Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CRIME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 16).
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CRIME, s. m. Signifie en général une faute énorme, une action faite contre la prohibition de la loi, soit naturelle, soit divine, soit ecclésiastique, soit civile, laquelle assujettit à quelque peine. Crimen. Les Romains distinguaient deux espèces de crimes : les crimes privés, qui ne regardoient que les particuliers, & dont la poursuite n’était permise par les Loix qu’à ceux qui y étaient intéressés : & les crimes publics, dont la poursuite étoit permise à toutes sortes de personnes, bien que non intéressées. En France les crimes se divisent en capitaux ou cas royaux, comme les crimes d’Etat & de lèze Majesté, assassinat, vol, fausseté, qui méritent la mort, qui sont de la connoissance des Juges Royaux ; & en délits communs, comme simple fornication, violation de vœu, & autres dont le Juge Ecclésiastique peut connoître. Il y a des crimes pour lesquels nos Rois ont déclaré qu’ils ne vouloient point donner ni octroyer d’abolition ni de grace. Bruneau. Ces crimes sont le parricide, le duel, l’assassinat, l’empoisonnement, le rapt commis par violence, l’outrage fait aux Magistrats & Officiers dans l’exercice de leurs charges, &c.

Le mot de crime, pris dans une signification moins étendue, dans le sens grammatical, peut être considéré comme une action énorme qui blesse les loix de la nature.

La faute, dit M. l’Abbé Girard, tient de la foiblesse humaine ; elle va contre les régles du devoir. Le crime part de la malice du cœur : il est contre les loix de la nature. Le péché ne se dit que par rapport aux préceptes de la Religion. Il va proprement contre les mouvemens de la conscience. Le délit part de la désobéissance ou de la rébellion contre l’autorité légitime. Il est une transgression de la loi civile ; voilà pourquoi il est du style du Palais. Le forfait vient de la scélératesse, ou d’une corruption entière du cœur ; il blesse les sentimens d’humanité, viole la foi, & attaque la sureté publique. Il faut pardonner la faute, punir le crime, ne point décider sur le péché, examiner la nature du délit, & avoir horreur du forfait. Les intrigues de galanterie sont des fautes : les assassinats sont des crimes : les mensonges sont des péchés : les duels & les contrebandes sont des délits : les empoisonnemens sont des forfaits.

Ainsi le mot faute peut être regardé comme le mot générique : il dit moins que les autres, quand il n’est point modifié par des épithètes aggravantes. Voyez tous ces mots.

Le nom de crime renferme en soi l’idée d’une détermination & d’un dessein formé de faire injure : ainsi ce n’est pas l’action extérieure qu’il faut punir dans le crime, c’est l’intention intérieure. Le Mait. La simple conception du crime, & même le consentement de la volonté, n’est point du ressort de la Justice humaine. Delaunay. Sous le règne de Tibère le crime étoit moins dangereux que la vertu. S. Evr. Il y a des crimes qui deviennent innocens, & même glorieux par leur éclat : de là vient que prendre des Provinces injustement, s’appelle faire des conquêtes. Roch. Ses ennemis lui ont fait des crimes de tout ce qui leur déplaisoit. Nicol. Lucrece, cette prude farouche, ne put se pardonner le crime d’un autre. S. Evr. Le crime trouve moins d’aversion dans les esprits, lorsqu’on met tant d’adresse & de dextérité à le conduire. Id. Dans le Droit les crimes les plus atroces s’appellent du nom de crimes, & les moindres s’appellent délits. Lange.

Donnez-moi des conseils qui soient plus légitimes,
Et plaignez mes malheurs sans m’ordonner des crimes. Corn.

C’est un crime d’Etat que d’en pouvoir commettre. Id.

Ce mot vient du Latin crimen, qui vient du Grec κρίνω, judico, comme qui diroit, action digne d’être déférée au Juge, & d’être punie. On dit qu’un homme est atteint & convaincu de crime, lorsqu’il a été condamné juridiquement : voyez au mot convaincu, & qu’il est prévenu de crime, lorsqu’il est seulement accusé, & qu’il n’y a qu’un simple décret contre lui.

Crime, en termes de Dévotion, se dit de tous les grands péchés, ou péchés mortels qu’on commet contre Dieu. Il y en a qui se croient gens de bien, seulement parce qu’ils s’abstiennent des crimes les plus grossiers. Claud.

Quelles excuses ne trouverois je pas en votre personne, si le crime pouvoit s’excuser ? Abad. Il sentoit les remords que l’on sent lorsqu’avec beaucoup de vertu l’on est sur le point de commettre un grand crime. Vill. Une femme s’affermit dans le crime, quand on lui ravit la honte qui la pouvoir retenir. Vill.

De mes crimes passés, je fais un saint usage. L’Abbé Tétu.

Crime, se dit aussi dans la conversation ordinaire, d’une faute que l’on commet, ou dans la conduite, ou contre le devoir, ou contre l’amitié. Vous n’avez pu sans crime violer les loix d’une si étroite amitié. S. Evr.