Théorie des nombres irrationnels, des limites et de la continuité/Section III



III

LIMITE D’UNE SUITE DE NOMBRES

12. Nous considérerons des suites infinies de nombres telles que

(1)

On dit qu’une telle suite a pour limite le nombre (ou encore que tend vers quand croît indéfiniment) si, quels que soient les nombres et satisfaisant aux conditions

(2)

,

il y a un entier tel que, pour , on a

(3)

.

Nous donnerons quelquefois une portée plus grande à la notion de limite, en supposant que peut être un élément quelconque de (§ 11) ; ainsi, peut être égal à (auquel cas il n’y a pas lieu de considérer de nombre ), ou à (auquel cas il n’y a pas de nombre ).

Nous dirons que la première définition correspond au sens ordinaire du mot limite, et que la deuxième définition correspond au sens étendu. Le mot limite, employé seul, sera entendu dans le sens ordinaire.


13. Suites non décroissantes. — Considérons le cas particulier où la suite (1) est non décroissante, c’est-à-dire où l’on a

Soit la borne supérieure de l’ensemble des nombres de la suite. Je dis que la suite a pour limite (sens étendu). En effet, , les sont tous inférieurs à  ; si , l’ensemble des contient au moins un nombre supérieur à , tous les nombres de la suite qui suivent celui-là ont la même propriété ; donc la condition (3) est vérifiée quand dépasse une certaine valeur.

Si les sont tous inférieurs à un certain nombre , on peut affirmer que la limite est un nombre fini, au plus égal à  ; dans le cas contraire, est égal à .

Suites non croissantes. — De la même manière, on reconnaît qu’une suite non croissante, soit

a pour limite sa borne inférieure  ; si les sont tous supérieurs à un certain nombre, est fini ; dans le cas contraire, est égal à .


14. Reprenons maintenant le cas général d’une suite de nombres quelconques

(1)

Désignons par et les bornes supérieure et inférieure de l’ensemble des nombres

On a

Tous les nombres et appartiennent à  ; soient la borne inférieure des nombres , la borne supérieure des nombres .

Je dis qu’on a . Car si on avait , il y aurait un nombre tel que  ; pour certaines valeurs de , on aurait , d’où , ce qui est impossible.

est dit la plus grande limite de la suite (1), sa plus petite limite. Le nombre a les propriétés suivantes :

1o Si , les nombres de (1) sont tous, à partir d’un certain rang, inférieurs à  ;

2o Si , il y a, quel que soit , un entier tel que .

Cette double propriété ne peut appartenir qu’à un seul nombre ; elle caractérise donc le nombre . De même, possède la double propriété caractéristique suivante :

1o Si , les nombres de (1) sont tous, à partir d’un certain rang, supérieurs à  ;

2o Si , il y a, quel que soit , un entier tel que .


15. Dans le cas où la suite (1) a une limite (sens étendu), soit , je dis qu’on a . En effet, si et sont tels que , quand surpasse une certaine valeur , on a

,

d’où

,

et aussi

.

On voit que et sont au moins égaux à tout nombre , par suite aussi à la borne supérieure de ces nombres ; de même ils sont au plus égaux à la borne inférieure des nombres . Donc .

Réciproquement, supposons . Posons . Soit , . Quand dépasse un certain entier , on a

,,

et, par suite,

ce qui montre que la suite (1) a pour limite .

Ainsi, la condition nécessaire et suffisante pour que la suite (1) ait une limite (sens étendu) est qu’on ait , et cette valeur est alors la limite.

On reconnaît ainsi que la limite, si elle existe, est unique.

La condition nécessaire et suffisante pour que la suite (1) ait une limite (finie) est que les nombres et soient égaux à un même nombre fini.


16. Si la suite a pour limite , la suite a pour limite . Car, soient et tels que  ; on a (§ 8)  ; donc, quand dépasse une certaine valeur , on a , d’où résulte  ; cela exprime que tend vers .

Dans les mêmes conditions, la suite a pour limite . En effet :

1o Si , soit  ; quand surpasse un certain entier , on a , d’où .

2o Si , quand surpasse un certain entier , on a , et par suite le nombre tend vers .

3o Si , quand surpasse un certain entier , on a , et par suite le nombre tend vers .