CHAPITRE IX
DIFFRACTION DES ONDES CONVERGENTES
123. Ondes cylindriques. — Soit une onde cylindrique,
ayant pour axe si les vibrations sont parallèles à
et la condition de transversalité devient
ne dépend donc que de
Posons
deviendra une fonction de
L’équation
(1)
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à laquelle doit satisfaire prend en fonction de la
forme :
(2)
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est une fonction périodique de et peut être développé
suivant la formule de Fourier :
étant des fonctions de
Substituons à cette valeur dans (2).
Le premier membre de (2) doit être identiquement nul : les
coefficients de et de doivent être nuls identiquement :
satisfait donc à l’équation différentielle :
(3)
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Faisons
(4)
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doit rester fini pour Les seules solutions de
l’équation (4) qui restent finies pour sont de la forme
étant une constante et la fonction de Bessel :
Pour avoir il suffit de changer en
De même :
Substituons ces valeurs de et de dans il vient ;
124. Nous allons appliquer cette formule à l’étude des
phénomènes qui se passent au voisinage d’une ligne focale.
Fig. 29.
Soient un miroir en forme de cylindre parabolique (fig. 29),
la parabole de base ; nous supposerons que les extrémités
et sont également distantes de le plan mené par l’axe de la parabole parallèlement aux génératrices du
cylindre sera un plan de symétrie.
Une onde plane tombe sur ce cylindre : les plans d’onde
sont perpendiculaires à l’axe D’après la théorie géométrique
de la réflexion, les rayons réfléchis passent par le foyer
et les ondes réfléchies passent par la ligne focale, menée
en parallèlement aux génératrices du cylindre. Les rayons
formeraient donc un faisceau limité par les plans parallèles
aux génératrices, dont les traces sur le plan de la figure
sont et
Prenons la ligne focale comme axe des comme plan
des le plan contenant cet axe et l’axe de la parabole :
ce sera le plan de symétrie. Posons ensuite :
Supposons que la vibration soit parallèle à nous pourrons
écrire :
doit vérifier l’équation
Nous avons trouvé que devait alors être de la forme[1] :
ne dépendent pas de
et de mais sont fonctions de
Le plan des étant un plan de symétrie, ne change pas
quand on remplace par les termes qui contiennent les
sinus doivent donc être nuls, et l’expression de se réduire à :
Si devient très grand, nous pourrons calculer une valeur
asymptotique de Nous avons donné déjà (85) une formule
asymptotique pour
D’autre part, les fonctions sont liées par la relation de
récurrence :
ou
quand devient très grand, le second membre tend vers et
approximativement :
d’où :
Pour calculer nous ferons usage de la relation
d’où nous tirerons :
En effet différencions :
.
Le second terme contenant en dénominateur est négligeable,
et il reste
D’une manière générale, nous aurons quel que soit
Posons pour abréger :
et
et pour très grand, nous aurons :
ce que j’écrirai :
(1)
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avec
Remarquons que les coefficients et par conséquent et
dépendent du temps. ne contient que des multiples pairs
de et ne change pas quand on remplace par
Au contraire qui ne renferme que des multiples impairs
de change de signe quand se change en
125. Cette expression donne la valeur de quand on s’écarte
beaucoup du foyer. Mais à une grande distance du foyer, il
n’y aura pas de diffraction sensible ; nous pourrons donc
admettre que l’amplitude qui est en raison inverse de est
égale à à l’intérieur du faisceau et à à l’extérieur. Il convient
d’observer de plus que l’onde est convergente en-deçà
du foyer et divergente au-delà.
Soit la demi-ouverture du miroir.
Pour les valeurs de comprises entre et l’onde est convergente, d’où :
Pour compris entre et on est en dehors du
faisceau et il n’y a pas de lumière :
Pour compris entre et l’onde est divergente et
l’on a :
En comparant cette expression de à l’expression (1) et
identifiant les coefficients de et de nous trouverons :
Ces fonctions et sont donc définies entre et et par
conséquent entre et Il suffit pour étendre la définition
à ce second intervalle de changer en ce qui
modifie le signe de sans changer celui de
La formule de Fourier permet alors de calculer les coefficients
on trouve :
126. Revenons à présent à la valeur exacte de dans le
plan des qui est le plan mené par la ligne focale perpendiculairement
à l’axe l’expression asymptotique de
serait nulle.
Pour ce plan focal, et par suite :
Donc :
Pour achever le calcul nous allons nous servir de l’expression
de sous forme d’intégrale définie suivant les
sinus et cosinus des multiples de On sait que :
En développant par la formule de Fourier et
comparant, il vient :
Substituons ces valeurs dans l’expression de
Comme l’intégrale est définie et que les limites sont des constantes numériques nous pouvons changer en
et écrire :
et ne changent pas quand on remplace
par donc :
(3)
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|
Or, nous avons trouvé :
Par conséquent, dans le plan focal, s’exprime donc par
l’intégrale :
analogue aux intégrales de Fresnel.
Il est à remarquer que la même méthode est applicable
sans aucun changement si l’intensité du faisceau convergent
au lieu d’être indépendante de dans toute l’étendue de ce
faisceau et nulle à l’extérieur du faisceau comme nous
l’avons supposé, variait suivant une loi tout à fait quelconque.
La formule (3) serait encore vraie.
127. Ondes sphériques. — Soit une onde sphérique qui
de convergente devient divergente.
Prenons le foyer comme origine des coordonnées polaires
définies par :
Nous voulons trouver une fonction de qui vérifie
l’équation :
(1)
|
|
|
À cet effet il est nécessaire de donner la définition des
fonctions sphériques et quelques-unes de leurs propriétés.
On appelle fonction sphérique d’ordre une fonction
de et de qui multipliée par donne un polynôme
homogène de degré en et satisfaisant à l’équation
Une fonction quelconque de peut se mettre sous
la forme :
dépendant seulement de
Écrivons que vérifie l’équation (1) :
Le second terme est nul, en effet :
Mais d’après le théorème des fonctions homogènes le facteur
entre est nul : car est une fonction homogène de
degré de puisque et sont de degré en
et que ne dépend pas de
Donc :
D’après la définition des fonctions sphériques :
(2)
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Si ne dépend que de
Appliquons cette formule à
Remplaçons par sa valeur dans (2) :
(3)
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|
Tirons de cette équation la valeur de et portons-la
dans il vient :
(4)
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L’équation (1) peut alors se mettre sous la forme :
(5)
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Le premier membre doit être nul identiquement, ce qui
exige que le terme général soit nul. La fonction doit donc
vérifier l’équation différentielle :
(6)
|
|
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La seule solution de cette équation qui reste finie pour
est un polynôme entier en et
Posons :
Cette expression est une fonction de c’est un polynôme
entier en et
par suite en et
c’est la solution cherchée.
On vérifie d’ailleurs aisément que l’on a :
Donc
ne dépendant que du temps et
Les fonctions sphériques contiennent, comme cas particuliers,
les polynômes de Legendre.
Pour déterminer on pourrait procéder comme dans le
cas précédent.
Lorsque est très grand, le premier terme de contenant
est seul sensible et la valeur asymptotique de
s’exprime par :
Pour très grand nous aurons donc :
ce que je puis écrire :
avec
Mais en un point très éloigné du foyer nous pouvons regarder
la lumière observée comme constituée par la superposition
d’un faisceau convergent et d’un faisceau divergent.
Soit alors :
l’équation du faisceau convergent. La fonction peut
être regardée comme une des données de la question. Soit :
celle du faisceau divergent. Nous devons avoir :
ou en identifiant :
Quand on passe d’une direction à la direction diamétralement
opposée, c’est-à-dire quand on change en et
en qui ne contient que des fonctions sphériques
d’ordre pair ne changera pas, et qui ne contient que des
fonctions sphériques d’ordre impair changera de signe. On
peut en conclure que :
On remarquera le changement de signe impliqué par cette
formule ; c’est une confirmation des résultats des § 107 et
suivants.
Connaissant et on en déduira sans peine et
et par conséquent les coefficients La connaissance de ces
coefficients permettrait d’étudier les phénomènes d’interférence au
voisinage du foyer. On n’arriverait pas toutefois à une formule
relativement simple et élégante, comme celle que nous
avons obtenue dans le cas des ondes cylindriques.
128. Polarisation par diffraction. — On a attribué à cette
question de la polarisation par diffraction une très grande
importance, on espérait arriver par l’étude de ces phénomènes
à décider entre la théorie de Fresnel et la théorie de Neumann, c’est-à-dire à décider si le plan de polarisation est
perpendiculaire ou parallèle à la direction de la vibration.
Par une application inexacte du principe de Huyghens, on
avait obtenu des résultats qui ne furent pas confirmés par
l’expérience, et les espérances qu’on avait conçues ne se justifièrent
point.
Voici à peu près comment on raisonnait pour appliquer le
principe de Huyghens.
Supposons un écran plan : prenons le plan de cet écran
Fig. 30.
comme plan des soient dans cet écran une ou plusieurs
fentes parallèles à l’axe des et indéfinies (c’est le cas d’un
réseau). Sur cet écran tombe une onde plane parallèle au
plan des c’est-à-dire un faisceau de rayons parallèles
à Soit un de ces rayons : par suite de la diffraction
nous aurons de l’autre côté de l’écran des rayons déviés dans
différentes directions, mais tous parallèles au plan des
Nous appellerons ce plan des plan de diffraction (fig. 30).
Considérons un de ces rayons diffractés Deux cas sont
à distinguer :
1o Supposons la vibration incidente parallèle à c’est-à-dire
perpendiculaire au plan de diffraction par raison de
symétrie ; sur le rayon diffracté, la vibration en un point
sera encore parallèle à dirigée par exemple suivant
seulement l’amplitude sera différente, elle sera diminuée
dans un certain rapport ;
2o Si la vibration incidente est parallèle à c’est-à-dire
parallèle au plan de diffraction, on ne peut pas admettre
qu’en la vibration soit encore parallèle à puisqu’elle
ne serait plus perpendiculaire au rayon
Décomposons la vibration incidente en deux autres :
l’une dirigée suivant le rayon l’autre
perpendiculaire à La vibration étant longitudinale ne sera
pas transmise par l’éther ; seule la seconde sera transmise et
en nous aurons une vibration telle que perpendiculaire
à dans le plan de diffraction. En appliquant les formules
de Fresnel on trouve que :
Le triangle est donc rectangle et semblable au
triangle
Si la vibration n’est parallèle ni à ni à on la
décomposera en deux autres et respectivement dirigées
suivant ces axes.
Au point donnera une vibration parallèle à
et une vibration parallèle à La résultante de ces deux vibrations est DM, et il est facile de voir que :
ou
en appelant l’angle
Donc
ou
L’angle de la vibration avec diminue donc par le fait
de la diffraction.
Si nous adoptons la théorie de Fresnel, le plan de polarisation
est perpendiculaire à la vibration, la diffraction rapproche
donc le plan de polarisation du plan de diffraction.
Dans la théorie de Neumann au contraire, le plan de polarisation
étant parallèle à la vibration s’éloigne du plan de
diffraction.
129. Cette opinion est encore assez répandue malgré les
difficultés qu’ont rencontrées les expériences.
On admet que les théories de la réflexion et de la réfraction
ne peuvent trancher la question, parce qu’elles nécessitent la
connaissance des conditions aux limites, tandis que dans la
diffraction il suffit d’appliquer le principe de Huyghens,
sans que les conditions aux limites interviennent.
Cette opinion partagée par Stokes et Holtzmann ne peut se
soutenir, comme nous allons le voir.
Rappelons en effet quel est l’énoncé exact du principe de
Huyghens.
étant une fonction quelconque qui vérifie l’équation fondamentale
et peut représenter une composante de la vibration :
d’après les notations que nous avons adoptées. Cette relation
a été démontrée rigoureusement en s’appuyant seulement
sur l’équation fondamentale.
Si nous employons le langage de la théorie électromagnétique,
seront les composantes de la force électrique,
celles de la force magnétique, et ces six fonctions
vérifient l’équation fondamentale. Le théorème s’applique donc à
ces six fonctions :
Pour faire usage de ces formules nous avons supposé que
sur la surface dont une portion est occupée par l’écran, les
valeurs de et de sont celles que donne la théorie géométrique des ombres : mais ce n’est là qu’une approximation,
puisqu’en réalité, au voisinage de l’écran, se produisent des
franges très fines, qui dépendent des conditions aux limites
(cf. § 104), Pour voir si cette approximation est toujours légitime,
voyons quelles en sont les conséquences, et pour cela
appliquons ces formules à la polarisation par diffraction.
Si d’abord le plan de polarisation est parallèle au plan de
diffraction, c’est-à-dire perpendiculaire aux fentes du réseau,
la force électrique est parallèle à et comme un plan
perpendiculaire à est un plan de symétrie de la figure :
la force électrique sera partout parallèle à Ox.
Si le plan de polarisation est perpendiculaire au plan de
diffraction, la force magnétique parallèle au plan de polarisation
sera parallèle à dans les rayons incidents ; par
raison de symétrie, il en sera de même dans les rayons diffractés et
Dans le premier cas on peut appliquer la formule à dans
le second cas à en supposant que
ont même
valeur que dans la théorie géométrique des ombres, ce qui
nous donnera une valeur approchée de et de
Dans le premier cas, la connaissance de nous permettra
de calculer facilement et de même dans le deuxième
cas, connaissant nous pourrons calculer par les relations :
qui ici se simplifient : en effet par raison de symétrie
et comme il reste seulement
(1)
|
|
|
130. Mais il peut sembler tout aussi légitime d’appliquer les
mêmes procédés de calcul à la force magnétique dans le premier
cas, ou à la force électrique dans le deuxième cas. Il est
aisé de voir qu’on arrivera ainsi à des résultats tout à fait
différents.
Plaçons-nous en effet dans le deuxième cas et appliquons
le principe de Huyghens à la force électrique, il viendra :
Si l’on suppose que et
aient même valeur que
dans la théorie géométrique des ombres, et
devraient être nuls en tous les points de la surface et par conséquent
devrait être nul dans tout l’espace.
Or ce résultat est incompatible avec les équations (1).
ne peut être nul, puisque est fonction de d’ailleurs,
s’il était nul, la condition de transversalité ne serait plus
satisfaite.
On peut encore s’en rendre compte d’une manière un peu
différente.
Dans le plan de l’écran, nous devons avoir comme partout :
ou comme
Or n’est pas nul ; en effet, si était nul, on
aurait ce qui est impossible puisque est nul sur les
parties non éclairées ; il faut donc aussi que
131. Nous avons fait une hypothèse, à savoir que la théorie
géométrique des ombres est applicable dans le plan de
l’écran. D’après ce qui précède, cette hypothèse ne peut
être légitime à la fois pour la force électrique et pour la
force magnétique. Il n’y a aucune raison de supposer,
comme on le fait d’ordinaire, qu’elle soit plus approchée
pour l’un de ces deux vecteurs que pour l’autre, et encore
bien moins que ce soit précisément pour celui des deux qui,
dans la théorie élastique, représente en grandeur et direction
la vibration des molécules d’éther.
Précédemment nous avions le droit de négliger les franges
voisines de l’écran (cf. § 104) parce que ces franges étaient très
fines vis-à-vis des franges situées à distance finie. Mais, quand
il s’agit de la polarisation, deux cas peuvent se présenter : la
déviation est très petite, ou elle a une valeur finie.
Si la déviation est très petite, l’approximation que nous
avons faite est légitime, mais la rotation du plan de polarisation
étant de l’ordre de est très petite du
deuxième ordre ; si est très petit, du premier ordre. On ne
peut donc rien observer. Mais, au contraire, si la déviation est
très grande, c’est qu’on a employé des réseaux à fentes extrêmement
fines ; les franges anormales, voisines de l’écran,
occupent alors une portion notable de la fente, et l’approximation
n’est plus suffisante.
Les phénomènes étudiés par Stokes dépendent donc des
conditions aux limites, tout comme les phénomènes de
réflexion et de réfraction et pas plus qu’eux ne permettent de
décider entre les théories de Fresnel et de Neumann.
132. Résultats des expériences. — Les expériences avec
les réseaux présentent quelques difficultés ; les réseaux étant
tracés sur verre, il y a à la fois réfraction et diffraction, et
chacun de ces phénomènes fait tourner le plan de polarisation.
Il y a lieu de se demander quel est celui qui précède
l’autre.
Stokes a trouvé qu’aucune des deux formules ne représentait
bien les expériences ; il a néanmoins conclu en faveur
de la théorie de Fresnel. Holtzmann arrive au résultat
opposé.
M. Eisenlohr a supposé que l’éther transmet les vibrations longitudinales, mais on les atténuant. Les formules s’accordent
mieux avec les expériences, ce qui tient probablement
à ce qu’elles renferment un paramètre de plus.
Enfin Quincke a trouvé des résultats très divergents,
dépendant de la nature du réseau.
M. Gouy a réalisé des expériences, où il fait usage d’une
méthode toute différente. L’écran est constitué par un biseau
extrêmement aigu, tel que le tranchant d’un rasoir (fig. 31) ;
Fig. 31.
à l’aide d’une lentille convergente il concentre un faisceau
de rayons lumineux, sur le bord même de l’écran. Une partie
de ce faisceau est transmise directement, une autre est
réfléchie sur le bord de l’écran et, enfin le reste est diffracté.
M. Gouy observe cette lumière diffractée, à l’aide d’un microscope à long foyer, qui est mis au point sur le bord
de l’écran et peut tourner autour d’un axe coïncidant avec le
bord de l’écran. Il a pu ainsi observer des déviations atteignant
degrés. Le maximum de lumière s’observe dans
une direction faisant avec la seconde face du biseau un angle
égal à l’angle du rayon incident avec la première face. Si
nous appelons avec M. Gouy intérieure, la portion du faisceau
comprise entre le faisceau transmis et la seconde face de
l’écran, et extérieure, l’autre portion, nous trouverons que du
côté intérieur la lumière diffractée est polarisée parallèlement
au bord de l’écran, perpendiculairement au plan de
diffraction ; du côté extérieur, au contraire, elle est polarisée
perpendiculairement au bord de l’écran, parallèlement au
plan de diffraction. La théorie de Stokes est impuissante à
expliquer ces phénomènes. J’ai cherché s’il en serait de
même d’une théorie plu» complète.
133. L’expérience montre que les phénomènes sont d’autant
plus nets que le métal de l’écran est plus réfléchissant ou autrement
dit se rapproche le plus d’être un conducteur parfait.
Je me suis alors placé dans le cas limite où cet écran serait
un conducteur parfait. Dans ces conditions la force électrique
doit être perpendiculaire à l’écran. Supposons que la force
électrique dans le rayon incident soit parallèle au bord de
l’écran, c’est-à-dire que ce rayon soit polarisé dans le plan de
diffraction ; par raison de symétrie, il en sera encore de même
pour les rayons réfléchis et diffractés. La composante tangentielle
de la force électrique doit être nulle sur la surface du
conducteur. Ce conducteur a la forme d’un cylindre dont les
génératrices sont perpendiculaires au plan de la figure. Donc la force électrique n’a pas de composante normale, et si la
composante tangentielle est nulle, la force totale sera nulle
aussi. La force électrique décroît donc quand on se rapproche
de l’écran, ainsi que l’intensité de la lumière diffractée.
Supposons que la force magnétique soit parallèle au bord
de l’écran, la condition aux limites est que sur le bord de
l’écran
puisque la composante tangentielle de la force électrique est
dans ce cas proportionnelle à La lumière ne s’éteindra
plus quand on se rapprochera des faces du biseau. La lumière
polarisée parallèlement au bord de l’écran ne tend pas vers
Ces considérations font comprendre comment, si la lumière
incidente est naturelle, la lumière diffractée du côté intérieur
est polarisée parallèlement au bord de l’écran.
134. J’ai effectué le calcul en supposant que le bord de l’écran
était un tranchant géométrique ; que l’angle du biseau était
nul, que !a lumière incidente était concentrée par une lentille
cylindrique et que l’angle du faisceau était nul.
Dans le cas où les rayons incidents et diffractés sont également
inclinés sur les faces du biseau, étant la déviation
comptée positivement vers l’intérieur, j’ai trouvé pour l’amplitude :
quand le plan de polarisation est parallèle au plan de diffraction, et
si ces deux plans sont perpendiculaires.
Pour la première composante est nulle. Quand on
change en les composantes s’échangent ; ce qui est
conforme à l’observation.
Cependant il y a une difficulté : la première composante
devient infinie pour Cela tient sans doute à ce que le
faisceau incident n’est pas, comme je l’ai supposé, limité par
une surface géométrique.
Enfin M. Gouy a observé que la lumière diffractée avait une
intensité maximum quand les angles des rayons incidents et
diffractés avec les faces du biseau étaient égaux. La formule
complète donne au contraire un minimum. Cela tient probablement
à ce que le bord de l’écran est arrondi et qu’il faut
faire intervenir non pas les angles, mais la longueur de l’arc
compris entre les points de contact des deux rayons ; le
maximum de lumière devant sans doute correspondre au
minimum de cette longueur.
135. Il n’y a pas lieu, du reste, d’insister davantage sur cette
comparaison entre la théorie et l’expérience ; car je n’ai pu
faire le calcul qu’en me supposant placé dans des conditions
très simples et, par conséquent, très éloignées de la réalité.
Mais il y a un point qui mérite d’attirer l’attention. La
polarisation par diffraction est dans les expériences qui nous
occupent beaucoup plus intense que la polarisation par
réflexion. La théorie qui précède, quelque grossière qu’elle
soit, nous permet de nous rendre compte de ce fait.
En effet, supposons-nous placés dans le cas limite d’une
surface métallique parfaitement conductrice, et supposons de
plus que la force électrique soit dans l’onde incidente perpendiculaire
au plan de réflexion. À la surface du métal, la force
électrique totale, qui est la somme algébrique de la force
électrique incidente et de la force électrique réfléchie, devra
être nulle. La force réfléchie sera donc égale en grandeur à
la force incidente, et l’intensité de la lumière réfléchie sera
égale à celle de la lumière incidente.
Mais dans le problème qui nous occupe les conditions sont
très différentes, et ce qui intervient, ce n’est pas la force électrique
réfléchie, mais la force électrique totale, laquelle est
nulle. L’une des composantes disparaissant à peu près complètement,
la polarisation est très intense.
En d’autres termes, il se produit entre le rayon incident et
le rayon réfléchi une véritable interférence ; de telle sorte que,
les deux rayons interférents étant presque naturels, le rayon
résultant soit au contraire fortement polarisé.
C’est à cette explication, d’ailleurs, que M. Fizeau avait eu
recours pour expliquer des phénomènes très curieux qu’il a
décrits dans le tome LII des Comptes rendus et qui présentent,
malgré leur plus grande complexité, une évidente parenté
avec ceux qu’a découverts M. Gouy.
Une dernière remarque : j’ai employé le langage de la théorie
électro-magnétique parce qu’il m’a paru plus commode.
Mais il ne faudrait pas en conclure que les expériences de
M. Gouy condamnent la théorie élastique, et confirment celle
de Maxwell. Les deux théories conduisent aux mêmes équations.
Tout ce que l’une explique, l’autre l’explique également.
L’hypothèse sur laquelle reposait la théorie du § 128 est seule
condamnée par ces expériences.