Théorie mathématique de la lumière/2/Chap.03

Georges Carré (2p. 34-47).

CHAPITRE III


INTÉGRATION DES ÉQUATIONS DU MOUVEMENT
CAS PARTICULIER DES ONDES PLANES

21. Nous avons trouvé (§ 6) pour représenter les ondes des équations renfermant des fonctions arbitraires du temps et des coordonnées.

Nous allons choisir pour ces fonctions une forme particulière et écrire

etc.,

Quand il est possible de mettre sous cette forme, et étant fonction seulement de on dit que la lumière est homogène.

Or, d’après le théorème de Fourier, on peut mettre toute fonction du temps sous la forme d’une somme de pareilles expressions, autrement dit une lumière quelconque est susceptible d’être considérée comme résultant de la superposition d’un très grand nombre de lumières homogènes. D’après ce théorème on a en effet :

Nous poserons donc :

etc.,

ce qui revient à considérer séparément une de ces lumières homogènes.

22. Les équations différentielles auxquelles doit satisfaire sont linéaires, à coefficients constants et réels.

D’après les propriétés bien connues de ces équations, en changeant en dans la solution

nous obtiendrons encore une solution :

De ces deux solutions nous en déduirons une autre, en ajoutant à la première la seconde multipliée par

23. Inversement, si nous trouvons une solution imaginaire de cette forme, nous en conclurons que la partie réelle et la partie imaginaire satisfont séparément aux équations.

Il nous sera donc permis de conduire le calcul en nous servant de ces expressions imaginaires, et de ne conserver à la fin que les parties réelles, seules susceptibles d’une interprétation physique.

24. Ondes planes. — Appliquons cette méthode à l’étude des ondes planes.

Dans l’équation générale

nous devons faire puisque les vibrations lumineuses sont transversales, il reste :

et de même

Cherchons à satisfaire à ces équations en posant :

(1)
où :

étant des constantes. Nous obtiendrons de la sorte une solution imaginaire des équations et par conséquent une solution réelle, représentée par la partie réelle de l’expression imaginaire.

Dans ces conditions,

Substituons, il vient :

(2)

Il faut en outre que :

(3)

ce qui donne :

ou :

équation exprimant que la vibration est dans le plan de l’onde.

Ceci reste vrai quelles que soient les valeurs, réelles ou imaginaires, de En général nous regarderons comme réels : sera toujours supposé réel.

Les plans ayant pour équation générale :

s’appelleront les plans de l’onde.

25. Lorsque deviennent imaginaires, le plan devient aussi imaginaire ; mais il ne faut pas en conclure que l’onde correspondante n’existe plus ; le calcul montre le contraire.

En effet, prenons par exemple le système de valeurs suivant :

Ce choix de valeurs entraîne

et

L’équation (2) devient :

et détermine si

L’équation (3) est vérifiée identiquement, car ne dépend plus de et et sont nuls. Enfin :

ce qui représente une onde réelle.

26. Ce genre d’ondes se rencontre dans le phénomène de la réflexion totale.

Considérons deux milieux séparés par une surface plane, et supposons que le milieu supérieur ait le plus grand indice. Tant que l’angle d’incidence dans le milieu supérieur a une valeur inférieure à l’angle limite, la loi de Descartes donne une valeur réelle de l’angle de réfraction : le rayon et l’onde réfractée sont réels. Mais quand l’angle d’incidence devient supérieur à l’angle limite, la loi de Descartes donne une valeur imaginaire de l’angle de réfraction. L’onde réfractée serait imaginaire. Il est naturel d’admettre qu’il existe alors dans le milieu inférieur une onde analogue à celle que nous venons de trouver, et c’est ce que semblent confirmer les lois de la polarisation elliptique par réflexion totale. L’observation directe de cette onde est rendue très difficile par la présence du facteur qui devient très petit dès que atteint une valeur notable, parce que est extrêmement grand. Mais son existence, comme nous le verrons plus loin, a été montrée indirectement. Nous parlerons d’ailleurs rarement de cette onde.

27. Si nous considérons une onde plane ordinaire se propageant parallèlement à et ayant ses vibrations dans le plan d’onde, elle sera représentée par les équations

(4)

et étant des fonctions de et de si nous considérons seulement un point particulier de l’espace, et seront des constantes.

Comme ce sont des imaginaires, nous écrirons :

ou

en représentant selon l’usage les modules de et de par la notation et par conséquent :

(5)

s’appellera la phase de la première composante, la phase de la seconde.

Pour trouver l’équation de la trajectoire de la molécule d’éther, il faudra éliminer le temps entre les deux expressions de et il suffit de résoudre ces deux équations par rapport à et et de substituer les valeurs trouvées dans l’identité.

et seront des fonctions linéaires homogènes de et donc le premier membre de cette identité deviendra un polynôme homogène du second degré en et

La trajectoire cherchée sera donc une conique, et, comme et ne peuvent croître indéfiniment, cette conique est une ellipse. Dans le cas particulier où :

cette ellipse se réduit à la droite qui a pour équation

Dans ce cas, est réel et égal à et ont donc même argument autrement dit les deux composantes ont même phase.

28. Intensité dans le cas d’une onde plane. — Nous avons montré que, tant qu’il s’agit d’ondes planes, toutes les définitions de l’intensité conduisent au même résultat. Pour la calculer, il nous est donc loisible de la regarder comme proportionnelle à la force vive moyenne de l’éther.

Le carré de la vitesse suivant a pour expression :

La valeur moyenne de et celle de sont égales à celle de est Donc:

Val. moy. de

On trouverait de même

Val. moy. de

et enfin

Val. moy. de

Abstraction faite du facteur constant l’intensité est donc proportionnelle à

29. Nous avons regardé et comme des constantes ; mais en réalité ces coefficients dépendent de l’état de la source lumineuse, état qui ne demeure pas constant : ces coefficients éprouvent donc des variations. Ces variations, bien qu’elles soient extrêmement rapides d’une manière absolue, ne laissent pas d’être extrêmement lentes en regard des vibrations elles-mêmes. Mais, en raison de leur rapidité absolue, on peut admettre que pendant l’intervalle de de seconde, qui représente la durée de la persistance des impressions lumineuses sur la rétine, ces coefficients prennent toutes les valeurs comprises entre deux certaines limites, et que ces valeurs s’associent de toutes les façons possibles.

L’intensité observée est donc l’intensité moyenne pendant cette durée de de seconde, soit

étant le nombre de vibrations effectuées pendant cet intervalle. Comme est une constante, l’intensité sera proportionnelle à la somme :

Pour définir un rayon, il nous faudra prendre quatre expressions analogues, savoir :

L’intensité sera égale à

30. Dans la lumière naturelle, les coefficients et prennent toutes les valeurs possibles pendant de seconde et s’associent de toutes les manières possibles. Toutes les directions de vibration dans le plan d’onde sont équivalentes. Donc

ou :

est égal à en effet, si nous trouvons la combinaison de avec qui donne le terme nous trouverons aussi la combinaison de avec qui donne le terme annulant le précédent ; et ainsi de suite pour les autres combinaisons.

Pour la même raison

31. Supposons que la lumière traversera un analyseur, c’est-à-dire un appareil qui détruise toutes les composantes perpendiculaires à une certaine direction, et laisse passer les composantes
Fig. 5.
parallèles à cette direction (fig. 5).

Soit l’angle que fait cette direction avec l’axe des La composante du déplacement dirigée suivant , qui seule subsiste, est égale à



et au temps la molécule d’éther se trouve sur , à une distance de représentée par :

L’intensité aura pour valeur, dans ce cas :

Cette expression ne peut être négative. Les racines du trinôme doivent donc être imaginaires, ce qui exige la condition

Si :

l’expression s’annule pour une certaine valeur de On dit, dans ce cas, que la lumière est polarisée rectilignement ou polarisée dans un plan et que la polarisation est totale.

32. Supprimons l’analyseur et faisons passer la lumière à travers une lame cristallisée dont les sections principales soient dirigées suivant et Dans ce passage, la lumière se décompose en deux rayons polarisés dans les sections principales, et se propageant avec des vitesses différentes, rayons qui se recombinent ensuite. Mais, en traversant le cristal, ils ont subi des retards différents : soient le retard pour la composante dirigée suivant le retard pour la composante dirigée suivant

devient devient

ne changent pas.

D’autre part, nous avons :

est égal à

est l'imaginaire conjugué de

Après le passage à travers la lame, se change en et en de manière que :

D’où, en égalant les parties réelles :

La condition trouvée :

devient :

La plus grande valeur que puisse prendre le premier membre est Par conséquent, pour une lumière quelconque :

Si la lumière est totalement polarisée dans un plan, nous avons

Ces deux conditions sont incompatibles à moins que

La valeur de la différence dépend de la lame que le rayon a traversée. En choisissant convenablement cette lame, on peut donner à l’expression entre crochets, c’est-à-dire à sa valeur maximum : Si donc on a

on peut choisir l’épaisseur de la lame de telle sorte que

Alors après son passage à travers la lame la lumière sera totalement polarisée dans un plan.

On dit qu’avant son passage à travers la lame la lumière était polarisée elliptiquement et que la polarisation était totale.

Si les conditions deviennent :

la lumière est polarisée rectiligne, mais partiellement. Elle ne s’éteint pas complètement dans un analyseur, même si avant de passer dans cet analyseur elle a traversé une lame cristalline de quelque épaisseur que ce soit.

on dit encore que la lumière est polarisée elliptiquement, mais partiellement.

La polarisation circulaire est un cas particulier de la polarisation elliptique. Elle est caractérisée quant à la polarisation circulaire totale par les conditions

et quant à la polarisation circulaire partielle par :