Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/211-220

Fascicules du tome 2
pages 201 à 210

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 211 à 220

pages 221 à 230


profondément & plus fortement ; car elles surpassent les autres en longueur. Les dents canines d’enhaut sont nommées œillères.

Le quatrième muscle des lèvres s’appelle canin, parce qu’il prend son origine de l’os de la mâchoire supérieure au-dessus de la dent canine, & va s’insérer à la lèvre inférieure proche l’angle de la bouche, pour tirer cette lèvre en haut. Dionis. Cet adjectif n’a d’usage que dans ces phrases.

CANINANA. s. m. Serpent de l’Amérique, long d’un pied & demi, ou de deux pieds ; son dos est vert, son ventre est jaune. Il suit les hommes sans leur faire de mal, & se laisse prendre aisément comme les chiens ; & c’est de-là qu’on l’appelle Caninana, de canis, chien. Sa chair est en usage dans le pays, comme celle de la vipère en Europe.

CANINGA. s. m. Arbre qui croît dans les montagnes de l’Île de Cuba. Son tronc est gros & noirâtre auprès des racines. Son écorce a le goût de cannelle, & de girofle ; on l’ôte comme celle de la cannelle, & elle est plus épaisse. Les habitans de l’Île de Cuba, s’en servent pour assaisonner leurs viandes, & même ils l’emploient en remèdes.

CANIRAM. s. m. Grand arbre branchu, qui croît au Malabar. Son tronc, que deux hommes peuvent à peine embrasser, est couvert, de même que les plus grosses branches, d’une écorce cendrée, blanchâtre ou rougeâtre. Les petites branches sont d’un vert sale, pleines de nœuds, & couvertes d’une écorce amère. Ses feuilles sortent de deux en deux de chaque nœud : elles sont d’une figure ronde, oblongue, & extrêmement amères. Des nœuds des petites branches sortent des fleurs disposées en parasol, composées de quatre, cinq, ou six pétales, d’un vert d’eau, pointues, d’une odeur foible, mais assez agréable. Son fruit est une pomme ronde, lisse, de couleur d’or, dont la chair, quand elle est mûre, est blanche, mucilagineuse, & couverte d’une écorce épaisse & friable : cette chair, aussi bien que la semence qu’elle contient, ont un goût très-amer, de même que toûtes les parties de l’arbre.

☞ CANISCHA ou CANISE. Ville forte de la basse Hongrie, dans le comté de Salavar, sur la rivière de Sala. Canischa est le vrai nom.

☞ CANISTRO. Petite ville de Turquie en Europe, dans la Macédoine, sur la côte de l’Archipel, près du cap de ce nom.

Sa racine prise en décoction, ou en infusion, est cathartique, bonne pour les fièvres pituiteuses, pour la colique, les tranchées, & les cours de ventre, &c. Son écorce pilée & paîtrie avec de l’eau dans laquelle on a fait tremper du riz, arrête les dissenteries billieuses. Le suc exprimé de ses feuilles, pris dans une décoction, appaise les maux de tête : mais il produit l’effet du poison & cause la mort, lorsqu’on en boit en trop grande quantité. Dict. de James.

CANIVEAUX. s. m. pl. Ce sont les gros pavés, qui étant assis alternativement avec les contre-jumelles, traversent le milieu d’un ruisseau, d’une cour, ou d’une rue. Une pierre taillée en Caniveaux est celle qui est creusée dans le milieu, pour faire écouler l’eau.

CANIVET. s. m. Diminutif de Canif. Les Espagnols, pour dire un canif, disent gannivette, du diminutif cannivet, qu’on dit dans le Boulonnois & dans la Touraine, au lieu de canif. Dict. Étim. de Ménage, au mot canif. Chapelain, quoique Parisien, s’est servi du mot de canivet, en écrivant à M. Huygens sur la cabale qui se forma à l’Académie Françoise, pour empêcher l’élection de Gilles Boileau. Il y a apparence, dit-il, que cet orage se dissipera bientôt, & que les Muses retourneront à leurs Musettes, & rangaîneront leurs stilets & leurs cannivets. Mélanges de Littérature, tirés des Lettres manuscrites de M. Chapelain.

Ces mots viennent, selon quelques-uns, de canna, qui est un bout de plume, parce que les canifs servent à la tailler. Ménage dit qu’il vient de l’Allemand, ou de l’Anglois knife, qui signifie un petit couteau.

CANNAGE. s. m. Mesurage des étoffes, toiles, rubans, &c. qui se fait avec la mesure des longueurs, qu’on appelle canne.

CANNAIE. s. f. Lieu planté de cannes & de roseaux. Arundinetum, cannetum.

☞ CANNARES. Province & peuples de l’Amérique méridionale, dans l’audience de Quito, au Pérou. Ces peuples adorent le soleil. Quand les Espagnols arrivèrent dans ce pays, ils trouvèrent un palais magnifique appelé Thomebanba ou Thumi pampa. Rien ne pouroit égaler la magnificence du Temple qu’on y voyoit. Il étoit dédié au soleil. Les portes, ornées de peintures, étoient enrichies d’émeraudes enchassées dans l’or. Les murailles du Temple, ainsi que celles du palais du Roi, étoient revêtues de lames d’or. Il ne reste de tout cela qu’une fort grande masure.

CANNE. s. f. Terme de Botanique, qui convient à quelques genres de plantes bien différens les uns des autres. Canna, arundo. Il y a la canne ou le roseau ; la canne d’Inde, & la canne odorante. La canne, ou le roseau, est un genre de plante si semblable au chien-dent, qu’il n’y a que la seule grandeur des tiges des feuilles, qui en établisse la différence. Il y en a plusieurs espèces : celle qu’on appelle canne commune, arundo vulgaris, ou vallatoria, a sa racine noueuse, qui s’étend ça & là. La tige croît à la hauteur de douze ou quinze pieds : elle est de la grosseur du doigt, creuse & pleine de nœuds. De chacun de ces nœuds sortent les feuilles qui enveloppent presque la tige, & qui sont roides, un peu âpres, larges de deux doigts, & longues d’un pied & demi, & veineuses. Au bout des tiges naissent les fleurs par paquets, composées de plusieurs filets, qui forment une chevelure molle, de couleur de pourpre, qui devient ensuite cendrée, & que le vent emporte. Elle croît dans les eaux dormantes, & aux bords des rivières. On s’en sert en divers endroits pour couvrir les maisons, pour faire des cloisons, des échalas, & à plusieurs autres usages. Il y a une espèce de canne, qu’on appelle arundo scriptoria, dont les Anciens se servoient pour écrire, & dont se servent encore aujourd’hui les Arabes, les Persans, les Arméniens, les Grecs & les Turcs. Il y en a une autre espèce qui est appelée arundo sagittalis. Les Tartares & les Asiatiques s’en servent pour faire des flèches & des dards. On en porte des Indes d’une sorte qui est souple & flexible, dont on fait des corbeilles, & d’autres beaux ouvrages. On en porte aussi qui sont fermes & plus grosses, qui servent à faire des bâtons pour s’appuyer. Le bambou est une espèce de canne. Voyez Bambou.

La canne qui porte le sucre croît ordinairement de la hauteur de cinq, six, ou sept pieds, & de la grosseur de deux pouces en circonférence : elle est divisée par plusieurs nœuds, qui sont éloignés de quatre ou cinq pouces les uns des autres. La tige pousse de longues feuilles vertes, touffues, du milieu desquelles s’élève la canne, qui est aussi chargée en son sommet de plusieurs feuilles pointues, & d’un pennache dans lequel se forme la semence. Elle est remplie d’une moëlle blanche, & succulente, de laquelle on exprime cette douce liqueur, dont se forme le sucre. Arundo saccharifera.

La Canne d’Inde ou Cannacorus, est une autre sorte de plante, dont il y a aussi plusieurs espèces. Celle que les Botanistes appellent arundo Indica latifolia, ou cannacorus latifolius vulgaris, a une tige noueuse, de la hauteur de deux, de trois, & quelquefois de quatre pieds. Ses feuilles sont grandes, roulées comme des cornets de papier, lorsqu’elles commencent à sortir : elles se développent ensuite, paroissent fort amples, membraneuses, un peu pointues, ayant beaucoup de veines qui les traversent obliquement, Au sommet de la tige sont les fleurs semblables à celles de glayeul, d’une fort belle couleur rouge-brun, attachées à un bouton velu, lequel, après que les fleurs sont tombées, s’augmente, & devient triangulaire, & comme épineux. La semence est contenue dans ce bouton : elle est ronde & de couleur brune, ou noire. Ses racines sont pleines de nœuds & fort chevelues.

Canne (la) odorante, est la même plante que le calamus aromaticus. Voyez Calamus aromaticus.

Canne, signifie aussi, un bâton qu’on porte a la main, fait de ces sortes de bois. Il sert à se soûtenir en marchant, & quelquefois pour marquer le commandement. On les enrichit par des bouts d’argent, d’yvoire, d’agathe, de cristal, &c. Ce vieillard est réduit à porter la canne. Cet Officier a donné cent coups de canne à un soldat insolent.

Canne, signifie encore une mesure Romaine qui revient à six pieds onze pouces de Roi. C’est une mesure de longueur dont on se sert en plusieurs villes de commerce, comme on fait ici de l’aune. Vigenere dit sur Tite-Live page 1513, qu’à Rome la canne contient huit palmes, & que les neuf palmes sont deux aunes de Paris ; & l’aune de Paris étant, selon lui, c’est-à-dire, de son temps, de 5 pieds huit pouces, la canne étoit de 53 pouces 6/9 de pouce ; c’est-à-dire, de 4 pieds 5 pouces & 6/9 de pouces ; ou les deux tiers d’un pouce, qui sont 8 lignes. Les cannes de Provence & du bas Languedoc sont de huit pans, ou empans qui font 6 pieds 2 lignes du pied de France. Les cannes d’Avignon & de Nîmes sont d’un pouce environ plus courtes que celles de Provence & du bas Languedoc. La canne de Toulouse contient une aune & demie de Paris. Il en est à peu près de même des cannes des villes du haut Languedoc & de la haute Guienne. Les cannes de Gênes pour les toiles sont de dix palmes, ou dix fois neuf pouces & deux lignes ; celles pour les draperies sont de neuf palmes. La canne de Sicile est de huit pans & demi. À Naples les mesures s’appellent aussi cannes. Les Hébreux l’appellent keneh, & elle contient chez eux six coudées. Le P. Mersenne soutient que cette mesure comprend huit pieds & un doigt & demi. On l’appelle en plusieurs eux le roseau.

Canne se dit aussi de la chose mesurée avec la canne. Une canne de draps, une canne de toile.

Ce mot est de plusieurs langues, & vient de la première. Nous l’avons pris du Latin canna, qui vient du Grec κάννα ou κάννη qui avoit été fait de l’Hébreu קנה, kaneh & dans toutes ces langues il signifie la même chose, calamus, arundo, un roseau, une canne.

Canne, en termes de Verrerie, est une verge de fer percée d’un bout à l’autre comme un tuyau, dont on se sert pour souffler les bouteilles & autres ouvrages. On appelle le mors de la canne, une épaisseur de fer qui est au bout d’une des extrémités de la canne en forme de mors de cheval. Et bauquin de la canne, le bout opposé au mords, que l’on met sur le bord des lèvres pour souffler le verre.

En Poësie on appelle canne de fer, ou d’acier, le canon d’un fusil ou d’un mousquet.

Quel bruit ! la forêt embrasée
S’offre à mes regards alarmés :
D’une canne d’acier creusée
Cent nouveaux Chasseurs sont armés.
Du souffre bruyant qu’elle cache,
Au gré du doigt, le feu détache
Un plomb qui part avec l’éclair :
On dirait que l’art téméraire
A fait l’homme dépositaire
De la foudre de Jupiter.

Canne à vent. Terme de Physique. Espèce de canne creuse intérieurement, par le moyen de laquelle on peut, sans le secours de la poudre, chasser une balle avec violence. Elle n’a point de crosse ni de détente, comme l’Arquebuse a vent. Voyez ce mot.

Canne. Terme de Monnoyage & de fondeur. C’est une longue tringle de fer, en manière de canne, dont on brasse les métaux, quand ils sont en fusion, à la réserve de l’or.

CANNE-PETOIRE. s. f. Voyez Clifoire ou Canonière.

CANNEBERGE. s. f. Oxycoceus, ou Vacernia palustris. Plante qui croît dans des endroits marécageux. Ses racines sont vivaces, menues, fibreuses, rougeâtres, ligneuses & rampantes, d’où partent plusieurs tiges menues comme des fils, inclinées contre terre, chargées de feuilles alternes, assez semblables par leur figure à celles du serpolet, vertes en dessus, blanchâtres ou cendrées en dessous, & soutenues par des queues très-courtes. Ses fleurs naissent au nombre de deux ou de trois à l’extrémité des branches. Elles sont purpurines, composées de quatre pétales, longues de trois lignes, sur deux de largeur, réfléchies sur leurs parties postérieures. Les étamines & le pistil qui occupent le centre de chaque fleur, forment une espèce de petite pyramide jaune. La base du pistil joint au calice devient une baie succulente, grosse comme un pois, blanche & teinte de rouge, pointillée & divisée en quatre loges qui renferment plusieurs semences arrondies & menues. Ce fruit est aigrelet & bon à manger. Il est mûr en Août Oxycoceus coccus acidus, comme qui diroit une baie acide.

CANNELADE ou CANELADE. s. f. Terme de Fauconnerie. C’est une sorte de Curée que préparent les Fauconniers pour le vol du héron, avec du sucre de la cannelle & de la moëlle de héron, qu’ils donnent à leurs oiseaux pour les rendre héronniers, & les échauffer à ce vol.

CANNELAS ou CANNELAT. s. f. Morceau de cannelle entouré de sucre, qui forme une espèce de dragée. Casia saccharo condita. Le meilleur cannelas est celui de Milan.

CANNELER ou CANELER. Terme d’Architecture. Creuser, tailler de petits canaux, au fût des colonnes, des pilastres, des consoles, des gaines, des termes, &c. Striare. Il faut canneler les colonnes pour les faire paroître grosses.

On le dit aussi des petites cavités en rond qu’on fait dans des triglyphes, & dans tous les autres ornemens d’Architecture. Stria, canaliculus.

CANNELÉ, ÉE. Part. Qui a des cannelures. Canaliculatus, striatus. Une colonne cannelée & embâtonnée est bien plus belle que toute unie.

Cannelé, dans les arts méchaniques, se dit de tout corps auquel on remarque des cavités longitudinales & semicirculaires, ou à peu près, soit que ces cavités aient été pratiquées par la nature, soit qu’elles aient été faites par art. Un fusil cannelé ; une tige de plante cannelée.

En teinture, on nomme cannelé, ce qui est de couleur de cannelle. Color casiam referens.

Cannelé, en anatomie, corps cannelés. Voyez Stries & Cerveau.

Cannelé. s. m. étoffe de soie. C’est un tissu de soie comme le gros-de-tours & le taffetas, à l’exception qu’on laisse oisive une des deux chaînes nécessaires pour former le corps de l’étoffe, du côté de l’endroit, pendant deux, trois, ou quatre coups. Encyc.

☞ Il se fait des cannelés unis & des cannelés brodés soie & dorure.

Cannelé, en termes de Blason, se dit des pièces honorables de l’Ecu, quand les bords n’en sont pas unis, & quand quelque partie avance en dehors, & puis se tire en dedans. Le cannelé diffère de l’engrélé, en ce que l’engrélé a ses pointes en dehors, & le cannelé en dedans.

CANNELIER ou CANELLIER. s. m. Canellifera arbor. Arbre dont l’écorce nous est connue sous le nom de Cannelle. Sa racine est branchue, assez considérable ; & d’une odeur de Camphre. Son tronc est plus ou moins gros suivant son âge, & se divise en plusieurs branches, qui donnent plusieurs rameaux longs, droits, sans nœuds, & qui sont chargées de feuilles alternes le plus souvent, opposées quelquefois ; semblables à celles du laurier, mais plus grandes, plus arrondies à leur base, terminées en pointe à leur extrémité, relevées de trois nervures parallèles, qui parcourent toute leur longueur : leur goût est piquant, & approche un peu de celui de son écorce. Ses branches sont terminées par des bouquets de petites fleurs à cinq ou six pétales chacune, blanchâtres ; & d’une odeur agréable. Leurs fruits qui sont renfermés en partie dans une calote à cinq ou six pointes obtuses, charnue, verdâtre & picotée de point blanchâtres, leurs fruits, dis-je, sont ovales, de la figure d’un gland de chêne, verdâtres d’abord, puis noirâtres dans leur parfaite maturité, & le bois de cet arbre n’a pas beaucoup de goût ; il n’y a que l’écorce du milieu, ou la seconde écorce, que l’on détache des troncs des arbres, qui n’ont que six ans ; & que l’on sépare de la première écorce extérieure, qui est grisâtre. Cette écorce du milieu, qui est proprement la cannelle, n’est pas haute en couleur, ni si piquante au goût, ni même roulée lorsqu’elle est fraîche ; elle est au contraire blanchâtre, d’un goût piquant & est platte. Ce n’est qu’en se desséchant qu’elle se roule, & qu’elle devient plus rouge. Tavernier décrit fort au long la manière dont les Hollandois tirent la cannelle dans l’Ile de Céylan, d’où vient la meilleure. Il parle encore du camphre, que donne la racine du cannelier, par le, moyen de la distillation, & d’une huile qu’on tire de ces fruits ; qui se fige, & devient ferme comme de la cire. Pison en fait aussi mention dans son Mantissa. Aromatica. Outre le cannelier de Céylan, on en trouve dans le Malabar deux autres espèces qui different de celui-ci par leurs écorces bien moins piquantes. On croit qu’une de ces deux espèces est l’arbre du Folium Indicum, ou Malabatrum des Anciens : feuille qui entre dans la Thériaque, Hort. Malab. Tome I, & Tome V.

CANNELLE ou CANELE, s. f. seconde Ecorce d’un arbre qui croît dans les Îles de Céylan & de Java, & en Malabar. Casia, cinnamum, cinnamomum. Il vient naturellement & sans culture dans les bois, comme les autres arbres. Les Indiens n’en font pas plus de cas : ils l’appellent corunda gauhah. Cette écorce est la même chose que le cinnamome des Anciens. Le bois de cet arbre n’a ni odeur ni goût. Sa principale vertu est dans son écorce, laquelle étant récente semble être double : elle est a sa superficie grisâtre, & le dedans de couleur ordinaire de la cannelle. On la pouroit alors diviser en deux écorces de différente couleur, mais étant séchées ensemble, elles sont inséparables, & passent pour la même écorce, la couleur grisâtre de la superficie, se changeant en la couleur ordinaire, à mesure qu’elle sèche. La cannelle séparée fraîchement de l’arbre est plate, peu colorée, presque sans goût & sans odeur ; mais elle se roule en séchant & prend la figure d’une canne, dont elle porte en partie le nom, & par l’exaltation de son humidité superflue, elle acquiert une odeur douce & pénétrante, un goût aigu & piquant. Plusieurs rapportent que cet arbre dépouillé de son écorce demeure trois ans à en reformer une nouvelle, qui se trouve aussi bonne que la précédente ; mais cela paroît fort suspect. La cannelle, pour être bonne, doit être d’un goût fort piquant & fort agréable, & avoir une couleur rousse & assez vive. Ses qualités sont d’échauffer, de dess&cher, de hâter les menstrues & les accouchemens ; de fortifier les esprits, & d’aider à la digestion. Ce mot peut venir dû Latin canna, parce qu’on nous apporte la cannelle en forme de canne. Mais le plus sûr est de tirer ce mot de l’Hébreu, cane, qui signifie la même chose que calamus aromaticus parmi les Latins. Voyez Ceilan. Voici une description plus détaillée de la Cannelle.

La cannelle est l’écorce d’un arbre qu’on peut appeler Cannelier, Elle est longue ; mince, roulée, d’une couleur rouge brun, d’un goût piquant aromatique & fort agréable ; La cannelle fine nous vient de l’Île de Ceylan ; & elle est mince ; peu haute en couleur, & comme brûlante au goût. Le grabot de cannelle, qui a peu de goût, se nomme escavisson chez les Epiciers, La cannelle est du nombre des drogues qu’on appelle épices. Les cuisiniers la font entrer dans plusieurs de leurs ragoûts, & dans quelques-unes de leurs sauces. Les Confiseurs en lardent les fruits qu’ils mettent est compotte. Les Parfumeurs l’emploient dans leurs pâtes ; dans leurs pastilles, & dans leurs poudres de senteurs. Les Medecins l’ordonnent dans les dévoimens ; dans les foiblesses d’estomac. L’eau de cannelle se tire par la distillation que l’on fait de cette écorce infusée dans l’eau d’orge ; dans l’eau-de-vie où dans le vin blanc. On appelle eau de cannelle orgée ; celle qui est tirée avec l’eau d’orge. L’huile de cannelle nous est apportée de Céylan ; & c’est une espèce tres-précieûse, quand elle n’est point falsifiée. Quelques gouttes de cette essence peuvent aromatiser des liqueurs & des compositions, auxquelles la cannelle en substance, ou en teinture, ne donneroit pas une odeur, un goût aussi agréables.

Outre la canelle de Céylan, nous avons deux écorces qu’on tire de deux autres espèces de Canneliers. La première de ces écorces a conférée son nom latin de cassia lignea, & n’est guère employée que dans certaine composition de Pharmacie. Elle est fort semblable à la cannelle fine, & on ne la distingue sûr-tout, que parce qu’elle est fort visqueuse dans la bouche, & qu’elle n’a point ce sec & ce piquant de la cannelle ; d’ailleurs elle est ordinairement un peu plus grossière, & d’une couleur un peu plus brune. À juger du Cinnamomum, & du Cassia lignea, que Gallien & Dioscoride ont décrit, on n’y voit point un rapport entier avec notre cannelle, ni avec notre Cassia lignea. La plupart des nouveaux Naturalistes nient que la Cassia lignea, soit la seconde écorce du vrai Cannelier. La seconde écorce qui approche de la cannelle par sa couleur & par son goût, — mais qui est cependant plus foible, est appelée Cannella de Matte, en latin Cannella minus aromatica. Elle nous vient en morceaux plats, beaucoup plus épais que la cannelle ordinaire. L’arbre d’où elle est tirée, se nomme Katoukarva par les Malabarois. Cette dernière écorce n’est guère d’usage en Europe, où l’on ne fait cas que de la cannelle fine.

Il y a encore quelques autres écorces auxquelles nous donnons improprement le nom de cannelle ; telles sont la cannelle giroflée, & la cannelle blanche, écorces de deux arbres qui n’ont point le caractère de Cannelier. La première, qu’on nomme communément cannelle giroflée, où cassia caryophillata, (non pas qu’elle vienne de l’arbre du girofle, mais plutôt parce qu’elle a le goût du clou) est fort mince, fort cassante, d’un rouge tirant sur le violet, roulée l’une sur l’autre, & d’un goût piquant & aromatique. Flacourt dit que l’arbre qui donne cette écorce se nomme Ravendsara dans l’Île de Madagascar, où il est commun, & qu’il ressemble au laurier franc. Ses fruits sont gros comme de petites noix vertes ; ils sont arrondis, terminés par un petit nombril, divisés en plusieurs cellules, & ont un goût & une odeur agréable, aromatique, & qui participe du clou. Cet arbre croît aussi dans le Brésil, & les Portugais nomment son écorce, Cravo de Marenhan, d’où vient le nom françois, bois de Crabe ou Capelet. Cette écorce s’emploie au défaut du girofle, elle en a la force, lorsqu’elle est nouvelle, & qu’elle n’est point moisie. À l’égard de la cannelle blanche, c’est l’écorce d’un arbre qui croît en Amérique, à la Jamaïque & à S. Domingue. Du Tertre fait mention de cet arbre sous le nom de bois d’Inde, ou de laurier aromatique. Il ressemble en quelque manière au laurier franc, par ses feuilles qui sont plus souples, plus longues, moins pointues par leur extrémité, toujours opposées deux à deux, & d’un goût piquant, aromatique, tenant de la cannelle & du girofle, accompagné d’une astriction & d’une amertume qui n’est pas désagréable. Ses fleurs naissent par bouquets à l’extrémité des branches ; elles sont blanches, petites, composées de cinq pétales arrondies. Ses étamines sont blanches, & entourent un pistil. À ces fleurs succèdent des baies grosses comme des pois, divisées en deux cellules qui renferment chacune une ou deux semences taillées en forme de rein. Cette baie a un goût piquant comme le girofle, & on la nomme par cette raison tête de clou, ou poire de la Jamaïque, en latin Pimenta, Piper Jamaicense. L’usage que l’on fait a présent de ce fruit est assez considérable, parce qu’il est d’un goût agréable dans les sauces, & les Epiciers en composent leur poivre assorti, La première écorce de cet arbre est mince, fort lisse & jaunâtre ; la seconde est plus épaisse, blanchâtre, & d’un goût de cannelle, de muscade & de girofle mêlés ensemble. C’est cette seconde écorce qu’on nous envoie en bâtons plus courts que ceux de la cannelle fine, roulés cependant tout de même, ce qui arrive à cette écorce lors qu’elle séche. Elle est assez fine, & les taches qui paroissent sur sa surface extérieure sont des vestiges des queues des feuilles. Elle est épaisse ordinairement d’une demi-ligne, ou d’une ligne au plus, jaunâtre en dedans, & d’un goût aromatique. On la nomme cannelle blanche, costus en écorce, Canella alba, costus corticosus, & on l’a toujours fait passer pour le Corte Wicelteranus. L’aubier du tronc de cet arbre est couleur de chair, & le cœur, ou la partie ligneuse, est violet, & devient noir d’ébène en vieillissant ; il est très-dur, & prend un beau poli. Cet arbre vient quelquefois aussi gros que nos noyers. Voyez Plumier, Du Tertre, Pison, Pomet, Dale, Herman.

Il y a une autre sorte de cannelle dans les Indes Occidentales, qui vient dans une provin ce qu’on appelle Sumaca, située fous l’Equateur. C’est un arbre de moyenne grandeur, toujours chargé de feuilles, comme les autres arbres des Indes. Ces feuilles sont semblables à celles du laurier. Son fruit est de la forme & de la figure d’un chapeau, & de la largeur d’une pièce de huit réales d’Espagne. Il est au-dedans & au-dehors d’une couleur de pourpre tirant sur le noir, uni & poli par-dedans, rude par-dehors, d’un goût & d’une odeur aussi agréables que la cannelle de Céylan, Son écorce est fort épaisse:elle n’a aucune saveur ni odeur de cannelle. Sa principale force est dans le fruit, ce qui est le contraire de la cannelle d’Orient. Ce fruit est fort utile à plusieurs choses; étant mis en poudre il fortifie l’estomac, dissipe les vents, corrige la puanteur de la bouche : il est aussi cardiaque, & donne bonne couleur. On en met dans les sauces & dans les ragoûts comme la cannelle.

Cannelle, se dit aussi d’un robinet qu’on met à un tonneau pour en tirer le vin, en tournant la clef qui y tient, & qui sert à ouvrir ou à boucher le passage. Fistula.

☞ C’est encore un morceau de bois creusé qu’on met à une cuve de vendange, pour en faire sortir le vin, après qu’on a foulé les raisins. Emissarium.

Cannelle ou Canellé, se dit encore de cette petite cavité, ou cannelure, qui se voit de chaque côté du plat de la tête des aiguilles à coudre ou à travailler en tapisserie. On l’appelle aussi la railette de l’aiguille.

Cannelle, se dit aussi d’un petit couteau dont la lame est dentelée comme une scie, servant à faire une petite rainure sur un morceau de bois, dans laquelle on tient l’aiguille avec des tenailles pour l’y ébaucher.

CANNELURE ou CANELURE. s. f. Cavité ronde qu’on fait dans une colonne, le long d’un pilastre ou d’une autre pièce d’architecture, pour lui servir d’ornement. Striatura. On les appelle autrement striures du latin striges, les plis d’une robe. Il y a des cannelures à côtes ; ce sont celles qui sont séparées par des listels de certaine largeur, qui ont quelquefois des astragales, ou baguettes aux côtés, ou dessous. Des cannelures avec rudentures : ce sont celles qui sont remplies de bâtons, de roseaux, ou de cables, jusqu’au tiers du fût. Des cannelures ornées : ce sont celles qui ont dans la longueur du fut, ou par intervalles, ou depuis le tiers d’enbas, de petites branches ou bouquets de laurier, de lierre, de chêne, ou de fleurons, & autres ornemens qui sortent le plus souvent des roseaux. Des cannelures à vive arrête : ce sont celles qui ne sont point séparées par des côtes : elles sont propres au Dorique. Des cannelures plates : ce sont celles qui sont en manière de pans coupés au nombre de seize, comme l’ébauche d’une colonne Dorique. On peut aussi appeler cannelures plates, celles qui sont creusées carrément en manière de petites fasces, ou demi-bâtons dans les tiers du bas d’un fût. Des cannelures torses : ce sont celles qui tournent en vis, ou en ligne spirale autour du fût d’une colonne. Cannelures de gaine, de terme, de console, sont des cannelures plus étroites par le bas que par le haut.

Cannelure & Cannelures, sont aussi des termes qui s’emploient communément en Botanique dans les descriptions des tiges & des fruits de quelques plantes. Cannelures à côtes, sont celles qui sont séparées entr’elles par des côtes ou plates en dessus, ou arrondies en côte de melon. Cannelures à vive arête, sont celles dont les séparations sont en feuillet vif & tranchant.

Cannelure. s. f. Terme de Conchyliologie. C’est un canal régulier gravé en creux sur la superficie d’une coquille.

Ce mot vient de canal, canalis, parce que la cannelure est en effet un petit canal. De-là vient qu’on trouve dans la basse latinité canalatus, pour dire canelé. Il s’ensuit de-là, si l’étymologie n’est point fausse, qu’il ne faudroit point l’écrire par deux nn, comme fait l’Académie. Du reste, on n’en prononce qu’une en parlant.

CANNEQUIN. s. m. Toile de coton blanche. On l’apporte des Indes.

CANNER. v. a. Dans les lieux où la canne est en usage pour une mesure des longueurs, on dit canner dans toutes les mêmes significations qu’auner dans les lieux où l’on se sert de l’aune.

CANNES. Cannæ, arum. Petit bourg ou village de la Pouille, célèbre par la grande victoire qu’Annibal y remporta sur les Romains la troisième année de la seconde guerre Punique, l’an de Rome 538. Il ne reste plus que les ruines de ce bourg, que quelques-uns appellent ville. Peut-être qu’il le devint dans la suite. Tite-Live n’en fait qu’un bourg. Vicus. ☞ Florus dit qu’il n’étoit pas connu avant la défaite des Romains. Cannœ & palliæ ignobilis vicus, sed magnitudine cladis emersit. Après la bataille de Cannes, Annibal envoya trois boisseaux d’anneaux de Chevaliers Romains à Carthage. On appelle aujourd’hui ce lieu Cana destructa. Voyez Vigenère sur Tite-Live, page 1755, au mot Apulie.

☞ CANNETILLE. s. m. Terme de Broderie. C’est ainsi qu’on appelle de petites lames d’or ou d’argent tortillées. Il y a beaucoup de cannetille dans cette broderie. Il s’en fait de ronde & de plate. Quand la cannetille est plate & luisante, pour avoir été serrée entre deux roues d’acier, on l’appelle bouillon.

CANNETTE. s. f. On appelle ainsi, chez les fabricans Gaziers, & dans les Manufactures en soie, un petit morceau de roseau, sur lequel est dévidée la soie de la trame dont on fait la gaze.

CANNETTES. s. f. pl. Terme de Blason. Voyez Canette.

Canette. Petite ville de l’Amérique méridionale, au Pérou, dans la vallée de Guarco, à vingt-cinq lieues de Lima.

CANNEVETTE. s. f. C’est une espèce de mesure dont on se sert en Hollande pour mettre de la liqueur. La cannevette est de toutes sortes de continences, comme le sont nos barils en France ; mais les plus grandes sont ordinairement de 12 ou 15 flacons.

CANNI. s. m. Espèce de poisson que l’on fait frire ordinairement. Oribase, Med. Call. Lib. II, cap. 58, en condamne l’usage, parce qu’il est ennemi de l’estomac & sujet à le corrompre.

CANNIBALES. C’est le nom des peuples qui habitoient les Îles Antilles, mais qui n’en possèdent plus que quelques-unes. On les appelle encore autrement Caraïbes. On leur donne encore ce nom, parce que ces peuples étoient si carnassiers, qu’ils devoroient les ennemis morts sur le champ de bataille. Ils mangeoient aussi les prisonniers qu’ils faisoient à la guerre, après les avoir fait jeûner quelque temps. Ces peuples sont aujourd’hui plus doux & plus civilisés par la fréquentation des François, des Anglois & des Hollandois, qui possèdent la plus grande partie des Îles Antilles. On donne encore le nom de Cannibale figurément à ces grands mangeurs de viande qui avaleroient seuls ce qui suffiroit à vingt autres.

☞ CANNULE. Instrument de Chirurgie. Voyez Canule.

☞ CANO, CANUM ou ALKANUM. Royaume d’Afrique, dans la Nigritie, à la source d’une rivière qui vient tomber dans le Niger. La capitale qui est au milieu des terres porte le même nom. Ce pays est peu connu.

CANOBIN. s. m. Nom du principal monastère des Moines Maronites. Canobinum. Canobin est situe dans un affreux désert. Il y a environ 25 ou 30 Religieux. Le Monastère de Canobin est la demeure du Patriarche des Maronites, qui est religieux lui-même.

Canobin est un mot arabe, qui signifie Monastère. Les Maronites l’ont donné à celui-ci par excellence, parce que c’est le principal & le plus considérable des monastères du Mont-Liban. Tous les Voyageurs le nomment ainsi.

☞ CANOBIO. Bourg avec château (dont les Vocabulistes font une petite ville) au Duché de Milan, sur le lac Majeur, aux frontières de la Suisse.

CANOBUS. Terme d’Astronomie. C’est le nom d’une étoile qui est dans le navire Argo.

CANOE. Voyez Canot.

CANOI. s. m. Panier que portent les Pêcheurs de l’Amérique, lorsqu’ils vont à cinq ou six lieues du rivage pêcher des huitres & des coquillages.

CANOLE, se dit à Limoges d’un petit pain qui se fait avec la plus pure farine, & des jaunes d’œuf. Panis ex simila & ovorum vitellis. Les canoles se mangent au déjeuné.

CANOLES. Voyez Marcottes. C’est la même chose, selon La Quintinie.

☞ CANON. s. m. Ce mot se dit en françois de plusieurs choses qui n’ont presque aucun rapport les unes avec les autres. Il signifie non-seulement une loi, une règle, mais encore un catalogue, une table, &c. comme on le verra par les articles suivans.

Canon, se dit par excellence des paroles secrètes de la Messe depuis la préface jusqu’au Pater, (ou jusqu’à la prière qu’accompagne la dernière ablution, selon quelques-uns) au milieu desquelles le prêtre fait la consécration. Arcana divini sacrificii, Canon Missæ. Le sentiment commun est que le Canon commence à ces paroles, Te igitur, &c. Le peuple doit se mettre à genoux pendant le Canon de la Messe. Du Cange dit qu’il a été ainsi nommé, quia in eo est légitima sacramenti confectio. C’est la raison qu’en apporte Strabus, parce qu’il contient les règles qu’il faut observer pour offrir le sacrifice. Le Canon de la Messe est très-ancien. Saint Ambroise en parle, & l’appelle Canon comme nous : il est presque tout entier, comme on le dit aujourd’hui, dans la liturgie de saint Ambroise ; & du temps de saint Grégoire le Grand, il étoit tel que nous l’avons : le vénérable Bède en parle ; Alcuin l’a expliqué. Quelques-uns disent, que saint Jérôme, par l’ordre du Pape S. Damase, l’a mis dans la forme où nous l’avons : d’autres l’attribuent au Pape Sirice, qui vivoit sur la fin du IVe siècle : il est sur qu’il est très-ancien, ce qui se prouve parce que de tous les Saints qui y sont nommés, il n’y en a aucun qui ne soit martyr, & qui n’ait souffert avant que l’Eglise ait été en paix sous le règne de Constantin. Le Concile de Trente dit que le Canon de la Messe a été dressé par l’Eglise, & qu’il est composé des paroles de Jésus-Christ, de celles des Apôtres & des premiers Pontifes qui ont gouverné l’Eglise. Tous ceux qui ont traité de la Liturgie ont parlé du Canon. On appelle quelquefois le Canon, action, quelquefois on l’appelle Secrète, parce qu’on doit le réciter à voix basse, sans se faire entendre des assistans.

Quelques-uns croient que le Canon ne finit qu’à ces paroles : Corpus tuum, Domine, &c. Il ne finiroit donc qu’à la seconde ablution. Cependant Gavantus, part. I, tit. XIII, dit : Expleto Canone, ex aliis omnibus usque ad communionem, eâ peracta dicitur Communio. Ce qui montre qu’entre la prière appelée communio, qui se dit immédiatement après la seconde ablution, pendant laquelle se dit Corpus tuum, Domine, entre la communion, dis-je, & le Canon, il y a plusieurs choses, & par conséquent il finit long-temps avant la seconde ablution & au Pater, comme on l’a dit. Une remarque bien meilleure est, qu’il est expressément défendu, même par le Concile de Trente, de réciter le Canon à voix haute. Voyez sur cela les Ouvrages de M. Languet, Archevêque de Sens, contre le nouveau Missel de Troyes.

Canon. Se dit aussi d’un tableau, ou carton qui se met au milieu de l’autel devant le Prêtre, & qui contient le Gloria in excelcis, le Credo, les Oblations du pain & du vin, les paroles de la consécration & autres prières que le Prêtre récite en célébrant. Un Canon en broderie, ou enluminé, un Canon de cuivre, d’argent.

Canon. Se dit généralement des Loix & des régles de la discipline Ecclésiastique, & des Décrets des Conciles. Sacri Conciliorum Canones, sacrorum Conciliorum Decreta. C’est une décision sur les matières de la Religion, ou un règlement de Police & de Discipline Ecclésiastique, fait par un Concile général, ou national, ou provincial. Canon. Les Canons des Conciles de Nicée, de Latran, de Trente, &c. Quelques-uns doutent de la vérité des Canons des Apôtres, que l’on attribue d’ordinaire à saint Clément. Baronius, Bellarmin, Turrien, & quelques Auteurs, croient véritablement qu’ils sont des Apôtres. Hinemar & M. de Marca, croient qu’ils font du IIe & IIIe siècle, dressés par des Evêques Disciples des Apôtres. Beveregius est aussi de ce sentiment. Daillé a soutenu qu’ils avoient été fabriqués par quelque Hérétique dans le Ve siècle. Il est certain qu’il y en a eu des Recueils faits en différens siècles. Denys le Petit, au Ve siècle en fit une plus ample Collection, & après lui Ferrandus, Cresconius, Isidorus Mercator. L’Eglise Grecque compte 85 Canons Apostoliques, & l’Eglise Latine en reçoit 50 seulement. Selon Ussérius, la première collection des Canons de l’Eglise Grecque, contenoit seulement ceux du I Concile de Constantinople, qui ne s’y trouve point. Il n’y avoit en tout que 164 Canons. C’est Denys le Petit, qui y ajouta les Canons des autres Conciles Généraux. Il mit à la tête 50 Canons des Apôtres, qu’il traduisit en Latin. Il finit les Canons Grecs par le Concile de Chalcédoine. Il y joignit encore ceux du Concile de Sardique ; & ceux des Conciles d’Afrique qui n’avoient point encore été insérés dans le corps des Canons. Les Protestans soupçonnent que ces Canons du Concile de Sardique ont été fabriqués pour augmenter l’autorité du Pape. D’autres tiennent que cette première Collection des Canons a été faite en 585, & que le Concile de Constantinople, assemblé sous le Grand Théodose en 581, en fait partie, & n’y a point été ajouté depuis. On compte quatre principales compilations des Canons de l’Eglise d’Orient, la dernière étant toujours plus ample que celle qui la précède. La quatrième contient quelques Canons du II Concile général de Nicée, & c’est sur celle-là que Balsamon & Zonoras ont fait des Commentaires.

Canon. (Droit.) Jus Canonicum. Jus Pontificium. Dans les Gaules, & sous la première race des Rois, on suivoit le Code des Canons de l’Egliié Universelle, qui étoient ceux de l’Eglise Grecque. On y ajouta ceux des Conciles d’Ephese, & de Chalcédoine, &c. mais ce code ne se trouve plus. Depuis, l’Eglise Romaine se servit d’un Code des Canons, composé en 520, & traduit par Denys le Petit. Les Décrétales des Papes depuis Sirice jusqu’a Anastase, grossissoient ce recueil. C’est en quoi consistoit l’ancien Droit Canonique jusqu’au onzième siècle. On l’observoit par-tout l’Occident, avec les Capitulaires de Charlemagne ; & l’on n’avoit aucun égard à ce qui n’y étoit pas compris. C’est sur ce fondement qu’on soutient en France, que les libertés de l’Eglise Gallicane consistent à ne pas recevoir tout ce qui s’est introduit dans la Jurisprudence Canonique depuis cette ancienne compilation, & à rejeter les Décrétales des Papes, avant le Pape Sirice, comme fausses & supposées. Mais le Droit Canonique fut beaucoup altéré depuis la fin du VIIIe siècle jusqu’à la fin du XIe siècle. On y confondit les Décrétales, depuis S. Clément jusqu’à Sirice, qui jusques-là avoient été inconnues. Enfin, la confusion qu’apportoient les différentes collections fit penser à rédiger & à ramasser un nouveau corps de Droit Canon. C’est donc aujourd’hui un recueil intitulé : La Concordance des Canons discordans, qui a été fait en 1151, par Gratien, Moine Bénédictin, des textes de la Bible, des Conciles & des sentimens des SS. Pères, sur chaque matière ; & non point par l’ordre des temps & des Conciles, comme la plupart avoient fait avant lui. Cette compilation fit que les anciennes demeurèrent tout d’un coup abolies. Elle est divisée en trois parties. La première en 108 distinctions : la seconde en 36 causes, &c la troisième en cinq distinctions. La seconde patrie du Droit Canonique est composée des Décrétales des Papes depuis 1150, jusqu’à Grégoire IX en 1229. En 1297, le Pape Boniface VIII continua les Décrétales des Papes jusqu’à son temps. Mais cette dernière partie n’a pas beaucoup d’autorité en France, à cause des différens de Boniface VIII, avec le Roi Philippe le Bel. Le Pape Jean XXII y joignit les Clémentines en cinq Livres : ce sont les Constitutions de Clément V, son prédécesseur : on y a joint 20 Constitutions faites par le même Jean XXII, qui sont appelées Extravagantes, & quelques autres Constitutions de ses successeurs. Toutes ces choses composent le Corps, ou le Cours du Droit Canon, que nous avons en trois Volumes, en y comprenant les Commentaires. C’est aujourd’hui la Jurisprudence autorisée par le S. Siège, & de laquelle seule on se sert dans le for extérieur & contentieux.

La compilation des Décrétales faite par Boniface VIII, s’appelle le Sexte. Anciennement les Constitutions Ecclésiastiques ne portoient pas le nom de Droit, parce qu’il sembloit aux SS. PP. que ce nom avoit quelque chose qui ressent trop la contrainte, qui ne convient point à l’Eglise. Jus, selon Festus, vient de jussum, commandement : & comme c’est le propre de l’Eglise de persuader plutôt par la douceur que de contraindre, ces Loix ont été appelées plutôt des Canons, c’est-à-dire des règles, que des Commandemens. Cependant comme elle a son autorité, laqueelle pour être pleine de douceur n’en est pas moins puissante ; dans la suite on n’a pas fait difficulté d’employer le mot de Droit, pour caractériser ses Loix. Denys le Petit a commencé, & il a été suivi.

MM. de Port-Royal se sont avisés de dire Droit Canonique, à cause du Latin Jus Canonicum : & en cela ils ont été suivis par leurs Sectateurs, & même par leurs adversaires ; mais je soutiens qu’il faut dire Droit Canon, Si leur raison étoit reçue, il faudroit aussi dire un Canonique, &c non pas un Chanoine. Si l’on vouloit reformer notre langue sur le Latin du siècle d’Auguste, il faudroit la refaire toute entière, & dire par exemple, avec l’écolier Limoulin, l’alme, inclyte, & célèbre Académie, que l’on vocite Lutéce. Ménage. Mais contre l’autorité de M. Ménage, on trouve souvent Droit Canonique dans les meilleurs Auteurs. M. Du Bois a fait deux Volumes qu’il a intitulés : Maximes du Droit Canonique.

Canon de la paix & de la trêve. C’est dans l’Histoire Ecclésiastique un Canon fait & renouvellé par plusieurs Conciles, depuis le Xe siècle, pour abolir les désordres que causoient les guerres, que les Seigneurs avoient coutume de se faire entr’eux pour leurs querelles particulières.

Canons Arabiques. Terme d’histoire Ecclésiastique. Canons que l’on a attribués au premier Concile de Nicée. Canones Arabici. Le respect qu’on a eu pour ce grand Concile a fait passer sous son nom, plusieurs règles qu’il n’avoit pas faites, & les Chrétiens des derniers siècles lui ont attribué toute l’ancienne discipline de l’Eglise. C’est ce qu’on appelle les Canons Arabiques du Concile de Nicée. Fleury. Les Canons Arabiques se trouvent dans les Collections des Conciles.

Canons des Apôtres. Collection des Canons, ou Loix Ecclésiastiques, qui paroît avoir été faite en Orient dans le troisième siècle. Les Grecs, comme nous l’avons déjà dit, ont quatre-vingt cinq Canons sous ce titre : les Latins n’en ont que cinquante ; les trente-cinq derniers des Grecs ne sont pas conformes à la Discipline de l’Eglise Latine. Comme tout le monde ne convient pas de l’authenticité de ces Canons, quoiqu’en général ils soient fort anciens, nous joindrons ici les remarques & les observations rapportées par Moréry, d’après lesquelles on verra quelle autorité doivent avoir ces Canons. L’antiquité de ces Canons les rend respectables. Ils sont cités dans les Conciles de Nicée, d’Antioche & de Constantinaaje. Jean d’Antioche, qui vivoit du temps de Justinien, les a insérés dans sa Collection des Canons : Justinien lui-même les a cités dans sa sixième Novelle, & ils furent approuvés dans le Concile in Trullo. On n’eut pas moins de respect en Occident pour les cinquante premiers Canons. Denys le Petit, les mit à la tête de sa Collection, vers l’année 500. Le Pape Jean II, les mit au nombre de ceux qu’il envoya en 532 ou 533, aux Evêques de la province d’Arles, pour terminer l’affaire de Contumeliosus, Evêque de Riez. En 577, les Evêques de France s’en servirent dans l’affaire de Prétextât, & à la fin du VIIe siècle. Cresconius les mit dans sa Collection.

Il y a eu quelque difficulté, tant sur le nombre, que sur l’autorité de ces Canons. Les Grecs en comptent communément 85 : les Latins n’en ont reçu que 50, dont même plusieurs ne sont pas observés. Les Grecs comptent les 50 premiers à peu près comme nous : mais ils en ajoutent d’autres dans la plupart desquels il y a des articles qui ne sont pas conformes à la discipline, ni même à la croyance de l’Eglise Latine : & c’est pour cette raison qu’elle rejette les 35 derniers Canons, comme ayant été la plupart insérés ou falsifiés par les Hérétiques, ou Schismatiques. À l’égard de l’autorité, le Pape Gelase, dans un Concile tenu à Rome l’an 494, met le livre de ces Canons des Apôtres entre les apocryphes, & cela après le Pape Damase. Par cette raison, Isidore les condamne aussi dans le partage que Gratien rapporte de lui dans la XVIe distinction. Le Pape Léon IX, au contraire, excepte 50 Canons du nombre des apocryphes. Avant lui, Denys le Petit avoit commencé son Code des Canons Ecclésiastiques, par ces 50 Canons. Gratien dans la même distinction XVI, rapporte qu’Isidore ayant changé de sentiment, en se contredisant soi-même, met au-dessus des Conciles ces Canons des Apôtres, comme approuvés par la plupart des Pères, & reçus entre les constitutions Canoniques ; & ajoute que le pape Adrien I, a approuvé les Canons, et recevant le VIe Concile où ils sont inférés : mais on peut dire que Gratien se trompe, & qu’il prend le IIe Concile in Trullo, que les Grecs appellent souvent le VIe Concile, pour le Ie Concile in Trullo, qui est véritablement le VIe Concile Œcuménique ou général.

Quant à Isidore, le premier passage est d’Isidore de Seville, & le second est d’Isidore Mercator ou Peccator, selon la remarque d’Antoine Augustin, Archevêque de Tarragone, qui dit que pour concilier ces différentes opinions, il faut suivre le sentiment de Léon IX, qui est qu’il y a 50 Canons de ces Apôtres, qui ont été reçus, & que les autres n’ont aucune autorité dans l’Eglise Occidentale. Il est certain que ces Canons ne sont point des Apôtres ; mais ils paroissent fort anciens, & ont été cités par les anciens, sous le nom de Canons anciens, Canons des Peres, Canons Ecclésiastiques. S’ils sont quelquefois appelés & intitulés Canons Apostoliques, ce n’est pas à dire pour cela qu’ils soient des Apôtres : mais il suffit qu’il y en ait quelques-uns qui aient été faits par des Evêques qui vivoient peu de temps après les Apôtres, & que l’on appeloit hommes apostoliques. L’Auteur des Constitutions Apostoliques, est le premier qui attribue ces Canons aux Apôtres. Ils contiennent des réglemens qui conviennent à la discipline du second & du troisième siècle de l’Eglise. On ne sait pas en quel temps cette collection a été faite. Il se peut faire que ce soit en différens temps : non-seulement les 50 premiers, mais les 35 derniers sont fort anciens. On a vu le sort qu’ils ont éprouvé dans les différens temps. Depuis Isidore, qui mit les 50 premiers dans sa Collection, ils ont toujours fait partie du Droit Canon.

CANONS PÉNITENCIAUX. En terme d’Histoire & d’antiquité ecclésiastique, ce sont d’anciens réglemens, faits dans le Concile de Carthage, où Félicissime fut condamné. Canones pœnitentiales. Ces Canons règlent la conduite des Evêques, à l’égard des pécheurs pénitens, suivant les différens dégrés des péchés. Le Décret du premier Concile de S. Cyprien fut rédigé en plusieurs articles ou Canons, que l’on l’appelés depuis les Canons pénitenciaux. Fleury.

Canon est aussi un Catalogue des Livres Sacrés. Sacrorum Librorum Index. Un tel livre est apocryphe, il n’est pas dans le Canon. Le Canon, ou le Catalogue des Livres du vieux Testament a été fait par les Juifs. On l’attribue à Esdras ; l’ancienne Eglise a suivi le Canon des Juifs, qui, selon S. Jérôme, ne contenoit que 22 livres. Du Pin. Le dernier Canon des Livres saints, est celui qu’a fait le Concile de Trente ; il comprend tous les livres qui se trouvent dans les Bibles imprimées dans les Royaumes Catholiques depuis ce Concile. On doit, sous peine d’anathême, recevoir comme livres sacrés, comme écriture divine, tous les livres que contient ce Canon ; & c’est être hérétique que de rejeter quelque chose de ce que contient ce Canon. Ce Canon du Concile de Trente est tout semblable à celui du Concile d’Hyppone, tenu en 393, & à celui du Concile IIIe de Carthage, qui étoit de quarante-sept Evêques, du nombre desquels étoit Saint Augustin, & qui disent qu’ils ont reçu ce Canon de leurs Peres. Il est aussi semblable à celui d’Innocent I, dans sa Lettre à Exupere.

Les Canons des Evangiles sont une espèce de concordance faite par Eusèbe de Césarée, dont parle S. Jérôme, & que l’on voit souvent à la tête des manuscrits du Nouveau Testament & en quelques éditions.

Quelques Religieux appellent Canon, le livre qui contient leurs règles, leurs constitutions, &c.

On appelle encore Canon, le catalogue des Saints reconnus, & canonisés dans l’Eglise. Album SS. quos agnoscit Ecclesia.

Canon Paschal. Table des Fêtes mobiles, table où l’on marquoit pour une ou plusieurs années le jour auquel tomboit la fête de Pâque, & les autres fêtes qui dépendent du jour de Pâque. Canon Paschalis. Le Concile de Nicée ayant fixé la Pâque au Dimanche qui suivroit immédiatement la pleine lune la plus proche de l’Équinoxe du printemps, pour trouver plus aisément le premier jour de la lune, & ensuite le 14e, le Concile ordonna que l’on se serviroit de l’ennéadécaétéride ou cycle de 19 ans, parce qu’au bout de ce terme les nouvelles lunes reviennent à peu près aux mêmes points de l’année solaire. On croit que le Concile chargea de ce calcul Eusèbe de Césarée, & il est certain qu’il a composé un canon paschal de dix-neuf ans.

En termes de Palais, on appelle Canon emphytéotique, le revenu annuel que doit celui qui a pris un héritage à bail emphytéotique, c’est-à-dire, pour cent ans. Vectigal annuum ex fundo emphyteutico. Les emphytéotes, qui doivent le Canon emphytéotique, ont seulement la propriété emphytéotique du fief, & de la chose donnée à cens ou à emphytéose… Institution au Droit Fr. La rente ou redevance que l’emphytéote paye au bailleur en reconnoissance de la Seigneurie directe qu’il s’est réservée, s’appelle pension ou Canon emphytéotique. Ibid.

Canon, en termes de Guerre, est une pièce d’Artillerie, ou arme à feu, faite de fer, ou de fonte. Tormentum bellicum æneum. Elle est de figure cylindrique, & creuse par le milieu. On la charge de poudre & de boulets, ou de cartouches. Un gros Canon ordinaire, est long d’environ dix pieds. Son noyau est de neuf pieds. Son affût est long de quatorze, & son essieu de sept. Le diamètre de sa bouche est de six pouces & deux lignes ; l’évent de la balle de deux lignes. Le diamètre de la balle est de six pouces, & son poids de trente-trois livres un tiers. Le métal est épais au collet de deux pouces, & à la culasse de six. Son métal pese environ 5600 livres. La charge est de 18 à 20 livres. Il tire de point en blanc 600 pas, & tire dix coups par heure, & quelquefois quinze, & par jour 120. Son lit doit avoir quinze pieds de large, & vingt de long pour son recul. Il faut vingt chevaux pour le mener. Et pour servir un canon qui bat en ruine, dont le boulet est de 36 livres, il faut deux Canonniers, trois Chargeurs, & 30 Pionniers. Mais comme il est pesant & difficile à traîner, on l’emploie le plus souvent pour un assaut, en le chargeant à cartouche, afin de battre & de découvrir de loin, soit pour attaquer quand on fait les premières approches, soit pour se défendre en le plaçant sur un Cavalier. On ne fait guère à présent de canon que de 24 livres, qui ont cinq pouces & demi de calibre, & dix pieds de long. Les canons des vaisseaux portent depuis quatre jusqu’à 36 livres de balle. L’Amiral & le Vice-Amiral, sont tous montés fut quatre petites roues comme les affûts des mortiers. On dit que le canon est aux sabords, quand il est mis aux sabords, & qu’il est prêt à tirer. On dit qu’il est démarré, quand il a rompu les cordages dont il étoit amarré. On dit que le canon est détapé, quand il est débouché, & que la tape est hors du canon. On appelle canon de coursier, un canon de 33 à 34 livres de balle, qui est logé sur l’avant de la galère ; pour tirer par-dessus l’éperon. La charge de poudre d’un canon, est environ la moitié du poids de son boulet. Il faut rafraîchir le canon après une trentaine de décharges, avec deux pintes de vinaigre qu’on mêle avec quatre pintes d’eau, & qu’on met dans l’ame du canon, après avoir bien bouché la lumière. Sans cette précaution, le canon seroit en danger de se crever, ou de s’éventer. Les pièces qu’on appelle de la nouvelle invention, ou à l’Espagnole, ont une concavité, ou chambre au fond de l’ame, qui fait qu’elles poussent plus loin le boulet, & avec moins de poudre que les autres ; elles font aussi plus courtes. Il y a des pièces de canons qu’on appelle folles, parce qu’elles n’ont pas l’ame bien droite, ce qui est cause que le boulet ne va jamais droit où l’on vise. C’est la faute du Fondeur. Il y a des pièces absolument tortues. Tous les Politiques de l’une & de l’autre Religion, conseilloient à Henri le Grand de ne plus différer à se faire Catholique. Ils lui disoient que de tous les canons, le canon de la Messe étoit le meilleur pour réduire les villes de son Royaume : ils le supplioient de s’en vouloir servir ; & à leurs prières ils ajoutoient des menaces de l’abandonner, & de se retirer chez eux, parce qu’ils étoient ennuyés de se consumer à son service. Péréfix. Un brave homme qui a de l’expérience, dit que le canon est la plus épouvantable machine que la rage des hommes ait pu inventer pour s’entre-détruire, & n’en va pas moins droit où il doit aller. Bussy.

Les canons des vaisseaux sont montés sur des affûts semblables aux affûts des mortiers ; ils sont aussi plus pesans de métal que les canons dont on se sert sur terre parce qu’on les charge quelquefois de boulets à deux têtes. Il y a sept différens calibres pour les canons des vaisseaux de France, savoir, 36 livres de balle, ou 24, ou 18, ou 12, ou 8, ou 6, ou 4, quand les canons sont de fonte ; mais quand ils sont de fer, le calibre n’est que depuis 18 livres de boulet jusqu’à quatre. Suivant l’Ordonnance de 1689, il n’y a que le vaisseau Amiral, & le Vice-Amiral, ceux du premier rang, & ceux du second & du troisième, quand ils sont commandés par l’Amiral, & le Vice-Amiral, ou un Lieutenant Général, qui aient tous les canons de fonte sans aucun mélange de canons de fer. Toutes les pièces de canons dont on se sert en France sur mer, sont ou renforcées, ou légitimes, ou moindres : les renforcées sont celles qui ont à la culasse plus d’un calibre d’épaisseur ; les légitimes sont celles qui ont trois parties égales de diamètre ; les moindres sont celles qui n’ont pas le diamètre de l’ame, ou bien le calibre proportionné à l’épaisseur du métal.

Il y a dans l’Artillerie trois genres de canons, savoir, le canon entier, que l’on nomme canon royal & canon de batterie. Il est fort bon de 1000 à 1200 pieds de distance. Les canons du second genre se peuvent mêler avec les batteries ; mais leur vraie fin est pour ruiner de loin les défenses, battant de 12 à 1500 pieds les Cavaliers & parapets ; & avec le ¼ & le ⅛ de canon, on défend la fortification, battant de loin les approches, les batteries, plates-formes & redoutes de, l’ennemi. Le troisième genre est le plus propre pour les batailles rangées, c’est pourquoi on les appelle pièces de campagne. Elles sont très-propres pour défendre la fortification, & particulièrement contre les approches des ennemis. À ce troisième genre l’on peut aussi rapporter les pièces de Cavalot. Voyez Cavalot.

Le premier genre de canon tiré de 800 à 1100 pieds, perce en terre nouvellement remuée ou sable reposé, entre 18 & 22 pieds ; en terre ferme, grasse & rassise, de 10 à 14 pieds ; en argile battue & serrée, entre 9 & 12 pieds ; en terre à potier ou couroy affermie & séche, entre 7 & 10 pieds ; dans les murailles créteuses ou de brique nouvellement cuite, murailles de tuffe, de tirasse de plâtre, de pierre de ponce, la balle y entre de 4 à 6 pieds, & le plus souvent elle ressort toute entière 80 ou 100 pieds en arrière. Dans les murailles de pierre de marbre bâtard ou de chaux, comme pierres de Namur & autres plus dures, comme carreaux de grais ou pierres fermes tenant du caillou, ou bien jaspe, la balle perce entre 3 & 4 pieds seulement, mais elle poudroie & concasse la muraille environ la longueur de trois de ses diamètres tout à l’entour au coup ; & en telles pierres dures la balle s’éclate, si ce n’est que le fer fut extrêmement bon, alors la balle s’aplatit d’un côté comme un pain. De la Fontaine.

De toutes les différentes espèces de canons, le canon royal est celui qui tient le premier lieu. Il porte un boulet de 48 livres pésant, avec 24 livres de poudre commune. Le canon de batterie porte 33 livres de balle, au plus. Le demi-canon ou coulevrine porte 24 livres de balle ; la bâtarde porte 36 livres, la moyenne 24 ; le faucon 10 livres ; le fauconneau 5 liv. Il y a encore d’autres pièces qui ne sont pas en usage, comme le dragon, le basilic, la sirène, &c. Idem. Le même Auteur varie ensuite sur ces noms, & dit : le gros canon entier, 48 livres de balle ; le canon de batterie, dit canon royal, 33 livres de balle ; le demi-canon 24 liv. de balle, la coulevrine de France 18 à 20 livres de balle ; un quart de canon de 12 liv. de balle ; ⅛ de canon 6 livres de balle ; de canon ou fauconneau de France 3 liv. de canon ou robin de France 1 livre ½. Un canon ordinaire revient à deux mille écus, sans affutt, & à 6660 liv. avec l’affut. M. Pelisson, Lett. Histor.

L’Abbé de Choisy dit avoir vu à Siam un canon long de 52 pieds & de 180 de bale, qui porte de but en blanc jusqu’à sept lieues.

Les premiers canons étoient une tôle de fer, pilée, cerclée & reliée de fer, dont la forme conique s’évasoit depuis la culasse jusqu’à la bouche. À la Chine les canons étoient autrefois de bois, & même de deux pièces, qu’on unissoit avec des liens de fer.

Ce mot vient de Canone, Italien, augmentatif de canna, à cause que le canon est long, droit & creux comme une canne. Ménage.

Canon, se dit aussi de l’artillerie en général. On a pris le canon & le bagage des ennemis. On dit qu’une place ne s’est rendue qu’à la vue du canon, qu’elle a attendu le canon, qu’elle a souffert le canon, selon la résistance qu’elle a faite : & on dit figurément, quand une chose est difficile à obtenir, qu’on ne l’aura qu’avec le canon. On dit une lumière de canon. Foramen per quod ignis à tergo immittitur. Canon. L’ame du canon. Tormenti cavum, canalis. Un canon renforcé sur la culasse. Postica & extrema tormenti pars. L’embrasure du canon. Apertæ tormentis displodendis fenestrœ. Un affut de canon. Lignea compages tormentum sustinens. Pointer le canon. Tormentum aliquo dirigere. Plonger le canon, le tirer en bas. Tormentum è superiori parte in inferiorem displodere. Enclouer, démonter le canon. Tormentum æneun clavo obstruere. Une volée de canon. Tormenti emissio. Le canon de cette batterie étoit bien servi.

Isaac Vossius dit que la langueur d’un canon ne doit pas être de plus de 13 pieds, & qu’une plus grande longueur empêche l’effet du canon, non pas à cause que le boulet est poussé hors du canon, avant que toute la poudre soit enflammée, comme quelques-uns croient, mais parce que le boulet est repoussé en dedans du canon par l’air qui y rentre avec impétuosité, lorsque la flamme est éteinte. Pendant les siéges de Rose & de Gironne en 1694, on entendoit très-distinctement de Rieux le canon qui se tiroit contre ces places ; en sorte que le Jour & l’heure qu’on cessa de l’entendre, fut, comme on l’apprit ensuite, celui qu’elles se rendirent l’une & l’autre. D’où il s’ensuit qu’on entend le canon de 40 lieues loin, au travers même des montagnes : car il y a 40 lieues de Rieux à Gironne, & les Pyrénées sont entre deux. Les ouvertures de ces motagnes par où les rivières coulent, conservent la force de l’air. La plus grande portée du canon est, lorsqu’il est élevé de vingt-cinq degrés. Voyez Hanzelet, qui en a décrit toutes les portées de degré en dégré, & la manière d’en calculer l’augmentation ou la diminution, à proportion de son élévation. Le canon doit être posé sur son affût, & arrêté avec des surbandes qui se serrent sur ses tourillons. Cet affût a la culasse dentelée de trois ou quatre dégrès nommés coches, sur lesquelles le canonier pose le point de mire pour tirer. Darcous dit avoir inventé une manière de suspendre le canon dans un vaisseau, qui le fait demeurer dans son point de mire, nonobstant l’agitation de la mer.

Canon (la) poudre à, est une composition faite de salpêtre, de soufre & de charbon, qui s’enflamme & se raréfie aisément, & qui est cause de tout l’effet du canon. Pulvis pyrius. Polydore Virgile dit qu’elle fut inventée par hazard ; qu’un Chimiste ayant de cette composition dans un mortier qu’il avoir couvert d’une pierre, le feu s’y prit, & fit sauter en l’air la pierre avec une grande violence. Thevet dit que c’étoit un Moine de Fribourg, nommé Constantin Anclitzen. Mais Bellefost & d’autres meilleurs Auteurs, disent que ce fut un nommé Bertolde Schwartz ou le Noir, qui l’inventa. Il en enseigna premièrement l’usage aux Vénitiens l’an 1380, en la guerre qu’ils avoient contre les Génois en un lieu nommé autrefois Fosse-Claudienne, & à présent Chioggia ; & néanmoins Pierre Messie dit en diverses leçons, que les Mores qui étoient assiégés en l’an 1343, par Alphonse XI, Roi de Castille, tiroient certains mortiers de fer qui faisoient un bruit semblable au tonnerre. Et Dom Pèdre, Evêque de Léon, en la Chronique du Roi Alphonse, qui conquit Tolède, dit qu’en une bataille navale qui fut donnée entre le Roi de Thunis, & le Roi More de Séville, il y a plus de 400 ans, ceux de Thunis avoient certains tonneaux de fer avec quoi ils tiroient forces tonnerres de feu. Du Cange dit qu’on voit dans les Registres de la Chambre des Comptes, que l’usage en étoit en France dès l’année 1338.

Larrey, dans son Hist. d’Angl., Henri VIII, p. 343, prétend que c’est en Angleterre qu’on vit en 1535 les premiers canons de cuivre, & dit qu’on en attribue l’invention à Jean Owen. Il avoue néanmoins qu’il en avoit paru quelques-uns auparavant de même métal, mais bien au-dessous de la perfection de ceux-ci. Le même Auteur, dans sa seconde partie, p. 686, dit qu’en 1346, à la bataille de Crécy, il y avoit cinq pièces de canon dans l’armée angloise ; que ce fut la première fois qu’on s’en servit dans les batailles. Mezeray rapporte que le Roi Edouard jeta l’épouvante dans l’armée françoise par cinq ou six pièces de canon, parce que c’étoit la première fois que l’on eût vu de ces foudroyantes machines. Larrey ajoute que quelques-uns cependant en font l’usage de quelques années plus ancien, & disent que l’année 1338 les François s’en étoient servis au siège de Puy-Guillaume en Auvergne.

Les premiers canons on été appelés bombardes, du mot latin bombus, à cause de leur bruit éclatant. Les canons ont eu divers noms, diverses longueurs & divers calibres. Les premiers canons ont été appelés cardinales, mulets, basiliques, ribadoquins, émerillons, serpentines, passevolans, verteuils ou sautereaux, sacres, coulevrines, barces, fauconneaux, bastardes, &c. qui seront expliqués à leur ordre. Les plus ordinaires & réguliers de fonte verte sont les canons ou coursiers de 9 à 10 pieds de long, calibre de Roi de six pouces de diamètre, & portent une balle de 33 livres un tiers. Le canon de fer coulé ou de fer battu n’a point de régle, & ne porte que douze livres de balle pour le plus.

Canon, se dit aussi de la partie des mousquets, fusils, carabines, pistolets, & autres armes à feu où se met la charge de poudre & de plomb. Tubus æreus, fistula œrea. Il est posé sur un petit fût pour le tirer a la main. Suivant l’ordonnance de 1689 pour la marine, le canon des mousquets doit être de trois pieds neuf pouces de long, d’un fer doux bien lié, & bien soudé, point pailleux, ni cassant, ni brasé, ni éventé, bien foré au dedans, & limé au dehors : le derrière du canon doit être à pans, renforcé jusqu’au tiers ; & le devant doit être rond & déchargé de fer.

☞ On appelle canon brisé, un canon coupé en deux parties qui se joignent ensemble. Voyez Brisé.

Canon rayé ou carabiné, est celui en dedans duquel on a tracé des lignes creuses, des moulures longitudinales ou circulaires. Ils en tirent plus juste & portent plus loin. Intus striatum.

Canon. Terme de Serrurier. C’est la partie d’une clef qui est forée, & qui joint l’anneau. Tubulus clavis. C’est aussi la partie de la serrure, dans laquelle entre le bout de la tige de la clef, quand elle n’est pas forée.

Canon. On appelle canon de soufre, celui qui est en bâton & rouleau tel qu’on le vend.

On appelle canons de gouttière, en termes d’Architecture, des bouts de tuyau de cuivre ou de plomb, qui servent à jeter les eaux de pluie au-de-là d’un cheneau & d’une cimaise par les gargouilles, pour les empêcher de tomber au pied du mur dont elles pourroient endommager les fondemens. Stillicidii tubus.

Canon, se dit, en termes d’Horloger, de tout ce qui est creusé intérieurement. ☞ On adapte des canons ou petits, cylindres, percés de part en part à différentes pièces ou roues, pour qu’elles tournent sur des arbres ou tiges sans aucun bercement.

Canon, est aussi le tuyau d’une plume, & la partie qui sert à écrire, Pennæ caulis.

Canon, se dit aussi par les chaudronniers, pour signifier une sorte de tuyau qui entre dans le corps de l’arrosoir, & au bout duquel est la pomme de l’arrosoir, qui est pleine de petits trous par où sort l’eau qui arrose. Tubulus. ☞ C’est encore chez les chaudronniers un morceau de fer à tête large & forée, que l’on appuie sur la pièce, à l’endroit où on la perce.

Canon. Les tourneurs appellent aussi les canons d’un arbre à tourner en ovale, ou en d’autres figures irrégulières, deux cylindres creux, qui sont traversés par la verge de fer quarrée qui joint la buelte au mandrin.

Canon à dévider, est une manière de petit bâton tourné avec des rebords, qui presque à son extrémité a un trou pour mettre la broche du rochet.

Canon, se dit aussi d’un pot de faïance un peu long & rond, où les Apothicaires de Paris mettent les électuaires & les confections.

Canon, signifie aussi un petit tuyau qu’on met au bout des seringues pour donner des clystères.

Canon, signifie, en termes d’Imprimerie, les plus gros caractères avec lesquels on imprime. Crassiores characteres. Il y a le gros double canon, le gros canon, le trismegiste ou canon approché & petit canon, le tout avant le gros parangon, & le gros romain.

Canon. Chez les anciens, les canons sont comme des sections ou des titres dans un ouvrage. C’est ainsi que S. Hilaire a divisé son Commentaire sur S, Matthieu en 33 canons. Ce mot pour marquer les titres ou sommaires des livres de la Bible, se trouve dans les plus anciens exemplaires latins, C’est ce que les Grecs appellent κεφαλαῖα, chapitres.

Canon, en Géométrie & en Algèbre, signifie une régle générale pour la solution de plusieurs questions d’un même genre. On dit plus communément aujourd’hui Méthode & formule.

Canon, en termes de manège, est la partie de la jambe du train de devant du cheval, comprise entre le genou & le boulet. Tibia. Il y a une fusée au canon de ce cheval.

Canon, est aussi une partie d’un mors, ou d’une embouchure de cheval. Tubulus. C’est une pièce de fer arrondi qui entre dans la bouche du cheval, & qui la tient sujette. On les fait de plusieurs figures. Elle est ordinairement de deux pièces, & quelquefois d’une seule, comme le canon à trompe. C’est un terme d’éperonier.

Canon, en termes du Musique, est un nom qu’on donne à une espèce de fugue, qu’on appelle fugue perpétuelle, dans laquelle les parties commençant l’une après l’autre, répètent sans cesse le même chant. Voyez Fugue. On appelle aussi canon musical, le sommier soutenant les conduits qui portent le vent d’un tuyau à l’autre, en un jeu d’orgues. Canon musicus. Ce mot vieillit en ce sens, & il a été employé par Vitruve & ses Traducteurs.

☞ Dans l’ancienne musique, ce mot désignoit la méthode de déterminer les intervalles des notes.

Canon, dans l’histoire des Modes, signifie un demi-bas, qui s’étend depuis la moitié des cuisses jusqu’à la moitié des jambes. Tibialia longiora quæ femoribus astringuntur. On en portoit autrefois avec des bottes. Canons de soie. Canons de laine. Les tailleurs appellent aussi canon, les deux tuyaux des chausses, où l’on met les cuisses, & le haut des bas de laine, ou de soie, qui s’élargit en sorte qu’on y peut mettre les cuisses. Ainsi on dit, des bas à canon, des canons qu’on attache au bas du haut-de-chausse.

Canon, est aussi un ornement de toile, rond, fort large, & souvent orné de dentelle, qu’on attachoit au-dessous du genou, qui pendoit jusqu’à la moitié de la jambe pour la couvrir, ce qui étoit, il y a quelque temps, fort à la mode. Linea tibiata parmarum in morem aptata. C’est dont Molière se raille.

De ces larges canons, où comme en des entraves,
On met tous les matins ses deux jambes esclaves.

CANONADE ou CANONNADE. s. f. Un coup de canon. Tormenti emissio. Cet Officier a bien essuyé des canonades en sa vie.

Canonade, se dit aussi de la batterie continuelle d’une place. Ce pan de bastion a souffert une canonade de trois jours avant que d’être ruiné. ☞ Il paroît que le mot de canonade ne peut se dire que de plusieurs coups de canon tirés à la fois, ou de suite, & non d’un coup de canon seul. Essuyer une canonade, c’est essuyer plusieurs coups de canon.

CANONAGE. s. m. Science du canon. Le canonage a ses difficultés, comme les autres sciences. Hanzelet a fait un traité de toutes les proportions des canons, pour les longueurs, les embouchures, les charges, les métaux & alliages, les élévations, &c. Toute la science du canonage est expliquée fort au long dans les Mémoires d’Artillerie de Surirey de S. Remy. Voyez Canonier.

CANONARQUE. s. m. Officier de l’Eglise de Constantinople. Canonarcha. Codin en parle. De Offic. Const. L.I, 6, n. 2, & c.7, n. 24, 25. Il paroît, par ce qu’il en dit, que c’étoit un bas Officier, qui étoit au-dessous des Lecteurs.

Canonarque, étoit aussi un Officier dans les anciens Monastères. Canonarchus. C’étoit celui qui sonnoit aux heures de la collecte ou des assemblées, pour faire lever les Moines & les assembler. C’est de Jean Moschus. Vitæ Patrum, L. X ; c. 11. & 50, que nous l’apprenons. Voyez Rosweid Onomast.

CANONER ou CANONNER. v. a. Battre à coups de canon. Glandes ferreas tormentis emittere, jaculari. Ces deux Amiraux se sont seulement canonés & n’ont rien fait. On a canoné cette place trois jours durant.

Canoné, ée, part.

CANONERIE. s. f. canonade. Rabelais.

CANONIAL, ALE, adj. Qui appartient au Chanoine, qui regarde le Chanoine. Canonicus. C’est une maison canoniale qui est vacante. ☞ Maison canoniale, qui est affectée à une place de Chanoine. Office canonial, office que les Chanoines chantent dans l’Eglise.

On appelle Heures Canoniales les petites heures du Bréviaire, qui sont Prime, Tierce, Sexte & None. Preces Canonicæ, preces statis horis pro officio Sacerdotibus recitandæ. Ce qui vient de ce qu’on a appelé autrefois canon l’Office Ecclésiastique. Un Chanoine de S. Quentin a fait un traité des Heures Canoniales.

CANONICAT. s. m. Prébende, titre d’un bénéfice de Chanoine. Canonici munus. Il a obtenu de l’Evêque un tel canonicat en vertu des lettres du Roi pour son joyeux avènement à la couronne. C’est un droit qui appartient au Roi, de nommer aux premiers canonicats vacans par la mort dans les Eglises Cathédrales &c Collégiales.

☞ Quoique les Canonistes confondent souvent les noms de canonicat & de prébende, il faut pourtant remarquer qu’ils ne sont pas absolument sinonymes. Le mot canonicat ne signifiant que le titre ou la qualité spirituelle, indépendante du revenu temporel : au lieu que le mot de prébende est le revenu temporel même. Avant le Concile de Trente, il y avoit des canonicats sans prébende, avec l’expectative de la première qui viendroit à vaquer. Encore aujourd’hui le Pape crée quelquefois un Chanoine sans prébende. Quand il veut conférer une dignité dans une église, pour l’obtention de laquelle il faut être Chanoine. Ces canonicats s’appellent canonicats ad effectum, titre stérile, jus ventosum. Voyez Chanoinie, Chanoine, Prébende.

CANONICITÉ. s. f. La qualité de la doctrine d’une personne dont les sentimens sont conformes à l’esprit de l’Eglise, ou la qualité d’un Livre qui est authentique, & compris dans le Canon de l’Eglise, au nombre de ceux qui composent ce qu’on appelle l’Ecriture Sainte. Τὸ κανονικὸν, ou bien Canonicité ; est la qualité de ce qui est Canonique, ou, selon les Canons, conformité aux Canons, Canonicitas, Canonicum. Ils n’examineront point la canonicité de ces motifs d’union. Gueau. Les Protestans sont partagés sur la Canonicité de l’Epitre aux Hébreux, de celle de S. Jacques, de la seconde de Saint Pierre, de la seconde & troisième de S. Jean, de celle de saint Jude & de l’Apocalypse. Calmet, Dict. au mot Apocalypse. Bèze a fortement soutenu contre Luther l’authenticité & la canonicité de l’Apocalypse.

CANONIER, plus ordinairement Canonnier. s. m. Officier d’Artillerie qui a soin de pointer, de charger, de tirer le canon, qui doit savoir le calibre, & les charges de chaque pièce, avec la perfection des gabions, & des plates-formes de batteries. Tormentorum librator. Sainte Barbe est la patrone des Canoniers. La chambre des Canoniers est sur la poupe du vaisseau, & s’appelle Sainte Barbe.

☞ Il y a eu autrefois des compagnies particulières de Canoniers. Elles ont été incorporées dans Royal-Artillerie.

☞ Le Canonier doit connoître la force & l’effet de la poudre, les dimensions des pièces d’Artillerie, les proportions de la poudre & du boulet dont on les charge, la loi des projectiles, la manière de manier, charger, pointer, nettoyer & rafraîchir le Canon.

CANONIERE ou plutôt Canonnière. s. f. Se dit d’une sorte de tente de toile pour reposer les Canoniers. Tentorium libratoribus tormentorum assignatum. C’est encore une petite tente qui est faite en forme de toît, & qui n’a point de murailles, comme les autres tentes ordinaires. Elles servent pour les soldats & pour tous les Officiers de la maison du Roi. Il y a deux Officiers dans chaque canonière, ou sept soldats.

Canonière & mieux Canonnière. Petite embrasure, ouverture dans une muraille par laquelle on tire a couvert des coups de mousquet, d’arquebuse. Voyez Embrasure.

☞ Les enfans appellent aussi canonière un bâton de sureau dont on a ôté la moëlle, où ils mettent des tampons de filasse ou de papier mâché, qu’ils chassent avec bruit par ie moyen d’un bâton ou