UN COLLÈGE MODÈLE


La rectitude, la sagacité et même la cohérence sont en général des qualités très indépendantes de toute instruction et leur culture résulte, jusqu’ici, beaucoup plus de la vie pratique que de l’apprentissage théorique.
(Auguste Comte, La Politique positiviste, t. i, p. 187.).

L’an passé s’est réuni à Mons, sur l’initiative personnelle de S. M. le roi des Belges, un Congrès international d’Expansion économique mondiale. La pédagogie y tenait une place importante. Sur la demande de M. le gouverneur du Hainaut et de M. le directeur général de l’Enseignement, président et vice-président de ce congrès, M. de Coubertin accepta de dresser les plans d’un collège destiné à former des garçons entreprenants et propres aux carrières lointaines. Telle est la genèse du projet que nous publions aujourd’hui le jugeant susceptible d’intéresser nos lecteurs.

Le programme peut être ainsi résumé : concevoir un collège modèle en vue de l’expansion mondiale mais en dehors de tout specialisme rendant les jeunes gens qui en sortiront impropres à d’autres carrières. Autrement dit : un collège susceptible de les préparer au point de vue des qualités générales mais non des connaissances spéciales requises pour la réussite au loin — demeurant entendu que ces qualités-là sont utiles en tous pays et pour tous métiers et qu’il est toujours avantageux pour un homme de les posséder, en quelque milieu et condition qu’il soit destiné à vivre.

Le collège est un internat ; il n’admet pas d’externes. Il n’admet de demi-pensionnaires (passant toute la journée au collège et rentrant chez eux après le repas du soir) que dans la proportion d’un quart, tout au plus d’un tiers du chiffre total des élèves ; du reste le collège devant être situé, autant que possible, à la campagne ou dans un bourg, cette éventualité ne risque guère de se produire.

Le collège ne comprend pas plus de 200 élèves et il est préférable qu’on puisse se tenir aux environs de 180. Les élèves ne sont pas admis avant 12 ans révolus et n’y restent pas plus de 5 ans. Le programme d’études est établi sur cette durée. On peut admettre en « cours de route » quelques élèves nouveaux mais à titre d’exception seulement ; l’examen d’entrée devient de plus en plus sévère à mesure que le candidat a moins d’années à passer au collège.

À titre d’exception sont autorisés les redoublements de classe et seulement pour cause d’accident ou de maladie.

Nul ne peut être admis s’il n’a subi avec succès un examen d’entrée conçu de la manière suivante : un exercice de mémoire ; — un exercice d’invention (composition rapide sur un sujet donné) ; — un examen médical ; — un examen d’exercices physiques ; — un examen de langues vivantes (l’élève doit lire facilement, mais non expliquer, des textes allemand, grec, anglais, latin et espagnol, cette lecture étant considérée comme la base de l’enseignement qui lui sera donné au collège). — Les examinateurs le cotent de 1 à 20 sur chacun de ces points et le résultat de l’examen figurera sur son carnet scolaire.

i. — Organisation matérielle

Le collège est établi sur un espace plat mesurant 400 mètres de long sur 250 de large (voir plan A).

L’enceinte comprend, outre les bâtiments scolaires : trois terrains d’herbe pour les jeux organisés et spécialement le jeu de football ; ces terrains mesurent 120 sur 80 mètres ; — Une piste d’herbe semée d’obstacles sur un de ses côtés et propre à être utilisée par les cavaliers et les coureurs à pied ; — deux allées plantées d’arbres, larges de 30 mètres et se coupant à angle droit de façon à former une sorte d’esplanade de 30 mètres carrés ; — six terrains de tennis ; — l’infirmerie et son jardin ; — le pavillon du concierge, des écuries pour douze à quatorze chevaux ; — les ateliers et un terrain d’exercice.

Les bâtiments scolaires proprement dits comprennent : cinq maisons d’habitation reliées les unes aux autres par des galeries couvertes sur lesquelles donnent les classes ; au centre, une grande halle fermée, couverte et bitumée mesurant 30 mètres sur 40.

Maisons d’habitation

Des cinq maisons d’habitation, quatre sont dénommées maisons d’angle à cause de leur situation (voir le plan B) et affectées respectivement aux élèves de 1re, 2e, 3e et 4e année ; la cinquième est affectée aux élèves de 5e année et dénommée grande maison.

Chacune de ces maisons d’angle comprend : au sous-sol (ce n’est qu’un demi-sous-sol, le rez-de-chaussée se trouvant à 1m50 du sol). une cuisine avec ses dépendances, une buanderie et un calorifère à eau chaude destiné à chauffer, outre la maison elle-même, les salles adjacentes du rez-de-chaussée (voir plan B) à droite et à gauche et aussi à fournir de l’eau chaude aux heures voulues pour les douches et lavabos ; — au rez-de-chaussée, l’escalier, une antichambre, un grand salon, un petit salon, une salle à manger, un office avec monte-charges communiquant avec la cuisine, des lavabos et cabinets ; — au 1er et au 2e étages, l’escalier, un corridor, une salle d’études, une salle de répétition, un dortoir, un appartement de professeur, une salle de douches et des cabinets ; — aux mansardes, cinq chambres de domestiques et des salles de séchage et de débarras.

La grande maison : au sous-sol, une cuisine avec ses

dépendances, une buanderie et un calorifère, comme dans les maisons d’angle ;

au rez-de-chaussée, une antichambre, des bureaux, un grand salon, un petit salon, un réfectoire, un office avec monte-plats et escalier de service communiquant avec la cuisine, des lavabos et cabinets ; — au 1er étage, l’escalier, deux dortoirs, une salle de douches, des cabinets, un appartement de professeur ; — au 2e étage, l’escalier, deux salles de classes, deux salles de répétitions, une salle d’études, un appartement de professeur ; — aux mansardes, chambres de domestiques et salles diverses.

Halle, Galeries et Classes

La halle centrale est divisée en deux portions inégales, l’une mesurant 30 mètres sur 30, servant de salle de fêtes et d’exercices ; l’autre mesurant 30 mètres sur 10 et formant au centre une chapelle, à droite une sacristie, à gauche un débarras pour le matériel de la chapelle, chaises, bancs, etc. La chapelle communique avec la halle par des portes à quatre vantaux qu’on ouvre le dimanche pour la messe et pour les cérémonies. La grande halle est au niveau du sol extérieur, par conséquent à 1m50 plus bas que les galeries et les rez-de-chaussée des maisons d’habitation (voir plan D). La chapelle et la sacristie sont surélevées de quelques marches seulement. Les locaux qui ouvrent sur les galeries (lesquelles sont séparées de la halle centrale par de larges fenêtres pouvant s’ouvrir) sont : le vestibule d’entrée, les bureaux et économat, la bibliothèque des élèves de 1re, 2e et 3e année, huit salles de classe, la bibliothèque des élèves de 4e et de 5e année, les laboratoires et enfin des appartements disponibles dont il paraît utile de réserver l’emplacement pour les besoins imprévus, logements du directeur, de professeurs supplémentaires, de conférenciers de passage, etc. Tous ces locaux n’ont qu’un rez-de-chaussée.

ii. — Devis et Budgets

Il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, d’établir des devis précis, le prix d’achat ou de location à très long bail du terrain, par exemple, devant varier avec le pays, la situation, etc. Il en est de même de la main-d’œuvre. On voudra bien tenir compte de cette difficulté dans l’appréciation des chiffres qui vont suivre.

Nous supposons le collège presque entièrement construit en

briques, les murs de faible épaisseur étant revêtus de tuiles en

bois (autant que possible en bois de teck). Ce revêtement, pour peu qu’il soit exécuté avec le soin désirable, rend les habitations aussi faciles à chauffer en hiver qu’à tenir fraîches en été ; il donne lieu d’autre part à des motifs architecturaux peu coûteux et d’aspect harmonieux lesquels, agrémentés de plantes grimpantes à feuillages légers, composent un ensemble des plus riants. Le

bois de teck demande à être peint ou vernis. Nous le suggérons vernis, coupé de traverses en bois ordinaire peint en blanc.

Quant au service, il est assuré dans les maisons d’angle par : un cuisinier et trois garçons dont deux se partagent le soin des dortoirs, la salle à manger et les douches, le troisième s’occupant du calorifère et devant aider à la cuisine et à la salle à manger. La lingerie est dirigée par la femme du concierge qui emploie des ouvrières selon les besoins et des blanchisseuses chargées, d’autre part, des lavages et récurages hebdomadaires dans les maisons d’habitation. Nous entendons, en effet, que, dans celles-ci, parquets et murailles soient des plus simples et susceptibles de nettoyages complets et fréquents. Le personnel permanent doit être considéré comme comprenant 5 cuisiniers, 16 garçons (dont 1 à l’infirmerie), 1 concierge, 1 lingère, 2 infirmières, 2 jardiniers ouvriers, 1 chef d’atelier.

Budget d’établissement

Sous le bénéfice des observations ci-dessus, nous supposons le budget établi comme suit :

Achat (partiel ou total) du terrain 
 fr. 200.000
Construction et aménagement des maisons d’angle 
 160.000
Construction et aménagement de la grande maison 
 45.000
Construction et aménagement de l’infirmerie et des autres dépendances 
 50.000
Construction et aménagement des galeries, classes, etc. 
 80.000
Aménagement des terrains, jardins, etc. 
 20.000
Achat du mobilier, comprenant les appareils de chauffage et d’éclairage 
 120.000
Imprévus 
 25.000

Total
700.000

Ces dépenses seraient couvertes par la souscription de 1.400 parts de 500 francs produisant un capital de 700.000 francs rapportant 3 % et se remboursant annuellement par voie de tirage au sort à raison de 10 parts minimum par an.

Budget de fonctionnement
La pension étant de 2.500 francs par an, les recettes calculées sur une moyenne de 180 élèves se monteraient 
 fr. 450.000

Au chapitre des dépenses figureraient :

Entretien de 180 élèves à raison de 270 jours scolaires et de 3 francs par jour par élève 
 fr. 121.500
Intérêt du capital à 3 % et remboursement annuel de 20 parts 
 31.000
Entretien des jardins, des bâtiments, du mobilier et améliorations 
 30.000
Frais d’administration de la société financière 
 3.000
Traitements du personnel 
 21.000
Entretien du personnel 
 15.000
Traitements des professeurs 
 80.000
Entretien des professeurs 
 12.600
Éclairage et chauffage 
 50.000
Blanchissage et nettoyage 
 7.000
Versements à la caisse de retraite des professeurs et du personnel 
 15.000
Impôts et assurances 
 12.000
Dépenses extraordinaires 
 40.000
Reliquat 
 11.900

Total
450.000
iii. — Régime

Le tableau suivant indique le régime commun aux cinq maisons. Les explications nécessaires suivent.

Lundi, mercredi, jeudi et samedi
Hiver.
À 7 heures. Lever
De 7 à 8 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 8 à 9 h. Classe
De 9 à 10 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 à 12 h. Classe.
De 12 à 12 1/2 h. Gymnastique suédoise.
De 12 1/2 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 4 h. Gymnastique utilitaire.
De 4 à 7 h. Classes coupées d’études.
De 7 à 7 1/2 h. Toilette.
À 7 1/2 heures. Dîner.
De 8 à 9 1/2 h. Soirée (les élèves sont libres de se coucher à partir de 9 heures).
Mardi et vendredi
À 6 heures. Lever
De 6 à 7 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 7 à 9 h. Classe
De 9 à 10 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 à 12 h. Classe.
De 12 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 5 h. Jeux.
De 5 à 6 h. Toilette et études.
De 6 à 7 h. Classe.
À 7 heures. Dîner.
De 7 1/2 à 9 h. Soirée (les élèves sont libres de se coucher à partir de 8 1/2 heures).
Lundi, mercredi, jeudi et samedi
Été.
À 7 heures. Lever
De 7 à 8 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 8 à 9 h. Classe
De 9 à 9 1/2 h. Gymnastique suédoise.
De 9 1/2 à 10 1/2 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 1/2 à 12 1/2 h. Classe.
De 12 1/2 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 5 h. Étude et classe.
De 5 1/2 à 7 h. Gymnastique utilitaire.
De 7 à 7 1/2 h. Toilette.
À 7 1/2 heures. Dîner.
De 8 à 9 1/2 h. Soirée (les élèves sont libres de se coucher à partir de 9 heures).
Mardi et vendredi
À 5 heures. Lever
De 5 à 5 3/4 h. Douche, 1er déjeuner, temps libre.
De 5 3/4 à 7 h. Promenade
De 7 à 9 h. Classe.
De 9 à 10 h. Déjeuner, temps libre.
De 10 à 12 h. Classe.
De 12 à 1 1/4 h. Étude.
À 1 1/2 h. Lunch, temps libre.
De 2 1/2 à 4 h. Étude et classe.
De 4 à 6 1/2 h. Jeux.
De 6 1/2 à 7 h. Toilette.
À 7 heures. Dîner.
De 7 1/2 à 9 h. Soirée (coucher libre à partir de 8 1/2 heures).
Lavage et Habillement

En sortant du lit, les élèves revêtent leur peignoir de bain et se rendent à la douche qu’ils prennent par escouades de dix, tiède et en pluie, en se frottant tout le corps avec du savon et se frictionnant ensuite avec une serviette rugueuse ou un gant de crin. Ils doivent aussitôt après s’habiller très rapidement et absorber une boisson bien chaude (lait, thé, cacao), qui leur est servie en cantine avec un morceau de pain, sur une table volante, à l’entrée du dortoir. Le reste de l’heure en attendant la classe est employé par eux à leur guise, au dehors ou à l’étude. Ils revêtent dès le matin leur costume de jeu, jersey de laine blanche, culotte courte de gros drap et veston pareil, bas de laine et fortes chaussures de marche ou de foot ball[1] et le conservent jusqu’à l’heure du dîner pour lequel ils doivent mettre une chemise blanche, des chaussures noires et un vêtement de couleur sombre. Il n’y a pas d’uniforme pour les élèves de 1re, 2e, 3e et 4e année.

Les élèves de 5e année qui sont organises et conduits militairement sont astreints à porter l’uniforme : petite tenue, genre soldat-cycliste avec vareuse et culotte de drap gris foncé à parements verts, jersey et bas ; grande tenue en drap bleu de roi avec boutons d’argent, culotte, bottes cirées, dolman et képi.

Pendant le cours de la journée et pendant la demi-heure qui précède le dîner, les élèves peuvent faire usage des lavabos installés dans chaque maison. Il ne leur est permis de prendre une seconde douche d’eau tiède qu’à l’issue des séances de jeu du mardi et du vendredi et, les jours chauds, quand la séance de gymnastique utilitaire a amené une forte sudation.

Repas

Les repas, au nombre de trois par jour, se composent de : À déjeuner : des œufs, du beurre, un farinage, du café au lait ou du chocolat. — Au lunch : un plat de viande, des légumes et un pudding. — À dîner : une soupe, un plat de viande, des légumes ou un farinage et du dessert. — L’élève ne doit pas être rationné pour le pain. — Comme boissons : eau, vin, bière ou lait, d’après le désir des familles.

Direction

Les deux « professeurs titulaires » de chaque classe résidant dans la maison d’angle correspondant en exercent la direction. Chacun d’eux a la surveillance d’un étage, c’est-à-dire d’une vingtaine d’élèves. Quant aux élèves de 5e année, ils sont placés sous les ordres de trois d’entre eux, le major et les deux brigadiers. À l’issue de l’année scolaire, les élèves de 4e année présentent au conseil une liste de six candidats dressée par eux et sur laquelle ils ont porté ceux d’entre eux qu’ils considèrent comme les plus dignes d’exercer ces fonctions pour l’année suivante ; les deux capitaines de foot ball de la classe y figurent de droit. Avant la séparation, le conseil scolaire choisit sur cette liste le major et les deux brigadiers de l’année suivante lesquels entrent en fonctions dès la rentrée.

Les professeurs titulaires forment le conseil scolaire qui se réunit deux fois par semaine, sous la présidence du directeur ; toutes les affaires concernant le régime, la discipline, les exceptions à accorder, etc., dépendent de ce conseil. Par ailleurs, un conseil administratif où siègent l’économe et le directeur s’occupe de vérifier les comptes ; les intérêts financiers investis dans l’affaire y sont représentés ainsi que les autorités locales. Ce conseil administratif se recrute lui-même et choisit le directeur du collège et l’économe.

Le directeur choisit librement les professeurs et le personnel. Si c’est un laïque, il loge avec sa famille dans un pavillon hors de l’enceinte ; ecclésiastique ou célibataire, son logement sera aménagé dans le collège.

Discipline, punitions, congés, etc.

Les bases essentielles de la discipline sont : le respect de la liberté individuelle et le culte de l’honneur. Dans les limites de l’enceinte du collège qu’il ne doit pas franchir sans permission spéciale, l’élève doit se mouvoir aussi librement que le comporte le souci du bon ordre et du bien général. Il doit toujours être cru sur parole ; mais le mensonge, une fois découvert, entraîne un châtiment sévère et, en cas de récidive, le renvoi. Toute manifestation d’instincts pervers doit, de même, entraîner le renvoi.

Les punitions comprennent : la réprimande privée, — la réprimande publique, — l’envoi à la compagnie de discipline pour un minimum d’un jour. Les disciplinaires suivent en toute chose le régime habituel mais sont exclus des salons, prennent leur repas du soir à part, en costume de travail et doivent se coucher aussitôt après. Cinq jours de suite de compagnie de discipline ou huit jours en deux semaines entraînent une privation de sortie. Quatre privations de sortie dans un trimestre entraînent une réduction d’une semaine aux vacances suivantes. Pour le major et les brigadiers, les punitions comprennent : la réprimande privée et publique, — les arrêts de rigueur (privation de sortie), — la perte des galons, — le renvoi. Ils sont responsables devant le conseil de la conduite de leurs hommes ; les punitions qu’ils infligent doivent être homologuées par le conseil.

En principe, les élèves doivent avoir congé trois dimanches sur quatre. Mais le collège s’entend avec les familles de façon que les élèves ne soient pas livrés à eux-mêmes. Pour ceux que l’éloignement de leurs parents ou toute autre cause empêcherait de profiter des congés du dimanche, on organise des excursions, des matchs sportifs, des cross countrys, des visites de monuments, etc., de façon qu’ils passent au moins deux dimanches sur quatre hors du collège.

Les vacances durent : trois semaines à Noël, trois semaines à Pâques, huit semaines du 20 juillet au 20 septembre.

iv. — Éducation

Le collège vise à donner l’éducation physique, mentale, manuelle, artistique et sociale, morale.

Éducation physique

L’éducation physique comprend : la gymnastique suédoise à raison d’une demi-heure quatre fois par semaine — la gymnastique utilitaire à raison de 1 heure 1/2 quatre fois par semaine, les jeux à raison de 1 heures 1/2 deux fois par semaine.

Les jeux comprennent le foot ball (Rugby et Association) d’octobre à mai, le cricket et le base ball de mai à juillet, le lawn tennis et les autres jeux de balle, toute l’année. Ils sont entièrement entre les mains des élèves qui forment leurs équipes, choisissent leurs capitaines, concluent des match entre eux et — sur avis favorable du conseil — avec les établissements voisins ou les sociétés sportives de la région.

La gymnastique suédoise et la gymnastique utilitaire s’exécutent sous la direction du directeur des exercices physiques et des quatre prévôts placés sous ses ordres et composant le corps des professeurs de culture physique. Les séances de gymnastique suédoise comprennent uniquement des mouvements d’ensemble choisis parmi ceux en usage à l’Institut central de Stockholm. Ils s’exécutent en plein air le plus souvent et dans la grande salle par le mauvais temps.

La gymnastique utilitaire comprend, dans son programme intégral, l’apprentissage des éléments des différents exercices concourant au sauvetage (course, saut, lancer, escalade, natation), à la défense (escrime, boxe, lutte, tir) et à la locomotion (marche, équitation, bateau, bicyclette, etc.). On nous permettra de ne pas entrer ici dans le détail de cet apprentissage, l’ayant exposé tout au long dans le manuel de la Gymnastique utilitaire paru récemment[2] et placé aussitôt dans les écoles primaires et secondaires de France par le Ministre de l’Instruction publique. Nous nous bornerons à rappeler que le principe même de la méthode (basée sur l’enseignement pour chaque exercice des mouvements élémentaires dissociés d’avec les mouvements de perfectionnement) exclut toute tendance au championnat et tout danger de surmenage.

Les appareils nécessités par la gymnastique utilitaire (murs d’escalade, chevaux de bois, mâture, etc…) sont installés dans les ateliers ou dans le terrain dit d’exercice adjacent (voir plan A) ; les exercices de tir s’exécutent sur les pistes d’équitation et de tir qui terminent, à cet effet, des murs situés aux points B b, C c (voir plan A). Les sports nautiques s’organisent d’après les ressources du voisinage ; on s’efforcera de situer le collège à proximité d’une rivière, de la mer ou d’un lac ; nous n’avons pas prévu, comme étant trop coûteux, l’établissement d’une piscine. Les sports de glace interviennent dès que le temps s’y prête. Quant à l’équitation nous suggérons un arrangement avec un loueur envoyant de 12 à 14 chevaux au collège de la fin de février aux vacances de Pâques et ensuite de la rentrée de Pâques à la fin de juin. Les élèves de 5me année seuls pratiquent les exercices militaires en armes.

Éducation mentale

Il y a (voir le tableau précédent) en moyenne, 5 heures de classe et 1 à 2 heures d’études par jour. D’une façon générale, 2 heures de classe doivent être consacrées au cours scientifique, 2 heures au cours d’humanités et 1 heure au cours de langues selon les programmes suivants :

A. Cours scientifique :

1. Le monde sidéral : aspects, distance, mécanisme. — 2. Le système solaire. — 3. Le calcul : coup d’œil général sur les mathématiques. — 4. — La terre : positions, mouvements. — 5. Le drame géologique : périodes et reliefs. — 6. L’atmosphère : analyse de l’air, phénomènes atmosphériques, régime des vents, pression atmosphérique, baromètre. — 7. Les climats. — 8. Les eaux : étendue et profondeur des mers, composition chimique, marées et courants, sources et cours des fleuves, alluvions et érosions, la glace et ses transformations. — 9. L’agriculture : plantes et arbres, fertilité naturelle et artificielle, différentes espèces de cultures, instruments aratoires, engrais, les forêts, exploitations forestières, arpentage, etc. — 10. Les animaux : éléments de zoologie, élevage et pisciculture, chasse et pêche. — 11. Les richesses naturelles : houille, métaux, pétrole, etc., travail des mines, richesses de la mer. — 12. L’homme : le corps humain, l’hygiène et la médecine, l’intelligence et la volonté. — 13. Industrie et commerce : produits manufacturés, usines, machinerie, vapeur et électricité, docks et entrepôts. — 14. Les transports : chemins de fer et steamers, établissements des réseaux et construction des navires, tunnels, ports, écluses, navigation. — 15. Télégraphe et téléphone : principes et applications. — 16. La richesse monétaire : production et circulation, banques, crédit, change, escompte, assurances, douanes, comptabilité, etc.

B. Cours d’humanités :

1. Bases de l’évolution humaine : individu, famille, propriété, État, lettres, arts, philosophie et religion. — 2. Les races : éléments de sociologie, premières migrations, temps préhistoriques, découvertes récentes. — 3. L’empire chaldéen ; la Chine et l’Inde antiques ; arts et philosophie. — 4. Babylone, Ninive et l’Égypte ; l’art égyptien. — 5. Jérusalem et le peuple juif : les prophètes. — 6. Organisation et activité commerciales des Phéniciens ; l’alphabet. — 7. Les Perses : doctrines de Zoroastre. — 8. L’Hellénisme ; origines et influences ; les républiques grecques. L’empire d’Alexandre. — 9. La république romaine. Carthage. Le droit romain. — 10. L’empire et la paix romaines. — 11. L’empire chinois. L’Amérique préhistorique. — 12. L’Europe du Nord et la Germanie : infiltrations et immigrations des « Barbares ». — 13. Bourguignons, Visigoths, Vandales, Francs. — 14. L’empire arabe. — 15. L’empire byzantin. — 16. L’empire germanique ; les villes libres. — 17. L’Angleterre normande. — 18. La France avant, pendant et après la guerre de cent ans. — 19. Les langues, la littérature, l’art gothique, l’Église et la scolastique. — 20. Christophe Colomb et Gutenberg : transformation de l’univers. — 21. La Renaissance, la Réforme et le concile de Trente. — 22. Charles-Quint, Philippe II et Louis XIV. — 23. L’empire espagnol. — 24. L’autocratie moscovite. — 25. Naissance des démocraties suisses. — 26. Suède et Pologne. — 27. La Bohême, la Hongrie et les Turcs. — 28. L’Asie, l’Afrique et l’Amérique au milieu du xviiie siècle. — 29. L’Allemagne de Frédéric II et de Joseph II. — 30. La Révolution française et Napoléon. — 31. L’Europe et la Révolution. — 32. La résurrection de la Grèce. — 33. Napoléon III. — 34. L’Empire germanique restauré. — 35. L’Italie. — 36. Les États-Unis. — 37. L’Empire britannique. — 38. Derniers événements : coup d’œil général, les gouvernements modernes, la diplomatie et le droit international.

C. Cours de langues :

Grec et latin. — Anglais, allemand et espagnol.

En règle générale, ces programmes sont ceux d’une année et doivent être revisés en entier chaque année ; mais, en réalité, ce sont des cadres au dedans desquels les professeurs doivent se mouvoir librement d’après les circonstances, l’âge, le tempérament, les dispositions de leurs élèves. Ce qui importe avant tout, c’est qu’il ne reste plus rien des classifications et des nomenclatures, véritables damiers dans lesquels on enferme présentement les sciences aussi bien que les lettres et l’histoire et qui faussent de façon irrémédiable le jugement du jeune garçon en le privant des notions de proportion, d’évolution et de pénétration réciproque et perpétuelle qui sont l’essence des phénomènes matériels et humains. On remarquera que le cours de sciences introduit des études nouvelles et en élimine d’autres et que surtout les mathématiques, la physique et la chimie s’y mêlent d’un bout à l’autre à d’autres études. Le laboratoire et le cabinet de physique doivent être, en effet, les annexes, les compléments de l’instruction d’ensemble, de même qu’il convient d’analyser les principes de la mécanique quand l’application en surgit et non pas théoriquement et groupés artificiellement.

Dans le cours dit d’humanités, l’histoire c’est-à-dire la narration des faits n’est là que pour servir de trame. La littérature, la philosophie, l’art doivent être constamment mis à contribution. C’est, en somme, l’analyse substituée à la synthèse comme base de l’enseignement secondaire préalable (après vient la spécialisation s’il y a lieu)[3]. Il n’y a aucune monotonie à craindre dans la répétition de ce programme d’une année à l’autre. Il va de soi, par exemple, que les §§ 12, 13, 16 du cours scientifique, 5, 7, 8, 21, 29 du cours d’humanités seront traités tout autrement en 4e année qu’en 1re  ou en 2e. De plus, les procédés changeront aussi ; pour les premières années, on recourra fréquemment à l’enseignement par l’aspect, aux projections de paysages et d’illustrations. Par ailleurs, il est naturel qu’une leçon d’arpentage se donne en plein air et l’étude des chemins de fer peut, avec avantage, se faire dans une gare. On peut monter en classe tout le mécanisme d’une banque ; on l’a fait déjà en Amérique avec plus grand succès. Le maniement d’une charrue, la vue d’un timbre-poste, l’audition même d’un morceau de musique, tout peut servir à graver dans l’esprit et dans la mémoire de l’élève ce dont le professeur lui parle. C’est à celui-ci de s’ingénier constamment pour varier ses procédés d’enseignement et pour tenir en éveil l’attention de l’élève.

Nous prévoyons un seul professeur pour chaque cours (soit deux par classe) et nous jugeons essentiel que les deux programmes scientifique et d’humanités ne soient pas scindés entre plusieurs professeurs ; mais nous croyons excellent, d’autre part, que chacun des professeurs fasse appel de temps à autre à des conférenciers spécialistes pour l’aider dans sa tâche.

On remarquera que de courtes études sont prévues. Sans proposer la suppression absolue des devoirs, nous croyons déplorable la manie des « compositions », problèmes écrits, etc., qui s’est répandue dans l’instruction. C’est la classe qui doit être coupée de brèves études pendant lesquelles les élèves se préparent à traiter avant le professeur le sujet qu’il abordera ensuite ou bien à rendre compte, en les résumant, des sujets qu’il vient de traiter. Les leçons récitées seront brèves et ne viseront qu’à l’entretien de la mémoire littérale. Les professeurs donneront le plus souvent des recherches de bibliothèques à faire à leurs élèves et c’est pourquoi les bibliothèques présentent sur le plan d’aussi vastes dimensions ; ce sont, en somme, des salles de travail. L’élève reçoit mission d’approfondir un sujet ; il doit chercher dans le catalogue les indications des ouvrages susceptibles de le renseigner et suivre son sujet dans les dictionnaires encyclopédiques. On le charge également de rapports, de levés de plans, de recherches statistiques, de tout ce qui peut à la fois ouvrir son intelligence et développer son initiative.

Quant à l’enseignement des langues, ce doit être une perpétuelle concertation et on se tiendra complètement en dehors de la grammaire et de la syntaxe dont les principales règles ne s’apprendront que par l’usage. Une classe sur trois sera consacrée au grec et au latin, les deux autres à l’anglais, l’allemand et l’espagnol. Le grec est prononcé à la moderne. On commencera toujours par faire lire tout haut une page d’un auteur facile ; pendant la lecture, les élèves, tant par la réflexion qu’avec l’aide de leur dictionnaire de poche, s’efforceront de démêler le sens du morceau et feront connaître le résultat de leurs efforts.

Pour les langues autres que le latin, on fera souvent usage de journaux et de revues ; par exemple on lira successivement un journal allemand et un journal espagnol ou anglais. Le professeur attirera l’attention des élèves sur les différences d’une langue à l’autre et les leur fera parler en phrases courtes et pratiques. Cet enseignement doit demeurer étranger à toutes préoccupations littéraires et revêtir un caractère exclusivement utilitaire. Si les journaux servent de textes de versions, les thèmes doivent être empruntés à la correspondance usuelle et d’affaires. Le professeur fera rédiger par ses élèves une petite gazette hebdomadaire en plusieurs langues ayant son rédacteur en chef, ses correcteurs, etc., et qui relatera les événements du collège et ceux du dehors.

Il y a huit examens par an, aux dates suivantes : 15 octobre — 15 novembre — 15 décembre — 15 février — 15 mars — 15 mai — 15 juin — 15 juillet. Le programme comporte plus spécialement les sujets étudiés depuis la rentrée ou depuis l’examen précédent et, de façon générale, les sujets étudiés précédemment. Les cotes sont de 1 à 30 ; l’examen se décompose en quatre parties : cours scientifique, cours d’humanités, cours de langues, exercices physiques. Les résultats sont notés sur le carnet scolaire que chaque élève reçoit à son départ du collège et qui lui tient lieu de diplôme.

À partir de la troisième année les élèves sont exercés à la parole publique et chargés de faire à tour de rôle des conférences de vingt minutes.

Éducation manuelle

L’éducation manuelle fait partie du programme de la gymnastique utilitaire où elle est divisée en trois leçons appelées : leçon de chantier, leçon d’écurie et leçon d’atelier. Elle est placée sous la direction du chef d’atelier et donnée au cours ou à l’issue des séances de gymnastique utilitaire ; elle comprend la menuiserie élémentaire, la peinture, l’entretien de tous les objets et effets de sport, le soin des chevaux et du harnachement, le calfatage, les nœuds marins, le soin des armes, le nettoyage et démontage des bicyclettes et automobiles, les travaux élémentaires des champs, bêchage, sarclage, labourage. On donne, en plus, aux élèves quelques notions de campement et de cuisine (façon de rôtir un gibier, de faire le pot-au-feu, d’éplucher et de cuire les légumes). Toutes les fois que des ouvriers exécutent un travail quelconque dans l’enceinte du collège, les élèves doivent se rendre compte de la façon dont ce travail est conduit.

Les élèves de cinquième année sont exercés au maniement des pompes à incendie et formés en compagnie de pompiers.

Éducation artistique et sociale

L’éducation sociale est donnée sous deux formes : par les professeurs dans les habitations où ils veillent à maintenir le bon ton sous toutes ses formes, apprenant aux élèves à ne pas taper les portes, à ne pas crier et chanter dans les corridors et les escaliers, à surveiller leur tenue et à avoir toujours souci de leur respectability — par les élèves eux-mêmes au moyen de l’association qu’ils pratiquent librement sous les réserves suivantes : toute association pour fonctionner librement doit se composer d’au moins vingt membres fondateurs, poursuivre un objet licite et être munie d’une autorisation de fonctionner délivrée par le conseil sur la vue du règlement adopté. L’association peut se proposer pour buts : les exercices physiques, les lettres, le dessin, la musique, la photographie. Le concours d’un professeur de dessin et d’un professeur de musique ainsi que l’usage des laboratoires de photographie sont assurés aux associations qui pratiquent ces derniers objets. Leur sont également facilitées : l’organisation de séances musicales publiques et l’organisation d’une exposition annuelle de dessins, aquarelles, plans topographiques et photographies.

Éducation morale

Nous n’avons pas à formuler ici un programme d’éducation morale, laquelle se confond, en général, avec l’enseignement religieux. Les maîtres doivent seulement veiller à cultiver le patriotisme de l’élève et l’esprit d’abnégation en même temps qu’à lui enseigner un juste respect des autres patries. Ils doivent ancrer dans l’esprit de celui-ci la notion de son devoir social qui n’est pas un devoir collectif mais un devoir individuel. Le jeune homme n’a nullement à s’occuper de réformer et d’améliorer la société mais simplement de faire son propre chemin ce qui est le meilleur moyen de la bien servir, le vieil adage romain civium vires civitatis vis étant la règle unique et primordiale à se proposer. La cité la plus puissante et la plus progressiste est celle dont les fils sont le mieux musclés, le plus actifs, le plus entreprenants et le plus riches. Le professeur attire ainsi l’attention de l’élève sur sa responsabilité vis-à-vis de ses concitoyens. Il doit lui apprendre, dès le collège, à se hâter prudemment, à ne rien remettre au lendemain de ce qui peut se faire le jour même ; les instants qui figurent sur le tableau d’emploi des heures comme « temps libre » constituent le jardin d’essai de l’élève à cet égard.

Il doit s’entraîner à les employer pour le mieux. Le collège doit, en un mot, relever moralement de la doctrine productiviste, visant à armer ses élèves pour les luttes du productivisme moderne et à leur donner le goût de ces luttes et le désir d’y prendre part.


Séparateur

  1. Les costumes d’été peuvent être en lainage très léger mais jamais en toile ; de même, les jerseys de coton sont prohibés.
  2. 1 vol. Paris, Alcan, 3e édition.
  3. Nous renvoyons le lecteur pour plus de détails à nos Notes sur l’éducation publique, Hachette, éditeur, pages 82 à 112.