CHAPITRE PREMIER
THÉORIE ÉLASTIQUE DE LA LUMIÈRE
1. Mouvement de l’éther. — Cette théorie attribue les
phénomènes lumineux aux vibrations d’un milieu élastique,
l’éther, répandu dans tout l’espace, même dans le vide.
Soit une molécule d’éther qui, dans l’état d’équilibre,
occupe la position par suite de la vibration, elle viendra
occuper une position telle que Le vecteur s’appelle le
déplacement de la molécule. Si désignent les coordonnées du point celles du point
les projections du déplacement sur les trois axes de coordonnées
seront
Les composantes de la vitesse de la molécule suivant les
mêmes axes seront :
et les composantes de l’accélération
Considérons (fig. 1) un petit parallélipipède
rectangle dont les arêtes soient parallèles aux axes et aient
respectivement pour longueur le volume de ce
parallélipipède sera : Pendant la vibration,
Fig. 1.
ce parallélipipède se déplace et prend une position telle que
, il devient un parallélipipède curviligne, qui
peut être assimilé, en négligeant des infiniment petits du
second ordre à un parallélipipède rectiligne, mais oblique.
Posons :
On démontre (voir le Cours d’élasticité, page 7) que les
longueurs des arêtes du parallélipipède deviennent
Pour cette raison s’appellent les dilatations
linéaires.
Les trois angles du trièdre qui étaient tous trois égaux
à deviennent respectivement dans le trièdre
s’appellent les dilatations angulaires.
Quant à la diagonale elle devient et sa longueur
est fonction des six dilatations.
2. Force vive de l’éther. — Soit la force vive ou
énergie cinétique de l’éther. Nous avons comme expression
du carré de la vitesse :
La masse du petit parallélipipède est étant la densité
de l’éther. Par conséquent
3. Énergie potentielle de l’éther. — On a démontré,
dans le Cours d’élasticité, page 43, § 26 et suiv., que l’énergie
potentielle avait une expression de la forme :
étant un polynôme du second degré par rapport aux
neuf dérivées partielles du premier ordre de
Si nous supposons que le milieu est isotrope et que dans
l’état d’équilibre la pression est nulle, nous obtiendrons :
et sont les coefficients de Lamé ;
est défini par l’égalité
On démontre qu’un élément de volume devient après la
déformation
d’où le nom de dilatation cubique donné à
4. Valeur des forces. — Reprenons le parallélipipède
, et considérons en particulier la face
Fig. 2.
perpendiculaire à (fig. 2) : l’aire de cette face est égale à
Nous appellerons
les composantes suivant les axes de la pression qui s’exerce
sur cette face par unité d’aire, et nous conviendrons de regarder
les tensions comme positives, les pressions comme négatives.
Les composantes de la pression qui s’exerce sur la face
seront donc :
On aura de même pour la face perpendiculaire à
et pour la face perpendiculaire à
D’après la théorie de l’élasticité :
et
5. Équations du mouvement. — En écrivant que la
force d’inertie fait équilibre aux forces qui agissent sur l’élément nous obtiendrons les équations du mouvement :
ou :
(1)
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et deux autres qu’on obtiendrait par permutation.
D’autre part :
Substituons ces expressions dans l’équation (1), il vient :
Les équations du mouvement seront donc :
(I)
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6. Ondes planes. — Dans les cas des ondes planes, et
ne dépendent que de et de Par suite :
Les dérivées prises par rapport à et à sont nulles et les
équations du mouvement se réduisent à :
Ces équations sont celles des cordes vibrantes.
Supposons que le déplacement soit parallèle à
Le plan d’onde est parallèle au plan des La vibration est
transversale.
Il reste donc seulement l’équation
Cette équation a pour intégrale :
et étant des fonctions arbitraires. Cette onde se propage
avec la vitesse
Nous aurions obtenu un résultat tout à fait analogue en
supposant le déplacement parallèle à
Si le déplacement est parallèle à l’équation
subsiste seule. L’intégrale
représente une vibration longitudinale, puisque le déplacement
est perpendiculaire au plan d’onde, et la vitesse de propagation
est
L’expérience nous apprend que les vibrations lumineuses
sont transversales. En effet, dans les divers phénomènes de
réflexion ou de réfraction, on retrouve toute la force vive du
rayon incident dans les rayons à vibrations transversales.
S’il existait des rayons à vibrations longitudinales, ils absorberaient
une partie de cette force vive.
Nous admettrons donc qu’il n’existe pas de vibration longitudinale
dans le rayon lumineux et par suite que :
7. Intensité lumineuse. Définition expérimentale. —
Pour pouvoir comparer à l’expérience les conséquences
des équations, il est indispensable de bien définir la quantité
qu’on mesure dans les expériences, c’est-à-dire l’intensité
lumineuse.
Il faut même donner de cette intensité deux définitions, l’une expérimentale, et l’autre théorique ; car nous voulons
comparer la théorie à l’expérience, et, pour que cette comparaison
soit possible, il faut bien en définir les deux termes.
Expérimentalement l’intensité se mesure à l’aide de trois
sortes de phénomènes : 1o les effets physiologiques ; 2o les
effets chimiques (photographiques) ; 3o les effets calorifiques
de la lumière. À chacune de ces classes de phénomènes correspond
une définition de l’intensité. Il n’est pas évident
a priori que ces trois définitions sont équivalentes, et de fait
il n’en est rien. Nous savons par exemple que l’intensité de
l’action chimique d’un rayon varie avec sa couleur. Lorsqu’il
s’agit de comparer deux rayons homogènes de même couleur,
il est possible que l’effet physiologique soit proportionnel
à l’effet chimique et il paraît bien en être ainsi dans le cas
d’une onde plane ; mais dans les cas plus délicats, comme dans
les expériences récentes de M. Otto Wiener, un seul mode
d’évaluation est possible, c’est celui qui est fondé sur la photographie.
Nous sommes maîtres cependant d’adopter l’une de ces
définitions et d’en examiner les conséquences.
Nous conviendrons donc de dire que deux lumières ont
une égale intensité quand elles produisent dans le même
temps la même action sur une plaque photographique ;
qu’une lumière a une intensité plus grande ou plus petite
qu’une autre suivant que, dans le même temps, elle produit
sur une plaque sensible une action plus grande ou plus petite
que cette autre.
Cette définition est purement expérimentale.
8. Définition théorique. — Au point de vue théorique, on a regardé souvent l’intensité comme proportionnelle à la
force vive moyenne ou énergie cinétique de l’éther.
Cette force vive de l’éther, pour l’élément de volume
est égale à :
soit par unité de masse
Supposons, par exemple, que la vibration soit rectiligne et
prenons la direction de vibration au point considéré pour axe
des alors :
la force vive sera :
et l’intensité sera proportionnelle à la valeur moyenne de
cette expression.
Le mouvement étant périodique, nous pouvons poser :
en choisissant comme origine du temps l’instant où
est la période ; a pour maximum en valeur absolue ;
est l’amplitude.
L’intensité sera donc proportionnelle à :
elle est donc proportionnelle au carré de l’amplitude
Il n’est nullement évident que l’on définisse ainsi la même
chose que par la définition expérimentale. Nous sommes tout
aussi bien en droit de supposer que l’action photographique
est proportionnelle, non pas à l’énergie cinétique moyenne,
mais à l’énergie potentielle ou à l’énergie totale moyenne.
9. Ces diverses définitions de l’intensité, équivalentes dans
certains cas, comme nous allons le voir, correspondent à des
façons différentes d’envisager le mécanisme de l’action photographique.
Considérons en effet les molécules d’éther qui, dans leur
Fig. 3.
position d’équilibre, occupent une
sphère infiniment petite Lorsque
l’éther entrera en vibration, le centre
de gravité de la sphère oscillera de
part et d’autre de et en même
temps la sphère se déformera : elle
prendra une forme assimilable à
celle d’un ellipsoïde (fig. 3) ; les axes de cet ellipsoïde
exécuteront aussi une série d’oscillations.
L’intensité dépend-elle de l’amplitude des oscillations de
ou est-elle en relation avec l’amplitude des oscillations des
axes de l’ellipsoïde ? Nous ne le savons pas.
Si nous admettons que l’intensité est proportionnelle à la
force vive moyenne, comme les composantes de la vitesse sont
l’intensité dépendra de la variation de avec
le temps, c’est-à-dire du déplacement du point Admettons
au contraire que l’intensité est proportionnelle à l’énergie
potentielle moyenne dépend des dilatations
et ou bien encore des axes de l’ellipsoïde (Cf.
Théorie de l’Élasticité, page 9) ; l’intensité dépendrait alors de l’amplitude
des déformations de la sphère, autrement dit des variations
périodiques qu’éprouve la distance de deux molécules,
lesquelles variations sont fonctions des et des
Nous ignorons la nature des actions chimiques dont les
plaques photographiques sont le siège. Sans doute les atomes
matériels correspondants éprouvent le même déplacement et
on pourrait être tenté de raisonner comme il suit :
Supposons que le déplacement du point soit considérable,
et les déformations de l’ellipsoïde très petites. Notre sphère sera
soumise seulement à un mouvement de translation ; la distance
de deux molécules d’éther demeurera invariable pendant la
vibration, et il en sera de même de la distance de deux atomes
matériels puisque nous avons supposé que le déplacement de
l’éther est le même que celui de la matière pondérable. Dans
cette hypothèse on comprend difficilement la dislocation de
la molécule chimique. Il ne pourrait donc y avoir d’action
chimique, quelque grand que soit le déplacement du point
quand l’ellipsoïde ne se déformerait pas. On conclurait donc
que l’intensité dépend des variations des et des et non
pas de celles de
Mais cette manière de voir ne s’impose pas.
Rien n’empêche de supposer que le déplacement de l’éther
et celui de l’atome matériel sont seulement proportionnels, le coefficient de proportionnalité variant d’un atome à l’autre,
et on arriverait à une conclusion inverse.
Dans le premier ordre d’idées, l’intensité serait proportionnelle
à l’énergie potentielle moyenne ; dans le second cas, à
la force vive moyenne.
Mois, répétons-le, aucune de ces hypothèses ne s’impose
nécessairement.
D’ailleurs, dans la plupart des cas, et ce sont justement les
seuls que, jusqu’à ces dernières années, nous ayons réussi à
réaliser dans la pratique, les deux définitions sont équivalentes,
c’est quand il s’agit d’ondes planes.
10. Ondes planes. — Prenons le plan de l’onde comme
plan des
seront fonctions de et de seulement. Si la vibration
est transversale, nous aurons :
Le premier terme dans chacune de ces expressions représente
une perturbation se propageant vers les positifs.
Le second, une perturbation se propageant vers les négatifs.
Nous supposerons qu’une seule de ces perturbations
existe, sans quoi il y aurait interférence, et nos raisonnements
ne seraient plus valables.
Nous poserons donc :
par suite :
L’intensité définie par l’énergie cinétique moyenne est proportionnelle
à la valeur moyenne de
Calculons maintenant l’énergie potentielle en considérant
l’énergie localisée dans un élément de volume et la
rapportant à l’unité de volume :
Dans le cas actuel toutes les dérivées prises par rapport
à et sont nulles, de plus ainsi que toutes ses
dérivées. Donc :
Puisque et sont proportionnels
à et les intensités
données par les deux définitions sont donc proportionnelles.
11. Autres formes des équations du mouvement. —
Nous avons trouvé pour représenter le mouvement de l’éther
les équations :
Pour que les vibrations longitudinales aient une vitesse
constamment nulle, il faut que
Introduisons cette condition, et les équations deviennent :
(II)
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Si les vibrations sont transversales, on a à l’origine du temps,
et reste nul à une époque quelconque. En effet, différencions
les équations (2) par rapport à et ajoutons, il vient :
et étant indépendants du temps.
Si donc on a pour
et
est identiquement nul. C’est ordinairement ce qu’on suppose
et les équations du mouvement prennent alors la forme :
(III)
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Posons :
(IV)
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Cette relation ne définit qu’à une constante près, nous supposerons
que pour on a:
Nous poserons de même :
(IV)
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Formons l’expression :
Additionnons membre à membre :
Donc :
Intégrons par rapport à :
D’après l’hypothèse que nous avons faite sur les conditions
initiales, la constante d’intégration est nulle.
Les équations du mouvement pourront donc être mises
sous la forme :
(V)
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Sous cette forme, on voit qu’elles ne changent pas quand
on permute
Effectuons en effet cette permutation sur la première des
équations, qui définit il vient :
et en l’effectuant sur la première des équations (IV), nous
obtiendrons :
Ces équations ne donnent qu’une première approximation
dans les milieux transparents ordinaires, à cause des phénomènes
de dispersion : elles présentent une plus grande exactitude
dans le vide.