Théorie des nombres irrationnels, des limites et de la continuité/Section VII



VII

NOTIONS DE FONCTION ET DE CONTINUITÉ

27. Une lettre qui sert à désigner un nombre pouvant recevoir des valeurs distinctes, est dite une variable. Si, à chacune de ces valeurs, correspond, suivant une loi qu’on indique, un autre nombre, on convient de considérer ces derniers nombres comme les différents états de grandeur d’une même variable, qui est dite fonction de la première ; celle-ci prend le nom de variable indépendante ou encore d’argument de la fonction. C’est ainsi que, dans les suites (1) (Sections III et VI), le nombre est une fonction de définie pour toutes les valeurs entières positives de . Citons, comme exemples de fonctions définies pour toutes les valeurs réelles de la variable  : la partie entière de (valeur approchée de à une unité près, par défaut) ; le nombre  ; la valeur absolue de  :  ; le nombre lui-même.

De même, si on considère un système de deux ou plusieurs variables, et si, à chaque système de valeurs attribuées à ces variables, correspond un nouveau nombre, on regarde ces derniers nombres comme les états de grandeur d’une fonction des premières variables : celles-ci sont alors les variables indépendantes. Par exemple, on apprend, en arithmétique et en algèbre élémentaire, à faire correspondre à un système de deux nombres rationnels et des nombres qu’on désigne par , , , . Chacun de ces nombres est une fonction des variables et  ; les trois premières sont définies pour tous les systèmes de valeurs rationnelles des variables ; la dernière est définie pour tous ces systèmes, sauf ceux pour lesquels . Autre exemple : le nombre , défini dans la Section V, est une fonction des variables et définie pour tous les systèmes de valeurs réelles attribuées à ces variables.


28. Si a et b sont deux nombres tels que , on appelle :

1o intervalle , l’ensemble des nombres tels que

 ;

2o intervalle , l’ensemble des nombres tels que

 ;

3o intervalle , l’ensemble des nombres tels que

 ;

4o intervalle , l’ensemble de tous les nombres réels.

Le premier de ces intervalles est dit borné ; les autres ne le sont pas. Un nombre est intérieur à un intervalle s’il y a des nombres , appartenant à l’intervalle et tels que . Dans chacun des quatre cas considérés, tout nombre appartenant à l’intervalle défini est intérieur à cet intervalle, sauf et dans le cas 1o, dans les cas 2o et 3o. Si une suite de nombres tend vers un nombre intérieur à un intervalle donné, est, pour les valeurs de qui surpassent un certain entier, intérieur à cet intervalle.

Étant données deux ou plusieurs variables et des intervalles de variation correspondant à ces variables, on appelle champ l’ensemble des systèmes de valeurs attribuées aux variables et telles que chacune de ces valeurs appartient à l’intervalle de variation correspondant. Le champ est borné si tous ces intervalles sont bornés ; il est alors défini par des conditions de la forme

,,

désignant des nombres finis. Il y a aussi des champs non bornés, tels que

,.

L’ensemble de tous les systèmes de valeurs attribuées aux variables est le champ

,,

Pour abréger, nous dirons qu’un système de valeurs attribuées aux variables est un point ; le point est rationnel si toutes ces valeurs sont rationnelles.

Un point est dit intérieur à un champ si chacun des nombres est intérieur à l’intervalle correspondant.

On dit que la suite de points , , , , a pour limite le point (ou tend vers ce point) si l’on a , ,


29. Supposons qu’une fonction d’une, de deux ou de plusieurs variables soit définie en tous les points d’un certain champ (le champ se réduisant, dans le cas d’une seule variable, à un intervalle) : on dit que est définie dans le champ .

On dit que est continue au point du champ si, pour toute suite de points de  : , , , , tendant vers , on a

.

Si cette condition est remplie pour tous les points de , on dit que est continue dans .


30. Les fonctions de la variable suivantes : , , qui sont définies dans le champ , sont continues dans ce champ, car, d’après le § 16, la condition

entraîne

,.

Au contraire, la partie entière de n’est pas continue car, en prenant par exemple ( 1, 2, 3, …) et , on a , mais la partie entière de , qui est , quel que soit , ne tend pas vers la partie entière de qui est .

La fonction des deux variables et est continue dans le champ , , car, d’après le Théorème IV, § 26, les conditions , entraînent .