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|}
 
 
=== CORNICHE ===
s. f, <i>Entablement</i>. Couronnement d'une construction en
pierre ou en bois et destiné à recevoir la base du comble. La corniche est
un des membres de l'architecture du moyen âge qui indique le mieux
combien les principes de cette architecture diffèrent de ceux admis par
les Romains.
 
Dans l'architecture romaine, la corniche appartient à l'entablement,
qui lui-même appartient à l'ordre, de sorte que si les Romains superposent
plusieurs ordres dans la hauteur d'un monument, ils ont autant
de corniches que d'ordres. Ainsi un édifice composé de plusieurs ordres
superposés n'est qu'un échafaudage d'édifices placés les uns sur les
autres. Bien mieux, si le Romain place un ordre à l'intérieur d'une salle,
il lui laisse sa corniche, c'est-à-dire son couronnement destiné à recevoir
le comble. Cela peut produire un grand effet, mais ne saurait satisfaire la
raison. D'ailleurs, dans les ordres romains, qui sont dérivés des ordres
grecs, la corniche, par la forme de ses moulures, sa saillie et les appendices
dont elle est accompagnée, indique clairement la présence d'un
chéneau, c'est-à-dire la base d'un comble et le canal longitudinal recevant
les eaux de pluie coulant sur la surface de ce comble. Or, à quoi bon un
chéneau à mi-hauteur d'un mur et surtout à l'intérieur d'une salle voûtée
ou lambrissée? Donc, pourquoi une corniche? Nous avons dit ailleurs
combien le Romain était peu disposé à raisonner l'enveloppe, la décoration
de ses édifices<span id="note1"></span>[[#footnote1|<sup>1</sup>]]. Nous ne leur en faisons pas un reproche, seulement
nous constatons ce fait: que, dès l'époque romane, les architectes, si
grossiers qu'ils fussent, partaient de principes très-opposés à ceux des
Romains, ne se servant des divers membres de l'architecture qu'en raison
de leur fonction réelle, dépendante de la structure. Où avaient-ils pris
ces principes? Était-ce dans leur propre sentiment, par leur seule faculté
de raisonner? Était-ce dans les traditions byzantines? C'est ce que nous
ne chercherons pas à décider. Il nous suffit que le fait soit reconnu, et
c'est à quoi les exemples que nous allons donner tendront, sans qu'il
puisse rester de doutes à cet égard dans l'esprit de nos lecteurs. D'abord,
en examinant les édifices les plus anciens de l'ère romane, nous voyons
que les architectes ont une tendance prononcée à les élever d'une seule
ordonnance de la base au faîte; à peine s'ils marquent les étages par une
faible retraite ou un bandeau. Cette tendance est si marquée, qu'ils en
viennent bientôt à allonger indéfiniment les colonnes engagées, sans tenir
aucun compte des proportions des ordres romains, et à leur faire toujours
porter la corniche supérieure (la véritable corniche), si élevée qu'elle soit
au-dessus du sol. Abandonnant l'architrave et la frise de l'entablement
romain, la colonne porte directement la corniche, le membre utile, saillant,
destiné à protéger les murs contre les eaux pluviales. Cela dérange
les dispositions et proportions des ordres romains; mais cela, par compensation,
satisfait la raison. Les Romains percent des arcades entre les
colonnes d'un ordre engagé, c'est-à-dire qu'ils posent une première plate-bande (l'architrave), une seconde plate-bande (la frise) et la corniche
au-dessus d'un arc, ce que nous n'empêchons personne de trouver fort
beau, mais ce qui est absolument contraire au bon sens. Les architectes
romans, à l'imitation peut-être des architectes byzantins, adoptent les
arcs pour toutes les ouvertures ou pour décharger les murs; ils posent
souvent, à l'extérieur, des colonnes engagées, mais ils ne font plus la
faute de les surmonter d'un entablement complet, nécessaire seulement
lorsque les colonnes sont isolées. La colonne engagée prend le rôle d'un
contre-fort (c'est son véritable rôle), et son chapiteau vient porter la
tablette saillante de couronnement de l'édifice, autrement dit la
corniche.
 
Voici (1) un exemple entre mille de ce principe si naturel de construction<span id="note2"></span>[[#footnote2|<sup>2</sup>]]. La corniche n'est plus ici qu'une simple tablette recevant les tuiles
de la couverture; entre les colonnes engagées, cette tablette repose sur
des corbeaux. Les eaux tombent directement sur le sol sans chéneau, et,
afin de trouver à la tête du mur une épaisseur convenable pour recevoir
le pied de la toiture, sans cependant donner aux murs une épaisseur
inutile à la base, des arcs de décharge portés sur des pilastres ou contre-colonnes
engagées AB et sur des corbeaux augmentent, sous la corniche,
l'épaisseur de ce mur. Chaque morceau de tablette a son joint
au-dessus
de chacun des corbeaux, ce qui est indiqué par le raisonnement. Si la corniche
romaine est décorée de modillons (lesquels figurent des corbeaux,
des bouts de solives) comme dans l'ordre corinthien et l'ordre composite,
ceux-ci sont taillés dans le bloc de marbre ou de pierre dont est composée
cette corniche. C'est un travail d'évidement considérable; il y a entre la
forme apparente et la structure un désaccord complet. Dans ces corniches
romanes, au contraire, l'apparence décorative n'est que la conséquence
réelle de la construction. Chaque corbeau est un morceau de pierre
profondément engagé dans la maçonnerie; entre ces corbeaux, il n'y a
plus qu'un carreau de pierre, posé comme le sont les métopes de l'ordre
dorique grec; puis, d'un corbeau à l'autre, repose un morceau de
tablette. De distance en distance, les grosses colonnes engagées renforcent
la construction en arrêtant tout effet de bascule ou de dérangement,
qui pourrait se produire à la longue dans une trop grande longueur de ces
tablettes posées seulement sur des corbeaux. Une pareille corniche se
répare aisément, puisqu'elle se compose de membres indépendants les
uns des autres, pouvant se déposer et se reposer sans nuire à la solidité
de l'ensemble et sans qu'il soit besoin d'échafauds.
</div>
[[Image:Corniche.romaine.png|center]]
<div class="text">
Les plus beaux exemples de corniches composées d'une simple tablette
reposant sur les chapiteaux de colonnes engagées et sur des corbeaux se
trouvent en Auvergne dès le XI<sup>e</sup> siècle. <span id=Clermont.Ferrand>La corniche des chapelles absidales
de l'église de Notre-Dame-du-Port à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Clermont.Ferrand|Clermont]] est une des plus riches;
car non-seulement les corbeaux et les chapiteaux sont finement travaillés,
mais les tablettes sont décorées de billettes, et leur surface vue, entre les
corbeaux, est ornée d'une sorte de petite rosace creuse. Les
entre-corbeaux
sont composés de pierres noires et blanches formant des
mosaïques, et, sous les corbeaux, règne un cordon de billettes qui sépare
nettement les divers membres dont se compose la corniche du nu du
mur. Nous donnons (2) l'aspect perspectif de cette corniche; en A, son
profil, et en B, une des rosaces creusées dans le lit inférieur de la tablette.
</div>
[[Image:Corniche.Notre.Dame.du.Port.Clermont.png|center]]
<div class="text">
Ce système de corniches est généralement adopté dans les provinces
du centre, dans toute l'Aquitaine et le Languedoc, pendant le XI<sup>e</sup> et la
première moitié du XII<sup>e</sup> siècle. En Bourgogne, l'époque romane nous
fournit une grande variété de corniches. Il faut observer, d'ailleurs, que
les corniches prennent d'autant plus d'importance, présentent des saillies
d'autant plus prononcées qu'elles appartiennent à des contrées riches en
beaux matériaux durs. Dans l'Île-de-France, en Normandie et dans le
Poitou, on n'employait guère, avant le XII<sup>e</sup> siècle, que les calcaires tendres
si faciles à extraire dans les bassins de la Seine, de l'Oise, de l'Eure, de
l'Aisne et de la Loire. Ces matériaux ne permettaient pas de faire des
tablettes minces et saillantes. Les architectes s'en défiaient, non sans
raison, et ils avaient pris l'habitude d'élever leurs bâtisses en petites
pierres d'échantillon, c'est-à-dire ayant toutes à peu près la même
dimension. Des carrières, on leur apportait des provisions de pierres
toutes équarries<span id="note3"></span>[[#footnote3|<sup>3</sup>]], de huit pouces ou d'un pied de hauteur sur
une épaisseur pareille, et sur une longueur de dix-huit à vingt-quatre
pouces. Ils s'arrangeaient pour que tous les membres de l'architecture
pussent concorder avec ces dimensions. On comprend qu'alors ils ne
pouvaient donner une forte saillie à leurs corniches. Les monuments
romans, si communs sur les bords de l'Oise, ne présentent ni corniches
ni bandeaux saillants, et tout l'effet produit par ces membres de l'architecture
est dû à une étude très-fine et judicieuse des rapports entre les
parties lisses de la construction et les parties moulurées. La Bourgogne,
au contraire, fournit des pierres dures, basses, et qu'il est facile d'extraire
en grands morceaux; aussi, dans cette province, les corniches ont une
énergie de profils, présentent des variétés de composition que l'on ne
trouve point ailleurs en France.
 
Sur les bas-côtés de la nef de l'église abbatiale de Vézelay (dernières
années du XI<sup>e</sup> siècle), on voit une corniche construite toujours d'après le
principe roman, c'est-à-dire composée de corbeaux portant une tablette
saillante; mais son caractère ne rappelle en rien les corniches des provinces
du centre. Comme style, elle leur est très-supérieure. Nous la
donnons ici (3) dans tous ses détails, vue en perspective et en coupe. Le
corbeau est bien franchement accusé, il a tous les caractères d'un bout
de solive de bois; mais ses profils retournent devant la tablette de manière
à former un encadrement autour des rosaces doubles qui sont, entre
ces corbeaux, comme des métopes inclinées, comme des panneaux de
bois embrévés au moyen de languettes. La construction est parfaitement
d'accord avec la forme apparente; les corbeaux sont des pierres longues
pénétrant dans la maçonnerie; la tablette est large, et les
entre-corbeaux
ne sont que des carreaux de pierre de 0,20 c. à 0,25 c. de profondeur.
C'est là vraiment l'extrémité d'un comble en charpente reposant sur un
mur en maçonnerie, et il est impossible de ne pas y trouver la tradition
d'une construction de bois. Mais n'oublions pas que lorsqu'on construisait
la nef de Vézelay, il y avait un siècle à peine que tous les grands édifices
étaient couverts et lambrissés en bois, et que les voûtes étaient une innovation
(voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]).
</div>
[[Image:Corniche.abbatiale.Vezelay.png|center]]
<div class="text">
Cette corniche est un exemple unique, d'ailleurs; car, dans le même
édifice, les murs de la haute nef sont couronnés d'une autre manière.
</div>
[[Image:Corniche.abbatiale.Vezelay.2.png|center]]
<div class="text">
Dans le court intervalle qui dut séparer la construction du sommet de la
nef de celle des bas-côtés, les architectes avaient eu le temps de renoncer
déjà aux traditions de charpenterie pour décorer la naissance des combles;
ils inventèrent une nouvelle corniche, fort singulière il est vrai, mais qui
accuse déjà l'appareil de pierre. Elle se compose de morceaux de pierre
égaux, formant une suite de corbeaux en quart de cercle ornés d'oreilles
en manière de crochets (voy. fig. 4). En A, la
</div>
[[Image:Corniche.abbatiale.Vezelay.3.png|center]]
<div class="text">
<br>
coupe de cette corniche faite entre deux corbeaux; en B, sa face; en C, sa projection horizontale,
et en D, son aspect. Là est l'origine de la corniche franchement
bourguignonne,
qui ne cesse d'être adoptée jusque pendant le XIII<sup>e</sup> siècle;
corniche dont les corbeaux sont juxtaposés sans intervalles entre eux,
et dont la forme la plus générale est celle donnée par la fig. 5<span id="note4"></span>[[#footnote4|<sup>4</sup>]]. Le tracé
de cette corniche, en projection horizontale, donne une suite de
demi-cercles
creusés entre chaque corbeau; ceux-ci sont donc évidés latéralement
en quart de cercle. En coupe, ces corbeaux sont tracés suivant un
quart de cercle convexe, comme l'exemple fig. 4, avec ou sans crochets:
ce sont les plus anciens; ou en quart de cercle concave, avec biseaux,
comme l'exemple fig. 5: ce sont les plus modernes. Les corniches
romanes bourguignonnes indiquent, comme tous les membres de
l'architecture
de cette province, un art du trait avancé, et surtout une observation
très-fine des effets produits par les lumières et les ombres. Aussi ces
corniches, bien que simples à tout prendre, ont-elles une apparence de
fermeté et de richesse en même temps qui satisfait les yeux; elles couronnent
les murs d'une façon monumentale, en produisant un jeu de
lumières et d'ombres très-piquant et qui contraste avec la nudité des
parements. Avant le XIII<sup>e</sup> siècle, c'est dans les provinces du centre et en
Bourgogne qu'il faut aller chercher des corniches d'un grand caractère et
bien combinées. Dans le nord, au contraire, pendant la période romane,
les corniches sont pauvres, peu saillantes (ce qui tient à la qualité des
matériaux, ainsi que nous l'avons dit plus haut) et peu variées comme
composition. Cependant la corniche à corbeaux se rencontre partout,
avant le XIII<sup>e</sup> siècle: c'est un parti pris, et les exceptions sont rares. Les
architectes romans du nord poussent même l'application du principe de la
corniche à corbeaux jusque dans ses conséquences les plus absolues.
Ainsi, les corbeaux étant faits pour empêcher la bascule des tablettes (ils
n'ont pas d'autre raison d'être), les morceaux de pierre dont se composent
ces tablettes n'étant pas tous de la même longueur, et les corbeaux devant
se trouver naturellement sous les joints, il en résulte que ces corbeaux
sont irrégulièrement espacés; leur place est commandée par la longueur
de chaque morceau de tablette. Il arrive même fréquemment que la
moulure qui décore l'arête inférieure de la tablette s'arrête au droit de
chaque corbeau et laisse voir le joint vertical. Cela est d'ailleurs parfaitement
raisonné. Les murs des chapelles absidales de l'église de
Notre-Dame-du-Pré
au Mans sont encore couronnés de corniches du XI<sup>e</sup> siècle,
qui sont taillées suivant ces principes (6). Les murs sont bâtis en petits
moellons bruts, et la tablette de la corniche est composée de morceaux,
les uns longs, les autres courts. Les corbeaux, étant posés sous les joints
de cette tablette, se trouvent irrégulièrement espacés. On voit, sur notre
figure, que la moulure de la tablette n'existe qu'entre les corbeaux et
laisse le joint franc. Ici encore on retrouve les corbeaux à <i>copeaux</i>
rappelant
ceux de l'Auvergne (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Corbeau|Corbeau]]), ce qui fait supposer que ce
genre d'ornementation avait eu un grand succès pendant les XI<sup>e</sup> et
XII<sup>e</sup> siècles. Dans l'exemple que nous donnons (fig. 6), cependant, il
semble que les sculpteurs ont imité cet ornement sans en comprendre le
sens, et ils l'ont exécuté de la façon la plus barbare; tandis que les écoles
du centre, dès le XI<sup>e</sup> siècle, sont remarquables par la finesse et la pureté
de leur sculpture.
</div>
[[Image:Corniche.Notre.Dame.du.Pre.Mans.png|center]]
<div class="text">
Sur les bords de l'Oise et de l'Aisne, dès le XI<sup>e</sup> siècle, on voit apparaître
entre les corbeaux et la tablette moulurée du centre et de Bourgogne
une assise taillée en forme de petite arcature ou de dents de scie. <span id=Laon>Il
existe autour du petit monument octogone qui, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Laon|Laon]], passe pour avoir
été une chapelle de templiers, une corniche fort étrange, du
commencement du XII<sup>e</sup> siècle, conçue d'après ces données. Aux angles (7), elle porte
sur des colonnes engagées terminées par des têtes; sur les faces, ce sont
des corbeaux épannelés qui reçoivent les intervalles entre les triangles
formant décoration. Les joints de cette sorte de frise se trouvent
au-dessus
des corbeaux, et une tablette, à profil continu, couronne le tout. Sur les
corbeaux, les tympans entre les triangles sont allégis par de petites arcades
dont les fonds sont inclinés, ainsi que le fait voir la coupe A faite sur le
milieu d'un corbeau.
</div>
[[Image:Corniche.chapelle.Laon.png|center]]
<div class="text">
La tradition de la construction de bois apparaît encore ici. Les corbeaux
sont taillés comme on taille un bout de solive; puis, sous les triangles, on
retrouve encore le <i>copeau</i> que produirait le travail du charpentier pour
évider un madrier en forme de dents de scie. Toutefois, ces derniers
vestiges des constructions de bois disparaissent bientôt dans cette contrée
si abondante en matériaux calcaires propres à la construction, et les
corniches à petites arcatures simples ou subdivisées règnent seules jusqu'à la fin du XII<sup>e</sup> siècle: or, ces corniches n'ont plus rien qui rappelle
la construction en bois.
</div>
[[Image:Corniche.eglise.Francastel.png|center]]
<div class="text">
Voici (8) une de ces corniches si fréquentes dans le Beauvoisis; elle
provient de la petite église de Francastel (commencement du XII<sup>e</sup> siècle).
Dans cette même contrée, vers le commencement du XIII<sup>e</sup> siècle, les
architectes renoncent aux petites arcatures, mais ils conservent encore les
corbeaux et ils commencent à décorer la tablette des corniches par de la
sculpture; nous en trouvons un exemple sur la nef de l'église de Saint-Jean-au-Bois près Compiègne (9).
</div>
[[Image:Corniche.eglise.Saint.Jean.au.Bois.Compiegne.png|center]]
<div class="text">
Si les bords de l'Oise, de l'Aisne et de la Seine entre Montereau et
Mantes, conservent les corbeaux sous les tablettes des corniches jusqu'au
commencement du XIII<sup>e</sup> siècle; c'est-à-dire jusqu'à l'application franche
du style gothique, la Champagne et la Bourgogne abandonnent encore
plus difficilement cette tradition romane. <span id=Langres>Ainsi, au sommet du chœur
de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Langres|Langres]], XII<sup>e</sup> siècle, nous voyons une corniche
dans laquelle les corbeaux prennent une importance majeure (10). La
tablette est alternativement supportée par des corbeaux moulurés et
représentant des têtes d'hommes ou d'animaux. Au sommet du porche
de l'église de Vézelay, dès 1130 environ, on remarque déjà ces alternances
de corbeaux profilés et de têtes. <span id=Chalons.sur.Marne>À la fin du XII<sup>e</sup> siècle, autour du
chœur de l'église de Notre-Dame de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Chalons.sur.Marne|Châlons-sur-Marne]], la corniche
présente encore des corbeaux à têtes, d'autres ornés de rosaces, d'autres
simplement profilés. Mais ici la tablette prend déjà plus d'importance, et
elle se couvre d'une riche décoration de feuillages (11).
</div>
[[Image:Corniche.choeur.cathedrale.Langres.png|center]]
<div class="text">
Dans l'Angoumois, le Poitou et la Saintonge, la corniche à corbeaux,
dans le style de celle d'Auvergne, est reproduite jusque vers la fin du
XII<sup>e</sup> siècle (voy., à l'article [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2, Chapelle|Chapelle]], la fig. 33, qui représente une portion
de l'abside de l'église de Saint-Euthrope de Saintes).
</div>
[[Image:Corniche.Notre.Dame.Chalons.sur.Marne.png|center]]
<div class="text">
<span id=Caen>En Normandie, la corniche romane est d'une grande simplicité et ne
présente qu'une faible saillie sur le nu des murs. Souvent elle ne se
compose que d'une simple tablette de 0,10 c. à 0,15 c. d'épaisseur.
Cependant les corbeaux, avec ou sans arcature, se rencontrent fréquemment.
Ces corbeaux même reposent parfois sur un filet orné, comme
autour de l'abside de l'abbaye aux Dames de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Caen|Caen]] (12) (XII<sup>e</sup> siècle).
</div>
[[Image:Corniche.abbaye.aux.Dames.Caen.png|center]]
<div class="text">
De tous les exemples qui précèdent, on peut conclure ceci: c'est que,
pendant la période romane, et dans les provinces diverses qui composent
aujourd'hui la France, la corniche se compose, à très-peu d'exceptions
près, d'un rang de corbeaux supportant une tablette saillante. Nous
allons voir comment les architectes laïques de la fin du XII<sup>e</sup> siècle adoptent
un système de corniches tout nouveau, en empruntant cependant à la
corniche romane quelque chose de sa physionomie, savoir: les alternances
de lumières et d'ombres produites par les saillies des corbeaux
plus ou moins espacés. D'abord, constatons qu'au moment de la transition,
les architectes négligent les traditions romanes, cherchent même à
s'en affranchir entièrement. <span id=Noyon>Ainsi, autour de la cathédrale de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes N#Noyon|Noyon]],
dont la construction remonte à 1150 environ, les corniches ne sont plus
que de simples profils. L'église Saint-Martin de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Laon|Laon]], bâtie à peu près à
la même époque, nous fait voir, au sommet du chœur, une corniche qui
ne se compose que de deux tablettes superposées (13). Sur la nef de la
même église, on trouve pour toute corniche une tablette ornée de rosaces
(14). À la cathédrale de Senlis apparaissent déjà, vers 1150, les
corniches à <i>crochets</i>; or ces crochets ne sont autre chose que des tiges
végétales, terminées par une sorte de bourgeon ou de paquet de feuilles
non encore épanouies (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Crochet|Crochet]]), et ils remplissent l'office de corbeaux
très-rapprochés; seulement ils ne soutiennent plus la tablette, qui, devenue
plus épaisse, est indépendante.
</div>
[[Image:Corniche.eglise.Saint.Martin.Laon.png|center]]
 
[[Image:Corniche.eglise.Saint.Martin.Laon.2.png|center]]
<div class="text">
Si l'architecture inaugurée par l'école laïque, à la fin du XII<sup>e</sup> siècle,
diffère essentiellement, comme principe de construction, de l'architecture
romane, elle s'en éloigne plus encore peut-être par les infinis détails
qui entrent dans la composition d'un édifice. L'architecture romane
suivait, sans les analyser, les traditions très-confuses de l'antiquité
romaine, les influences byzantines et les habitudes locales. Une corniche,
par exemple, pour l'architecte roman, est une tablette saillante destinée
à éloigner du mur le bout des tuiles de la couverture, afin que les eaux
pluviales ne lavent pas les parements. La tablette est simple ou décorée;
ce n'est toujours qu'une assise de pierre basse, dont le profil est donné
par le caprice, mais qui ne remplit aucune fonction utile. N'étaient les
tuiles qui couvrent ce profil, l'eau de la pluie coulerait le long des
parements, car son tracé n'est pas fait en façon de <i>coupe-larme</i>,
comme le larmier de la corniche grecque. Les architectes de l'époque
de transition laissent de côté la corniche à corbeaux romane; ils n'ont
pas le loisir encore de s'occuper de ces détails; ils ne pensent qu'à
une chose tout d'abord, c'est à rompre avec les traditions antérieures.
Mais lorsqu'ils eurent résolu les problèmes les plus difficiles imposés par
leurs nouvelles méthodes de construction (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4, Construction|Construction]]), ils songèrent
à appliquer aux détails de l'architecture les principes rationnels qui
les dirigeaient. Ils ne voulurent plus de ces combles égouttant les eaux
directement sur le sol ou sur les constructions inférieures: ils pensèrent,
avec raison, qu'une corniche doit porter un chéneau, afin de diriger les
eaux par certains canaux disposés pour les recevoir; qu'il est utile de
rendre l'accès des couvertures facile, pour permettre aux couvreurs de
les réparer en tous temps. Dès lors ces corniches romanes, si peu saillantes,
si faibles, ne pouvaient leur suffire, non plus que les minces
tablettes qu'ils avaient placées sur leurs murs lorsqu'ils rejetèrent les
corniches à corbeaux. Ils s'appliquèrent donc à chercher une forme
convenable pour l'objet et qui n'empruntât rien aux traditions du passé.
Cette forme, ils la trouvèrent et l'adoptèrent tout à coup; car à peine si
l'on aperçoit une transition, et c'est bien, sans qu'il soit possible de le
contester, dans l'Île-de-France et la Champagne que cette nouvelle forme
apparaît brusquement, c'est-à-dire au sein de cette grande école d'architectes
laïques qui, à la fin du XII<sup>e</sup> siècle, établit sur des principes nouveaux
une architecture dont les formes étaient d'accord avec ces principes,
nouvelles par conséquent.
</div>
[[Image:Corniche.cathedrale.Reims.png|center]]
<div class="text">
Une des plus anciennes corniches gothiques qui existe est celle qui
couronne les chapelles absidales de la cathédrale de Reims. Elle se compose
d'une assise formant encorbellement, enrichie de crochets feuillus,
et d'une seconde assise dont le profil est un larmier (15). Mais ici encore
l'assise inférieure a, comparativement à l'assise supérieure, une grande
importance; le larmier rappelle encore la tablette de la corniche romane,
et sur sa pente A, de distance en distance, sont réservées de petites surfaces
horizontales que Villard de Honnecourt nomme des <i>cretiaus</i>, et qui
permettaient d'abord aux ouvriers de marcher sur la saillie de ces larmiers,
puis servaient à diviser les eaux tombant des combles ou découlant
des parements et à les éloigner des joints; car il faut remarquer que ces
corniches ne devaient pas porter des chéneaux et gargouilles, mais
qu'elles laissaient encore les eaux pluviales égoutter entre ces <i>cretiaus</i>.
En effet, suivant le projet de Robert de Coucy, ces chapelles devaient être
surmontées de combles pyramidaux qui venaient reposer immédiatement
sur le bord des corniches<span id="note5"></span>[[#footnote5|<sup>5</sup>]].
</div>
[[Image:Corniche.choeur.cathedrale.Paris.png|center]]
<div class="text">
Trouvant bientôt ces larmiers insuffisants, les architectes du XIII<sup>e</sup> siècle
leur donnèrent une plus grande saillie; à l'assise, plus de hauteur. Les
corniches supérieures du chœur de la cathédrale de Paris (16), refaites
au commencement du XIII<sup>e</sup> siècle, nous montrent déjà des larmiers A
très-saillants recevant un chéneau conduisant les eaux dans des gargouilles
espacées. Peu après la pose de ces corniches A, les architectes de la
cathédrale ajoutèrent une seconde assise B au larmier primitif, pour lui
donner une apparence plus mâle et pour éviter le démaigrissement C,
qui pouvait faire craindre des ruptures. Déjà ces larmiers A avaient été
destinés à porter une balustrade, qui fut remplacée lorsque l'on reposa la
seconde assise B<span id="note6"></span>[[#footnote6|<sup>6</sup>]]. On observera que chaque crochet ornant la première
assise D est sculpté dans un morceau de pierre, comme s'il remplissait
l'office d'un corbeau. Les corniches de la cathédrale de Paris peuvent être
considérées comme les plus belles parmi celles du commencement du
XIII<sup>e</sup> siècle; celles de la façade offrent cette particularité unique que
leurs larmiers sont pris dans deux assises, afin de pouvoir leur donner
une plus forte saillie. Ainsi, la corniche qui couronne la galerie qui
pourtourne les tours et les réunit est composée de trois assises: une
assise de crochets et feuilles et deux assises de larmiers (17); l'assise
supérieure est percée de trous, de distance en distance, sous la balustrade,
pour laisser écouler les eaux tombant sur les terrasses (voy. [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 3, Chéneau|Chéneau]],
fig. 2). Le larmier remplit ici l'office d'un égout très-saillant, destiné à
éloigner les eaux des parements.
</div>
[[Image:Corniche.facade.cathedrale.Paris.png|center]]
<div class="text">
Habituellement, les larmiers sont pris dans une seule hauteur d'assise;
mais les détails de la façade occidentale de la cathédrale de Paris sont
d'une dimension au-dessus de l'ordinaire, et il semble que l'architecte à
qui l'on doit la partie supérieure de cette façade, c'est-à-dire les deux
tours avec leur galerie à jour (1225 environ), ait voulu donner aux membres
de l'architecture une importance relative très-grande. La corniche
supérieure des deux tours, qui était destinée à recevoir la base de flèches
en pierre, dont la construction ne fut qu'amorcée, est unique comme
hauteur d'assises dans le style gothique ancien. Elle se compose de deux
assises de crochets, chacune de ces assises ayant 0,75 c. de hauteur entre
lits; d'un larmier surmonté de deux assises en talus, et de la balustrade
posée lorsqu'on renonça à continuer la construction des flèches. Chaque
crochet est taillé dans un bloc de pierre énorme; ainsi que le fait voir
notre fig. 18; les assises du larmier et de la pente au-dessus sont cramponnées
tout au pourtour par des crampons doubles A tenant lieu d'un
quadruple chaînage. On voit que l'architecte avait pris ses précautions
pour pouvoir élever ses flèches sans danger.
</div>
[[Image:Larmier.cathedrale.Paris.png|center]]
<div class="text">
Cependant les larmiers de corniches du commencement du XIII<sup>e</sup> siècle
parurent probablement avoir des profils trop anguleux et rigides aux
architectes déjà très-avancés du milieu de ce siècle, car, à cette époque,
vers 1240, nous voyons souvent les coupe-larmes à plans droits de la
dernière assise de corniche remplacés par un profil d'un aspect moins
sévère. Un boudin avec une arête saillante sert de coupe-larme et remplace
la mouchette du larmier primitif gothique. La corniche qui couronne le chœur de la cathédrale de Troyes est une des plus belles que
nous connaissions de cette époque brillante de l'art gothique (1240), et
elle est couronnée par un boudin à larmier, profilé ainsi que nous venons
de le dire.
</div>
[[Image:Corniche.choeur.cathedrale.Troyes.png|center]]
<div class="text">
La figure 19 donne la face et le profil de cette corniche. On remarquera comme les joints A sont adroitement disposés pour se combiner
avec le double rang de crochets et ne pas venir tout à travers de
la sculpture, ainsi que ne manquent pas de le faire aujourd'hui nos
architectes. Ici, l'ornement, courant en apparence, ménage parfaitement
la place de ce joint vertical. Vers la même époque, dans les provinces où
le style gothique, avec toutes ses conséquences, pénétrait difficilement,
comme en Normandie par exemple, nous voyons les traditions romanes
persister encore à côté des formes nouvelles. La corniche de la nef de la
cathédrale de Rouen est, sous ce rapport, très-curieuse à observer. On y
retrouve la petite arcature romane mêlée aux crochets du XIII<sup>e</sup> siècle et
surmontée du larmier arrondi (20). Elle nous présente, comme tous les
membres d'architecture de cette époque, un appareil très-judicieux.
</div>
[[Image:Corniche.cathedrale.Rouen.png|center]]
<div class="text">
Les corniches, pendant le cours du XIII<sup>e</sup> siècle, offrent peu de variétés;
elles se composent presque toujours de deux assises: l'une en forme de
gorge décorée de crochets ou de feuilles, la seconde portant un larmier
saillant. Toutefois le larmier avec talus n'existe que si la corniche forme
chéneau, car si (comme il arrive fréquemment dans l'architecture civile
et militaire) l'égoût du toit repose directement sur le bord de la corniche,
celle-ci est terminée par un listel vertical et non plus par une pente.
Ainsi l'ardoise ou la tuile forme larmier devant ce listel, et l'assise supérieure
de la corniche est profilée elle-même en coupe-larme, afin d'éviter
toute chance de bavure sur les parements, dans le cas où l'égoût du toit
viendrait à faillir.
</div>
[[Image:Corniche.XIIIe.et.XIVe.siecle.png|center]]
<div class="text">
Nous donnons (21) une de ces corniches si fréquentes pendant les XIII<sup>e</sup>
et XIV<sup>e</sup> siècles dans l'architecture civile, corniche dont l'assise supérieure
sert au besoin de coupe-larme, et dont l'assise inférieure, dépourvue de
toute sculpture, forme un gros boudin saillant. Il existe encore, au Palais-de-Justice
de Paris, plusieurs corniches de ce genre qui sont d'un fort
bon effet, quoique très-simples.<span id=Carcassonne>
</div>
[[Image:Corniche.tour.de.la.Justice.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Voici maintenant une jolie corniche composée d'une seule assise
formant coupe-larme; elle est placée au sommet de la tour dite <i>de la Justice</i>, à [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]] (21 bis) (fin du XIII<sup>e</sup> siècle). La moulure est arrêtée
au droit de chaque joint renforcé d'une saillie formant corbeau. Cela est
bien raisonné, surtout lorsque toutes les pierres doivent être taillées sur
le chantier avant la pose, car alors il est certain que les joints ne présentent point de balèvres et que les moulures ne sont pas jarretées. Les
profils de ces corniches sans talus sont toujours coupés de façon à ce que
le bord inférieur du listel forme <i>mouchette</i> pour égoutter les eaux en
dehors des parements, si le premier rang de tuiles ou d'ardoises ne remplit pas cette fonction (22).
</div>
[[Image:Corniche.tour.de.la.Justice.Carcassonne.2.png|center]]
<div class="text">
Le XIV<sup>e</sup> siècle conserve généralement les corniches en deux assises, et
la seule différence que l'on signale entre ces corniches et celles du
XIII<sup>e</sup> siècle, c'est que les profils des larmiers sont plus maigres, et les
ornements, feuilles ou crochets, plus grêles et d'une exécution plus
sèche. Il ne faudrait pas croire cependant que les architectes de cette
époque n'aient point cherché parfois des combinaisons nouvelles. Ainsi,
nous voyons autour du chœur de l'église de Saint-Nazaire de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Carcassonne|Carcassonne]]
(1325 environ) une corniche dont la composition est aussi originale que
l'exécution en est belle. Cette corniche revient aux traditions romanes,
c'est-à-dire qu'elle se compose d'un rang de corbeaux supportant une
assise formant larmier, mais décorée de larges feuillages entre chacun
de ces corbeaux; elle reçoit un chéneau et une balustrade. Voici (23) le
détail perspectif de cette corniche. En A est tracée sa coupe entre les
corbeaux. Posée à une grande hauteur, cette corniche produit beaucoup
d'effet, à cause du jeu des ombres et des lumières sur ces saillies si
franchement accusées.
</div>
[[Image:Corniche.eglise.Saint.Nazaire.Carcassonne.png|center]]
<div class="text">
Ici, contrairement aux habitudes des artistes du XIV<sup>e</sup> siècle, les détails
de la sculpture sont à l'échelle du monument; ils ne rapetissent pas les
masses, mais les font valoir, au contraire, par une exécution grasse et
large.
</div>
[[Image:Corniche.tour.cathedrale.Amiens.png|center]]
<div class="text">
Pendant le cours du XIV<sup>e</sup> siècle, nous voyons peu à peu les crochets
remplacés, dans l'assise inférieure des corniches, par des frises de feuillages
profondément refouillées, mais dont l'irrégularité et l'exécution
maigre ne donnent plus ces points saillants à espaces égaux, ces têtes de
crochets qui, à distance, sont d'un effet si monumental et rappellent
encore les corbeaux de l'époque romane. <span id="Amiens58">Nous présentons (24) une de
ces corniches, de la fin du XIV<sup>e</sup> siècle, provenant du sommet de la tour
nord de la cathédrale d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes A#Amiens|Amiens]]. Les corniches du XIV<sup>e</sup> siècle, indépendamment
de la maigreur des profils et de la sécheresse de la sculpture,
sont généralement peu saillantes, ce qui devenait nécessaire alors que
tous les membres horizontaux de l'architecture étaient sacrifiés aux lignes
verticales; mais, vers le milieu du XV<sup>e</sup> siècle, les corniches de couronnement,
au contraire, prennent de la saillie, se composent souvent d'un
assez grand nombre d'assises superposées en encorbellement, ornées de
cordons de feuillages, de manière à présenter une circulation facile à la
base des combles. Les feuillages courent devant des gorges profondes,
séparées entre elles par de fines moulures, et les larmiers rappellent la
forme exagérée du larmier à boudins de la fin du XIII<sup>e</sup> siècle,
c'est-à-dire
que le talus supérieur est concave, que le boudin s'aplatit, se termine
par une mouchette très-saillante, et que la gorge inférieure est largement
évidée (25).
</div>
[[Image:Corniche.XVe.siecle.png|center]]
<div class="text">
Au commencement de la renaissance, on aperçoit déjà, dans l'architecture
civile surtout, un retour vers les formes de la corniche romaine:
le larmier gothique est supprimé. Cependant, ce n'est guère que vers le
milieu du XVI<sup>e</sup> siècle que l'entablement romain reparaît dans les édifices.
<span id=Blois>La belle corniche de la tour carrée du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Blois|Blois]], bâtie sous
Louis XII, conserve encore ses membres gothiques, avec quelques détails
empruntés à l'architecture antique. Sur un rang d'oves retournées est
posée une arcature soutenue par des corbeaux, qui rappelle les mâchicoulis
de couronnement des châteaux-forts du XIV<sup>e</sup> siècle. Sur l'arcature,
on retrouve l'assise en gorge décorée de feuillages disposés comme les
crochets des XIII<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> siècles, puis le larmier du XV<sup>e</sup> siècle à peine
altéré<span id="note7"></span>[[#footnote7|<sup>7</sup>]].
 
<span id=Orleans>L'hôtel de ville d'[[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes O#Orleans|Orléans]], bâti en 1442 par maître Viart, et qui présente,
malgré cette date ancienne, tous les caractères de l'époque de
Louis XII, est couronné d'une corniche dans le genre de celle du pavillon
carré du château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes B#Blois|Blois]]<span id="note8"></span>[[#footnote8|<sup>8</sup>]]. <span id=Chambord>Au château de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes C#Chambord|Chambord]], on retrouve
encore les dernières traces de la corniche de château du moyen âge, avec
ses arcs en petites niches figurant des mâchicoulis.
</div>
[[Image:Corniche.maison.Troyes.png|center]]
<div class="text">
Nous terminerons cet article en donnant des corniches de bois provenant
de constructions civiles. Celle-ci (26) se trouve communément
disposée à la base des combles des maisons de Troyes élevées en
pans-de-bois.
C'est un principe de corniche adopté pendant les XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles.
Les blochets forment des corbeaux, à l'extérieur, au-dessus de la
sablière, et portent un petit plafonnage en planches sous les coyaux.
Cette autre corniche (27) date du commencement du XV<sup>e</sup> siècle, et appartient
à une maison de bois située rue de la Savonnerie, à Rouen. Sur une
sablière A, moulurée, sont assemblés des potelets B qui reçoivent les
solives C du plancher supérieur; les bouts de ces solives sont soulagés
par les corbeaux D. Entre ces corbeaux est posée une petite arcature
découpée dans un madrier, et qui forme comme une suite de mâchicoulis.
Sur les bouts des solives règne la filière E de couronnement; un pigeonnage
remplit les intervalles G entre les corbeaux.
</div>
[[Image:Corniche.maison.Rouen.png|center]]
<div class="text">
 
<br><br>
----
 
<span id="footnote1">[[#note1|1]] : Voy. les <i>Entretiens sur l'Architecture</i>.
 
<span id=Leognan><span id="footnote2">[[#note2|2]] : De l'abside de l'église de [[Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Index communes L#Leognan|Léognan]] (Gironde), fin du XI<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote3">[[#note3|3]] : Cette méthode est encore suivie dans le Poitou, dans la Saintonge, dans l'Angoumois
et sur les bords de la Loire-Inférieure, ainsi que dans le département de l'Aisne.
 
<span id="footnote4">[[#note4|4]] : Des chapelles de l'église Notre-Dame de Dijon, commencement du XIII<sup>e</sup> siècle.
 
<span id="footnote5">[[#note5|5]] : Voy. l'<i>Album de Villard de Honnecourt</i>, annoté par J.-B. Lassus et publié par M. A. Darcel; 1858.
 
<span id="footnote6">[[#note6|6]] : À la cathédrale de Chartres, on voit deux larmiers superposés au sommet des
chapelles et du chœur; il est évident que les architectes du commencement du XIII<sup>e</sup> siècle
s'aperçurent, à leurs dépens, qu'en posant une tablette mince sur la première assise
de corniche, mais beaucoup plus saillante que ne l'étaient les tablettes romanes, il se
produisait des ruptures. Ils doublèrent donc ces tablettes d'abord, puis en vinrent à les
faire plus épaisses.
 
<span id="footnote7">[[#note7|7]] : Voy. <i>Exemples de décoration</i>, par L. Gaucherel.
 
<span id="footnote8">[[#note8|8]] : Voy. <i>Archit. civ. et domest.</i>, t. II, par MM. Verdier et Cattois.