livre de Job, Paris, 1732 ; Parisi, S. J., Il divinn libro di Giobbe, Palerme, 1843 ; Welte, Dos Buch Job, Fribourg-en-B., 1849 ; Le Hir, Le livre de Job, trad. sur l’hébreu et comment, (édité par Grandvaux), Paris, 1873 ; Zschokke, Dos Buch Job, etc., Vienne, 1875 ; Knabenbauer, Comment, in lib. Job, Paris, 1886 ; Lesêtre, Le livre de Job (trad. et comment.), Paris ; 1886 ; Pierik, S. J., Het Bock Job, Gulpen, 1881 ; Bickell, Dos Buch Job, Vienne, 1894. Il faut ajouter à cette liste les auteurs qui ont expliqué toute ou presque toute la Bible. Pour quelques ouvrages de moindre importance, voir Knabenbauer, Comment, in Job, p. 18-28.

Commentateurs hétérodoxes.

Rosenmûller, en

tète de ses Scholia in V. T., pars V, 2e édit., 1824, p. v-x,

xxhi-xliv, donne une liste de treize rabbins et de soixantedix-huit auteurs protestants qui ont expliqué Job. Les principaux sont Schmid, In lib. Jobi Comment., Strasbourg, 1670 ; Michælis, Notx uberiores in lib. Jobi, Halle, 1720 ; Schultens, Liber Jobi, Leyde, 1737 ; Reiske, Conjectures in Jobum, Leipzig, 1779. — Pour les auteurs plus récents voir A. Dillmann, Hiob, dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch, 2e édit., 1891, p. xxxvii ; Budde, Dos Buch Hiob, Gœttingue, 1896, p. lvi. Citons notamment, outre Dillmann et Budde eux-mêmes, les commentaires de Umhreit (1832) ; Hirzel, 1839 ; Stickel (1842) ; Schlottmann, 1851 ; Frz. Delitzsch (1864-1876) ; Hengstenberg (1870-1875) ; Hitzig (1874) ; Renan, Le livre de Job, 1859 ; Cox, Comment ary and New Translation, 1880. — Aux études spéciales déjà citées, ajouter : A. Loisy, ie livre de Job, Paris, 1892 ; V. Ancessi, Job et l’Egypte, Paris, 1877 ; Cheyne, Job and Solomon, Londres, 1881. F. I’rat.

3. JOB (TESTAMENT DE), livre apocryphe, mentionné dans le Décret de Gélase I er, Labbe, Concilia, Paris, 1671, t. IV, col. 1265, qui contient une histoire légendaire de la vie de Job. D’après cet écrit, Job, sur le point de mourir, appelle auprès de lui ses sept fils et ses trois filles, leur raconte les épreuves de sa vie et tout ce que le Seigneur a fait pour lui. Le diable, pour le tenter, prend tantôt la forme du roi des Perses, tantôt celle d’un boulanger. Job s’appelait Jobàb, mais le Seigneur changea son nom en celui de Job. Sa femme s’appelait Sitis. Quatre rois, Éliphaz de Théma, Baldad, Sophar et Éliu, ayant appris les malheurs de Job, vinrent le visiter et le consoler ; ils restèrent auprès de lui pendant 27 jours, et lui firent d’amers reproches, disant qu’il avait mérité tout ce qu’il souffrait. Éliu est représenté comme inspiré par Satan ; aussi Dieu pardonne-t-il à Éliphaz, Baldad et Sophar ; mais quant à lui, il est réprouvé, parce qu’il n’est plus le fils de la lumière, mais celui des ténèbres. — Après avoir été longtemps éprouvé, Job recouvre tous ses biens. Au dernier moment, il donne des conseils à ses enfants, les exhorte à ne pas oublier le Seigneur, à faire du bien aux pauvres, à ne pas mépriser ceux qui sont nus et à ne pas prendre de femme étrangère ; puis il partage ses biens entre eux, afin qu’ils puissent faire le bien comme il lui plaira. À chacune de ses trois filles, Héméra, « Jour, » Cassia et Corne d’Abondance, il donne une écharpe étincelante comme les rayons du soleil, pour qu’elle les protège tous les jours de leur vie et leur procure toute sorte de biens. Enfin, après être resté couché tout affaibli duranttrois jours, il vit les anges qui venaient chercher son âme ; il prit alors sa harpe et la donna à sa fille Héméra : il donna aussi un encensoir à sa fille Cassia et un tambour à Corne d’Abondance, pour qu’elles glorifiassent les saints anges qui venaient chercher son âme. Les trois filles, ayant reçu ces instruments, chantèrent, jouèrent, louèrent et glorifièrent Dieu dans une langue sublime ; ensuite celui qui était monté sur un grand char, descendit, embrassa Job à la vue de ses filles, prit son âme, l’emporta, la fit placer sur le char et prit sa route vers l’Orient. Quant au corps de Job, il fut porté au tombeau, précédé de ses trois filles qui, ceintes de leurs écharpes, chantaient des hymnes à la louange de Dieu. Le patriarche était âgé de 255 ans, dont il avait vécu 85 avant ses malheurs et 170 après. — Le Testament est attribué au frère de Job, qui s’appelle tantôt Nachor (Gen., XI, 22-27, 29 [?]), tantôt Néréus, Nïipsô ;. Ce livre est une espèce de Midrasch ou de contrefaçon du livre canonique de Job ; on y relève des traces de christianisme, ce qui permet de conclure que l’ouvrage a été composé par un chrétien dans les premiers siècles de notre ère. L’original grec a été publié par Mai d’après un manuscrit du Vatican, Scriptorum veterum nova collectio, Rome, 1839, t. viii, p. 191.

Migne en a donné une traduction française dans le Dictionnaire des Apocryphes, in-4°, Paris, 1858, t. ii, col. 403-420. Il a été édité d’après deux manuscrits par M. E. James, Apocrypha anecdota, Oxford, 1897. t. ii, Cf. Trochon, Introduction, 2 in-8°, Paris, 1886, t. i, p. 484 ; T. K. Cheyne, Encyclopsedia biblica, in-4°, Londres, 1899, t. i, col. 254. V. Ermoni.

    1. JOBAB##

JOBAB (hébreu : Yôbâb), nom de cinq personnages dans l’Écriture.

1. JOBAB (Septante : ’Iwgaë), le treizième et dernier fils de Jectan. Gen., x, 29 ; I Par., i, 23. Il devint le père d’une tribu arabe. Le pays où il s’établit est resté jusqu’ici inconnu. On en retrouve peut-être la trace dans une inscription découverte par Ed. Glaser àjjadaqan, dans l’Yémen. Corpus inscript, semit., t. lv, p. 54, pi. x, n. 37. À la ligne 6, il est fait mention des chefs d’une région appelée 32>rt>, Yuhaibib ou Yuhaibab, nom où nous retrouvons les éléments essentiels de 231>, Yôbâb. Cette inscription paraît dater du milieu du VIIIe siècle avant notre ère. Le même nom de lieu a été retrouvé dans une autre inscription, mais, ni dans l’une ni dans l’autre, aucune indication ne permet de déterminer la situation exacte de la localité qu’elle désigne. M. Joseph Halévy est le premier qui ait proposé l’identification de Jobab et de Yuhaibab. Voir Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, in-8°, Berlin, 1890, t. ii, p. 303. — Bochart, Phaleg, II, 29 ; Opéra, 3e édit., 3 in-f », Leyde, 1692, 1. 1, col. 143, avait Cru retrouver les Jobabites dans les’IœëaptTou de Ptolémée, VI, 7, 24, habitants de l’Arabie méridionale, sur la côte maritime, près des Sachalites. Gesenius, Thésaurus, p. 559, penche pour cette opinion. Elle ne repose cependant que sur une ressemblance imparfaite du nom. A. Sprenger, Die aile Géographie Arabiens, in-8°, Berne, 1875, p. 297, croit même que les’Iwâapîxai n’ont jamais existé. « Les’Iw^apiTai, dit-il, sont les Wabar. On désigne par ce mot le sable de la mer et aussi la tribu qui habitait là où est le sable, lorsqu’il y avait encore en cet endroit des jardins et des champs. Les Wabar sont un peuple fabuleux qui n’a jamais existé. » F. Vigouroux.

2. JOBAB (Septante : ’Iw6âë), roid’Édom, fils de Zara, de Bosraft. i, col. 1859). Gen., xxxvi, 33-34 ; I Par., i, 44-45. Il succéda à Bêla (voir BélaI, 1. 1, col. 1560) eteut lui-même Husam (col. 784) pour successeur. D’après une addition ap ocryphe placée à la fin de la traduction grecque de Job dans les Septante (voir Bible polyglotte, t. iii, 1902, p. 822), Jobab serait le même personnage que Job, mais le livre même de Job montre que cette hypothèse est sans fondement, car on n’y rencontre aucune allusion au règne du saint patriarche sur le paysd’Édom, etde plus l’orthographe des deux noms est en hébreu complètement différente.

    1. JOBAB fltoêàS)##


3. JOBAB fltoêàS), chananéen, roi de Madon. Ce fut le premier prince à qui s’adressa Jabin (voir Jabin 1, col. 1055), roi d’Asor (voir AsoR 1, t. i, col. 1105), lorsqu’il forma la confédération des rois du nord de la Palestine contre Josué. Elle fut battue près du laî Mérom. Jos., xi, 1, 7-8. Les Septante font Jobab roi de Maron (Maptôv), nom qu’ils donnent au lac Mérom. Voir Madon.

4. JOBAB (Septante : ’Iiùkâê), de la tribu de Benjamin, fils de Saharaim. Sa mère s’appelait Hodés (col. 726). I Par., viii, 9.

5. JOBAB (Septante : ’Iw6â6), de la tribu de Benjamin, septième fils d’Elphaal (t. ii, col. 1705). I Par., viii, 18,

    1. JOBANIA##

JOBANIA (hébreu : Ybneydh, « Jéhovah bâtit ; » Septante : ’Ienvaâ ; Alexandrinus : ’Ieëvaâ), Benjamite et fils de Jéroham. Il fut probablement un des premiers des principaux Benjamites qui s’établirent à Jérusalem après la conquête de cette ville par David. I Par., ix, 8.

    1. JOCHABED##

JOCHABED (hébreu : Yôkébéd ; Septante : ’I(o Z a6éS), de la tribu de Lévi, femme d’Amram et mère d’Aaron, de Moïse et de Marie. Exod., vi, 20 ; Num., xxvi, 58-59. L’étymologie de son nom est importante, parce que si le nom abrégé de Jéhovah, Yô, en forme le premier élément, il en résulte que le nom divin était connu avant la vision de l’Horeb où Dieu en expliqua le sens à Moïse. Exod., iii, 14. Parmi les exégètes, les uns admettent que.Tochabed signifie : « Jéhovah est gloire ; » les autres lui cherchent une origine étrangère, égyptienne ou autre. Voir Eb. Nestlé, Die isrælitischen Eigennamen, in-8°, Haarlem, 1876, p. 77. Malgré la divergence des opinions, on ne peut contester que le nom de Yokébéd ne soit un nom propre hébreu, de formation parfaitement régulière, le second élément, kébéd, « grave, de poids, » étant bien connu dans la Bible et le premier, Yô, étant une contraction très fréquente du nom divin. Voir Jéhovah, col. 1244, et les noms qui suivent celui-ci et commencent par Jo. Il est, de plus, peu vraisemblable que ce nom ait été altéré. — Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, Jochabed devint la femme d’Amram, dont elle était déjà la tante, étant la sœur de Caath, père de son mari. Exod., vi, 20. Voir Amram 1, t. i, col. 522. Les Septante et la Vulgate ont rendu le mot dôdàh, « tante, » par cousine : 8jf otépa taO àSe^tpo-j to-j mxrpijç, patruelem suam, pour dissimuler sans doute l’illégalité apparente de ce mariage ; mais les unions de ce genre, prohibées, depuis, par la loi mosaïque, Lev., xviii, etc., ne l’étaient pas sous l’époque patriarcale, comme le prouve l’exemple d’Abraham qui avait épousé une parente plus proche encore. Gen., xx, 12. Voir Sara 1. Jochabed était donc de la même tribu que son mari. Aussi est-elle appelée « fille de Lévi », Exod., ii, 1 ; Num. xxvi, 59 ; ce qu’il faut entendre, du reste, en ce sens qu’elle descendait de Lévi, fils de Jacob, et non qu’elle était la propre fille de Lévi. Voir Caath, t. ii, col. 1. — Jochabed était une femme aussi sage que pieuse. Quand elle eut donné le jour à son second fils, qui devait être Moise, elle le cacha pendant trois mois pour le soustraire à la mort à laquelle le pharaon avait condamné tous les nouveau-nés mâles des Hébreux. N’espérant plus alors pouvoir le soustraire davantage aux recherches des Égyptiens, elle l’exposa sur le Nil dans une nacelle de papyrus, en le confiant à la Providence, et en recommandant à sa fille Marie de veiller sur ce précieux dépôt confié aux eaux du fleuve. Elle devait espérer son salut, car il y a bien lieu de croire que c’est elle qui avait suggéré à sa fille de l’offrir elle-même comme nourrice de son enfant, si Dieu le sauvait. Grâce à sa prudence, lorsque la fille du pharaon eut sauvé Moise, sa mère fut chargée de l’élever et elle put de la sorte, en le nourrissant de son lait, lui inspirer ces sentiments de foi et de religion profonde qui le préparèrent à devenir le libérateur et le législateur du peuple de Dieu. Exod., ii, 3-11. F. Vigouroux.

    1. JODAJA##


JODAJA, prêtre, contemporain du grand-prêtre Joacim. II Esd., xii, 19. Voir Idaia 2, col. 806.

JŒD (hébreu : Yo’ed, « Jéhovah est témoin ; » Septante : ’IùiâS), père de Mosollam, de la tribu de Benjamin. II Esd., xi, 7.

JOËL (hébreu : Yô’êl, « Jéhovah est Dieu ; » Septante : ’IuïJX ; Vulgate, Joël et Johel), nom de quinze Israélites.

1. JOËL, fils aîné du prophète Samuel, I Reg., viii, 2, et père d’Héman qui fut un des trois chefs de chœur