Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/031-040

Fascicules du tome 1
pages 21 à 30

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 31 à 40

pages 41 à 50


L’Architecture de ce Palais est ornée par-tout de cornes d’abondance. A l’égard des Médailles, on observe qu’elle se donne à toutes les Divinités, aux Génies, aux Héros, pour marquer les richesses & l’abondance, procurées par la bonté des Dieux, & par la valeur des Héros. Quelquefois l’on en met deux, pour marquer une abondance extraordinaire.

L’abondance est quelquefois représentée sur les Médailles, sous la forme d’une Divinité. Elle tient à la main des épis, & elle a à ses pieds un pavot entre des épis sortant d’un boisseau.

On dit proverbialement, de l’abondance du cœur la bouche parle ; pour dire, qu’on ne peut retenir certaines choses, & qu’on est pressé de s’en expliquer. Ce proverbe, si c’en est un, ou plutôt cette phrase est prise de l’Evangile, Matth. XII. 34, Luc, VI, 45, où Jesus-Christ dit : C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle, pour marquer que quand on est plein de quelque chose, quand on l’affectionne beaucoup, on en parle souvent. Le Roi parloit de la sorte, & il étoit aisé de juger par la véhémence de son action, qu’il parloit de l’abondance du cœur. Bouh. Xav. L. V.

Le P. Bourdaloue, Exhort. t. i, p. 249, a dit : Si l’abondance du propre sens, ou l’ennui de la dépendance l’avoit porté à quelques sentimens contre l’obéissance & son aveugle simplicité, vous allez tout régler & tout réformer. On dit, Abonder en son propre sens. Voyez Abonder. Mais je n’ai point vû ailleurs l’abondance du propre sens.

Ce mot se dit dans les Colléges, du vin mêlé de beaucoup d’eau, que l’on sert à table aux pensionnaires ; & on l’appelle ainsi, ou parce qu’on en donne abondamment, & tant que l’on veut, ou parce qu’il y a abondance d’eau. Vinum aquâ temperatum.

Abondance. s. m. Nom d’homme. Abundantius. Il y a plusieurs Saints de ce nom.

Abondance. Petite ville de Savoie, dans le Duché de Chablais, au pied d’une chaîne de montagnes, à trois milles géométriques du lac de Genève.

Dans le voisinage de cette ville, il y a une Abbaye appelée Notre-Dame de l’Abondance, qui est aujourd’hui de la Congrégation des Feuillans.

ABONDANT, ANTE. adj. Abundans, affluens, circumfluens, qui abonde, qui procure l’abondance. Un jardin abondant en fruits. La langue Grecque est fort abondante en mots. Cette maison est abondante en biens. Ce Prédicateur est abondant en paroles & en comparaisons. La Perse étoit alors paisible & abondante en toutes choses. Vaug.

Abondant, signifie encore, Grand & ample. Une pluie abondante. Une abondante nourriture. La profusion des louanges est aujourd’hui si abondante, qu’il est surprenant que tant de gens en soient si avides. Port-Royal. Un nombre abondant, en terme d’Arithmétique, est celui dont les parties jointes ensemble par addition, font un autre nombre plus grand que celui dont elles font parties. Ainsi 12, est un nombre abondant, parce que ses parties qui sont 1, 2, 3, 4, & 6, font seize. Harris. Mais 10 n’est pas un nombre abondant, parce que 1, 2 & 5, qui sont ses parties, ne font que 8.

d’Abondant. adv. Insuper, prætereà. Il lui a dit cela d’abondant. Ce mot vieillit, & ne se dit guère qu’au Palais pour marquer la surabondance de droit. A toutes ces raisons, j’ajouterai d’abondant.

ABONDE. s. m. Nom d’homme. Abundius.

ABONDER. v. n. Avoir beaucoup de quelque chose, avoir une grande quantité, & par extension, être en grande quantité. Abundare, affluere, circumfluere. Ce pays abonde en froment, en vin, en fourrages. Cet homme abonde en richesses, en esprit. Toutes sortes de délices abondent en ce lieu. Voit. Cette famille abonde en honnêtes gens. Toutes choses abondent dans cette maison. Tout abonde chez un financier.

On dit figurément, qu’un homme abonde en son sens ; pour dire, qu’il est attaché avec opiniâtreté à ses sentimens, & qu’il ne veut jamais s’en rapporter au sentiment des autres. Pertinax. Cette expression est prise de l’Epître aux Romains, XIV, 5. Il y a pourtant cette remarque à faire, que saint Paul l’a dit en bonne part, au lieu que dans notre langue l’usage est de la dire en mauvaise part. On parleroit mal en disant, Abonder en son sentiment, quoique sens & sentiment soient ici la même chose. Vaug.

On dit au Palais, ce qui abonde ne vicie pas ; pour dire qu’une raison, qu’un moyen de plus ne peut nuire dans une affaire.

ABONNEMENT, ou ABOURNEMENT, ABONNAGE, ou ABOURNAGE. s. m. Traité ou convention, par lequel on abonne, c’est-à-dire, on vend ou on rachete à un prix certain une redevance incertaine. Clientelaris juris venditio, vel redemptio. Ce mot vient de ce qu’on met de certaines bornes & limites aux droits incertains qu’on pourroit prétendre. Paq. On disoit même autrefois bonnes pour bornes, ou limites. C’est pourquoi on disoit, Abonner un héritage ; pour dire, y mettre des bornes. Ménag. Il est abonné à tant par an pour tous droits Seigneuriaux. Ce Marchand est abonné à cent écus par an avec le Douanier, pour les droits d’entrée de toutes ses marchandises. Il se dit avec le pronom personnel : Je m’abonnai, je suis abonné. Dans plusieurs Coutumes, les roussins de service sont abonnés à un écu. Les abonnemens avec les Sous-Fermiers des Aides sont obligatoires, pourvû qu’ils soient rédigés par écrit, & il est défendu d’en recevoir la preuve par témoins. Ordonn. de 1680 sur le fait des Aides.

ABONNER, ou ABOURNER. v. a. Terme de Palais. Estimer & réduire à une certaine somme d’argent un droit qu’on recevoit ou qu’on payoit en espèces, & dont le prix étoit incertain. Clientelaria jura vendere, vel redimere. Dans l’usage ordinaire on dit abonner, & non pas abourner. On a abonné cette Province à telle somme.

Abonner, est aussi quelquefois neutre passif, & l’on dit : Je suis abonné à tant avec le Fermier des Aides ; c’est-à-dire, je suis convenu avec lui qu’au lieu de lui payer à chaque tonneau de vin que je ferai entrer, ou que je vendrai, la somme qui lui revient, je lui donnerai par an ou par mois, une telle somme pour tous ceux que je pourrai faire entrer, ou vendre. En cette forme on le joint quelquefois au pronom personnel. Je me suis abonné. Il s’étoit abonné. Vous vous seriez abonné.

Abonner, signifie aussi, Aliéner, changer : c’est quand un vassal aliène ses rentes, ou change son hommage en quelque autre devoir. Abalienare, commutare. Voyez les Coutumes d’Anjou & du Maine. L’ancienne Coûtume de Tours portoit aliéner, au lieu d’abonner, qui est en la nouvelle.

ABONNÉ, ÉE. part. Venditus, vel redemptus. Champart abonné ou abourné. Les Coutumes font aussi souvent mention d’hommes & de femmes serfs abonnés, de quête abonnée, d’aides abonnées ; c’est-à-dire, fixées.

On dit aussi, Des Meûniers abonnés au Seigneur, pour avoir permission de chasser, & de chercher les mounées dans sa Seigneurie.

On dit aussi, Taille abonnée en la Coutume de Nevers, & abournée en la Coutume de Troyes.

ABONNI, IE. part. Melior redditus, effectus. En salant les viandes, elles en sont abonnies. La Quint. Ce mot se dit peu.

ABONNIR. v. a. & pron. Rendre meilleur, ou devenir meilleur. Rem meliorem facere, meliorem fieri. Les Cabaretiers trouvent moyen d’Abonnir leur vin par des drogues qu’ils y mêlent. On le dit aussi avec le pronom personnel. Cet homme s’abonnit tous les jours depuis qu’il hante les gens de bien. Les fruits s’abonnissent en mûrissant. Ce mot se tire du Latin bonus, bon. Il n’est en usage que dans la conversation.

Abonnir est aussi neutre, & signifie Devenir meilleur. C’est un vieux pécheur, il n’abonnit point en vieillissant. Il est familier. Acad. Fr.

Abonnir. Terme de Potier, qui signifie Faire sécher le carreau, & le mettre en état de rebattre. Siccare, durare.

☞ ABONOÉ. Petit pays d’Afrique, au dedans de celui des Nègres, confinant à l’occident à Aguemboe, au midi à Algwana, au septentrion à Aboera, à l’orient au grand Acara.

ABORAAS. Voyez Abaraas, Abaraus.

ABORD. s. m. Entrée, accès, approche. Aditus. On le dit proprement des ports, des endroits où les vaisseaux peuvent mouiller. Les abords de cette place sont dangereux. Toutes les côtes d’Angleterre & de Hollande sont de difficile abord. Le commerce fleurit d’ordinaire dans les ports qui sont de facile abord. Ce mot est composé de à & de bord, signifiant Rivage.

On le dit par extension de l’affluence des personnes qui arrivent, ou des marchandises qu’on apporte dans un même lieu. Appulsus. Il y a un grand abord de monde, de marchandises dans cette ville. L’abord des Marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établis dans les échelles du Levant.

En termes de guerre, on le dit d’une attaque soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à craindre ; on ne peut soutenir leur premier abord. L’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau. Impetus, assultus. On le dit aussi des approches d’une ville assiégée.

Abord, Synonyme d’arrivée. A notre abord dans l’Île nous fûmes attaqués.

Abord, se dit figurément en parlant des personnes dont on approche. On aborde les personnes à qui l’on veut parler. Les Princes, dit l’Abbé Girard, donnent accès : ils se laissent aborder & permettent qu’on les approche. L’abord est rude ou gracieux : l’accès est facile ou difficile : L’approche est utile ou dangereuse. Le Prince a l’abord doux, gracieux. Sa bonté inspire de la confiance à ceux auxquels l’impression de sa grandeur peut faire appréhender son abord. Il sied bien aux Magistrats & à toute personne placée en dignité d’avoir l’abord grave, pourvû qu’il n’y ait point de fierté mêlée.

On dit dans ce sens, qu’un homme a paru froid, grave, sérieux du premier abord, & dans le style familier, de prime abord.

d’Abord, Tout d’abord, De prime abord, à la première vue, sont des phrases adverbiales. Primo aspectu, primâ fronte. Du commencement. Principio, initio. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. Tout d’abord a une signification plus forte. Quoique je n’eusse point vu cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. Cette nouvelle me surprit d’abord.

ABORDABLE. a. m. & f. Accessible, Ad quem facilis est aditus. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. Cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

☞ ABORDAGE. s. m. Terme de marine, signifie l’approche & le choc de vaisseaux ennemis qui se joignent & s’accrochent par des grapins & par des amares pour s’enlever l’un l’autre. Assaut de deux vaisseaux qui s’accrochent l’un à l’autre par des grapins. Appulsus, insultus.

Aller à l’abordage, sauter à l’abordage, se dit de l’action ou de la manœuvre d’un vaisseau qui en joint un autre pour l’enlever, aussi-bien que de celle des équipages qui sautent de leur bord à celui de l’ennemi. Faire l’abordage en belle ou de bout au corps, c’est-à-dire, l’éperon dans le flanc. L’abordage de franc étable, est celui qui se fait par le devant & en droiture, pour s’enferrer par les éperons.

Abordage, se dit encore du heurt de deux ou plusieurs vaisseaux que la force du vent fait dériver les uns sur les autres. Dans les tempêtes, il n’y a rien de plus à craindre que l’abordage. Les vaisseaux portent des feux la nuit pour éviter les abordages. Ac. Fr.

ABORDÉE, d’abordée, pour abord, d’abord, qu’on trouve dans Cotgrave ; de première abordée, pour de premier abord, sont des mots surannés. Un grand vieil homme fort maigre & pâle me demanda d’abordée, si c’estoit pas moi qui avois imprimé le Catholicon… p. 220. On adjousta de première abordée quatorze (Ligueurs) au conseil des Quarante… p. 376.

ABORDER. v. n. Arriver en quelque lieu, spécialement par mer, aller à bord, prendre terre. J’aborde, J’abordai, Je suis abordé. Appellere navem, classem appellere. Dans ce sens on le joint avec les prépositions à, au, aux. Aborder au rivage, à la côte. Il n’est pas sûr d’aborder à cette côte, parce que la mer se retirant, les vaisseaux y demeurent à sec. Il ne put aborder, à cause que la rive étoit escarpée. Ablan. Nous avons abordé, nous sommes abordés.

On l’emploie aussi à-peu-près dans la même signification qu’approcher, accedere. Ad. Nous ne pûmes aborder de la place, parce que toutes les avenues étoient gardées. Il fut impossible d’aborder du Palais, à cause de la foule du peuple.

M. D’Ablancourt s’en est servi, pour dire, arriver en foule. Les présens abordent chez moi de toutes parts.

Aborder. v. a. En parlant des vaisseaux qui se combattent, faire les manœuvres nécessaires pour l’abordage. Voyez ce mot. Aborder un vaisseau, c’est en approcher, le joindre. Dans un combat les vaisseaux tâchent toujours d’empêcher qu’on ne les aborde.

Aborder, se dit dans le même sens, des hommes qui se battent, & signifie, non l’action d’attaquer l’ennemi, comme le prétendent les Auteurs du Nouveau Vocabulaire, mais l’action de l’approcher hardiment, pour l’attaquer. Ce bataillon aborda l’ennemi avec une contenance ferme.

Aborder, se dit aussi figurément, à-peu-près dans le même sens ; pour dire, accoster quelqu’un à qui l’on veut parler, s’en approcher. Ce terme, accoster, n’est que du discours familier ; mais il est ici bien à sa place. Adire aliquem. Il y a des gens qu’il est difficile d’aborder. Les Grands doivent soulager le respect & la timidité de ceux qui n’osent les aborder. Lorsqu’on veut être connu des gens, on cherche les moyens d’avoir accès auprès d’eux : quand on a quelque chose à leur dire, on tâche de les aborder, & lorsqu’on a dessein de s’insinuer dans leurs bonnes grâces, on essaie de les approcher. Voyez Accès,Approcher, Abord.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lorsque la perdrix, poussée par l’oiseau, a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix cachée dans le buisson.

ABORDÉ, ÉE. part. vaisseaux abordés.

ABORENER. v. a. Ce mot se trouve dans le Roman de la Rose, pour dire, Abhorrer : il vient d’abhorrere. Borel.

ABORIGINES, ou ABORIGÈNES. s. m. pl. Il y a quatre principales opinions sur l’origine de ce peuple, qui feront connoître en même temps celle du nom. 1.o Aurelius Victor les appelle Aborigènes, comme si l’on disoit Abeorigenes, vagabonds, de ab & erro. J’erre çà & là : & il prétend que ce sont des Scythes, qui vinrent demeurer dans cette partie de l’Italie : Festus est aussi de ce sentiment. 2.o S. Jérôme dit qu’ils ont été appelés Aborigenes, parce qu’ils n’avoient point d’origine, de ab & origo, origine ; c’est-à-dire, parce qu’ils étoient originaires du pays, & non point d’une Colonie venue de nouveau, ou, comme dit Denis d’Halicarnasse qui rapporte ce sentiment, mais sans l’embrasser, διὰ τὸ γενέσεως τοῖς μετ´ αὐτοὺς ἄρξαι, parce qu’ils furent les chefs de la postérité qui habita ce pays. Virgile semble être de ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 177.

 Saturnusque Senex Janique Bifrontis Imago,
Vestibulo adstabant, aliique ab origine Reges.

Car Servius remarque, que ab origine Reges, est mis pour Ab originum Reges. & Pline, Liv. IV dit qu’on appelle les Tyriens Aborigines Gadium, les Aborigines de Cadix, parce qu’ils en étoient les fondateurs. 3.o Denis d’Halicarnasse croit qu’ils sont appelés Aborigines ; Ἀϐοριγῖνες de ce qu’ils habitoient les montagnes, comme qui diroit Ἀπὸ ὄρεσι à Montibus. Virgile semble favoriser ce sentiment. Æneid. Lib. VIII. v. 321.

 Is genus indocile ac dispersum, Montibus altis
Composuit, legesque dedit.

D’autres, dit Danet, en suivant la même opinion, le dérivent de ab, pere, & de ori, caverne, ou lieu creux. L’origine est Hébraïque, mais il falloit dire, har, ou hor, Montagne, pere des montagnes : fils des montagnes, בני הרים seroit plus dans le génie de la Langue Hébraïque.

Quelques Auteurs prétendent que Cham, qui étoit le Saturne des Egyptiens, ayant ramassé divers peuples errans, les conduisit en Italie. Tite-Live & Denis d’Halicarnasse assûrent que les Aborigines vinrent d’Arcadie sous la conduite d’Œnotrus, fils de Lycaon : Genebrard prétend que ce sont des Phéniciens, ou Chananéens chassés par Josué. Outre les Auteurs que je viens de citer, voyez Suidas, & les Notes de Portus. Jean Picard dans la Celtopædie, Liv. V, prétend que les Aborigines étoient une Colonie Gauloise. Il se fonde non-seulement sur Caton & Solin, mais encore sur Timagène, fameux historien Grec, dont Suidas nous a conservé le témoignage, & sur Ammien Marcellin, qui dit, que les Aborigines parurent d’abord dans les Gaules. Danet & Maty écrivent Aborigènes, mais M. Corneille écrit Aborigines.

On appelle Aborigenes les premiers habitans, les naturels d’un pays, par opposition à ceux qui sont venus s’y établir. Acad. Fr.

☞ ABORNEMENT. s. m. Action de mettre des bornes à un terrain, ou l’effet qui résulte de cette action. Voyez Borne.

Abornement, abournement, abonnement, abonnage. Termes synonymes, se prennent aussi pour une convention qui se fait dans quelques coutumes, entre le Seigneur & les vassaux, par laquelle les droits féodaux sont fixés & arrêtés à une certaine somme.

ABORNER. v. a. Mettre, planter des bornes. Limitari, Limites ponere, statuere. Aborner un champ, un terrain.

☞ ABORNÉ, ÉE. part. Terrain aborné, où l’on a mis des bornes. Campagne abornée. Limitatus.

ABORTIF, IVE. adj. Qui est venu avant terme, qui n’a pas acquis la perfection, ni la maturité. Abortivus. Fruit abortif. Enfant abortif, avorté, venu avant terme. Il est de peu d’usage, même comme terme de Médecine. Les Nouveaux Vocabulistes auroient dû nous en avertir, plutôt que de s’amuser à nous dire qu’on ne dit point un abortif animal, mais un animal abortif. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le temps.

Abortif, Se dit quelquefois activement de ce qui a la vertu de produire l’avortement. Abortum faciens, producens. Des remèdes abortifs. Les remèdes les plus abortifs de leur nature. Il est aussi peu usité dans cette acception que dans l’autre.

ÀBOSI. Ville de l’île de Niphon, au Japon. Abosia, ou Abosium. Elle est dans la principauté de Farima, sur la côte, vis-à-vis l’île Awad. Abosi est une ville défendue par quatre forts. Elle a un grand magasin Impérial, & est gouvernée au nom de l’Empereur du Japon, par un Bugio qui y réside ; un Intendant de l’empereur s’y tient aussi, pour recevoir les revenus de ce Monarque & en avoir soin. Kœmpfer. L. V. p. 183. La carte de Kœmpfer la met environ au 163e degré de longitude, & au 33e de latitude septentrionale.

ABOUCHEMENT. s. f. Entretien de bouche, de vive voix, Conférence, que deux ou plusieurs personnes ont ensemble. Collocutio. L’abouchement des deux princes n’eut pas le succès qu’on en attendoit. Ménager un abouchement entre deux personnes.

Abouchement. Terme d’Anatomie. La rencontre & l’union des orifices de deux vaisseaux, des veines & des artères. Venarum, arterarium concursus.

ABOUCHER. v. a. Faire trouver deux ou plusieurs personnes en un même lieu, pour conférer ensemble. Je les ai abouchés, & ils ont terminé leurs affaires. On le dit plus ordinairement avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de parti s’abouchent ensemble. Les Rois de France & d’Espagne se sont abouchés pour la Paix des Pyrénées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l’un dans l’autre, qui se touchent, qui se communiquent. Tubum cum tubo jungere. On le dit particulièrement en Médecine des veines & des artères, & autres vaisseaux qui ont communication, dont les orifices se touchent. Confluere, conjungi.

ABOUCHOUCHOU. s. m. Sorte de drap de l’espèce de ceux qui s’envoient au Levant par la voie de Marseille. C’est un drap de laine qui se fabrique en Languedoc, en Dauphiné & en Provence.

ABOUEMENT. s. m. Terme de menuiserie, synonyme à arrasement. On le dit des joints des traverses avec les montans, & même des joints de tout autre assemblage, lorsque ces joints sont affleurés, ou affleurent, & qu’une des pièces n’excède point l’autre ; en sorte que si l’on passoit l’ongle sur leur union, il ne seroit point arrêté. L’abouement de ces joints est imperceptible.

ABOUGRI, ou plutôt RABOUGRI. Terme dont on se sert dans les forêts, pour signifier des bois de mauvaise venue, dont le tronc est court, raboteux, plein de nœuds, & qui ne poussent guère de branches. Arbor retorrida, perusta, scabra. Le bois abougri n’est point propre pour les ouvrages, & est sujet au recépage.

ABOUNA. s. m. Nom que l’on donne à l’Evêque d’Ethiopie. L’Abouna Jacobite fut rappelé. Mém. des Miss. du Lev. T. IV. p. 284.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c’est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu’on appelle vache. Recentis salis ad veteris cumulum accessio. L’Ordonnance défend l’abouquement, si ce n’est en présence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. a. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel. Veteri sali recentem addere.

☞ ABOUQUÉ, ÉE. part. Sel abouqué. Nouveau sel ajouté à des monceaux de vieux sel.

☞ ABOUT. s. m. Terme de Charpenterie & de Menuiserie. Voyez Abouts.

ABOUTÉ. adj. Terme de Blason, qui se dit des différentes pièces d’armoiries, dont les bouts se répondent & se joignent en croix. Vellera velleribus in crucem obversa.

☞ ABOUTIGE, Aboutiche ou Abutich. Ville d’Egypte, dans la Thébaïde, à deux lieues Françoises de Siouth. Il y croît quantité de pavots noirs dont on fait le meilleur opium.

ABOUTIR. v. n. Se rendre, se terminer à un certain endroit, en toucher un bout. Terminari. Cette maison aboutit au grand chemin. Tous les rayons d’un cercle aboutissent à son centre. Cette pyramide aboutit en pointe. Vaug.

Aboutir, se dit figurément en Morale, de la fin que les choses peuvent avoir. Spectare, pertinere. Ce procès a abouti enfin à une transaction. On ne sait où aboutiront tous ces grands desseins. Les murmures alloient aboutir à une sédition. Vaug.

Aboutir, se dit aussi en Chirurgie, d’une plaie qui vient à suppuration. Suppurare. On met des emplâtres, des cataplasmes, pour faire aboutir des bubons, des abcès, des froncles, des tumeurs.

Aboutir, en termes de Plombier, signifie, Revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre saillie d’Architecture & de Sculpture de bois. Plumbeas lamellas operi sculpto super addere. On se sert pour cela de coins, & autres outils, mais en sorte que l’épaisseur du métal n’empêche pas que le profil ne se conserve. Quelques-uns disent amboutir.

Aboutir, en hydraulique, c’est raccorder un gros tuyau sur un petit.

Aboutir, v. n. & n. p. Avec le pronom personnel, se dit en termes de Jardinage, pour signifier, Que les arbres sont boutonnés. Ainsi nos Jardiniers disent : Nos arbres s’aboutissent fort bien cette année. Les poiriers s’aboutirent très-bien l’année passée. Nos pêchers sont bien aboutis. Les Jardiniers ont tiré ce mot de bouton, plutôt que d’aboutir, terme de Médecine ; & l’on dit aboutir, au lieu de boutonner.

☞ ABOUTI, IE. part. Voyez les significations d’aboutir.

ABOUTISSANT, ANTE. adj. Qui touche par un bout. Terminatus. Cette pièce de pré est aboutissante à la rivière par un bout, & par l’autre à la garenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forêt & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans ; ce sont les bouts, & les côtés par où il tient à d’autres.

On dit au Palais, Donner une déclaration d’héritage par tenans & aboutissans, quand on désigne les bornes & les limites de tous les côtés : ce qu’on appelle autrement les bouts & joûtes. Fines laterum & capitum agri. Une saisie réelle des biens roturiers doit contenir tous les tenans & aboutissans.

On dit figurément, Savoir tous les tenans & aboutissans d’une affaire, d’une entreprise ; pour dire, En connoître parfaitement le secret, en savoir le fort & le foible, toutes les circonstances & les dépendances. Singula causæ capita, ordo rei & series.

ABOUTISSEMENT. s. m. Il ne se dit guère que d’un abcès qui vient à aboutir. L’aboutissement d’un abcès. Acad. Franç.

Aboutissement, terme de couture. C’est une pièce d’étoffe que l’on coud avec une autre qui n’est pas assez longue pour aller jusqu’où l’on veut. Productio. Cette pièce est trop courte, il y faut mettre un aboutissement pour l’alonger.

ABOUTS, au lieu de BOUTS. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des extrémités de toutes les pièces de Charpenterie & de Menuiserie mises en œuvre. C’est dans l’assemblage de la Charpenterie, la partie du bout d’une pièce de bois, depuis une entaille, ou une mortoise. Materiaræ structuræ extrema. Les Couvreurs disent aussi, Remanier about. Voyez Remanier. Tous ces mots viennent de bout.

ABOY, ou ATHABY. Bourg d’Irlande. Aboya, Atboya. Ce bourg est dans le comté d’East-Méath, en Lagénie, entre les villes de Drogéda & de Molingax.

ABOYANT, ANTE. adj. Qui aboie. Des chiens aboyans.

ABOYÉ, ÉE. part. Il n’est guère en usage qu’au figuré. Un débiteur aboyé de ses créanciers.

ABOYER, v. n. Qui se dit au propre pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens aboient quand ils sentent des larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien aboie les passans. On dit mieux aboyer contre ou après quelqu’un.

Ce mot vient du latin adbaudare. Ménag. ou de boare, Latin qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en aboyant. Nicod.

Aboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la désirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare. Cet avare, cet ambitieux, aboie après cette succession, après cette charge. Ce chicaneur aboie toujours après le bien d’autrui.

On dit aussi figurément aboyer après quelqu’un, crier après lui, le presser avec importunité. Cet homme est si méchant, que tout le monde aboie après lui. Un satyrique aboie après les vices.

Je suis par-tout un fat, comme un chien suit sa proie,
Et ne le sens jamais, qu’aussitôt je n’aboie. Boil.

Quelques-uns l’ont employé activement. Un Avocat demandant à quelqu’un qui lui disoit des injures, Pourquoi m’aboies-tu ? Cet autre répondit, parce que je vois un voleur. Ablanc. C’est un médisant qui aboie tout le monde. Id.

Ce terme est du style familier, dans le sens figuré.

Je tiens qu’originairement aboyer & abayer sont deux mots différens ; qu’aboyer s’est dit seulement au propre, du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayer & béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment ; ce qu’on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Aboyer à la lune ; pour dire, Crier inutilement contre un plus puissant que soi. On dit aussi, tout chien qui aboie ne mord pas ; pour dire, Que ceux qui menacent souvent ne font pas grand mal. Jamais bon chien n’aboie à faux ; pour dire, qu’un homme sage ne menace pas sans raison, & qu’un habile homme ne manque pas son coup.

☞ ABOYEUR. s. m. Latrator. Qui aboie. On appelle Aboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier, qui aboient devant lui sans l’approcher.

On le dit aussi figurément, dans le même sens qu’aboyer, de ceux qui crient, qui pressent avec importunité, & de ceux qui désirent & poursuivent ardemment une chose. Voilà bien des aboyeurs. Il y a des aboyeurs à ses côtés. Ablanc. Un aboyeur de bénéfices. Il n’est que du style familier.

ABR.

ABRA. s. m. Monnoie d’argent de Pologne, qui vaut treize sous six deniers de France. L’Abra a cours à Constantinople & dans tous les Etats du Grand Seigneur, & y est reçu sur le pied du quart d’un asselani, ou daller de Hollande. Voyez Asselani.

☞ ABRA. s. f. Terme générique qui signifie, fille d’honneur, demoiselle suivante. L’Ecriture donne ce nom aux filles de la suite de Rebecca, à celles de la fille de Pharaon, à celles de la Reine Esther, &c. On dit qu’Abra signifie proprement une Coiffeuse, une fille d’atours.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’est dans la 192e Lettre à M. Costar, qu’il lui propose, en riant, cette recette pour la fièvre.

Inscribas chartæ quod dicitur Abracadabra.
Sæpius & subter repetas, mirabile dictu,
Doneo in angustum redigatur littera conum.

C’est-à-dire, en écrivant ainsi :

 

Abracadabra

Abracadabr
Abracadab
Abracada
Abracad
Abraca
Abrac
Abra
Abr
Ab

A

La superstition avoit attaché à ce mot écrit de la sorte, de grands mystères, & la propriété de guérir de la fièvre. M. Voiture a raison de se moquer de cette recette, & on auroit de la peine à croire que personne y eût jamais ajouté foi, si l’on ne savoit d’ailleurs de quels excès l’esprit humain est capable, lorsqu’il s’abandonne à la superstition & à l’amour des nouveautés en fait de Religion.

Abracadabra, étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’Auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien. Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept Cieux. Il leur attribuoit 365 vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit je ne sais combien d’autres rêveries. S. Jérôme, dans son Commentaire sur le chap. 3 du Prophète Amos, écrit que le Dieu ΑΒῬΑΞΑΣ est le même que les païens adoroient sous le nom Mitra ; & l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un Lion couronné de rayons a pour inscription ϺΙΘΡΑΚ ou ΜΙΘΡΑΞ. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de lions, des dragons, &c. Les Anciens qui en ont parlé, sont S. Irénée, Liv. i. Ch. 24. de la dernière édition. Tertullien, de Præscript. Ch. 46. S. Epiphane, hær. 24, num. 7 & 8. S. Jérôme à l’endroit que j’ai cité, Théodoret, hær. & fabul. Liv i. Ch. 4. S. Augustin, hæres. 4. S. Jean Damascène, hær. 24. Tous ces Peres n’attribuent la fable du Dieu Ἀβρατὰϛ qu’à Basilides, & aux Basilidiens. Parmi les Modernes, Macarius & Chifflet ont fait des traités sur cet Ἀβρασὰξ. Baronius, Gassendi, du Gange, le Pere Hardouin dans une Dissertation particulière ; le P. Montfaucon, Palæogr. L. II. Ch. 8. Feuardent, & le P. Massuet dans leurs Notes sur S. Irénée, en font aussi mention.

Le mot qu’on écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractère Grecs, ΑΒΡΑΚΑΞ ; parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé, parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365 si on l’écrit en Latin : cette faute, qui est dans la plûpart des livres, vient de ce que la lettre grecque Sigma, a la figure d’un C latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en Latin, il faut écrire Abrasax, & en lettres grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second tome des Annales Ecclésiastiques, qu’il falloit lire ΑΒΡΑΣΑΞ, & non pas ΑΒΡΑΞΑΣ. Car dans tous les Peres Grecs qui en parlent, c’est-à-dire, S. Epiphane, Théodoret, S. Jean Damascène, on lit Ἀβρασὰξ. Il n’y a que dans les Latins qu’on trouve Abraxas, & Abraxan, à l’accusatif. Il est vrai que dans S. Irénée on lit Ἀβραξὰς ; mais nous n’avons qu’en Latin le chapitre où il en parle, & si Ἀβραξὰς y est écrit en Grec, c’est aux Copistes Latins, ou aux Editeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très-facile qu’on ait transporté le Ξ & le Σ. Il paroît même, sur-tout par S. Jérôme, que c’est l’usage qui avoit fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent Ἀβραξὰς. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avoit introduit, ou une faute de Graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μϑραξ au lieu de Μϑραϰ.

ABRACALAN. C’est un terme Cabalistique, auquel les Juifs attribuent la même vertu qu’à Abracadabra. Selden nous apprend, en parlant de Diis Syriis, que ces deux mots sont des noms d’une Déesse Syrienne. Ainsi le charme suppose apparemment une invocation de cette ancienne divinité. Dict. de James.

ABRACONIS. Ville de la grande Arménie. Abraconium. Elle se trouve sur la rivière d’Alingeac.

ABRAHAM. s. m. Abraham, Abrahamus. Nom propre d’un saint Patriarche fils de Tharé, ou comme l’on prononce en Hébreu, Tharahh, & pere d’Isaac, aïeul de Jacob, & par lui pere de tous les Hébreux, qui sont souvent appelés les enfans, c’est-à-dire, les descendans d’Abraham. Dieu tira Abraham de la Chaldée, & le conduisit dans la terre de Chanaan, où il entra à l’âge de 75 ans. Ce Patriarche s’appeloit d’abord Abram, qui signifie Pater excelsus. Après les promesses que Dieu lui fit d’une postérité nombreuse, il lui changea son nom en ajoutant un ה , au milieu, le nommant Abraham. Les Rabbins trouvent de grands mystères dans ce , ה, ajouté. Nos Interprètes expliquent ce mot en plusieurs manières. Les uns disent que אברהם, Abraham, est la même chose que אב המון, Pere de multitude ; c’est-à-dire d’une nation grande & nombreuse. D’autres disent que c’est אביר המון, Multitude forte, puissante. D’autres croient qu’il est composé de trois mots אב רב & אמון, ce qui signifie Pere d’une grande multitude. D’autres enfin, que c’est une contraction du premier nom de ce Patriarche אברם, Abram, & המון, amon, d’où l’on a dit אברהם c’est-à-dire, Pater excelsus multitudinis ; Pere Haut, c’est-à-dire, glorieux d’une multitude, ou d’une nation nombreuse. La foi d’Abraham est célébre dans l’Ecriture. Dans le même style un enfant d’Abraham est quelquefois un homme fidèle, plein de foi, qui imite la foi d’Abraham. Les Arabes disent Ebrahim, & les Turcs Ibrahim.

☞ ABRAHAM. (Rivière d’) Petite rivière de sourie, qui a sa source dans le mont-Liban, & va se décharger dans la mer méditerranée, en coulant d’Orient en Occident.

ABRAHAMIEN, ENNE, ou ABRAHAMITE. s. m. & f. Abrahamianus, Abrahamita. Nom de Secte. Les Abrahamites nommés par les Arabes Ibrahimiah, du nom de leur Auteur Ibrahim ou Abraham, parurent sur la fin du second siècle de l’hégire, & au commencement du neuvième de Jésus-Christ, sous l’Empire de Nicéphore en Orient, & de Charlemagne en Occident : ce fut dans Antioche, sa patrie, qu’Ibrahim renouvella la Secte des Paulianistes. Cyriaque, alors Patriarche d’Antioche, lui résista puissamment. D’Herb.

ABRAHAMITES, sont aussi des Moines Catholiques du IXe siècle, qui souffrirent le martyre pour le culte des images sous Théophile, ainsi qu’on le peut voir dans le Continuateur de Constantin Porphyrogénéte, L. iii. C. ii. & dans Cedrenus.

☞ ABRAMBŒ ou ABRAMBOU. Royaume, ou plutôt petit état d’Afrique, au dedans du pays des Négres, faisant partie de la côte d’or. La plûpart des habitans s’appliquent à l’Agriculture.

ABRAME. s. m. Nom d’homme. Abramius. Sozom. L. II C. 16. M. Chappel. 4. Fév.

ABRAMEZ. s. m. Nom d’homme. Abraames. Chapp. 14. Fév.

ABRAN. Ville ancienne de la Tribu d’Aser, dans la Galilée supérieure, aux confins de la Tribu de Nephtali. Jos. XIX. 28. C’est la même qu’Helba ; on l’appelle aussi Acran & Achran. Samson la confond sans raison avec Elmélech.

ABRANTES. Ville de Portugal. Abrantus. Elle est dans l’Estramadure de Portugal, sur le Tage, entre Portalègre & Leiria.

ABRASION. s. f. Terme de Médecine. Abrasio. Castelli rend ce mot par Ulcération superficielle des parties membraneuses, avec déperdition de substance par petits fragmens. Ainsi l’on dit, qu’il y a abrasion dans les intestins, lorsque la membrane interne est exulcérée, & qu’il s’en détache de petites parcelles qui sont expulsées avec les excrémens. Dict. de James.

ABRAXAS. s. m. Pierres précieuses, sur lesquelles on gravoit des caractères hiéroglyphiques, & qu’on portoit en façon d’amulètes et de charmes. Certains Chrétiens hérétiques, & natifs d’Egypte, qui avoient mêlé un grand nombre de superstitions païennes avec le Christianisme, sont les premiers qui aient fait universellement connoître ces sortes de pierres. Aux Abraxas ont succédé, dans les derniers temps, les Talismans, espèce de charmes, auxquels on attribue la même efficace, & qui sont aujourd’hui en grand credit dans les pays Mahométans, à cause qu’on y a mêlé, comme aux Abraxas, les rêveries de l’Astrologie judiciaire. Essai sur les Hiéroglyph.

Abraxas. Divinité qui fut imaginée par des Sectaires au commencement du second siècle de l’Eglise : c’étoit, selon eux, un Dieu souverain, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, qui présidoient aux cieux, & auxquels ils attribuoient 365 vertus, une pour chaque jour de l’année. On le représentoit quelquefois sous la figure d’Anubis ou d’un lion. On croit que cet Abraxas est le Mithra des Perses.

Les lettres du nom de ce Dieu, prises arithmétiquement, égalent le nombre des jours qui composent l’année. De-là vient que saint Jérôme croyoit qu’Abraxas étoit le même que le Mithra des Perses ; c’est-à-dire, le soleil. Voici les lettres de ce mot rangées en forme d’Addition. Voyez S. Irénée, L. I. C. 23.

α. 1.
β. 2.
ρ. 100.
υ. 1.
ξ. 60.
α. 1.
ϟ. 200.


365.

☞ ABRÉGÉ. s. m. Quelques-uns écrivent assez mal ce mot avec deux BB. Comme on n’en fait sentir qu’un dans la prononciation, le second est absolument oisif. Epitome. Raccourci, écrit dans lequel on réduit en peu de paroles ce qui est ailleurs plus au long & plus en détail. C’est une courte exposition d’un long ouvrage. Mezerai a fait l’Abrégé de sa grande Histoire, en trois volumes. M. le Président Henault nous a donné un Abrégé Chronologique de l’Histoire de France. Voyez aux mots Précis & Sommaire, les nuances qui distinguent ces trois mots.

Quand on veut louer excessivement l’excellence d’une personne ou d’une chose, on dit que c’est un Abrégé des Merveilles du monde. Orbis miraculum. Les Anglois disent que Londres est l’épitome, ou l’abrégé du monde. L’homme est appelé microcosme, pour dire, qu’il est un abrégé des merveilles de l’univers. L’amour est la plénitude & l’abrégé de toute la Loi. Port-R.

Abrégé, signifie aussi abréviation, retranchement de quelques lettres dans un mot, pour écrire plus promptement, & en moins d’espace. Compendium scribendi. Il est malaisé de déchiffrer les abrégés qui sont dans les Bulles & les signatures de la Cour de Rome. Pelis.

Abrégé, en termes d’Organiste, se dit d’une certaine réduction des touches du clavier de l’orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche, qui n’a que deux pieds de long, se rapporte à chaque soupape des sommiers, qui sont longs de 4, 5, ou 6, pieds ; ce qui se fait par plusieurs rouleaux, pointes & chevilles : d’où vient qu’une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant un orgue, on connoît que les abrégés sont bien faits, lorsque le clavier n’est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lorsqu’il se ferme aisément, & qu’il n’est pas besoin d’enfoncer beaucoup les touches.

En Abrégé. Adv. Sommairement, En raccourci. Summatim. Pour profiter de la lecture, il faut recueillir en abrégé ce qu’on trouve de plus curieux dans les livres. Contez-nous la chose en abrégé, sans tant de circuits & de détours.

ABRÉGEMENT. s. m. Accourcissement. Contractio. Ce mot a été renouvelé, parce qu’il est très-commode. Le P. Bouhours le condamne pourtant dans cette phrase : Ceux qui ont voulu introduire l’usage des tables, semblent avoir été trompés par l’abrégement des paroles & du papier. Port-R. On a trouvé que le P. Bouhours avoit raison. Ce mot n’a pas réussi.

ABRÉGER. v. a. Rendre plus court, ou renfermer dans un plus petit espace ; rendre en petit ce qui est en grand ; Resserrer ce qui est diffus. Contrahere. Abréger son discours, dire succinctement. On a abrégé le temps de son exil. Cette traverse abrége le chemin. Viæ compendium. Les jours de l’homme ont été abrégés, & réduits à 120 ans depuis le déluge. Les excès abrégent la vie. Ablanc. Ce mot vient de abbreviare. Nicod. On le dit quelquefois absolument. Vous êtes trop long, abrégez, il faut abréger.

Abréger un fief, en jurisprudence féodale, signifie, le diminuer, en éteindre & amortir une partie. On peut abréger un fief en le démembrant de quelque manière que ce soit. Or, comme les mutations produisent des droits & profits féodaux, il est certain qu’un Seigneur diminue son fief, lorsqu’il admet des gens de main-morte à des héritages qui en relevent. Ferriere.

ABRÉGÉ, ÉE. part. & adj. Raccourci, le plus court. Contractus. Chemin abrégé pour aller à la gloire.

Pour abréger. Façon de parler adverbiale. Quid multa, Ne longum sit. On le dit quelquefois absolument. Vous êtes trop long, Abrégez, Contrahe. Il faut abréger.

ABRÉNER. Voyez Abaraner.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio. Le peuple s’en sert encore quand on lui dit ou qu’on lui fait quelque chose qui lui déplaît, à quoi il ne veut point participer ; & ce mot a de l’énergie, & marque quelque horreur, & comme Harris l’a remarqué du mot abrenonciation, un renoncement, un abandonnement entier ; tel en un mot que celui par lequel on renonce au Démon, d’où ce mot est pris.

ABREOJOS. Nom d’un amas d’écueils qui se trouvent sur la côte de l’Île Espagnole, au nord de la ville de Sant-Ïago. Les Espagnols leur ont donné le nom d’Abréojos, c’est-à-dire, Ouvre les yeux, pour marquer que les vaisseaux doivent bien prendre garde à éviter ces rochers, qui sont très dangereux ; on les nomme aussi Bancs de Babuaca, ou Basses de Babuoca.

ABREUVER. v. a. Adoquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abeuvré. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve buver les chevaux.

Abreuver, se dit par extension de plusieurs autres choses.

Il est quelquefois synonyme d’humecter, imbiber d’eau. Humectare, imbuere. On abreuve des tonneaux, une cuve, avant que d’y mettre la vendange.

En termes de marine, on dit de même abreuver un vaisseau, le remplir d’eau, entre le franc-bord & le serrage, quand il est construit, pour éprouver s’il est bien étanché, & s’il n’y a pas de voie d’eau.

On le dit généralement de l’effet de l’eau ou de quelque liqueur lorsqu’elle pénétre une chose. On dit que la pluie a bien abreuvé les terres, que la terre est bien abreuvée, quand il a bien plu. Dans cette acception, il est employé en Agriculture, comme synonyme d’arroser. On le dit particulièrement des prairies où l’on fait venir de l’eau par le moyen des saignées. Nos prés ont besoin qu’on les abreuve. C’est encore un terme de Vernisseurs qui disent que la première couche de vernis ne se met que pour abreuver le bois, C’est-à-dire, en pénétrer les pores ; que le bois s’en abreuve.

Les Peintres le disent dans le même sens de la première couche de couleur très-liquide, qu’ils appliquent sur le bois ou sur les autres matières pour le disposer à recevoir la couleur qui doit frapper la vûe.

Abreuver est quelquefois employé dans un sens figuré. Alors il signifie prévenir quelqu’un par quelque chose, lui en donner la première impression, & l’en remplir. Imbuere. Il l’a abreuvé de cette opinion. Souvenez-vous de ces sources immortelles où vous vous êtes abreuvés des saintes eaux de la sagesse. Patrv.

En parlant d’une nouvelle qui est déjà répandue par-tout, que tout le monde sait, on dit figurément & familièrement, que tout le monde en est abreuvé.

Abreuvé, ée. part. Imbutus.

Sitôt que du Nectar la troupe est abreuvée.

ABREUVOIR. s. m. Lieu où on abreuve les chevaux. Aquarium. Mener les chevaux à l’abreuvoir. Il se dit plus précisément d’un glacis le plus souvent pavé de grais, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin, ou à une rivière, pour abreuver les chevaux. Dav. Il se dit aussi de l’endroit d’un ruisseau où les oiseaux vont boire. On prend des oiseaux à l’abreuvoir, en y mettant grand nombre de petits gluaux. L’heure la plus convenable de tendre à l’abreuvoir est depuis dix heures jusqu’à onze, & depuis deux heures jusqu’à trois après midi, & enfin, une heure & demie avant le coucher du soleil, que les oiseaux viennent en foule à l’abreuvoir. Chomel.

Abreuvoir, en terme de Maçonnerie, se dit des intervalles que les Maçons laissent entre les joints des pierres, pour y faire entrer du mortier. En ce sens l’on se sert plus souvent du mot godet. Bima. Les Anglois se servent du mot abreuvoir dans ce même sens.

Abreuvoir. Défaut des arbres. C’est la même chose que la gélivure. Voyez ce mot.

On dit proverbialement d’une plaie large & sanglante, que c’est un abreuvoir à mouches. Il lui a porté un coup à la tête, & lui a fait un grand abreuvoir à mouches. Ablanc. On dit aussi, qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abreuvoir, quand on se leve de table pour prendre soi-même à boire au buffet. Ces phrases sont du style burlesque.

ABRÉVIATEUR. s. m. Celui qui abrége l’ouvrage d’un autre, Auteur d’un abrégé. Qui epitome conficit. M. de Sponde Evêque de Pamiers, est l’abréviateur de Baronius. M. Bernier a rendu un grand service au public ; il est l’abréviateur de Gassendi. Les abréviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux. Il faut du goût & de l’intelligence pour être un excellent abréviateur.

Abréviateur, se dit encore de deux sortes d’Officiers de la Chancellerie Romaine. Les abréviateurs, qu’on appelle de parco majori, sont des Prélats à qui le Régent de la Chancellerie, distribue les suppliques, & qui ont des substituts pour dresser la minute des Bulles. Et les abréviateurs de parco minori ont le soin de dresser les dispenses de mariage.

Ils sont nommés Officiers de Parco, parce qu’ils s’assemblent au Parquet de la Chancellerie, & Abréviateur, parce qu’ils dressent les minutes & les bréviatures des lettres apostoliques.

ABRÉVIATION. s. f. Retranchement de quelques lettres dans un mot, quand on veut écrire vîte, ou en moins d’espace. C’est ainsi que nous écrivons, M. Monsieur ; Chlet. pour Châtelet. Il y a ordinairement quelques marques ou traits de plume sur les mots Abrégés. Scribendi compendium. Les signatures de la Cour de Rome sont pleines d’abréviations. L’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abréviations. On ne sauroit lire les Ecrits des Rabbins, qu’on n’ait une explication des abréviations Hébraïques. Les Copistes, ou les Ecrivains Juifs ne se contentent pas de faire des abréviations, comme les Grecs & les Latins, en retranchant quelques lettres ou syllabes dans un mot. Ils ne mettent d’un mot que la première lettre ; ר signifie Rabbi : א signifie אל, ארוגו, ou אמר, &c. selon l’endroit où il se trouve. Souvent même ils prennent ces premières lettres de plusieurs mots de suite, les joignent ensemble ; & en y ajoutant des voyelles, ils font un nom barbare qu’ils donnent à la personne qui porte les noms qu’ils ont abrégés de la sorte. Ainsi Rabbi Schelomoh Jarhhi, en jargon d’abréviations Hébraïques s’appelle Rasi ; Rabbi Moyse ben Maïemon, Rambam ; & de même en d’autres dictions que les noms propres. נבוא, par exemple, est mis pour מתז בםפר יבשהאף, Donum in abdito avertit iram. Mercerus, David de Pomis, Schindler, Buxtorf, & d’autres, ont fait des explications de ces espèces de chiffres, sans lesquelles on ne peut aborder les Rabbins, sur-tout en commençant. Les abréviations de l’écriture s’appeloient Notes dans l’Antiquité. On les appelle encore ainsi dans les anciennes inscriptions Latines. Plusieurs ont fait des collections & des explications des abréviations Romaines. Une des plus amples est celle de Sertorius Ursatus, qui se trouve à la fin des Marbres d’Oxford. Sertorii Ursati Equitis, de notis Romanorum Commentarius. Tous ces mots viennent du Latin Abbreviare, dont l’origine est brevis, bref, court, qui vient du Grec Βραχὺϛ.

Abréviations, chez les Négocians, Banquiers & teneurs de livres, sont des lettres initiales ou des caractères dont ils se servent pour abréger certains termes de Négoce, & rendre leurs écritures plus courtes.

ABRÉVIATURE. s. f. Ce mot est la même chose qu’abréviation, mais il est moins usité. M. le Clerc se sert ordinairement d’abréviature au lieu d’abréviation. M. Gale, dans l’édition de quelques auteurs Grecs qu’il a procurée, en a banni toutes les abréviatures. Le Clerc.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoiqu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

Je veux une coëffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode. Mol.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Mouillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale d’un lieu où l’on est en sûreté, de tout ce qui nous met hors de danger. Perfugium tutum à, &c. L’étude des cas de conscience n’est point un art de s’aveugler, pour pécher à l’abri des Loix. La Plac. On s’en sert particulièrement pour exprimer un lieu de refuge & de sûreté contre les inconstances du sort, & contre les revers. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. Il est entré au service du premier Ministre ; c’est un bon abri contre ses ennemis. Son amitié me doit servir d’abri & de consolation dans mes disgraces.

A l’abri. Façon de parler adverbiale, qui signifie à couvert. Se mettre à l’abri du vent, de la pluie, du mauvais temps.

On le dit aussi de ce qui met à couvert. On se met à l’abri d’un mur, d’un arbre, contre un mur, contre un arbre. Un vaisseau est à l’abri d’une île. On le dit au figuré dans ces deux acceptions. On est à l’abri de la persécution : on est à l’abri de la faveur. Dans ce dernier sens de équivaut à par le moyen de. Si, dans la pauvreté, on est à l’abri des inquiétudes des richesses, l’on n’y est pas exempt des soins rongeans de la misère. S. Evr. Sa vertu est maintenant sans tache à l’abri de son peu de mérite.

A l’abri d’une longue & sûre indifférence
Je jouis d’une paix plus douce qu’on ne pense.

Deshoul.

On dit aussi adverbialement, se mettre à l’abri de l’orage. Etre à l’abri des coups. Ce criminel ayant eu avis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, & s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est assuré, qu’on l’a mis en prison.

On dit proverbialement : Un homme sans abri, c’est un oiseau sans nid.

ABRIC. s. m. Quelques Chimistes Anglois nomment ainsi le soufre. Harris, Boyer.

ABRICON. Vieux s. m. plus communément Bricon. Charlatan, trompeur, séducteur.

ABRICORNER. v. a. Inducere. Borel dit que ce mot vouloit dire autrefois Charlater ; c’est-à-dire, Engager comme font les Charlatans ; gagner, obtenir ce qu’on veut. Il cite une vieille traduction d’Ovide, où il est parlé de ce que fit Ulysse pour obtenir qu’Iphigénie fût sacrifiée.

Bientôt la mere abricorner.

ABRICOT. s. m. Prunum, ou Malum armeniacum. Fruit participant de la pêche & de la prune. Il est doux & agréable au goût. Il est un peu rouge & jaune en mûrissant, & pour cela on l’a appelé à Rome Chrysomèle, comme qui diroit, Pomme d’or. Il mûrit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appelé chez les Médecins ces fruits, Mala præcoqua ; c’est-à-dire, hâtifs. Il y a trois sortes d’abricots. Les abricots ordinaires, qui ne mûrissent qu’à la mi-Juillet ; les abricots hâtifs, qui se mangent dès le commencement du même mois ; & ceux qu’on nomme le petit abricot, qui vient à la mi-Juillet. Chomel. Ménage fait dériver ce mot de mala præcoqua, ou præcocia ; d’autres du grec αϐριν qui signifie Mou & délicat, ou du latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericocia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piémont, qu’un seul a quelquefois donné la fièvre : & néanmoins la Framboisière soutient qu’ils valent mieux que les pêches ; car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans l’estomac : & d’habiles gens prétendent que les abricots ne sont pas plus pernicieux en Piémont qu’en France, & qu’ils ne sont fiévreux que lorsqu’ils sont verts, de même que la plûpart des autres fruits. Il y a une espèce d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & qui est de bon goût. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, dont le noyau tient à la chair, dont le goût est exquis, musqué & extraordinaire ; son amande est douce comme celle de l’amandier. Les abricots verts sont les premiers fruits qui se confisent. On les prend tendres, avant que le bois du noyau commence à se durcir. On les passe dans l’eau claire, avec un peu de bon tartre pour détacher la bourre qui est dessus ; puis on les essuie chacun à part, pour ôter cette bourre, & on les confit, mettant une livre de sucre pour chaque livre de fruit : si c’est pour manger en compote, il suffit de demi-livre de sucre sur une livre de fruit. Les abricots, en leur parfaite grosseur, se confisent pelés & sans peler. Voyez dans Chomel la manière de faire les compotes, les marmelades, les pâtes, & les confitures d’abricots. On dit non-seulement, Une marmelade d’abricots, Une compote d’abricots ; mais encore, Des abricots en compote, Une assiette d’abricots en marmelade, Des abricots confits.

Blanchir ou faire blanchir des abricots. Terme de Confiseur. C’est la première façon qu’on leur donne pour les confire. Elle consiste à les jeter dans l’eau bouillante ; après leur avoir ôté le noyau. Il faut prendre garde qu’ils ne se lâchent trop dans l’eau. Ensuite on les tire proprement avec une écumoire, & on les met égoutter sur un tamis.

Peler des abricots verts. Terme de Confiseur. C’est leur ôter la bourre, ou la première peau, pour les mettre en confiture ou en compote. Cela se peut faire en deux manières. La première est de mettre les abricots verts dans une serviette, & suivant la quantité que l’on en a, broyer du sel à proportion le plus menu que l’on pourra, & le jeter sur les abricots, que l’on arrose ensuite avec une cuillerée d’eau & de vinaigre. On peut les laisser ainsi dans la serviette, ou les sasser bien d’un bout à l’autre de la serviette, jusqu’à ce que la bourre soit tombée. Il faut ensuite faire tomber le sel, les jeter dans l’eau fraîche, & les bien laver. L’autre manière est de faire une lessive avec de la cendre de bois neuf, & lorsque la cendre aura bouilli, jeter les abricots dans cette lessive parmi la cendre, & la faire bouillir, jusqu’à ce qu’ils se débourent & quittent la première peau, en les frottant doucement avec les mains. Si l’on n’a point de bonnes cendres, on peut faire une lessive de cendres gravelées. Enfin, on les lave comme dans l’autre préparation.

Abricot hâtif. Petite espèce d’abricot. La chair en est fort blanche, & la feuille plus ronde, & plus verte qu’aux autres ; mais pour cela il n’est pas meilleur. Id.

Les abricots ordinaires sont bien plus gros, & ont la chair jaune, & ne mûrissent que vers la mi-Juillet. Il en faut mettre aux quatre expositions pour en sauver, quand il vient des gelées pendant la fleur. Id.

En Angoumois il y a un petit abricot à amande si douce, qu’on la prendroit presque pour des avelines. On laisse souvent les noyaux pour la manger. Cet abricot a la chair blanche, & est très-bon en ce pays-là.

Abricot. s. m. Est aussi un fruit de l’Amérique, & principalement de S. Domingue, que les Espagnols appellent Mamet, & que les François nomment Abricot, quoique ce nom ne lui convienne que par la couleur de sa chair. Il est presque rond, & quelquefois de la figure d’un cœur, dont la pointe est émoussée. Il a depuis trois jusqu’à sept pouces de diamètre : il est couvert d’une écorce grisâtre, de l’épaisseur de plus d’un écu, forte & souple comme du cuir. Sous cette écorce on trouve une seconde peau jaunâtre, mince, mais forte & adhérente à sa chair. Après qu’on l’a enlevée, on trouve la chair du fruit, qui est jaune & ferme comme celle d’une citrouille, & d’une odeur aromatique. Quand on le mange cru, il laisse une bonne odeur dans la bouche, mais un peu amère & gommeuse. La manière ordinaire de le manger, est de le mettre par tranches dans un plat avec du vin & du sucre : cela lui ôte son amertume & sa gomme. On en fait aussi des marmelades & des pâtes qui sont astringentes, pectorales & de bon goût. Voyez le P. Labat, tome I. de ses Voyages. On trouve dans son milieu un, deux ou trois noyaux fort durs. Voyez Abricotier.

ABRICOTÉ. s. m. Dragée faite d’un petit morceau du fruit de l’abricot entouré de sucre. Prunum armeniacum saccharo conditum.

ABRICOTIER. s. m. Armeniaca Malus, ou Prunus armeniaca. Arbre d’une moyenne grandeur, dont les feuilles sont posées le long des branches alternativement, semblables à celles du tilleul, mais plus arrondies. Ses fleurs sont composées de cinq pistils disposés en roses dans les échancrures du calice, qui est un godet découpé en cinq parties. Le pistil devient un fruit charnu, presque sphérique, d’un côté sillonné de sa base à sa pointe, & qui renferme dans sa chair un noyau osseux, un peu aplati, & ne contenant qu’une amande, douce en quelques espèces, amère en d’autres. Les espèces d’abricotiers se distinguent sur-tout par la variété de leurs fruits.

La place la plus convenable aux abricotiers, est le plain-vent. Le fruit est d’un goût bien plus relevé. Toutes les expositions en espalier leur sont bonnes. Les fruits de ceux-ci sont plus gros, mais inférieurs aux autres pour le goût. Ils mûrissent dès le commencement de Juillet, sur-tout la petite espèce qu’on appelle abricot hâtif.

Les abricotiers aiment mieux une terre légère & sablonneuse qu’une terre grasse.

On greffe l’abricotier sur prunier & sur amandier. Il faut observer de ne pas prendre les écussons sur une branche qui ne vient que d’être coupée. Il est important de ne greffer que le lendemain. Les greffes en réussiront plus sûrement.

Les abricotiers qui n’ont qu’un an de greffe, pourvû que le jet soit beau, valent mieux pour planter que ceux qui en ont deux ou davantage.

Abricotier. s. m. Arbre de l’île de S. Dominique. Il est grand, & un des plus beaux arbres qui se puissent voir. Son bois est blanchâtre, ses fibres assez grosses ; son écorce est grise & assez unie ; ses feuilles sont longues de six à sept pouces, en manière d’ellipse, un peu pointues par un bout, d’un très-beau vert, & un peu plus épaisses qu’une pièce de douze sous. Ses branches sont grandes & fort garnies de feuilles ; de manière qu’il fait un ombrage charmant. Cet arbre est mâle & femelle ; le mâle ne porte que des fleurs, le femelle rapporte beaucoup. Quand on ne trouve qu’un noyau dans un fruit, on est sûr qu’en le plantant il produira un arbre femelle.

ABRIER. v. a. Vieux mot qui signifioit, Protéger, défendre, mettre à l’abri, couvrir. Defendere, operire. Mézerai l’a employé. Je dis au Comte qu’il n’oubliât de rejeter ma robe sur son lit, en manière qu’elle les abriât tous deux. Montagne. Il seroit à souhaiter que ce mot pût revivre. Les Jardiniers s’en servent, pour dire Mettre une couche, une fleur à l’abri du vent. Abri est encore en usage. Pourquoi perdre Abrier, qui en vient naturellement, & dont le son est très-agréable ? M. Coste, note 10, sur le premier liv. des Essais de Montaigne. On emploie plus communément le mot abriter.

☞ ABRIÉ. Terme de marine, qui est à l’abri du vent. Ainsi on dit, Que le petit hunier est abrié par le grand hunier, parce que celui-ci empêche le vent de passer jusqu’à lui.

ABRIEVER. v. n. Ce mot n’est plus en usage. Dans le Roman de Perceval il veut dire arriver. Advenire.

☞ ABRITER. v. a. Terme de jardinage. Mettre à l’abri du vent, de la pluie, du soleil. On abrite un espalier, des plantes délicates, &c. C’est la même chose qu’abrier qui est moins en usage.

☞ ABRITÉ. part. Qui est à l’abri. Les fruits gelent souvent, parce qu’ils ne sont pas bien abrités.

ABRIVENT. s. m. C’est tout ce qui nous garantit du vent. Quod à vento defendit. On fut obligé de prendre la paille des paillasses, pour faire des abrivents aux soldats qui n’étoient jamais relevés du chemin couvert. M. de Feuquieres.

☞ ABRIVER. v. n. Terme de rivière, qui signifie aborder au rivage.

☞ ABROGATION. s. f. Action par laquelle une chose est annullée. Abrogatio. Il ne se dit guère qu’en parlant d’une loi. Il n’appartient qu’à celui qui a le pouvoir d’en faire, d’en abroger. Voyez Abolition. L’abrogation de la pragmatique sanction, s’est faite par le concordat entre François I, & Léon X, en 1516.

Abrogation différe de dérogation, en ce que la loi dérogeante ne donne atteinte qu’indirectement à la loi antérieure, & dans les points seulement où l’une & l’autre seroient incompatibles : au lieu que l’abrogation est une loi faite expressément pour en annuller une précédente.

☞ ABROGER. v. a. Se dit particulièrement des loix. Annuller. Abrogare. La Puissance despotique abroge souvent ce que l’équité avoit établi. Ce Prince entreprit d’abroger les priviléges de la nation. Voyez Abolir, Casser, Révoquer.

ABROGÉ, ÉE. part. Abrogatus. Les Loix abrogées n’ont plus de force.

ABROHANI. s. m. ou Malle-molle. s. f. Sorte de coton qu’on apporte de Bengale, aussi-bien que de plusieurs autres parties des Indes orientales. C’est une espèce de mousseline blanche, dont la pièce a seize aunes de long, sur sept ou huit de large.

ABROLHOS. Petite île & rochers qui se trouvent vers les côtes du Brésil. Ce mot, en Portugais, signifie la même chose que Abréojos en Espagnol, Ouvre les yeux. Ces écueils s’étendent plus de cinquante lieues entre l’île de Fernando-Noronha, & la Capitanie de Rio-Grande. Ces rochers sont très-dangereux. Nos François les appellent Abrollés. Leur nom est composé des mots Portugais arbrar, ouvrir, & olhos, les yeux.

☞ ABRON. Rivière de France qui a sa source dans le Bourbonnois, coule dans le Nivernois, arrose Dorne, Thoury, Lurcy ; & après de longs circuits, va se jeter dans la Loire entre Avril & la Motte.

ABROTANOÏDE. s. f. Plante pierreuse, maritime, haute presque d’un pied, belle, fort rameuse, ressemblante à l’Aurone femelle, d’où est venu son nom d’Abrotanoïde, quasi similis abrotano. Elle croît sur les rochers.

ABROTONE. s. f. Abrotonum. Lucain, L. IX. v. 920, a dit aussi Abrotonus, m. Herbe, ou plante fibreuse & odoriférante. Elle ne peut supporter le froid, & vient mieux dans une terre maigre & sèche. Il y en a de deux sortes, mâle & femelle. La femelle se dit en Latin, Abrotonum fœmina, ou Santolina ; selon quelques Auteurs, Cupressus, Cyprès. Elle est toujours verdoyante, selon Théophraste. Elle étoit d’un grand usage dans la Médecine ; ce qui a fait dire à Horace, Abrotonum ægro non audet, nisi qui didicit, dare, &c. On dit aussi par corruption, Brotanne pour Abrotone ; mais ces deux termes sont peu usités dans la Botanique, & ne se trouvent que dans d’anciennes & mauvaises traductions de Livres de plantes. Il faut dire Aurone. Voyez ce mot.

ABROUTI, IE. adj. Terme d’eaux & forêts. Bois abroutis, rabougris ; Ce sont des bois malfaits, parce que les bourgeons ont été mangés ou broutés par les bestiaux. Noel. Mémorial Alphabétique.

ABRUCKBANIA, Apragbania. Ville de Transylvanie. Autariarum. Elle est sur la rivière d’Ompay, au-dessus de la ville d’Albe-Julie.

ABRUS. Voyez Pois de bedeau.

ABRUTIR. v. a. rendre bête, stupide. Stupidum ac bruti similem facere. Le vin l’a tellement abruti, qu’il est insupportable. On le dit aussi avec le pronom personnel. Les esprits foibles s’abrutissent dans la solitude. Vaug.

ABRUTISSEMENT. s. m. Stupidité grossière, Etat de celui qui vit en bête. Stupor. Cet homme est tombé dans un grand abrutissement. La débauche l’a plongé dans l’abrutissement.

ABRUZZE. s. f. Aprutium. C’est une des quatre parties générales du Royaume de Naples. Elle a au nord le golfe de Venise, au levant la Capitanate, avec la principauté ultérieure ; la terre de Labour au midi, avec l’Etat Ecclésiastique qui la borne aussi au couchant. L’Abruzze se divise en citérieure, ultérieure, & Comté de Molisse. Elle occupe une partie du pays des anciens Samnites. Le mot François s’est formé de l’Italien Abruzzo, & celui-ci du Latin Aprutium.

ABS.

☞ ABSCÉDER, ou Abcéder. v. n. L’Académie suit cette dernière orthographe. Abire in abscessum. Terme de Chirurgie. Se changer, se tourner en abscès. On dit qu’une jambe abscède, qu’elle est abscédée. Lorsque des parties, qui sont unies à d’autres dans l’état de santé, s’en séparent dans l’état de maladie, en conséquence de la corruption, on dit que ces parties sont abscédées.

On en fait aussi un verbe pronominal. La tumeur s’étoit abscédée. S. Yves. Mon bras s’abscède. Dans ce sens il n’est pas d’usage.

☞ ABSCÉDÉE, ou Abcédé, ée. part. Tourné en abscès. Putrefactus, in vomicam versus. Tout le lobe gauche du cerveau étoit abscédé. Acad. des S. an. 1700.

☞ ABSCÈS, plus ordinairement Abcès. s. m. Terme de Chirurgie, qui signifie une tumeur contre nature, occasionnée par un amas d’humeurs qui se fixent & se corrompent dans quelque partie du corps. Abscessus, vomica. C’est la même chose qu’apostème, parmi le peuple apostume. Toute inflammation se termine par résolution, ou par suppuration, ou par squirre ou par gangrène. L’inflammation qui se termine par suppuration, forme ce qu’on appelle abscès. Un abscès qui perce en dehors ou qui suppure, peut être guéri. Quand le mal ne paroît pas à l’extérieur, il est très-dangereux, ordinairement mortel.

☞ ABSCHARON, ou APCHERON. Ville d’Asie, sur le bord occidental de la mer Caspienne, sur une montagne.

ABSCISSE. s. f. Terme de Géométrie & d’Analyse. Abscissa. C’est dans les sections coniques, & dans toute autre courbe quelconque, une partie de l’axe comprise entre le point où commence la courbe, appelée vertex, ou tout autre point fixe que l’on voudra, & une Ordonnée. Quelques Géomètres l’appellent Flèche, sagitta ; & d’autres, Axe intercepté, ou Diamètre intercepté. Aujourd’hui nos Géomètres en France disent toujours abscisse. Comme un diamètre peut avoir une infinité d’Ordonnées, chaque Ordonnée a son abscisse correspondante, qui se prend depuis elle jusqu’à l’extrémité du diamètre. Ordonnée & abscisse sont deux termes nécessairement relatifs. Abscisse vient d’abscissa, coupée.

ABSCONS, SE. adj. Vieux mot. Caché. Absconditus, a, um.

Le chant du coq la nuict point ne prononce,
Ains le retour de la lumière absconse. Marot.

ABSCONSER. v. n. Se cacher. Abscondere, Abdere se. Vieux mot qui n’est plus en usage. On dit encore en Picardie, Esconser. Le soleil s’est esconsé. Esconsement du soleil. Occasus solis. Nicot. On trouve en Latin barbare absconsa, absconse ; pour signifier, une lanterne sourde, dont la lumière se cache, absconditur.

☞ ABSENCE. s. f. C’est en général l’éloignement d’une personne qui n’est point dans le lieu de sa résidence ordinaire. Absentia. On le dit également de la distance qui nous sépare des autres, & de la distance qui sépare les autres de nous. Longue Absence. Courte Absence. Les peines de l’Absence. L’Absence nous fait connoître le prix des choses que nous perdons. Vix bona nostra aliter quàm perdendo cognoscimus. Petrarq. De Roch. Les souvenirs dans l’absence sont plus vifs en amour, qu’en amitié. M. Scud. Les longues absences éteignent l’amour, mais une courte absence le ranime. S. Evr.

L’ingrat, de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence ?

Racin.

On travaillera à cette affaire tant en présence qu’absence : phrase de Pratique, dont on se sert contre ceux qui ne comparoissent point aux jours d’assignation. Pour marquer en devise les douleurs de l’absence, on a peint une tulipe sous les rayons du soleil, ou sous un soleil caché d’épaisses nuées, ou au soleil couchant, avec ce mot espagnol : Sin sus rayos, mis desmayos :  : Sans ses rayons, je tombe en défaillance.

On dit figurément Absence d’esprit, pour signifier Distraction, quand on songe à une autre chose qu’à celle dont on parle. Mentis aberratio, avocatio. On s’en sert aussi pour exprimer, ou pour excuser une faute, ou une bévue, ou dans la conduite, ou dans la conversation. On l’attribue à un défaut d’application. Cet homme a des absences d’esprit que ses amis ont de la peine à justifier. On dit quelquefois absolument. Il a souvent des absences.

En philosophie on dit, absence de suppôt & absence de vertu. L’absence de suppôt, est quand deux substances ne se touchent point physiquement, & sont éloignées l’une de l’autre. L’absence de vertu, est quand l’une n’agit point sur l’autre par quelque vertu qui sort d’elle pour aller affecter l’autre. A parler exactement, l’absence de vertu est une absence de suppôt ou de substance ; car ces vertus par lesquelles une substance agit sur l’autre, ne sont autre chose qu’une substance, des corpuscules émanés de l’une & poussés vers l’autre ; telles sont la lumière, la matière magnétique, les odeurs, &c. Voyez Présence.

ABSENT, ENTE. adj. & s. Qui est éloigné de sa démeure ordinaire, Absens. Les Absens pour la République sont réputés présens. Mépriser les dangers absens. Ablanc. Tant qu’un amant est absent, il est où il aime, & non pas où il vit. M. Scud. Les absens malheureux sont en peu de temps effacés du souvenir du monde. M. Esp.

Absent, en matière civile. Celui qui manque de se trouver à une assignation donnée. C’est la même chose que défaillant, qui est le terme de Pratique.

Absent, en matière criminelle, est celui que l’on ne trouve point, & de qui on fait le procès par contumace.

Absent, en cas de prescription, est celui dont le domicile est situé hors du ressort de la juridiction où sont les héritages.

Celui qui est absent du Royaume, avec intention de n’y plus retourner, est réputé étranger ; mais il n’est pas pour cela réputé mort : ses héritiers ne laissent pas quelquefois de partager ses biens, par provision seulement ; mais sa femme ne sauroit convoler à de secondes nôces, qu’elle n’ait des certificats authentiques de sa mort. Voyez les Décrétales de Greg. IX. Liv. 4. & M. Louet, lettre C. n. 22.

On dit proverbialement, Que les os sont pour les absens, lorsqu’on dîne sans eux, lorsqu’on ne leur laisse que les restes des autres.

ABSENTER. v. n. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se retirer, s’éloigner de la présence des autres. Abesse. Ce Prince s’est absenté de la Cour. Il s’absente de ses amis avec peine.


Ou sois long-temps absent, ou ne t’absentes point :
Une courte absence est à craindre :
Souvent l’amour s’en sert pour nous mieux enflammer. Corn.

s’Absenter, signifie encore, S’enfuir, se cacher, se mettre à couvert. Abire, evadere, discedere, aufugere, proripere se, abdere se. En ce sens il marque une cause fâcheuse de s’éloigner. Il s’est absenté de la ville, à cause qu’on avoit décrété contre lui. Ce Marchand s’est absenté, a fait banqueroute.

ABSÈS ou ABCÈS. Voyez Abscès.

ABSIDE. s. f. Absis & Absida. Terme d’Architecture & de Liturgie. C’est une voûte, car ἀψὶς en Grec, d’où l’on a fait abside, veut dire arcus, fornix, arc, voûte. On appelle aussi Abside, le Sanctuaire, ou la partie de l’Eglise qui est séparée du reste, & dans laquelle est l’Autel ; on l’a appelée du nom Abside, parce qu’elle est en voûte. Du Cange.

Abside, est aussi le nom que l’on donnoit autrefois à la bière où l’on mettoit les reliques des Saints : on l’appelle aujourd’hui châsse. On appeloit absides ces sortes de bières, parce qu’elles étoient élevées, & disposées en voûte. Du Cange.

Il se dit aussi quelquefois pour des Oratoires secrets qu’on a autrement appelés Doxologia, Doxalia, noms Grecs qui viennent de δόξα, louange, parce qu’on y chante les louanges de Dieu. Ces mots sont encore en usage dans les Pays-Bas, & signifient ce que nous appelons en François Chœur, un lieu au-delà de l’Autel, où les Religieux chantent l’Office, séparés du peuple, & sans en être vûs. Voyez Act. SS. April. Tom. I. pag. 694.

Il y avoit quelquefois plusieurs absides dans une même Eglise : ainsi l’Auteur de la vie de saint Hermenland, qui écrivoit au huitième siècle, dit que ce Saint fut enterré dans l’abside méridionale de la Basilique de saint Paul à Nantes. Absides alors ne peut, ce semble, signifier que deux choses ; ou ce que nous appelons Chapelles, qui étant voûtées étoient chacune une petite abside séparée ; ou dans les Eglises bâties en forme de croix, on appeloit abside méridionale le côté droit de la croisée qui regardoit le midi, l’Autel étant toujours à l’orient. Ce second sens paroît d’autant plus probable, qu’au même endroit le même Auteur distingue abside d’Oratoire, qui n’est autre chose que Chapelle. M. Chapelain écrit apside, conformément à l’origine de ce mot.

Abside. Terme d’Astronomie. Ce sont deux points de l’orbite d’une planète, dont le plus haut est nommé apogée, & le plus bas périgée, ou le plus près de la terre. Apsides, apsis summa, apsis infima. Le diamètre qui les joint, s’appelle la ligne des absides, qui passe par le centre de l’orbite de la planète, & par le centre du monde. La ligne des absides est une ligne tirée dans une ellipse. L’excentricité se prend dans la ligne des absides ; car l’excentricité est la distance entre le centre de l’orbite de la planète, & le centre de la terre. Voyez quelle est la différence de ce mot avec celui d’Abscisse. Guinée. Application de l’Algèbre à la Géométrie.

Absie. Nom propre d’un village & d’une Abbaye de France. Absia. Il est dans les enclaves de la Gastine, petit pays du haut-Poitou. L’Abbaye d’Absie, Ordre de saint Benoît, fut fondée en 1220. Absie est entre Thoüars et Fontenay-le-Comte. L’Abbaye est unie au Chapitre de la Rochelle.

ABSINTE. Voyez Absynthe.

ABSIRTIDES, ou plutôt ABSYRTIDES. s. f. p. Absyrtides. Îles de l’ancienne Liburnie, ou de la Dalmatie, vers l’entrée du golfe de Venise. On les nomme Absyrtides du nom d’Absyrte, frere de Médée, qu’elle y tua, & dont elle sema les membres sur sa route pour arrêter, à les ramasser, son pere Aëtes, qu’elle fuyoit avec Jason. Quelques Auteurs ont cependant appelé Ægialque ce frere de Médée. Lucain semble n’en reconnoître qu’une, qu’il appelle Absyrtos, & Brébeuf Absyrte.

Au golfe d’Adria l’Absyrte tributaire
A ce commun devoir n’ose pas se soustraire.