Augustin d’Hippone/Explication commencée de l’épître aux Romains

Œuvres complètes de Saint Augustin
Texte établi par Raulx, L. Guérin & Cie (p. 379-393).


EXPLICATION COMMENCÉE
DE L’ÉPÎTRE AUX ROMAINS.


EXPLICATION DE LA SALUTATION, CONTROVERSE SUR LE PÉCHÉ CONTRE LE SAINT-ESPRIT.

1. But de l’Épître. — Dans l’Épître qu’il a écrite aux Romains, l’Apôtre saint Paul, autant qu’on peut en juger par le texte même, traite cette question, savoir : l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ a-t-il été annoncé aux Juifs seuls, en récompense de leurs œuvres légales ; ou bien, la justification de la foi, qui émane de Jésus-Christ, a-t-elle été au contraire offerte à tous les Gentils, sans aucun mérite de leurs œuvres précédentes ? Et la foi, au lieu d’être la récompense des vertus, n’est-elle pas le principe de la justification et le commencement de la vie juste qu’on doit mener ensuite ? Ainsi l’Apôtre a pour but de montrer que le bienfait de l’Évangile de Notre-Seigneur Jésus-Christ est offert à tous les hommes. Il prouve aussi que cet Évangile doit être appelé un bienfait, parce qu’il n’a pas été payé comme une dette de justice mais donné gratuitement.

Beaucoup de Juifs, qui avaient reçu la foi, commençaient dès lors à s’élever contre l’Apôtre saint Paul, sous prétexte que celui-ci faisait participer au bienfait de l’Évangile des hommes qui n’ayant pas été circoncis, n’avaient point porté les liens de l’ancienne Loi, et que, sans les assujettir aucunement au joug de la circoncision charnelle, il les exhortait seulement à croire en Jésus-Christ. Mais l’écrivain sacré use de tant de modération, qu’il ne permet pas aux Juifs de tirer vanité du mérite de leurs œuvres légales ; ni aux Gentils de s’enorgueillir contre les Juifs, du mérite de leur foi personnelle, sous prétexte qu’ils avaient reçu eux-mêmes le Christ que les Juifs avaient crucifié. Ainsi donc, comme il le dit en un autre endroit, faisant les fonctions d’ambassadeur pour le Seigneur lui-même[1], c’est-à-dire pour celui qui est la pierre angulaire[2], il réunit dans la personne de Jésus-Christ et par les liens de la grâce, le peuple Juif et le peuple des Gentils ; et après avoir interdit aux uns et aux autres de se glorifier de leurs mérites, il les associe pour être ensemble justifiés par la pratique de l’humilité.

2. L’Église et la Synagogue. — Il commence donc son Epître en ces termes : « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, séparé du troupeau pour l’Évangile de Dieu[3]. » Il établit ainsi brièvement et en deux mots une distinction entre la dignité de l’Église et l’ancienne Synagogue. Car l’Église tire son nom du mot appeler, tandis que Synagogue veut dire attroupement. L’expression : être appelé, s’applique plutôt aux hommes et celle de : s’attrouper, s’applique plutôt aux animaux : de là vient que ordinairement et dans son sens propre le mot troupeau se dit des animaux. Aussi, quoique, dans les saintes Écritures, l’Église elle-même soit très souvent nommée le troupeau de Dieu, et le bercail de Dieu, cependant les hommes qui y sont, par comparaison, appelés troupeau, appartiennent à la vie ancienne. On voit par là que l’éternelle vérité n’est pas leur aliment, et que les promesses temporelles, comme une nourriture grossière, peuvent seules les satisfaire. « Paul, serviteur de Jésus-Christ, a donc été appelé à l’apostolat » et cette vocation l’a rendu membre de l’Église. De plus il a été séparé du troupeau pour l’Évangile de Dieu » mais de quel troupeau a-t-il été séparé, si ce n’est du troupeau de la Synagogue, en supposant que les expressions latines sont absolument conformes aux expressions grecques qu’elles traduisent.

3. Prophètes sacrés et profanes. — Saint Paul invoque ensuite l’autorité des Prophètes en faveur de l’Évangile pour lequel il a été, dit-il, séparé du troupeau. Après avoir préféré aux Juifs, dont il s’est déclaré lui-même séparé, ceux qui croient en Jésus-Christ et parmi lesquels il a été appelé, il veut en retour avertir les Gentils de ne pas s’enorgueillir pour cela. Car le peuple Juif a donné naissance à ces Prophètes qui ont promis longtemps auparavant, ainsi qu’il le déclare lui-même, l’Évangile, aux maximes duquel il faut croire pour être justifié. « Séparé du troupeau, dit-il, pour l’Évangile de Dieu, qu’il avait promis auparavant par ses prophètes[4]. » Il y a eu en effet des prophètes, qui, sans être les prophètes de Dieu, nous ont laissé des oracles relatifs à Jésus-Christ et qu’ils chantaient après les avoir entendus, ainsi qu’il est rapporté de la Sybille même. Cependant je ne croirais pas cela facilement, si avant de dire, touchant l’apparition d’une ère nouvelle, des choses qui paraissent avoir assez d’harmonie et de conformité avec le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un des poètes les plus célèbres de Rome, n’avait commencé par écrire ce vers : « Il est enfin venu le dernier âge de l’oracle de Cumes[5]. » Personne ne saurait douter que cet oracle de Cumes ne soit un oracle Sybillin. L’Apôtre donc savait qu’on trouve dans les livres des Gentils des témoignages de ce genre en faveur de la vérité ; et dans les Actes des Apôtres, en parlant aux Athéniens, il en donne une preuve manifeste[6]. C’est pour cela qu’il ne dit pas seulement : « par ses prophètes » mais, afin que personne ne se laisse entraîner à quelque impiété par ces faux prophètes, en cédant à la séduction de certains témoignages rendus par eux à la vérité, il ajoute encore : « dans les saintes Écritures. » Il veut par là montrer que les livres des Gentils, remplis des superstitions idolâtriques, ne doivent pas être regardés comme saints, sous prétexte qu’on y trouve certaines choses qui se rapportent à Jésus-Christ.

4. Jésus-Christ Fils de Dieu et Fils de David. — L’Apôtre ne veut pas non plus que personne ait la pensée de mettre en avant certains prophètes inconnus et étrangers au peuple Juif, chez qui on ne trouverait aucune trace du culte des idoles, de celles du moins qui sont faites par la main des hommes ; car il n’est pas une erreur qui ne rende ses sectateurs idolâtres de ses illusions chimériques. L’Apôtre ne veut donc pas, que personne, produisant des prophéties de ce genre, déclare après y avoir montré le nom de Jésus-Christ, qu’elles sont véritablement les saintes Écritures et que ce titre n’appartient pas à celles qui ont été divinement confiées au peuple Juif. C’est pour cette raison qu’après avoir dit : « dans les saintes Écritures » il ajoute avec assez d’opportunité, ce me semble : « touchant son Fils, qui lui est né de la race de David, selon la chair[7]. » Car David a été certainement roi des Juifs ; et d’autre part, les Prophètes envoyés pour annoncer Jésus-Christ devaient sortir de la même nation d’où naîtrait un jour Celui qu’ils annonçaient.

De plus il fallait s’opposer d’avance à l’impiété de ceux qui ne reconnaissent, en Notre-Seigneur Jésus-Christ, que la nature humaine dont il s’est revêtu, et qui ne voient en lui aucune divinité qui le distingue de l’universalité des créatures ; comme les Juifs eux-mêmes, qui ne considèrent Jésus-Christ que comme fils de David et qui ignorent sa grandeur souveraine, cette grandeur qui en tant qu’il est Fils de Dieu, le rend Seigneur de David même. De là vient en effet que, dans l’Évangile, il les réfute par une prophétie qui est sortie précisément de la bouche de David. Il leur demande : comment celui que David appelle son Seigneur, peut-il aussi l’appeler son Fils[8] ? ils auraient dû sans doute Lui répondre que par sa nature humaine il est fils de David, tandis que par sa nature divine il est Fils de Dieu et Seigneur de David même. L’Apôtre saint Paul le savait parfaitement et c’est pour cela qu’après avoir dit : « pour l’Évangile de Dieu qu’il avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures, touchant son Fils qui lui est né, factus est, de la race de David » il ajoute : « selon la chair » : afin que l’on ne croie pas que la personne de Jésus-Christ tout entière ait commencé seulement avec sa naissance corporelle. Ainsi en ajoutant : « selon la chair » il a conservé à la divinité sa dignité suprême, qui n’appartient ni à la race de David, ni aux créatures angéliques, ni aux descendants des plus excellentes créatures, quels qu’ils soient, parce qu’elle est le Verbe même de Dieu, par qui toutes choses ont été faites. Or ce même Verbe s’est fait chair, de la race de David, et il a habité parmi nous[9] ; il ne s’est pas changé et transformé en chair, mais il a voulu, par une raison de convenance, se montrer aux hommes charnels revêtu lui-même d’une chair. C’est pourquoi l’Apôtre a distingué son humanité de sa divinité, non seulement par ces expressions « selon la chair » mais aussi par ces mots. « Oui a été fait, factus est. » Car il n’a pas été fait en tant qu’il est le Verbe de Dieu ; c’est par Lui au contraire que toutes choses ont été faites ; et il n’est pas possible que celui par qui toutes choses ont été faites, ait été fait lui-même avec le reste. Il n’a pas été non plus fait avant toutes choses, pour les faire ensuite ; car si on l’excepte Lui-même, comme ayant été fait antérieurement à tout le reste, toutes choses n’ont donc pas été faites par lui ; et l’on ne peut plus dire avec vérité que tout a été fait par lui, puisqu’on l’exclut de tout, quoiqu’il ait été fait Lui-même. C’est pour cette raison que l’Apôtre, après avoir dit que le Christ a été fait, ajoute ensuite : « selon la chair. » Ainsi montre-t-il que, en tant qu’il est le Verbe et le Fils de Dieu, il n’a pas été fait de Dieu mais engendré de Lui.

5. Prédication de Jésus-Christ. — « Saint Paul continuant à parler de celui qui est né de la race de David selon la chair » ajoute que « Fils de Dieu il a été prédestiné en puissance : » non pas selon la chair, mais « selon l’Esprit » et non pas selon un esprit quelconque, mais selon l’Esprit de sanctification, « par la résurrection des morts[10]. » La puissance d’un mort se révèle en effet dans sa résurrection, et c’est pour cette raison que l’Apôtre dit que Jésus-Christ a été prédestiné en puissance selon l’Esprit de sanctification, par la résurrection des morts. » Ensuite la sanctification donne une vie nouvelle, dont la résurrection de Notre-Seigneur a été le symbole. De là cette parole du même Apôtre en un autre endroit : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut, où il est assis à la droite de Dieu[11]. » À la vérité on peut construire différemment la phrase de l’Apôtre et faire rapporter ces mots : « par la résurrection des morts » non pas à ceux-ci : « l’Esprit de sanctification » mais à ces autres qui précèdent : « Il a été prédestiné » la construction de la phrase serait alors celle-ci : « qui a été prédestiné à la résurrection des morts » avec ces mots qui précéderaient Fils de Dieu, en puissance selon l’Esprit de sanctification. » Et sans doute cet ordre des mots paraît mieux fondé en raison et de beaucoup préférable, puisqu’il nous montre le Fils de David assujetti à nos faiblesses selon la chair, et le Fils de Dieu revêtu de la toute-puissance selon l’Esprit de sanctification. Ainsi, « il a été fait de la race de David » c’est-à-dire il est né fils de David, dans une chair mortelle, et c’est pour cette raison qu’il a réellement subi la mort. Mais « Fils de Dieu » et Seigneur de David même, « il a été prédestiné à la résurrection des morts. » Car il a subi la mort en tant qu’il est fils de David, mais il est ressuscité en tant qu’il est Fils de Dieu et Seigneur de David même. C’est en ce sens que le même Apôtre dit ailleurs : « Quoiqu’il soit mort par suite de sa faiblesse, il vit néanmoins par la puissance de Dieu[12] » conséquemment sa faiblesse lui vient de David, et sa vie éternelle lui vient de la puissance de Dieu. C’est pour cela que David le fait connaître comme son Seigneur, en ces termes : « Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, « jusqu’à ce que je mette vos ennemis sous vos pieds[13]. » Depuis qu’il est ressuscité d’entre les morts, il est en effet assis à la droite du Père. Ainsi David voyant dans le Saint-Esprit Jésus-Christ prédestiné à la résurrection des morts, pour être assis à la droite du Père, n’oserait l’appeler son fils, mais il le nomme son Seigneur. C’est pour cette même raison que saint Paul ajoute ici : « de Jésus-Christ Notre-Seigneur » immédiatement après ces mots : « à la résurrection des morts » comme pour nous indiquer combien David avait raison de l’appeler son Seigneur et non pas son fils.

Au reste l’Apôtre ne dit pas qu’il a été « prédestiné » d’entre les morts, mais il dit qu’il a été prédestiné à la résurrection des morts. » Ce n’est pas en effet la résurrection même de Jésus-Christ qui nous révèle sa qualité de Fils de Dieu et cette dignité unique et souverainement éminente par laquelle il est en même temps le chef de l’Église ; car d’autres morts sont ressuscités comme lui : mais il a été prédestiné Fils de Dieu par une sorte de principauté de résurrection, en ce sens qu’il a été le premier prédestiné à la résurrection de tous les morts, c’est-à-dire qu’il a été choisi pour ressusciter avant les autres et de préférence à eux. Aussi l’Apôtre avant de dire : « Il a été prédestiné » écrit ces mots : « Fils de Dieu » pour nous apprendre combien sa dignité est sublime. Car personne n’a dû être prédestiné de cette manière, si ce n’est le Fils de Dieu, en tant qu’il est aussi le chef de l’Église : et c’est pour cela que saint Paul l’appelle en un autre endroit le premier-né d’entre les morts[14]. Certes, il était convenable qu’il vint juger les hommes qui ressusciteront, puisqu’il est ressuscité le premier pour leur servir de modèle ; non pas cependant pour servir de modèle à tous ceux qui ressusciteront, mais seulement à ceux qui ressusciteront pour vivre et régner avec lui pendant l’éternité et dont il est aussi le chef comme de son propre corps. C’est par rapport à la résurrection de ceux-ci qui il a été prédestiné et choisi pour marcher à leur tête ; quant aux autres qui ressusciteront sans lui être unis, il ne sera pas leur prince, il sera leur juge. Il n’a donc pas été prédestiné à la résurrection des morts qu’il doit condamner. Car en disant qu’il a été prédestiné à la résurrection des morts, l’Apôtre veut nous faire entendre qu’il précédera les morts dans leur résurrection ; or il n’a précédé que ceux qui doivent entrer à sa suite dans le royaume céleste, où il est entré le premier. C’est pour cela que l’Apôtre ne dit pas : « Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui a été prédestiné à la résurrection des morts » mais il dit : « à la résurrection des morts de Jésus-Christ Notre-Seigneur » en d’autres termes : Fils de Dieu, il a été prédestiné à la résurrection de ses morts, c’est-à-dire de ceux qui lui appartiennent pour la vie éternelle ; c’est comme si on demandait à l’Apôtre : de quels morts ? Et qu’il répondit : des morts de Jésus-Christ Notre-Seigneur. Car il n’a pas été prédestiné à la résurrection des autres morts, qui sans doute ne le suivront pas dans la gloire de la vie éternelle, où il ne les a point précédés, puisque les impies ressusciteront pour subir les châtiments qui leur sont dus. Ainsi le Fils unique de Dieu a été prédestiné à la résurrection des morts » pour être aussi le premier-né d’entre les morts : mais d’entre quels morts, sinon d’entre les morts de Notre-Seigneur Jésus-Christ ? »

6. La grâce de l’Apostolat. — « Par qui nous avons reçu la grâce et l’apostolat. — La grâce » avec tous les fidèles ; « l’apostolat » avec quelques-uns seulement. Si l’Apôtre disait uniquement qu’il a reçu l’apostolat, il serait coupable d’ingratitude par rapport à la grâce par laquelle il a obtenu le pardon de ses péchés ; il paraîtrait alors avoir reçu l’apostolat comme une récompense due à ses œuvres précédentes. Mais il parle avec une exactitude parfaitement rigoureuse, et personne ne doit avoir la témérité d’attribuer sa propre entrée dans le christianisme au mérite de sa vie précédente, puisque les Apôtres eux-mêmes, élevés après le chef au-dessus des autres membres du corps, n’auraient pu rigoureusement recevoir l’apostolat, s’ils n’avaient auparavant reçu, comme les autres fidèles, la grâce qui guérit les pécheurs et qui les rend justes. Saint Paul ajoute ensuite : « Afin qu’on obéisse à la foi, parmi toutes les autres nations, pour son nom. » Il veut dire, par ces paroles, qu’il a reçu l’apostolat afin qu’on obéisse à la foi pour le nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire afin que tous croient en Jésus-Christ, et que ceux qui désirent être sauvés soit marqués de son nom. Il montre de plus que le salut n’est pas offert aux Juifs seuls, comme le croyaient plusieurs d’entre eux qui avaient reçu la foi : « Dans toutes les nations, dit-il, parmi lesquelles vous avez été, vous aussi, appelés par Jésus-Christ » précisément afin que vous apparteniez, vous aussi, à ce même Jésus-Christ, le Sauveur de toutes les nations, quoique vous n’ayez pas été trouvés au nombre des Juifs, mais au nombre des Gentils.

7. A qui s’adresse l’Epître. — Jusqu’à présent l’Apôtre a dit quel est celui qui écrit l’Épître. Il se nomme « Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apostolat, séparé du troupeau pour l’Évangile de Dieu. » Mais comme on aurait pu lui demander : Quel est cet Évangile ? Il a ajouté L’Évangile qu’il avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Écritures touchant son Fils. » Comme on pourrait lui demander encore : Quel est ce Fils ? il dit : « Qui lui est né de la race de David, selon la chair ; qui a été prédestiné, Fils de Dieu qu’il est avec la puissance de répandre l’Esprit de sanctification, « à la résurrection des morts de Notre-Seigneur Jésus Christ. » Et comme si on lui demandait encore : Comment vous-même lui appartenez-vous ? Il répond : « Par qui nous avons reçu la grâce et l’apostolat, pour qu’on obéisse à la foi parmi toutes les nations, en son nom. » Enfin à cette dernière question : Pour quelle raison nous écrivez-vous ? il répond en disant : « Parmi lesquelles vous êtes, vous aussi, les appelés de Jésus-Christ. » Puis, afin de se conformer au style épistolaire, il désigne les personnes auxquelles il écrit : « À tous ceux, dit-il, qui sont à Rome, aux bien-aimés de Dieu, à ceux qui sont appelés à la sainteté. » Ici encore il montre plutôt la miséricorde de Dieu que le mérite de ceux à qui il écrit. C’est pour cette raison qu’il ne dit pas : à ceux qui aiment Dieu, mais : « aux bien-aimés de Dieu. » C’est Dieu en effet qui nous a aimés le premier, antérieurement à tout mérite de notre part, afin que nous l’aimions nous-mêmes après avoir été aimés de lui[15]. Saint Paul ajoute par la même raison : « À ceux qui sont appelés à la sainteté. » Car, s’il est quelqu’un qui puisse s’attribuer d’obéir à celui qui l’appelle, personne ne peut du moins s’attribuer d’avoir été appelé. Enfin ces mots : «  Vocatis sanctis » ne doivent pas être entendus en ce sens que les fidèles de Rome ont été appelés parce qu’ils étaient saints ; mais en ce sens qu’ils sont devenus saints parce qu’ils ont été appelés.

8. Salutation — Il ne lui reste plus qu’à saluer les Romains, pour se conformer entièrement à la manière usitée de commencer les lettres. Mais au lieu de la salutation ordinaire, « Grâce à vous, dit-il, et paix de la part de Dieu notre Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ[16]. » Toute grâce en effet ne vient pas de Dieu. Les juges iniques accordent eux-mêmes des grâces, lorsque cédant aux attraits de la cupidité, ou à la terreur des menaces, ils font d’injustes acceptions de personnes. De même toute paix n’est pas la paix de Dieu, ou ne vient pas de lui ; de là cette distinction faite par le Seigneur lui-même : « Je vous donne ma paix » et c’est pour cela qu’il ajoute encore qu’il ne donne pas une paix semblable à celle qui est donnée par le monde[17]. Ainsi la grâce par laquelle nous recevons la rémission des péchés qui nous rendaient les ennemis de Dieu, cette grâce nous vient de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Mais c’est la paix elle-même qui nous réconcilie avec Dieu. Lorsque par la grâce nos péchés sont pardonnés et que l’inimitié entre Dieu et nous a cessé, il faut encore que la paix nous tienne unis à celui dont nos péchés seuls nous séparaient violemment, suivant l’expression du Prophète Isaïe : « Il ne fermera point l’oreille pour ne pas entendre ; vos péchés eux-mêmes établissent une séparation entre Dieu et vous[18]. » Lorsque ces péchés auront été remis par la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, toute séparation cessera pour faire place au règne de la paix.

9. Justice dans la grâce du pardon. — On se demandera peut-être avec étonnement s’il est possible de reconnaître la justice des jugements de Dieu, lorsqu’il accorde la grâce de la rémission des péchés ? Cependant rien de plus juste de la part de Dieu. Il est parfaitement juste en effet que ceux qui se repentent de leurs péchés, lorsque les châtiments de la vengeance divine ne se manifestent pas encore à eux dans tout ce qu’ils ont d’effroyable, soient par la miséricorde de Dieu, séparés de ceux qui s’obstinent à chercher des excuses à leurs crimes, et qui refusent de faire pénitence et de changer de vie. Ne serait-il pas injuste au contraire d’associer à ceux-ci, pour subir le même châtiment, ceux qui n’ont pas méprisé la voix de Dieu lorsqu’il les a appelés, ceux qui ont déploré en eux-mêmes leurs fautes et qui les ont détestées comme Dieu même les détestait ? Car enfin la règle de la justice humaine est d’aimer en nous uniquement ce qui nous vient de Dieu, et de haïr ce qui vient de nous ; de condamner nos iniquités, sans accuser cependant aucun autre que nous ; de ne pas penser qu’il suffit que nos péchés nous déplaisent, si nous ne sommes pas extrêmement vigilants et attentifs pour les éviter à l’avenir ; et de ne pas croire que nos forces suffisent, sans le secours de Dieu, pour éviter le péché. C’est donc, de la part de Dieu, un acte de justice de pardonner à ceux qui sont dans ces dispositions, quelques fautes qu’ils aient commises auparavant, afin qu’ils ne soient pas mêlés et confondus avec ceux qui ne sont pas ainsi disposés, ce qui serait souverainement injuste. Conséquemment, Dieu est juste en ne pardonnant pas à ceux-ci, et il est miséricordieux en pardonnant à ceux-là. Ainsi la, miséricorde de Dieu est juste et sa justice miséricordieuse, puisque la grâce divine précède tellement le mérite de la pénitence, que personne ne se repentirait de son péché, si Dieu ne l’avait averti et appelé d’une manière quelconque.

10. Obligation de faire pénitence, malgré le pardon accordé par Dieu. — Telle est cependant la rigueur de la justice divine, qu’après avoir remis au pénitent le châtiment spirituel et éternel, elle laisse peser sur chacun les douleurs et les supplices corporels, comme nous savons que les martyrs eux-mêmes en ont éprouvé, et n’exempte personne de la mort que la nature humaine a mérité par son crime. Nous devons même croire que c’est par un juste jugement de Dieu, que les hommes justes et pieux subissent eux-mêmes ces sortes de châtiments. C’est cette justice qui est appelée, dans les saintes Écritures, une correction à laquelle aucun homme juste ne saurait échapper. Car l’Apôtre n’excepte personne, lorsqu’il dit : « Dieu châtie celui qu’il aime, et il frappe de verges tout fils qu’il reçoit[19]. » De là vient, qu’accablé de tant de douleurs précisément afin de manifester aux hommes son courage héroïque et sa fidélité dans le service de Dieu, Job déclare si souvent que les souffrances de son corps ne sont que le châtiment dû à ses péchés. L’Apôtre saint Pierre, exhortant ses frères à souffrir patiemment pour le nom de Jésus-Christ, disait dans le même sens : « Que personne d’entre vous ne souffre comme homicide, comme voleur, comme médisant, ou avide du bien d’autrui, mais s’il souffre comme chrétien, qu’il ne rougisse point ; au contraire qu’il glorifie Dieu en portant ce nom, car aujourd’hui le jugement commence par la maison de Dieu. Or, s’il commence par nous, comment finira-t-il pour ceux qui ne croient pas à l’Évangile de Dieu ? Et si le juste est à peine sauvé, où le pécheur et l’impie pourront-ils se présenter[20] ? » Ces paroles montrent clairement que les souffrances mêmes qui pèsent sur les justes, sont des instruments de la justice divine ; et si l’Apôtre dit que cette justice commence par la maison de Dieu, c’est pour nous faire conjecturer par là à quels supplices sont réservés les impies dans le siècle à venir. Enfin c’est pour la même raison que saint Paul écrivait aux Thessaloniciens : « De sorte que nous-mêmes nous pouvons nous glorifier de vous au milieu des Églises de Dieu, à cause de votre patience et de votre foi au milieu de toutes vos persécutions et des tribulations que vous supportez, pour servir vous-mêmes d’exemple du juste jugement de Dieu[21]. » Ces paroles se rapportent parfaitement à celles de saint Pierre, lorsqu’il dit qu’aujourd’hui le jugement commence par la maison de Dieu, et à celles-ci du Prophète, rappelées par le même Apôtre : « Si le juste est à peine sauvé, où le pécheur et l’impie pourront-ils se présenter[22]. » Il me semble aussi que si les menaces faites de la part de Dieu au roi David par le prophète Nathan, eurent leur entier accomplissement, malgré le pardon accordé sur-le-champ au repentir du coupable, ce fut pour montrer que ce pardon était donné à l’âme pour lui faire éviter la condamnation qui attend ceux qui ne veulent pas se convertir dans la vie présente. Car saint Pierre dit encore en un autre endroit : « L’Évangile a été aussi annoncé aux morts, afin que jugés devant les hommes selon la chair, ils vivent devant Dieu selon l’esprit[23]. » J’ai voulu dire ces quelques mots, afin de montrer, suivant la mesure de mes forces et autant que le texte même de l’Apôtre m’a donné occasion de le faire, que lorsqu’on parle de la grâce et de la paix de Dieu, il ne faut pas laisser croire aux hommes, par suite de l’interprétation qu’on en donne, que Dieu puisse s’écarter jamais de la justice. Aussi Notre-Seigneur disait lui-même en promettant la paix : « J’ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix en moi, et dans le monde, des tribulations[24]. » Toutefois ces tribulations et ces chagrins amers, lorsque Dieu en fait les instruments de sa justice contre le péché, ne sont pas, pour les bons et pour les justes, pour ceux enfin qui ont plus d’horreur du péché en lui-même que d’aucune sorte de peines corporelles, une occasion de retomber dans le péché ; mais au contraire elles les purifient entièrement des moindres souillures. Et lorsque le moment sera venu, notre corps lui-même recevra une paix parfaite, si notre esprit conserve maintenant d’une manière ferme et immuable la paix que Notre-Seigneur a daigné nous donner par la foi.

11. La Trinité dans les salutations de saint Paul. — L’Apôtre souhaite la grâce et la paix, de la part de Dieu le Père et de la part de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sans ajouter aussi de la part du Saint-Esprit. Voici, suivant moi, pourquoi il s’exprime ainsi : c’est afin de nous faire entendre que le don de Dieu n’est pas autre que le Saint-Esprit lui-même. Conséquemment, la grâce et la paix étant une seule et même chose avec le don de Dieu, cette grâce qui nous délivre de nos péchés, et cette paix qui nous réconcilie avec Dieu, ne peuvent en aucune manière être données aux hommes si ce n’est dans le Saint-Esprit ; et par là même la Trinité des personnes aussi bien que leur immuable unité, se trouvent exprimées dans cette salutation. Un motif me détermine particulièrement à m’attacher à cette interprétation : l’Epître qu’il a écrite aux Hébreux est la seule où il ait ainsi omis à dessein, dit-on, la salutation ordinaire, de peur que les Juifs, qui le poursuivaient de récriminations incessantes, ne vinssent à s’offenser de son nom même, et par suite à lire dans un esprit hostile ou même à ne pas lire du tout, ce qu’il écrivait pour leur salut ; aussi à cause de son début inusité, plusieurs n’ont pas osé recevoir cette épître dans le canon des Écritures. Mais quoi qu’il en soit de cette question, excepté cette épître, toutes les autres qui sont certainement, sans contestation de la part d’aucune Église, de l’Apôtre saint Paul, renferment une salutation semblable à celle de l’Epître aux Romains. Seulement dans les deux Epîtres à Timothée, saint Paul a interposé le mot de miséricorde. « Grâce, miséricorde, paix de la part de Dieu le Père, et de la part de Jésus-Christ Notre-Seigneur[25] » c’est qu’écrivant en quelque sorte à Timothée avec plus de familiarité et de tendresse, il a interposé cette expression qui révèle et montre clairement que le Saint-Esprit nous est donné, non pas comme une récompense de nos bonnes œuvres précédentes, mais par la miséricorde divine, afin tout à la fois d’effacer les péchés qui nous séparaient de Dieu, et de nous réconcilier avec lui pour lui demeurer étroitement unis.

12. La Trinité dans les salutations des autres Apôtres. — Les autres Épîtres des Apôtres, reçues par la coutume de l’Église, rappellent aussi la Trinité dès leur début et d’une manière assez frappante. Saint Pierre dit d’abord : « Que la grâce et la paix vous soient données avec abondance » et il ajoute aussitôt : « Béni soit Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ[26]. » Ainsi après avoir désigné le Saint-Esprit sous le nom de grâce et de paix, il nomme expressément le Père et le Fils, pour rappeler à notre esprit la Trinité des personnes. Dans sa deuxième Épître il écrit : « Que la grâce et la paix s’accroissent en vous par une connaissance nouvelle de Dieu et de Jésus-Christ[27]. » À la vérité, saint Jean a omis, pour un motif que j’ignore, de commencer de cette manière ; cependant il n’a pas manqué de faire, aussi bien que les autres, une mention expresse de la Sainte-Trinité. Mais au lieu de dire : La grâce et la paix, il a employé le mot de société : « Nous vous annonçons, dit-il, ce que nous avons vu, afin, que vous entriez vous-mêmes en société avec nous, et que notre société soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ[28]. » Dans la seconde de ses Épîtres, le même Apôtre s’exprime en des termes semblables à ceux de saint Paul dans les deux Epîtres à Timothée : « Que la grâce, dit-il, que la miséricorde et la paix soient avec vous de la part de Dieu le Père et de la part de Jésus-Christ, Fils du Père[29]. » Enfin au commencement de sa troisième Épître, saint Jean ne dit pas un mot de la Sainte-Trinité, par la raison, si je ne me trompe, que cette Épître est extrêmement courte. Voici les premières paroles : « Le vieillard au très cher Gaiüs, que j’aime dans la vérité[30]. » Je crois cependant que le mot de vérité est mis pour la Trinité même. Saint Jude, après avoir nommé Dieu le Père et Notre-Seigneur Jésus-Christ, ajoute ensuite trois mots qui désignent le Saint-Esprit, c’est-à-dire le don de Dieu. Il commence ainsi : « Jude, serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, à ceux qu’il aime en Dieu le Père, et qui sont conservés et appelés en Jésus-Christ : que la miséricorde la paix et la charité vous soient données avec abondance[31]. » On ne peut en effet concevoir la grâce et la paix sans la miséricorde et sans la charité. Saint Jacques a commencé son Épître de la manière la plus usitée : « Jacques, serviteur de Dieu et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, aux douze tribus qui sont dans la dispersion, salut[32]. » S’il s’exprime de cette manière, c’est, je crois, parce que dans sa pensée, il n’y a point de salut si ce n’est dans le don de Dieu, source de la grâce et de la paix. À la vérité, avant de prononcer le mot de salut, il a nommé expressément Dieu et Notre-Seigneur Jésus-Christ ; mais parce que les hommes ne sont sauvés par aucune grâce ni par aucune paix, autre que la grâce et la paix qui viennent de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il me semble avoir mis ici le mot de salut pour désigner la Sainte-Trinité elle-même, comme saint Jean a mis dans sa troisième Epître le mot de vérité.

13. Singulier rapprochement. — Certes je crois devoir rapporter ici ce que mon père Valère a remarqué avec admiration dans une conversation de quelques paysans. Après un échange de salutations mutuelles, le premier demanda au second, qui connaissait la langue latine et la langue punique, comment le mot salus, salut, se traduisait dans cette dernière langue. L’autre répondit qu’il se traduisait par le mot Tria, trois. Rempli de joie en apprenant que notre mot salut désignait la Sainte-Trinité, Valère pensa que ce rapport entre deux mots de langues différentes n’était pas un effet du hasard, mais une disposition secrète de la Providence divine : Dieu ayant voulu que les Carthaginois, lorsqu’ils entendent le mot latin salus, attachent à ce mot le sens de trois ; et réciproquement, que les Latins s’arrêtent au sens de salut, lorsqu’ils entendent les Carthaginois prononcer le mot Tria. Qu’est-ce donc que demandait cette Chananéenne, c’est-à-dire cette femme punique, lorsque sortie des confins de Tyr et de Sidon et représentant dans l’Évangile la Gentilité, elle demandait le salut de sa fille ; lorsque le Seigneur lui répondit : « Il n’est pas bien de jeter aux chiens le pain des enfants » et que sans repousser cette accusation, et comme pour obtenir par l’aveu de ses péchés le salut de sa fille, c’est-à-dire de sa vie nouvelle : « Il est vrai, Seigneur, reprit-elle ; mais aussi les chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres[33] ? » Comme dans la langue de cette femme le mot Tria, trois, se traduit par salus, salut, car elle était Chananéenne, et quand on demande à nos paysans ce qu’ils sont, ils répondent Chananens, mot qui est absolument le même que Chananéens, sauf une lettre retranchée, ce qui arrive souvent en pareil cas ; conséquemment cette femme, en demandant le salut, demandait la Trinité. Car la langue Romaine, dont le mot salus désigne en punique la Trinité, se trouvait comme à la tête des Gentils quand Notre-Seigneur vint sur la terre ; et nous avons dit que cette Chananéenne représentait la Gentilité. De plus en appelant pain ce que demandait cette femme, Notre-Seigneur rend un nouveau témoignage à la Trinité ; car il enseigne clairement, dans un autre, endroit, que cette même Trinité est désignée sous l’expression de trois pains. Cependant, que ce rapprochement de mots soit un effet du hasard, ou un dessein de la Providence, il ne faut pas vouloir opiniâtrement imposer à tous cette manière de l’entendre ; mais ne s’y attacher qu’autant que le bon vouloir de l’auditeur y voit une saillie d’esprit.

14. Péché contre le Saint-Esprit. — Voici une chose qui paraîtra sûrement digne de fixer toute l’attention de notre esprit et d’exciter tout le zèle de notre piété. Si l’Apôtre, voulant faire mémoire de chacune des trois personnes de la Sainte-Trinité, se sert des mots de grâce et de paix, absolument comme s’il nommait expressément le Saint-Esprit, il s’ensuit qu’on pèche contre le Saint-Esprit, quand, se laissant aller au désespoir, ou même tournant en dérision et méprisant formellement la prédication de la grâce qui efface nos péchés et celle de la paix qui nous tient réconciliés avec Dieu, on refuse de faire pénitence de ses péchés et qu’après avoir résolu en soi-même de continuer à en savourer la douceur impie et mortelle, on persévère jusqu’à la fin dans cet état. Or, le Seigneur enseigne que si on a dit une parole contre le Fils de l’homme, ce péché peut être remis ; mais si c’est contre le Saint-Esprit, on ne saurait en obtenir le pardon, ni maintenant ni dans le siècle à venir, parce qu’on est coupable d’un péché éternel. Il faut donc saisir avec soin le sens de cette pensée. Supposons que le nom du Saint-Esprit ayant été prononcé en présence d’une personne étrangère à la langue latine, cette personne demande quel est l’objet désigné par cette réunion de syllabes ; supposons encore que, par un mensonge ou une dérision impie, quelqu’un nomme un autre objet, objet vil et méprisable, quel qu’il soit, dans le but de tromper l’interrogateur, comme ces sortes d’hommes ont coutume de le faire, sous prétexte de s’égayer ; supposons enfin que, par suite de son ignorance, cette personne méprise ce mot dont elle ne connaît pas le sens et qu’elle prononce contre lui des paroles injurieuses : nul, je pense, ne sera assez étourdi ni assez inconsidéré pour accuser cette personne d’une faute même légère contre la piété. Si au contraire, sans exprimer le nom, on donne à l’interrogateur et en des termes appropriés à son intelligence, l’idée de l’objet même, de l’Esprit-Saint, et que le questionneur se laisse aller à des paroles ou à des actions injurieuses contre cette sainteté infinie, il sera regardé comme coupable. Cette supposition établie, il est manifeste, ce me semble, que la personne qui, ayant entendu le nom du Saint-Esprit, mais sans attacher à ce nom le sens qu’il a réellement, aurait prononcé une parole contre l’objet différent qu’elle croyait être désignée par ce nom, il est manifeste, dis-je, qu’on ne pourrait pas regarder son péché comme une parole dite contre le Saint-Esprit. De même, si on demandait ce que c’est que le Saint-Esprit et qu’un ignorant répondît que le Saint-Esprit est le Fils de Dieu, le Fils de Dieu par qui toutes choses ont été faites, qui est né d’une Vierge en temps convenable, qui a été mis à mort par les Juifs et qui est ressuscité ; et qu’alors, après avoir entendu cette réponse, on voulût nier ou tourner en dérision ce qui aurait été dit, on serait assurément coupable d’une parole prononcée non pas contre le Saint-Esprit, mais plutôt contre le Fils de Dieu ou contre le Fils de l’homme, puisqu’il a daigné en prendre le nom et la nature. En effet il ne faudrait pas alors considérer le nom même qui aurait été prononcé par cet ignorant, mais seulement l’idée qui aurait été exposée par lui ; car sans aucun doute en prononçant les paroles injurieuses, on outragerait uniquement celui qu’on aurait présent à l’esprit par suite de la réponse entendue, et dans ce cas toute la question serait de savoir si la chose elle-même, quelque nom qu’on lui ait donné, doit être respectée, ou niée, ou méprisée. D’après le même principe, si on demandait ce que c’est que Jésus-Christ, et que la réponse fit entendre des choses qui se rapportent non pas au Fils de bien, mais plutôt au Saint-Esprit ; si de plus, après cette réponse on prononçait des blasphèmes, on serait regardé comme ayant dit une parole non pas contre le Fils, mais contre le Saint-Esprit.

15. Est-il bien sans remède ? — Mais si nous lisons légèrement et sans attention le texte suivant : « Si quelqu’un a parlé contre le Saint-Esprit, cette parole ne lui sera remise ni en ce monde ni en l’autre[34] » pouvons-nous trouver un homme à qui Dieu ait accordé la rémission de ses péchés ? Car ceux qu’on nomme païens, ne pouvant plus employer les tortures et les supplices, poursuivent encore aujourd’hui de leurs paroles pleines d’injures et d’outrages tous les dogmes de notre Religion ; et chacune des vérités que nous enseignons sur la Sainte-Trinité elle-même, est par eux démentie et blasphémée avec mépris. Car ils n’exceptent pas le Saint-Esprit pour l’entourer de leurs respects, tandis qu’ils s’attaquent aux deux autres personnes ; ils poursuivent à la fois des cris furieux de leur impiété, autant du moins qu’ils en ont le pouvoir tout ce que nous disons avec une attention scrupuleuse, touchant la triple Majesté Divine. Ils n’ont pas, à l’égard de Dieu le Père lui-même, des pensées conformes à sa divinité suprême puisque, parmi eux, les uns nient absolument son existence ; les autres, tout en la reconnaissant, mêlent tant d’erreurs à cette croyance, que ce n’est plus à lui, mais à leurs propres inventions qu’ils rendent leurs hommages. À plus forte raison aiment-ils mieux, suivant leur coutume impie, tourner en dérision ce que nous disons du Fils de Dieu et du Saint-Esprit, que de s’unir à nous pour adorer l’un et l’autre avec piété. Et cependant, autant que nous le pouvons, nous les exhortons à apprendre à connaître Jésus-Christ et, par lui, à connaître Dieu le Père ; nous les portons avec ardeur à se déclarer soldats du Monarque suprême et véritable ; nous les invitons à recevoir la foi, en leur promettant le pardon de tous leurs péchés passés. Ainsi donc nous jugeons assez que, lors même qu’ils auraient dans leurs superstitions sacrilèges, dit des paroles contre le Saint-Esprit, ils en obtiendront indubitablement la rémission, quand ils seront devenus chrétiens. Il y a plus : saint Étienne, qui était rempli du Saint-Esprit lorsqu’il fut lapidé par les Juifs, témoigne combien ceux-ci étaient opposés au Saint-Esprit. D’ailleurs tout ce qu’il dit contre eux lui a été dicté par ce même Esprit, et il leur dit en termes très clairs : « Vous avez toujours résisté au Saint-Esprit[35]. » Cependant au nombre et pour ainsi dire dans les mains de ces Juifs qui résistaient au Saint-Esprit et qui lapidaient saint Étienne, son temple, précisément parce qu’il était rempli de ses dons, se trouvait l’apôtre saint Paul, qui gardait leurs vêtements ; et plus tard il s’adressait lui-même à ce sujet des reproches amers et en versant des larmes de repentir, lorsque rempli à son tour de ce même Esprit auquel il avait fait d’abord une résistance insensée, il était prêt à être lapidé pour soutenir ce qu’avait prêché sa victime. Que dire des Samaritains ? Ne sont-ils pas tellement opposés au Saint-Esprit, qu’ils font tout effort pour anéantir les prophéties qu’il a inspirées ? Et néanmoins Notre-Seigneur témoigne de la possibilité de leur salut, quand il parle, soit à ce lépreux guéri qui revint seul pour rendre grâces, quoiqu’il fût Samaritain[36] ; soit à cette femme qu’il rencontra sur le bord d’un puits à la sixième heure ; soit enfin aux habitants mêmes de Samarie qu’elle amena à la foi[37]. Après l’Ascension de Notre-Seigneur, avec quelle joie pour les saints, Samarie ne reçut-elle pas la parole de Dieu, ainsi qu’il est rapporté dans les Actes des Apôtres ? Et lorsque saint Pierre reprocha à Simon le magicien de s’être formé du Saint-Esprit une opinion si détestable et d’avoir demandé à l’acheter à prix d’argent, s’imaginant qu’il était une chose vénale, l’apôtre néanmoins ne désespéra point de lui jusqu’à lui ôter tout moyen d’obtenir son pardon ; il l’avertit même avec bonté de se repentir[38]. Enfin l’Église catholique elle-même dont l’autorité est d’un si grand poids, l’Église qui est devenue par le don du Saint-Esprit, la mère de tous les saints et qui nourrit tout l’univers du lait de sa doctrine, l’Église a-t-elle jamais ôté à aucun hérétique ou à aucun schismatique l’espoir de sa délivrance, s’il voulait rentrer dans la bonne voie ? À qui a-t-elle refusé le pouvoir d’apaiser là colère de Dieu ? Tous ceux qui l’ont abandonnée avec un orgueilleux mépris, ne les conjure-t-elle pas avec larmes de revenir dans ses bras ? Où trouver cependant parmi les hérétiques, soit un chef, soit une simple brebis ; qui ne soit pas opposée au Saint-Esprit ? Qui aurait l’esprit assez dépravé pour croire coupable celui qui dit une parole contre le Saint-Esprit et pour déclarer innocent celui qui agit sans cesse contre lui ? Or, qui combat contre lui aussi ouvertement que ceux qui, par leurs disputes orgueilleuses, s’attaquent avec tant de fureur à la paix de l’Église ? Mais en supposant qu’il ne soit ici question que de paroles proprement dites, qu’on veuille bien me dire s’ils n’en prononcent aucune contre le Saint-Esprit ? Les uns ne refusent-ils pas absolument' de reconnaître en lui aucune propriété personnelle ? Ne disent-ils pas que l’unité de Dieu est si absolue que les noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit s’appliquent à la même personne[39] ? Les autres avouent qu’il est le Saint-Esprit ; mais ils nient qu’il soit égal au Fils, ou même ils nient simplement qu’il soit Dieu[40] D’autres enseignent à la vérité qu’il n’y a dans la Sainte-Trinité qu’une seule et même nature, mais ils ont sur cette nature divine des sentiments si impies qu’ils la regardent comme sujette au changement et à la corruption ; ils ont même, à l’égard du Saint-Esprit, que Notre-Seigneur avait promis d’envoyer à ses disciples, imaginé de soutenir qu’il est venu, non pas cinquante jours après la résurrection de Jésus-Christ, comme il est dit dans les Actes des Apôtres[41], mais près de trois siècles plus tard et dans la personne d’un homme[42] ? D’autres nient pareillement que le Saint-Esprit soit venu le jour que nous croyons ; ils prétendent qu’il a choisi en Phrygie, des Prophètes dont il voulait faire si longtemps après ses organes[43]. D’autres anéantissent d’un souffle la vertu dès sacrements du Saint-Esprit et ils n’hésitent pas à baptiser de nouveau ceux qui ont été déjà baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit[44]. Mais, pour ne pas continuer une énumération qui serait sans fin, lorsque tous ceux dont je viens de dire quelques mots et dont je n’ai pas le loisir de parler plus longuement, reviennent à l’épouse de Jésus-Christ et qu’ils condamnent, avec un cœur vraiment repentant, leurs erreurs et leur impiété, aucune loi catholique ne déclare qu’il faut leur refuser la paix de l’Église et leur fermer les entrailles de la miséricorde.

16. Le péché commis contre le Saint-Esprit est-il le péché commis après le Baptême ? — On pensera peut-être qu’une parole est dite contre le Saint-Esprit, quand elle est prononcée par un homme qui a reçu dans le baptême la rémission de ses péchés. Mais il faut bien remarquer que, même dans ce cas, la sainte Église reçoit encore le pécheur repentant ; et qu’on ne croie pas que celui-ci ne peut pas alors obtenir son pardon, par la raison qu’ayant déjà reçu la grâce de la foi et les Sacrements des fidèles, il ne peut plus être regardé comme ayant péché par ignorance : car on voit qu’il y a une grande différence entre les deux motifs exprimés dans les paroles suivantes : Ne pas obtenir son pardon parce qu’on a péché à une époque où on n’était plus dans l’ignorance, et : Ne pas obtenir son pardon parce qu’on a dit une parole contre le Saint-Esprit. Car si l’ignorance seule mérite le pardon et que l’ignorance soit admise uniquement dans ceux qui n’ont pas encore été baptisés, on ne peut donc plus trouver un remède dans la pénitence, non seulement quand on a dit une parole contre le Saint-Esprit, mais aussi quand après avoir été baptisé on a parlé contre le Fils de l’homme, et toutes les fois qu’après le baptême on s’est rendu coupable de fornication, d’homicide, d’un crime honteux ou d’un attentat quelconque. Or, ceux qui ont suivi ce sentiment ont été exclus de la communion catholique ; on a jugé avec raison que cette cruauté même leur interdisait de participer à la miséricorde divine. D’autre part si l’on pense que le pardon n’est refusé aux paroles dites contre le Saint-Esprit qu’à l’égard des personnes baptisées, nous répondrons d’abord que Notre-Seigneur parlant sur ce sujet ; n’a fait aucune exception de temps, mais qu’il a dit en général : « Celui qui proférera une parole contre le Saint-Esprit, ne recevra son pardon ni dans le siècle présent, ni dans le siècle à venir. » Ensuite, Simon, dont j’ai parlé un peu plus haut, avait déjà reçu le baptême lorsqu’il pensa que le Saint-Esprit pouvait devenir l’objet du plus honteux trafic : et cependant saint Pierre, après l’avoir réprimandé, lui conseille de faire pénitence. Que dire maintenant de ceux qui, ayant reçu le sacrement de Baptême dans leur jeunesse ou dans leur plus tendre enfance, mais n’ayant ensuite reçu presqu’aucune éducation, mènent dans une profonde ignorance une vie ignoble, ne sachant pas le premier mot des préceptes ou des défenses, des promesses ou des menaces de la loi chrétienne, ne connaissant ni ce qu’il faut croire ; ni ce qu’il faut espérer, ni ce qu’il faut aimer ? Oserons-nous ne pas attribuer leurs péchés à l’ignorance, sous prétexte qu’ils ont été commis après le baptême, tandis qu’en réalité ces hommes, tout à fait ignorants et ne sachant pas du tout, comme on dit, où ils avaient la tête, étaient complètement égarés lorsqu’ils commettaient le péché ?

17. Le péché contre le Saint-Esprit n’est-il pas tout péché commis sciemment ? — Si l’on prétend que pécher sciemment, c’est pécher dans le temps où on connaît la malice de l’acte que l’on fait, sans que néanmoins on s’en abstienne ; pourquoi alors ce péché n’est-il pas déclaré irrémissible comme opposé à Notre-Seigneur, mais uniquement comme opposé au Saint-Esprit ? Dira-t-on que pour commettre un péché, ou pour dire une parole contre le Saint-Esprit, il suffit de commettre sciemment un péché quel qu’il soit ? Conséquemment, que tout péché commis dans l’ignorance, est un péché contre le Fils, tandis que tout péché commis par un homme instruit, est un péché contre le Saint-Esprit ? Mais, alors, je demanderai où est l’homme qui ignore, par exemple, que c’est un mal d’attenter à la pudeur d’une femme étrangère, ne fût-ce que par la raison, qu’il ne souffrirait pas cette injure dans la personne de sa propre femme ? Chacun ne sait-il pas que c’est un mal de faire tort à un homme dans un marché, de tromper le prochain par des fourberies mensongères, d’accabler celui-ci sous le poids d’un faux témoignage, de tendre des pièges à celui-là pour s’emparer de son bien, de donner la mort à qui que ce soit ? Enfin où est celui qui voyant qu’on lui fait une chose quelconque qu’il ne veut pas qui lui soit faite par autrui, ne sent pas aussitôt toutes les fibres de son cœur s’agiter pour accuser le malfaiteur ? Si l’on prétend que les hommes accomplissent ces actions sans en connaître la malice, où trouver un péché qu’ils semblent commettre avec la connaissance requise ? Si donc le péché contre le Saint-Esprit est proprement celui que l’on commet avec la connaissance de la malice qu’il renferme, il ne reste plus qu’à refuser la pénitence à tous les pécheurs dont je viens d’énumérer les crimes ; car Notre-Seigneur a interdit l’espoir du pardon à ceux qui pèchent contre le Saint-Esprit. Mais si au contraire la discipline chrétienne repousse cette conclusion, si l’Église ne cesse d’exhorter à changer de conduite tous ceux qui commettent ces crimes, il faut continuer nos recherches pour savoir en quoi consiste le péché contre le Saint Esprit, auquel tout pardon est refusé.

18. Est-ce le péché commis avec la connaissance de la volonté de Dieu ? — Mais peut-être ne doit-on pas dire que celui-là commet le péché avec la connaissance suffisante, qui sachant bien que son action peccamineuse est mauvaise, ne connaît cependant ni Dieu ni la volonté de Dieu, au moment où il accomplit cette action ? C’est en effet ce que l’Apôtre semble enseigner, quand il écrit aux Hébreux : « Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne nous reste plus désormais de sacrifice pour expier nos péchés[45]. » Ces paroles seraient moins remarquables, s’il avait dit seulement : « Si nous commettons le péché volontairement » sans ajouter : « Après que nous avons reçu la connaissance de la vérité : » connaissance qui certainement n’est pas autre que celle de Dieu et de la volonté divine. Or ce que l’Apôtre dit ici de cette connaissance de la vérité semble se rapporter à cette maxime de Notre-Seigneur : « Le serviteur qui, ignorant la volonté de son Maître, fait des choses dignes de châtiment, recevra peu de coups ; mais celui qui, connaissant la volonté de son maître, fait des choses dignes de châtiment, recevra un grand nombre de coups[46]. » Nous pouvons en effet entendre ces paroles : « Il recevra peu de coups » en ce sens qu’après une légère correction il obtiendra son pardon ; et nous pouvons regarder ces autres : « Il recevra un grand nombre de coups » comme désignant le châtiment éternel dont Notre-Seigneur menace ceux qui pèchent contre le Saint-Esprit, en leur déclarant qu’ils n’obtiendront jamais le pardon de leurs péchés ; d’où il suit que pour commettre un péché contre le Saint-Esprit il suffit de commettre un péché quelconque avec la connaissance de la volonté de Dieu. Mais s’il en est ainsi, il faut auparavant, examiner avec soin et déterminer à quel moment on connaît la volonté de Dieu. Plusieurs ont connu cette volonté même avant d’avoir reçu le sacrement de Baptême. Le centurion Corneille reçut certainement cette connaissance au moment où saint Pierre l’instruisait, et avant son baptême le Saint-Esprit descendit sur lui, ainsi que des signes manifestes le témoignèrent ; bien qu’au lieu de dédaigner ensuite ce sacrement, il le reçut pour plus de sûreté, afin de trouver aussitôt dans les signes saints et sacrés, dont la vertu était déjà produite en lui, une connaissance parfaite de la vérité[47] ; tandis que beaucoup d’autres au contraire après avoir reçu le baptême, ne se mettent pas en peine de connaître la volonté de Dieu. Conséquemment nous ne pouvons, en aucune manière, dire ni croire que ceux qui, avant leur baptême et avec la connaissance de la volonté divine, ont commis des péchés, ne recevront pas, lorsqu’ils seront baptisés, la rémission de toutes leurs fautes quelles qu’elles soient. D’autant plus que la volonté divine, par rapport à l’amour de Dieu et du prochain, est enseignée en quelques mots aux croyants, puisque la Loi tout entière et tous les Prophètes sont renfermés dans ces deux commandements[48]. Notre-Seigneur lui-même nous recommande d’aimer le prochain, c’est-à-dire d’aimer tous les hommes sans excepter même nos ennemis[49]. Et cependant nous voyons une multitude de chrétiens qui, après leur baptême, reconnaissent bien la vérité de ces préceptes, et les vénèrent comme sortis de la bouche du Seigneur ; mais dès qu’ils ont à souffrir de la part de quelque ennemi, le désir de la vengeance les emporte tellement, le feu de la haine s’allume en eux avec tant d’ardeur, que ni le nom ni les paroles mêmes de l’Évangile ne peuvent les apaiser. Toutes les Églises sont remplies d’hommes semblables qui ont reçu le Baptême. Et néanmoins ceux qui sont spirituels ne cessent de les avertir d’une manière fraternelle, de les exciter avec un zèle infatigable et dans un esprit de douceur[50], à s’opposer et à résister à ces sortes de tentations et à désirer plutôt de régner dans la paix de Jésus-Christ que de se réjouir à la vue d’un ennemi accablé. Or, cette manière d’agir serait vaine, s’il ne restait plus à de semblables pécheurs aucune espérance de pardon, si la pénitence n’avait plus de remède pour eux. Que d’ailleurs on prenne garde, en pensant autrement, d’affirmer que David, ce patriarche comblé d’éloges et de louanges par Dieu qui l’avait choisi lui-même, ne connaissait pas la volonté de Dieu, quand épris d’amour pour la femme d’autrui, il tendit un piège au mari de cette femme et le fit périr : car après s’être condamné lui-même et avoir été condamné pour ce crime de la bouche d’un prophète, il obtient sa délivrance par l’humilité de son repentir et la confession de son péché. Toutefois il fut puni sévèrement[51] ; et son exemple suffit pour nous faire comprendre que le Seigneur n’avait pas en vue les peines éternelles, mais qu’il parlait seulement d’une sévérité plus grande de la part de la loi, quand il disait : « Celui qui connaît la volonté de son Seigneur et qui fait des choses dignes de châtiment, recevra un grand nombre de coups. »

19. Quel est le sacrifice refusé, d’après saint Paul, à ceux qui pèchent avec la connaissance de la vérité ? — Aussi bien ceux qui examinent plus sérieusement ce passage de l’Épître aux Hébreux, n’entendent pas du sacrifice d’un cœur brisé par le repentir, ces paroles : « Il ne reste plus désormais de sacrifice pour expier les péchés » ils les entendent du sacrifice dont l’Apôtre parlait précisément en cet endroit, c’est-à-dire de l’holocauste de la passion de Notre-Seigneur, que chacun offre pour ses propres péchés, lorsqu’il est consacré au Seigneur par sa foi à la passion, et lorsqu’il reçoit dans les eaux du baptême le nom des fidèles chrétiens. De là il suit que ces paroles de saint Paul signifient que l’on ne peut plus être de nouveau purifié parle baptême quand on a commis le péché après avoir été déjà baptisé. Or, cette interprétation laisse place à la pénitence : quoique assurément nous reconnaissions que ceux qui n’ont pas encore reçu le baptême, ne sont pas encore par là même parvenus à une entière connaissance de la vérité. Par conséquent tous ceux qui possèdent la connaissance de la vérité, doivent nécessairement avoir été déjà baptisés. Mais tous ceux qui ont reçu le baptême n’ont pas reçu pour cela la connaissance de la vérité, soit parce qu’on a voulu faire avancer des catéchumènes venus ensuite, soit par suite d’une négligence malheureuse. Et néanmoins, ce sacrifice dont parlait Saint Paul, c’est-à-dire l’holocauste du Seigneur, qui est d’une certaine manière offert pour chaque homme en particulier au moment où il est marqué de son nom en recevant le baptême, ne peut plus être offert pour lui s’il lui arrive de pécher encore. Car une fois baptisé on ne peut recevoir un second baptême lors même qu’après le premier on aurait commis le péché par ignorance de la vérité. Conséquemment, puisque sans le baptême nul ne saurait être avec raison regardé comme connaissant la vérité il ne reste plus à tous ceux qui ont reçu cette connaissance, de sacrifice pour expier leurs péchés, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent plus être baptisés de nouveau. En même temps, ceux qui n’ont pas reçu l’enseignement nécessaire pour connaître la vérité, ne doivent pas pour cela croire que ce sacrifice puisse encore être offert pour eux si déjà cette offrande a eu lieu ; en d’autres termes, ceux qui ont reçu une première fois par le baptême le sacrement de la vérité, ne peuvent plus être baptisés de nouveau. Comme si nous disions : un homme n’est pas un quadrupède ; mais néanmoins tous les animaux qui ne sont pas hommes ne sont pas pour cela des quadrupèdes. Et en effet à l’égard de ceux qui ont déjà reçu le baptême, il est plus exact de dire qu’ils sont guéris par la pénitence, que de dire qu’ils reçoivent une vie nouvelle ; parce que le baptême seul donne cette vie. Il est vrai que la pénitence agit alors en eux, mais elle agit comme sur le fondement. Si longtemps donc que ce fondement demeure, l’édifice peut être réparé ; mais dès que l’on prétend renouveler ce fondement, il faut nécessairement détruire l’édifice tout entier. C’est pour cela que saint Paul, écrivant à ces Hébreux qui semblaient avoir quitté le Nouveau Testament pour retourner au sacerdoce de l’ancienne loi, leur disait : « Laissant donc l’enseignement élémentaire sur Jésus-Christ, portons nos regards vers ce qui est parfait, sans poser de nouveau le fondement de la pénitence des œuvres mortes, de la foi en Dieu, de la doctrine du baptême, de l’imposition de la main, de la résurrection même des morts et du jugement éternel[52]. » Si Saint Paul ne veut pas qu’on réitère ces dons, c’est qu’on les a reçus dans le baptême, c’est-à-dire dans la consécration des fidèles ; au lieu que s’il s’agit d’expliquer la parole de Dieu et d’enseigner sa doctrine, il faut répéter non pas une fois, mais un grand nombre de fois, et quand l’occasion le demande.

20. Est-ce un péché commis avec connaissance contre la personne même du Saint-Esprit ? — Mais ne pourrait-on pas dire encore : ce n’est pas quand on a commis un péché quelconque avec connaissance suffisante, mais bien quand avec la même connaissance on a commis un péché proprement dit contre le Saint-Esprit, qu’on doit être regardé comme ne pouvant plus obtenir de pardon ? Or, on peut à ce sujet demander si les Juifs savaient que Notre-Seigneur agissait par le Saint-Esprit, lorsqu’ils l’accusaient dans leurs blasphèmes de chasser les démons au nom du prince des démons[53] ? J’admire en effet comment ils pouvaient reconnaître en lui le Saint-Esprit, puisqu’ils ne savaient même pas que Notre-Seigneur fût le vrai Fils de Dieu ; car ils étaient alors dans cet aveuglement « dont une partie d’Israël reste frappée, jusqu’à ce que soit entré l’universalité des Gentils[54]. » Mais nous traiterons ce sujet en son lieu et avec plus d’opportunité, si le Seigneur nous en donne la grâce et le pouvoir. De plus, si le discernement des esprits doit être entendu en ce sens que chacun juge si c’est le Saint-Esprit ou l’esprit de mensonge qui agit dans chaque homme en particulier ; si d’autre part ce discernement est un don que le Saint-Esprit accorde aux fidèles à un certain moment déterminé, comme le même Apôtre le déclare en un autre endroit[55] : comment les Juifs infidèles pouvaient-ils, sans avoir reçu ce don, juger avec discernement si Notre-Seigneur agissait par le Saint-Esprit ? Et cependant ils ont mérité de justes châtiments quand ils ont donné des preuves tout à fait manifestes de leur haine contre lui, quand ils ont produit de faux témoins pour l’accuser[56], quand ils ont envoyé des espions pour le surprendre dans ses paroles[57], quand, après avoir entendu le récit des miracles redoutables qui avaient accompagné sa résurrection, ils se sont efforcés, en corrompant les gardes[58], de répandre des bruits mensongers, et de cacher la vérité ; enfin toutes les fois qu’ils ont donné des preuves de la malice et du venin de leur esprit, comme le récit évangélique le montre suffisamment.

21. Est-ce un blasphème contre les œuvres attribuées au Saint-Esprit ? — Ce qui précède semble donc nous faire entrevoir enfin que l’on pèche contre le Saint-Esprit quand on combat avec une malice formelle les œuvres accomplies par le Saint-Esprit. Car quoiqu’un homme ne sache pas si c’est le Saint-Esprit qui accomplit une œuvre qu’il déteste ; dès que cet homme est dans la disposition de ne pas vouloir que cette œuvre soit du Saint-Esprit, non point parce qu’elle est mauvaise, mais parce qu’elle est l’objet de sa haine, et parce que sa malice personnelle le rend ennemi de tout ce qui est bien, il doit être avec raison regardé comme coupable du péché contre le Saint-Esprit. Et cependant si quelqu’un de ceux à qui Notre-Seigneur reproche ce crime, vient à la foi de Jésus-Christ ; si après avoir dompté sa chair par les austérités de la pénitence il demande le salut avec larmes, comme plusieurs d’entre eux l’ont peut-être déjà fait ; qui donc, je le demande, aurait la cruauté de pousser ferveur jusqu’à nier que ce pécheur ait dû être admis au baptême de Jésus-Christ ou jusqu’à prétendre qu’il y a été admis en vain ? Celui qui, obéissant à un sentiment de haine, blasphème les œuvres de Dieu, doit être regardé comme ayant perdu tout espoir de pardon, puisqu’il résiste par une malice formelle aux biens, c’est-à-dire aux dons de Dieu : or, examinons si l’apôtre saint Paul n’a pas été lui-même un de ces hommes. Ses propres paroles vont nous répondre : « J’étais auparavant, dit-il, blasphémateur, persécuteur et outrageux ; mais j’ai obtenu miséricorde, parce que j’ai agi par ignorance dans l’incrédulité[59]. » Peut-être cependant n’a-t-il pas été coupable de ce grand crime, par la raison que l’envie ne régnait point dans son cœur ? Entendons-le nous dire en un autre endroit : « Nous étions nous-mêmes autrefois insensés et incrédules, livrés à l’erreur, esclaves des voluptés et des passions de toute sorte, vivant dans la malignité et l’envie, abominables, nous haïssant les uns les autres[60]. »

22. Le péché contre le Saint-Esprit est la persévérance dans le mal, accompagnée de désespoir — Si donc on ne refuse le baptême de Jésus-Christ ni aux païens, ni aux Juifs, ni aux hérétiques, ni aux schismatiques qui ne l’ont pas encore reçu, dès qu’ils entrent dans la voie du bien après avoir condamné leur vie passée ; quoiqu’ils aient été, avant leur participation au sacrement de Baptême, les ennemis du christianisme et de l’Église de Dieu et qu’ils aient ainsi résisté au Saint-Esprit par tous les moyens que leur suggérait leur propre malice ; si on accorde le secours de la miséricorde à ceux même qui reviennent au bien et qui demandent la paix de Dieu avec un cœur repentant, quand, après avoir été assez instruits dans la science de la vérité pour recevoir les sacrements, ils sont tombés ensuite et ont résisté au Saint-Esprit ; si enfin, parmi ceux mêmes à qui Notre-Seigneur reprochait le blasphème qu’ils avaient prononcé contre le Saint-Esprit, quelques-uns touchés de repentir ont eu recours à la grâce de Dieu, et ont sans aucun doute trouvé en elle la guérison de leurs maux que reste-t-il à conclure, sinon que le péché contre le Saint-Esprit, auquel Notre-Seigneur déclare que le pardon n’est accordé ni dans le siècle présent, ni dans le siècle à venir, doit être entendu uniquement de la persévérance dans la malice et la malignité, accompagnée du désespoir vis-à-vis de la clémence divine ? Car, c’est en cela précisément que consiste la résistance à la grâce et à la paix de Dieu, dont nous avons commencé à parler dans le présent opuscule. On peut conclure en effet de ce qui précède, que les Juifs eux-mêmes à qui Notre-Seigneur reprochait leur blasphème, n’ont pas perdu le pouvoir de sortir de leur état coupable et de faire une pénitence salutaire. Notre-Seigneur leur disait au moment même où il leur faisait ce reproche : « Ou rendez l’arbre bon et le fruit bon ; ou rendez l’arbre mauvais et le fruit mauvais[61]. » Or, ces paroles n’auraient absolument aucun sens, si par suite de leur blasphème il leur était impossible désormais de renoncer à leurs dispositions mauvaises pour entrer dans des dispositions meilleures ; s’ils ne pouvaient plus à l’avenir produire aucun fruit par de bonnes actions ; ou enfin s’ils produisaient inutilement ces fruits, sans pouvoir obtenir la rémission de leur péché.

23. Jésus veut qu’on espère toujours en lui — Ainsi donc, lorsque le Seigneur chassait les démons par l’Esprit de Dieu, lorsqu’il guérissait les autres maladies ou infirmités corporelles des hommes, il n’avait qu’un seul but : il voulait qu’on reçût avec foi cette parole : « Faites pénitence ; car le royaume des cieux est proche[62]. » La rémission des péchés étant une œuvre spirituelle, il préparait par des miracles la foi en cette rémission : nous en avons la preuve la plus frappante dans la personne du paralytique. Après avoir d’abord offert à celui-ci le bienfait corporel pour lequel il était venu lui-même, car le Fils de l’homme n’était point venu alors pour juger ce monde, mais pour le sauver[63] ; après avoir donc dit à ce paralytique : « Tes péchés te sont remis » entendant les murmures des Juifs qui s’indignaient de ce qu’il leur paraissait s’arroger injustement une si grande puissance : « Laquelle de ces deux choses est la plus facile, ajouta-t-il, de dire : Tes péchés te sont remis ; ou de dire : Lève-toi et marche ? Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir de remettre les péchés : Je te le commande, « dit-il au paralytique, lève-toi, emporte ton grabat et va dans ta maison[64]. » Il montrait assez par ce fait même et par ces paroles, que s’il accomplissait ces œuvres sur les corps, c’était afin d’amener les hommes à croire qu’il délivrait les âmes par la rémission des péchés ; en d’autres termes, il voulait par sa puissance visible inspirer la foi à sa puissance invisible. Il accomplissait donc par le Saint-Esprit toutes ces œuvres, dans le but d’accorder aux hommes la grâce et la paix : la grâce par la rémission de leurs péchés ; la paix par leur réconciliation avec Dieu[65], dont nos péchés seuls nous séparent. Mais les Juifs ayant dit alors qu’il chassait les démons par Béelzébuth, il voulut miséricordieusement les avertir de ne pas dire une parole, de ne pas prononcer un blasphème contre le Saint-Esprit[66], c’est-à-dire de ne pas résister à la grâce et à la paix de Dieu, que le Seigneur était venu donner par le Saint-Esprit. Non pas qu’ils eussent déjà commis des péchés qui ne pouvaient leur être pardonnés ni en ce monde ni en l’autre ; mais le Seigneur ne voulait pas que, désespérant d’obtenir leur pardon, ou présumant trop peut-être de leur propre justice, et par là même ne faisant point pénitence ou persévérant dans leurs péchés, ils ne se rendissent coupables de cette sorte de péché : car ils auraient dit une parole, c’est-à-dire un blasphème contre le Saint-Esprit ; par lequel le Sauveur accomplissait ces prodiges destinés à préparer l’effusion de la grâce et de la paix, si par leur persévérance dans le péché ils avaient résisté à cette grâce même et à cette paix. Aussi l’expression : dire une parole, ne semble pas devoir être ici entendue seulement de cette parole que produit notre langue, mais aussi de celle qui est d’abord conçue dans notre cœur, puis exprimée dans nos œuvres. En effet ; de même que ceux-là ne confessent pas Dieu ils le confessent seulement par le mouvement de leurs lèvres, et non point par leurs bonnes œuvres, car l’Apôtre dit de ces hommes. « Ils confessent qu’ils connaissent Dieu, mais ils le nient par leurs œuvres[67] » d’où on doit conclure que l’on peut évidemment dire une chose par des actions, comme il est ici manifeste qu’on peut la nier par ces mêmes actions : ainsi cette parole de l’Apôtre « Personne ne dit : Seigneur Jésus, si ce n’est par le Saint-Esprit[68] » ne peut être entendue dans son sens véritable, si on ne l’entend du langage des actions. Car il ne faut pas croire qu’ils prononçaient ces paroles par le Saint-Esprit, ceux à qui Notre-Seigneur disait lui-même : « Pourquoi me dites-vous, Seigneur, Seigneur, tandis que vous ne faites pas les choses que je vous commande[69] ? » et ailleurs : « Ceux qui me disent Seigneur, Seigneur, n’entreront pas dans le royaume des cieux[70]. » À l’exemple donc de ces confesseurs et de ces adorateurs hypocrites, ceux qui disent contre le Saint-Esprit cette parole que Notre-Seigneur veut nous montrer comme irrémissible, c’est-à-dire ceux qui désespérant de recevoir la grâce et la paix qu’il accorde gratuitement, se disent à eux-mêmes qu’ils doivent persévérer dans leurs péchés, doivent être regardés comme disant cette parole par leurs actions. Et si les premiers renient Notre-Seigneur par leurs œuvres, ceux-ci disent également par leurs œuvres qu’ils persévèrent dans leur vie mauvaise et dans leurs mœurs dépravées, et ils le font en effet, c’est-à-dire qu’ils y persévèrent. Et puisque telle est réellement leur conduite, qui pourra désormais apprendre avec surprise ou même sans le comprendre parfaitement, que d’une part Notre-Seigneur Jésus-Christ appelait les Juifs à la pénitence par cette menace, afin de pouvoir, lorsqu’ils croiraient en lui, leur accorder la grâce et la paix ; et que d’autre part, les Juifs ayant résisté à cette grâce et à cette paix et par là-même ayant dit une parole et un blasphème contre le Saint-Esprit, c’est-à-dire ayant persévéré dans leurs péchés par une opiniâtreté d’esprit désespérée et impie, et s’étant élevés avec orgueil contre Dieu, au lieu de faire une confession et une pénitence pleine d’humilité, ils ne puissent obtenir leur pardon ni dans le siècle présent ni dans le siècle à venir ? Si donc il en est ainsi, nous avons, à propos de la grâce et de la paix que nous recevons de Dieu le Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ, résolu avec le secours du ciel une question dont les difficultés égalent l’importance. Quant à ceux qui désirent encore avoir sur ce grave sujet des réflexions et un traité plus étendus, nous leur dirons que l’étude de l’Évangile et les paroles des Évangélistes peuvent les satisfaire, mais qu’ils se souviennent aussi que pour le moment nous avons entrepris une étude sur l’Épître de saint Paul aux Romains ; Épître dont nous continuerons, s’il plaît à Dieu, d’étudier la suite dans les livres suivants, après avoir enfin terminé ici le premier.

  1. 2Co. 5, 20
  2. Eph. 2, 20
  3. Rom. 1, 1
  4. Rom. 1, 1-2
  5. Virg. Egl. 4, 4.
  6. Act. 17, 28.
  7. Rom. 1, 3
  8. Mt. 22, 45
  9. Jn. 1, 3, 14
  10. Rom. 1, 4
  11. Col. 3, 1
  12. 2 Cor. 10, 2, 4
  13. Ps. 109, 1
  14. Col. 1, 18
  15. 1 Jn. 4, 19
  16. Rom. 1, 7
  17. Jn. 14, 27
  18. Is. 59, 1-2
  19. Héb. 12, 6
  20. 1 Pi. 4, 16-18
  21. 2 Thes. 1, 4-6
  22. Prov. 11, 31
  23. 1 Pi. 4, 6
  24. Jn. 16, 33
  25. 1 Tim. 1, 2
  26. 2 Pi. 1, 2
  27. 2 Pi. 1, 2
  28. 1 Jn. 1, 3
  29. 2 Jn. 1, 3
  30. 3 Jn. 1, 1
  31. Jude. 1, 1-2
  32. Jac.. 1,1
  33. Mt. 15, 22-27
  34. Mt. 12, 32
  35. Act. 8, 51
  36. Lc. 17, 15-16
  37. Jn. 4, 7-42
  38. Act. 8, 9-12
  39. Les Sabelliens.
  40. Les Ariens
  41. Act. 2, 1-4
  42. Les Manichéens
  43. Les Cataphrygiens
  44. Les Donatistes
  45. Héb. 10, 26
  46. Lc. 12, 47-48
  47. Act. 10,1 ssq
  48. Mat. 22, 37-40
  49. Id. 5, 44
  50. Gal. 6, 1
  51. 2Sa. 11-12
  52. Héb. 6, 1-2
  53. Mt. 9, 34
  54. Rom. 11, 25
  55. 1 Cor. 12, 10
  56. Mt. 26, 59-60
  57. Mt. 22, 15-17
  58. Mt. 28, 13
  59. 1 Tim. 1, 13
  60. Tit. 3, 3
  61. Mt. 12, 31-33
  62. Id. 3, 2
  63. Jn. 3, 17
  64. Marc 2, 31
  65. 2 Rét. ch. 25
  66. Mt. 12,22-33
  67. Tit. 1, 16
  68. 1 Cor. 12, 3
  69. Lc. 6, 46
  70. Mt. 7, 21