Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/191-200

Fascicules du tome 3
pages 181 à 190

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 191 à 200

pages 201 à 210


lesquelles n’ont pas au moins six pouces de recouvrement tant au dedans du mur qu’au parement.

DÉLIAQUE. s. m. Coquetier chez les Anciens. Marchand qui vendoit la volaille & les œufs. Deliacus, Deliacus Gallinarius. Les Déliaques chaponnoient les coqs, engraissoient la volaille, & on les appeloit Déliaques, parce que c’étoit les habitans de l’île de Delos, qui s’étoient les premiers avisés de ces choses. Ils vendoient aussi les œufs, comme il paroît par Ciceron dans ses Questions académiques, Liv. IV. n. 85. Pline, Liv. X. c. 50. & Columelle, Liv. VIII. c. 8. parlent aussi des Déliaques. Voyez encore Vossius, De Idol. L. III. c. 90. p. 608.

Déliaque. adj. m. & f. Qui a rapport à Délos, qui appartient à Délos. Deliacus, a, um. On appelle en Géométrie Problême déliaque, si fameux parmi les anciens Géomètres, on appelle, dis-je, Problême déliaque, le problême de la duplication du cube ; & on l’appelle ainsi, parce que les habitans de Délos demandant à leur Oracle le remède à la perte qui les affligeoit, il leur proposa le problême de la duplication du cube. Et parce que ce problême, comme le remarqua le premier Hippocrate de Chio, retombe dans celui de l’invention de deux moyennes continuement proportionnelles, & que le cube double a pour côté la première de ces deux moyennes proportionnelles, on a aussi donné à ce problême le nom de problème déliaque.

DÉLIASTE. s. m. Deliastes. Envoyé, Député d’Athènes au temple de Délos pour y célébrer les Délies & y demeurer un an pour y faire les fonctions de Prêtre. Voyez Délies.

DÉLIBATION. s. f. Terme de Jurisprudence. Il signifie ce qui est opposé à confusion. Rendre un compte par délibation, ou par confusion. Délibation, signifie aussi, dans le Droit, diminution. Voyez ff. 1. de legatis. C’est proprement la distraction qu’on fait d’une chose particulière sur la masse des biens d’une succession, ou d’une Communauté. Par exemple : le legs est appelé delibatio hereditatis, parce qu’il se prend par distraction sur la masse des biens d’une succession. Le préciput se prend de même par délibation ou distraction sur la masse des biens de la communauté, avant qu’elle soit partagée.

DÉLIBÉRANT. s. m. On donne le nom de Délibérant en tutelle, aux parens convoqués pour nommer un ou plusieurs tuteurs à des mineurs. Par l’article 36 du règlement pour l’election de tuteurs pour la Province de Normandie, il est porté que le nombre des Déliberans étant augmenté par les oncles, frères & beaux-frères du mineur, s’il y a contestation, le nombre des Délibérans sera encore augmenté ; en sorte que l’égalité soit gardée entre les parens paternels & maternels. En matière de taille, on appelle encore Délibérans, ceux qui ont fait un consentement pour donner à imposer quelqu’un qui ne l’étoit point encore. Si le nouvel imposé a des raisons pour se faire dérôler, & qu’il établisse qu’il l’a été mal-à-propos, on lui accorde ses dépens à prendre sur les Délibérans. On ordonne même quelquefois que son taux sera payé par les Délibérans. Voyez Délibérer.

☞ DÉLIBÉRATIF, ive. adj. Terme de Rhétorique. Nom que l’on donne à un des trois genres de la Rhétorique ; dans lequel l’Orateur se propose de prouver à une assemblée l’importance d’une chose qu’il veut lui persuader de mettre à exécution, ou l’inutilité d’une chose qu’il veut lui dissuader. Deliberativus. Le genre délibératif étoit fort en vogue chez les Grecs & chez les Romains, quand les Orateurs haranguoient le Peuple. Cet Orateur excelle dans le genre délibératif.

On dit, avoir voix délibérative en une assemblée, lorsqu’on a droit d’y dire son avis, & qu’il est compté parmi les suffrages. Dans les Conciles les Evêques ont voix délibérative : ceux du second ordre n’ont que la voix consultative. Un Réligieux Profès a voix délibérative dans son Chapitre : dans une élection, il a voix active & passive.

DÉLIBERATION, s. f. Consultation ; examen de quelque chose, de quelque proposition, soit avec soi-même, soit dans une assemblée, pour en voir les avantages & les inconvéniens, pour savoir si elle est bonne, ou mauvaise, faisable, ou non. Deliberatio. Un homme prudent ne fait rien qu’après une mûre délibération. Les arrêts du Conseil portent, l’affaire mise en délibération. Quand les Juges subalternes appellent les Avocats pour juger avec eux, ils disent dans leur sentence, Nous par délibération du conseil. Le Prince ne perdoit point en vaines délibérations ces momens heureux qui décident du sort des armes. P. Bourd. Les passions préviennent les délibérations de l’entendement, & ne lui laissent pas le temps de juger. Jur. Ce qui est fait dans la colère n’est point fait avec délibération : c’est un mouvement involontaire. S. Evr. Tomber en délibération. Ablanc.

Délibération, signifie aussi l’arrêté, la résolution d’une compagnie assemblée, qui examine, ou qui juge une affaire. Deliberatum. Voilà quel est le résultat, la délibération de la compagnie.

☞ DÉLIBÉRÉ. s. m. Terme de Palais. C’est un jugement rendu après la plaidoirie des deux parties, par lequel on prononce, qu’avant faire droit sur l’affaire qui aéré plaidée, il en sera délibéré, pour la discuter & examiner plus amplement, sur le champ, ou dans la chambre du conseil. Les Avocats laissent là leurs sacs ; l’on fait retirer les Parties, leurs défenseurs & toute l’audience. Deliberatum.

☞ La Cour, en délibérant, voit par elle-même les pièces des parties, & lorsque la sentence est résolue à la pluralité des voix, on fait ouvrir l’audience, & en présence des Avocats, elle prononce par la bouche de celui qui préside.

☞ Il y a plusieurs sortes de délibérés, & ils sont même différens suivant les juridictions.

DÉLIBÉRÉMENT. adv. D’une manière hardie & résolue. Audacter, fortiter, constanter. Ce soldat marche délibérément à l’assaut. Ce criminel est allé délibérément au supplice.

DÉLIBÉRÉMENT, s’emploie dans le dogmatique au sens propre, & signifie avec délibération & pleine liberté. Deliberatè. Un tel a librement & délibérément insulté cette personne en public. Mauvais jargon. Il faut dire, de propos délibéré.

DÉLIBÉRER, v. n. Mettre en délibération, consulter, regarder le pour & le contre d’une affaire, d’une proposition : Deliberare, consultare. Un esprit incertain & timide délibère toujours, & ne résoud, ne conclut jamais rien. Il semble qu’on est exempt de péché, quand l’entendement n’a ni réfléchi, ni délibéré sur la nature de l’action. Port-R. On délibéra si l’on assiegeroit Mons, ou Valenciennes. Sar. M. Cujas avoit délibéré, au cas qu’il mourût sans enfans, de donner son bien à Scaliger. Colom. Ceux qui réfléchissent beaucoup, laissent souvent échapper l’occasion tandis qu’ils délibèrent. S. Evr. La colère violente & précipitée, ne laisse point agir la saison : au lieu que la volupté lui donne le loisir de délibérer & de juger. M. Esp. Trop de subtilité d’esprit nuit à l’exécution, le temps d’agir se passe à délibérer. Bouh. Donnons nous le temps de délibérer, sur le choix que nous devons faire de tous nos amis. S. Evr.

Et je puis dire enfin que jamais Potentat
N’eut à délibérer d’un si grand coup d’état.

☞ L’usage veut aujourd’hui, dit Voltaire dans ses remarques sur Pompée, que délibérer soit suivi de sur ; mais le de est aussi permis. On délibéra du sort de Jacques II. dans le Conseil du Prince d’Orange ; mais je crois que la règle est de pouvoir employer le de, quand on spécifie les intérêts dont on parle. On délibère aujourd’hui de la nécessité, ou sur la nécessité d’envoyer des secours en Allemagne. On délibére sur de grands intérêts, sur des points importans.

Quelquefois la Cour après avoir entendu les Avocats à l’audience, prononce qu’il en sera délibéré sur le Régistre ; c’est-à-dire, qu’il en sera mûrement délibéré dans la chambre. Qu’on prendra une dernière résolution sur l’examen des pièces. Les Avocats de Paris mettent au bas de toutes leurs consultations, délibéré à Paris, ce, &c. On dit de celui à qui l’on a donné du temps pour penser à une affaire, il a eu tout le loisir de délibérer.

Délibérer, C’est quelquefois conclure, arrêter, déterminer quelque chose sur une affaire. J’ai délibéré de faire telle chose. Deliberatum est mihi.

En matière de tutelle on appelle délibérer, lorsque les parens paternels & maternels s’assemblent pour nommer un ou plusieurs tuteurs à des mineurs. Le Juge reçoit leur serment, & les envoie délibérer c’est-à-dire, pour choisir un tuteur & régler les conditions de la gestion ; ce qui étant fait, ils reviennent devant le Juge, qui établit la tutelle. En matière de Tailles, on appelle encore délibérer, lorsque les habitans taillables d’une paroisse s’assemblent & font un consentement pour donner aux Collecteurs quelqu’un à enrôler de nouveau.

Délibérer, en terme de Manège, se dit d’un cheval qu’on accoutume, qu’on détermine à certains airs, comme au pas, au trot, au galop, ou à quelque manèges relevés. Assuefacere.

Délibéré, ée. part. L’affaire mûrement délibérée.

☞ On dit, c’est une chose délibérée, pour dire, arrêtée, résolue. Deliberatum est.

☞ Faire une chose de propos délibéré, exprès, à dessein, après y avoir bien pensé. Il l’a attaqué, insulté de propos délibéré. Dedita operâ, consultò, ex consulto, destinaté, destinatò.

Délibéré, est aussi adjectif, & signifie libre, aisé, assuré. On dit d’un homme qu’il est bien délibéré, qu’il à l’air délibéré, qu’il marche d’un pas délibéré.

☞ Nous avons parlé de ce mot comme terme de pratique. Voy. Délibéré, s. m.

☞ DÉLICAT, ate. adj. Terme souvent employé dans différentes acceptions au simple & au figuré. Dans le sens propre il est quelquefois opposé à grossier, & s’applique à ce qui est composé de parties fines, déliées & fragiles, qui ne peuvent resister à l’impression des corps étrangers. Tenuis, exilis. Les toiles d’araignées sont composées de filets fort délicats. L’œil & le cerveau sont composées de parties infiniment délicates. Peau délicate. Teint délicat. Le verre, le talc, la porcelaine sont des matières délicates. Fragilis.

☞ Dans cette acception, appliqué aux ouvrages de l’art, il signifie quelquefois ce qui est composé de parties fines, déliées & fragiles, travaillées avec peine & rapprochées avec adresse par l’ouvrier. C’est ainsi que l’on dit que rien n’est plus délicat que les petites montres que font aujourd’hui nos horlogers.

☞ Quelquefois, sans désigner en aucune façon la foiblesse ou la fragilité des parties, on le dit des ouvrages qui demandent dans l’ouvrier une grande adresse, une grande légèreté de main. Elegans, artificiosus. Sculpture, cisélure, gravure, miniature délicate. Les ouvrages délicats sont ceux où la nature prend plaisir à travailler en petit, & dont la matière presque imperceptible fait qu’on doute si elle a dessein de montrer ou de cacher son adresse. Bouh. Les Sculptures des corniches corinthiennes sont plus délicates que les ornemens Gothiques.

☞ On dit dans ce sens qu’un ouvrier a la main délicate, le pinceau, le ciseau délicat, lorsqu’il a exécuté des formes qui annoncent un goût sûr, beaucoup d’adresse & une grande légèreté de pinceau, de burin, &c. Il faut avoir la main bien délicate pour faire de petites montres & des portraits en miniature.

☞ Souvent délicat est opposé à robuste, & signifie, foible, qui peut aisément recevoir quelque altération. Fragilis, delicatus. Tempérament délicat, santé, constitution délicate. Un enfant délicat. Vue délicate, vue foible, qui ne peut souffrir une grande lumière.

☞ On dit dans ce sens qu’un homme a le sommeil délicat, quand le moindre bruit l’éveille. On dit qu’un cheval a la bouche délicate, lorsqu’il a les barres sensibles, quand on le manie aisément avec les aides de la bride.

☞ Enfin délicat paroît avoir un rapport particulier à l’organe du goût & des autres sens, & se dit généralement de tout ce qui produit des impressions douces & agréables. Mets délicat, vin délicat, chère délicate, table délicate, délicatement servie, lorsque les mets en sont recherchés, & d’un goût exquis. Parfum délicat, dont les parties ni trop subtiles ni trop grossières, chatouillent l’organe sans l’offenser. Musique délicate, qui flatte agréablement l’oreille.

Délicat, au figuré, signifie, qui juge finement ce qui regarde les sens ou l’esprit. On dit, en ce sens, goût délicat, oreille délicate ; jugement, esprit délicat. Solers auditus. Aures teretes habere. Superbissimum aurium judicium. Eruditum palatum. Eruditos oculos habere, &c. On le dit aussi des productions de l’esprit. Pensée délicate. Ici le mot de délicatesse exprime la finesse du sentiment qui ne réfléchit point, & saisit vivement le résultat des combinaisons. Les gens grossiers n’ont qu’une sensation ; ils ne joignent ni n’ôtent rien à ce que la nature donne. Les gens délicats ajoutent à chaque idée, à chaque goût beaucoup d’idées & de goûts accessoires. Apicius portoit à table bien des sensations inconnues aux mangeurs vulgaires. Ceux qui jugent avec goût ont ou se font une infinité de sensations que les autres hommes n’ont pas. Une pensée délicate est la plus fine production de l’esprit. Bouh. Il ne faut pas que le sens d’une pensée délicate soit si visible, ni si marqué : celles mêmes qui n’ont rien de mystérieux, ni dans le fond, ni dans le tour, & qui se montrent à la première vue, ne sont pas proprement délicates, quelque spirituelles qu’elles soient d’ailleurs. Les pensées délicates sont des vérités composées, dont les deux jugemens sont liés de manière qu’on sent leur liaison, sans qu’il soit nécessaire de découvrir le principe qui les lie : mais dans ces sortes de pensées la nature nous épargne l’embarras de la réflexion : elle raisonne pour nous, & nous fait sentir ce que nous devons conclure de ses raisonnemens. Un amour délicat, est un amour tendre, sensible, & où le cœur a plus de part que les sens. La louange est une flaterie délicate. Rochef. Les Savans dédaignent d’ordinaire les choses délicates & galantes. Font. Plutarque soutient les choses graves avec beaucoup de bon sens & de raison, mais aux choses d’esprit il n’est ni ingénieux ni délicat. S. Evr. Est-il possible qu’avec une passion la plus tendre & la plus délicate qui fut jamais, je vous aie donné un instant de chagrin ? Lett. Portug. Je crains l’étude des actions, beaucoup plus que la froideur du tempérament ; & l’extérieur est pour les âmes grossières un piège où les âmes délicates ne peuvent être surprises. Ibid. Néron fit périr Pétrone, pour n’avoir plus un témoin si délicat de ses plaisirs grossiers. S. Evr. Ces esprits si délicats dans les manières ne plaisent qu’aux yeux. Maleb. Peut-être avez-vous su combien j’ai été touché dès ma jeunesse de cet éclat indépendant du hazard, inséparable de nous-mêmes, de cette gloire délicate que vous possédez, & dont vous êtes les vrais dispensateurs. Le Duc de la Force. Un esprit aussi délicat que le vôtre, trouve peu de chose qui le satisfassent. Bouh.

☞ Il suffit, dit M. l’Abbé Girard, d’avoir assez d’esprit pour concevoir ce qui est fin : mais il faut encore du goût pour entendre ce qui est délicat. Le premier est au dessus de la portée de bien des gens ; & le second trouve peu de personnes qui soient à la sienne.

☞ Qui ne sent pas le délicat du premier coup, ne le sentira jamais. On peut chercher le fin, & il faut saisir le délicat.

Fin convient également pour les traits de malignité comme pour ceux de bonté. Délicat est d’un service, comme d’un mérite plus rare. Il ne sied pas aux traits malins, & il figure avec grâce en fait de choses flatteuses. Une satire fine, une louange délicate.

Délicat, signifie encore celui qui est difficile à contenter pour les choses qui concernent l’esprit ou les sens. Vous êtes bien délicat. Il ne faut pas être si délicat.

On appelle une conscience délicate, une conscience timorée & scrupuleuse, qui s’alarme aisément. On dit d’un homme qui se fâche aisément, qu’il est pointilleux, qu’il est fort délicat sur les formalités, sur les égards qu’il prétend lui être dus, qu’il ne peut rien souffrir qui le choque le moins du monde.

Délicat, se dit aussi des questions, des affaires épineuses, difficiles à manier & à résoudre. Difficilis, periculosus, lubricus. Les affaires d’Etat sont délicates, dangereuses à manier. Il faut s’abstenir de parler des Grands, cela est délicat & chatouilleux. Les questions de la grace sont les plus délicates de la Théologie. On dit aussi, qu’un procès est fort délicat, lorsqu’il est problématique, que les avis sont fort partagés : & qu’un homme s’est tiré d’un pas fort délicat, quand il s’est tiré d’un grand danger par son adresse.

On dit proverbialement & ironiquement à un homme, qu’il est délicat & blond, quand il est difficile à contenter. On le dit aussi quand il se choque trop facilement.

DÉLICATEMENT. adv. D’une manière délicate, avec délicatesse. Voy. les différentes acceptions de ce mot. On le dit au propre & au figuré. Delicatè, molliter. Ce Peintre peint délicatement. Cet Auteur écrit fort délicatement, juge fort délicatement. Ce Seigneur vit fort délicatement. Cette affaire a besoin d’être maniée délicatement. Mettre en œuvre délicatement. Vaug. Travailler délicatement. Ablanc. Dans les hommes délicatement ambitieux, la modestie est un faste fin & délié, qui leur fait mépriser le faste des autres. M. Esp. La fourbe n’étoit pas trop délicatement conduite. S. Evr.

DÉLICATER. v. a. Traiter avec mollesse. Se délicater, chercher trop les aises, vivre dans la molesse & la volupté. Delicias sectari, curare se molliter. C’est gâter les enfans que de les trop délicater. Quand on veut aspirer aux grandes choses, il faut s’accoutumer à la fatigue, aux veilles, au travail.

Délicaté, ée. part.

☞ DÉLICATESSE. s. f. Qualité de ce qui est délicat. On le dit dans la plupart des sens de délicat, tant au propre qu’au figuré. Voy. Délicat.

Délicatesse, par rapport à l’organe du goût. Qualité de ce qui flatte agréablement l’organe. La délicatesse du vin, des viandes, des mets consiste en… Dans les premiers temps les hommes ne connoissoient point cette grande diversité de mets, & cette délicatesse pernicieuse (lauti, exquisiti cibi.) que nous ne connoissons que trop à présent.

Ils ignoroient la volupté
Et la fausse délicatesse,
Dont aujourd’hui notre mollesse
Se fait une félicité.

Délicatesse de la main, c’est la légèreté, la dextérité, l’attention circonspecte avec laquelle on applique la main à quelque chose, à quelque opération avec laquelle la main agit, opère. La délicatesse est nécessaire à un Chirurgien dans les opérations qu’il fait, pour ménager la sensibilité du malade. Dexteritas.

☞ On le dit de même en parlant d’un ouvrage de main. Industria. Ouvrage d’une grande délicatesse, composé de parties fines, déliées & fragiles rapprochées avec art, ou qui demande dans l’ouvrier une grande adresse, une grande légèreté de main. On dit dans ce sens une grande délicatesse de pinceau, de burin.

☞ On dit aussi la délicatesse du teint, la délicatesse de la peau, pour marquer que la peau est fine & déliée.

☞ On l’emploie aussi dans le sens de foiblesse. Infirmitas, debilitas. Délicatesse du tempérament. La délicatesse de sa santé, de sa complexion ne lui permet pas…

Délicatesse de goût, d’esprit, de jugement, pour marquer la finesse de l’esprit qui saisit le rapport, la liaison, les combinaisons des idées. Délicatesse de l’oreille, sensibilité de cet organe pour discerner les sons avec précision. Voyez Délicat.

Délicatesse d’une pensée. La délicatesse dans les pensées, dit le P. Bouhours, est une force polie & adoucie. Voyez Délicat dans cette acception. Il y a une fausse délicatesse qui décharne le discours, & lui ôte sa substance & sa solidité. S. Evr.

Délicatesse des louanges, synonyme de finesse. La délicatesse des louanges est inutile ; on n’y raffine plus tant.

☞ En parlant d’une affaire délicate & dangereuse, on dit qu’il faut la traiter avec beaucoup de délicatesse, avec beaucoup de prudence, d’adresse, de circonspection. Summa cautione, cautè. Il faut ménager cela avec grande délicatesse.

Délicatesse, se prend encore pour sensibilité, raffinement qui nous rend difficiles, éloignement qu’on a pour certaines choses, peine qu’on a à les souffrir, dégoût qu’elles causent. Fastidium, aversus ab aliquâ re animus. Il y a des gens qui ont une délicatesse chagrine, qui ne s’appliquent qu’à chercher les défauts des autres pour le plaisir de les critiquer. Bell. Les Rois ont certaines délicatesses qui retiennent dans un timide respect ceux qui les approchent. Fléch. La délicatesse de notre orgueil augmente dans la prospérité. Boss. Ceux que la passion d’être aimés rend sensibles au mépris, se l’attirent d’ordinaire par cette délicatesse incommode. Nic. La délicatesse ne sert bien souvent qu’à diminuer le nombre des plaisirs, & l’on n’en a point trop. Il faut apprendre à vaincre notre délicatesse naturelle, à recevoir des avis. S. Evr. J’ai une furieuse délicatesse pour tout ce qui approche de moi. Id. Rien n’est si ridicule que cette délicatesse d’honneur qui prend tout en mauvaise part, Mol. Nimia honoris tuendi cupido. Delicatesse, dans le sens qui vient d’être expliqué, ne se prend pas toujours en mauvaise part, & ce mot ne marque pas toujours un excès blâmable, une sensibilité excessive, ou trop grande. On étoit résolu à la Cour de France de n’admettre aucune médiation dans une affaire de délicatesse & d’honneur. L’Abbé Regn. Il s’agit de l’insulte faite à Rome le 20. Août 1662. au Duc de Crequi, Ambassadeur de France : la sensibilité ne pouvoit guère être trop grande en cette occasion.

☞ La fausse délicatesse dans les actions libres, dans les mœurs, ou dans la conduite, n’est pas ainsi nommée parce qu’elle est feinte, mais parce qu’elle s’exerce sur des choses & en des occasions qui n’en méritent point la peine. La fausse délicatesse de goût & de complexion, n’est telle au contraire que parce qu’elle est feinte ou affectée. C’est Emilie qui crie de toute sa force sur un petit péril qui ne lui fait point de peur : c’est une autre qui par mignardise pâlit à la vue d’une souris, ou qui veut aimer les violettes & s’évanouir aux tubéreuses.

Délicatesse, au pluriel, signifie ce qu’il y a de plus fin & de plus choisi dans une langue. Voyez finesses. Il sait toutes les délicatesses de la langue. On dit aussi, les délicatesses de la table ; pour dire, les mets délicats.

Délicatesse, signifie quelquefois mollesse, ou trop de commodité & de ménagement. Mollitia. Il ne faut pas élever les enfans avec trop de délicatesse : cela les rend efféminés.

Délicatesse, en matière de conscience, se dit des scrupules, des frayeurs, & des alarmes d’une conscience, à qui l’ombre, ou l’apparence même du péché, donne des inquiétudes & des remords. Rien ne contribue davantage à perfectionner la pureté de cœur, que la délicatesse de conscience.

☞ DÉLICE. s. m. Terme qui paroît relatif à l’organe du goût, & qui exprime principalement le plaisir extrême de la sensation du goût. Deliciæ. C’est un délice pour certaines personnes de boire à la glace même en hyver ; & cela est indifférent pour d’autres même en été. On le dit, dans le même sens, de l’esprit. La contemplation est le délice d’un esprit élevé & extraordinaire.

☞ Le mot de plaisir a rapport à un plus grand nombre d’objets que ceux de délice & de volupté. On le dit de tout ce qui concerne l’esprit, le cœur, les sens, la fortune, enfin de tout ce qui est capable de nous donner du plaisir, de procurer à l’ame une situation gracieuse. L’idée de delice enchérir, par la force du sentiment, sur celle de plaisir ; mais elle est bien moins étendue par l’objet : elle se borne proprement à la sensation, & regarde surtout celle de la bonne chère. L’idée de volupté est toute sensuelle, & semble désigner, dans les organes quelque chose de délicat qui raffine & augmente le goût. Syn. Fr.

☞ Ce mot est plus souvent employé au pluriel, où il est du genre féminin, & se prend dans un autre sens, selon lequel il exprime l’objet ou la cause de cette situation gracieuse de l’ame : comme quand on dit jouir des délices de la campagne. Alors ce mot a plus de rapport aux agrémens que la nature, l’art & l’opulence fournissent, telles que de belles habitations, des commodités recherchées, & des compagnies choisies, en un mot, à tous les objets qui réveillent les idées les plus douces, ou excitent les sensations les plus agréables. Deliciæ. Au lieu que le mot de plaisir a plus de rapport aux pratiques personnelles, aux usages & aux passe-temps, tels que la table, le jeu, les spectacles, & les galanteries : & celui de volupté désigne proprement des excès qui tiennent de la mollesse, de la débauche & du libertinage, recherchés par un goût outré, assaisonnés par l’oisiveté, & préparés par la dépense tels que l’on dit avoir été ceux auxquels Tibère s’abandonnoit dans l’Isle de Caprée.

☞ Le Paradis terrestre fut appelé le jardin de délices. Etre nourri dans les délices. Goûter les délices de la vie. Faire ses plus chères délices de quelque chose. Les délices des sens, de l’esprit. Faire ses délices de l’étude, du jeu. Les délices du cœur sont plus touchantes que celles de l’esprit. Par-tout le mot de délices signifie un plaisir extrême.

☞ On dit d’un Prince qu’il est les délices de son siècle, pour dire qu’il est l’objet de l’amour public. L’Empereur Titus étoit les délices du genre humain.

De Rome pour un temps Caïus fut les délices ;
Mais sa feinte bonté se tournant en fureur,
Les délices de Rome en devinrent l’horreur. Racine.

DÉLICHIA. Île de la Méditerranée. Dulichium. C’est une des Echinades, ou Cursolaires, situées dans le Golfe de Pascas à l’entrée de celui de Lépante. M. Spon croit que c’est celle qu’on appelle aujourd’hui Thiaki, ou petite Céphalénie, parce qu’elle n’est éloignée de Céphalénie que de trois ou quatre miles.

DÉLICIEUSEMENT. adv. D’une manière délicieuse, avec délices. Délicatè, molliter. Apicius étoit un homme qui vivoit fort délicieusement. Les Sybarites étoient des peuples élevés délicieusement. Boire délicieusement.

DÉLICIEUX. euse. adj. Terme particulièrement relatif à l’organe du goût, qui s’applique à ce qui flatte cet organe le plus agréablement qu’il est possible. Suavis, delicatus, delicati saporis. Vin, mets délicieux. Ce ragoût est délicieux. Fruit délicieux.

D’un joug cruel il sauva nos aïeux,
Les nourrit au désert d’un pain délicieux :
Il nous donne ses Loix, il se donne lui-même ;
Pour tant de biens il commande qu’on l’aime. Racine.

☞ Par extension ce mot s’applique aux choses qui excitent dans les autres organes les sensations les plus agréables. C’est ainsi qu’on dit une musique délicieuse, un parfum délicieux.

☞ En généralisant ainsi ce mot, on l’applique à l’objet ou à la cause de la situation gracieuse de l’ame, à ce qui produit dans elle des sensations agréables. Conversation délicieuse. Campagne délicieuse. Séjour délicieux, c’est-à-dire, où tous les objets réveillent des idées douces, & procurent à l’ame des sensations agréables. Le jardin d’Eden étoit un lieu délicieux.

☞ On s’en sert encore pour exprimer cet état de pur sentiment dans lequel l’ame, dans une espèce de quiétisme, ne fait plus que sentir la douceur de son existence. Il y a des solitudes qui charment les ennuis, & qui donnent un repos délicieux. S. Evr. Délicieux momens, Dieux quels momens !

☞ Quelques Néologues ont même osé joindre cette épithète à des termes qui expriment une situation de l’ame fâcheuse & désagréable : & l’on a dit une tristesse délicieuse.

Délicieux, se prend aussi quelquefois pour voluptueux, pour celui qui aime le plaisir. C’est un homme délicieux dans son boire & dans son manger. Il ne se dit guère absolument en ce sens-là. Ac. Fr.

DÉLICOTER. v. récip. Terme de Manège, qui le dit d’un cheval qui est sujet à défaire son licol, à qui il faut mettre un sous-gorge. Capistrum excutere, disjicere. Ce cheval est sujet à se délicoter.

☞ DÉLIÉ. ée. adj. se dit au propre d’une chose qui est très-mince, qui a très-peu d’épaisseur relativement à sa longueur. Tenuis, gracilis. Fil délié, toile déliée. Trait de plume délié. Le fil de lin est plus délié que celui de chanvre. Taille déliée. Voilà l’idée qu’on nous donne ordinairement de ce mot. M. l’Abbé Girard en comparant ces trois mots, menu, délié & mince, observe que menu n’a quelquefois rapport qu’à la grosseur dont il manque, & d’autres fois à la grandeur en tout sens : que le délié n’est opposé qu’à la grosseur, supposant toujours une sorte de longueur, & qu’enfin le mince n’attaque que l’épaisseur, pouvant beaucoup avoir des autres dimensions. Ainsi l’on dit une jambe & une écriture menue, un fil délié, une planche & une étoffe mince.

Délié, se dit au figuré d’un esprit propre aux affaires épineuses, fertile en expédiens, insinuant, fin, souple, caché, qualités qui lui sont communes avec l’esprit fourbe & méchant : cependant on peut être délié sans être ni méchant ni fourbe. C’est la notion que les Encyclopédistes nous donnent de ce mot en quoi il paroît que l’on fait un peu trop ressembler l’homme délié à l’homme fin. Un homme fin, dit M. l’Abbé Girard marche avec précaution par des chemins couverts. Un homme subtil avance adroitement par des voies courtes. Un homme délié va d’un air libre & aisé par des routes sûres. La défiance rend fin. L’envie de réussir jointe à la présence d’esprit rend subtil. L’usage du monde & des affaires rend délié. Les Normands ont la réputation d’être fins. Les Gascons passent pour subtils. La Cour fournit les gens les plus déliés. Voyez encore fin & délicat.

Quelques-uns dérivent ce mot de l’Hébreu dal qui signifie tenuis, ou de dalal, qui veut dire attenuari, arescere. Mais, sans aller si loin, il vient de delicatus : ou plutôt il vient de délien, vieux mot Celtique & Bas Breton, qui signifie feuille, à cause que la feuille est mince & déliée.

Délié, terme de Poësie Italienne. Solutus. Les vers déliés, que les Italiens appellent en leur langue sciolti, sont des vers qui ne riment pas les uns avec les autres : ils ne sont point astreints à la rime, mais à un certain nombre de syllabes, & à la cadence ; on pourroit les appeler une prose cadencée. Annibal Caro a traduit l’Enéide de Virgile en vers déliés. Il y a encore d’autres vers Italiens qu’on nomme déliés ; mais ils sont astreints à quelque chose de plus difficile que la rime finale ; car au lieu de rimer à la fin, comme c’est l’usage dans les langues vivantes d’Europe, dans ceux-ci la fin d’un vers rime avec le milieu du suivant.

Menando un giorno gli agnl prejjo un fiume,
Vidi un bel lume, in mezzo di quell’onde.
Sannaz.

Il y en a qui appellent ces sortes de vers, vers à rimes enchaînées ; ce nom leur convient mieux que celui de vers déliés. Nous appelons en François ces sortes de vers, vers à rimes bâtelées. En voici un exemple, tiré de Marot.

Quand Neptunus, puissant Dieu de la Mer,
Cessa d’armer, caraques & galées. &c.

DÉLIÉES. s. f. pl. Terme de chasse. Ce sont les fumées bien mâchées que nous appelons en terme de chasse, bien moulues.

☞ DELIENNES. (Fêtes) Voy. Délies.

DÉLIER, v. a. Oter le lien, défaire ce qui lie quelque chose. Solvere, exsolvere. Délier les pieds & les mains d’un criminel attaché à un poteau. Délier un faisceau de verges, une gerbe, un fagot.

Du Cange dérive ce mot de distigare, qu’on a dit dans la basse Latinité dans la même signification. Voy. les Acta Sanctor. Mart. T. II. p. 210. A.

Délier, terme du grand Art. Délier un corps, ou le corps, c’est le dissoudre, le pourrir, le rendre liquide, mou, fluide, coulant, de dur qu’il étoit. Solvere, dissolvere, putrefacere.

Délier, se dit figurément en choses spirituelles. Solvere. Jésus-Christ a donné pouvoir à S. Pierre & à ses successeurs de lier, ou de délier, d’absoudre, ou de refuser l’absolution. Délier d’une maladie, dans l’Evangile, signifie, la guérir. On dit de celui qui parle bien & facilement, qu’il a la langue fort déliée. Voici le jour qui rompt mon silence, & qui délie ma langue. Ablanc.

Dès que notre esprit se délie,
Tout chez nous se tourne en poison,
Le premier instant de raison ;
Est en nous, quoique l’on publie,
Le premier accès de folie. P. du Cerc.

Délié, ée, part,

DÉLIES. s. f. Fêtes qui se célébroient à Athènes en l’honneur d’Apollon. Delia, orum. La principale cérémonie de cette tête étoit une Ambassade des Athéniens à l’Apollon de Délos, ou bien un pèlerinage qu’ils y faisoient faire tous les cinq ans ; ils choisissoient pour cela un certain nombre de Citoyens, qu’on chargeoit de cette commission, & qu’on appeloit pour cela Déliastes, Δηλιάσται, ou Théores, Θεωροί, c’est-à-dire, les voyans, ceux qui vont voir. Le Chef de l’Ambassade ou de la députation, s’appeloit Archithéore, Ἀρχιθέωρος. On y joignoit quatre personnes de la famille des Céryques, Prêtres descendans de Mercure, qui demeuroient à Délos toute l’année pour y servir dans le Temple. Toute cette députation partoit sur cinq vaisseaux, sur lesquels on portoit tout ce qui étoit nécessaire pour la fête & les sacrifices. Celui qui portoit les Déliastes, ou Théores, étoit appelé Déliade, Δηλιάς, ou Théoride ; les quatre autres vaisseaux sacrés qui l’accompagnoient se nommoient le Parale, l’Antigonide, la Ptolémaïde & l’Ammonide. Quelques-uns disent que le Parale & la Déliade, sont le même vaisseau : d’autres les distinguent. Il en est aussi qui disent que la Déliade, étoit le vaisseau même sur lequel Thésée, vainqueur du Minotaure, avoit ramené les jeunes Athéniennes qui devoient être sacrifiées à ce monstre.

Les Déliastes qui montoient ce vaisseau, étoient couronnés de laurier. Quand ils étoient arrivés ils offroient d’abord un sacrifice à Apollon. Après le sacrifice, de jeunes filles dansoient autour de l’autel une danse nommée en Grec Γέρανον, & dans laquelle par leurs mouvemens embarrassés, & la manière dont elles figuroient ensemble, elles représentoient les tours & les détours du labyrinthe. Quand les Déliastes revenoient à Athènes, le peuple alloit au-devant d’eux, & les recevoit avec de grandes acclamations & de grands cris de joie. Ils ne quittoient point leur couronne que toute leur commission ne fût finie ; & alors ils alloient la consacrer à quelque Dieu dans son temple. La Déliade qui les portoit étoit aussi couronnée, & c’étoit par-là que toute la fête commençoit ; le Prêtre d’Apollon couronnoit la pouppe de ce navire. Tout le temps que duroit l’allée & le retour, & toute la cérémonie, s’appeloit les Délies & pendant tous ces jours-là les loix défendoient d’exécuter aucun criminel, privilège singulier de cette fête d’Apollon, & que n’avoient pas même celles de Jupiter, car Plutarque remarque que ce fut un jour consacré à Jupiter qu’on fit prendre à Phocion le poison auquel il avoit été condamné, & l’on attendit au contraire trente jours pour le donner à Socrate, parce que c’étoient les Délies. Voyez Thucydide, L. III. Jul Pollux, L. VIII. c. 9. sect. 26. Franc. Rossæus Arch. Attic. L. VII. c. 2. Sam. Petit. Comment. in Leg. Attic. L. I. Tit. 2. Paschal. Coron. L. IV. c. 18. & 19. Meursius Lexic. Suicerus, Θεωρός

Thucydide, L. III. p. 243. de la seconde édition d’Henri Estienne, dit que ce fut pendant l’hiver de la sixième année de la Guerre du Péloponèse que les Athéniens firent les Délies, après avoir expié l’Ile de Délos, & en avoir ôté tous les tombeaux, & ordonné que personne n’y naîtroit & n’y mourroit dans la suite, mais que l’on transporteroit tous les moribonds dans une petite Île appelée Rhénie, qui touche presque à Délos. Long-temps avant ce temps-là les Ioniens & les Insulaires voisins de l’Ionie faisoient des espèces de Délies ; c’est-à-dire, des fêtes & des jeux semblables aux Ephésies, qu’ils célébrèrent dans la suite. Il y avoit des combats gymnastiques & de poësie, ou de musique. Thucydide, à l’endroit que j’ai cité ci-dessus, en parle d’après Homere.

DELINÉATION. s. f. Représentation, description qu’on fait d’une chose avec de simples lignes, avec de simples traits. Delineatio. Ce plan n’est pas encore en sa perfection, ce n’est que sa première délinéation. Délinéation d’une place.

DÉLINQUANT. adj. employé substantivement. Terme de Palais. Qui a commis quelque délit. Noxæ reus, delicti reus. Il est du devoir d’un Magistrat d’être sévère à punir les délinquans.

Délinquant, se dit aussi en Droit Canon & en Théologie Morale. Il y auroit de l’indiscrétion dans le zèle, si l’on employoit les censures, lorsque des avis charitables, ou des défenses réitérées sous peine de quelque moindre châtiment, seroient capables de contenir les personnes dans leur devoir, ou de réduire les délinquans. Confer. d’Ang.

DÉLINQUER. v. n. Commettre quelque délit, contrevenir à la loi. Delinquere, peccare. Un Procureur qui a délinqué, qui a prévariqué en sa charge, doit être puni. Il ne se dit qu’au Palais.

DÉLIOT. s. m. C’est un petit bonnet de cuir blanc, dont les vélineuses couvrent le bout de leur pouce, pour travailler au point de France. On se sert du déliot comme on se sert du dé à coudre, excepté que le déliot se met au pouce, & en couvre environ autant qu’en emporte l’ongle. Il sert à pousser l’aiguille à vélin, qui est si fine, que le cul en entreroit dans la chair sans cette précaution.

DELIRE. s. m. Terme de Médecine. Egarement d’esprit causé par quelque maladie le délire consiste dans un exercice dépravé de l’entendement & de la mémoire. Voyez Folie, démence, manie. Delirium, Quand le diaphragme est offensé, il cause le délire & la phrénésie. Le délire arrive par une trop grande perte de sang qui affoiblit le cerveau, par la piquure d’une bête venimeuse, par la semence & menstrues retenues dans la matrice, par la pourriture d’un membre gangrené, &c. La fièvre chaude cause aussi le delire, quand il y a transport au cerveau.

Quelques-uns dérivent ce mot de lira, qui chez les Anciens signifioit des sillons tirés en droite ligne, de sorte qu’ils ont appelé delirare, a recto aberrare.

☞ DÉLIS. Voyez Déli.

☞ DÉLIT. s. m. Terme de Pratique. Faute, crime, péché. Delictum. Ces quatre mots ne sont nullement synonymes. Voyez au mot crime, & sous les articles particuliers les nuances qui les distinguent. Le delit est proprement une transgression de la Loi civile, qui part de la désobéissance ou de la rébellion contre l’autorité légitime. Les duels & les contrebandes sont des délits.

☞ Le délit est commis directement contre l’intérêt public, comme l’homicide, ou contre celui des particuliers, comme le vol. De-là, dans le Droit Romain, la division du délit, en délit public & délit privé.

☞ Mais les Ordonnances de nos Rois en ont admis d’autres ; savoir, les délits capitaux & non capitaux, & les délits ou cas privilégiés & communs. voyez Crime.

☞ Le délit commun est opposé au délit privilégié, selon notre usage.

☞ Par délit commun, on entend celui dont le Juge d’Eglise peut connoître lorsqu’il est commis par un Ecclésiastique, suivant le Droit commun.

☞ Par le délit privilégié, on entend celui qui est commis par un Ecclésiastique, pour raison duquel il est sujet à la Jurisdiction du Juge royal, par un droit & privilège spécial qui lui en attribue la connoissance, attendu que ce délit doit être puni de mort.

Les délits communs sont non-seulement les contraventions à la Discipline & aux Loix Ecclésiastiques, mais encore toutes sortes de crimes, excepté les cas privilégiés ; qui sont le vol, la sédition, l’assassinat, la fausse monnoie. Crimen translatitium, translatitia criminatio. On met aussi l’adultère au nombre des cas privilégiés, quand le mari en rend plainte à la Justice. Les délits communs, ou crimes Ecclésiastiques sont la simonie, la confidence, le sacrilège commis sans violence, &c. Autrefois les Laïques ne prenoient aucune connoissance des affaires des Clercs, ni de leurs mœurs. Ainsi, dans la corruption qui infesta le Clergé, le plus considérable privilège du caractère clérical fut de soustraire les coupables aux rigueurs de la Justice. On remarque que les Juges d’Eglise se contentoient d’imposer des pénitences légères, & n’abandonnoient presque jamais le criminel au bras séculier. A Rome même, on obtenoit facilement des absolutions. On crut donc que, pour maintenir la sûreté publique, il falloit excepter les crimes les plus atroces ; & c’est ce qu’on appela les cas privilégiés. Il y a plus de 300 ans que cette distinction du délit commun est établie, & cependant on ne convient pas encore à quoi il se réduit. Les Juges laïques le bornent aux crimes purement Ecclésiastiques, & aux simples contraventions à la Discipline. Par une Déclaration de 1684, l’instruction pour les cas privilégiés se fait par le Juge Royal, & le Juge d’Eglise conjointement. Le Droit Civil parle des obligations qui se contractent par le délit, ou quasi-délit. Le quasi-délit, est une faute commise par imprudence, sans dol, ni volonté. C’est une espèce d’incongruité d’appeler délit commun, celui dont les Officiaux prennent connoissance dans la plupart des crimes des Ecclésiastiques & délit privilégié, celui qui est renvoyé devant les Officiers Royaux ; comme si la connoissance qu’ont les Ecclésiastiques de l’un, leur appartenoit de droit commun, & que les Officiers du Roi n’eussent celles dont ils jouissent que par privilège : vu qu’il en est tout le contraire, & que ce n’est que par la permission du Roi que les Officiaux connoissent de la plupart de ces crimes ; car le for extérieur appartenant au Magistrat politique, & l’exercice de la jurisdiction criminelle des Officialités désirant un for & un Tribunal extérieur : parce que nous appelons for extérieur, tout ce qui est hors le Tribunal des consciences, il s’ensuit de-là que le délit qui est porté au Tribunal des Ecclésiastiques devroit être appelé privilégié, puisqu’ils n’en exercent la jurisdiction que par privilège, & que le délit dont connoissent les Officiers du Roi, devroit être appelé le délit commun. Talon, ou plutôt M. Noland. Le Vayer de Boutigni, dans son Traité de l’Autorité du Roi dans l’Administration de l’Eglise.

☞ On dit proverbialement, qu’on est trouvé en flagrant délit, quand on est pris sur le fait, à l’instant qu’on commet le crime.

☞ On appelle corps de délit, ce qui constate le crime qui a été commis, comme en matière d’homicide, un cadavre ; en matière de vol, une effraction. Avant que de condamner un criminel, il faut que le corps de délit soit constant.

Délit, terme d’Architecture & de Maçonnerie. Le côté, le sens d’une pierre différent du lit qu’elle avoit dans la carrière. Mettre en délit une pierre, c’est la mettre dans un autre sens qu’elle n’étoit dans la carrière, cela s’appelle délit en parement. Délit en joint, c’est le lit du sens des joints montans. C’est une mal-façon de poser les voussoirs autrement que de délit enjoint ; comme si l’on chargeoit un livre sur la tranche, il est évident que le poids feroit effort pour écarter les feuilles ; au lieu qu’il les appuie les uns sur les autres lorsqu’on le charge sur la joue. Il y a des pierres si compactes, qu’elles n’ont ni lit ni délit. Tels sont la plupart des marbres qu’on peut poser comme on veut.

En termes d’Eaux & forêts, on appelle des arbres de délit, ceux qui ont été coupés clandestinement, ou contre les Ordonnances & Réglemens, qui sont sujets à confiscation & à amende. Clam ac furtim cæsæ arbores.

Ce mot de délit vient du mot Latin delictum, formé de delinquo.

Devoir de délits, terme de Coutumes. Certain droit d’un boisseau de seigle sur chacune ancienne tenue de chacun ménager paroissien tenant feu & fumée, & labourant terre.

DÉLITER, v. a. Terme de Maçonnerie. Poser une pierre dans un bâtiment en sens contraire à celui qu’elle avoit dans la carrière, quand elle étoit sur son lit naturel. Lapidem contrario in situ ei quem habebat in lapidicina collocare. Il faut avoir attention de ne point déliter les pierres ; car elles se fendent pour peu qu’on les charge, quand elles sont délitées. Le marbre ne se délite point, parce qu’il se peut mettre en tous sens, & qu’il n’a point de lit. Il y a des pierres dures qui ont la même propriété. On dit qu’une pierre se délite, quand elle se fend par feuillets. Dissolvi. Car les pierres se forment dans les carrières par feuilles mises les unes sur les autres. C’est pourquoi si on ne les met pas de plat, tous ces feuillets qui se trouvent de champ s’écartent, & se délitent, & ne peuvent pas porter de grands fardeaux.

Délité, ée, part.

DÉLITESCENCES. s. f. Terme de Chirurgie. Cache, retraite. Mot forgé du verbe Latin delitescere, se cacher, disparoître. L’Auteur du Brigandage de la Médecine, en parlant des abcès incomplets, ou à demi-faits, & des épanchemens imparfaits, semi-flui, insiste sur la crainte & sur l’attention où ils doivent tenir un Médecin contre leurs rétrocessions, ou leurs délitescences.

Délitescence est un reflux subtil de l’humeur morbifique de dehors en dedans, qui fait disparoître tout-d’un-coup une tumeur, un abcès, un apostême ; accident plus ou moins à craindre, selon que l’humeur rentrée dans les vaisseaux, est bénigne ou maligne ; selon que les parties où elle se dépose, sont internes ou externes, & qu’elles sont plus ou moins essentielles à la vie.

DELITEX. adj. Vieux mot. Délicieux.

☞ DÉLIVRANCE. s. f. Terme de Jurisprudence. Action par laquelle on livre quelque chose entre les mains de quelqu’un, livraison. Traditio. On lui a fait la délivrance à cet encan d’une tapisserie. Il ne veut pas faire la délivrance des titres de cette terre, qu’il n’en ait touché tout l’argent. On demande en Justice la délivrance d’un legs. La délivrance du legs se doit demander par devant le Juge du domicile de l’héritier.

Délivrance, est aussi l’action par laquelle on met en liberté. Liberatio. Travailler pour la délivrance de son pays. Travailler à la délivrance des esclaves, des prisonniers, est une œuvre fort charitable. Redemtio.

☞ On dit qu’une femme a eu une heureuse délivrance, pour dire qu’elle est accouchée heureusement. Partus.

En termes de Monnoie, on appelle, Faire la délivrance, lorsque les Officiers donnent permission d’exposer les monnoies en public, après les avoir bien examinées. Approbatæ monetæ usum permittere. Les Gardes sont responsables de la justesse du poids, & les Essayeurs de la bonté du titre. On dresse un acte de cette délivrance, & c’est le premier jugement qui est fait des espèces. Voyez Boizard, p. 95. 96. & 146.

DELIVRANDE. s. f. Ce mot s’est dit apparemment autrefois pour Délivrance, au moins en Normandie, ou s’est fait de Délivrance, Il ne se dit plus que pour nom d’un lieu qu’on appelle Notre-Dame de la Délivrande, ou simplement, la Délivrande. C’est un lieu de dévotion où il y a une Chapelle dédiée à la sainte Vierge. Il est en Normandie, à un quart de lieue de la mer, à trois lieues de Caën, à une de Bernieres, & à deux d’Estrehan, dans le Diocèse de Baieux. Aller en pèlerinage à la Délivrande, ou Notre Dame de la Délivrande.

DELIVRE. s. m. Se dit à la campagne de l’arriere-faix de la vache, quand elle a fait son veau : ce qu’on appelle en Latin secundina vitulina. Il se dit aussi de l’arrière-faix des femmes. Voyez Arrière-faix.

On dit, en termes de Fauconnerie, Un oiseau fort à délivre, qui n’a point de corsage, & qui est quasi sans chair, comme le héron. Macer, macilentus.

Délivre. adj. Vieux mot. Libre, dégagé, ou même délivré. Gloss. sur Marot.

DELIVRER. v. a. Livrer, mettre en la main de quelqu’un quelque meuble, argent, papiers, marchandise. Tradere in manus. Il faut délivrer à un Exécuteur testamentaire tous les meubles d’une succession, pour en rendre compte au bout de l’an. Je lui ai délivré cette lettre de change, ce dépôt en main propre. On a délivré à son Facteur tout le vin qu’il a acheté.

Ce mot vient du Latin deliberare. Ménage. Qui ne signifie point cela en Latin.

On dit, Délivrer des ouvrages à un Entrepreneur, à un Maçon, pour dire, Donner des ouvrages à un Entrepreneur, à un Maçon. Et on dit qu’un Entrepreneur doit délivrer des ouvrages dans un certain temps, pour dire, qu’il les doit rendre parfaits & achevés dans ce temps-là.

Délivrer, signifie aussi adjuger en Justice. Addicere, adjudicare. Dans une vente, l’Huisser délivre un meuble au plus offrant & dernier enchérisseur.

Délivrer, dans la signification de mettre en liberté, affranchir de quelque mal, nous tirer, ou nous-mêmes, ou les autres d’une situation pénible de corps ou d’esprit. Liberare, redimere. Jesus-Christ, par sa Passion, nous a délivré de la mort éternelle. Ma passion ne s’affoiblit point par les retours que je fais sur moi-même pour m’en délivrer. La mort nous délivre de bien des maux. Délivrer quelqu’un de la poursuite de ses créanciers. Liberare aliquem creditoribus. Le délivrer de prison, d’un grand fardeau. Liberare custodiis corporis, magno onere. Se délivrer de ses dettes. Liberare se ære alieno. Me voilà délivré d’une grande inquiétude. Délivrer une ame du Purgatoire.

Délivrer, en parlant d’une femme, synonyme d’accoucher. C’est une Sage-femme qui l’a délivrée. Voyez Accoucher dans cette acception.

☞ On dit, dans le même sens, qu’une femme s’est heureusement délivrée d’un garçon ou d’une fille, pour dire qu’elle en est heureusement accouchée. Parere. Voyez Accoucher.

☞ Et, dans un sens un peu différent, on dit qu’une femme est accouchée, mais qu’elle n’est pas encore délivrée, pour dire que le délivre, l’arrière-faix n’est pas encore venu. Voyez Arrière-faix.

DÉLIVRÉ, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin comme en François.

DÉLIVREUR. s. m. Celui qui délivre. Liberator. Ce mot ne se trouve employé que dans le style burlesque. Ce délivreur d’Andromède vit moins de monts & moins de vaux. Voit. En sa place on dit, Libérateur. Quand délivreur signifie libérateur, il ne se dit qu’en badinant : mais, quand délivreur est un nom d’emploi, d’office, il se dit bien en François, & signifie celui qui délivre, qui donne une chose qu’il garde, qu’on a confiée à ses soins. Promus. Des trois garçons de la Paneterie l’un est appelé le Délivreur. État de la Fr.

☞ On appelle aussi délivreur, en termes de Manège, un domestique qui distribue aux heures marquées l’avoine dont il a la clef.

☞ DELLI. Voyez Dehli.

DELME. Bourg de Lorraine. Delma. Quelques-uns croient que c’est le Duodeciacum des Anciens, que d’autres placent à Dieuze. D’autres veulent que Delme soit l’ancienne Duzacum.

☞ DELMENHORST. Delmenhorstium. Ville d’Allemagne, capitale du Comté de ce nom, sur la rivière de Delme, qui arrose la Basse-Saxe, & se perd ensuite dans le Weser.

DELMINO. Petite ville de la Turquie en Europe, qu’on appelle autrement Damna & Damnio : en Latin Delminium, Dalminium, Dalmana. Elle est dans la Bosnie près de Drina. Delmino est aujourd’hui peu de chose ; cette ville étoit autrefois puissante, & la capitale d’une petite République qu’on appeloit la Dalmatie. Maty. Hoffman & Baudrand disent qu’on l’appelle aujourd’hui Dumno ; Maty & M. Corneille après lui nous donnent Delmino pour son véritable nom. Quelques-uns prétendent que c’est Almissa, ou Almisa, que l’en voit sur les Cartes de Sanson, & qui s’appelle Omisc en Sclavon : mais Jean Lucius distingue ces deux lieux. Voyez Hoffman, aux mots Delminium, Peguntium & Dalmatia.

DÉLOER. v. a. Vieux mot, Blâmer.

☞ DÉLOGEMENT. s. m. Action de déloger, changement de logement. Migratio. Le temps du délogement approche.

☞ On dit plus souvent déménagement, quoique ce mot ne signifie proprement que le transport des meubles d’un logement dans un autre.

Délogement, en termes de Guerre, signifie, Décampement. Castrorum motio, copiarum e castris discessio. Le délogement de cette armée s’est fait en peu, à la hâte & en désordre.

☞ On le dit mieux du départ des gens de guerre logés par étape. Obtenir un délogement des gens de guerre. Acad. Fr.

☞ DÉLOGER, v. n. Quitter un logement pour aller en occuper un autre. Migrare, demigrare. J’ai donné congé de mon appartement, je déloge, je déménage à la S. Remi.

☞ Quelquefois il signifie simplement sortir du logis, de la maison. Migrare domo.

Mon père, si matin qui vous fait déloger. Rac.

Déloger, se dit, dans le même sens, des troupes logées par étapes. Le Régiment a délogé à la pointe du jour.

Déloger, se dit aussi pour décamper. Castra movere, e castris discedere. A l’approche de l’ennemi l’armée délogea bien vite. On ne le dit plus guère en ce sens.

Déloger, signifie encore s’enfuir, se retirer. Recedere, refugere. On avoit fait un logement sur la contrescarpe ; mais il en a fallu déloger. Quand les Archers sont en campagne, les voleurs délogent bien vîte.

☞ Quelquefois il signifie seulement sortir de la place que l’on occupe. Loco cedere, decedere. Délogez de-là, c’est ma place.

Déloger, v. a. signifie ôter un logement, obliger à sortir d’un logement.

Depellere, ejicere. On déloge les gens de mauvaise vie tous les trois mois. Un propriétaire peut déloger un locataire, quel que bail qu’il ait fait, quand il veut occuper les lieux en personne.

Déloger, actif, signifie, en termes de Guerre, Faire quitter un poste. Les ennemis s’étoient postés, s’étoient retranchés en tel endroit, mais on les a délogés à coups de canon. Acad. Fr.

☞ Il se dit encore à l’actif, pour faire sortir d’une place. Ils s’étoient mis aux premières places, mais on les a délogés. Loco depellere, ejicere.

☞ Se déloger pour quelqu’un, céder son logement à des hôtes pour un temps. Domum cedere, domo decedere. Quand la Cour passe en quelque endroit, on se déloge volontiers, on cède son logement à de nouveaux hôtes.

Ce mot vient, selon quelques-uns, de dislocare.

Déloger, se dit aussi, au figuré, pour Partir, quitter la place, s’en aller, disparoître. Decedere, discedere, fugere.

L’âge l’a fait décheoir ; elle sent chaque jour
Déloger quelques ris, quelques jeux, puis l’amour. La Font.

On dit proverbialement, Déloger sans trompette, pour dire, s’enfuir en diligence, sans faire de bruit, & à la sourdine. Silentio, tacitè.

Délogé, ée. part.

DELOI. s. m. Vieux mot. Péché contre l’obéissance que l’on doit aux Lois, soit divines, soit humaines.

DÉLOIR. v. a. Vieux mot. Retarder, différer.

DÉLONGER, v. a. Terme de Fauconnerie, qui signifie, ôter la longe d’un oiseau pour le faire voler, ou en autre occasion. Lorum solvere. On dit aussi délongir.

DELOS. Ancien nom d’une île fameuse de la me Egée, ou de l’Archipel, laquelle se nomme aujourd’hui Sdilles ; mais qu’il faut toujours appeler Délos, quand on parle de l’Antiquité. Delos. Cette île a eu plusieurs noms. On l’a nommée Délos, du mot Grec δῆλος, manifeste, apparent, parce qu’étant cachée sous les flots, elle parut, disent les Poëtes, pour donner retraite à Latone, que Junon poursuivoit, & à qui elle ne permettoit de s’arrêter nulle part pour faire ses couches. Elle y mit au monde Apollon & Diane, qu’elle avoit eus de Jupiter. Cette île fut appelée Lagie, Lagia, à cause de la quantité de lièvres & de lapins qu’il y avoit, & qui en Grec s’appellent λαγωός, ou λαγώς ; Ortygie, Ortygia, à cause de la multitude de cailles qu’on y trouvoit ; ὄρτυξ en Grec signifie caille : Pyrpile, de πῦρ, feu, parce que c’est dans cette île, disent les fables, que le feu fut trouvé d’abord. On l’appela encore Gynèthe, Gynethus. Etienne de Byzance dit que Délos s’est encore nommée Cynthe, Cynthus ; Astérie, Asteria ; Pélasgie, Pelasgia ; Chlamydie, Chlamydia, & Scinthiade, Scinthiada. Au lieu de Cynthe, quelques-uns disent Cynthie, & que ce nom lui fut donné à cause d’une montagne qui est dans cette île.

Délos étoit la plus fameuse des Cyclades, à cause qu’Apollon & Diane y étoient nés. Cette île étoit si respectée & si sacrée, que les Perses mêmes, qui ravageoient tout, ayant touché à Délos avec leur flotte de mille navires, n’osèrent y faire le moindre dégât. Virgile, Ovide, Stace, Claudien, Pline, &, parmi les Grecs, Callimaque, Aristide, Strabon ; disent qu’elle flottoit autrefois. Dans la suite elle devint stable, & Hérodote, Callimaque, & son Scholiaste, l’appellent immobile. Apollon y passoit son quartier d’été, & y rendoit des oracles pendant les six beaux mois de l’année. Les autres six mois, il alloit, disoit-on, rendre ses oracles à Patare, ville de Lycie. On dit qu’il n’y avoit point de chiens à Délos ; il n’étoit pas permis d’y en nourrir, ni d’y enterrer un corps mort ; on les portoit dans une petite île voisine, appelée Rhénie, & aujourd’hui Fermena, que les Grecs appellent la petite Délos, & Sdilles, la grande Délos. L’île de Délos, ou de Sdilles, est aujourd’hui déserte, & l’on n’y voit que des masures. Pline rapporte, L. IV. C. 12. que ce fut en cette île qu’on trouva le feu, & Virgile, suivant l’opinion de la Fable ancienne qui la croyoit flottante, feint agréablement qu’Apollon l’attacha entre Mycone & Gyare.

Quam priùs Arcitenens oras & littora circum
Errantem Mycone celsâ Gyaroque revinxit.

Aristote croit qu’elle avoit été autrefois cachée sous les eaux, & qu’elle parut soudainement : d’où vient qu’il tire l’origine de son nom d’un mot Grec qui signifie paroître, ἀπὸ τοῦ δηλοῦν ; mais je ne sais si je dois plutôt ajouter foi au Philosophe qu’au Poëte ; car il n’y a guère plus d’apparence de se persuader qu’une île couverte des eaux se montre subitement, que de croire qu’une qui flotte puisse être arrêtée. Il est pourtant vrai qu’on diroit qu’elle ne fait que surnager, tant elle est basse, & c’est pour cela peut-être que les Anciens nous ont voulu faire croire que le mont Cynthus qui est fort haut fait ombre sur toute l’île ; mais, sauf leur respect, il n’est pas assez élevé pour le pouvoir faire. Du Loir, p. 7. Cet Auteur ne savoit pas que Santorin dans la même mer, & parmi les Cyclades, est une île qui est sortie de la mer tout-d’un-coup, c’est à-dire en très-peu de temps ; que depuis, tout-près de Santorin, il est encore sorti deux petites îles. De plus, en 1714, il en sortit une près de ces trois-là. Aux Açores, il y a quelques années qu’un tremblement de terre fit paroître deux îles entre celle de S. Michel & celle de Tercere. Pour ce qui est d’une île flottante, un Capitaine Anglois passant de Lisbonne en Angleterre en 1721, vit près de l’île S. Michel une île flottante de pierre-ponce, d’environ quatre lieues de longueur, qui paroissoit depuis quelques mois. Tout cela montre qu’il n’est point impossible que l’île de Délos soit sortie de dessous les eaux, ni qu’elle y ait été quelque temps flottante. Pour moi je crois très-probable que ce qu’on appelle une fable est une tradition. Le nom de Délos, & ce que disent les Poëtes m’en est une preuve. On sait qu’un grand nombre de fables ne sont que d’anciennes traditions & des points d’histoire, sur lesquels on a enté des fables. Aussi il est fort probable que la véritable origine de cette île a donné occasion de feindre ou d’y appliquer ce qu’on dit de Latone & d’Apollon.

Cette île, la plus célèbre de l’antiquité, est si peu considerée des Grecs de ce temps, qu’elle n’a point d’habitans. Son port qui, après la ruine de Corinthe, fut un des plus fréquentés de toute la Grèce pour le commerce de l’Asie, parce qu’il étoit franc & sacré, ne l’est plus que des Corsaires. On me dit que l’on n’y voit plus qu’un grand amas de marbre blanc taillé, & de colonnes brisées, qui sont les ruines de la ville & du temple dédié à Apollon & à Diane : & qu’il y reste encore la moitié d’une statue haute de dix piés, représentant Apollon, & que les Anglois ont sciée en deux, de haut en bas, pour en emporter une partie. Id. p. 7. & 8.

Ce mot, si l’on en croit les Anciens, est Grec, Δῆλος, manifeste, apparente, parce qu’elle parut tout-à-coup de dessous les flots. D’autres, au rapport d’un Commentateur ds Stace, disent que c’est parce que ce fut la première qui fut éclairée des rayons du soleil, & d’autres par ce que les oracles qui s’y rendoient étoient plus clairs que nuls autres. Bochart va plus loin à son ordinaire, & Chan. L. I. C. 14. Il prétend que Délos vient de דהל, Daal, comme Belus vient de באל, Baal ; Daal signifie crainte & figurément, Dieu, parce qu’on craint les Dieux ; qu’il est pris en ce dernier sens dans les Paraphrases Chaldéennes ; & ; qu’ainsi les Phéniciens nommèrent cette île Daal, ou comme on prononçoit anciennement Déel, c’est-à-dire, l’Isle-Dieu, savoir Apollon, & au pluriel Daalan, ou Déelan, c’est-à-dire, l’isle des Dieux, Apollon & Diane.

On croit que ce sont ces deux Divinités que représente une médaille rapportée par Nonnius dans la XXVIII. Table des îles de Grèce. On voit deux têtes d’un côté avec ce mot ΘΕΩΝ, & deux têtes encore de l’autre avec ΑΔΕΛΦΩΝ, & de chaque côté sous les têtes Δ, qu’ils prennent pour ΔΗΛΙΩΝ. Et cela se confirme par une autre médaille qui se voit au même endroit avec trois têtes, qui sont celle de Jupiter couronnée de laurier sur le devant, celle d’Apollon rayonnante au milieu, & celle de Diane avec un croissant sur le front sur le derrière. Au revers est une Aurore dans un char emporté par deux chevaux. Les autres médailles de Délos n’ont qu’une tête rayonnante, ou seule, ou avec un carquois ; & au revers, ou le soleil dans son char à deux, ou à quatre chevaux, ou un croissant & deux étoiles, ou l’Aurore dans un char attelé de deux chevaux ou de deux bœufs. Il y en a qui ont une tête de Jupiter couronnée de laurier, & dessous Δ, au revers trois croissans, trois étoiles Δ. Nonnius Insul. Gr. Tab. XVII. & XVIII.

DÉLOT. s. m. Terme de Mer. Espèce d’anneau de fer concave, que l’on met dans une boucle de corde pour l’empêcher de se couper par celle que l’on y fait entrer. Annulus concavus.

☞ DÉLOYAL, ale. adj. & s. Qui n’a ni parole, ni foi, ni loi, qui compte pour rien les engagemens les plus forts. Perfidus, insidiosus, infidus. Ami déloyal. Il faut être bien déloyal pour trahir son ami. Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal. Mol. Ce mot vieillit. Il est plus tolérable en vers qu’en prose : en Poësie même, il est peu usité aujourd’hui.

DÉLOYALEMENT. adv. D’une manière déloyale. Avec perfidie. Il en a usé le plus déloyalement du monde avec moi. Perfide, perfidiosè. Il est peu usité.

DÉLOYAUTÉ, s. f. Action contre la fidélité & les lois. Perfidie, infidélité. Perfidia, infidelitas. Trahir sa conscience par un faux serment, c’est la première des déloyautés. Il est moins usité que ses synonymes.

Ce mot vient du vieux Gaulois, desloi, qui signifioit péché contre la loi.

DELPHES. Ancienne ville de Grèce. Delphi. M. Toureil & M. Corneille la mettent dans la Bœotie. Bertius, Hoffman, Maty, la placent dans la Phocide ; & ce sentiment est le plus vrai. Le temple de Delphes, l’oracle de Delphes, étoient célèbres dans l’antiquité. Corétas, gardant, dit-on, son troupeau proche du mont Parnasse, s’étant apperçu que ses chèvres jetoient des cris extraordinaires toutes les fois qu’elles s’approchoient d’un antre voisin, voulut voir ce que c’étoit ; & saisi par les vapeurs qui en sortoient, il se mit à prophétiser, à prédire l’avenir. Aussi-tôt que ce prodige fut répandu dans le pays, un grand nombre de personnes curieuses de savoir l’avenir, se transportoient en cet endroit, & s’entredonnoient des réponses sur leurs demandes. Mais, comme l’ouverture de la fosse étoit dangereuse & que plusieurs, dans leur fureur prophétique, tomboient, sans jamais reparoître ; on s’avisa de fermer l’ouverture avec un trépied, afin que dans la suite la Prétresse s’assît dessus. Ces Prêtresses de Delphes furent d’abord des vierges en l’honneur de Diane, mais l’une d’elles, nommée Phœbade, ayant été ravie par Echécraté, Thessalien, on n’y mit plus que des femmes de 50 ans. Cet oracle de Delphes fut très-célèbre : tous les princes, toutes les Républiques, tous les Etats, toutes les villes de la Grèce le consultèrent souvent & se disputèrent à l’envi l’honneur de l’enrichir de présens magnifiques. Les Princes même étrangers & barbares, le consultèrent souvent. Les Eubéens, les Phlégyens, Pyrrhus fils d’Achille, Xerxes, Roi des Perses, les Phocéens les Gaulois, & enfin Néron, le pillèrent en différens temps, & en enlevèrent des richesses innombrables. Les Phocéens en tirèrent à diverses fois plus de dix mille talens ; c’est-à-dire plus de six millions d’or. Néron fit plus ; il donna à ses soldats le territoire de Cyrrhoée, qui étoit le domaine d’Apollon, & l’antre même d’où sortoient les Oracles, après en avoir fait boucher l’entrée de corps morts, & l’avoir ainsi pollué ; peut-être parce qu’il ne s’y rendoit plus d’oracles, car Nicéphore, L. I. c. 17. Cédrénus, Suidas, Paul Orose, L. I. c. 18. disent qu’il se tut sous Auguste, & Auguste même l’interrogeant ; & qu’il apporta pour raison de son silence qu’un enfant Hébreu, qui étoit Dieu, le chassoit, & l’obligeoit de rentrer dans l’enfer. Claudien dit qu’il s’en étoit allé chez les Scythes Hyperboréens. Long temps auparavant Cicéron s’en étoit moqué, L. II. de Divin.

Le temple de Delphes, si l’on en croit l’Antiquité, fut bâti cinq fois. La première fois, de branches de laurier que l’on prit dans les champs voisins ; ainsi ce n’étoit qu’une cabane ; la seconde fois, de cire & d’ailes d’abeilles ; la troisième d’airain. Les uns disent que le feu le détruisit, & d’autres qu’il fut englouti dans un tremblement de terre. Le quatrième construit la première année de la cinquième Olympiade par Trophonius & Agamèdes, fameux Architectes, étoit de pierre, & fut consumé par le feu. Le cinquième fut bâti par les Amphictyons de l’argent sacré, & Spinthare en fut l’Architecte. Monsieur Spon, L. III. p. 172. rapporte une médaille de Delphes, ΔΕΛΦΩΝ, sur laquelle il paroît un temple magnifique. Ce temple & la ville de Delphes étoient consacrés à Apollon, & c’est apparemment lui que représente la tête d’homme sans barbe & couronnée de laurier qu’on voit communément sur ses médailles. C’est encore pour la même raison qu’il y a quelquefois à côté de cette tête un luth, & au revers de même un luth. On y trouve aussi un homme porté sur un poisson, une tête de bœuf, une abeille, une tête de chèvre, une tête de bélier avec un carquois. Nonnius en a fait graver une qui a une tête de Jupiter couronnée de laurier, & au revers un foudre. L’inscription est tantôt ΔΕΛΦΩΝ, & tantôt ΔΕΛΦΩΥ. Voy. Nonnius, Græc. in. Tab. VIII.

La ville de Delphes fut bâtie, à ce que l’on prétend, avant le Déluge de Deucalion, par Parnasse, fils de Neptune & de la Nymphe Cléodore, & prit son nom d’un fils d’Apollon & de la Prêtresse Thya, nomme Delphe. Plusieurs assurent qu’elle tire son nom du mot Phénicien Delphin, qui veut dire Prophète. Je m’en rapporte. Tourr. Dans la suite Delphes fut une ville Episcopale, dont l’Evêque étoit suffragant d’Athènes. Aujourd’hui ce n’est qu’un amas de ruines, sur lesquelles on a bâti un petit village, nommé Castri. Il est au pied du Mont Parnasse, entre Salone & Livadia. Voyez sur cette ville Vigenère, dans son César.

Le bourg des trois Maries en Provence, s’est appelé autrefois Temple de Delphes.

DELPHIEN, enne. s. & adj. m. & f. Qui est de l’île de Delphes. Delphius, Delphicus, a, um.

Oh qu’il chansonne bien !
Seroit-ce point Apollon Delphien ? R.

DELPHIN. s. m. Nom d’homme. Delphinus. S. Delphin, Evêque de Bourdeaux, étoit un des principaux ornemens de l’Eglise des Gaules dans son siècle. Baillet, Dauphin ne seroit-il point mieux ? & n’est-ce pas l’usage ? quoiqu’il en soit, S. Delphin assista en 380. au Concile de Saragosse. Quelques-uns mettent sa mort en 404.

DELPHINAL, ale. adj. Qui appartient au Prince Dauphin. Ad Delphinum purtinens. C’est Humbert Dauphin qui établit un Tribunal qui devoit juger souverainement sous le nom de Conseil Delphinal. On a cru, sans beaucoup de fondement que le Conseil Delphinal avoit été institué dès 1336. mais il est certain qu’il ne fut pas formé alors tel qu’il l’a été depuis ; il est même incertain si l’acte que l’on cite eut alors son accomplissement. Cette assemblée étoit composée de quatorze personnes, ayant le Chancelier à leur tête, la plupart Nobles Chevaliers d’armes, ou Docteurs en Droit. Il se tenoit au Château de Beauvoir, & fut nommé le Grand-Conseil. Son Sceau portoit cette inscription, Sigillum Magni Concilii, avec l’empreinte d’un Dauphin. Valbonnet, p. 14. On rapporte avec plus de fondement l’institution du Conseil Delphinal à l’année 1337. Le nombre des Officiers fut réglé à sept. Humbert, trois ans après, le transféra à Grenoble, où il ordonna qu’il résideroit à perpétuité. Il le composa de six Conseillers actuellement servans, dont celui qui avoit la garde du Sceau devoit être chef sous le nom de Chancelier. Il semble que ce soit là la véritable institution du Conseil Delphinal. Voyez M. de Valbonnet, p. 14 & 15.

En 1459 le Parlement de Dauphiné décida, que le Dauphin de Viennois ne pouvoit point accorder de Lettres Delphinales aux habitans de Gap contre le Comte de Provence, sous prétexte d’une certaine Sauvegarde, qui leur avoit été accordée sans aucun droit par une Comtesse de Vienne. Id. & Journ. des Sav. après lui.

DELPHINIEN. Surnom d’Apollon. Delphinius. Voy. Delphinius.

DELPHINIES. s. f. pl. Fêtes que les Eginètes célébroient en l’honneur d’Apollon Delphien. Delphinia. Elles se célébroient à Argos, selon le scholiaste de Pindare. Le mois dans lequel cette fête tomboit s’appela chez eux Delphinius. C’est à-peu-près notre mois de Juin.

DELPHINIUM. s. m. Plante que l’on appelle autrement pied d’alouette. On lui a donné ce nom, parce que le bouton de sa fleur qui est prêt à s’épanouir, ressemble en quelque manière à un dauphin, tel que les Peintres ont accoutumé de le représenter. En Latin aussi Delphinium, ou consolida regalis. Voy. Pied d’alouette.

Ce mot vient du Grec Δελφίν, dauphin.

DELPHINIUS. s. m. C’est le nom d’un des mois de l’année chez les Eginètes. Il étoit ainsi nommé d’Apollon Delphinien, parce qu’en ce mois-là Egine célébroit les Hydrophories en l’honneur d’Apollon Delphinien. Voyez le Scholiaste de Pindare sur le 82e vers de la Ve Ode des Neméennes, & sur Apollon Delphinien. Consultez Gyraldus, p. 225. Syntagn. 7 de Diis, & M. Ménage, Notes sur Laërce, p. 18. Dodwel, de Cydys, p. 114. enseigne que le mois Delphinius répondoit au Panemus des Macédoniens, qui tomboit dans notre mois de Juin.

DELS. adj. Vieux mot qui a été employé pour deux.

DELTA. s. m. Non d’une lettre Grecque. Delta. Le Delta est la quatrième lettre de l’alphabet Grec, & signifie quatre, comme on le voit souvent sur les médailles. Le delta est une des neuf muettes, & une des trois consonnes appelées moyennes, & il répond à la tenue Τ, & à l’aspirée Θ. Le Δ se met pour Γ, γνόφος, δνόφος. Ainsi de γλυκός, dulcis, pour Ζ, Ζεὺς, Δεὺς, Δεός. Les Macédoniens & les Béotiens le redoublent pour le même Ζ, μᾶζα, μᾶδδα, farine. Il se met pour Ζ, ὀσμὴ, ὀδμή. Il s’ajoûte, ὕω, pluo, ὕδωρ, aqua, ainsi de prosum, prodes ; de cincres, cendres. Il se retranche, δεινὸς, αινὸς, καδδος, cadus. Il se change en l, Ὀδυσσείς, Ulysses, Ulysse ; Πολυδεύκης, Pollux, comme qui diroit Poldux. Port-R.

Delta vient du Syriaque, ou Chaldéen דלתא, dalta, ou delta, qui vient de l’Hébreu דלת, deleth ou daleth, nom aussi de la quatrième de l’alphabet de ces langues comme il paroît par les Lamentations de Jérémie, le CXIX Pleaume, &c. La figure de cette lettre Δ s’est prise de l’ancien caractère hébreu, ou ce qui est la même chose du Phénicien. Voyez la Dissertation sur les médailles Samaritaines imprimée à Paris en 1715. dans un Recueil in-40.

Delta. Nom de la partie de l’Egypte inférieure, qui est renfermée entre les sept branches du Nil, depuis sa séparation jusqu’à la mer. Delta. Les Grecs donnèrent le nom de Delta à cette partie de l’Egypte, parce qu’elle a la figure de la lettre Delta, ou d’un triangle, dont la base est le long de la mer méditerranée, la pointe vers Memphis, & les côtés vers les deux bras extérieurs du Nil, l’un à l’orient, nommé autrefois fleuve de Bubast, Bubasticus fluvius, parce qu’il arrosoit cette ville, & qu’il se jetoit dans la mer à Peluze ; l’autre à l’occident, nommé Agathos Dæmon. Le Delta étoit un des pays de l’Egypte les plus fertiles. Il a environ 40. lieues sur les côtes, & 25. depuis la côte jusqu’à l’endroit où le Nil commence à se diviser. Ce pays comprenoit sous les Ptolomées dix-neuf Jurisdictions, qu’on appeloit Nomes, d’un nom Grec qui signifie division, partage, district. Aujourd’hui il renferme les Gouvernemens de Garbia, de Ménousia & de Callioubec. Ses villes les plus considérables sont Damiette, Rosette, Alexandrie, Ménousia & Maala, ou Elmala, dont les trois premières sont sur la côte, & les deux autres dans les terres. Au reste, nous disons encore ce mot en François, sur-tout quand nous parlons de l’ancienne Egypte. Voy. Vigenère sur César, Description des lieux. Saumaise sur Solin, p. 477. distingue encore deux autres petits Delta dans celui-ci, & formés par la branche du nil qui le ferme à l’orient ; mais, outre que nous n’appelons Delta en notre langue que celui dont on vient de parler, dans l’Antiquité même ces deux autres sont peu connus. Une ville du Delta, & une Isle de l’Inde nommée aujourd’hui Diu, ont aussi porté ce nom.

DELTOÏDE. adj. Terme de Médecine, qui se dit d’un muscle qui fait mouvoir le bras en haut, ainsi nommé, parce qu’il ressemble à un delta. On l’appelle aussi épomis & huméral.

Ce nom vient de δελτά, delta, nom d’une lettre Grecque, qui a la forme d’un triangle, & de εἶδος, figure. Deltoïde, qui a la figure d’un delta.

☞ DELTOÏDES. En Botanique. Rhomboïde qui a quatre angles, dont deux opposés sont plus éloignés du centre que les deux autres. Voy. Feuille.

DELTOTON. ou Triangle. C’est le nom de la 21e. constellation septentrionale. Deltoton.

DÉLUGE. s. m. Inondation générale, dont Dieu se servit autrefois pour punir la corruption des hommes, en détruisat tout ce qui avoit vie sur la face de la terre, excepté Noé, sa famille, & ce qui étoit renfermé dans l’arche avec Noé. Diluvium, terrarum omnium eluvio.

Dieu déclare à Noé, Gen. VI. 17. qu’il a résolu de détruire par un déluge d’eaux tout ce qui respire sous le ciel, & de consumer tout ce qui a vie sur la terre. Voilà les menaces ; voici l’exécution. Moïse assure que les eaux couvrirent la terre, qu’elles ensevelirent toutes les montagnes du monde, & qu’elles surpassèrent de 15. coudées la cime des plus hautes ; que les bêtes, les oiseaux & les hommes, & tout ce qui respiroit sous le ciel, périt dans les eaux, excepté Noé, & ce qui fut sauvé avec lui dans l’Arche. Gen. VII. 19. & suiv. Peut-on exprimer un déluge universel plus clairement ? Si le déluge n’avoit point été universel, il n’eût point été nécessaire d’employer cent ans à la construction d’une arche aussi grande qu’étoit celle que bâtit Noé, ni d’y renfermer toutes les espèces d’animaux, pour les conserver &