Revue pour les Français Octobre 1906/Texte entier

Collectif
Revue pour les Français Octobre 1906
Revue pour les Français1 (p. 361).

REVUE POUR LES FRANÇAIS

POLITIQUE ET LITTÉRAIRE

Paraissant tous les mois




Octobre 1906



SOMMAIRE :




Rédaction et Administration :

11, Avenue Malakoff, 11
PARIS

NOTRE PROCHAIN NUMÉRO



La visite récente du Président de la République à Marseille a heureusement appelé l’attention du public français sur l’Exposition nationale coloniale qui se tient dans cette ville depuis quatre mois. La plupart des journaux parisiens en avaient simplement annoncé l’ouverture laissant leurs lecteurs dans une ignorance complète de cette splendide et féconde manifestation. Quelles que soient les raisons de leur abstention, celle-ci fut regrettable à tous points de vue et, avouons-le, presque ridicule. Nous nous permettons de le constater.

L’exposition de Marseille a offert à ses visiteurs une inoubliable leçon de choses. Elle a permis de mesurer l’effort colossal accompli depuis trente ans par la France hors de France. Elle a montré et prouvé la vitalité et le génie de notre race.

Nous avons jugé opportun non pas de vous la décrire ou de guider vos pas à travers ses palais aux architectures originales mais de tracer pour vous à cette occasion un Tableau d’ensemble de l’Empire colonial Français. M. Gaston Bordat qui s’est rendu à Marseille pour visiter en détail l’Exposition et participer au congrès colonial s’est chargé de cette étude à laquelle sera consacré le prochain numéro de la Revue pour les Français.


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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE



Une fois de plus les Allemands n’ont pas compris leur empereur. Ils ont bougonné fortement au sujet des paroles prononcées à Breslau par Guillaume ii. Que les pessimistes, avait dit en substance l’impérial orateur, aillent se chercher une autre patrie ; ils sont de trop dans la nôtre. C’était une boutade mais ces boutades du kaiser souvent intempestives ont presque toujours une valeur intrinsèque. Le pessimisme est un détestable spécifique. La civilisation moderne s’en sert comme d’un opium ; elle s’y est accoutumée et ne peut plus s’en passer. Cela lui procure de hargneuses et malsaines satisfactions. L’optimisme systématique est une sottise, mais le pessimisme est un vice. Il ne faut pas le confondre avec la méfiance, avec l’esprit critique. On doit traiter les questions du temps présent comme les animaux traitent les objets inconnus ; ils s’en approchent lentement, tournent autour, les flairent, les examinent attentivement et ne se pressent pas d’y toucher. Ce n’est pas là du pessimisme mais de la prudence inspirée par l’expérience. Le pessimiste, lui, proclame sans cesse la ruine, la déchéance, la fin de tout. La moindre nouveauté excite sa verve négative ; le moindre changement sert de thème à ses prophéties macabres. Ici nous détestons l’esprit pessimiste qui a fait depuis trente ans tant de mal à la France et nous nous associons à l’anathème dont l’a frappé à Breslau l’éloquence primesautière de Guillaume ii.

Les idées de M. Bryan.

De retour de la conférence interparlementaire qui s’est tenue à Londres, M. Bryan a fait connaître à ses futurs électeurs les bases du programme dont il sera le défenseur au cours de la prochaine campagne présidentielle. Car M. Bryan sera de nouveau candidat. C’est sa raison d’être en ce monde. M. Bryan désire gouverner les États-Unis et, à défaut d’une grande intelligence, il met de formidables poumons au service de cette ambition persévérante. Le nombre de discours qu’il est susceptible de prononcer en une semaine dépasse tous les records établis ; comme les Américains ont une grande considération pour quiconque abat un record, ils finiront peut-être par donner une majorité à M. Bryan et ce sera grand dommage au point de vue des affaires publiques. Il appert en effet de la dernière et retentissante manifestation oratoire à laquelle M. Bryan s’est livré à New-York qu’il ne possède à aucun degré le secret des nécessités extérieures ou intérieures de l’heure présente. Son programme peut se résumer en deux points principaux : indépendance des Philippines et expropriation des ploutocrates. Proclamer l’indépendance des Philippines alors que les indigènes sont manifestement hors d’état de profiter de la liberté qu’on leur octroierait, ce serait manquer à la mission que les États-Unis se sont donnée à eux-mêmes en occupant l’archipel. Cette tâche, ils n’avaient qu’à ne point l’assumer ; l’ayant fait, ils ne peuvent l’abandonner sans forfaire au devoir. D’autre part, leur présence en Extrême-Orient, à une époque où la défaillance moscovite et les triomphes japonais rendent difficile à maintenir la suprématie de la race blanche, constitue un gage de paix, d’équilibre, de sécurité internationale. L’évacuation des Philippines aurait les plus graves conséquences. Quant aux ploutocrates, on peut se demander avec M. Roland de Marès, dans un de ses beaux articles de l’Indépendance belge, « ce que serait aujourd’hui le peuple américain sans ces rois du commerce, de l’industrie et de la finance qui ont su réaliser de si prodigieuses richesses. La puissance américaine dans le monde est due exclusivement à ces hommes partis de rien mais qui eurent toutes les audaces et dont le génie des affaires fut servi par une indomptable énergie. Ces ploutocrates ne sont pas des héros de roman ; ils tiennent une place énorme dans l’histoire du xixe siècle car ils ont changé les conditions économiques du monde moderne et ils ont déterminé la poussée universelle vers le mieux-être que l’on peut noter partout aujourd’hui. Vouloir s’opposer, dans un pays de commerce et d’industrie, à la formation de grandes fortunes, c’est vouloir briser systématiquement l’outil de toute grandeur nationale ». Ces paroles de M. de Marès sont excellentes. Le président Roosevelt est dans le vrai en voulant empêcher les trusts de confisquer des monopoles au risque de faire renchérir le prix des denrées alimentaires, mais cela n’a aucun rapport avec les mesures révolutionnaires auxquelles songe M. Bryan en vue de réduire les proportions des grandes entreprises industrielles et commerciales.

Réformes oiseuses.

Par exemple, il ne convient pas que lesdits ploutocrates emploient leurs deniers à la modification de l’orthographe comme l’a fait M. Andrew Carnegie. Il a offert de consacrer 75.000 francs à cette belle œuvre, à condition qu’il se trouvât huit cents auteurs décidés à faire usage de la nouvelle orthographe. Qui eût cru qu’une telle somme put être nécessaire pour atteindre un pareil but ? Les huit cents auteurs se sont trouvés. On ne nous dit pas leurs noms. Le terme d’auteur est un peu vague de nos jours où tout le monde écrit. Donc, M. Carnegie s’est exécuté. Il a donné les 75.000 francs. Et après ?… Après, rien ne sera changé en Angleterre, de même que rien n’a été changé en France après la tentative faite par feu M. le recteur Gréard pour introduire dans la façon d’épeler certains mots des changements dont le besoin ne se faisait aucunement sentir. Améliorer l’orthographe par décrets, c’est magnifique. À quand une loi portant simplification des règles les plus compliquées de la syntaxe ?

La revanche de la Hongrie.

On se rappelle le « coup du suffrage universel » par lequel François-Joseph a mis fin à l’obstruction gouvernementale que lui opposait le parti autonomiste hongrois. Établir le suffrage universel en Hongrie cela reviendrait à rendre très précaire la domination de l’élément magyar sur les nombreux éléments non magyars qui se trouvent représentés dans les limites de la monarchie, à savoir : trois millions de Roumains, deux millions d’Allemands, deux millions de Slovaques, etc… Mais l’empereur d’Autriche passa outre ; il prononça le mot dangereux. Voici que ce mot est prononcé maintenant contre lui. Une commission parlementaire étudie à Vienne l’établissement du suffrage universel — ou à peu près. Quel sera le résultat de ce changement ? Peu favorable aux Habsbourg. Sans doute les Allemands forment maintenant une minorité dans l’empire mais cette minorité est unie et sait vers quoi elle tend, vers la réunion à l’empire germanique. Au contraire, les Tchèques de Moravie, les Polonais de Silésie, les Slovènes de Styrie et de Carniole, les Italiens de Carinthie et de Tyrol s’uniront-ils assez fortement autour du trône pour qu’il puisse résister aux assauts prochains ? Nous n’en croyons rien. En admettant le suffrage universel, François-Joseph forge très probablement lui-même l’instrument par lequel sera disjointe la mosaïque ethnique qui constitue son domaine. Il est vrai qu’il serait peut-être bien embarrassé pour le répudier.

Une révolte au Brésil.

Sans attacher par trop d’importance à ce qui s’est passé depuis un an dans le lointain territoire de Matto Grosso, il convient pourtant de ne pas perdre de vue des événements propres à donner de l’Union brésilienne une opinion peu flatteuse peut-être, mais malheureusement exacte. Matto Grosso occupe le centre du continent sud-américain et touche à la Bolivie. C’est un des États de la Confédération et comme tel il jouit d’une semi-indépendance dont il abuse au besoin. Au mois de mai dernier, une insurrection s’y organisa contre le pouvoir légal. Le 13 juin, l’armée révolutionnaire mit le siège devant la capitale Cuyaba où se trouvait enfermé le président de l’État. Ce dernier n’avait ni fortes murailles ni troupes nombreuses pour le protéger ; un assaut des assiégeants eut promptement mis fin à son pouvoir, mais dans la prison il tenait enfermé un grand nombre de prisonniers politiques dont quelques-uns appartenaient aux meilleures familles du pays. Il menaça de les mettre tous à mort si l’assaut était donné. Les révolutionnaires demeurèrent campés devant Cuyaba jusqu’au jour où ils se virent eux-mêmes menacés d’être pris à revers par un corps de troupes favorables au gouvernement. Alors ils entrèrent mais pas assez vite pour empêcher le tyranneau de faire passer au fil de l’épée, sans jugement, les malheureux otages qui lui avaient jusque-là servi de rempart. À leur tour, les vainqueurs s’étant saisis de la personne du président Paez le mirent à mort ; après quoi, ils s’installèrent au pouvoir. Ce qui est à retenir en cette affaire, c’est l’impuissance totale du gouvernement fédéral. Les forces qu’on a tenté d’envoyer à Matto Grosso ont eu toutes les peines du monde à s’en approcher, faute d’embarcations propres aux transports fluviaux ; mais ce qui est plus incroyable c’est qu’en réponse à un message présidentiel, par lequel le chef de la République du Brésil suggérait que les coupables fussent cités devant la justice fédérale, le Sénat de Rio de Janeiro ait paru incliner du côté de l’abstention ; la commission compétente a conclu en effet que, si regrettable que fussent ces événements, ils ne nécessitaient pas une intervention fédérale. Voilà qui n’est pas ordinaire. Le Brésil devrait changer de titre : celui d’États-Désunis lui conviendrait mieux.

Visites scandinaves.

Frédéric viii a apporté un grand tact et passablement de courage dans son geste initial. Il était impossible de mieux inaugurer son règne qu’il ne l’a fait en se rendant avant tout à Stockholm pour y visiter le souverain déchu sur le trône duquel son propre fils est maintenant assis. La démarche était plus qu’incommode : elle était pénible. Le nouveau roi de Danemark a beau être le très proche parent d’Oscar ii ; il est encore plus proche parent d’Haakon vii. Certes la maison de Danemark n’a été pour rien dans la révolution norwégienne ; on ne saurait dire qu’à aucun moment elle ait encouragé en quoi que ce soit les velléités séparatistes des Norwégiens ; ce n’en est pas moins elle qui en a le plus directement profité puisqu’un de ses princes est devenu roi de Norwège. Sentant profondément que l’intérêt supérieur du scandinavisme exigeait d’eux cette contrainte, Frédéric viii et Oscar ii se sont trouvés d’accord pour échanger des paroles de paix, d’amitié même. On ne peut que souhaiter à leurs peuples de bien comprendre le sens et la portée de cette démarche ; puisse-t-on surtout les comprendre à Kristiania où l’ère des difficultés s’ouvre déjà après une trop courte lune de miel.

Fanfares de capitulation.

Capituler au son d’une marche triomphale en prenant des airs de victoire est une tactique tellement grossière que si M. Bebel l’a employée au récent congrès de Mannheim, c’est apparemment qu’il a bien peu d’estime pour la mentalité de ses concitoyens. M. Bebel, comme chacun le sait, incarne en Allemagne, avec beaucoup de talent d’ailleurs, le socialisme politique lequel apparaît de plus en plus lié aux deux équivoques qui le font vivre. Il s’efforce en effet d’influer sur les pouvoirs publics par la menace d’une révolution qu’il se garderait bien de provoquer ; et, d’autre part, il cherche à s’imposer aux travailleurs comme leur seul et indispensable porte-paroles et par là à les retenir dans sa dépendance. Le malheur est que les pouvoirs publics ont cessé de croire à ladite révolution et que, de leur côté, les travailleurs ont aperçu dans leurs propres syndicats un organe plus direct et plus efficace. Aussi tandis que, l’année dernière, le congrès politique d’Iéna votait à l’instigation de Bebel une résolution en faveur de la grève générale éventuelle, le congrès syndical de Cologne proclamait que « la grève générale telle qu’elle est préconisée dans le domaine de la lutte économique par des anarchistes et des gens sans expérience, ne vaut pas d’être discutée. » Et il avertissait les ouvriers « de ne pas se laisser détourner, en accueillant et en répandant de pareilles idées » de la besogne quotidienne à laquelle ils doivent s’atteler et qui consiste à agir, à l’intérieur de la société capitaliste et sur le terrain de l’ordre social actuel, pour l’amélioration de leur sort. C’est à peu près l’esprit des Trades Unions britanniques ; ce sera l’esprit de tous les groupements professionnels arrivés par la bonne organisation et le progrès pédagogique à une certaine maturité et à une conception réfléchie de leurs intérêts. Mais cette maturité c’est la mort du politicien, la ruine de son influence. Voilà pourquoi il se préoccupe en général de ne l’y point conduire et s’attache à l’étourdir par des bribes de faux savoir au lieu de l’instruire de façon honnête et pratique. Des hommes tels que MM. Jaurès et Bebel emploient de la sorte leurs belles capacités et l’impasse dans laquelle ils s’égarent les conduit parfois à de regrettables palinodies. Le tour d’escamotage par lequel au congrès de Mannheim ce dernier vient de déclarer que, tout le monde étant d’accord sur la question de la grève générale, il est inutile d’en parler plus longtemps, constitue l’aveu d’un échec complet. Les gens de Mannheim font entendre ce cri de guerre d’un nouveau genre : nous capitulons ! Hoch ! Hoch ! Hurrah !

Deux îles agitées.

Le prince Georges de Grèce a quitté l’île de Crète et a pris congé des habitants par un manifeste parfaitement digne et qui a, en plus, l’avantage de poser la question crétoise de la façon la plus claire et sans que personne puisse s’en froisser. Le prince s’est borné à formuler le vœu que l’annexion de l’île au royaume hellène ne tarde pas et a recommandé aux Crétois d’attendre avec patience la réalisation de leur désir à cet égard. Rien à critiquer dans un pareil langage. Mais on ne pouvait mieux souligner le caractère inéluctable de la solution finale. Il faudra bien que les puissances en arrivent là une fois ou l’autre. Elles l’ont elles-mêmes reconnu le jour où elles ont résolu de soustraire la Crète à l’occupation ottomane et de lui donner un prince grec comme gouverneur. Ce pouvait être habile de leur part de faire attendre quelque peu aux Hellènes l’attribution de ce beau morceau du territoire national mais on ne voit pas ce que la paix balkanique peut gagner à ce que l’attente se prolonge davantage. La nomination de M. Zaïmis faite par le roi de Grèce du consentement des puissances ne facilite rien. Elle proclame une fois de plus les titres indiscutables de l’hellénisme à la possession de la Crète et en même temps elle encourage les intéressés à faire valoir plus énergiquement ces titres. Quel que soit le talent très réel de M. Zaïmis, il aura moins de prestige et partant moins d’action sur ses administrés que n’en avait le prince Georges et réussira moins bien à leur faire prendre patience.

Le sort de Cuba est infiniment moins intéressant désormais que celui de la Crète et les Cubains sont plus ou moins les propres artisans de leurs infortunes. Aussi bien ont-ils de la chance d’avoir pour voisin l’oncle Sam qui n’est pas un ogre et ne les mangera pas. L’oncle Sam s’est réinstallé chez eux provisoirement pour y faire un peu d’ordre, puisqu’ils n’ont pas su s’accommoder du gouvernement très sortable dont ils jouissaient. Il est probable que la besogne faite, l’oncle Sam rentrera chez lui. Mais si les Cubains devaient continuer longtemps ce jeu-là, ils finiraient par y perdre totalement leur indépendance et personne ne les plaindrait.

En Russie.

Le correspondant du New-York Herald écrivait à son journal ces temps-ci que la foire de Nijni Novgorod avait dépassé en éclat toutes les foires précédentes et que le mouvement des affaires y avait atteint un chiffre inusité ; le même renseignement a été donné par d’autres correspondants de journaux. Alors ?… Pensez-vous qu’en pleine révolution française l’offre et la demande fussent si copieuses ? Certes on ne saurait s’exagérer les inquiétudes que les événements actuels sont bien faits pour inspirer aux amis de la Russie mais il est parfaitement certain d’autre part que, depuis le commencement des troubles, nous sommes faussement renseignés par des personnes ayant intérêt à donner les pires impressions et à pousser toutes choses au noir. Trop d’intérêts inavouables, politiques et financiers, tournent autour de cette crise russe pour que les gens raisonnables ne se méfient pas des nouvelles qui leur parviennent. Cela ne rend pas d’ailleurs la solution plus aisée à trouver.

LES ORIGINES HUMAINES



Aucune question n’a davantage passionné l’humanité que celle de ses origines. On ne saurait s’en étonner puisque cette question touche directement au mystère de nos destinées, c’est-à-dire au mystère qui nous émeut et nous agite le plus. Autrefois nulle clarté réelle n’éclairait ce domaine inquiétant ; l’homme en était réduit à de vaines spéculations et à de stériles efforts imaginatifs. Encore que les ténèbres soient loin d’être dissipées, l’investigation scientifique a tracé une route certaine à travers l’inconnu du passé ; bien des faits sont acquis dont l’importance apparaît énorme au point de vue des découvertes ultérieures. À l’heure où, dans son admirable ouvrage posthume intitulé L’Homme et la Terre[1], Élisée Reclus expose avec son génie si lucide la série de ces faits, nous croyons utile d’en présenter nous-mêmes un très bref résumé, nous tenant le plus souvent aux côtés de l’illustre maître, insistant çà et là sur certains points où nous jugeons devoir nous permettre de différer d’avec lui.

L’homme et l’animal

La parenté de l’homme et de l’animal est indiscutable ; on peut dire qu’elle est indiscutée puisque, d’après le catéchisme lui-même, « l’homme est un animal raisonnable » — définition à laquelle nul ne saurait refuser de souscrire. Mais quelle est cette parenté et d’où dérive-t-elle ? L’homme se distingue des autres animaux par deux traits essentiels : le langage et l’outil. On dit volontiers qu’il s’en distingue encore par la manière de se tenir, par ce qu’on nomme la station droite. Mais certains animaux se rapprochent de lui sous ce rapport et l’on imagine que, sous l’impulsion de circonstances données, une transformation puisse s’opérer en eux qui les en rapproche encore davantage. Il n’en va pas de même du langage. Nous ne pouvons aisément concevoir le passage des sons inarticulés à la parole, expression directe de la pensée. L’homme peut-il être un simple produit d’une évolution incalculable ? Beaucoup de savants acceptent cette doctrine. Ils admettent une période pendant laquelle l’animal humain n’a pu que grogner et japper, puis une seconde période allant de la pratique de la parole articulée à la découverte du feu. Le reste s’enchaîne sans difficulté. L’emploi de l’outil primitif marque le commencement de l’industrie, de même que l’idée d’orner le moins du monde cet outil en le travaillant marque le commencement de l’art. Il est compréhensible que l’éveil moral soit né de l’idée divine, elle-même inspirée par le spectacle des forces de la nature et surtout par l’éclair, manifestation dépassant toutes les autres en imprévu, en étrangeté et en puissance. Donc, une fois admis l’homme pensant et parlant, l’évolution humaine devient claire ; mais ce qui ne l’est pas, c’est la façon dont un simple animal du genre de ceux qui nous entourent serait devenu conscient et aurait réussi à traduire sa pensée par la parole articulée. Sans oser nous inscrire en faux contre cette manière de voir, les preuves manquant en somme pour l’infirmer, nous devons prendre en considération deux faits certains : c’est d’abord l’immobilité morale du règne animal. Nos connaissances historiques s’étendent aujourd’hui sur dix à douze mille ans en arrière et nous n’apercevons pas le plus léger symptôme d’une modification sur ce point ; le chien d’Ulysse possédait déjà le genre d’intelligence et la faculté d’attachement qui nous font aimer ses descendants ; les fourmis n’ont point amélioré leurs étonnantes communautés, le miel de l’hymette n’est pas surpassé, le talent d’architecte du castor est demeuré identique et l’habileté professionnelle du perroquet n’a pas fait un pas, non plus que l’art incontestable du rossignol. Nous citons à dessein des animaux que leur industrie, leurs groupements sociaux, leurs facultés émotives et même un curieux phénomène d’articulation irréfléchie désignent comme plus propres à se développer dans un sens parallèle au nôtre ; on a pu dire de certains d’entre eux qu’ils étaient « candidats à l’humanité » ; le mot est joli, mais ce sont là de singuliers candidats puisqu’ils ne font aucun progrès ! On objectera alors que dix mille ans représentent la valeur d’un instant par rapport au formidable amoncellement des âges disparus ; ce n’est pas exact car ces dix mille ans, en regard des somnolences antérieures, furent une période de culture cérébrale intensive pendant laquelle, si le progrès était réalisable, il paraîtrait impossible qu’on n’en aperçût pas la plus légère trace. D’ailleurs lors même que l’homme parviendrait à obtenir de son congénère le singe, par exemple, quelques mots ou quelques signes de conscience, resterait à savoir comment lui-même aurait pu jadis franchir cette même étape sans le secours d’un « précepteur ». Le second fait à considérer, c’est que la contenance du crâne humain ne s’est pas accrue depuis les temps préhistoriques ; la plupart des crânes fossiles que l’on a découverts l’emportent même quelque peu en capacité sur les crânes actuels. À la réflexion, il n’y a pas lieu d’en être bien surpris car il est évident que l’homme primitif, en présence d’une nature et d’une faune hostiles et disproportionnées avec ses propres moyens, n’a pu se maintenir que par la ruse, le sang-froid, l’observation et le calcul ; plus tard, ne craignant plus que ses semblables, la force lui a suffi mais, alors, elle était insuffisante à lui assurer la victoire. Ainsi donc, à côté de l’immobilité de l’animal enchaîné à l’étage inférieur semble s’affirmer l’immobilité de l’homme à l’étage supérieur ; jusqu’à plus ample informé, les facultés ici et là apparaissent irréductibles.

Les races

Un fait acquis, c’est la présence de l’homme sur la terre dès l’époque quaternaire, c’est-à-dire en un temps où les eaux, le sol, les climats différaient fondamentalement de ce qu’ils sont aujourd’hui. Cette présence était quasi universelle : les continents et les grandes îles se trouvaient déjà peuplés. Rien ne désigne une portion quelconque de la planète comme ayant été le « berceau du genre humain », berceau d’où peu à peu il aurait débordé sur toute l’étendue des terres de proche en proche. Il est clair que les choses se sont ainsi passées mais il n’en reste point de trace. La diffusion de l’homme serait donc antérieure à l’époque quaternaire. Par contre, les traces subsistent des cataclysmes qui seraient survenus vers ce temps ; elles concordent avec la tradition du déluge laquelle n’est pas seulement une tradition chaldéo-judaïque mais se retrouve en Chine, aux Indes et même en Amérique.

Y eut-il dès le principe plusieurs races distinctes ou bien les distinctions provinrent-elles de la seule évolution ? Les partisans de la première solution ou polygénistes disputent à ce sujet avec les monogénistes qui tiennent pour la seconde. Historiquement, le polygénisme demeure un point de départ au-delà duquel rien de distinct ne se profile. Si l’on classe les races d’après leur couleur, les blancs, les jaunes, les noirs et les rouges apparaissent à l’horizon de l’histoire ; si l’on se règle sur le langage, les six dialectes aryen, sémitique, ouralien, berbère, bantou et algonquin ne présentent aucun trait commun permettant de les relier les uns aux autres. Enfin la classification établie d’après la conformation crânienne se résout en deux grandes divisions : la brachycéphalie et la dolicocéphalie c’est-à-dire le rapport entre le diamètre antéro-postérieur et le diamètre transversal du crâne. Ne dépassant pas un maximum de 75 pour cent chez le dolicocéphale, il atteint chez le brachycéphale jusqu’à 80 pour cent.

Les races sont-elles de même puissance c’est-à-dire, toutes choses égales d’ailleurs, possèdent-elles des qualités équivalentes ? Voilà encore une question sur laquelle la controverse s’est exercée trop passionnément pour que la clairvoyance et la logique n’en aient pas souffert. Il est imprudent sans doute de prendre parti ; aussi bien les preuves absolues font-elles défaut. Mais l’expérience et le raisonnement tendent à faire de plus en plus justice des assertions exaltées du comte de Gobineau, le plus fougueux partisan de l’inégalité des races. « Il suffirait, écrivait celui-ci, que le groupe blanc le plus pur, le plus intelligent et le plus fort résidât, par un concours de circonstances invincibles, au fond des glaces polaires ou sous les rayons de l’équateur pour que toutes les idées, toutes les tendances, tous les efforts y convergeassent ». En fait les représentants du groupe blanc « le plus pur, le plus intelligent et le plus fort », ont affronté les glaces polaires aussi bien que les rayons de l’équateur et ne s’y sont pas toujours comportés d’une façon propre à corroborer un tel axiome. Du reste, l’influence des milieux, déjà reconnue par les anciens, est aujourd’hui trop clairement établie pour qu’il soit permis d’en faire aussi bon marché.

Le climat a été le véritable sculpteur des races : c’est lui qui leur a donné leur physionomie et leurs traits distinctifs. Par climat, cela va de soi, il faut entendre non point la température seulement mais l’ensemble des conditions du sol et de l’atmosphère. Ce n’est point le hasard et c’est encore moins le goût qui a poussé les hommes ou les a retenus loin des régions tempérées et des zones faciles ; mais c’est la nécessité, c’est le souci de la conservation et de la défense. Ainsi, quittant la plaine, ils ont fui vers la montagne afin d’y trouver la sécurité ou bien ils ont affronté, pour échapper à la férocité de l’animal, la rudesse des éléments. À quel degré atteint leur adaptabilité aux milieux les plus artificiels, c’est ce que démontrent les villages lacustres tels qu’il en existe encore de nos jours et, mieux, les silhouettes si bizarres des pâtres landais perchés sur leurs invraisemblables échasses et se servant de ces jambes postiches avec une dextérité sans égale.

Le climat détermine la nature du travail. La chasse, la pêche, la cueillette, le pâturage, la culture en composent les types généraux. La cueillette fut évidemment le type primordial, non seulement parce qu’au début l’homme manquait des connaissances ou des instruments nécessaires pour se livrer à d’autres travaux mais parce que sa constitution même et son anatomie révèlent un être destiné à se nourrir des fruits du sol et non point de la chair des animaux. Il y fut conduit par les circonstances et devint, selon le cas, chasseur, pêcheur, possesseur de troupeaux qu’il fit paître, agriculteur enfin, après qu’il eut découvert, à force d’observation et d’expériences, le mystérieux prodige de l’ensemencement. Le travail à son tour détermine la nature et les aspects de la propriété et ces deux éléments combinés influent sur la famille, y établissent la prépondérance du père ou celle de la mère, fixent les tendances polygames ou monogames, provoquent l’essaimage ou la cohésion c’est-à-dire la fondation par les enfants mariés de foyers distincts ou leur maintien au foyer central.

Les inventions essentielles

Le progrès s’est accompli pour l’humanité primitive principalement par l’imitation et les contacts. Imiter la nature, l’animal, s’imiter soi-même telles furent les premières préoccupations de l’homme. Et si nous possédons aujourd’hui d’autres instruments de progrès, il convient d’observer que ceux-là comptent encore parmi les plus puissants et les plus actifs. Une bonne partie des fonctions sociales repose sur la loi d’imitation ; quant au voyage lequel est en somme une forme intensive du contact, il est considéré unanimement comme un excellent moyen de se perfectionner. Mais il existe un certain nombre d’« inventions » qui jouent dans notre vie un rôle trop fréquent pour que nous nous souvenions du geste spontané dû au hasard ou à la réflexion par lequel elles surgirent jadis. La route s’est inventée d’elle-même ; les hommes et souvent les animaux la dessinèrent d’instinct en suivant leurs propres traces. Mais le pont, l’étoffe, la roue, le levier, le bateau, la poterie, l’écriture enfin, voilà les bases profondes de notre civilisation ; voilà les assises géantes enfouies dans le sol, les bienfaits colossaux que nous ont légués nos ancêtres inconnus. Que l’idée du pont soit née de deux arbres s’inclinant l’un vers l’autre au-dessus d’un cours d’eau et reliés peut-être par une liane suggestive, — que l’idée du bateau soit issue d’un tronc d’arbre creusé par les ans et s’en allant à la dérive avec quelque branchage donnant prise au vent et servant de voile, cela est vraisemblable. La genèse de l’écriture telle que la conçoit Von Ihering nous satistait également. Les marques de couleur servant à reconnaître le bétail en auraient constitué l’embryon. À force de les tracer sur la peau du bœuf vivant et de les apercevoir sur la peau de l’animal mort, on se serait accoutumé à l’utilisation de ce parchemin naturel pour y fixer par des signes conventionnels le souvenir d’un événement ou le détail d’une entente. On imagine moins aisément comment l’homme fut conduit à cuire de la terre ou à fondre du métal et, s’il n’existait pas à la base de certaines plantes tropicales de véritables toiles naturelles à fibres entrecroisées, le principe du tissage nous semblerait inaccessible à l’être primitif. Quant au levier et plus encore à la roue, ils ont dû jaillir d’un esprit avancé qu’éclairaient quelques lueurs de génie. La roue, plus encore que le cheval, facilita les grandes migrations en permettant d’entasser sur des chariots les enfants, les provisions et le butin. Faute de l’avoir connue, l’Amérique fut stagnante. La roue lui manqua plus que le cheval ; l’homme voyage sans le cheval ; la famille ne voyage pas sans le chariot. C’est ainsi que les peuplades d’Amérique fort développées socialement et mentalement vécurent dans le passé lointain isolées et condamnées à l’étiolement.


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FOIRE NORMANDE



Il avait une brave figure, ce Normand et, tout de suite, il comprit la situation et envoya chercher un « siau ». Comme les chevaux allaient être contents de manger leur avoine dans un siau ! Cela les changerait, pour sûr, de leurs habitudes. En attendant, à demi-dételés, ils se tournaient avec une mine inquiète vers un grand rideau d’arbres embroussaillés derrière lequel devait se passer quelque chose d’inaccoutumé ; une rumeur confuse venait de là, dominée de temps à autre par un éclat de voix humaine ou des cris d’animaux. Dans le champ clos servant de remise, notre grand break à roues jaunes se dressait, l’air un peu dédaigneux, au milieu de centaines de carrioles ; il en arrivait toujours ; le champ voisin commençait d’être envahi lui aussi ; à l’entrée, le propriétaire recevait d’une manière fort correcte, indiquant les places selon l’ordre de préséance des bourses. Quelques pas plus loin, les arbres s’écartant soudain, on découvrait dans toute sa splendeur la foire de Theurteville.

Une lande très vaste montait en pentes douces vers des sommets rocheux ; tout près de nous, des régiments d’oies tassées les unes sur les autres formaient de grandes taches blanches tandis que, là-haut, les ajoncs en floraison d’automne mettaient de l’or sur l’herbe rougeâtre ; des bœufs solennels et mécontents, des juments poulinières escortées de poulains bondissants s’étageaient entre les oies et les ajoncs ; sur la gauche, un village de toile grise s’était improvisé : boutiques, restaurants, cafés. Le regard embrassait tout cela d’un seul coup pour venir se reposer ensuite sur les haies verdoyantes qui fermaient la vallée. Le tableau, pour surprenant qu’il fût, charmait néanmoins par son originalité et sa diversité. Nous nous mîmes à gravir, traversant d’abord la région des oies où flottait, comme une neige, un blanc duvet très léger. Le pays des bœufs fut plus long et plus difficile à parcourir ; les habitants animés d’intentions mauvaises ne se dérangeaient point. Quelques-uns, en conciliabule sérieux, paraissaient examiner l’opportunité d’une grève générale. Les chevaux occupaient toute la lande supérieure ; les mères venues de loin et fatiguées par la route remuaient peu ; sur leur poil luisant, la selle normande — un simple tapis de cuir piqué, tranchait allègrement ; les poulains gambadaient tout autour, joyeux du bruit et du mouvement, heureux de vivre dans le plein air de ce site champêtre et les Normands se les disputaient sans en avoir l’air. « Vingt-trois pistoles » disait l’acheteur en simulant l’indifférence, décidé s’il le fallait à aller jusqu’à trente. L’autre protestait comme si on lui eût offert deux francs cinquante. Finalement il livrait sa bête après s’être fait promettre quelque boustifaille en surplus.

Leurs vestes lâches en forme de blouses très courtes étaient faites d’étoffes sombres. Au col, une agrafe de métal et sur la tête un petit chapeau plat. Les femmes étaient en bonnet sauf quelques riches fermières dont les toilettes ineffables reproduisaient le coloris de l’arc-en-ciel. L’une d’elles, géante et rougeaude, portait un chapeau couvert de dahlias et une confection gris-clair ornée de verroteries à reflets chatoyants. Nous la retrouvâmes un peu plus tard au café Brisset, dévorant à belles dents du gigot et de la langouste près de son époux dont le vaste sourire indiquait l’état d’âme. Évidemment, il avait gagné « queuques sous ».

Le café Brisset groupait sous sa longue charpente la haute gomme de la foire : éleveurs de Caen aux allures importantes, paysans rusés avec des yeux tout autour de la tête : on y voyait même un député et — pour représenter le sport — quelques cyclistes dont les montures gisaient, poussiéreuses, à l’entrée de « l’Avenue des gigots ».

Un poème, cette avenue ! Soixante ou soixante-dix broches tournant devant une quinzaine de brasiers comme savent en allumer, pour se sécher, les héros de Jules Verne lorsqu’ils naufragent sur une île déserte. Quinze débraillés d’aspect méphistophélique gagnent un modique salaire à tourner ces broches ; leurs visages donnent un avant-goût des délices du purgatoire. Une odeur de graisse est répandue aux alentours. « Le gigot de Mme  Mathieu » appelle une voix et, dans un plat creux en terre brune, l’appétissant morceau s’en va rejoindre sa propriétaire. Mme  Mathieu reçoit en même temps, pour elle et sa famille, une langouste, une miche de pain, du beurre et du sel dans une assiette et un pichet de cidre. Qu’elle se débrouille maintenant ! Les garçons courent à Mme  Leroy qui s’impatiente. Il y a peut-être 200 convives sous la tente du café Brisset quand nous y arrivons. Des places de faveur nous ont été réservées près de l’entrée par où vient un courant d’air frais. On aperçoit de là les petites boutiques. Mme  Leroy, avant de se mettre à table, a acheté des bretelles pour M. Leroy et un mirliton pour son mioche. Elle n’est cependant pas satisfaite du marché qu’on vient de conclure. À quoi a-t-il pensé M. Leroy, de donner un si beau poulain pour trente-deux pistoles. Le monsieur d’à côté qui en aurait donné trente-trois si on l’avait poussé un peu.

Deux heures ! l’Avenue des gigots s’est vidée, les estomacs sont bien remplis et les regards se font plus tendres. Mais il n’y a pas de pochards parce que les marchés ne sont pas encore tous terminés et qu’il faut avoir son bon sens pour pouvoir mettre dedans son prochain. Les poulains gambadent toujours très éveillés, jolis à croquer, l’œil méfiant et la crinière toute droite. La grève des bœufs ne s’est pas décidée. Cette question qui est à l’étude depuis le commencement du monde ne paraît pas près de sa solution. Quant aux oies, empaquetées en pyramides sur des charrettes, elles partent pour l’Angleterre où elles auront l’honneur d’être mangées le jour de Noël. Conscientes de leur destinée, elles jettent sur la foule des regards empreints d’une gravité sereine.

Sur la route, c’est un long défilé de véhicules surchargés où parfois se découpe la silhouette d’une coiffe tuyautée en forme de labyrinthe, selon la mode du vieux temps. Et le champ de foire très sale, très labouré, présente l’aspect mélancolique des lendemains de fêtes. Le soleil lui-même se retire en mettant une étincelle suprême sur les ajoncs.

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UN COLLÈGE MODÈLE


La rectitude, la sagacité et même la cohérence sont en général des qualités très indépendantes de toute instruction et leur culture résulte, jusqu’ici, beaucoup plus de la vie pratique que de l’apprentissage théorique.
(Auguste Comte, La Politique positiviste, t. i, p. 187.).

L’an passé s’est réuni à Mons, sur l’initiative personnelle de S. M. le roi des Belges, un Congrès international d’Expansion économique mondiale. La pédagogie y tenait une place importante. Sur la demande de M. le gouverneur du Hainaut et de M. le directeur général de l’Enseignement, président et vice-président de ce congrès, M. de Coubertin accepta de dresser les plans d’un collège destiné à former des garçons entreprenants et propres aux carrières lointaines. Telle est la genèse du projet que nous publions aujourd’hui le jugeant susceptible d’intéresser nos lecteurs.

Le programme peut être ainsi résumé : concevoir un collège modèle en vue de l’expansion mondiale mais en dehors de tout specialisme rendant les jeunes gens qui en sortiront impropres à d’autres carrières. Autrement dit : un collège susceptible de les préparer au point de vue des qualités générales mais non des connaissances spéciales requises pour la réussite au loin — demeurant entendu que ces qualités-là sont utiles en tous pays et pour tous métiers et qu’il est toujours avantageux pour un homme de les posséder, en quelque milieu et condition qu’il soit destiné à vivre.

Le collège est un internat ; il n’admet pas d’externes. Il n’admet de demi-pensionnaires (passant toute la journée au collège et rentrant chez eux après le repas du soir) que dans la proportion d’un quart, tout au plus d’un tiers du chiffre total des élèves ; du reste le collège devant être situé, autant que possible, à la campagne ou dans un bourg, cette éventualité ne risque guère de se produire.

Le collège ne comprend pas plus de 200 élèves et il est préférable qu’on puisse se tenir aux environs de 180. Les élèves ne sont pas admis avant 12 ans révolus et n’y restent pas plus de 5 ans. Le programme d’études est établi sur cette durée. On peut admettre en « cours de route » quelques élèves nouveaux mais à titre d’exception seulement ; l’examen d’entrée devient de plus en plus sévère à mesure que le candidat a moins d’années à passer au collège.

À titre d’exception sont autorisés les redoublements de classe et seulement pour cause d’accident ou de maladie.

Nul ne peut être admis s’il n’a subi avec succès un examen d’entrée conçu de la manière suivante : un exercice de mémoire ; — un exercice d’invention (composition rapide sur un sujet donné) ; — un examen médical ; — un examen d’exercices physiques ; — un examen de langues vivantes (l’élève doit lire facilement, mais non expliquer, des textes allemand, grec, anglais, latin et espagnol, cette lecture étant considérée comme la base de l’enseignement qui lui sera donné au collège). — Les examinateurs le cotent de 1 à 20 sur chacun de ces points et le résultat de l’examen figurera sur son carnet scolaire.

i. — Organisation matérielle

Le collège est établi sur un espace plat mesurant 400 mètres de long sur 250 de large (voir plan A).

L’enceinte comprend, outre les bâtiments scolaires : trois terrains d’herbe pour les jeux organisés et spécialement le jeu de football ; ces terrains mesurent 120 sur 80 mètres ; — Une piste d’herbe semée d’obstacles sur un de ses côtés et propre à être utilisée par les cavaliers et les coureurs à pied ; — deux allées plantées d’arbres, larges de 30 mètres et se coupant à angle droit de façon à former une sorte d’esplanade de 30 mètres carrés ; — six terrains de tennis ; — l’infirmerie et son jardin ; — le pavillon du concierge, des écuries pour douze à quatorze chevaux ; — les ateliers et un terrain d’exercice.

Les bâtiments scolaires proprement dits comprennent : cinq maisons d’habitation reliées les unes aux autres par des galeries couvertes sur lesquelles donnent les classes ; au centre, une grande halle fermée, couverte et bitumée mesurant 30 mètres sur 40.

Maisons d’habitation

Des cinq maisons d’habitation, quatre sont dénommées maisons d’angle à cause de leur situation (voir le plan B) et affectées respectivement aux élèves de 1re, 2e, 3e et 4e année ; la cinquième est affectée aux élèves de 5e année et dénommée grande maison.

Chacune de ces maisons d’angle comprend : au sous-sol (ce n’est qu’un demi-sous-sol, le rez-de-chaussée se trouvant à 1m50 du sol). une cuisine avec ses dépendances, une buanderie et un calorifère à eau chaude destiné à chauffer, outre la maison elle-même, les salles adjacentes du rez-de-chaussée (voir plan B) à droite et à gauche et aussi à fournir de l’eau chaude aux heures voulues pour les douches et lavabos ; — au rez-de-chaussée, l’escalier, une antichambre, un grand salon, un petit salon, une salle à manger, un office avec monte-charges communiquant avec la cuisine, des lavabos et cabinets ; — au 1er et au 2e étages, l’escalier, un corridor, une salle d’études, une salle de répétition, un dortoir, un appartement de professeur, une salle de douches et des cabinets ; — aux mansardes, cinq chambres de domestiques et des salles de séchage et de débarras.

La grande maison : au sous-sol, une cuisine avec ses

dépendances, une buanderie et un calorifère, comme dans les maisons d’angle ;

au rez-de-chaussée, une antichambre, des bureaux, un grand salon, un petit salon, un réfectoire, un office avec monte-plats et escalier de service communiquant avec la cuisine, des lavabos et cabinets ; — au 1er étage, l’escalier, deux dortoirs, une salle de douches, des cabinets, un appartement de professeur ; — au 2e étage, l’escalier, deux salles de classes, deux salles de répétitions, une salle d’études, un appartement de professeur ; — aux mansardes, chambres de domestiques et salles diverses.

Halle, Galeries et Classes

La halle centrale est divisée en deux portions inégales, l’une mesurant 30 mètres sur 30, servant de salle de fêtes et d’exercices ; l’autre mesurant 30 mètres sur 10 et formant au centre une chapelle, à droite une sacristie, à gauche un débarras pour le matériel de la chapelle, chaises, bancs, etc. La chapelle communique avec la halle par des portes à quatre vantaux qu’on ouvre le dimanche pour la messe et pour les cérémonies. La grande halle est au niveau du sol extérieur, par conséquent à 1m50 plus bas que les galeries et les rez-de-chaussée des maisons d’habitation (voir plan D). La chapelle et la sacristie sont surélevées de quelques marches seulement. Les locaux qui ouvrent sur les galeries (lesquelles sont séparées de la halle centrale par de larges fenêtres pouvant s’ouvrir) sont : le vestibule d’entrée, les bureaux et économat, la bibliothèque des élèves de 1re, 2e et 3e année, huit salles de classe, la bibliothèque des élèves de 4e et de 5e année, les laboratoires et enfin des appartements disponibles dont il paraît utile de réserver l’emplacement pour les besoins imprévus, logements du directeur, de professeurs supplémentaires, de conférenciers de passage, etc. Tous ces locaux n’ont qu’un rez-de-chaussée.

ii. — Devis et Budgets

Il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d’établir des devis précis, le prix d’achat ou de location à très long bail du terrain, par exemple, devant varier avec le pays, la situation, etc. Il en est de même de la main-d’œuvre. On voudra bien tenir compte de cette difficulté dans l’appréciation des chiffres qui vont suivre.

Nous supposons le collège presque entièrement construit en

briques, les murs de faible épaisseur étant revêtus de tuiles en

bois (autant que possible en bois de teck). Ce revêtement, pour peu qu’il soit exécuté avec le soin désirable, rend les habitations aussi faciles à chauffer en hiver qu’à tenir fraîches en été ; il donne lieu d’autre part à des motifs architecturaux peu coûteux et d’aspect harmonieux lesquels, agrémentés de plantes grimpantes à feuillages légers, composent un ensemble des plus riants. Le

bois de teck demande à être peint ou vernis. Nous le suggérons vernis, coupé de traverses en bois ordinaire peint en blanc.

Quant au service, il est assuré dans les maisons d’angle par : un cuisinier et trois garçons dont deux se partagent le soin des dortoirs, la salle à manger et les douches, le troisième s’occupant du calorifère et devant aider à la cuisine et à la salle à manger. La lingerie est dirigée par la femme du concierge qui emploie des ouvrières selon les besoins et des blanchisseuses chargées, d’autre part, des lavages et récurages hebdomadaires dans les maisons d’habitation. Nous entendons, en effet, que, dans celles-ci, parquets et murailles soient des plus simples et susceptibles de nettoyages complets et fréquents. Le personnel permanent doit être considéré comme comprenant 5 cuisiniers, 16 garçons (dont 1 à l’infirmerie), 1 concierge, 1 lingère, 2 infirmières, 2 jardiniers ouvriers, 1 chef d’atelier.

Budget d’établissement

Sous le bénéfice des observations ci-dessus, nous supposons le budget établi comme suit :

Achat (partiel ou total) du terrain 
 fr. 200.000
Construction et aménagement des maisons d’angle 
 160.000
Construction et aménagement de la grande maison 
 45.000
Construction et aménagement de l’infirmerie et des autres dépendances 
 50.000
Construction et aménagement des galeries, classes, etc. 
 80.000
Aménagement des terrains, jardins, etc. 
 20.000
Achat du mobilier, comprenant les appareils de chauffage et d’éclairage 
 120.000
Imprévus 
 25.000

Total
700.000

Ces dépenses seraient couvertes par la souscription de 1.400 parts de 500 francs produisant un capital de 700.000 francs rapportant 3 % et se remboursant annuellement par voie de tirage au sort à raison de 10 parts minimum par an.

Budget de fonctionnement
La pension étant de 2.500 francs par an, les recettes calculées sur une moyenne de 180 élèves se monteraient 
 fr. 450.000

Au chapitre des dépenses figureraient :

Entretien de 180 élèves à raison de 270 jours scolaires et de 3 francs par jour par élève 
 fr. 121.500
Intérêt du capital à 3 % et remboursement annuel de 20 parts 
 31.000
Entretien des jardins, des bâtiments, du mobilier et améliorations 
 30.000
Frais d’administration de la société financière 
 3.000
Traitements du personnel 
 21.000
Entretien du personnel 
 15.000
Traitements des professeurs 
 80.000
Entretien des professeurs 
 12.600
Éclairage et chauffage 
 50.000
Blanchissage et nettoyage 
 7.000
Versements à la caisse de retraite des professeurs et du personnel 
 15.000
Impôts et assurances 
 12.000
Dépenses extraordinaires 
 40.000
Reliquat 
 11.900

Total
450.000
iii. — Régime

Le tableau suivant indique le régime commun aux cinq maisons. Les explications nécessaires suivent.

Lundi, mercredi, jeudi et samedi
Hiver.
À 7 heures. Lever
De 7 à 8 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 8 à 9 h. Classe
De 9 à 10 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 à 12 h. Classe.
De 12 à 12 1/2 h. Gymnastique suédoise.
De 12 1/2 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 4 h. Gymnastique utilitaire.
De 4 à 7 h. Classes coupées d’études.
De 7 à 7 1/2 h. Toilette.
À 7 1/2 heures. Dîner.
De 8 à 9 1/2 h. Soirée (les élèves sont libres de se coucher à partir de 9 heures).
Mardi et vendredi
À 6 heures. Lever
De 6 à 7 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 7 à 9 h. Classe
De 9 à 10 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 à 12 h. Classe.
De 12 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 5 h. Jeux.
De 5 à 6 h. Toilette et études.
De 6 à 7 h. Classe.
À 7 heures. Dîner.
De 7 1/2 à 9 h. Soirée (les élèves sont libres de se coucher à partir de 8 1/2 heures).
Lundi, mercredi, jeudi et samedi
Été.
À 7 heures. Lever
De 7 à 8 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 8 à 9 h. Classe
De 9 à 9 1/2 h. Gymnastique suédoise.
De 9 1/2 à 10 1/2 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 1/2 à 12 1/2 h. Classe.
De 12 1/2 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 5 h. Étude et classe.
De 5 1/2 à 7 h. Gymnastique utilitaire.
De 7 à 7 1/2 h. Toilette.
À 7 1/2 heures. Dîner.
De 8 à 9 1/2 h. Soirée (les élèves sont libres de se coucher à partir de 9 heures).
Mardi et vendredi
À 5 heures. Lever
De 5 à 5 3/4 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 5 3/4 à 7 h. Promenade
De 7 à 9 h. Classe.
De 9 à 10 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 à 12 h. Classe.
De 12 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 4 h. Étude et classe.
De 4 à 6 1/2 h. Jeux.
De 6 1/2 à 7 h. Toilette.
À 7 heures. Dîner.
De 7 1/2 à 9 h. Soirée (coucher libre à partir de 8 1/2 heures).
Lavage et Habillement

En sortant du lit, les élèves revêtent leur peignoir de bain et se rendent à la douche qu’ils prennent par escouades de dix, tiède et en pluie, en se frottant tout le corps avec du savon et se frictionnant ensuite avec une serviette rugueuse ou un gant de crin. Ils doivent aussitôt après s’habiller très rapidement et absorber une boisson bien chaude (lait, thé, cacao), qui leur est servie en cantine avec un morceau de pain, sur une table volante, à l’entrée du dortoir. Le reste de l’heure en attendant la classe est employé par eux à leur guise, au dehors ou à l’étude. Ils revêtent dès le matin leur costume de jeu, jersey de laine blanche, culotte courte de gros drap et veston pareil, bas de laine et fortes chaussures de marche ou de foot ball[2] et le conservent jusqu’à l’heure du dîner pour lequel ils doivent mettre une chemise blanche, des chaussures noires et un vêtement de couleur sombre. Il n’y a pas d’uniforme pour les élèves de 1re, 2e, 3e et 4e année.

Les élèves de 5e année qui sont organises et conduits militairement sont astreints à porter l’uniforme : petite tenue, genre soldat-cycliste avec vareuse et culotte de drap gris foncé à parements verts, jersey et bas ; grande tenue en drap bleu de roi avec boutons d’argent, culotte, bottes cirées, dolman et képi.

Pendant le cours de la journée et pendant la demi-heure qui précède le dîner, les élèves peuvent faire usage des lavabos installés dans chaque maison. Il ne leur est permis de prendre une seconde douche d’eau tiède qu’à l’issue des séances de jeu du mardi et du vendredi et, les jours chauds, quand la séance de gymnastique utilitaire a amené une forte sudation.

Repas

Les repas, au nombre de trois par jour, se composent de : À déjeuner : des œufs, du beurre, un farinage, du café au lait ou du chocolat. — Au lunch : un plat de viande, des légumes et un pudding. — À dîner : une soupe, un plat de viande, des légumes ou un farinage et du dessert. — L’élève ne doit pas être rationné pour le pain. — Comme boissons : eau, vin, bière ou lait, d’après le désir des familles.

Direction

Les deux « professeurs titulaires » de chaque classe résidant dans la maison d’angle correspondant en exercent la direction. Chacun d’eux a la surveillance d’un étage, c’est-à-dire d’une vingtaine d’élèves. Quant aux élèves de 5e année, ils sont placés sous les ordres de trois d’entre eux, le major et les deux brigadiers. À l’issue de l’année scolaire, les élèves de 4e année présentent au conseil une liste de six candidats dressée par eux et sur laquelle ils ont porté ceux d’entre eux qu’ils considèrent comme les plus dignes d’exercer ces fonctions pour l’année suivante ; les deux capitaines de foot ball de la classe y figurent de droit. Avant la séparation, le conseil scolaire choisit sur cette liste le major et les deux brigadiers de l’année suivante lesquels entrent en fonctions dès la rentrée.

Les professeurs titulaires forment le conseil scolaire qui se réunit deux fois par semaine, sous la présidence du directeur ; toutes les affaires concernant le régime, la discipline, les exceptions à accorder, etc., dépendent de ce conseil. Par ailleurs, un conseil administratif où siègent l’économe et le directeur s’occupe de vérifier les comptes ; les intérêts financiers investis dans l’affaire y sont représentés ainsi que les autorités locales. Ce conseil administratif se recrute lui-même et choisit le directeur du collège et l’économe.

Le directeur choisit librement les professeurs et le personnel. Si c’est un laïque, il loge avec sa famille dans un pavillon hors de l’enceinte ; ecclésiastique ou célibataire, son logement sera aménagé dans le collège.

Discipline, punitions, congés, etc.

Les bases essentielles de la discipline sont : le respect de la liberté individuelle et le culte de l’honneur. Dans les limites de l’enceinte du collège qu’il ne doit pas franchir sans permission spéciale, l’élève doit se mouvoir aussi librement que le comporte le souci du bon ordre et du bien général. Il doit toujours être cru sur parole ; mais le mensonge, une fois découvert, entraîne un châtiment sévère et, en cas de récidive, le renvoi. Toute manifestation d’instincts pervers doit, de même, entraîner le renvoi.

Les punitions comprennent : la réprimande privée, — la réprimande publique, — l’envoi à la compagnie de discipline pour un minimum d’un jour. Les disciplinaires suivent en toute chose le régime habituel mais sont exclus des salons, prennent leur repas du soir à part, en costume de travail et doivent se coucher aussitôt après. Cinq jours de suite de compagnie de discipline ou huit jours en deux semaines entraînent une privation de sortie. Quatre privations de sortie dans un trimestre entraînent une réduction d’une semaine aux vacances suivantes. Pour le major et les brigadiers, les punitions comprennent : la réprimande privée et publique, — les arrêts de rigueur (privation de sortie), — la perte des galons, — le renvoi. Ils sont responsables devant le conseil de la conduite de leurs hommes ; les punitions qu’ils infligent doivent être homologuées par le conseil.

En principe, les élèves doivent avoir congé trois dimanches sur quatre. Mais le collège s’entend avec les familles de façon que les élèves ne soient pas livrés à eux-mêmes. Pour ceux que l’éloignement de leurs parents ou toute autre cause empêcherait de profiter des congés du dimanche, on organise des excursions, des matchs sportifs, des cross countrys, des visites de monuments, etc., de façon qu’ils passent au moins deux dimanches sur quatre hors du collège.

Les vacances durent : trois semaines à Noël, trois semaines à Pâques, huit semaines du 20 juillet au 20 septembre.

iv. — Éducation

Le collège vise à donner l’éducation physique, mentale, manuelle, artistique et sociale, morale.

Éducation physique

L’éducation physique comprend : la gymnastique suédoise à raison d’une demi-heure quatre fois par semaine — la gymnastique utilitaire à raison de 1 heure 1/2 quatre fois par semaine, les jeux à raison de 1 heures 1/2 deux fois par semaine.

Les jeux comprennent le foot ball (Rugby et Association) d’octobre à mai, le cricket et le base ball de mai à juillet, le lawn tennis et les autres jeux de balle, toute l’année. Ils sont entièrement entre les mains des élèves qui forment leurs équipes, choisissent leurs capitaines, concluent des match entre eux et — sur avis favorable du conseil — avec les établissements voisins ou les sociétés sportives de la région.

La gymnastique suédoise et la gymnastique utilitaire s’exécutent sous la direction du directeur des exercices physiques et des quatre prévôts placés sous ses ordres et composant le corps des professeurs de culture physique. Les séances de gymnastique suédoise comprennent uniquement des mouvements d’ensemble choisis parmi ceux en usage à l’Institut central de Stockholm. Ils s’exécutent en plein air le plus souvent et dans la grande salle par le mauvais temps.

La gymnastique utilitaire comprend, dans son programme intégral, l’apprentissage des éléments des différents exercices concourant au sauvetage (course, saut, lancer, escalade, natation), à la défense (escrime, boxe, lutte, tir) et à la locomotion (marche, équitation, bateau, bicyclette, etc.). On nous permettra de ne pas entrer ici dans le détail de cet apprentissage, l’ayant exposé tout au long dans le manuel de la Gymnastique utilitaire paru récemment[3] et placé aussitôt dans les écoles primaires et secondaires de France par le Ministre de l’Instruction publique. Nous nous bornerons à rappeler que le principe même de la méthode (basée sur l’enseignement pour chaque exercice des mouvements élémentaires dissociés d’avec les mouvements de perfectionnement) exclut toute tendance au championnat et tout danger de surmenage.

Les appareils nécessités par la gymnastique utilitaire (murs d’escalade, chevaux de bois, mâture, etc…) sont installés dans les ateliers ou dans le terrain dit d’exercice adjacent (voir plan A) ; les exercices de tir s’exécutent sur les pistes d’équitation et de tir qui terminent, à cet effet, des murs situés aux points B b, C c (voir plan A). Les sports nautiques s’organisent d’après les ressources du voisinage ; on s’efforcera de situer le collège à proximité d’une rivière, de la mer ou d’un lac ; nous n’avons pas prévu, comme étant trop coûteux, l’établissement d’une piscine. Les sports de glace interviennent dès que le temps s’y prête. Quant à l’équitation nous suggérons un arrangement avec un loueur envoyant de 12 à 14 chevaux au collège de la fin de février aux vacances de Pâques et ensuite de la rentrée de Pâques à la fin de juin. Les élèves de 5me année seuls pratiquent les exercices militaires en armes.

Éducation mentale

Il y a (voir le tableau précédent) en moyenne, 5 heures de classe et 1 à 2 heures d’études par jour. D’une façon générale, 2 heures de classe doivent être consacrées au cours scientifique, 2 heures au cours d’humanités et 1 heure au cours de langues selon les programmes suivants :

A. Cours scientifique :

1. Le monde sidéral : aspects, distance, mécanisme. — 2. Le système solaire. — 3. Le calcul : coup d’œil général sur les mathématiques. — 4. — La terre : positions, mouvements. — 5. Le drame géologique : périodes et reliefs. — 6. L’atmosphère : analyse de l’air, phénomènes atmosphériques, régime des vents, pression atmosphérique, baromètre. — 7. Les climats. — 8. Les eaux : étendue et profondeur des mers, composition chimique, marées et courants, sources et cours des fleuves, alluvions et érosions, la glace et ses transformations. — 9. L’agriculture : plantes et arbres, fertilité naturelle et artificielle, différentes espèces de cultures, instruments aratoires, engrais, les forêts, exploitations forestières, arpentage, etc. — 10. Les animaux : éléments de zoologie, élevage et pisciculture, chasse et pêche. — 11. Les richesses naturelles : houille, métaux, pétrole, etc., travail des mines, richesses de la mer. — 12. L’homme : le corps humain, l’hygiène et la médecine, l’intelligence et la volonté. — 13. Industrie et commerce : produits manufacturés, usines, machinerie, vapeur et électricité, docks et entrepôts. — 14. Les transports : chemins de fer et steamers, établissements des réseaux et construction des navires, tunnels, ports, écluses, navigation. — 15. Télégraphe et téléphone : principes et applications. — 16. La richesse monétaire : production et circulation, banques, crédit, change, escompte, assurances, douanes, comptabilité, etc.

B. Cours d’humanités :

1. Bases de l’évolution humaine : individu, famille, propriété, État, lettres, arts, philosophie et religion. — 2. Les races : éléments de sociologie, premières migrations, temps préhistoriques, découvertes récentes. — 3. L’empire chaldéen ; la Chine et l’Inde antiques ; arts et philosophie. — 4. Babylone, Ninive et l’Égypte ; l’art égyptien. — 5. Jérusalem et le peuple juif : les prophètes. — 6. Organisation et activité commerciales des Phéniciens ; l’alphabet. — 7. Les Perses : doctrines de Zoroastre. — 8. L’Hellénisme ; origines et influences ; les républiques grecques. L’empire d’Alexandre. — 9. La république romaine. Carthage. Le droit romain. — 10. L’empire et la paix romaines. — 11. L’empire chinois. L’Amérique préhistorique. — 12. L’Europe du Nord et la Germanie : infiltrations et immigrations des « Barbares ». — 13. Bourguignons, Visigoths, Vandales, Francs. — 14. L’empire arabe. — 15. L’empire byzantin. — 16. L’empire germanique ; les villes libres. — 17. L’Angleterre normande. — 18. La France avant, pendant et après la guerre de cent ans. — 19. Les langues, la littérature, l’art gothique, l’Église et la scolastique. — 20. Christophe Colomb et Gutenberg : transformation de l’univers. — 21. La Renaissance, la Réforme et le concile de Trente. — 22. Charles-Quint, Philippe II et Louis XIV. — 23. L’empire espagnol. — 24. L’autocratie moscovite. — 25. Naissance des démocraties suisses. — 26. Suède et Pologne. — 27. La Bohême, la Hongrie et les Turcs. — 28. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique au milieu du xviiie siècle. — 29. L’Allemagne de Frédéric II et de Joseph II. — 30. La Révolution française et Napoléon. — 31. L’Europe et la Révolution. — 32. La résurrection de la Grèce. — 33. Napoléon III. — 34. L’Empire germanique restauré. — 35. L’Italie. — 36. Les États-Unis. — 37. L’Empire britannique. — 38. Derniers événements : coup d’œil général, les gouvernements modernes, la diplomatie et le droit international.

C. Cours de langues :

Grec et latin. — Anglais, allemand et espagnol.

En règle générale, ces programmes sont ceux d’une année et doivent être revisés en entier chaque année ; mais, en réalité, ce sont des cadres au dedans desquels les professeurs doivent se mouvoir librement d’après les circonstances, l’âge, le tempérament, les dispositions de leurs élèves. Ce qui importe avant tout, c’est qu’il ne reste plus rien des classifications et des nomenclatures, véritables damiers dans lesquels on enferme présentement les sciences aussi bien que les lettres et l’histoire et qui faussent de façon irrémédiable le jugement du jeune garçon en le privant des notions de proportion, d’évolution et de pénétration réciproque et perpétuelle qui sont l’essence des phénomènes matériels et humains. On remarquera que le cours de sciences introduit des études nouvelles et en élimine d’autres et que surtout les mathématiques, la physique et la chimie s’y mêlent d’un bout à l’autre à d’autres études. Le laboratoire et le cabinet de physique doivent être, en effet, les annexes, les compléments de l’instruction d’ensemble, de même qu’il convient d’analyser les principes de la mécanique quand l’application en surgit et non pas théoriquement et groupés artificiellement.

Dans le cours dit d’humanités, l’histoire c’est-à-dire la narration des faits n’est là que pour servir de trame. La littérature, la philosophie, l’art doivent être constamment mis à contribution. C’est, en somme, l’analyse substituée à la synthèse comme base de l’enseignement secondaire préalable (après vient la spécialisation s’il y a lieu)[4]. Il n’y a aucune monotonie à craindre dans la répétition de ce programme d’une année à l’autre. Il va de soi, par exemple, que les §§ 12, 13, 16 du cours scientifique, 5, 7, 8, 21, 29 du cours d’humanités seront traités tout autrement en 4e année qu’en 1re  ou en 2e. De plus, les procédés changeront aussi ; pour les premières années, on recourra fréquemment à l’enseignement par l’aspect, aux projections de paysages et d’illustrations. Par ailleurs, il est naturel qu’une leçon d’arpentage se donne en plein air et l’étude des chemins de fer peut, avec avantage, se faire dans une gare. On peut monter en classe tout le mécanisme d’une banque ; on l’a fait déjà en Amérique avec plus grand succès. Le maniement d’une charrue, la vue d’un timbre-poste, l’audition même d’un morceau de musique, tout peut servir à graver dans l’esprit et dans la mémoire de l’élève ce dont le professeur lui parle. C’est à celui-ci de s’ingénier constamment pour varier ses procédés d’enseignement et pour tenir en éveil l’attention de l’élève.

Nous prévoyons un seul professeur pour chaque cours (soit deux par classe) et nous jugeons essentiel que les deux programmes scientifique et d’humanités ne soient pas scindés entre plusieurs professeurs ; mais nous croyons excellent, d’autre part, que chacun des professeurs fasse appel de temps à autre à des conférenciers spécialistes pour l’aider dans sa tâche.

On remarquera que de courtes études sont prévues. Sans proposer la suppression absolue des devoirs, nous croyons déplorable la manie des « compositions », problèmes écrits, etc., qui s’est répandue dans l’instruction. C’est la classe qui doit être coupée de brèves études pendant lesquelles les élèves se préparent à traiter avant le professeur le sujet qu’il abordera ensuite ou bien à rendre compte, en les résumant, des sujets qu’il vient de traiter. Les leçons récitées seront brèves et ne viseront qu’à l’entretien de la mémoire littérale. Les professeurs donneront le plus souvent des recherches de bibliothèques à faire à leurs élèves et c’est pourquoi les bibliothèques présentent sur le plan d’aussi vastes dimensions ; ce sont, en somme, des salles de travail. L’élève reçoit mission d’approfondir un sujet ; il doit chercher dans le catalogue les indications des ouvrages susceptibles de le renseigner et suivre son sujet dans les dictionnaires encyclopédiques. On le charge également de rapports, de levés de plans, de recherches statistiques, de tout ce qui peut à la fois ouvrir son intelligence et développer son initiative.

Quant à l’enseignement des langues, ce doit être une perpétuelle concertation et on se tiendra complètement en dehors de la grammaire et de la syntaxe dont les principales règles ne s’apprendront que par l’usage. Une classe sur trois sera consacrée au grec et au latin, les deux autres à l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Le grec est prononcé à la moderne. On commencera toujours par faire lire tout haut une page d’un auteur facile ; pendant la lecture, les élèves, tant par la réflexion qu’avec l’aide de leur dictionnaire de poche, s’efforceront de démêler le sens du morceau et feront connaître le résultat de leurs efforts.

Pour les langues autres que le latin, on fera souvent usage de journaux et de revues ; par exemple on lira successivement un journal allemand et un journal espagnol ou anglais. Le professeur attirera l’attention des élèves sur les différences d’une langue à l’autre et les leur fera parler en phrases courtes et pratiques. Cet enseignement doit demeurer étranger à toutes préoccupations littéraires et revêtir un caractère exclusivement utilitaire. Si les journaux servent de textes de versions, les thèmes doivent être empruntés à la correspondance usuelle et d’affaires. Le professeur fera rédiger par ses élèves une petite gazette hebdomadaire en plusieurs langues ayant son rédacteur en chef, ses correcteurs, etc., et qui relatera les événements du collège et ceux du dehors.

Il y a huit examens par an, aux dates suivantes : 15 octobre — 15 novembre — 15 décembre — 15 février — 15 mars — 15 mai — 15 juin — 15 juillet. Le programme comporte plus spécialement les sujets étudiés depuis la rentrée ou depuis l’examen précédent et, de façon générale, les sujets étudiés précédemment. Les cotes sont de 1 à 30 ; l’examen se décompose en quatre parties : cours scientifique, cours d’humanités, cours de langues, exercices physiques. Les résultats sont notés sur le carnet scolaire que chaque élève reçoit à son départ du collège et qui lui tient lieu de diplôme.

À partir de la troisième année les élèves sont exercés à la parole publique et chargés de faire à tour de rôle des conférences de vingt minutes.

Éducation manuelle

L’éducation manuelle fait partie du programme de la gymnastique utilitaire où elle est divisée en trois leçons appelées : leçon de chantier, leçon d’écurie et leçon d’atelier. Elle est placée sous la direction du chef d’atelier et donnée au cours ou à l’issue des séances de gymnastique utilitaire ; elle comprend la menuiserie élémentaire, la peinture, l’entretien de tous les objets et effets de sport, le soin des chevaux et du harnachement, le calfatage, les nœuds marins, le soin des armes, le nettoyage et démontage des bicyclettes et automobiles, les travaux élémentaires des champs, bêchage, sarclage, labourage. On donne, en plus, aux élèves quelques notions de campement et de cuisine (façon de rôtir un gibier, de faire le pot-au-feu, d’éplucher et de cuire les légumes). Toutes les fois que des ouvriers exécutent un travail quelconque dans l’enceinte du collège, les élèves doivent se rendre compte de la façon dont ce travail est conduit.

Les élèves de cinquième année sont exercés au maniement des pompes à incendie et formés en compagnie de pompiers.

Éducation artistique et sociale

L’éducation sociale est donnée sous deux formes : par les professeurs dans les habitations où ils veillent à maintenir le bon ton sous toutes ses formes, apprenant aux élèves à ne pas taper les portes, à ne pas crier et chanter dans les corridors et les escaliers, à surveiller leur tenue et à avoir toujours souci de leur respectability — par les élèves eux-mêmes au moyen de l’association qu’ils pratiquent librement sous les réserves suivantes : toute association pour fonctionner librement doit se composer d’au moins vingt membres fondateurs, poursuivre un objet licite et être munie d’une autorisation de fonctionner délivrée par le conseil sur la vue du règlement adopté. L’association peut se proposer pour buts : les exercices physiques, les lettres, le dessin, la musique, la photographie. Le concours d’un professeur de dessin et d’un professeur de musique ainsi que l’usage des laboratoires de photographie sont assurés aux associations qui pratiquent ces derniers objets. Leur sont également facilitées : l’organisation de séances musicales publiques et l’organisation d’une exposition annuelle de dessins, aquarelles, plans topographiques et photographies.

Éducation morale

Nous n’avons pas à formuler ici un programme d’éducation morale, laquelle se confond, en général, avec l’enseignement religieux. Les maîtres doivent seulement veiller à cultiver le patriotisme de l’élève et l’esprit d’abnégation en même temps qu’à lui enseigner un juste respect des autres patries. Ils doivent ancrer dans l’esprit de celui-ci la notion de son devoir social qui n’est pas un devoir collectif mais un devoir individuel. Le jeune homme n’a nullement à s’occuper de réformer et d’améliorer la société mais simplement de faire son propre chemin ce qui est le meilleur moyen de la bien servir, le vieil adage romain civium vires civitatis vis étant la règle unique et primordiale à se proposer. La cité la plus puissante et la plus progressiste est celle dont les fils sont le mieux musclés, le plus actifs, le plus entreprenants et le plus riches. Le professeur attire ainsi l’attention de l’élève sur sa responsabilité vis-à-vis de ses concitoyens. Il doit lui apprendre, dès le collège, à se hâter prudemment, à ne rien remettre au lendemain de ce qui peut se faire le jour même ; les instants qui figurent sur le tableau d’emploi des heures comme « temps libre » constituent le jardin d’essai de l’élève à cet égard.

Il doit s’entraîner à les employer pour le mieux. Le collège doit, en un mot, relever moralement de la doctrine productiviste, visant à armer ses élèves pour les luttes du productivisme moderne et à leur donner le goût de ces luttes et le désir d’y prendre part.


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BIBLIOGRAPHIE



On nous demande de plusieurs côtés pourquoi nous ne parlons point des nouveaux romans et si nous entendons blâmer systématiquement cette forme littéraire. Ce serait bien de l’audace en vérité et bien de l’injustice aussi. Qu’y a-t-il de plus louable qu’un beau roman de forme élégante et de droite intention ? Mais précisément ces deux qualités essentielles vont assez rarement ensemble. Ou bien la forme heurtée, maladroite, tapageuse est faite pour habituer le lecteur aux déformations les plus cruelles de notre admirable langue française ou bien le sujet vicieux, maladif, mesquin, sans portée réelle, ne provoque dans son esprit que des réflexions inutiles ou des souvenirs mauvais. Le dernier roman de Loti, Les désenchantées, inscrit un chef-d’œuvre de plus à l’actif de ce merveilleux écrivain ; certains aspects de la Turquie moderne s’y révèlent fort à propos de même que, dans un tout autre d’idées, Marcel Prévost nous dépeint avec Monsieur et Madame Moloch, la mentalité présente de l’Allemagne en termes d’une saisissante vérité. Au contraire, Madame Marcelle Tinayre, après avoir publié ces années-ci deux des plus beaux romans qui aient paru depuis vingt ans, la Maison du péché et la Vie amoureuse de François Barbazanges, s’est quelque peu négligée en nous donnant dans La Rebelle, une histoire inintéressante dont quelques pages pleines de talent ne sauraient suffire à rehausser la teinte monotone.

Et voilà tout ce que, pour aujourd’hui, nous trouvons à vous recommander, lecteurs.




Parmi les dernières publications des grands éditeurs parisiens, nous relevons :

À l’Imprimerie nationale. — L’Agriculture et les institutions agricoles du monde au commencement du vingtième siècle, par L. Grandeau, tome ii.

Chez Le Soudier. — Le Bilan d’un siècle (1801-1900), par Alfred Picard, tome ii, mécanique générale, électricité, génie civil et moyens de transport.

Chez Ernest Leroux. — Ethnographie du Tonkin septentrional, rédigée, sur l’ordre de M. P. Beau, par le commandant E. Linet de Lajonquière, de l’infanterie coloniale.

Chez Fasquelle. — L’Art d’être veuve, par Ludovic Réhault (3 fr. 50). — Les sept cordes de la lyre, par Michel Provins (3 fr. 50). — La foi universelle, par Léon Tolstoï, traduit du russe par E. Halpérine-Kaminsky (3 fr. 50). — Trois crises de l’art actuel, par Camille Mauclair (3 fr. 50). — La Défense nationale en 1870-1871, les responsabilités générales, par Henri Genevois (7 fr. 50).

Chez Hachette. — Les Navires célèbres, par W. de Fonvielle (3e édition).

À la librairie de l’art ancien et moderne. — Les Maîtres de l’art : Botticelli, par Ch. Diehl (3 fr. 50).

Chez Giard et Brière. — Les Inégalités de classe en matière d’électorat politique, par Édouard Lambert, professeur à la faculté de droit de Lyon (0 fr. 50). — Les Classes rurales en Bretagne du seizième siècle à la Révolution, par Henri Sée, professeur à l’Université de Rennes (10 fr.). — Nicole Oresme, étude d’histoire des doctrines et des faits économiques, par Émile Bridrey, docteur en droit (15 fr.). — Les Antagonismes économiques, intrigue, catastrophe et dénouement au drame social, par Otto Offertz (12 fr.). — Les Règlements des assemblées législatives, édition et traduction par Félix Moreau et Joseph Delpech, professeur à l’Université d’Aix-Marseille, tome ier : Allemagne, Angleterre, Autriche-Hongrie, Belgique (30 fr. l’ouvrage complet en deux volumes). — La Juridiction du Conseil d’État et ses tendances actuelles, par René Worms, docteur ès-lettres (1 fr. 50).

Chez Delagrave. — Souvenirs historiques du capitaine Krettly, trompette-major des guides de Bonaparte, par Dick de Lonlay (3 fr. 50).

Chez Ollendorf. — Le Mouvement littéraire (petite chronique des lettres), 1905, préface de M. Henri Roujon, par Ph.-Emmanuel Glaser (3 fr. 50).

Chez Steinheil. — L’Âme et le système nerveux, hygiène et pathologie, par Auguste Forel (5 fr.).

Chez Honoré Champion. — Essai sur le Porhoët, le Comté, sa capitale, ses seigneurs, par le vicomte Hervé du Halgouet.

Chez A. Maloine. — Le signe de la mort réelle en l’absence du médecin, la constatation et le certificat automatique des décès, par le docteur Icard (de Marseille).

Chez Dujarric et Cie. — Un rêve d’écolier, poème, fables-apologues, par M. E. Dubois de l’Isle (1 fr. 50). — L’Essai du bonheur, roman par Jean Gallotti (3 fr. 50). — Mémoires et Lettres, par F.-M. de Castellane (3 fr. 50). — Les Complaisants, roman, par Marcel Duchêne (3 fr. 50). — L’Italie et la Triple Alliance, par S. E. le baron A. de Stieglitz.

Instituts Solvay. — Esquisse d’une sociologie, par Émile Waxweiller. — Sur quelques erreurs de méthode dans l’étude de l’homme primitif, par L. Wodon. — L’Aryen et l’anthropo-sociologie, par le docteur E. Houzé. — Origine polyphylétique, homotypie et non-comparabilité directe des sociétés animales, par Petrucci. — Les Régies et les concessions communales en Belgique, par Ernest Brees. — Ce qui manque au commerce belge d’exportation, par G. de Leener. — Une Expérience industrielle de réduction de la journée de travail, par L.-G. Fromont.

Chez Garnier Frères. — La Corse et les Corses, opinions et documents, par Charles de Susit (12 fr.).

Chez Cornély. — Nietzsche et Socrate, par J.-H. Séverac (1 fr.). — La Secte russe des hommes de Dieu, par J.-B. Séverac (5 fr.). — La Législation du travail dans la République Argentine, par le docteur José Ingegnieros (3 fr.).

Chez Fischbacher. — La Faim, poésies, par Louis Hénard.

  1. « L’Homme et la Terre » paraît en fascicules à la librairie Universelle, 33, rue de Provence, Paris.
  2. Les costumes d’été peuvent être en lainage très léger mais jamais en toile ; de même, les jerseys de coton sont prohibés.
  3. 1 vol. Paris, Alcan, 3e édition.
  4. Nous renvoyons le lecteur pour plus de détails à nos Notes sur l’éducation publique, Hachette, éditeur, pages 82 à 112.