CHAPITRE II
THÉORIE ÉLECTROMAGNÉTIQUE DE LA LUMIÈRE
COMPARAISON DE CETTE THÉORIE AVEC LA
THÉORIE ÉLASTIQUE
12. J’emploierai dans tout ce qui va suivre les notations
de Maxwell, que je rappelle succinctement, en renvoyant pour
plus de détails à l’ouvrage même du savant anglais et à mon
traité intitulé Électricité et Optique.
Nous considérerons d’abord la force magnétique, dont
Maxwell désigne les composantes par Ensuite
l’induction magnétique dont les composantes sont (Cf.
Électricité et Optique, tome I, pages 110 et suiv.).
On a, s’il n’y a pas de force coercitive :
étant le coefficient de perméabilité magnétique du milieu.
Dans le vide . Dans les corps diamagnétiques, on a
et dans les corps magnétiques Mais dans la
plupart des corps, sauf le fer, le nickel, le cobalt, est extrêmement
voisin de
Les expériences de Hertz paraissent démontrer d’ailleurs,
que, dans le cas des courants oscillant avec une extrême
rapidité, l’induction n’a pas le temps de se produire et que
tout se passe comme si était égal à La théorie
électromagnétique suppose précisément que les phénomènes lumineux
sont dus à de semblables courants alternatifs, ayant
même période que les vibrations de l’éther. Ces périodes sont
environ fois plus courtes que celles des courants observés
par Hertz.
13. Maxwell admet qu’il existe non seulement des courants
de conduction comme ceux qui se propagent dans les corps
bons conducteurs, mais aussi des courants de déplacement se
produisant dans les diélectriques et même dans le vide.
L’intensité du courant peut être regardée comme la
vitesse de l’éleclricité ; représente le déplacement. La
résistance d’un diélectrique croît, d’après Maxwell, avec le
déplacement ; il s’ensuit que les courants de déplacement ne
peuvent être que des courants alternatifs extrêmement
rapides.
Soient les composantes du courant total ;
les composantes du courant d’induction ;
celles du courant de déplacement.
seront les composantes du déplacement électrique.
En général :
(1)
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Mais dans les diélectriques, comme il n’y a pas de conduction :
et
(2)
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Les composantes du courant sont liées aux composantes
de la force magnétique par les relations :
(3)
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La force électromotrice qui s’exerce en un point quelconque
a pour composantes
(4)
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est le potentiel électrostatique. sont les
composantes de ce que Maxwell appelle potentiel vecteur.
sont les composantes de la force due à l’induction de tous les courants qui existent dans le champ.
On définit aussi quelquefois le potentiel vecteur comme il
suit : sont les composantes de la force électromotrice
d’induction que produirait la suppression brusque de tous les
courants existant dans le champ.
On admet, sans qu’aucune expérience sérieuse l’ait vérifiée,
la relation :
On démontre en outre que :
(5)
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Dans un conducteur les courants de conduction satisfont
aux relations :
etc.
Ce coefficient est la conductibilité du milieu ; ces
courants de conduction sont donc proportionnels à la force
électromotrice.
Pour les courants de déplacement, on a :
est le pouvoir inducteur spécifique du milieu ; le courant de déplacement est donc proportionnel à
c’est ce qui explique sa courte durée, car il s’annule dès que la force
électromotrice devient constante.
Différencions la première des équations (5) par rapport à
d’autre part :
Additionnons ces trois équations membre à membre, il vient :
(6)
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les deux dernières équations étant obtenues par permutation.
14. Il est possible de trouver encore une forme d’équations
plus appropriée à la comparaison que nous avons en vue.
Nous avons posé :
avec :
et
On en déduit :
(7)
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Cette forme a été employée par Hertz. Elle a l’avantage
d’être symétrique et de ne contenir que deux quantités seulement : la force électromotrice et la force
magnétique
Nous avons trouvé dans la théorie élastique les équations :
(IV)
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etc.
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(V)
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etc.
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L’analogie de forme des deux systèmes est évidente, seulement
il ne faut pas les comparer directement parce que
l’expression de l’énergie ne se présente pas sous la même
forme. Aussi, pour faire cette comparaison, nous modifierons
les équations IV et V de la façon suivante.
Posons :
Différencions les équations (IV) par rapport au temps ; il vient :
(8)
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15. Ces équations peuvent se comparer aux équations de
la théorie électromagnétique de deux manières :
Premier mode de comparaison. — On peut passer du
système électromagnétique au système élastique, en changeant
chacune des quantités écrites en celle placée au dessous.
Deuxième mode de comparaison. — Il faut changer
Il s’agit maintenant d’interpréter ce résultat.
Dans la théorie électromagnétique on est conduit, nous
verrons plus tard pour quelles raisons, à admettre que dans
une oscillation lumineuse ou une oscillation hertzienne, la
force électrique est perpendiculaire au plan de polarisation,
tandis que la force magnétique est parallèle à ce plan.
16. La théorie électromagnétique est fondée sur des expériences
assez certaines pour garder sa place, ce sont les théories
élastiques qui doivent se concilier avec elle et n’en être
qu’une traduction.
Or, dans le premier mode de comparaison, la force
perpendiculaire au plan de polarisation correspond à la
vitesse de la molécule d’éther ; la vibration serait
dans ce cas perpendiculaire au plan de polarisation. Le pouvoir
inducteur correspond à la densité de l’éther, cette
densité serait variable d’un corps à l’autre comme nous
avons vu qu’il était permis de regarder comme constant et
égal à le coefficient d’élasticité de l’éther serait constant.
Cette interprétation est celle de Fresnel.
17. Dans le second mode, correspondent à
c’est-à-dire que la vitesse correspond à la force magnétique qui
est parallèle au plan de polarisation : le déplacement de l’éther
serait donc aussi parallèle au plan de polarisation ; correspond
à et serait variable comme lui ; correspond à
et serait donc constant : donc la densité de l’éther serait constante,
et son élasticité variable.
Cette interprétation est celle de Neumann.
18. Nous allons en particulier comparer l’expression de
l’énergie donnée par la théorie de Fresnel et celle que donne
la théorie électromagnétique.
D’après Fresnel, l’énergie se compose de l’énergie cinétique.
et de l’énergie potentielle en posant :
en appliquant au cas actuel la formule donnée au no 3 et
remarquant que :
et
ou
puisqu’il s’agit d’ondes transversales.
L’énergie dans la théorie de Fresnel a donc pour expression :
Pour Maxwell elle se compose de l’énergie électrostatique,
plus l’énergie magnétique, et elle a pour expression :
Le premier terme, l’énergie électrostatique, est équivalent
à l’énergie cinétique ; en effet traduisons-le en notations de
la théorie élastique : il faut changer en
ce qui donne
expression identique à celle de l’énergie cinétique au facteur
numérique près. Il n’y pas à s’inquiéter de ce facteur, car
le système d’unités n’est pas le même dans les deux cas.
L’énergie magnétique est, de son côté, égale à l’énergie potentielle.
En effet, faisons aussi la traduction.
puisque nous avons pris
Posons :
L’énergie magnétique sera
Posons encore :
Il est facile de vérifier l’identité :
ou
Je dis que
Pour le démontrer, il suffit de démontrer que l’une des
trois intégrales
par exemple, est nulle. La démonstration s’appliquera aux
autres qui s’en déduisent par symétrie.
Cette intégrale s’écrit aussi :
les trois sommations étant étendues à tout l’espace, ou par
conséquent
L’intégrale double est nulle, si nous supposons que
s’annulent à l’infini ; dans cette intégration, on suppose que
reste constant, autrement dit on intègre pour tous les éléments
de surface, contenus dans un plan
Considérons comme les coordonnées d’un point de
l’espace : ce sont des fonctions de et de à chaque point
du plan correspond un point de l’espace ; au plan
tout entier correspondra une certaine surface fermée ; en
effet, pour les points à distance finie, sont finis ; si le
point s’éloigne dans le plan indéfiniment dans une direction
déterminée, tendent vers puisqu’ils s’annulent à
l’infini ; la courbe qui correspond à cette direction est donc
fermée. Comme cette direction est quelconque, on en conclut
que la surface est aussi fermée.
L’intégrale étudiée représente la projection de la surface
sur le plan des Comme la surface est fermée, cette intégrale
est nulle.
Il reste donc seulement
et l’énergie magnétique est équivalente à l’énergie potentielle
au facteur constant près qui est le même que pour l’énergie
électrostatique.
Par conséquent, il y a bien accord entre la théorie de
Fresnel et celle de Maxwell.
La comparaison entre la théorie de Neumann et celle de
Maxwell présenterait plus de difficultés.
19. Propagation des ondes planes. — Considérons une
onde se propageant vers les positifs, le déplacement étant
parallèle à (onde transversale) : dans ce cas :
étant la vitesse de la lumière.
Nous supposerons que est nul pour et pour
et aussi pour et
sera différent de seulement pour
Dans ces conditions la perturbation sera circonscrite dans
une région limitée par deux plans perpendiculaires à l’axe
des
Ces deux plans s’avancent simultanément, et leur distance
reste constamment égale à Entre eux, et là seulement, l’éther est troublé ; en dehors d’eux, toutes les forces
sont nulles.
Rendons-nous compte de ce dernier point.
Entre les deux plans nous avons des courants parallèles à
l’axe des et ayant pour intensité totale :
puisque
Pour calculer l’action magnétique de ces courants, nous
allons appliquer la loi de Biot et de Savart. D’après cette loi
un courant rectiligne indéfini exerce sur un pôle magnétique
une force perpendiculaire au plan qui passe par le pôle et par
le courant, et inversement proportionnelle à la distance du
point à ce courant.
Supposons que le courant se propage dans un fil cylindrique
Fig. 4.
parallèle à l’action magnétique de ce fil sur le
pôle sera égale en grandeur
à l’attraction qu’exercerait sur
ce pôle une matière attirante
répandue dans le cylindre avec
une densité égale à celle du
courant ; mais, pour obtenir
sa direction, il faut faire tourner
cette dernière force de 90°
autour de
20. Cette règle est encore
applicable à une série de courants
parallèles à comme dans le cas qui nous occupe.
Soit un point extérieur aux deux plans (fig. 4) : considérons une couche infiniment mince comprise entre deux
plans et nous pouvons regarder la densité du
courant ou de la matière attirante comme constante dans
cette couche ; et l’attraction de cette couche sera la même que
celle d’un plan indéfini recouvert de la matière attirante avec
une densité superficielle On sait que cette attraction
sur un point est constante et indépendante de la distance
de au plan et a pour valeur
L’attraction de toute la partie troublée sera :
Mais par hypothèse donc l’attraction
cherchée est nulle.
Il n’y a donc pas de force magnétique en dehors des deux
plans et par conséquent pas d’induction.
Soit maintenant un point intérieur ayant pour ordonnée
Menons le plan nous aurons deux régions à distinguer :
la première à gauche de ce plan, la seconde
à droite. L’attraction de la portion de gauche est
égale en valeur absolue à
puisque
L’attraction de la portion de droite a pour valeur absolue
puisque
Mais ces deux attractions étant dirigées en sens contraires,
leurs valeurs absolues doivent se retrancher : ce qui donne
pour la valeur de l’attraction résultante :
La force magnétique entre nos deux plans n’est donc pas
nulle.