Traduction par Augustin Crampon.
Texte établi par Société de S. Jean l’Évangéliste, Desclée.


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2e ÉPÎTRE DE S. PIERRE.

ADRESSE.

[I, 1 — 2.]



Simon Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui avec nous ont reçu le précieux don de la foi dans la justice de notre Dieu et du Sauveur Jésus-Christ :[1] 2que la grâce et la paix croissent en vous de plus en plus par la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ Notre-Seigneur !

I. — LA PRATIQUE DES VERTUS CHRÉTIENNES.


1. Chap. i, 3-15. : Premier motif de ferveur : la magnificence du Christ dans les dons qu’il nous a faits. — Enoncé de ces dons et enchaînement des vertus (3-7) ; nécessité de les pratiquer (8-11). Pourquoi il leur écrit (12-15).

3Puisque sa divine puissance nous a accordé tous les dons qui regardent la vie et la piété, en nous faisant connaître celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu,[2] 4et qui par elles nous a mis en possession de si grandes et si précieuses promesses, afin de vous rendre ainsi participants de la nature divine, en vous soustrayant à la corruption de la convoitise qui règne dans le monde.[3] 5À cause de cela même, apportez de votre côté tous vos soins pour unir à votre foi la vertu, à la vertu le discernement, 6au discernement la tempérance, à la tempérance la patience, à la patience la piété, 7à la piété l’amour fraternel, à l’amour fraternel la charité. 8Si ces vertus sont en vous et y abondent, elles ne vous laisseront ni oisifs ni stériles pour la connaissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 9Car celui à qui elles font défaut est un homme qui a la vue courte, un aveugle ; il a oublié la façon dont il a été purifié de ses anciens péchés. 10C’est pourquoi, mes frères, appliquez-vous d’autant plus à assurer par vos bonnes œuvres votre vocation et votre élection ; car, en agissant ainsi, vous ne ferez jamais de faux pas.[4] 11Et ainsi vous sera largement donnée l’entrée dans le royaume de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. 12Voilà pourquoi j’aurai à cœur de vous rappeler constamment ces choses, bien que vous les connaissiez et que vous soyez affermis dans la vérité présente. 13Je crois de mon devoir, aussi longtemps que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par mes avertissements ; 14car je sais que je la quitterai bientôt, ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ me l’a fait connaître. 15Je veux aussi faire en sorte que vous puissiez toujours, après mon départ, vous remettre ces choses en mémoire.

2. Chap. i, 16-21. : Deuxième motif de ferveur : la certitude du retour glorieux de Jésus-Christ. — Elle est garantie par sa transfiguration miraculeuse dont Pierre a été le témoin oculaire (16-18), et par les prophéties de l’Ancien Testament, puissamment confirmées par cet événement (19-21).

16Ce n’est pas, en effet, sur la foi de fables ingénieusement imaginées que nous vous avons fait connaître la puissance et l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, mais en témoins oculaires de sa majesté. 17En effet, il reçut honneur et gloire de Dieu le Père, lorsque de la gloire magnifique[5] une voix se fit entendre qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances. » 18Et nous, nous entendîmes cette voix venue du ciel, lorsque nous étions avec lui sur la montagne sainte. 19Et ainsi a été confirmée pour nous l’Écriture prophétique, à laquelle vous faites bien de prêter attention, comme à une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour vienne à poindre et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs. 20Mais sachez avant tout qu’aucune prophétie de l’Écriture ne procède d’une interprétation propre,[6] 21car ce n’est pas par une volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée, mais c’est poussés[7] par l’Esprit-Saint que les saints hommes de Dieu ont parlé.

II. — LES FAUX DOCTEURS ET LE DEUXIÈME AVÈNEMENT DE JÉSUS-CHRIST.

[II, 1 — III, 17.]



1. Chap. ii : Les faux docteurs. — a) Le fait : il y en aura (1-3) ; mais ils n’échapperont point au juste châtiment de Dieu (4-10). — b) Leurs mœurs (10-22).

Or, comme parmi le peuple il y eut aussi de faux prophètes, de même il y aura parmi vous de faux docteurs, qui introduiront sourdement des sectes pernicieuses, et qui, reniant le Seigneur qui les a rachetés, attireront sur eux une prompte ruine. 2Plusieurs les suivront dans leurs désordres, et ils exposeront la doctrine de la vérité à être calomniée. 3Par cupidité, ils trafiqueront de vous avec des paroles artificieuses ; mais leur condamnation depuis longtemps ne se repose point, et leur ruine ne s’endort point. 4Si Dieu, en effet, n’a pas épargné les anges qui avaient péché, mais les a précipités dans l’enfer[8] et les a livrés aux abîmes des ténèbres, où il les garde pour le jugement ; 5s’il n’a pas épargné l’ancien monde, mais en préservant Noé, lui huitième, comme prédicateur de la justice, lorsqu’il fit venir le déluge sur un monde d’impies ; 6s’il a condamné à une totale destruction et réduit en cendres les villes de Sodome et de Gomorrhe, pour servir d’exemple aux impies à venir, 7et s’il a délivré le juste Lot, affligé de la conduite de ces scélérats

8(car, à cause de ce qu’il voyait et de ce qu’il entendait, ce juste, continuant à habiter au milieu d’eux, avait chaque jour son âme vertueuse tourmentée de leurs œuvres iniques) : — 9c’est que le Seigneur sait délivrer de l’épreuve les hommes pieux, et réserver les méchants pour être punis au jour du jugement, 10mais surtout ceux qui s’abandonnent aux impures convoitises de la chair, et méprisent la souveraineté. Audacieux et arrogants, ils ne craignent pas de blasphémer les gloires,[9] 11quand des anges, supérieurs en force et en puissance, ne portent pas [devant le Seigneur], de jugement injurieux contre elles. 12Mais eux, semblables à des animaux stupides, destinés par leur nature à être pris et à périr, ils se répandent en injures contre ce qu’ils ignorent, et ils périront aussi par leur propre corruption : 13ce sera le salaire de leur iniquité. Leur félicité est de passer chaque jour dans les délices ; ils ne sont que tache, et que honte, ils se font un plaisir de vous tromper, en faisant bonne chère avec vous. 14Ils ont les yeux pleins d’adultère, insatiables de péché ; ils prennent à leurs amorces les âmes inconstantes ; ils ont le cœur exercé à la cupidité : ce sont des enfants de malédiction.[10] 15Ils ont quitté le droit chemin, et se sont égarés en suivant la voie de Balaam, fils de Bosor, qui aima le salaire de l’iniquité,[11] 16mais qui fut repris de sa désobéissance : une bête de somme, muette, faisant entendre une voix humaine, réprima la folie du prophète. 17Ce sont des fontaines sans eau, des nuées agitées par un tourbillon : la profondeur des ténèbres leur est réservée. 18Avec leurs théories pompeuses et vides, ils attirent dans les convoitises de la chair, dans le libertinage, ceux qui s’étaient à peine retirés des hommes nourris dans l’erreur. 19Ils leur promettent la liberté, quand eux-mêmes sont esclaves de la corruption ; car on est esclave de celui par qui on s’est laissé vaincre. 20Car si ceux qui, par la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, s’étaient retirés de la corruption du monde, se laissent vaincre en s’y engageant de nouveau, leur dernier état devient pire que le premier. 21En effet mieux valait pour eux n’avoir pas connu la voie de la justice, que de retourner en arrière, après l’avoir connue, en abandonnant la loi sainte qui leur avait été enseignée. 22Il leur est arrivé ce que dit un proverbe avec beaucoup de vérité : « Le chien est retourné à son propre vomissement » et : « La truie lavée s’est vautrée dans le bourbier. »

2. Chap, iii, 1-17. : Le deuxième avènement de Jésus-Christ. — L’enseignement des Prophètes et des Apôtres à ce sujet (1-2). La négation railleuse des faux docteurs (3-4). Les raisons de la longanimité de Dieu (5-10). Obligation qui en résulte pour nous de vivre saintement (11-16).

Mes bien-aimés, voici déjà la seconde lettre que je vous écris : dans l’une et dans l’autre, je m’adresse à vos souvenirs, pour exciter votre saine intelligence 2à se rappeler les choses annoncées d’avance par les saints prophètes, et le commandement du Seigneur et Sauveur, enseigné par vos apôtres.[12] 3Sachez avant tout que, dans les derniers temps, il viendra des moqueurs pleins de raillerie, vivant au gré de leurs convoitises, 4et disant : « Où est la promesse de son avènement ? Car depuis que nos pères sont morts, tout continue à subsister comme depuis le commencement de la création ». 5Ils veulent ignorer que, dès l’origine, des cieux existaient, ainsi qu’une terre que la parole de Dieu avait fait surgir du sein de l’eau, au moyen de l’eau, 6et que par là même le monde d’alors périt submergé. 7Quant aux cieux et à la terre d’à présent, la même parole de Dieu les tient en réserve et les garde pour le feu, au jour du jugement et de la ruine des hommes impies. 8Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas ignorer, c’est que, pour le Seigneur, un jour est comme mille ans, « et mille ans sont comme un jour ».[13] 9Non, le Seigneur ne retarde pas l’accomplissement de sa promesse, comme quelques-uns se l’imaginent ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu’aucun périsse, mais que tous viennent à la pénitence. 10Cependant le jour du Seigneur viendra comme un voleur ; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre sera consumée avec les ouvrages qu’elle renferme. 11Puis donc que toutes choses sont destinées à se dissoudre, quelles ne doivent pas être la sainteté de votre conduite et votre piété, 12attendant et hâtant l’avènement du jour de Dieu, auquel les cieux enflammés se dissoudront, et les éléments embrasés se fondront ? 13Mais nous attendons, selon sa promesse, « de nouveaux cieux et une nouvelle terre », où la justice habite.[14] 14Dans cette attente, bien-aimés, faites tous vos efforts afin d’être trouvés par lui sans tache et irréprochables dans la paix. 15Croyez que la longue patience de Notre-Seigneur est pour votre salut, ainsi que Paul, notre bien-aimé frère, vous l’a aussi écrit[15], selon la sagesse qui lui a été donnée. 16C’est ce qu’il fait dans toutes les lettres où il aborde ces sujets ; il s’y rencontre des passages difficiles à entendre, et que des personnes ignorantes et mal affermies détournent, comme elles font des autres Écritures, pour leur perdition.

ÉPILOGUE.

[III, 17 — 18.]


17Vous donc, bien-aimés, qui êtes prévenus, tenez-vous sur vos gardes, de peur qu’entraînés par l’égarement de ces impies, vous ne veniez à déchoir de votre propre fermeté. 18Mais croissez dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. À lui soit la gloire, maintenant et jusqu’au jour de l’éternité ! Amen !

  1. I, 1. Simon, on selon la meilleure leçon, Siméon : le premier est la forme hellénique, le second la forme hébraïque (voyez Act. xv, 14).
  2. Les versets 3 et 4 offrent dans la Vulgate de légères différences : « Comme tout ce qui est de sa divine puissance par rapport à la vie et à la piété, nous a été donné par la connaissance de celui (J.‑C.) qui nous a appelés par sa propre gloire et sa propre vertu, et par qui il a accompli les grandes et précieuses promesses… en fuyant la corruption de la concupiscence qui est dans le monde. »
  3. 4. Ἀποφυγόντες, ayant échappé à la corruption, vous étant mis hors de ses atteintes par la fuite. Comp. I Jean, ii, 16.
  4. 10. Les mots : par vos bonnes œuvres ne se lisent pas dans plusieurs manuscrits grecs, mais ils se trouvent dans le codex Alex., dans le Sinaïtique et dans plusieurs cursifs.
  5. 17. La gloire magnifique : la nuée glorieuse de la transfiguration (Matth. xvii, 5). D’après d’autres, périphrase pour dire : Dieu. — Après complaisances, la Vulgate ajoute : Écoutez-le, d’après Matth. xvii, 5.
  6. 20. D’une interprétation propre. Ce n’est pas de la pensée humaine et personnelle du prophète que vient la prophétie de l’Écriture ; car c’est poussés par le Saint-Esprit, etc. — Le sens n’est donc pas : n’est pas affaire d’interprétation privée par opposition à l’interprétation officielle et authentique de l’Église. Il ne s’agit pas ici (cf. vers. 21) du magistère chargé d’expliquer les prophéties.
  7. 21. Poussés par le souffle du divin Esprit. Vulg. inspirés. — De la part de Dieu ; Vulg. que des saints hommes de Dieu ont parlé, ici prophétisé (Hébr. i, 1).
  8. II, 4. L’enfer litt. le Tartare, équivalent grec de la Gehenna. Aux abîmes (en gr. σιροῖς ou συροῖς) ; d’après une autre leçon suivie par la Vulgate, aux liens (en grec συραῖς), les ténèbres étant considérées comme une prison.
  9. 10-11. La souveraineté de J.-C. D’autres l’autorité en général. — Les gloires : le contexte suivant montre qu’il s’agit des mauvais anges. Comp. Jud. 8. — Devant le Seigneur manque dans plusieurs manuscrits comme dans la Vulgate. — Contre elles c’est-à-dire les gloires, la souveraineté ; Vulgate et quelques manuscrits adversum se, les uns contre les autres.
  10. 14. Quelques-uns traduisent : pleins de la femme adultère. Mais le mot grec signifie aussi : crime d’adultère.
  11. 15. Nombr. xxii, 17, 22 ; Deut. xxiii, 3-5.
  12. III, 2. La leçon ὑμῶν suivie par la Vulgate, est celle des meilleurs manuscrits grecs ; un petit nombre seulement de cursifs lisent ἡμῶν. Toutefois, la Vulgate contrairement au texte grec joint : Apostolorum au premier substantif principal verborum : Afin que vous vous souveniez des paroles que j’ai déjà dites, paroles des saints prophètes et de celles de vos apôtres, des commandements du Seigneur et Sauveur.
  13. 8. Comp. Ps. xc (89) 4.
  14. 13. Is. lxv. 17. Comp. Apoc. xxi, 1.
  15. 15. Écrit : allusion à une lettre spéciale de S. Paul, peut-être l’épître aux Éphésiens.