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« Je serai sérieux comme le plaisir. Les gens ne savent pas ce qu’ils disent. Il n’y a pas de raisons de vivre, mais il n’y a pas de raisons de mourir non plus. La seule façon qui nous soit laissée de témoigner notre dédain de la vie, c’est de l’accepter. La vie ne vaut pas qu’on se donne la peine de la quitter. On peut par charité l’éviter à quelques-uns, mais à soi-même ? Le désespoir, l’indifférence, les trahisons, la fidélité, la solitude, la famille, la liberté, la pesanteur, l’argent, la pauvreté ; l’amour, l’absence d’amour, la syphilis, la santé, le sommeil, l’insomnie, le désir, l’impuissance, la platitude, l’art, l’honnêteté, le déshonneur, la médiocrité, l’intelligence, il n’y a pas là de quoi fouetter un chat. Nous savons trop de quoi ces choses sont faites pour y prendre garde ; juste bonnes à propager quelques négligeables suicides-accidents. (Il y a bien, sans doute, la souffrance du corps. Moi, je me porte bien :
« Je serai sérieux comme le plaisir. Les gens ne savent pas ce qu’ils disent. Il n’y a pas de raisons de vivre, mais il n’y a pas de raisons de mourir non plus. La seule façon qui nous soit laissée de témoigner notre dédain de la vie, c’est de l’accepter. La vie ne vaut pas qu’on se donne la peine de la quitter. On peut par charité l’éviter à quelques-uns, mais à soi-même ? Le désespoir, l’indifférence, les trahisons, la fidélité, la solitude, la famille, la liberté, la pesanteur, l’argent, la pauvreté ; l’amour, l’absence d’amour, la syphilis, la santé, le sommeil, l’insomnie, le désir, l’impuissance, la platitude, l’art, l’honnêteté, le déshonneur, la médiocrité, l’intelligence, il n’y a pas là de quoi fouetter un chat. Nous savons trop de quoi ces choses sont faites pour y prendre garde ; juste bonnes à propager quelques négligeables suicides-accidents. (Il y a bien, sans doute, la souffrance du corps. Moi, je me porte bien : tant pis pour ceux qui ont mal au foie. Il s’en faut que j’aie le goût des victimes, mais je n’en veux pas aux gens quand ils jugent qu’ils ne peuvent endurer un cancer). Et puis, n’est-ce pas, ce qui nous libère, ce qui nous ôte toute chance de souffrance, c’est ce revolver avec lequel nous nous tuerons ce soir si c’est notre bon plaisir. La contrariété et le désespoir ne sont jamais, d’ailleurs, que de nouvelles raisons de s’attacher à la vie. C’est bien commode, le suicide : je ne cesse pas d’y penser ; c’est trop commode : je ne me suis pas tué. Un regret subsiste : on ne voudrait pas partir avant de s’être compromis ; on voudrait, en sortant, entraîner avec soi Notre-Dame, l’amour ou la République.
tant pis pour ceux qui ont mal au foie. Il s’en faut que j’aie le goût des victimes, mais je n’en veux pas aux gens quand ils jugent qu’ils ne peuvent endurer un cancer). Et puis, n’est-ce pas, ce qui nous libère, ce qui nous ôte toute chance de souffrance, c’est ce revolver avec lequel nous nous tuerons ce soir si c’est notre bon plaisir. La contrariété et le désespoir ne sont jamais, d’ailleurs, que de nouvelles raisons de s’attacher à la vie. C’est bien commode, le suicide : je ne cesse pas d’y penser ; c’est trop commode : je ne me suis pas tué. Un regret subsiste : on ne voudrait pas partir avant de s’être compromis ; on voudrait, en sortant, entraîner avec soi Notre-Dame, l’amour ou la République.


Le suicide doit être une vocation. Il y a un sang qui tourne et qui réclame une justification à son interminable circuit. Il y a dans les doigts l’impatience de ne se serrer que sur le creux de la main. Il y a le prurit d’une activité qui se retourne sur son dépositaire, si le malheureux a négligé de savoir lui choisir un but. Désirs sans images. Désirs d’impossible. Ici se dresse
Le suicide doit être une vocation. Il y a un sang qui tourne et qui réclame une justification à son interminable circuit. Il y a dans les doigts l’impatience de ne se serrer que sur le creux de la main. Il y a le prurit d’une activité qui se retourne sur son dépositaire, si le malheureux a négligé de savoir lui choisir un but. Désirs sans images. Désirs d’impossible. Ici se dresse