Recherches sur les Rubāʿiyãt de Omar Khayyâm

Traduction par Arthur Christensen.
Carl Winter's Universitätsbuchhandlung.
Materialien
zu einer
Geschichte der Sprachen und Litteraturen
des vorderen Orients
Herausgegeben von Martin Hartmann (Berlin)
_____ Heft 3 _____
Recherches
sur les
Rubā’iyāt de ’Omar Hayyām
par
Arthur Christensen
Docteur es lettres de l’Université de Copenhague



Heidelberg
Carl Winter's Universitätsbuchhandlung

1905
TABLE DES MATIÈRES.

Recherches sur les Rubāʿiyãt - Arthur Christensen.
I. 
 11
L’œuvre intitulée „Rubā’iyāt de ’Omar Hayyam".
VII. 
 185
VIII. 
 186

Traduction par Arthur Christensen.
Carl Winter's Universitätsbuchhandlung (p. 9-178).

Materialien
zu einer
Geschichte der Sprachen und Litteraturen
des vorderen Orients
Herausgegeben von Martin Hartmann (Berlin)
_____ Heft 3 _____
Recherches
sur les
Rubā’iyāt de ’Omar Hayyām
par
Arthur Christensen
Docteur es lettres de l’Université de Copenhague



Heidelberg
Carl Winter's Universitätsbuchhandlung

1905






Alle Rechte, besonders das Recht der Übersetzung in fremde Sprachen,
werden vorbehalten.
Préface.
________________


Le présent livre est une refonte de mon « Omar Khajjàms Rubàijàt, en litteræerhistorisk Undersögelse » (Copenhague 1903). En omettant certaines parties, en en abrégeant d’autres, en ajoutant bon nombre de nouveaux détails, j’ai tâché d’approfondir mes études sur cette poésie. Pour épargner aux spécialistes qui s’occupent des Ruba’iyat la pénible et ennuyeuse besogne de chercher les quatrains dans les différents textes, j’ai donné, dans un appendice, une concordance des principales éditions et de quelques manuscrits des Ruba’iyat.

Dans la transcription des noms orientaux je me suis servi du système généralement employé en Allemagne (v. p. ex. la « Grammaire arabe » de Socin). Seulement, j’ai rendu la lettre قق par y au lieu de par j. Tous les noms de personnes sont transcrits d’après ce système. Pour d’autres noms propres bien connus, tels que coran, islam, chiisme, etc., je me suis servi de la forme populaire sous laquelle ils ont été adoptés dans la langue française, et de même pour les noms géographiques les plus fréquents (Iran, Bagdad, etc.).

Quant aux parallèles donnés dans la troisième partie, ce ne sont que des exemples choisis un peu au hasard ; chacun qui s’occupe de la poésie persane pourra en augmenter le nombre par sa propre lecture.

Enfin, je prie les lecteurs allemands de me pardonner qu’avec la permission obligeante de Messieurs les éditeurs je présente cet ouvrage en français, langue qui m’est plus familière que l’allemand.

Copenhague le 7 mai 1904.

Arthur Christensen.
_________________
TABLE DES MATIÈRES.

Recherches sur les Rubāʿiyãt - Arthur Christensen.
I. 
 11
L’œuvre intitulée „Rubā’iyāt de ’Omar Hayyam".
VII. 
 185
VIII. 
 186

Première Partie.


_________


Histoire et Critique.

I.

Le fameux livre « Rubâiyàt of Omar Khayyâm rendered into english verse by Edward Fitzgerald» date de 1859. Ce ne fut, cependant, qu’avec la deuxième édition de 1868 que les noms de l’auteur et du traducteur commencèrent à attirer l’attention ; mais depuis ce moment leur renommée s’est accrue de jour en jour. Les Rubâiyàt de Fitzgerald sont devenues un des livres les plus recherchés en Angleterre et en Amérique, et son renom s’est propagé partout sur le continent européen. Chose étrange ! cet engouement universel a eu pour résultat que les savants ont abandonné, pendant près d’un demi -siècle, les études historiques sur la place que prend l’œuvre de ’Omar Hayyâm dans la littérature persane, pour ne s’occuper que de questions d’esthétique et de morale. Inconsciemment tous ceux qui faisaient des réflexions sur les Rubâ’iyât subissaient l’influence de Fitzgerald ; même ceux qui connaissaient l’original persan et savaient avec quelle liberté Fitzgerald lavait traité, le jugeaient d’après la paraphrase simplifiée, modernisée, adaptée à l’esprit et aux tendances du dix-neuvième siècle que le poète anglais avait créée. Déjà avant la publication de l’œuvre de Fitzgerald, l’ami de celui-ci, M. E. B. Cowell, avait comparé ’Omar à Lucrèce 1[1]. D’autres le comparèrent à Schopenhauer 1[2], à l’auteur de l’Ecclésiaste 2[3], au poète arabe Abû-l-’Ala al-Ma’arri 3[4], à Heine 4[5]. M. Meynsma l’appelle un Pantagrueliste, un Lucianiste, un Voltairien 5[6]. On fait la critique des idées morales de’Omar — toujours vu à travers Fitzgerald, — on s’efforce à donner des portraits psychologiquement vrais du poète persan, sans se rendre compte du fait que les textes des Rubâ’iyât diffèrent beaucoup entre eux, et sans remarquer que la vérité historique de cette histoire du triumvirat entre’Omar Hayyâm, Nizâm-el-mulk et Hasan Sabbâh qui forme la base de toutes les notices biographiques, est plus que douteuse. Celui qui va le plus loin dans son analyse psychologique, est M. Pickering qui voit dans les Rubâ’iyât le drame d’une vie humaine, distinguant trois périodes de la vie du poète : épicuréisme, scepticisme et mysticisme 6[7].

M. J. Payne est, je crois, le seul qui ait essayé de juger l’œuvre de’Omar Hayyâm dans son rapport avec l’évolution historique et littéraire de la nation persane. Mais son idée hardie de voir dans’Omar un enfant du védantisme indien qui, introduit de bonne heure en Iran, se serait maintenu avec le plus de pureté en Khorassan, et dont le babisme moderne aussi bien que le sufisme seraient des formes corrompues, est certainement erronée.

Si l’on considère combien les manuscrits et les éditions de’Omar Hayyâm diffèrent entre eux, que le nombre des quatrains varie de 158 (ms. Bodleïen) à 801 (ms. de Cambridge), il deviendra évident que toute appréciation psychologique fondée sur les Rubâ’iyât sera vague et incertaine. Mme. Jessie E. Cadell avait trouvé 1200 quatrains attribués à’Omar, d’où elle jugeait que 250 à 300, tout au plus, pouvaient être authentiques 1[8]. Elle avait remarqué que plusieurs quatrains trouvés dans les Rubâ’iyât de’Omar étaient aussi attribués à d’autres poètes persans comme Hâfiz, Salmân Sâvagî, Sa’dl et Afdal Kâsî. Whintield fit la même observation : il notait dans son édition des Rubâ’iyât 3 ou 4 des quatrains attribués en même temps à’Omar et à d’autres, et prédisait qu’un examen scrupuleux en augmenterait le nombre.

Le premier qui ait révoqué en doute l’histoire du triumvirat, est M. August Mûller 2[9]. La naissance de Nizâm-el-mulk est fixée presque unanimement par les auteurs orientaux à 1017 ap. J.-C. ; la mort de’Omar Hayyâm est indiqué à 1123 et celle de Hasan Sabbâli à 1124. Si ces deux hommes avaient été du même âge que le vézir, ils auraient vécu jusqu’à l’âge de 106 et 107 ans, ce qui serait en tout cas bien invraisemblable 3[10]. L’anecdote en question se trouve chez Mirhvand, qui l’a tirée des Vasâyâ, espèce de testament politique que Nizâm-el-mulk aurait écrit à l’usage de son fils Fahrel-mulk, vézir du sultan Barkiâruq. Cependant M. Rieu prouva 4[11] que les Vasayâ ne provenaient pas de Nizâm-el-mulk, mais d’un auteur anonyme du 9e siècle a. H. (15*^ siècle ap. J.— C) ; ils sont dédiés à un certain Fahr-eddïn Hasan, descendant en douzième génération de Nizâm-el-mulk, et dont le bisaïeul avait été premier ministre de Tugâtïmûr, prince du Khorasan (1334 — 52). L’auteur soutient qu’il a pris sa matière en partie de livres, en partie de traditions existant dans la famille de Nizâm-el-mulk, à laquelle il appartenait lui-même. Néanmoins cette découverte ne laissait pas de rendre suspect l’authenticité du récit, et elle engageait M. Houtsma à formuler une nouvelle hypothèse : « … On comprend aisément, dit il, que l’anecdote, très ingénieuse du reste, doit son origine à la fantaisie de l’auteur des’u’wo » qui peut-être a pensé au passage des Mémoires d’Anouchirwàn, dans lequel celui-ci nous dit qu’il a visité l’école avec plusieurs individus qui devinrent plus tard les premiers Ismaéliens ». 1[12]

Ces raisonnements passèrent cependant assez inaperçus, jusqu’à ce que M. V. Shukovski en fît le point de départ d’une étude approfondie, publiée dans Al-Muzaffariya, recueil de dissertations offert à M. le professeur V. Rosen (St.— Pétersbourg 1898) sous le titre de « ’Omar Hayyâm et les quatrains ambulants ». 2[13] Shukovski soutient d’abord qu’il est absurde d’admettre pour authentiques tous les quatrains qui circulent sous le nom de’Omar Hayyâm. « On se demande, s’il est possible de concevoir, non pas un philosophe, mais seulement un homme intelligent (pourvu qu’il ne soit pas un détraqué) dans l’esprit duquel soient réunies et incorporées une telle diversité de convictions, d’inclinations et de tendances paradoxales, un haut courage moral, d’ignobles passions et des doutes, et des vacillations déchirantes. » Il faut chercher la cause de cette discordance dans l’inexactitude des textes. Ajoutez que nous ne connaissons pas la vie extérieure de’Omar, le milieu dans lequel il vivait, et les gens avec qui il avait des relations. « Quiconque a eu jamais quelque chose à faire avec’Omar Hayyâm a considéré comme son devoir de répéter l’anecdote des trois amis d’école bien doués — Hayyâm, Nizâm-el-mulk et Hasan Sabbâh — anecdote pleine d’anachronismes évidents et tirée de sources apocryphes. » Nous devons donc chercher de nouveaux renseignements biographiques plus dignes de confiance, et c’est ce qu'a fait M. Sliukovski. Il cite des notices sur la vie de ’Omar Hayyâm tirées des ouvrages suivants 1[14] :

Nuzhat-el-arrâk de Muhammad Sahrazûrî (vers le milieu du 13e siècle ap. J.-C).

Tarik-el-kukamâ, de Ibn-el-Qiftî (mort en 1248) 2[15].

Àtar-el-bilâd de Qazvinî (mort en 1283) 3[16].

Firdaus-el-tarârih (composé en 1405 — 06).

Tarih-i alfi (Histoire des mille ans, composé vers la fin du premier millénaire après le Hegra, c.-à-d. à la fin du 16e siècle).

Ensuite il traite la question des « quatrains ambulants ». Pendant quatorze ans il a recueilli, tout compté, 82 quatrains de l’édition de Nicolas, qui se trouvent aussi dans les œuvres d’autres poètes persans. À ces 82 quatrains de l’édition de Nicolas correspondent 75 de celle de Whinfield et 12 du ms. Bodleïen. Ce dernier chiffre a été porté à 16 par M. Ross après la publication du ms. Bodleïen par M. Heron-Alleu. En voici la liste 4[17] :

Nicolas. Whinf. Ms. Bodl. se trouvent chez :

1 1 Salmân Sâvagî 5[18] ; Hâfiz 6[19].
3 2 Farîd-ed-dîn 'Attâr 7[20].
8 7 5 Farîd-ed-dïn 'Attâr.
9 8 Galâl-ed-dîn Rûmi 8[21].
(10) 9 Nagm-ed-dïn Râzî 9[22].
18 21 Kamâl Isma^il 10[23].


Nicolas. Whinf. Ms. Bodl. se trouvent chez:
24 28 11 Tâlib Amuli 1.
38 42 19 Nâsir-eddîn Tûsî 2.
47 50 Auhadî Kirmâiiî 3 ; 'Attâr.
49 52 Hâfiz.
54 57 Atrâf-ed-dïn Hasani^
55 58 Galâl-ed-dîn Rûmï.
59 62 Nagm-ed-dîn Râzî.
63 66 Rida-ed-dîn^
69 72 Hâfiz.
70 73 ,Hâfiz.
74 76 Sirâg-ed-dlQ Qumri."*
76 78 Nâsir-ed-dîn Tûsl.
79 81 Kamâl Isma'il,
89 91 'Abd-allâh AnsârP; Rûmi.
91 93 'Abd-allâh Ansârl.
94 'Attâr.
96 97 Kamâl Isma'il; Hâfiz,
110 140 Afdal Kâsî^
113 142 Fahr-ed-dm Râzî^
116 144 Nâsir-ed-dïn Tûsi.
182 197 75 Tâlib Amulî.
120 147 Rûmï.
130 156 Ibn Sïnâ (Avicenne).
141 164 Râzî;Ni'mat-allâh Kirmânî 8 ; Ansârî.
143 166 Anvarî 9.
144 'Attâr.
146 168 Rûmï; Himmatï Balhl*.
152 173 'Attâr.
155 'Attâr.
158 177 Rûmï.

1 Mort en 1625 ou 1626.
2 — - M. en 1278.
3 — M. en 1297.
4 — Époque inconnue.
5 — M. en 1088.
6 — « M. en 1307.
7 — M. en 1209.
8 — Api^elé Ni'mat-allâh Vali, m. en 1430.
9 — M. environ en 1190.

Nicolas. Whinf. Ms. Bodl. se trouvent chez :

165 183 Magd-ed-din Hamgar 1.
168 185 Magd-ed-din Hamgar ; Hāfiz.
179 194 77 Magd-ed-din Hamgar.
183 198 Malik Sams-ed-dïn 2.
184 199 Magribî Tabrlzi 3 ; Rāmi ; Ansārï.
187 202 Firdansî 4.
193 206 Rûmï ; Kamâl Isma'îl.
199 243 Sāhî ; Akifï.
202 246 Hāfiz.
203 87 Hāfiz.
224 96 'Attār.
225 264 Ansfirï; 'Attâr; Muhammàd Hasan Hân ^.
226 205 Ni'mat-allâh Kirmânï.
229 268 Hâfiz.
230 269 99 Kamâl Isma'îl.
236 276 Ansârï; Abu Sa'îd^
238 278 Rûmï.
255 295 'Attâr.
260 300 Ruml; Ahmad Gazzâli^.
263 306 Atîr-ed-din^.
265 308 Hâfiz.
266 309 'Attar.
274 317 'Attâr.
290 330 116 Hâfiz.
294 332 118 Galâl-ed-dln Qazvïnî ^.
296 333 Saif-ed-dîn Bâharzi^'^; Abu Sa'ïd.
301 357 Anvârî.

1 Vers la fin du 11e siècle. — 2 Vers la fin du 11e siècle. — 3 Mort en 1404 ou 1406. — 4 M. environ en 1020. — 5 M. en 1453. — 6 Époque inconnue. — 7 M. en 1048. — 8 M. en 1123. — 9 M. en 1211. — 10 M. en 1259. Nicolas. Whinf. Ms. Bodl. se trouvent chez: 309 Malik èams-ed-dïn. 324 Bahâ-ed-dïn^; 'Asgadî Marvi \ 328 369 Sa'd-ed-dîn Hamavïl 337 376 Sîih Sangân^ 348 390 129 'Attâr. 350 392 Hafiz. 351 393 130 Afdal Kcâsî; Hâfiz. 353 395 Hafiz. 361 406 Abu Sa'id. 379 420 Ibn Sïnâ. 370 414 135 'Attâr. 374 417 Hâfiz. 387 430 Hafiz. 394 436 145 Fahr-ed-dln (?); Badîhî Sal- gavandï^; Al.imad Bu- deïll^ 396 438 Ansârï. 426 463 Abu Sa'ïd. 438 'Attar. 444 476 Abu Sa'îd; 'Ala-ed-daula Serananî'^. 450 490 157 Sanaï^.



L'intérêt de M. Shukovski s'est attaché tout particuliè- rement à une notice dans un manuscrit du Mirsad-él-ihad, ouvrage sûfique de Nagm-ed-dm Razî, parce que l'auteur y parle de 'Omar avec tant d'horreur qu'il ne lui aurait certainement pas emprunté des quatrains pour les faire passer pour siens, et parce que ce manuscrit date de 735 a. H. (1334 ap. J.-C), étant ainsi antérieur de 130 ans au plus ancien manuscrit connu des Ruba^ij-at de 'Omar Hayyâm. La notice en question est celle-ci: «Et il est bien connu 1 Peut-être Bahâ-ed-din Amull qui est mort en 1620. — 2 M. en 1040. — 3 M. en 1252. — •* Époque inconnue. — ^ m. en 1385. — ^ M. en 1130 ou 1140. quelle fut la raison sage de mettre l’âme pure, élevée et spirituelle dans une forme sombre et terrestre et de l’en séparer de nouveau et de l’arracher de la poussière qui l’entoure. Et on connaît aussi la raison pourquoi le corps sera détruit, et pourquoi la poussière sera de nouveau dispersée ( ?) au jour de la résurrection et l’âme revêtue de vie : afin que l’homme puisse échapper à ce à quoi le coran fait allusion : « Ils sont comme des troupeaux, ils s’égarent même plus 1[24] », et atteindre au rang de l’humanité, et qu’il puisse être porté de derrière le voile de la négligence, comme il est exprimé dans ces paroles du coran : « Ils connaissent l’apparence de la vie de ce monde et ne se soucient pas de la vie future 2[25] » — ; et qu’il puisse mettre le pied de l’épreuve et de la passion sur le chemin droit. Mais de tels pauvres philosophes et matérialistes qui sont exclus des deux bénédictions sont égarés et suivent dans leur erreur un certain homme de lettres, fameux entre eux à cause de ses talents, de sa sagesse, de sa sagacité, et de son érudition. Et cet homme là est’Omar Hayyām. Pour se faire une idée de son effronterie et de sa corruption extrêmes, il faut seulement lire ces vers composés par lui :

De ce cercle qui renferme notre entrée et notre sortie ni commencement ni fin ne sont visibles.

Personne dans ce monde ne nous raconte fidèlement d’où nous venons et où nous allons 3[26].

Le créateur, quand il ordonna la composition des natures, pourquoi les assujettit-il à la diminution et à la ruine ?

Si elles ont mal tourné à qui la faute de cette [mauvaise] forme ? et si elles ont bien tourné, pourquoi les détruire ? 4[27]

M. Shukovski classe les 82 quatrains ambulants en groupes : 33 p. c. ont pour objet l’amour, le vin et l’indulgence de soi (3 quatr. du ms. Bodl.), 43 p. c. contiennent des sorties contre le destin, le monde et l’homme, sa faiblesse, son abandon et sa sottise (4 quatr. du ms. Bodl.), environ 7 p. c. sont des appels à Dieu (1 quatr. du ms. Bodl.), environ 7 p. c. roulent sur le mysticisme (1 quatr. du ms. Bodl.), environ 6 p. c. sont des pensées philosophiques et des règles de conduite, et environ 4 p. c. roulent sur la libre pensée et les spéculations religieuses (2 quatr. du ms. Bodl.).

De toutes ces recherches intéressantes, le savant russe n’a pas tiré de nouvelles conséquences. Nous cherchons en vain les raisons qui motivent cette conclusion-ci : « Si nous admettons que ces groupes dans une collection complète des quatrains de ’Omar Hayyām seraient représentés dans la même proportion, nous sommes forcés de conclure qu’en formant une estimation de notre poète il serait le plus sûr de regarder les quatrains appartenant aux quatre derniers groupes comme les matériaux les moins discutables : c’est-à-dire que nous devons considérer’Omar comme un homme d’une vaste érudition qui suivait ses propres convictions et qui, tourmenté par les questions de l’existence et ne trouvant pas la solution de l’énigme de la vie dans les dogmes mahométans, élaborait pour son propre usage une conception de la vie (Weltanschauung). régulière, fondée sur le mysticisme süfîque… ’Omar prêchait la pureté morale et une vie contemplative ; il aimait son Dieu et s’efforçait de dominer l’Eternel, le Bon et le Beau… » M. Shukovski donne ici un portrait sympathique, mais fondé sur une distinction, à mon avis peu motivée, entre la valeur des différents groupes de quatrains pour l’appréciation de la personnalité de’Omar.

M. Beveridge a essayé, dans un article du JRAS. (1899 p. 135 sqq.), de défendre l’anecdote du triumvirat. L’an 517 a. H. (1123 ap. J.-C.) est généralement indiqué comme celui de la mort de’Omar, mais une minorité de sources, entre autres le Tnnh-i alfi, donne l’an 505 a. H. (1111 ap. J. — C). En suivant la dernière indication, M. Beveridge ne trouve pas irraisonnable la supposition que’Omar et Nizām-el-mulk auraient été du même âge. Hasan Sabbāh qui mourut en 518 a. H. doit avoir été probablement plus jeune de quelques ans, ce qui n’çxclut pas qu’il peut avoir fréquenté l’école avec eux. Peut-être aussi que Nizām-el-mulk est né plus tard qu’en 408 a. H. (1017 ap. J.-C) : cette date repose sur des auteurs arabes éloignés, sinon en temps, du moins en lieu, et il n’y a rien dans la vie du ministre qui nous met dans la nécessité d’en fixer la naissance à une date aussi reculée. C’est bien vraisemblable que l’auteur des Vasāyā s’est appuyé sur des livres et des traditions de famille, et qu’il y a une base de vérité dans l’anecdote des trois amis.

La discussion fut terminé par un article de M. E. G. Browne dans le même journal (1899 p. 409 sqq.). Il mentionne deux notices sur’Omar qu’il a trouvées dans les Cahār maqāla de Nizāmî-i’Arûdî-i Samarqandî. La première est une relation de la prédiction bien connue de’Omar, — faite en 500 a. H. (1112 — 13 ap. J.-C.) à Balkh, dans la rue des vendeurs d’esclaves, dans la maison de l’émir Abu Sa’d, en présence de Hvāga Muzaffar-i Isfizārî et de l’auteur —, que les arbres joncheraient son tombeau de leurs fleurs 1[28]. La seconde contient une prédiction astrologique faite par’Omar dans l’hiver de l’an 508 (1114 — 15) 2[29]. Il en ressort que’Omar était vivant trois ans après la date assignée à sa mort par M. Beveridge, et il semble n’y avoir aucune raison pour abandonner la date généralement admise. Pour Hasan Sabbāh, l’an 518 (1124) est donné comme celui de sa mort, non seulement par le Gami’-et-tavârïh de Rasid-ed-dïn, la plus ancienne source connue de l’anecdote du triumvirat 1[30], mais aussi par Ibn-el-Atîr et l’auteur du Tarihi guzida. — La naissance de Nizām-el-mulk est fixée décisivement à 408 par Ibn-el-Atîr, et le Gami-el-tavarîh prétend même qu’il était âgé de plus de 80 ans, quand il fut assassiné en 485. M. Browne en conclut :

1. Que Nizâm-el-mulk était né au plus tard en 408 (1017).

2. Qu’il est extrêmement improbable que Omar Hayyâm et Hasan Sabbâh qui moururent tous les deux d’une mort naturelle dans les années 517 — 18 (1123 — 24), eussent plus de cent ans au temps de leur mort.

3. Que même si l’on suppose que’Omar et Hasan aient été centenaires, et si l’on place, conséquemment, leurs naissances en 1023 ap. J.-C, ils auraient eu pourtant six ans de moins que Nizâm-el-mulk, et tous les trois auraient difficilement pu être des « enfants » en même temps, comme le prétend le Gann-et-tavarih.

4. Que l’anecdote est extrêmement invraisemblable, sinon absolument impossible, et qu’elle mériterait à peine une considération sérieuse, si elle s’appuyait seulement sur des livres tels que les faux Vasayn, le Dabistan etc., mais que le témoignage du Garni-et-tavârih, tant à cause de son ancienne date, qu’à cause de la renommée d’historien de son auteur, ne peut pas être aussi facilement repoussé. On doit pourtant se remettre dans l’esprit qu’un grand laps de temps n’est pas nécessaire pour que des légendes d’un caractère bien plus surprenant se produisent. M. Browne rappelle ici que la notice sur la vie de Nâsir Husrau donnée par Qazvïnï dans son Àtar-el-hilad (éd. Wûstenfeld pp. 328 — 29) n’est pas moins remplie de traits légendaires, bien que seulement 200 ans se fussent écoulés après la mort de ce poète.

Histoire et Critique.

13

En liKKJ parut une édition des liuhù’njàt de Fitzgerald avec introduction de M. E . D. Ross et commentaire de >f. H. M. Bats on.

M. Koss y donne une biograi)hie de Omar baséf sur les nouveaux matériaux, qu’il divise en trois groupes :

1. Récits provenant de gens (|ui ont connu ’Omar en personne : a) les Cahar-maqala (source de première main) ; b) le Fndans-ef-tavanh (source de seconde main) citation d’après un certain Abii-1-Hasan al-Baihaqï qui a été présent, en 505 a. H. (1111 ap. J . - C), à une réunion dans la maison de Omar et l’a consulté sur un vers du Hamâsa). 2. Notices dans des ouvrages datant du 13^ et 14^ siècle ap. J. -C : a) le Xx^Jiat-cI-arvâJt ; b) le Mirsadel-ibad ; c) le Tnnh-el-huhamâ ; d) le Atar-el-hilad ; e) le Garni’ -ct-tavanh. 3. Notices dans des ouvrages d’une date postérieure au 14^ siècle.

’Omar est mentionné dans beaucoup d’ouvrages, entre autres dans le Mirat-i (jahân-numa, le Atasl-ada, la préface de l’édition de Téhéran des Rubâ’iyât ^ le Tadlirates-su’ara de Daulatsâh, le Gahan-nameh, les Haft iqlîni, le Mayma-tl -fusaha, le Dahistan-i maddhih. Mais des renseignements nouveaux et qui ont quelque intérêt ne se trouvent que dans a) le Tanh-i alfi ; b) le Rhjad-es -su ara, anthologie ’

De cette préface M. Browne a réimprimé et traduit dans le JRAS. 1898 p. 417) l’anecdote curieuse suivante : On raconte qu’une nuit ’Omar avait préparé une assemblée et invité plusieurs amis et filles belles comme la lune.

Il avait placé là quantité de flambeaux et de lampes, et dans une insouciance complète il s’occupait de boire du vin.

Mais comme le ciel se venge de tout, un coup de vent advint au milieu des plaisir.-^,

les flambeaux furent éteints et la jarre de vin qu’il avait placée à son côté fut brisée. ’Omar Hayyâm fut très fâché, et

il s’écria dans son ivresse :

Tu as brisé ma cruche de vin, Seigneur ! ïu as fermé pour moi la porte du plaisir, Seigneur !

Dans la poussière tu as versé mon vin pur : Peste ! tu es donc ivre. Seigneur !

(ms. Bodl. 141, Nie. 388.)

On dit que quand il eut proféré ces paroles, son visage devint noir, et ses camarades et disciples qui étaient présents au festin, s’enJ

14

Première Partie.

biographique écrite en 1748 : Il (’Omar) était un des plus savants de tous les hommes, et pendant sa vie il était estimé à tel point que le sultan 8an*^ar avait l’habitude de le faire asseoir à son côté sur le trône. Dans sa jeunesse il fréquentait la même école que Nizâm-el-mulk et Hasan Sabbâh, Au commencement de sa vie, il était très sévère et pieux dans sa religion, mais plus tard il s’exposait au blâme ; car il buvait le vin pourpré de la coupe de la science, et il était toujours ivre et sans conscience. On raconte qu’après

sa mort sa mère suppliait continuellement avec des larmes et des lamentations Dieu de le pardonner. Une nuit ’Omar

apparut à sa mère dans un rêve et récita le quatrain suivant : Ô toi qui es con8umée [de chagrin] pour un hiomme qui brûle [dans le feu de l’enfer] et mérite d’y brûler ; ô toi qui nourriras toi-même les flammes de l’enfer :

Jusques à quand continueras-tu de prier : «aie miséricorde pour ’Omar !» Comment pourrais-tu apprendre lu miséricorde à Dieu ?^ L’assertion que ’Omar ait été l’ami intime du sultan Sangar se trouve encore dans plusieurs ouvrages d’une date postérieure, comme le AtasJcada de Lutf ’Ali Bëg datant du 18*^ siècle.

c) Les chroniques arabes de Ibn-el-Atïr et d’Abû-1 -Fedâ contiennent une même notice sur ’Omar, conçue presque dans les mêmes ternies.

Ibn-el-Atîr, le plus vieux,

dit 2 ; En l’an 467 (1074) Ni ?âm-el-mulk et le sultan Maliksâh fuirent aussitôt. L’ayant aperçu, ’Omar fit cherclier un miroir, et en y voyant que son visage avait changé de couleur, il dit en riant : Quel est celui au monde qui n’a jamais commis un péché ? dis ! Quand a-t -il vécu, celui qui n’a pas commis de péché ? dis ! Si je fais le mal, moi, et que toi, tu rendes le mal pour le mal, quelle est alors la différence entre moi et toi ? dis ! (Nie. 356, Whinf. 398 .)

Au même moment son visage devint tout brillant comme la lune au quatorzième jour.

^

Nie. 459, Whinf. 488. Malgré ses 106 ans, ’Omar serait ainsi mort avant sa mère ! L’anecdote est évidemment controuvée comme une explication du quatrain cité. Il n’est pas impossible que le quatrain soit inventé par les ennemis de ’Omar. 2 Kâmil éd. T)iornberg t. X, p. 67.

Histoire et Critinue.

1")

tinrent une réunion de tous les premiers astronomes du temf)s ; et ils fixèrent le jour de l’an au point où le soleil entrait dans le Bélier ; jusque-là il avait été fixé à, la saison où le soleil avait à moitié parcouru les Poissons. Et cette

décision du sultan fut le point de départ du calendrier. Dans

la même année des observations astronomiques furent faites pour le sultan Maliksâh, et un grand nombre des principaux astronomes, comme ’Omar il)n Ibrâbîm el-Hayyàmï, Abù-1-Muzatfar el-Isfizàri et Maïmun ibn en-Nagîb el-VâsitI et d’autres étaient présents à l’entreprise, et le sultan dépensait pour cela de grandes sommes. Ces observations du firmament furent continuées jusqu’à la mort du sultan en 485 (1092), mais après cet événement elles cessèrent. M. Ross [)orte alors un dernier coup à l’anecdote des trois amis d’école.

Voici son raisonnement : l’histoire tomberait d’elle même, si l’on pouvait prouver qu’un des trois hommes n’aurait pas pu être à l’école avec les deux autres ; et c’est ce que nous pouvons soutenir avec beaucoup de probabilité pour Hasan Sabbàh. Les mémoires du vézir célèbre Anûsirvàn ibn Hâled ont été insérés dans l’histoire des 8algiiqides de ’Imàd-ed-dîn el-Isfahànï dont Al-Bondarl a fait un abrégée Anûsirvàn y raconte ce qui suit^ : «Et dans le cours des événements des choses singulières arrivèrent ; car un nombre d’individus c^ui avaient grandi comme nous et avaient mesuré avec notre mesure (c. -à -d. avaient été de la même condition sociale) et qui avaient été à l’école avec nous, et avaient pris plaisir à l’étude du droit et des humanités, se séparèrent de nous.

Parmi eux était un homme originaire de Rai qui voyageait dans le monde et était scribe de profession ; mais il cachait ses «affaires», jusqu’à ce qu’enfin il j)arut en public, souleva une vaste sédition et s’empara en peu de temps de forteresses et de châteaux imprenables ; et il excita à des meurtres et à des actes de violence de la 1 Publ. p. Houtsma, Leide 1889.

-

p. 66.

16

Première Partie.

manière la plus atroce.

Et leurs «affaires» étaient cachées au peuple et continuaient de l’être, vu qu’il y avait de la discipline dans leur cacherie.»

Selon toute proVjabilité,

M. Houtsma a raison en reconnaissant dans cet individu Hasan Sabbâli. En rapprochant différentes dates de la vie de Hasan et d’Anusirvân, M. Ross constate qu’ils doivent être nés environ en 1050, et qu’ils auront été à l’école ensemble à Nisâpur.

Il incline à placer la naissance de ’Omar quelque dix ans avant celle de Hasan, parce qu’il trouve peu vraisemblable que ’Omar n’eût eu que 24 ans quand, en 1074, il fut compté parmi les princi})aux astronomes de son temps ^ Que Nizâm-el-mulk ait été le protecteur de ’Omar, est bien douteux, vu que celui-ci, dans son Algèbre, ne mentionne pas le ministre, tandis qu’il parle, en des expressions ardentes, d’un certain Abu Tâhir qui «le mit en état de renouer le fil des recherches qu’il avait été forcé de dénouer à cause des vicissitudes du sort.» L’objet de cet

éloge est peut-être ce Saraf-ed-din Abu Tâhir el-Kumi qui devint plus tard ministre chez le sultan Sangar.

On ne

peut pas se fier non plus au récit de l’amitié intime de ’Omar avec Sangar : on ne le trouve que chez des biographes plus modernes qui pourront aisément avoir confondu le sultan Sangar avec le Hâqân de Boukhara, Sams-el-mulk ^. Sangar monta au trône en 1117, mais il avait déjà été gouverneur du Khorassan pendant vingt ans, et en cette qualité il pourrait bien avoir eu des relations avec ’Omar ; nous savons pourtant^ que dans sa jeunesse il avait eu de la rancune contre lui.

1 On pourrait rappeler, cependant, qu’Avicenne était un médecin célèbre à 16 ans. selon Ibn Halliqan. -

Celui-ci rendait honneur à ’Omar et le faisait asseoir à son côté sur le trône, dit Sahrazuri.

3 D’après Sahrazûrl, v. plus loin.

Iii»<toire et Critique. 17 11. Les études critiques des dernières aimées ont ainsi jeté plus de lumière sur la vie et la personnalité de ’Omar Hayyâm, et cojistaté que les textes des Ruba’iyât ont subi de nombreuses interpolations. Rassemblons les faits et tirons en les conséquences. Giyût-ed-din Abii-l -Fath ’Omar ibn Ibrahim el-Hayyrimî

  • naquit, selon toute probabilité, à Nïsâpûr entre

1025 et 1050 ap. J.C. Une éducation solide a développé ses talents divers. A une connaissance approfondie du coran, de la science de la tradition et de la poésie arabe et persane, il joignait un vaste savoir dans le domaine de la philosophie et des sciences exactes. Faute d’argent il fut forcé d’abandonner les occupations scientifiques auxquelles il s’était voué de tout son cœur ; mais un mécène nommé Abu "Tâhir lui donna sa protection et le secourut de façon qu’il put reprendre ses études. Il composa plusieurs écrits sur les sciences physiques et acquit le renom d’un savant émineut. Le sultan Maliksâh et son grand ministre Nizâm-el-mulk qui travaillaient avec tant de zèle à la prospérité des sciences, se l’attachèrent en le chargeant d’élaborer un calendrier réformé (1074). Ce calendrier c|ui a excité beaucoup d’admiration, même en Europe, fut appelé el-Galâlï d’après le surnom du sultan Gahll-eddln-. ’Omar et ses collègues, Abû-l -Muzaffar el-Isfizârï, Maïmûn ibn en-Nagib el-Vâsitï et d’autres encore, furent chargés de faire des observations astronomiques, et que ’Omar ait présidé à ces examinations, semble résulter de ce fait, qu’il fut l’éditeur des tableaux qui en contenaient le résultat et qui

Hayyâm signifie «fabricant de tentes». Cependant il n’est pas vraisemblable que ’Omar ait exercé cette profession, ni son père ; car, comme M. Ross l’a fait remarquer dans son introduction de l’édition de Fitzgerald, lu forme arabe al-Hayijâml montre que le nom a été un nom de famille, non pas un surnom indi(juant une profession.

V. Reinaud : Géographie d Aboulféda, trad. de l’arabe, I in- trod. p. CI.

Christensen, Recherches.

18

Première Partie.

portaient le nom du sultan : Zifji MaWcénhT. Il devait se

conformer à l’usage du temps et faire en différentes occasions des prédictions astrologiques. En 1114— 15 le roi

Muhammad ibn Maliksâh, fit demander à ’Omar de prédire un temps favorable pour faire une chasse, en quoi il réussit, grâce à ses connaissances météorologiques ^ Mais Ni ?âmî-i

’Arûdî «ne remarquait jamais qu’il eût beaucoup de confiance en des prédictions astrologiques»^. Dans le domaine

de l’algèbre, ’Omar s’est fait connaître par des découvertes nouvelles ^ et ses écrits mathématiques sont encore admirés de nos jours.

En d’autres matières encore, son autorité était reconnue. Il s’occupait beaucoup de philosophie. Ses idées philo-

sophiques auront été ])Our le fond celles d’Avicenne ; mais nous ne possédons pas de témoignages sur ce point’^. En

tout cas, il fut décrié comme un esprit fort et un matérialiste, tandis que ses })artisans l’honoraient du nom de Huggatel-Haqq («Argument de la vérité»)^ . On s’adressait à lui,

1 Les Cahàr maqala (trad. de Browne, JRAS. Oct. 1899 ;. 2 ibid.

3 Ibn Haldun : Prolégomènes trad. p . de Slane (Not. et Extr. XXI, p. 137) : «Nous avons appris qu’un dés premiers mathématiciens de l’Orient •avait étendu le nombre des équations au delà de ces six espèces, qu’il l’a porté à plus de vingt et qu’il a découvert pour toutes ces espèces des procédés (de résolution) sûrs, fondés sur des démonstrations géométriques. »

Selon Wcepcke, ce mathématicien-là est ’Omar Hayyâm.

El-Gazzall mentionne comme une secte de sceptiques les «mathématiciens ».

On pourrait croire que ’Omar fût de leur nombre. Ils

avançaient l’argument suivant : «L’objet de recherches le plus proche et le plus intéressant pour l’homme, c’est l’homme même, c’est-à -dire cette essence à laquelle il se réfère toujours en disant : Moi, Toi. Or, combien n’y a-t-il pas de disputes à propos de cette essence sur son existence, sur sa substance, sur ses qualités ? Comment donc saurait-on croire que, incertains comme vous l’êtes sur l’objet le plus rapproché, vous soyez capables de juger les objets qui, à votre propre avis, sont les plus reculés et les plus sublimes ?» (Schmolders : Essai sur les Écoles philosophiques chez les Arabes, p. IIG). ’"

Les Cahâr maqûla 1. c.

Histoire et Critique. 19 quand il s’agissait (Véclaircir des points difficiles dans la poésie arabe*, et même dans le domaine de l’exégèse coranique il fut considéré comme 1’ «autorité» par excellence*. Il exerçait aussi la médecine, et on avait une telle confiance en son aptitude dans cette science, qu’on le fit traiter le petit prince Sangar, qui était attaqué de la petite vérole^. De plus il était érudit en droit et en histoire^. ’Omar avait des relations amicales avec beaucoup de savants de son temps, entre autres ’Abd-er-Razzâq, plus tard ministre chez Sangar, Abii-1 -Hasan el-Gazzâlï, le premier des lecteurs du coran, Abli Hamid el-Gazzâlï, le philosophe célèbre-^ et le poète Nizâmî-i ’Arudï. Celui-ci, le seul des contemporains qui nous a laissé des renseignements sur lui, parle toujours du Hvâga Imâm ’Omar avec une vénération touchante. Après la mort de Maliksclh (1092) les observations astronomiques cessèrent. Une période de luttes intestines, de révolutions de palais et d’insurrections commença. Pendant ce temps ’Omar aura probablement gagné son pain comme professeur de philosophie à Nl.sapûr, bien qu’il n’eût pas beaucoup d’inclination k l’enseignement^’, et que ses adversaires travaillassent de toutes les façons à le dénoncer à l’animadversion des habitants^. «Nous avons été témoins», dit-il lui-même dans son algèbre, «du dépérissement des hommes de la science, réduits maintenant à une mince troupe, dont le nombre est aussi petit que ses afflictions sont grandes, et à laquelle les rigueurs de la fortune ont imposé roV)ligation commune de s’adonner, tant qu’elles dureront, au perfection- 1 Le Firdaus-et-tavârïh. ^ Sahrazurl. 3 Quand il sortit de chez le prince, le vézir lui demanda : «Comment avez^vous trouvé l’enfant, et qu’avez- vous ordonné pour lui ?* ’Omar répondit : «L’enfant est dans un état extrêmement danjiereux.» Un esclave noir rapporta ces mots au prince, et quand celui-ci fut rétabli, il devint l’ennemi de ’Omar.» (."^aliraziiri). ’

Sahrazûri. — •* Sahrazuri. — ^ Sahrazurl. ’ Le Àtâr-elbilâd de Qazvlni 1. c.

20

Première Partie.

nement et à l’exploration d’une seule science. Mais la plupart de ceux qui par le temps actuel ont l’air de savants, déguisent la vérité par le mensonge, ne dépassent pas les limites de l’imposture et de l’ostentation savante, et ne font servir la quantité de savoir qu’ils possèdent qu’à des buts matériels et vils.

Et s’ils rencontrent un homme distingué par la recherche de la vérité et l’amour de la véracité, s’efforçant de rejeter la vanité et le mensonge et d’abandoinier l’ostentation et la tromperie, ils en font l’objet de leur mépris et de leurs railleries»^.

Nisâpûr était une des redoutes de l’orthodoxie, et le fanatisme religieux y était plus violent, peut-être, qu’en aucune autre ville du monde mahométan^.

Nîsâpûr n’échappa pas

aux effets du désordre général. Un émir du Khorassan attaqua la ville en 1095, mais sans succès, et peu de temps après une guerre religieuse y éclata : les Sâfi’ites et les Hanefites se réunirent et attaquèrent les Kerrâmites (une secte, fondée par Abd-allrih Muhammad el-Kerrâmî, qui attribuait à Dieu un corps humain) ; ceux-ci furent battus et leurs écoles ruinées^.

C’est peut-être à cette occasion ciue, trouvant trop dangereux de rester dans sa ville natale, ’Omar est allé en pèlerinage à la Mecque pour démontrer son orthodoxie. Ou

est-ce vraiment un accès de piété qui l’a animé ? Nous ne savons pas : Tâme d’un Persan est si complexe. Il semble,

cependant, que la crainte d’espions l’ait rendu «insociable» de sorte qu’cà son arrivée à Bagdad il ait fermé la porte aux hommes de science qui s’empressaient de lui rendre visite^. 1 Trad. de Woepcke, p. 3 —4 (texte arabe f— f** ;. -

Le fragment de la fausse autobiographie de ^âsir Husrau cité par M. Browne dans «A Year amongst the Persians», p. 479, où il est raconté comment, à Nlsâpur. un disciple de Nasir Husrau est mis en pièces par les ecclésiastiques pour avoir récité les vers hérétiques de son maître, montre assez, même s’il n’est pas authentique, la réputation d’intolérance qu’ont eu les habitants de cette ville. 3 Defrémery : Recherches sur le règne de Barkiarok. JA. 5 série t. II, p. 235 d’après Ibn-el-At/ir. ’

Târth-el-hulcamâ (WoeiJcke, p. YI, texte arabe p. 52).

Histoire et Critique.

21

Il est h supposer que son exil plus ou moins involontaire a duré bien des années. ¥a 1112 — 13 nous le trouvons à Balkli dans la maison d’un certain émir Abu Sa’d, où il prédit, en présence de son ancien collèji ;ue Isfizarï et du jeune Ni ?âmî-i ’Ariidî, que sa tombe sera à un endroit que les arbres joncberont de leurs fleurs deux fois chaque année. Cela semblait impossible à Nizâmi, <bien qu’il sût qu’un homme tel que lui ne dirait pas de vaines paroles». Deux ans plus tard

il demeure h Marv chez le premier ministre Sadr-ed-dïn Muhammad il)n el-Mu/afl’ar, où le roi le fait chercher pour le prier de lui prédire un temps propice à la chasse. Sa mort, qui survint en 1123, est raconté de cette manière-ci : Un jour il se curait les dents avec un cure-dent d’or en étudiant le chapitre de métaphysique du «Livre de la Guérison» d’Avicenne.

Quand il arriva à la section de

«l’Un et le Multiple», il plaça le cure-dent entre les deux feuilles, se leva, fit sa prière et donna ses dernières injonctions. Il ne mangea ni ne but rien ce jour-là, et ayant fait sa dernière prière du soir, il s’inclina à terre en disant : «0 mon Dieu ! vraiment je t’ai connu à la mesure de mon pouvoir : pardonne-moi donc.

Vraiment ma connaissance de toi est ma recommandation à toi.»

Et ayant proféré ces paroles il

mourut. Que Dieu l’ait en sa miséricorde !^ Douze ans après sa mort, Nizâmî-i ’Arudl vint trouver son tombeau au cimetière de Hïra à Nïëâpûr ; il était au pied d’une muraille de jardin sur laquelle penchaient des couronnes de poiriers et de pêchers, et sur sa tombe étaient tombées tant de pétales qu’ils cachaient sa poussière sous eux.

«Alors je me souvins des

paroles que j’avais entendues de lui dans la ville de Balkh, et je me rais à pleurer, parce qu’à la surface de la terre, et dans toutes les régions du globe habitable, je ne trouvais nulle part un homme comme lui.»^

Malgré l’universalité de ses intérêts, ’Omar n’était pas un auteur fertile comme Avicenne. Il était aussi peu disposé 1 i^ahrazûri.

"^

Les Cahâr maqnla 1. c.

22 Première Partie. à écrire qu’à enseignera II composa cependant différents ouvrages, la plupart en arabe. Il nous en reste encore les suivants : Démonstration des problèmes de l’algèbre^ . De quelques difficultés dans l’œuvre d’Euclide^ Les Ruhaiyat. Les suivants ne nous sont connus que de nom : Zïy-i 31aliksaJtJ^ . Démonstration de l’exactitude des méthodes des Indiens pour l’extraction des racines carrées et cubiques^. Manuel des sciences naturelles®. El-vugad - r^, , 7,77^ r Piècçs métaphysiques’. El-l-avn ve-l -taJdïf rj i JSIuan-él-hnhn (sur la méthode d’éprouver la valeur d’objets garnis de pierres précieuses sans ôter celles-ci^. Lava^i iii-el-anili lia (sur la définition des quatre saisons et les causes des variations des conditions climatériques dans les dififérentes villes et pays^. Poésies arabes^. Ce sont, on le voit, des ouvrages purement scientifiques, sauf les poésies arabes, dont il n’existe à présent cj[ue quatre petits qasidas^^, et les Biihaiyât. ’Omar n’était pas poète de son métier’ et n’a jamais été considéré comme tel par ses ’ Sahrazûrî, Târlh-i alfi. 2 Publ. p . Woepcke. ^ Ms. dans la bibliothèque de Leide.

Hâgi Halîfa éd. Fluegel III, p. 570 ; v. ci-deesous p. 17 — 18. ° X)mar mentionne cet ouvrage dans son algèbre (Woepcke, p. 13, texte arabe p. 9). ^ Sahrazûrî. — ’ Sahrazûrî. —

  • TârJh-i aïfî.

— ^ Târlh-i alfl. — ^^ Sahrazûrî, Ibn-el-QiftI. 11 L’un est cité par Ibn-el-QiftI (Woepcke, p. VI, texte arabe p. 52), les trois autres se trouvent dans le manuscrit du Nuzhat-el ariàh de Sahrazûrî employé par M. Ross, tandis que la traduction persane de ce livre dont M. Shukovski s’est servi porte les deux quatrains persans Whinf. 193 et 280.

Histoire et Criti(|np.

28

compatriotes.

Dans les biographies, il est toujours mentionné parmi les astronomes, et ce n’est que par hasard <[u’une remarque sur son habileté à écrire des vers s’est introduite parfois ; et les biographies spéciales des poètes, comme celle de Daulatèâh, ne le mentionnent qu’en passant. La cause en est, eu premier lieu, que "^Omar n’a pas composé un divan, ce qui était, pour ainsi dire, obligatoire pour celui qui voulait passer pour un vrai poète : il a écrit on improvisé un quatrain de temps en temps quand une idée s’est présenté à son esprit, et nous ne savons pas s’il a réuni ses quatrains lui-même ou si ses amis les ont réunis après sa mort. Mais je vois une autre cause de la réserve avec laquelle les Persans parlent du poète Omar, dans ce trait caractéristique à eux, qu’eux-mêmes ils appellent le ketman, et qui est si spirituellement dépeint par Gobineau ^ C’est une espèce de simulation S3’stématique qui joue un grand rôle dans la spéculation philosophique et la vie religieuse des Persans : ...«On prononcera toutes les professions de foi qui peuvent plaire à l’adversaire, on exécutera tous les rites que l’on reconnaît pour les plus vains, on faussera ses propres livres, on épuisera tous les moyens de tromper.

Ainsi seront acquis la satisfaction

et le mérite multiples de s’être mis à couvert ainsi que les siens, de n’avoir pas exposé une foi vénérable au contact horrible de l’inlidèle, et enfin, d’avoir, en abusant ce dernier, et en le confirmant dans son erreur, imposé sur lui la honte et la misère spirituelles qu’il mérite. C’est là ce que la phi-

losophie asiatique de tous les âges et de toutes les sectes connaît et pratique, et que l’on appelle le îcefmân.» Il va sans dire que le Jœtnian est le refuge des libres penseurs aussi bien que des sectaires. Les Persans n’aiment

pas à laisser voir leurs dispositions de scepticisme et d’incrédulité. Et encore qu’on ne puisse pas caractériser, sans réserve, ’Omar Hayyâm comme un incrédule et un matérialiste, il était péremptoirement réputé tel, et on n’osait pas 1 Les Religions et les Philosophies de l’Asie centrale (Paris 1865), p. 15.

24

Première Partie.

avouer qu’on se plaisait autant à la matière de ses vers qu’à leur forme classique^

C’est un fait significatif que, si l’on excepte les grands classiques ’Attâr, Rûmî, Sa’di, Hâfi’/, aucun poète lyrique persan n’est si souvent réédité en Orient que ’Omar Haj^yilm.

Du reste, les sûfïs ont fait leur possible, déjà à partir du IS*-’

siècle ap. J.-C.^,

pour interpréter les

Rubâ’iyât selon leurs propres théories ; mais ils n’ont pas réussi à délivrer ’Omar de sa mauvaise réputation, ce qui donne lieu au soupçon que cette même canonisation n’est qu’un masque. Et l’anecdote souvent répétée du verre de vin renversé’^ ne nous montre pas, à vrai dire, ’Omar comme le pieux mystique.

Avant de traiter la question de l’authenticité des textes, nous énumérerons ici les manuscrits les plus importants et les éditions des Rubà’iyat.

Manuscrits :

1. 3Is. Bodléien (Bodleian Library, Oxford) contenant 158 quatr., daté 865 a. H. (1461 ap. J.-C). 2. SuppUnient Persan 745 (Bibl,_Nat., Paris) contenant 6 quatr., insérés dans le dîvàn d’un autre poète, fin du 15^ ou commencement du 16® siècle ap. J.-C. 1 M. Héron -Allen cite (Some Sidelights upon Edw. Fitzgerald’s Poem, appendice à The Ruba’iyat of Omar Khayyàm, p. 291) un passage du livre d’Elphinstone : An account of the kingdom of Caubul (Londres 1815), où il est fait mention d’une secte d’athéistes et de libertins qui porte le nom d’un certain «Moollah Zukkee» : «Leurs idées semblent être très anciennes, et sont exactement celles du vieux poète persan Kheioom, dont les œuvres contiennent tels spécimens d’impiété, qui, i^robablement, n’ont pas d’égaux en aucune autre langue . . .

Leurs opinions sont pourtant goûtées en secret, et on dit qu’elles sont généralement acceptées parmi les nobles libertins de la cour du Chah Mahmoud.»

-

Le sûfi Nagm-ed-din Râzi (m. en 1256 ap. J.- C.) ne connaît pas d’interprétation mystique de ’Omar, tandis qu’lbn-elQiftî (m. en 1248) dit que les sufis de son temps ont commencé à adopter quelques-uns de ses vers.

^

V. ci-dessus p. 13. 3. Ancien Fonds 349 (Bibl. Nat), 213 quatr.. 920 a. II. (1514 ap. J.-C).

4. Suppl. Pers. 823 (Bibl. Nat.), 349 quatr., 934 a. H. (1528 ap. J.— C).

5. Suppl Pers. 826 (Bibl. Nat.), 75 quatr., 937 a. H. (1530 ap. J.-C).

6. Ms. de Banki pour (Public Library, Bankipour), 604 quatr., 961 a. H. (1534 ap. J.-C).

7. Un ms., récemment acquis, du British Muséum, environ 260 quatr., 16e siècle ap. J.-C.

D’autres mss. d’une date plus récente se trouvent au British Muséum, à l’India Office Library, à la Cambridge University Library, à la Bodleïan Library, à la Bengal Asiatic Library, à la Bibliothèque Nationale de Paris et à la Bibliothèque Royale de Berlin 1[31]. Le nombre des quatrains varie beaucoup ; le ms. le plus riche en contient 801 (Cambridge University Library Add. 1055, 18e siècle).

Le ms. Bodleïen est publié en facsimile photographique par M. Heron-Allen. J’ai examiné Suppl. Pers. 823, le plus intéressant des manuscrits de Paris, parce qu’il contient le plus de quatrains à raison de son âge. Pour cette même raison il serait très intéressant d’étudier le ms. de Bankipour. M. Heron-Allen, qui l’a eu en mains, dit que 81 de ses 604 quatrains ne se trouvent dans aucun des textes mentionnés dans sa bibliographie, que plus de 40 quatrains du ms. Bodl. ne se trouvent pas dans le ms. de Bankipour, mais que ces deux mss. ont, en général, les mêmes leçons pour les quatrains communs, même si tous les autres textes ont des variantes. De plus, j’ai examiné les mss. persans no. 35 et no. 674 de la Bibliothèque Royale de Berlin, que la direction a mis gracieusement à ma disposition ici à Copenhague. Ces deux mss. ne sont pas sans intérêt malgré leurs dates relativement récentes. Le premier, datant du 17e siècle, est malheureusement défectueux : il contient 238 quatrains arrangés d’après


la rime et allant jusqu’à la lettre de rime ر, et le reste manque, mais on peut supposer qu’étant complet, le ms. compterait environ 650 quatrains. Or, des 238 quatrains, 77 ne se trouvent dans aucun des textes que j’ai étudiés. Le second, datant du 18e siècle, a 380 quatrains, dont les 196 premiers forment une collection où les lettres de إ à ى sont représentées dans la rime ; avec le 197e quatrain la rime recommence par إ, et le reste forme ainsi une nouvelle collection de quatrains, qui, à l’exception d’un seul (259 = Whinfield 131), me sont absolument inconnus.

Éditions lithographiées en Orient :

1. Calcutta 1836 contenant 492 quatr. (très rare à présent).

2. Téhéran 1857 — 230 — (avec les quatrains de Bābā Tāhir, Abu Sa’îd, ’Attâr etc.).

3. — 1861 — 460 —

4. Tabriz. 1868 — 453 —

5. Lucknow 1868 — 716 —

6. — 1878 — 763 —

7. — 1880 — ? —

8. — 1882 — ? —

9. — 1883 — 762 —

10. — 1894 — 770 —

11. Bombay 1880 — 756 — (avec les quatr. de Bābā Tāhir, d'Abū Sa'îd et de 'Abd-allah Ansārï et les qasidas de Salmān Savagi).

12. 1890 — 756 — (avec les quatr. de Bābā Tāhir, d'Abū Sa'îd et de 'Abdallah Ansārī).

13. Tabrîz 1895 — ? — (avec les quatr. de Bābā Tāhir, d'Abū Sa'îd et de 'Abd-allah Ansārï et les qasidas de Salmān Savagi). 14. Stanboul 1901 contenant 755 quatr. (avec le divān de Sāhî et les quatr. de Bābā Tahir).

L’éd. Téhéran 1861 et 'éd. Tabrîz 1868 s’accordent assez bien quant à la succession des quatrains ; d’autre part les éditions de Bombay et de Stamboul (et probablement celle de Tabrîz 1895) sont évidemment des reproductions des éditions de Lucknow 1[32].

Dans la plupart des textes, les rubâ’is sont arrangés alphabétiquement d’après la dernière lettre de la rime, et les rubais qui ont la même lettre de rime se suivent dans un ordre tout arbitraire ou sont arrangés d’après la première lettre du premier hémistiche. Dans Suppl. Pers. 823, les quatrains sont arrangés d’après leurs sujets, non pas d’après la rime.

Si nous jetons un regard sur ces textes, deux grands inconvénients nous frappent : 1o que le plus ancien


manuscrit ne date que de 1461 — à peu près trois siècles et demi après la mort de ’Omar ; 2° que le nombre des quatrains varie tant dans les différents textes. En général, un accroissement continuel du nombre des quatrains est visible : le plus ancien manuscrit n’en a que 158, et ce n’est que dans les 18® et 19® siècles que des textes contenant entre 700 et 800 apparaissent. Nous voyons aussi à chaque réimpression de l’éd. Lucknow une tendance vers l’accroissement. On pourrait en conclure que le ms. Bodl. fût le plus proche de l’original inconnu, et que le nombre des quatrains, originellement assez petit, fut augmenté peu à peu par des interpolations. Mais si le nombre s’est accru de 158 à 801 pendant environ 300 ans, on pourrait supposer qu’il eût augmenté considérablement pendant les 338 ans qui séparent la rédaction du ms. Bodl. de la mort de ’Omar, et combien en resterait-il alors à attribuer à ’Omar ? De plus, nous trouvons, un siècle à peine après le ms. Bodl,, un manuscrit (ms. de Bankipour) contenant 604 quatrains. Il n’est pas à croire que ’Omar ait écrit beaucoup moins que les 158 quatrains, et nous ne pouvons pas non plus supposer que les Rubā’iyāt se soient maintenus presque intacts pendant trois siècles et demi pour se quadrupler tout à coup. Il ne reste que cette hypothèse, que le ms. Bodl. soit un extrait comme p. ex. Suppl. Pers. 826 qui ne contient que 75 quatrains. — Un divān se transmet passablement intact, un recueil de rubā’is est bien plus exposé à subir un traitement arbitraire, parce que ces petites poésies étaient souvent citées ; les copistes en savaient des milliers par cœur, et les fixaient souvent sur le papier de mémoire : quoi d’étonnant qu’ils confondissent quelquefois les auteurs ? Qu’on examine les différents mss. et éditions d’un même divān qui se termine par des rubā’iyāt : le texte A contient peut-être deux fois autant de rubā’is que le texte B, et néanmoins, B en peut avoir quelques-uns qui ne se trouvent pas dans A.

Voilà ce qui explique l’état maltraité où nous trouvons les Rubā’iyāt de Omar Hayyām. Ce recueil peut avoir été augmenté par insertion 1° de plusieurs variantes d’un même quatrain et 2° de quatrains composés par d’autres poètes 1 [33]. Et c’est ce qui est arrivé, en effet. Comme spécimens de variantes nous pourrons citer les quatrains suivants de l’éd. Bombay : 27 et 28 ; 36 et 478 ; 60 et 86 ; 413 et 416 ; 540 et 554 ; 557, 558 et 564 ; 623 et 626 ; de l’éd. Lucknow en outre 507 et 563 ; 693 et 739 qui sont à peu près identiques ; du ms. Suppl. Pers. 823 : 154 et 172 ; 151» et 178 qui sont absolument identiques etc. Quant aux quatrains qui sont attribués et à ’Omar et à d’autres poètes, nous avons déjà nommé les 82 que M. Shukovski a trouvés et dont plusieurs sont attribués à trois et même à quatre auteurs. J’ai trouvé ultérieurement deux de ces quatrains ambulants chez Afdal Kāsi : Nic. 47 (Whinf. 50) et Nic. 394 (Whinf. 436, ms. Bodl. 145), et un (Nic. 55, Whinf. 58) chez Sāhî. Je puis y en ajouter seize :

Nicolas. Whinf. Ms. Bodl. se trouvent chez :
39 43 Afdal Kâsï.
118 Abu Sa’id 2 [34].
103 133 Hâqânï.
127 154 Sa’dî.
153 174 67 Mu’izzî 3 [35].
224 Adîb Sâbir 4 [36].
232 Hāfiz 2 [37].
302 Auhâd-ed-dïn Kirmânî.
303 Ibn Sïnâ.
313 345 Abu Sa’îd.
355 Afdal Kâsï.

Nicolas. Whinf. Ms. Bodl se trouvent chez
357 399 Salman Sa vagi.
372 415 Afdal Kââi.
427 464 153 Zabir Fâryâbï^
497 Afdal Kâsi.
88 Kamâl Isma'ïl.

Deux encore s'y ajoutent : Nic. 172 (Whinf. 188) qui, selon Whinfield, est attribué à un certain Galâl 'Asad Bardî, et Whinf. 389 que M. P. Horn cite dans son « Geschichte der persischen Litteratur » comme provenant d'Abû-l-Hasan Harraqânï^. En outre les deux derniers hémistiches de Whinf. 179 sont identiques aux deux derniers hémistiches d'un quatrain d'Abïi Sa'id. Les deux quatrains de 'Omar cités dans la notice du Firdans-et-tavanh, — qui est antérieure d'un demi-siècle au plus ancien ms. existant des Rubâiyfit, — ne se trouvent dans aucun des textes connus des Rubâ'iyât, et dans les Haft Iqhin le premier en est attribué à Hakîm Sanâl^. Et je pense qu'une étude approfondie augmentera de beaucoup le nombre des quatrains ambulants*.

A ce moment on connaît ainsi 101 quatrains ambulants (outre la moitié de Whinf. 179) qui sont attribués à 46 différents poètes, en partie antérieurs, en partie postérieurs à 'Omar. Parmi eux se trouvent trois des treize quatrains d'Avicenne qui nous sont parvenus, et une grande portion de ceux d' Afdal Kâsï. Nous ne nous arrêterons pas à l'idée

1 M. en 1202. -

2 M. en 1033.

3 V. l'article susnommé de M. Eoss (JRAS. 1898).

4 Mes recherches sur cette matière ont été basées, comme celles de M. Shukovski, seulement sur les éditions de Nicolas et de Whinfield et le ms. Bodieien. Dans les autres textes je ne puis noter, à présent, que trois quatrains ambulants : éd. Bombay 344 qui se trouve dans le divân de Hâfi?, le 20<? quatr. du ms. persan no. 35 de la Bibl. Royale de Berlin qui est attribué à Fattalil et le 189^ quatr. du même ms. qui est attribué à Sâhl. Bien entendu, des quatrains ambulants se trouvent aussi autrement dans la littérature persane: j'ai trouvé ainsi un quatrain chez Abri Sa'id et Anvarî, un autre chez MinQcihrl et Mu'izzi, un chez 'Unsuri et Mu'izzi^ et un chez ^\siadl et Gâmî. Histoire et Critique.

81

d’un plagiat : les poètes persans empruntent sans scrupules l’un i l’autre des pensées et des ex|)ressions, mais ils ne volent pas des poésies toutes faites. Il serait aussi presque

incroyable, que Omar eût pillé ses prédécesseurs avec aus.si peu de ménagement, qu’il se fût a})proprié p. ex. un quart de la petite collection de quatrains d’Avicenne qui nous reste, et que tous les poètes ])0stérieurs à ’Omar, poètes mondains et religieux sans ditférence, l’eussent pillé de préférence à leur tour, même des poètes tels que ’Attar, Rûmî et Hâfi ? qui savaient bien eux-mêmes faire des vers. Heureusement,

nous pouvons constater avec certitude, dans quelques cas, que la confusion est due aux copistes. Avicenne a écrit le quatrain suivant : Par la grâce de Dieu, je suis devenu un saint homme, et je suis devenu libre de ce qu’il j’ a de bon et de mauvais en moi. Là où est ta grâce, ce qui n’est pas fait est comme s’il avait été fait, et ce qui est fait est comme s’il n’avait pas été fait. A quoi Abu Sa’ïd a répliqué :

O toi qui n’as pas fait de bien, et qui as fait du mal, et qui es devenu libre grâce à toi-même ! Ne te fie pas à la grâce [de Dieu], car jamais ce qui n’est pas fait ’ne sera comme s’il avait été fait, ni ce qui est fait comme s’il n’avait pas été fait ’ .

Ces deux quatrains figurent dans les Rubâ’iyât de ’Omar Hayyâm : Nie. 379 (Whinf. 420) et Nie. 361 (AVbinf. 406). Sirâg-ed-din Qumri est l’auteur de ce quatrain : Je boi.q du vin, et c’est une chose sans importance aux yeux de quiconque est comme moi un homme raisonnable. De toute éternité, Dieu a su que je boirais du vin ; si je n’en buvais ])as, la prescience de Dieu ne serait que de l’ignorance. Un autre })oète,

’Izz-ed-dïn Karagî, protesta contre lui en ces termes :

Tu as dit : «Le péché est sans importance à mes yeux» : un homme raisonnable ne proférerait pas ce raisonnement. Aux yeux des sages, c’est un signe d’ignorance que de rendre Dieu responsable du péché’.

Sitzungsberichte d. konigl. bayr. Akad. d. Wiss. 1878, II, p. 53.

Le Tanh-i guzida, ./RAS. 1900 fp. 7r)6, et 1901 (p. 3).

32

Première Partie.

Ces deux quatrains font, de même, partie des Rubâ’iyfit de ’Omar ; ce sont : Nie. 182 (Whinf. 197, ms. Bodl. 75) et Nie. 116 (Whinf. 144).

Ainsi les copistes ont augmenté le recueil de quatrains qui porte le nom de ’Omar Hayyfim en y insérant des quatrains pris de toutes i^arts.

En considérant le pour cent des quatrains ambulants trouvés jusqu’à présent dans les différents textes, nous voyons que 12 p. c. des quatrains du ms. Bodl., à peu près le même pour cent du ms. Suppl. Pers. 823, environ 19 ^je p. c . de l’éd. Téhéran (Nie), sont des quatrains ambulants. L’édition de Whinfield en a 16"*=/5 p. c, mais comme cette collection est faite par un savant européen, elle ne peut pas entrer en considération. Bien que le pour cent des quatrains ambulants ait été en progression depuis la rédaction des plus anciens manuscrits, il est évident que ceux-ci même contiennent tant de quatrains apocryphes — ou qui peuvent être considérés, avec toute probabilité, comme tels — , que ce serait bâtir sur le sable que de faire la psychologie de ’Omar en se basant sur les Rubâ’iyât^

On pourrait se demander, s’il n’y a pas des critériums, à l’aide desquels on pourrait dégager un petit résidu de vers incontestablement authentiques. Malheureusement, de tels critériums n’existent ni pour la forme ni pour la matière : le style avec ses tropes, le mètre et la rime sont également de convention ; et tant d’idées diverses sont exprimées dans l’œuvre en question, qu’il est absolument impossible de faire une distinction entre ce qu’il peut et ce qu’il ne peut pas avoir écrit. Seulement, il est à supposer que les quatrains qui renferment le nom Hayyâm sont authentiques, un vers où l’auteur se nomme, étant naturellement moins exposé au risque d’«ambuler», et le mètre mettant, en outre, des bornes à une commutation de noms^. 1 «It is impossible to say with certainty in the case of any single quatrain that it ie ’Omar’s» (Ross, Introduction de l’éd. de Fitzgerald ;. -

Le fait que le nom de l’auteur figure dans un vers n’est pas pourtant une preuve sûre d’authenticité. Témoin le quatrain ambulant Histoire ot Critique.

33

J’ai trouva doii/e (juatiains où entre le nom Ilayyâm, et de ces douze aucun no fait partie des quatrains ambulants. Ce sont’ :

1.

Bd. 23 ; P. 204 ; Berl. II. 10 ; L. I. 82 ; L. II. 82 ; B. 78 ; St. 77 ; N. 43 ; V. 4G.

Ifayyâm ! Pourquoi es tu tellement affligé à cause de tes péchés ? et do goûter le cliagrin, quel en est l’avantage, grand ou petit ? Pour eelui (jui n’a pas péehé, il n’y a pas <le pardon : le pardon nous vient à cause de nos péchés, pourquoi nous attrister alors ? 2. Berl. I. 157 ; L. I. 100 ; L. II. 100 ; B. 96 ; St. 95 ; N. 80 ; W. 82.

Hayyûm ! Ton corps ressemble parfaitement à une tente : le sultan [qui y demeure] est l’âme, et son séjour est la maison du néant. Le farrâs de la mort renverse la tente pour [aller à] un nouveau séjour, — quand le sultan s’est levé. 3. Bd. 22 ; P. 205 ; Berl. I. 74 ; Berl. II. 29 ; L. I. 74 ; L.IL74 ;B.70 ;St.G9 ;N.81 ;W.83.

Hayyûm, qui cousait les tentes de la philosophie, est tombé dans la forge du chagrin et s’y est brûlé soudainement. Les c’i.seaux de la mort ont coupé les cordes de sa tente, le crieur du destin l’a vendu pour rien. 4. Bd. 18 ; P. 201 ; Berl. L IGO ; L. I. 213 ; L. II. 214 ; B. 211 ; St. 210 ; W. 111 .

Jusques à quand continuerai-je à jeter des briques aux mers- ? Je fuis les idolâtres de l’église.

Qui ose dire : «Hayyûm sera un habitant de l’enfer» ? Tantôt il va à l’enfer, et tantôt au paradis. "Wlunf. 50 dont le commencement est celui-ci : ^^J^ô ss^^»^ ^ô^ô LoJ> i>.^ .^^ (Tu as vu le monde, et tout ce que tu as vu n’est rien), et qui commence ainsi chez Afdal Kâsi : ^^JoJ> ^•^Jî ^ ^5^^ J^*-^i c>-*«t *->« :V^ (Afdal I tu as vu que ce que tu as vu n’est rien). ’

Je dé.signe de la manière suivante les textes que j’ai examinés : le ms. Bodl. (l’éd. de Heron-Allen) : Bd. ; Suppl. Pers. 823 : P. ; m.s. Pers. no. 35 de Berlin : Berl. I ; ms. Pers. no. 674 de Berlin : Berl. H ; l’éd. Lucknow 1883 : L. I ; l’éd. Lucknow 1897 : L. II ; l’éd. Bombay 1890 : B. ; l’éd. Stamboul 1901 : St. ; l’éd. de Nicolas : N. ; l’éd. de WhinfieM : W.

  • C’est-à -ilire îi exécuter de vaines cérémonies.

Christenseu, Rechercbes.

3

34

Première Partie.

5. N. 137 ; W. 161.

llaijyûm ! Bien que la roue bleue du ciel ait dressé !<a tente et fermé la porte au parler et à l’ouïr, l’échanson de l’éternité m’a montré mille IJayyam sous la forme <le bouillons dans la coupe de l’existence. G. Bd. 102 ; P. 202 ; Berl. II. 110 ; L. I. 450 ; L. II. 454 ; B. 450 ; St. 449 ; N. 242 ; W. 282. Hai/i/âm ! Si tu es ivre de vin, sois content ; si tu es assis avec une maîtresse aux joues couleur de tulipe, sois content. Comme tu finiras par n’être pas, suppose que tu n’es pas, pendant que tu es, et sois content. 7.-8. N. 316 et 317 ; W. 348 et 349V [De ’Omar Hayyam au prophète :]

Portez mes salutations à Mustafa-, et jiuis dites-lui d’une manière respectueuse :

«0 seigneur Hâsimï^ ! pourquoi est-il permis d’après la loi de boire du lait caillé aigre, tandis que le vin pur est défendu ?» [Du })rophète à ’Omar Hayyâm :]

Portez mes salutations à Hayyâm, et puis dites-lui : «Es-tu

«cru», Hayyâm ?»

Comment aurais-je dit que le vin est défendu ? Non. il est permis à 1 homme «cuit» et défendu au «cru»*. 9. Bd. 123 ; Berl. IL 157 ; L. L 611 ; L, IL 617 ; B. 609 ; St. 608 ; N. 327 ; W. 368.

Tant que tu peux, fais ton- apprentissage chez les débauchés^, déracine la prière et le jeûne.

^

C’est le seul cas que je connaisse, où deux quatrains sont en relation directe entre eux.

-

Mustafa est un des noms du prophète. ^

Hâsim était le bisaïeul du prophète.

  • Les expressions «cru» et «cuit» sont empruntées à la terminologie

des sûfïs : «cru» s’appelle celui qui ne connait pas les secrets du savoir mystique, qui n’aspire pas à se perdre dans la divinité. Le sûfi, au contraire, est «cuit».

’Omar donne ici à ces expressions un sens purement mondain : les «crus» sont le peuple grossier, les «cuits» sont les philosophes.

La même idée est énoncée par exemple dans un gazai d’Avicenne (Ethé, Gottinger Nachricliten 1S75 p. 564) où il est dit : Il (c.-à-d . le vin) est rendu permis aux sages par la sentence de la raison, il est rendu défendu aux sots par l’ordre de la loi. ^

Bind, mot généralement employé par les .sùfls dans le sens figuré, pour désigner celui qui est initié aux mystères de l’amour extatique en Dieu.

Histoire et Critique.

35

l-lfouto iino jiarolo vraii' de la i>arl «le Jfai/i/âui, <">

mon ami :

bois du vin et vole sur les grands themins, mais fais du l>ien. 10. L. II . G74 ; B. {jGG ; St. 6(Î5 ; N. 3G8 ; W. 413. Jusqiios à (piand [parlera.s -tu] de mo.sqn(^’e, de prières et de jeûne ? e !iivre-toi dans la taverne avec des aumônes ramassées. Bois du vin, Ha ;iiiâm, car de ta poussière on fera tantôt une coupe, tantôt un bol, tantôt une jarre. 11. W. 491.

J. homme ressemble à une bouteille, et l’ilme au vin. Le corps

ressemble à une flûte qui peut produire un son. Sais-tu, Hai/i/Oui, ce que c’est (jue l’homme pétri de poussière" ? une lanterne de papier qui renferme une lumière. 12. Berl. II. UG ; L. I . 470 ; L. H. 474 ; B. 470 ; St. 469 ; N. 252.

Hai/i/âml Le temps a honte de celui qui est assis accablé de tristesse à la vue des douleurs que les jours nous apportent. Bois du vin dans le gobelet aux sons de la flûte et de la harpe, avant que le gobelet soit brisé contre la pierre. Dans im seul quatrain (cité p. 14) l’auteur se nomme du nom de Omar. Le rapport de ce quatrain à l’anecdote absurde du rêve de la mère de ’Omar nous fait pourtant soupçonner que c’est une interpolation faite à dessein par les ennemis du poète.

II y a enfin les deux quatrains cités par Naôm-ed-dïn Rfizî (v, p. 9). A cause de l’antiquité de cette citation, nous pourrons considérer l’authenticité de ces deux poésies comme un peu plus sûre que celle des Rubâ’iyat en général. On remarciuera que ces 14 quatrains contiennent pour ainsi dire tous les Rubfi’iyât in nuce ; les éléments principaux s’y trouvent : jouissance du moment, surtout du vin, parfois en compagnie avec «une fille aux joues couleur de tulipe», dédain aristocratique du philosophe envers la foule stupide, attaques contre les orthodoxes («les idolâtres de l’église»), lamentations sur la cruauté du destin et de Dieu, de tristes méditations sur l’incompatibilité d’une intelligence suprême avec les souffrances de la vie, et sur la nullité de l’homme, espoir de pardon ; enfm une certaine morale n’y manque pas : 3*

36

Première Partie.

menez une vie déréglée, tant que vous voulez, mais faites du bien.

Cependant le mysticisme sûfique semble exclus, bien que le poète se soit servi souvent de termes sûfiques. Voici en peu de mots le résultat de nos recherches : nous possédons quelques détails sur la vie de ’Omar, mais trop peu pour nous former une idée exacte de sa psychologie.

Les renseignements directs sur son caractère sont bien vagues et, généralement, de parti pris. Et quant à sa poésie,

nous avons lieu de croire qu’elle a traité toutes les matières que nous trouvons représentées dans les recueils de quatrains qui portent son nom. Mais nous pouvons soutenir avec certitude que tous ces recueils sont altérés et amplifiés par des interpolations qui ont commencé de bonne heure et se sont accrues avec le temps ; et parmi le nombre de plus de 5000 quatrains qui lui sont attribués, il y en a tout au plus 14 pour l’authenticité desquels nous avons une faible garantie ; pour le reste, nous sommes absolument privés de moyens de distinguer ceux qui proviennent réellement de sa main de ceux qui lui sont faussement attribués. Mais la valeur poétique et historique des Rubâ’iyât n’est pas moindre pour cela.

Seulement il faut que nous tirions les conséquences de notre examen, c’est-à -dire : il faut en quelque sorte séparer l’œuvre de l’auteur. Comme nous ver-

rons ci-après, les Ruba’iyât peuvent être considérés comme une expression de l’esprit persan, tel qu’il s’était développé sous l’influence des mouvements religieux et des révolutions politiques.

C’est vraiment une œuvre nationale, que ’Omar Hayyâm a créée et que des générations postérieures ont affectionnée en secret et augmentée, mais de telle façon que les augmentations se tiennent essentiellement dans les mêmes cercles d’idées : c’est là l’effet d’un instinct psychologique qui ne s’explique que par l’affinité de leurs esprits hétérogènes avec l’œuvre hétérogène de ’Omar.

Si l’on compare les qua-

trains ambulants aux 14 quatrains cités ci-dessus, on y trouvera les mêmes tendances, les mêmes idées. Sur deux points

seulement, on peut supposer que les iuterpolateurs ont in introduit quelque chose de nouveau : 1° quelques quatrains mystiques ont été ajoutés pour donner du crédit à la conception sufique de’Omar, et 2° un petit nombre de poésies d’amour s’y est glissé. Les plus anciens manuscrits des Rubā’iyāt sont à tel point dénués de poésies d’amour 1[38], que nous avons raison de croire que cette espèce de lyrisme lui a été aussi étranger que le panégyrisme. Dans tous les textes des Rubā’iyāt que j’ai examinés, je n’ai trouvé qu’un seul quatrain panégyrique 2[39].



________________________

Deuxième Partie.

Caractère national et vie littéraire.

Est-il probable que les Iraniens aient conservé leur caractère national depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours, de sorte que nous puissions nous former une idée assez juste du Perse des temps de C3’rus, de Husrau Nûsirvân et de Malimiîd en considérant le Persan d’aujourd’hui ? Ou bien, est-ce que cette série infinie de révolutions funestes qu’a éprouvées l’Iran pendant des siècles, a fini par révolutionner l’âme même du peuple ? Sur ce point-là les savants ne sont pas d’accord. La première de ces kj’pothèses a été soutenue par M. Aug. Mûller^ et la seconde a eu un avocat zélé dans M. Justi^. Il sera impossible, je pense, de donner une solution décisive de ce problème. Les voyageurs de notre temps nous donnent des portraits assez diff’érents des Persans. Et il ne faut pas s’en étonner, car où sont les vrais Persans dans ce mélange confus de races que renferme l’Iran ?^

Les révolutions politiciues et les changements successifs de la vie sociale ont dû, sans doute, modifier le caractère sous différents rapports ; pourtant, dans les portraits, d’une psycho-

1 Der Islam im Morgen- und Abendland II. p. 3 sqq.

2 Grundrifi d. iran. Philologie II. p . 395 sqq.

3 M. F. C . Andréas m’a communiqué que ses longues recherches anthropologiques en Perse ont donné pour résultat que, même dans la province de Fars, on ne trouve plus de traces du type aryen. Les conquérants aryens, étant toujours en minorité numérique en comparaison des indigènes subjugués, ont été de bonne heure absorbés par ceux-ci.

Caractère national et vie littéraire. 39

logic sommaire et grossière, (jue les nntciirs de l’antiquitô nous ont transmis des Perses, on n’a pas de peine à connaître les Persans d’aujourd’hui. L’esprit militaire a disparu à mesure que la civilisation croissante a adouci les mœurs ; mais l’amour du vin et de la jouissance, l’observation minutieuse de l’étiquette et le goût pOur tout ce qui est étranger», les facondes, la vantardise et la finesse^ ont toujours été et sont encore les traits les plus saillants chez les Iraniens. De même le goût du sport ne s’est jamais démenti chez eux. La chasse et le jeu de paume, exécuté à cheval, ont toujours été les principaux plaisirs parmi la noblesse, et en 1878 le Chah Nâsir-eddin savait imposer aux Français par son habileté à manier le javelot.

L’assertion d’Hérodote, que la véracité ait été un principe fondamental de l’éducation des Perses, a été souvent révoquée en doute. Quoi qu’il en soit, je suis porté à croire, que les efforts des mages pour combattre, selon les lois de la religion, le malheureux penchant inné au mensonge, n’ont été que trop vains.

Dt^à dans les gatJias, que la plupart des savants s’accordent à considérer comme datant sinon de Zarathustra lui-même, au moins de ses ])remiers successeurs, on trouve ces mots : «... Moi qui abjure ... ce péché du mensonge qui est (hélas !) la chose la plus proche au peuple.»^ Franchise, loyauté n’ont jamais été le coté fort des Iraniens.

Que Darius ait obtenu la couronne de la façon déloyale que nous rapporte Hérodote, ou non, les Perses l’ont cru et ont raconté avec admiration ce trait de finesse de leur roi.

Dans le roman ancien de Vis et Râmîn, qui nous est conservé dans le poème de Fahri Gurganî, la sympathie est »

Hérodote I. 133-135.

2 Amm. Marcell. XXIII. 6, 80.

3 Le Yasna XXXIII. 4, d’après la traduction de Mills (SBE. XXXI. p. ’7-i)-

Selon M. Edv. Lehnaann, le mot «vérité» a, dans l’Avesta, simplement la signification de «la bonne voie» c.-à-d. la vraie religion ; le mot «mensonge», par contre, veut dire «hérésie». (Edv. Lehmann :

Zarathustra t. II . Copenhague 1902, p. 215 —16.) 40

Deuxième Partie.

toujours avec les jeunes amants, bien qu’ils n’arrivent à leur but que par une série de trahisons. 11 est incontestable, aussi, que la dissinuilation a été de tous temps parmi les Iraniens une chose digne d’éloges. Astyage^ fait tuer le fils d’IIarpagos, et, ayant fait ^lonner au père un repas de la chair du fils, il lui montre la tête

et les membres du garçon ; Harpagos n’est nullement déconcerté ; il dit, ({ue tout ce que fait le roi est bien fait, et diffère sa vengeance comme le derviche de Sa’di^. Mais, selon l’opi-

nion des Iraniens, ce n’est pas seulement dans les cas où la soif de vengeance ou quelque autre motif ignoble nous guide que nous devons cacher nos vrais sentiments : nous ne savons jamais, si la sincérité peut nuire à nos intérêts. A cet

égard les poètes sont inépuisables en bons conseils. Quand le malheur arrive, ne trahis pas ton secret ; prends jrarde que la douleur ne fasse pâlir ton visage ! dit Avicenne^.

Et Sa’dî :

Mieux vaut se taire que de dire ce qu’on pense dans le fond de son cœur en ajoutant : «Ne le redis pas». Ô bon homme ! arrête l’eau à la source, car tu ne peux pas l’arrêter, quand elle est devenue un torrent^. Surtout en matière de religion cette réticence est recommendable. Elle concorde ici avec l’idée musulmane, que celui (jui n’a pas la vraie foi doit, d’après la volonté de Dieu, rester dans l’ignorance.

Ainsi la réticence a été pratiquée dans toutes les écoles mystiques.

Chez Abu Sa’id, le premier poète persan siifl de pur sang, on trouve par exemple ce quatrain : O cœur ! quand la douleur d’être séparé de Lui a ouvert les veines de ton âme, ne montre à personne ton froc ensanglanté. ^

Hérodote I. 119.

M. Nôldeke a, dans une note de sa traduction du Kàrnâmak-l Artahsîr-î PCqiahln (Beitr. z. Kunde d. indogerm. Sprachen IV. p . 40), appelé l’attention sur cette anecdote. -

V. l’anecdote bien connue du Gulistân I. 21. 3 Gôtt. Naohrichten 1875 p. 566.

Le Gulistân VHI. 11 .

Caractère national et vie littéraire. 41

Gémis, mais (lu’oii nenten<le pas ta voix ! brûle, uiai.s (ju on n’en voie pas de fumée !’

L’isniaélien Nasir Husrau pnVlic la niOmc ductriiio dans un lanijago plus énerfi ;i(|ue :

Ne révèle pas aux ignorants les secrets <le Dieu : comment des démons romprendraient-ile la valeur du coranV-Et le pieux ’Ab(l-all ;ih Ansari : Ne dis pas aux gens de ce monde le secret de ton cccur : ils ne peuvent pas te j^orter guérison, et tu seras en proie à la douleur. De la dissimulation il n’y a (|u’un pas à la simulation ; une théorie qui recommande de cacher les pensées et les sentiments qu’on a, permettra aisément d’atfecter des pensées et des sentiments qu’on n’a pas.

Ainsi l’évolution naturelle

de cette disposition d’àme aboutit au lietman. A vrai dire,

les circonstances n’ont que trop souvent forcé le Persan à ne pas laisser voir ses pensées secrètes. Au fond, l’Islam

est une religion assez tolérante, mais en Asie religion et politique sont intimement liées ensemble : une secte révolutionnaire en matière de religion est, par-là même, révolutionnaire en matière de politique, et le gouvernement est forcé à prendre des mesures énergiques contre elle. Aussi, à toutes les pé-

riodes de l’histoire de Perse nous voyons le même phénomène se répéter : une nouvelle religion ou une nouvelle secte apparaît et .se répand rapidement, grâce ii la réceptibilité des Persans ; le gouvernement ayant observé le danger prend ses mesures et après une lutte plus ou moins acharnée la nouvelle doctrine disparaît en apparence ; mais elle se propage secrètement, sans qu’on puisse en découvrir la trace : les sectaires vivent sous l’apparence de citoyens loyaux, jusqu’à ce qu’ils se jugent assez forts pour lever le masque et se révolter.

Mazdakites et manichéens, chiites, Ismaéliens et bâbîs,

Sitzungsberichte d. konigl. bayr. Akad. d . Wissenech. 1878. II. p. 65.

Hùéanâïnàme v. 449 (ZDMG. XXXIV . p . 62).

42

Deuxième Partie.

tous ont agi de même. Cependant le ketmrm n’est pas pratiqué seulement par nécessite, par crainte du martyre, mais aussi par respect de la croyance qu’on professe et par mépris pour les adversaires.

La sainteté de la foi augmente à me-

sure qu’elle est enveloppée dans de profonds mystères qui déroutent les investigateurs, et les sots (nridân, na alil) qui n’ont pas trouvé la vérité, ne méritent que d’être joués^ En même temps le Persan est un homme poli et aimable qui préfère proférer un mensonge flatteur qu’une vérité désagréable, et un fin railleur qui aime à blaguer les curieux. Et ce goût date des temps les plus anciens ; on en voit la preuve dans ce fait que les Perses ont fait croire au crédule soldat Ammien Marcellin, qu’ils «fuient les festins magnifiques, la luxure, et surtout l’avidité de boire comme la peste»^. Malgré tout cela, malgré les flatteries ridiculement exagérées, les feintes et les mensonges efifrontés, le Persan n’est pas hypocrite.

Qu’on le croie ou non, il n’y tient pas beaucoup ^, il ne ment pas tant pour le profit que parce que ce jeu intellectuel lui plaît. L’hypocrisie proprement dite (sains, rià) ne trouve jamais en lui un défenseur. Les ascètes et

les moralistes sévères qui péchaient à la dérobée n’ont jamais fait défaut, il est vrai, mais ils sont toujours en abomination aux Perscins comme à tout le monde, et les poètes ne ménagent pas leurs termes en parlant de cette sorte de personnes.

«Un croyant se hausse, par ce fait, en état permanent de supériorité sur celui qu’il trompe, et fût ce dernier un ministre ou un roipuissant, n’importe ; pour l’homme qui emploie le Ketmân à son égard, il est, avant tout, un misérable aveugle auquel on ferme la droite voie, qui ne la soupçonne pas ; tandis que vous, déguenillé et mourant de faim, tremblant extérieurement aux pieds de la force abusée, vos yeux sont pleins de lumière ; vous marchez dans la clarté devant vos ennemis. C’est un être inintelligent que vous bafouez : c’est une bête dangereuse que vous désarmez. Que de jouissances à la fois !» (Gobineau ; Les Religions et les Philosophies p. 15 — 16.) 2 Amm. Marcell. XXIII . 6, 76.

^

Cf. Polak : Persien, das Land und seine Bewohner I. p. 10.

Caract«’re national et vie littéraire. 43

Les portraits i(,lôalisrs des Perses que nous trouvons tant de fois chez les auteurs grecs et romains, les déclamations sur leur véracité, leur gratitude et leur justice sont le retlet du penchant pour moraliser propre aux Iraniens. Car ces gens-ci ont eu des idées très exactes sur ce cju’il faut faire et ne pas faire pour être un modèle de vertu. Dans

les traités théologicjues en langue pelilevie, des maximes morales sont mêlées aux propositions dogmatiques, aux liturgies, aux légendes, et il nous reste en outre plusieurs écrits pehlevis d’un caractère purement moral, les andari) qu’on attribue à d’illustres personnes, à Husrau Nusirvân, au ministre Buzurgmilir, au grand prêtre Atûrpât-ï Maraspendân. En langue persane il existe toute une littérature d’adâb, c. -à -d. de catéchismes de vertu et de bonnes mœurs, élucidés par des fables et des anecdotes.

Les Persans se délectent toujours à ces lectures édifiantes, ils en sont émus jusqu’aux larmes — et oublient de s’y conformer.

La supériorité du peuple iranien sur les autres peuples de l’Orient consiste plutôt dans des qualités intellectuelles que dans des qualités morales : les Iraniens sont vifs, éveillés, capables de s’assimiler à toutes sortes d’idées ; pourtant la faculté de penser logiquement leur fait défaut’. Ils ont, de

plus, le don heureux de la résignation. Ils aiment le faste

et la vie luxueuse, mais si la misère survient, ils savent la prendre en patience et souffrir bravement, ce qui les expose, d’autre part, à tomber dans une apathie paralysante. Les deux côtés principaux du caractère national des Iraniens sont l’amour de la jouissance et l’amour de lu méditation philosophique et religieuse, et ces deux côtés ont trouvé, dans toutes leurs formes variées, des expressions poétiques.

C’est, d’une part, une poésie sensualiste, légère, pleine de mots picjuants et spirituels, célébrant le vin et l’amour, raillant les bourgeois, les bigots et les hypocrites, d’autre part, une poésie métaphysique et morale, respirant une émo-Polak : Persien, I. p. 11 .

44

Deuxième Partie.

tion profonde et triste, se })erdant dans le mysticisme ou enseignant la théosophie au moyen de symboles et de paraboles.

Le lyrisme perse et pehlevi a disparu sans laisser de traces, mais qu’il ait existé n’est guère douteux. La mu-

sique et le chant figurent dans toutes les descriptions de festins princiers chez les Perses. Strabon fait mention^

d’une chanson perse où sont énumérées 360 façons d’utiliser la palme.

Mas’udi nomme- les instruments musicaux des Perses : le luth, la flûte, la mandoline, le hautbois et la harpe, et rapporte qu’ils ont créé les modulations, les rhythmes et divisions et les modes royaux qui sont au nombre de sept, et qui expriment les différents sentiments. Ibn Haldun

dit^,

que les rois de Perse témoignaient une grande considération aux chanteurs, les recevaient à leur cour et leur permettaient de chanter à leurs assemblées. Et si les sujets

musicaux ont été pris souvent de la matière épique, le lyrisme y a aussi, sans doute, fourni sa part. Les tadkires persanes attribuent ordinairement à Bahrâm Gûr et à sa bien-aimée Dilâram l’invention du lyrisme et en citent quelques vers ; il va sans dire que cette assertion est fausse, attendu que le lyrisme n’est pas ^<inventé».

Le magnifique Husrau Parvïz entretenait à sa cour les deux chanteurs célèbres Serges et Barbad. Le dernier surtout a une grande renommée, et on le compare souvent à Rudagi, l’illustre poète de Sâmânides. Le Tanli-i ynsïda nous informe, qu’il avait pour les banquets du roi 360 mélodies, de sorte qu’il eût chaque jour un nouveau répertoire, et il ajoute que ses paroles sont une loi absolue pour les maîtres de la musique qui, tous, n’ont fait (jue glaner son champ. Et ’Aufï, le plus ancien auteur de tadldre dont l’œuvre est conservée (environ 1220 ap. J. -C .) dit, qu’il composait beaucoup de chansons, mais sans mètre ni rime^. 1 XVI. 1, 14.

2 Barbier de Meynard, VIII. p . 90—91. 3 Not. et Extraits XVII. p . 358 et XX. p. 417. ^

Browue : The Sources of Dawlatschàh (JIIAS. 1899, p. 54 eqq.) Caract^re national et vie littéraire. 45

Probablement le vers a été bâti, dans la poésie pehlevie, non sur la quantité, mais sur le nombre de syllabes comme dans l’Avesta.

Un poète du nom de Sarlt’-i Mu^iallidî, inconnu d’ailleurs, mais qui doit avoir vécu avant le milieu du 12*^ siècle ap. J.- C, dit que tde toutes les richesses de ce monde que les familles de Sâsûn et de Sâmân ont laissées, il ne reste que les éloges de lludagi et les chansons de Barbad»^ Il semble donc ({ue

des vers de Bârbad ont été connus et chantés, eu traduction arabe ou persane, dans les temps de l’islamisme. A la cour des cahtes ’Abbâsides, qui prenaient pour modèle en toutes choses la cour des Sâsânides, les vieilles chansons perses furent chantées.

«Verse-moi le vin et chante, ô délices ! une chanson persane», dit Abu Nuvâs^.

Il est à croire qu’Abû

Nuvâs aussi bien que son prédécesseur, le poète Bassâr ibn Burd continuent la tradition poétique du temps des Sâsânides, bien qu’ils se servent de la langue arabe : ils avaient, tous les deux, du sang persan dans les veines. Et c’est à ce

temps précisément que les Persans commencent à donner la route sur le domaine de l’art et de la littérature et à souffler leur esprit dans toute la vie intellectuelle de l’Orient mahométan.

Le vin, l’amour, la beauté de la nature, les plaisirs du moment, ce sont les sujets que traite le lyrisme mondain. Aux temps où le parsismc régnait, le vin était cultivé et bu comme un don d’Ahura Mazda. A une fête princière il fallait avant tout du bon vin en abondance. Témoin le livre d’Esther où les bacchanales se suivent ; on présente aux festins le plus excellent vin, et en grande abondance, comme il est digne de la magnificence royale. Hérodote raconte, que les Perses sont fort adonnés au vin, et (ju’ils ont coutume de délibérer pendant l’ivresse sur les affaires les plus importantes, pour les soumettre à une critique plus sévère (juand les va-’

Les Cahlr marplla (.IRAS. 1899 p. 687). 2 éd. Ahlwardt no 58, 6.

46

Deuxième Partie.

peurs du vin se sont évaporées Xénophon nous dépeint dans la Cyropcûie^ lechanson — le sagi des Persans — qui par sa beauté et par son adresse à verser le vin est devenu le favori tout-puissant du roi.

Enfin, aux festins innombra-

bles décrits dans le SaJmamc, les héros boivent sec et sont ordinairement portés au lit ivres-morts. Bref, nous avons

des témoignages à profusion qui montrent qu’Ammien Marcellin s’est laissé furieusement mystifier, quand il veut nous faire accroire que les Perses détestent l’ivrognerie. Mais, bien entendu, les livres de religion et de morale prescrivent la modération. Dans le dialogue Ihnhart, Asniogli demande : «Pourquoi appelez- vous péché de boire à l’excès ? n’est-il pas impossible de boire du vin avec modération ?» Le grand prêtre donne la réponse un peu étrange que c’est un péché de boire à l’excès, parce que celui qui boit beaucoup mange beaucoup et conséquemment néglige de chanter les (jatlias conformément à la lor. Dans un des petits traités

populaires de morale, YAudarfi-i Àtnypât, la même chose est dite d’une façon plus explicite : «Bois du vin modérément, car celui qui s’}- adonne sans modération, commet toutes sortes de péchés^.»

Mais ii faut boire du vin le jour Aûharmazd aussi bien que le jour Mâli. Dans le I)atistan-T dimli.,

où la question est traitée plus amplement, cette règle est donnée, qu’il faut donner à boire à un homme tant qu’il est évident que par cela il devient meilleur en pensées, eu paroles et en actions ; mais quand il a reçu tant de coupes, qu’il commence à devenir pire en pensées, en paroles et en actions, la limite est outrepassée, et l’on sait combien de coupes il est en droit de boire, au point de vue de la re- 1 I. 133.

2 III. 8.

^

The Dinkard, by reshutan Dastnr Behramji Sanjana I. Bombay 1874, trad. angl. p . 3.

  • Andarg-I Àturpât 111 (Ganjeshâyagdn etc. ,

publ. by Peelmtan

Dastur Behramji Sanjana, Bombay 1885). 5 V. Le Muséon VI (1887) p. 270.

Caractère naMomil i-t vie littéraire. 47

ligion cl (le la morale^

Dans le MainCxjî hinit, un homme

(l’un bon caractère ([ui boit du viti est comparé à une coupe d’or ou d’argent qui, plus on la brûle, devient |)lus pure et resplendissante ; un homme d’un mauvais caractire, au contraire, devient <iuerelleur et dissipateur en buvant. Pourtant l’auteur ajoute, (|u’il faut boire avec, modération, parce (|ue par là on facilite la digestion, anime le «feu vital», perfectionne l’intelligence, fortifie le sperme et le sang, affermit la mémoire, aiguise les sens etc., tandis que la jouissance

immodérée produit l’effet contraire- . Aux yeux des islamites, pour qui toute espèce de liqueurs spiritueuses était défendue, l’amour du vin légalisé par le parsisme se montrait dans un jour cru ; aussi le mot mage (mo(/) eut dans la poésie persane la signification de tavernier.

Du reste l’islamisme ne parvint guère à mettre un frein h l’ivrognerie des Persans, seulement on y mit plus de mystère. Malgré la défense de la religion et la sévérité de la loi séculière sur ce point, on boit encore aujourd’hui énormément dans toutes les classes de la société. «Les prêtres aussi bien

que les princes passent les nuits à boire. Les dames de la

famille royale, tout autant que les filles du bazar, tombent, vers le minuit, ivres-mortes sur leurs tapis ... Ce n’est pas le plaisir de banqueter en compagnie ni de parcourir les degrés successifs de l’excitation et de la gaieté, c’est encore moins le goût du breuvage en lui-même qui amènent ces excès.

Les Asiatiques n’aiment ni la saveur du vin, ni celle des spiritueux.

Quand ils boivent, ils s’arment d’un mouchoir, font, avant d’avaler, une grimace de dégoût, s’exécutent comme un patient qui s’administre une médecine, et s’essuient ensuite la bouche avec toutes sortes de démonstrations d’horreur . . .

Arriver le plus promptement possible à ne plus discerner la saveur de ce qu’ils avalent et à toml)er dans la torpeur, voilà ce qui les charme. Le sommeil de »

Dâtistan-i dlnlk ch. 1 (SBE. XVIIl p. 178 sqq.) . 2 Dina-i MainOgi hirat ch. XVI (SBE. XXIV p. 46 sqq.) .

48

Deuxième Partie.

l’abrutissement est l’objet de leurs vœux. Je connais des

hommes profondément instruits, avides de connaissances, goûtant avec délices les jouissances philosophiques les plus raffinées, et qui ne sauraient se passer d’être ivres-morts tous les soirs. »^

Les poètes exaltent le vin sans réserve. On sait combien de place la poésie bachique prend dans la littérature persane. Le vin est chanté toujours et sur tous les tons, tantôt gaiement, tantôt sérieusement, tantôt avec du ))el esprit, tantôt en allégories poétiques.

Avicenue, le médecin et philosophe, qui aima le vin jusqu’à sa dernière heure, prêche quelquefois la modération tout comme les anciens mages : Le viu est l’ennemi de celui qui s’adonne a livresse et l’ami de celui qui en use sobrement : un peu de vin est de l’antidote pour nous, beaucoup est du poison.

Si l’on en boit beaucoup, ça ne vous fait pas peu de mal ; si l’on en boit peu, ça vous fait beaucoup de bien-. Dans un autre quatrain il soutient qu’il ne convient qu’à trois sortes de personnes de boire du vin : au roi (à qui tout est permis), à l’hoinme sage (qui sait boire dans la juste mesure) et à l’ivrogne (qui ne se soucie pas des conséquences )^.

Cette continuelle glorification du vin a fait naître assez tôt, pour l’usage des poètes, une série d’expressions stéréotypes, dont les plus fréquemment employées sont celles-ci : Le vin ( ^ — «jL — ^5..i ; — j^xi), caractérisé comme «le vin couleur de rose» (e>vi^Jb’ ^ ^), «le vin de rubis» ( :t^

Joti),

«le vin pur, clair» (lj’j <Ji^ s^ ^), «le vin vieux >» La coupe {^,^

^ckï — J^. J) et la bouteille {Jy^

La taverne (iL.^"yys — «j^Xa^a). ’

Gobineau ; Les Religions et les Thiloeophies p. 69 —70. 2 Gôtt. Nachr. 1875 p. .557 .

» ibid. p. 560.

CîiratttTC national i-t vie litt( !’raiiP. 49

L’rrliiinson (i-~ ) clmit la heniiU’ est céK-bivc en expressions î»mouivu ?(’«.

L’ivresse (^i :>«<^).

Le suprême honlieur, c’est d’être

«ivre-nii-rt» (wJÎ-i> cj.^— ^) . de dormir ivre-- ( .yXàs> ^i :,^.^ . On comjirendra aisément ([ue lamour se forme autrement en Orient (|ue dans le monde euroj)éeii où le commerce entre les deux sexes est plus libre. Aussi trouve-t-on, dans

la poésie persaue, peu de traces d’une telle intimité entre l’homme et la femme, où la sympatie, la familiarité et la confidence mutuelle ont ajouté un élément ])lus durable à l’amour sensuel. C’est dans le Sâhuâmc qu’il faut chercher l’amour sim}»le, j)ur et vrai ; ainsi la i»ctite idylle de Bëzan et Manêze est une des meilleures hi.stoires d’amour qu’on trouve dans toute la littérature ])ersane. La romance de Vis

et Râraïn, qui dérive, comme le Sâhnâme, directement de sources pehlevies, nous montre encore un amour sinon pur, au moins vrai et humain.

Il est évident (jue les rapports

entre l’honmie et la femme ont été plus sains, plus conformes à la nature pendant les siècles où régnait le parsisme, que l)lus tard. Encore à la première période de l’islamisme le commerce entre les sexes avait ({ueUiue chose de son ancienne liberté, ce «qui ressort, par exemple, de beaucoup des Cf>ntes des Mille et une Nuits. Car ces tableaux, d’une teinte quelquefois presque moderne, de la vie de Bagdad au temps d’Harim ar-RasTd, nous montrent, en réalité, aussi la vie des grandes villes de l’Iran, Bagdad étant situé près de la frontière de la Perse, ayant une grande ])opulation persane, et florissant à un temps où les Persans donnaient le ton dans tous les domaines de la civilisation. Le lyrisme erotique des Persans est la glorification de la volupté, ou bien il a un caractère plus platoni<|ue, se contentant de décrire la l)eauté de la bien-aimée et la douleur de l’amour sans retour.

La poésie voluptueuse a un rei)résentant, avant même qu’une littérature en langue persane eût commencé, dans cet Abu Nuvâs, demi-Persan d’origine Christenscn, recherches.

4

50 Deuxième Partie. et entièrement Persan de nature, qui chante l’amour sensuel aussi bien <iue le vin. Rûdagî fit i)asser en revue, dans sa vieillesse, les jours heureux, «où il achetait et i»ayait de dirhems sans nombre tous les seins doux qui étaient dans la ville (e.- à-d . Boukhara)»^ Les i)oésies de Minïicihrï, poésies de débauche, sont souvent remarcablement vigoureuses, d’une couleur crue et intense. ’Unsurï et Farruhî ont chanté l’amour dans des quatrains piquants et élégamment tournés comme ceux-ci : A.5 __Xâi . . /i>.X.*ÀJ {^y^

  • . Xài

/^/^ c .i^ ^^ _j j’ ^-^^J -. . àao ,«JiAi

  • .ju ^^>^ :>

^•ÎO A«âj •. î i^ *.Xà :) ^ô c>.2^ i^à ^ww*j ,»,^>o -wlÀi I -^’ -^’ j.^ ’

I ^— ^• j• . Je dis : Ô ma bien-aimée, [quelle est] ta coutume ? — Elle dit : «C’est la tyrannie». — Je dis : «Ne regardes-tu pas [avec bonté] les affligés ?» — Elle dit : «Rarement». Je dis : «Est-ce que tu vends des baisers pour de l’argent ?» — Elle dit : «Je le fais». — Je dis : «Est-ce que tu vends d’autres choses encore ?» — Elle dit : «Oui». (’Unsurl.) c>>-«^-*^ , -,». ::r" ^ <^^-**^^ ?^.)^y^y ^i><^ i,i>.Aw.Àx .. ï yi .y^SJ^ _^ *JCÂi Je dis : «Ta joue est pour moi un printemps souriant». — Elle dit : «La tienne est aussi mon jardin et mon pai-c». Je dis : «Ta lèvre douce comme du sucre m’appartient de droit». — Elle dit : «Elle ne te sera pas refusée, car [le baiser] c’est mon âme»^. (Farruljï.) On trouve encore dans la poésie persane ({uantité de vers absolument obscènes. Le moraliste Sa’dî lui-même e.st l’auteur d’un recueil de «plaisanteries» (oLxjLLw) assez cyniques. A cet égard rien ne peut révolter les orientaux. Et les femmes poètes connue ’Àyesa Qarya ou ISIahsatî ne le cèdent pas en cela à leurs collègues màles^. ’ Gôtt. Nacbr. 1873 p. 698. - La forme particnlicre de ces deux quatrains, appelée «demande et réponse» (v_j !_yJ>-3 j !_j. -w) est très en faveur chez les Persans. ’ V. la TârJhi f/uzïda (trad. de Browne JRAS. 1901 p. 30 -31). Cfr. P. Horn : Gesch. d . l’ers. Litt. p. 133 sqq.

Caractère uational et vie littéraire. 51

Même la iH-dérnstio, ce vice invétéré des Persans, coniiniin déjà au tein[)s d’Hérodote, est célébrée sans honte. Abu Nu va s profère ces vers d’une hardiesse sacrilège : () Suleïiuiln ; chante pour moi et verse inoi le vin. Ne vois-tu pas que le jour commence à poindre, enveloppé dans son voile ?

Et (|uancl le verre circule, prends le et donne le-moi. Donne moi le verre de vin de la gaieté an lieu du cri du mûeddin.

Verse-moi le vin ouvertement et sois mon copédéra«te*. Daiiïcii se plaint de ce (|ue son «chéri» est envoyé à la guerre-, Miniicihrï a écrit des vers amoureux à un jeune esclave turc^, etc.

Les exemi)ies ne font pas défaut. A côté de la poésie d’amour grossièrement sensuelle, nous avons une poésie d’amour élégiaque et sentimentale qui consiste en louanges de la beauté de la bien-aimée, en descriptions du trouble de l’amour, et en plaintes sur la cruauté de la dame — ou du jeune homme — insensible. On trouve des quatrains galants, gais, spirituels comme des madrigaux du temps de Louis XV :

Elle ressemblerait à la lune, ei elle n’avait pas des frisons noirs ; elle ressemblerait à Vénus, si elle n’avait pas un grain de beauté musqué.

Quant à ses joues, je dirais : «elles sont comme le soleil», si le soleil n’était pas sujet à des éclipses*. Par tes cils tu as volé mon cœur. Par tes lèvres tu agis en

juge et par tes cils tu agis en voleur. ’

éd. Ahlwardt no. 69.

•^

Ethé : Riulagî’s Vorliiufer und Zeitgenossen (Morgenland. Forschungen 1875).

Divan éd. Kazimir.ski no. 42.

Comme, du reste, la langue

persane n’exprime pas les deux sexes par des formes différentes, on ne sait souvent jnas quand les poésies d’amour sont adressées à une femme et quand elles ont pour objet un jeune honune. Le dernier cas n’aura pas été rare : le sâqï est souvent mentionné en expressions amoureuses. Cependant, il est encore douteux, quand il faut prendre ces

expressions au pied de la lettre, et quand on n’y doit voir qu’une formule esthétique consacrée par l’habitude.

Abu 1 Mu ?affar Na.sr NisâpUri (Morgenl. Forschungen 1875). 4*

52 Deuxième Partie. Tu réclames une récompense pour m’avoir dépouillé de mon cœur. Chose étrange, qu’un voleur s’attend à une récomi)en8e’ ! Cependant les lamentations sur l’indifférence et le dédain de la bien-aimée ou sur la sé})arati()n {i^ — vLs — y>^) due à la destinée, le dé.^ir de l’union {V*o, — }’*^*)-> «ont les matières que traitent de i)référence les jioètes d’amour. La bien-aimée, l’amie ( i^^-A*/* — Jo — o>vav,o) est infidèle (i.^ :), et l’amant est malheurex (ï.’u :;^^.) , désesjiéré (jy^xj), insensé (xjij-jj>) ; il verse «le sang de son foie» (^K> ; ;jj->)’ errant comme Magnûn dans le désert, son cœur devient un «rôti» (uj^) par le feu des joues de sa maîtresse, et il cherche en vain un remède (, • , !-<,->) contre sa douleur (o .o — ,*.£ — -.J^ — ô_y^ — s*^). Le cœur de Firdauei est en flammes (litt. : devient un rôti), quand il est loin de toi ; à cause des pleurs et des flammes [de l’amour] son sein est en proie au feu et à l’eau. En pensant à toi il regarderait le jour du jugement comme un soulagement, car il brûle déjà, comme s’il subissait la punition de l’enfer-, «i^vA^J»* .yjAJL.^ f*-"*^ C>-à>0 *JL>J> c ;.^ .w.ÀX ^jjji4S- JO wfi-O, «JOCiXlJi Mon cœur affligé ressemble à un temple d’ignicoles, mon œil qui embrasse le monde ressemble au Tigre. Mon lit et mon coussin sont du feu et de l’eau : d’être noyé et de brûler, voilà ma coutume^. Plus les expressions sont outrées, i)lus elles font d’effet sur les Persans. La limite qui sépare le sublime du ridicule n’existe pas pour eux. On peut citer, à cet égard, deux distiques d’un qasida composé par un certain Sirâgi ou Sakari : La i)OUS8ière du chemin se transforme en fange par mes pleurs [quand je me demande] pourquoi, ayant mis le feu à moi, elle me quitte rai)ide connne le vent. 1 Al)ri Salîk (ibid.) . 2 Firdausî (Ethé, Sitzungsberichte d. konigl. bayr. Akad. d. Wiss. 1872 p. 302). — 3 Mu’izzi.

Caractère national et vie littéraire. 53

Si je pousse un soupir froiil, je mits le feu :iu ciel ; si je fais pleuvoir des larmes cliauiles, je fais de la poussière un parterre de tulipes".

Telle est ce genre «le ixtôsie : des coiiii)Iainte.’^ extrava-

gantes où les nuits blanches et les larmes de sang, coulant comme l’Oxus ou le Tigre, se ré[>ètent à l’intini. KarcmenI on trouve un sentiment vrai derrière les ex])ressious violentes : toutes ces souffrances sont d’une fausseté criarde. C’est une

poésie artificielle, une affaire de mode, et les modes sont, comme tout le monde sait, bien plus stal)les en Orient qu’en Europe. Pour ces poètes de la cour, frivoles, libertins, il n’aura pas été difficile de se i)rocurer, à l’exemple d’un

Rudagî ou d’un ’Un.’^uri, lu faveur des femmes pour leur solde princière.

La i)oésie d’amour a toujours été en vogue aux cours, et on a bien des exemples, ({u’un petit vers larmoyant a valu à fauteur une petite fortune en jùèces d’or. C’est

pounjuoi on ne trouve pas chez ’Omar Hayyfim des vers de cette espèce : il n’était })as poète de profession, il ne mettait l)as sa veine poétifjue au service des cours. Il y a plus de vérité dans le sentiment de la nature des poètes i)ersans.

Mais ce sentiment est aussi superficiel et ne laisse pas de prendre un train de routine. Chez les poètes

de la première période de la littérature persane, quel([ues observations fines et originales se rencontrent çà et là comme les petits vers suivants de l’émir Abû-1-Hasan ’Alï Alagâcî : Jette un regard sur cette armée de flocons de neige qui flottent dans l’air.

Exactement comme des colombes blanches qui volètent eflfarées de peur du faucon-.

Nâsir-Husrau <jui a su mieux (lu’aucun autre poète persan donner à sa poésie une erai»reinte i>ersonnelle, a dépeint dans un qasïda magnificiue la tempête automnale ([ui ^

Turîh-i guzida (Browne, JRAS. 1900 p. 756). Notez que les quatre éléments figurent dans chaque distique : c’est une finesse très goûtée j^ar les Persans.

^

Ethé, Morgenl. Forschungen 1875.

54

Deuxième Partie.

éteint l’arcleur du soleil de juillet dans le jardin et le i)ré, réduit les rossignols au silence, écrase les fleurs et transforine les éméraudes du jardin en ambre jaune ^ . Mais le plus souvent, c’est la splendeur du printem])S qui insi)ire les })oètcs, c’est l’éclat des fleurs de mille couleurs, le parfume des roses et des jasmins, la verdure, le ruisseau qui murmure, le vent doux et frais, bref, une nature belle, riche et voluptueuse qui cadre avec les sons harmonieux du luth et de la harpe, le vin ardent et les baisers amoureux. Aussi le naurûz, le jour de l’an à l’équinoxe du printemps, donne-t -il matière à bien des descriptions brillantes de la nature que les i)oétes insèrent dans des (jasldas panégyriques : Depuis que la prairie î^’est couverte de soie bleue et que les montagnes se sont paréey de t<oie chinoise de sept couleurs, la terre est grosse de musc comme le nombril de la gazelle, et le saule pousse des feuilles sans nombre semblables aux plumes du perroquet.

Hier, à minuit, le vent apporta l’odeur du printemps. Sois le bienvenu, ô vent du nord ! sois béni, ô vent de printemps ! Tu vois verdure .sur verdure comme des cieux superposés, tu vois des tentes dans l’enceinte des pavillons comme des châteaux bâtis en dedans d’autres châteaux.

Partout où il y a une tente, un amant dort à côté de sa maitresse ivre [d’amour]. Partout où il y a de la verdure, un ami se réjouit de la vue de l’amie.

La verdure est remplie du son de la harpe et de -a voix claire des chanteurs, et les tentes retentissent du bruit des coupes et des cris des échansons qui aiment le vin.

[Tu ne vois et n’entends que] les baisers et les embrassements des amants et les caresses et les reproches des belles, le cliant et la musi(iue des chanteurs et le sommeil lourd des dormeurs ivres- . . . Dans les petits rubfi’is il n’y a })as de jilace i)our de longues descriptions pittoresques. Ici comme ailleurs, la nature ne sert cpte comme un supplément au vin et à la volupté :

1 £thé, Gôtt. Nachr. 1882 p. US.

2 Farruhi, Daulatsâh éd. Browne p. 55 sqq.

Carartrri- national et vit- littéraire. 55

Il fait beau tetiips iiujourd’liui, et l’air n’est ni ibaud ni froid. Le nunne a lave la |ioiissière de la joue du parterre aux roses. I.e rossignol crie en langue pehlevie à la rose jaunie : Il faut boire du vin’ !

Ou ctiiniiie un iii<»yeu «lo complitnentor spirituellement une (lame :

_V^

- . j sXsS' vi>..**^i^ :>J>£- jj

J>>.* .*S :w« l.>)_j-L> p. -* .i jj^ .j-LT truand les roses se parent de leurs robes nuptialen dans le jardin, elle.s minaudent d’abord, pendant une semaine, enveloppées dans» leurs boutons.

Puis, quand elle ;< ouvrent les yeu.x p(jur regarder le monde, elles commencent à perdre leurs feuilles de bonté <le ta joue. CAnvan.)

D’autre part le Persan a un ))encliant jtour les méditations rfligieuses et i)hil()S(»plii<[ues ; le problème de l’existence le liante, il aime spéculer, raisonner, discuter. En général,

les Orientaux (mt des rapports i>lus intimes avec leur dieu que les Européens avec le leur : Dieu n’est pas pour ceux-là une ombre vague et lointaine à <|ui l’on s’adresse quelquefois quand on est accablé de douleur ou de maladie : Dieu est une puissance terrible et mystérieuse dont nous sentons l’actiijn partout et toujours.

Aussi le Persan intelligent et vif ne peut-il pas se contenter de (jucliiue formule conventionelle, il lui faut demander, examiner et comparer, peser les raisons pour et contre telle et telle opinion. C est un trait c|u’on ne trouve pas seulement dans les classes instruites, mais même })armi les porte-faix du bazar et les brigands du désert. On comprendra aisément, alors, ([ue les religions et les philosopbies se sont dévelo{t[)ées sous des formes bien différentes en Iran.

Ce serait une erreur de croire ([u’il y eilt eu uniformité en matière de religion dans les empires des Perses. Sous les Achéménides et les Sasfmides, le zarathustrisme ’

MuMzzî. C’est le quatrain ambulant W. 174, Bd. 67 et la forme qu’il a eliez Mu’izzi est plus conforme à Bd. qu’à W.

5G

Deuxième Partie.

était la religion officielle, comme le sunnisme l’était au moyen âge et comme le chiisme l’est de nos jours. Mais combien

de cultes ont existé, plus ou moins secrètement, depuis les temps les i)lus reculés, sous la surface (jue les Grecs connaissaient ?

Avant l’avènement des Sâsânides, les habitants 

de la Perse i)roi)rement dite (Persis, Fars) n’ont jamais été orthodoxes.

Les inscriptions de Bïsutun nous font savoir, que Darius a restitué les temples (jue les mages avaient détruits, c’est à-dire les temples des dieux i)articulicrs de la tribu des Perses.

Nous savons, que les rois des Perses furent enterrés, et encore au temps de Strabon c’était la coutume des Perses d’enterrer les morts ce (^ui devait être considéré, au point de vue des zarathustriens orthodoxes, comme un crime capital. Les vrais Perses, qui avaient été })endant deux siècles les maîtres de l’emiiire, étaient ainsi hérétiques bien (ju’adorateurs de Mazda.

Et ai)rès la mort d’Alexandre le Grand «beaucoup de religions et différentes espèces de foi et de scepticisme et divers systèmes de lois furent répandus dans le monde »^. Le

judaïsme et les anciennes -croyances araméo-babyloniennes se frayèrent des chemins vers l’ouest de la Perse, tandis ([ue le bouddhisme se répandit à l’est sous les Arsacides, qui étaient pour la plupart indifierents en matière de religion et influencés par l’hellénisme.

Et l’énergie cju’employaient les Sàsànides pour maintenir le zarathustrisme comme religion d’Etat, ne suffisait pas pour arrêter tous les courants étrangers. L’astrolatrie babylonienne influen(,’ait la religion orthodoxe aussi bien que les sectes ; il y avait des monastères bouddhistes à l’est, selon les relations de voyageurs chinois ; des Bramanistes se trouvaient à Kerman et dans les districts de Horniûz^. Les juifs

furent tantôt i)oursuivis, tantôt favorisés. Les chrétiens, or-

thodoxes et Nestoriens, étaient dispersés sur tout le royaume ; « 

Strabon livre XV. 3

J< 20.

-

The Book of Arda Viraf, by Destin- Hoshangji Jama.spji Aea. Bomb. & Londres 1872, I. 15 (pp. 143—4 -4). 3 Gol.)ineau : Les Religions et Philosophies p. 56 .

Caractère Dutional et vie littéraire.

> !

ils L’taient souvent |Mtiirsuivis, i» ;irct’ <|iie I ascétisme et le célibat a|>|>niteiuiieut, selon l’opinion des zaï-atluièti-iens, an culte d Angfu Mainyn.

Pourtant le chiistianisnie faisait des pfogivs et nous a|ipfen(ins nième, ([ue des niagis conveitis niounnvnt en iiiartrs pour leiu’ nouvelle i’eliti ;ion. Et tandis (|U0

le néoj»latonisine s intioduisait dans les classes supérieuies, et (|uc la vie plus i-ailinée dans les gi-andes villes produisait des idées rationalistes et de la libre pensée, des systèmes nouveaux parurent et se répandirent malgré les persécutions. D’un mélange d’anciennes idées chaldéenncs, de zaratbustrisme, de christianisme et de bouddhisme, Manî a bâti son système strictement dualiste, selon leiiuel la guerre entre les puissances de la lumière et de 1 obscurité din-e éternellement. La secte des daisanitcs s’occupait aussi des rapports de l’eml >ire de la lumière et de celui de l’obscurité, et une branche de ceux-ci, les tanasuhiies, firent de la doctrine indienne de la métemi)sychose leur dogme i)rincii)al De son côté, Mazdak a essayé d’amener, }»ar .ses théories communistes, une réformatiou religieuse et sociale.

Les manichéens furent appelés samlih. Mais ce nom avait en même tem})s une autre signification : il fut considéré comme un dérivatif du mot sand (c. - à -d . interprétation, spécialement de l’Avesta) et employé i)our désigner ceux (]ui voulaient interj)réter l’Avesta d’une façon allégoriiiue. Ceux-ci,

(jui auront eu à peu près la même position vis-à-vis les orthodoxes (jue jilus tard les chiites vis-à -vis les sunnites, étaient si nombreux, t|U ils dominaient dans l’est de l’Iran (à Balkh)- . 1 .’^ahraetani, trad. de Ilaarbriuker I. p . 297. 2 V. Mas’udi éd. Barbier de Meynard II. p. 167 et Haug : Essaye on the sacred language, writings and religion of the Pareees p. 11 .

où le mot zandik désigne les manichéens, il a probablement une autre origine.

M. Bevan, professeur à riiiiivereité de Cambridge, y voit une altération du mot araméen saddiqai, «croyant», dont s’appelaient eu.K mêmes les manichéens complètement initiés. Comp. le mot allemand

«Ketzer» de xaô-7 .po’l(Browne : A literary History of Persia. Londres 1902 pp. 159—160). Dans la forme arabisé de zindlq, le nom fut employé en Islam pour désigner tous les héréticjues et libres penseurs.

58

Deuxième Partie.

Mais il y avait encore un système qui gagnait rapidement aux dc’pens de l’orthodoxie. L’Avesta fait quelquefois

mention du Zcrvfui akarana, le temps infini, dieu i>rimitif, (|ui représente le destin inexorable. Ce dieu, (jui n’est

qu’ébauché dans l’Avesta, fat poussé en j)remière ligne i)ar les ^ervanitcs qui le représentaient comme le vrai auteur de l’univers.

Plusieurs mythes se formaient chez eux pour expli- ([uer comment Ahura Mazda et Angra Maiuyu étaient sortis de lui. Selon les écrivains grecs et arméniens contemporains, cette doctrine, qui réduit encore le semi-dualisme des orthodoxes en faveur du seul i)rincipe divin du destin, aura été, dans les 5^ et 6^ siècles ap. J.- C, la forme dominante du zarathustrisme^

Dans ces anciennes croyances, nous trouvons déjà le pessimisme.

La doctrine de 1 Avesta avait été bâtie sur une conception de la vie décidément optimiste. En insi)irant une foi ferme à la victoire finale de l’empire de la lumière, en détestant la mortification iuactive comme une œuvre d’Angra Mainyu, en soutenant avec énergie un idéal de santé et de travail et l’importance de l’homme dans le combat gigantesque entre les puissances qui se partagent l’univers, elle avait contribué immensément à la cultivation de tous les biens matériels et spirituels.

Théoriquement les iirincipes fondamentaux du zarathustrisme étaient toujours les mêmes, mais l’influence du fatalisme des })euples sémites et une civilisation raffinée y introduisirent peu à })eu un nouvel esprit qui a ^

Haug : Essaya on the .sacr. lang. etc. p. 9

11.

M. West re-

f^arde l’existence de cette doctrine avec quelque scepticisme. Il admet

qu’elle peut s’être élevée pendant la période sâsâuide, mais se rapportant à un passage dans les écrits de Zad-sparam, où le Zervan personnifié est mentionné formellement comme étant créé par Ahura Mazda, il évoque en doute l’exactitude des relations grecques et arméniennes (^Pahl. ïexts I Introd. p. LXX). Selon mon opinion, le passage en question montre que Zad-sparam n’appartenait pas à la secte des zervânites, et rien de plus. Je ne vois donc pas de raisons pour rejeter les relations des sources contemporaines, appuyées par Sahrastânl, en faveur de ce Zad-sparam qui vécut deux siècles après Muhammad.

Caraotire national et vie littt’-niire. 59 laissé des traces mOiiie dans les œuvres de la théologie (»rthodoxe. L’idée du destin inexorable se retrouve assez souvent. «C’est le destin (|ui est le maître absolu de tout et de tous’.» «Le sage demandait ainsi à l’esjtrit de la sagesse : , Est-il possible de lutter contre le destin i)ar la sagesse et le savoir, ou non ?’ L’esprit de la sagesse réjKmdit : ,Même par la force et la puissance de la sagesse et du sav(»ir, il n’est pas possible de lutter contre le destin . . .’-.» Delàiln’ya • lu’un petit pas à la considération (|ue la vie mondaine soit sans valeur et (|ue toute grandeur humaine ne soit qu’é})hémére. En eti’et, de tels raisonnements reviennent toujours dans les li^Tes de morale. «Nous savons que beaucoup de princes qui commandaient des armées, gouvernaient leurs sujets avec une grande magnificence et étaient considérés comme les plus grands parmi les hommes de ce monde, tous sont devenus de la poussière et, après avoir souffert de malheur ici-bas, ils sont allés à l’autre monde^.» Combien loin sommes-nous ici de l’humeur gaie et confiante des anciens temps ! Nous croyons entendre les mots de Hayyâm : «Quand tu serais Bahrâm, tu finiras dans le tombeau»*. Le pessimisme s’accentue chez les sectes nouvelles. Les manichéens voyaient dans l’homme le produit de ])uissances sataniijues avec (juel(|ues atomes de lumière ([uc res})rit de l’obscurité avait volés. La consécjuence morale en était ([ue les manichéens, — au moins ceux ([ui étaient «initiés» — , s’abstenaient de tous les biens matériels. Mazdak ordonnait de tuer les âmes pour les délivrer du mal et du mélange de l’obscurité ^. Les daisânites défendaient le mariage et tous les autres biens matériels, même tout ce ([ui pcnivait contribuer au contentement de l’esprit. La doctrine des zervânites était fondée sur le fatalisme ; il y en avait même ([ui croyaient «qu’il y 1 Diiiâ-ï Maln5j.’-i hirad, chap. 47 (SBE. XXIV p. 89). - Ibid. cliap. 23 (SBE. XXIV p. 54). ^ Ganjeshâyagân 169. — Comp. la fin de VAndargi Àlûrpât.

  • W. 465.

Sahrastânï, Ilaarbriicker I. p . 291.

60

Deuxième Partie.

avait toujours en Dieu quelque chose de mal, ou une disposition d’es})rit mauvaise ou une corruption mauvaise, et c’est là le ] :)oint do départ de satan»^ L’islamisme donna un libre cours à ces tendances i)essimistes.

Le «Weltanschauung» dure et triste du coran y ajouta sa part. Le Dieu du coran est un maître sans clémence qui a destiné, de toute éternité, ({uelques-uns à être sauvés, d’autres à être condamnés. «Dieu égare ceux qu’il

veut et dirige dans la bonne voie ceux ({u’il veut^.» «Celui

([ue Dieu égarera ne trouvera i)lus de guide ; Dieu le laissera errant sans connaissance^.»

Jamais le langage du coran n’est plus sublime que quand il dépeint le jour du jugement dernier et les horreurs de l’enfer. Aussi, dans les premiers temps

de l’islamisme, une terreur puissante régnait dans les cœurs des croyants.

Qui pouvait savoir, s’il était du nombre des élus ou de ceux (jui étaient condamnés aux su})plices éternels, de ceux pour ([ui il n’y avait pas de grâce, de ceux que la meilleure volonté ne pouvait pas sauver de l’enfer ? On ne raisonnait i)as sur l’injustice et la tyrannie d"un tel créateur, on essayait de se convaincre à soi-même, en méprisant tout ce qui était de ce monde et eu combattant les désirs charnels, qu’on était du nombre des élus. La tradition a conservé plusieurs mots du prophète qui ex} triment d’une manière bien nette son mépris du monde. II montre à ses compagnons un mouton mort en disant : «Par celui dans les mains duquel est mon âme, je jure que le monde a moins de valeur aux yeux de Dieu que ce cadavre n’en a pour son possesseur ; si le monde avait pour Dieu autant de valeur que l’aile d’un moucheron, il n’accorderait pas un verre d’eau à un infidèle». Une autre fois,

n’arrêtant devant un fumier, il dit : «Voilà le monde !» Et, prenant dans sa main des lambeaux pourris et des os décomposés, il s’écria : «Voilà le monde !» — On dit qu’un 1 ibid. I. p. 278.

2 Sur. 74, 34.

3 Sur. 7, 185.

Caractôre national et vie liltt-rairc. 61

jour le oalife C^niar prit une paille dans la main et dit : i)

que je fusse ce brin de paille ! »iue je fusse oublié et oublié éternellement ! (jue ma mère ne m’eût pas mis au monde !»’ L’ascétisme fut le dernier idéal de la vie. A l’abstinence

s’ajoutait la solitude et le tourment volontaire. C’étaient là

les éléments de l’ancien sufisme arabe de H as an Basri (mort en 728 a{>. J .-C.) et de ses discii»les. L’homme est un

l)auvre naufragé, (|ui se cramponne à une planche au milieu de l’océan, et il faut se tenir toujours sur ses gardes contre cette «demeure terrestre i)erfide, trompeuse et menteuse, qui se pare de ses tentations et attire les hommes par son éclat pour les détourner de la bonne voie et les faire oublier le retour il Dieu»’.

Le théisme raide et dur qui convenait aux Arabes, enfants de la nature, ne satisfaisait i)as res})rit chercheur et le tempérament complexe des Persans.

Parmi ceux-ci un nou-

veau siifisme se développa, un sufisme panthéiste, bâti sur des idées d’incarnation era})runtées à la philosophie indienne ou, peut-être, au néoplatonisme, qui aurait subsisté en Iran depuis le temps des Sâsânides.

Un monastère de sûfts fut

fondé en Khorassan au commencement du 9^ siècle |)ar Abfi Sa’îd ; et ce nouveau sîifisme gagna beaucouj» d’adhérents dans l’est de l’Iran, où il existait, depuis bien des siècles, des communautés de bouddhistes et de védantistes. Ainsi nous avons de bonne heure un sîifisme orthodoxe et un sufisme hérétique, selon l’expression de M. Kremer. L’influence réciproque des deux ex[)èces de sufisme ne se voit pas clairement, mais en réalité, nous trouvons bientôt ces deux sectes mêlées l’une à l’autre depuis la Perse jus([u’à l’Egypte. L’absorption en Dieu devient le dogme principal du sufisme persan, et le but des exercices ascétiques. Le persanHallâg qui parut en ’Iraq en 911 ap. J . - C. et fut exécuté dix ans })lus tard, est, dit-on, le premier qui ait prononcé le mot ana-l - aqq («je suis Dieu»). Son maître Gunaïd tâchait de modifier les nouvelles doctrines

Kremer : Gesch. d. herrschenden Ideen d. Islam p. 21 —24.

ibid. p. 22 .

G2

Deuxiî’ine Partie.

pour éviter une rupture avec l’orthodoxie, tandis que le panthéisme apparaît ouvertement chez Abu Yezid Bistâmï. Ici

le tourment volontaire cède la place à la coutem})lation, et l’horreur est remplacée i)ar l’amour mystique en Dieu et la soif du savoir surhumain que l’on gagne par l’extase’. En même temps l’orthodoxie eut deux adversaires, le mu’tazilisme et la philosophie })roprement dite. La contra-

diction ai)}>arente entre l’idée d’un Dieu juste et la prédestination qui condamnait d’avance une })art de l’humanité à l’enfer, choquait les intelligences. Or, il y a des passages,

peu nombreux, il est vrai, dans le coran, qui })euvcnt servir d’api)ui à l’hypothèse du libre arbitre. Aussi, tandis que les muryites soutenaient la conciliabilité de Dieu et le pardon des péchés pour ceux qui croyaient sincèrement et fermement, les qadarites croyaient-ils au libre arbitre. Ceux-ci s’élevèrent

à une importance extraordinaire, quand le disciple de Hasan Basrï, le persan Vâsil ibn ’Atâ, (pii avait élargi son horizon religieux en discutant avec des zarathustriens, des bouddhistes et d’autres sectaires dans les cercles cosmopolitiques de Bagdad, quitta son ancien maître ]»our suivre les doctrines de cette secte, (|ui eut le nom de mu’taziUtes (<• dissenters»). Leurs deux dogmes i)rincipaux étaient ceux-ci : l*^’ la prédestination

de Dieu au sujet des hommes se borne aux accidents extérieurs, taudis que l’homme dispose lui-même de ses forces et porte la responsabilité de ses actes ; 2° il est incompatible avec l’unité divine d’attribuer à Dieu des qualités éternelles, savoir, pouvoir, etc. comme des attributs. Dieu seul est

éternel : ainsi le coran même est créé. C’est cette dernière assertion qui excita le plus de haine i)armi les orthodoxes. La connaissance de la philosophie des Grecs servait à développer et à affermir dans les détails la doctrine des mu’tazihtes.

La logique d’Aristote devenait dans leurs mains une arme terrible contre les adversaires, et ainsi le mu’tazilisme réussit à être reconnu, i»our un bref temps — dej^uis Ma’mûn 1 Kremer 1. c. p. 52—78.

Caracti’ie nationnl et iv litliraiii’. 63

justiu a Mutavakkil — ( .oiunit,’

religion d Ktat.

Puis ses

sectaires turent itoursuivis, mais ils continuèrent cependant à exercer une grande influence, justju’à ce (|u’ils trouvèrent en Aâ’arl et jtlus tard en le Persan Gazjili des adversaires (|ui les égalaient en dialccti(iue.

Le dernier mu’tazilite cclèhrc,

Zamalisarï, était un Persan comme le premier. D ailleurs il semble t|ue les Persans aient été moins suseei>(ibles au nm’tazilisme conmiun ; cependant il y avait en Perse nombre de Gobantes et de Nuggâritcs (jui croyaient en un Dieu tout immatériel et sans attributs, mais qui s’oi)posaient à l’idée du libre arbitre

^

A côté de ce rationalisme, une véritable philosophie islamique se dévelo})pe, fondée sur celle des Grecs, surtout sur le néoplatonisme et l’aristotélisme des péripatétieiens de plus tard, connue Alexandre d’Aphrodisias. C’est ici 1 esprit persan (jui réagit. La i)hilosophie écrite en arabe «rei)réseiite la réaction du génie indo-européen de la Perse contre l’un des })roduits les plus [»urs de l’esprit sémitique»^. Par con-

séquent, elle fut souvent poursuivie et toujours haïe yAv le clergé mahométau. Celui qui donnait à la i)hilosophie sa forme classique, c’est le Persan Ibn Siuâ (Avicenne), successeur direct d’Al-Fârâbï, dont les œuvres philosophiques l’avaient attiré vers les études métaphysiques. Comme son prédécesseur il voit dans la divinité l’Un, J’Éterneî, le })rincipe de l’existence nécessaire, qui renferme la vie, le savoir, la volonté et le pouvoir, confondus dans une unité. En se reflétant lui-même, Dieu a fait émaner l’IntelHgence éternelle, et comme celle-ci se reflète comme un être dérivé, elle contient en elle le Multii)le, c est-à -dire une multiplicité de })ossibilités, d’où sort par degrés tout ce <jui existe, jusqu’à notre monde matériel, ()ui est jU’oduit i)ar l’intellect le jtlus ])roche à nous, l’Intellect actif.

Dans le monde matériel, l’âme

humaine constitue le plus haut degré, parce qu’elle possède la faculté théorique d’apprendre et de comprendre et la fa-’

Kremer 1. c. p . 33 —34.

  • Renan : Hist. des langues sémitiques, livre I. chap. 1, § 1.

G4

Deuxième Partie.

cultû prati(|ue d’agir, c-ù-d. lintelligencc et le libre arbitre. Son devoir est de pénétrer le princii)e de l’existence ; f[uand elle y aura réussi, le désir de retourner à la source, qui en résultera, la fera atteindre à la béatitude éternelle, aussitôt qu’elle sera séparée du corps, et la béatitude, c’est la contemplation de l’éternel Vrai, Bon et Beau, de l’Unité absolue, de Dieu.

Jjes âmes qui ne se seront pas élevées ù ce degré de perfection, seront punies d’une exclusion temporaire de la béatitude ; mais à la fin toutes les âmes atteindront à la béatitude pour lac[uelle elles sont créées. Si le prophète a dé-

peint le paradis et l’enfer avec des couleurs matérielles, c’a été pour des raisons pratiques, savoir que les Arabes rustiques, enfants du désert, n’auraient pas pii comprendre les vérités métaphysiques que Muhammad lui-même connaissait Dans le domaine de la théoso])hie, Avicenne est peut-être celui qui a le premier mis en système le néoplatonisme oriental.

Il considère l’amour du bien absolu, de la divinité, de la source, cet amour qui tient de la nature, comme le vrai motif de toute action et de toute aspiration. L’homme

seul est conscient de cet amour. L’amour est le principe par lequel le monde est émané de Dieu, et le principe par lequel tout retourne à lui.

Par l’amour s’étabht la contemplation temporaire de Dieu à laquelle «celui qui sait>^ (al-’anf) peut atteindre au moyen de l’empire absolu sur lui-même, de la suppression de tout désir charnel et de l’extase. Le ’ânf peut

s’approcher à tel point de l’unification avec Dieu, que Dieu se montre partout dans les formes matérielles : le ’ôr//" s’identifie à Dieu.

Le vrai théosophe ne subit pas l’influence des choses du monde, il s’élève au-dessus des lois et des prescriptions de l’humanité, la différence entre ce que les hommes appellent bon et mauvais, n’existe jikis pour lui’ -) . Du reste, Avicenne soutient le coran et le sunna et s’efforce de mettre » Mehren : La Philosophie d’ Avicenne. Louvain 1882 (Extr. du

Mu8éoii).

-

Mehren : Vues théosophiqnes d’Avioenne. Louvain 1886 (Extr. du Mueéonl

( :ir :irt(i<’ iiî.lioiial vl vii- litt<r :iiic. f»5

en accord v curaii et la jiliilo.soiihic, souvent ;i 1 aide d’interprétations forcées du livre saint. Il n’est pas facile il voir

combien il y a lîi de sincérité et combien de ketmân, eu éj ;ard h sa vie é|»icuréenne qui Reml)le convenir aussi peu h l’idéal tlui>soplii(iue (pi’îi l’idéal coraniciue. La tliéosophie d’Avicenne est celle, en effet, que nous retrouvons dans le lyrisme siifiquc des Persans. Nous avons

vu connnent laucien .^^utisme arabe s’est confondu avec un çiitisme indo persan.

Un troisième sufisme, d’origine néoplatonienne, s’y étant ajouté, la religion mystique des Persans a atteint son développement final, et la poésie s’en empare. Il est difficile de distinguer les éléments néoplatoniens de ceu.x qui remontent à la pbilosojibie indienne. On ne sait

pas mèn)e au juste ce que le néoplatonisme doit aux Indiens et à des anciennes hérésies inconnues de la Perse. Une des

l»lus anciennes sectes du védantisme indien, celle des Bhâgaratas ou Pâ/icJiarafras, arborait un monotliéisme contraire aux croyances brahmaniques, et soutenait que l’amour sincère en Dieu était la voie du salut, c’est-à -dire de l’union avec Dieu^

Le sens esthétique des Persans s’unit à leur goût pour les spéculations métaphysic|ues, et le fruit de ce mariage est le phénomène original et unique qui aura une influence prépondérante sur toute la vie littéraire en Perse : le sufisme poétique, dont les traits les plus caractéristiques sont, selon l’expression de M. Browne’-), le quiétisme, l’éclectisme et le «latitudinarianisme».

Le sufisme est «plutôt une immobilité indéfinie qu’un mouvement défini» ; il ne cherche pas tant à faire des prosélytes qu’à comprendre et à s’a])proprier ce qu’il y a de vrai dans toutes les religions, même dans le paganisme.

Voilà ce qui le distiague des doctrines fixes, des croyances dogmatiques comme le manichéisme ou l’ismaélisme.

Parmi les .siifis on trouve presque toutes les sectes 1 The Philosophy of ancient India by R. Garbe, Chikago 1897, p. 18-19.

2 A Literary History ol’ Persia I, p. 422. ChristeuscD, Heeht’rchi’s.

6

66

Deuxième Partie.

représentées ; cependant il est un fait remarquable^ que les plus grands poètes mystiques des Persans, Sanâï, ’Attâr et Rûmî, ont été des sunnites, tandis que les plus grands poètes chiites, Firdausi et Nâsir Husrau, u’ont pas été fort influencés (lu sufisme.

Le mysticisme pointe çà et là chez Rûdagl, poète d’ailleurs tout mondain, mais ce n’est qu’environ l’an 1000 que nous trouvions la poésie sûfique entièrement développée chez les ruba’istes Bâbà Tâhir^ et Abu Sa’ïd^. Celui-là a subi

une forte influence du mysticisme, celui-ci est un sûfi pur sang. Puis, c’est ’Abd-allàh Ansârî, le contemporain plus vieux de ’Omar Hayyâm, et son contemporain plus jeune Hakîm Sanâï, Mais ce n’est pas encore l’âge d’or de la poésie sûficpie.

Dans les 11*^ et 12^ siècles, le sufisme était l’élément le plus important dans la poésie persane, mais il n’eu était pas encore le souverain absolu, comme il le devenait depuis le temps des grands poètes didactiques, de ’Attfir et de Rûmï.

L’alpha et l’oméga du sufisme est la reconnaissance de l’unité divine (taulrul) :

Alors que ces astres et ces cieiix n’étaient pas, et que l’eau, l’air, le feu et la terre n’étaient pas, je prédisais le mystère de l’unité, avant que mon corps et ma voix et mon esprit ne fussent créés. (Abu Sa’id, Ethé no. 30.)

L’Islam en général est une religion strictement monothéiste, mais les sûfïs ont insisté tout particulièrement sur l’unité de Dieu, en impliquant dans cette idée celle de l’identité de Dieu avec le monde, celle du panthéisme. Dieu est le seul 1 V. l’ouvrage cité de M. Browne p. 437. ’^

Publié par Huart, JA. 188^ 11.

Je ne connais pas l’édition qu’a donnée M. Heron-Allen en 1901. Baba Tâbir écrivait dans le dialecte de Kai et employait le mètre Hezeg (--

) au lieu

des mètres communs du rubâ’l.

^

Publié par Etbé, Sitzungsber. d . kônigl. bayr. Akad. 1875 et 1878. Je n’ai pas eu l’occasion de comparer l’édition de Shukoveki (St. - Petersbourg 1899).

Carartt’ic national et vif lilti-iaiic. 67

qui t-’xiste réellenicnt.

«J’étais un trésor caché», dit Dieu ii David’, «et je voulais être connu, et je créai la création afin que je puisse être connu.»

Une chose ne peut être connue

que par son contraste : v»»ihi pounpioi l’Éternel Bon a dû créer ce que nous api)elons le mal ; c’est une conséquence nécessaire de sa manifestation.

Mais le mal n’existe pas

comme une entité indépendante, c’est seulement la négation du bien, en d’autres mots, le non-existant^. En vérité, le

monde visible n’est qu’un mirage, qu’une réflexion de la divinité ; il y a le même rapport entre la divinité et le monde qu’entre le soleil et son image qui se réfléchit dans un étang^. Dieu seul existe : il est en même temps «l’amour et l’amant et l’aimée, le miroir et la beauté et celui qui regarde» (Abu Sa’id, Ethé no. 17). L’homme est émané de Dieu et retournera à lui, l’homme est comme la goutte qui se perd dans l’océan.

Nous avons «reposé doucement dans le néant de l’éternité, avant que le grand dôme du ciel fût créé» ; malheureux et étrangers dans la vie, nous désinnis «un reposoir dans la contrée du néant».

L’anéantissement (fana), le nirvana du sûfï, c’est cette union mystique avec Dieu, «qui est, nuit et jour, l’objet de la prière de tous», et pour en exprimer le désir, on use du langage de l’amour mondain. Le sùfï est l’amant <pn gémit, et Dieu est l’amie (l’ami). Le cœur de l’amant est une balle, et le frison de l’amie est le battoir courbé. Même les joues couleur de tulipe, les lèvres couleur de rubis et les grains de beauté de l’amie (l’ami) sont souvent mentionnés. Abfi Sa’ïd est le grand maître de ce lyrisme symbolique. Tantôt il se réjouit de la faveur spéciale de l’amie : (J merveille ! en donnant un coup de peigne à ses boucles frisées, cette lune a fait tomber ses cheveux parfumés d’ambre sur son visage.

Par cette ruse elle a caché ses belles joues, afin que ceux qui ne sont pas ses ami.s intimes ne la reconnaissent pas. (Ethé no. 92.)

Browne : A Literarj’ History of Persia I, p. 440. 2 ibid.

^

ibid. p. 439.

5*

(58

Deuxit’iiie Partie.

Tantôt il implore un regard gracieux : () Seigneur ! prête-moi un regard, car la tête me tourne ! sois gracieux envers moi, car je suis décliiré et confus ! Ne me truite pas comine je le mérite, mais traite-moi de ta grâce et de ta miséricorde ordinaires. (Ethé no. 52.)

Tantôt il gémit <lo la doulenr de l’absence et de la dureté de l’amie :

Ù douleur ! toi qui as déchiré le voile de ma i)atience, tu as vu ma faiblesse, et tu m’as rendu tout courl)é. La nuit est sombre, et l’amie est loin, et je n’ai pas de confldent. Ù douleur de la séparation ! tue-moi, car tu m’a trouvé sans appui.

(Ethé no. 87.)

’Abd-alliîh Ansârî exprime quelquefois l’amour mystique d’une façon plus paradoxale, comme dans ce vers-ci : Si je trouvais, à l’enfer, l’union avec toi, j’aurais honte de l’état des habitants du paradis. L’ivresse de vin devient, comme l’amour, le symbole de l’extase^ :

Ne me fais pas des reproches, ô maître, si je bois du vin et m’occupe tant d’amour et d’adoration du vin. Tant que je suis à jeun, je me trouve assis parmi des étrangers ; quand je suis ivre, je repose dans les bras de l’ami. (Alni Sa’id, Ethé no. 13.)

«Aller dans la taverne (harahaf)» veut dire : chercher la connaissance de Dieu ; et le nom de «débauché» ou «buveur» (rind) est le nom d’honneur du mystique. Toi qui n’as pas étudié la science céleste, toi qui n’es jamais allé dans la taverne,

toi qui ne sais pas ce qui te profite et ce qui te nuit, comment pourras-tu venir parmi les hommes de Dieu ? hélas, hélas ! (Baba Tahir, Huart nO. 1 .)

Devant cette religion d’amour profonde et passionnée toutes les formes extérieures n’ont aucune valeur : si l’amour de Dieu y est, toutes les confessions sont égales : ’

L’extase est appelé r«état» (haï) par excellence.

Caractère national et vie litti-raire. 69

Si nous sommes ivres-morts, nous sommes à toi, et si nous sommes sans mains et sans pieds’, nous sommes à toi. Si nous sommes des >îUt’l)res ou «les chrétiens ou des moslims, enfin, quelle que soit notre croyance, nous sommes à toi. (Baba Tnhir, liuart no. 23.)

Abfi Sa’ul se donne h lui-même les noms d’infidèle, d’idolâtre et de chrétien, son visage n’a pas «la couleur de l’()rth()duxie>^ ;

il veut même que toutes les relir^ions positives soient exterminées, afin que F évangile de l’unité pui.sse triompher :

Tant que le médrésé et le minaret ne seront pas mis en ruines, l’œuvre des qalandars n’aura pas atteint à son but. Tant que la foi ne sera pas de l’infidéliti’, ni l’infidélité de la foi, pas un des serviteurs [de Dieu] ne sera vraiment un moslim. (Ethé no. 10.)

Il est très commun que les mystiques refusent aux mahométans orthodoxes le nom de vrais moslims. Ainsi Avicenne : Il n’y en a qu’un comme moi au monde, et cet homme unique est un infidèle : ainsi il n’y a pas un moslim dans le monde entier ! (Ethé, Gôtt. Naclir. 1875 quatr. 4.) La vérital)le différence n’est pas pour le sûfl celle de l’une et de l’autre croyance, mais celle de la «forme» (suret), l’apparence extérieure du monde qui est une illusion, et de la «substance», r«idée» (niana), la vraie essence de l’existence, resjmt caché aux yeux du profane : Dieu. Rtidagï

exprime déjà cette différence :

Tu dois regarder le monde de l’œil du cœur, car r<i.>il coritorel ne peut pas voir ce qui est caché. Regarde de ton œil visible ce qui est visible et porte ton œil caché vers ce qui est caché.

(Ethé, Gôtt. Nachr. 1873 no. 39.) ’Abdallah Ansârl dit qu’il y a un ka’ba de la forme et un ka’ba du cœur.

Le moyen de s’évader de la «forme», c’est l’abstinence. 11 faut n’avoir ni feu ni lieu et appuyer la tête à une brique pendant la nuit (Baba Tahir) ; il faut renoncer à ce monde, ’

C-à -d. confus et abandonnes. Je lis d’après l’éd. de Bombay

  • ^^J» wj ^.

Le ^*-yl^, Lj ^ lie M. Iluart doit être une faute d impression.

70

Deuxième Partie.

afin que «la perle puisse entrer dans la moule de l’existence» (Abu Sa’îd). Encore plus : il faut renoncer non seulement à ce monde-ci, mais aussi à l’autre. La lâété ne doit pas avoir

pour base le dcsir du paradis.

J’iillai voir le médecin, et je lui exi)liquai ma douleur cachée. Il dit : «Sois muet envers tous, excepté envers l’ami». Je demandai : «Que dois-je manger ?» — II répondit : «Le sang de ton propre cœur».

Je demandai : «De quoi dois-je m’abstenir ?»

Il répondit : «Des deux mondes». (Abu Sa’id, Ethé no. 18.)

Beaucoup de sûfis allaient jusqu’à regarder même le bien et le mal comme des formes sans importance pour le ’ârif. Bien que cette théorie de l’émancipation des lois morales n’eût pas, de la part des mystiques sincères, des conséquences pratiques, vu leur indifférence envers le monde, Abu Sa’îd voyait le danger qu’elle contenait, et blâmait sévèrement Avicenne qui avait soutenu que, par la grâce de Dieu, il était affranchi du bien et du mal^

Il dit aussi, qu’il est inutile de se parer à l’extérieur d’habits purs, si le cœur est impur. (Ethé no. 51.)

Un autre égarement vers lequel Avieenne inclinait^, et qui devait devenir de plus en plus commun, était celui de jouir des plaisirs du monde, du vin et de l’amour bien réels et bien substantiels en y voyant le symbole du plaisir mystique, de l’union avec Dieu. C’est encore Abu Sa’îd qui reprend cette tendance pernicieuse :

Il reste en arrière, celui qui a lié son cœur aux belles et qui n’a jamais pu s’arracher à l’amour des «idoles». Il voit, dans la forme (sàretj du limon, le symbole (mana) de l’esprit et reste là, le pied du cœur enfoncé dans la fange, jusqu’au jour de la résurrection.

(Etbé no 90.)

Enfin un des quatrains d’Abû Sa’îd nous montre que, pour beaucoup de personnes, le sufisme était devenu, déjà à son temps, une espèce de formalisme : 1V.p.31.

^

«() échanson, où est la coupe de l’eau salutaire ? où est le miroir (jui rellète l’image de Dieu ?» (Ethé, Gott. Nachr. 1875 quatr. 11 .) Caractère national et vie lift(/rairo. 71

Le Bultan dit : cMon trt’-eor consiste en argent comptant >. — Le sQfi (lit : «Le froc poilu est mon trt’sor». L’amant dit : «Mon trésor à moi, c’est ma longue douleur ; moi, et moi seul, je saie i-e (pii est dans mon seini». (Ethi* no. 70.)

Les ancienues liérésies du temps des Sâsfinides vivaient encore.

Les manichéens, qui étaient nombreux surtout en Mésopotamie et vers le sud de l’Eupluate et dans l’est de llran, gagnaient toujours des prosélytes et furent combattus tant par les zarathustriens que par les mahométans. Les mazdakites suscitaient, dans les contrées montagneuses au sud de la mer easpienne, une série de révoltes, dont une surtout, celle des hiirramitcs sous Ma’jnun et Motassem, fut longue et dangereuse.

Les zarathustriens, qui étaient partout en Iran, montrèrent une grande activité littéraire et se maintenaient comme une force spirituelle importante jusqu’au temps de la domination turque.

Le sentiment national liait souvent ensemble les différentes sectes de l’ancienne Perse dans leur haine comnuine envers les Arabes.

Tantôt ils se révoltaient à leurs

risques et périls, tantôt ils agissaient en commun avec les chiites qui, dun parti politique légitimiste d’origine arabe, étaient devenus une communauté religieuse d’un caractère spécialement persan.

Les anciennes théories perses de la majesté divine qui se transmettait de génération en génération dans la famille royale, furent transportées à la race de Ali, devenue, par le mariage prétendu de Iluseïn ibn ’Alï avec Sahr-banu, fille de Jazdgard III, les vrais successeurs des Sâsânides.

Quelques sectes chiites soutenaient que la divinité s’était incarnée dans ’Alï et les Imams. Ce sont les idées indo-perses qui réapparaissent pour modifier l’Islam. La doctrine du ta ni, du sens esotérique, devint un des dogmes fondamentaux du cliiisme ; on fit une interprétation allégorique du coran, dont tous les conunandemeuts et les défenses positives furent ainsi écartés. Grâce a ce ta vil, les

éléments les plu.s hétérogènes furent introduits dans l’Islam persan, et ce développement aboutit à une religion nouvelle 72

Deuxième Partie.

qui, de celle de Muhammad, ne gardait presque que le nom et quelques formes sans importance. Pendant des siècles les chiites étaient dans une situation assez précaire ; si un prince les tolérait, un autre les pourchassait.

Il n’est pas étonnant alors, qu’ils aient cherché un refuee dans le ketmân : «Ils considèrent la dissimulation en matière de religion comme permise, c’est-à -dire que, par crainte des hommes, ils confessent extérieurement, en faits et en paroles, une autre religion que la leur»^ Parmi les sectes des chiites, aucune n’a eu un tel renom que celle des sept iraâms, ordinairement appelé l’ismaélisme. Les Ismaéliens étaient les chiites extrêmes, et leurs doctrines étaient tellement mêlées d’éléments hétérogènes que, selon le Tabsirat-el-awam, ils étaient appelés hurramites à Ispahan, mazdakites à Qazvïn, mages (c. -à-d. zarathustriens) en Transoxanie ^.

D’ailleurs, ils étaient souvent qualifiés de hafimms, parce qu’ils usaient largement de l’interprétation allégorique et cherchaient une signification intérieure (hatin) dans l’écriture sainte.

Vers la fin du 9«^ siècle le Persan Abu Mai m un Qaddâh (l’oculiste) et son fils ’Abd-alhïh mirent l’ismaélisme en système et en firent une solide organisation jésuitique, bâtie sur l’obéissance aveugle envers le grand-maître ’Abd-allâh et ses successeurs.

Très peu des initiés parvinrent au neuvième et dernier grade, où toutes les religions positives étaient traitées de formes sans importance ; dans le huitième une doctrine assez analogue à celle des anciens zervânites avait été développée ^ .

Sous le califat ismaélite des Fâtimides, l’Egypte était le centre de la secte, et c’est ici que Naçir Husrau d’al)ord, ’

Kitubi biijnnehaduoi (Schefer : Chrestomathie persane I, texte persan p. 158).

-

Schefer : Chrest. pers. I, notices p. 177 et 180. 3 Un résumé très instructif des doctrines et de l’histoire des Ismaéliens se trouve dans la «Literary History of Persia» de Browne I, pp. 391 sqq.

CRract6re national et vie litt( raire. 78

Hasaii Sabbâh un ])eu [tlus tard, furent initiés aux mystères de l’ismaélisme. Nâsir TJusrau, descendant du huitième imâin, était un liommo intelligent et curieux (raj)prendre, homme de lettres, philosophe et poète.

Après avoir voyagé beaucoup et

étudié toutes sortes de religions et de systèmes religieux sans rien touver qui pût satisfaire son esi)rit inquiet et chercheur, il finit par se faire ismaélite et, après un séjour de plusieurs années en Égyj^te, il retourna en Khorassan avec le titre de (lai (missiomiaire). Ses efforts pour relever l’ismaélisme en Perse à la même hauteur qu’il avait atteint en Egypte n’eurent pas de succès, et, poursuivi de ville en ville, il finit par embrasser la vie d’un ermite dans les contrées montagneuses et inhospitalières du Badahsân. C’est là qu’il écrivit ses poèmes didactiques Riikinfuname (livre des lumières) et Saadatnamc (livre de la félicité) et son dïvân consistant surtout en qasîdas métaphysiques et morales^

Les idées métaphysiques de Nâsir Husrau sont le tauhîd et la doctrine de l’émanation, commune à la philosophie d’Avicenne et à celle des snfïs.

Dans ce monde-ci, sorti d’un

mélange de matière et d’esprit, l’homme est la créature la plus parfaite, l’homme est «le fruit de l’arbre du monde», tandis que tout le reste n’est que du feuillage (Rûsanâînâme V. 2i>7 — 98).

Il est «un rayon de la lumière divine», et il a le but de ’rejeter son propre être et devenir Dieu» (Rus. v. 263). Mais ceux-là seuls qui ont atteint au plus haut degré possible de la perfection en vertu, peuvent parvenir à cette absori )tion dans la divinité ; les autres erreront de lieu en lieu, «leur limon s’unira au limon, leurs cœurs à d’autres cœurs» (Rus. v. 271), jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment purgés. Il faut «adorer Dieu pour lui-même sans se soucier des relations du paradis et de l’enfer», car les hommes sont «élus pour s’élever au-dessus des deux mondes» (Sa’âdatnrime v. 5 — (î). Ce monde-ci n’est rien.

Nâsir Husrau revient souvent sur

»

V. ZDMG. XXXIII. p. 645, XXXIV. p. 428, 617, 64.3 et XXXVI. p. 478, Gott. Nachr. 1882 p. 124, Actes du VI congrî-s internat, des orientalistes (1885) II. p. 204.

74

Deuxième Partie.

cette pensée favorite des orientaux. Les plus grands princes

et les plus viles esclaves sont égaux devant la mort. Salomon a dû abandonner son pouvoir, Alexandre a dû s’en aller, et soîi royaume avec lui, et Gamsêd et Fagfûr avaient été de la poussière et sont redevenus de la poussière. Au lieu de s’attacher aux choses de ce monde-ci, il faut travailler à «se connaître soi-même» (Rû.s . v . 339), car c’est la base de tout savoir, et le savoir est la base de la vertu. Le vice n’est

que de l’ignorance.

Puis il faut s’élever au-dessus de tous les désirs, car ils ne sont que des chaînes qui entravent le pied. Celui qui sait dominer ses désirs, n’est pas «comme un chien devant le premier infidèle venu», il est son propre sultan.

Nâsir Husrau précise ses théories morales en énumérant, conformément au chiffre sacré des ismaéhens, sept vices qu’il faut éviter : l’avarice, la colère, la passion, la fraude, la sensuahté, l’orgueil et l’envie, et sept vertus auxquelles il faut aspirer : l’humilité, la clémence, la frugalité, l’absence de cruauté, l’abstinence, l’obéissance et la sagesse (Rïis. v . 374 sqq.). Nâsir Husrau était un penseur et un idéaliste. Son suc-

cesseur comme chef de la propagande ismaélite en Asie fut un homme des plus énigmatiques et qui n’a pas encore trouvé un biographe impartial : le redoutable Hasan Sabbâh, le fondateur de la secte des assassins. Le sufisme, la philosophie d’Avicenne et l’ismaélisme étaient les hérésies les plus importantes au temps de ’Omar Hayyam.

Communes à tous ces courants d’esprit étaient les idées d’émanation et de panthéisme et l’habillement mystique des pensées.

En même temps le sunnisme ortho-

doxe atteignit, grâce à Gazâlî, l’ami de ’Omar, son développeiuent final.

Mais celui-ci même n’a pas jtu se soustraire à l’influence des idées hérétiques. Gazalï appartient à l’an-

cien sufisme, mais il combat avec énergie les idées fantastiques de rabsori)tion en Dieu au moyen de l’amour mystique etc.

Dans sa métaphysique, il adopte le système d’Aristote dans la même mesure que les philosophes ; il adopte même la doctrine uéoplatonique de l’émanation en le moCaract^re national et vie litti-raire. 75

(lifiant un peu : il donne aux intellects le nom d’anges. Il

soutient fermement rimi)ortance de la morale et ne s’occupe pas de la question de la volontr libre. Mais à côt( de ces tendances principales il y a eu alors connue aujourd’hui une infinité d’hérésies, de restes d’anciennes reli^Mons, de systèmes éclectiques formés d’éléments perses, indiens, sémitiques et grecs. Encore le Persan ne se

tient-il i»as h une seule théorie ; il passe d’une foi h une autre, éprouvant tout, prêtant l’oreille aux doctrines supranaturalistes les plus contradictoires. La combinaison des

idées hétérodoxes est facilitée par les théories de l’interprétation allégorique (ta’vil, hâtin), et le caractère hérétique de ces idées est caché par le kctmân. Il en résulte une certaine confusion.

Une couche se superi)0se sur l’autre dans son esprit, et si les nouveaux dogmes délogent les anciens, ils ne peuvent pas vaincre certaines conséquences des anciens dogmes, qui n’existent que par ceux-ci. Les Persans ne coml »rennent pas l’utilité d’un système logique et conséquent, ils adoptent tout avec intérêt.

«C’est l’usage immodéré de la mé-

thode inductive qui a amené cette disposition morale. Elle

a aiguisé les intelligences très-finement, mais, en même temps, elle les a trempées d’une sorte de scepticisme inconscient qui résulte du besoin même de ne pas mettre de bornes à la curiosité métaphysique. Elle a montré tant de choses diverses, elle i)romène si bien les imaginations au milieu des i)aysages les plus variés, elle est toujours si disposée à les conduire au fond des abîmes ai)rès les avoir fait planer au plus éthéré dus hauteurs, qu’il ne reste })lus ni l’envie, ni le besoin, ni le tcmj)S de s’attacher définitivement à aucun des résultats qu’elle présente. On se laisse bercer dans cette vague atmosphère, ou mieux, l’on éprouve sans cesse le sentiment qui fait marcher avec joie les voyageurs dans certaines contrées de montagnes ; le chemin est étroit, sans horizon, la route invisible ; les rochers s’élèvent à droite et à gauche, menaçant de dérober la vue du dernier lambeau d’axur qui domine leur sommet ; on ne sait comment on sortira ; on avance 76

Deuxième Partie.

pourtant, et enfin le passage se montre ; puis nouveaux doutes, nouvelle issue, et bientôt l’on ne marche plus pour avancer, mais seulement pour le plaisir de dénouer la perpétuelle énigme de la route. ^. >

D’une côté c’est la satisfaction intellectuelle qu’on sent en méditant sur les grands problèmes, de l’autre côté la crainte de perdre Dieu de vue et l’espoir de distinguer un rayon de la lumière divine, qui ne laissent jamais l’esprit persan en repos.

Et il n’arrive que trop souvent, que l’idée de l’inutilité de nos efforts vient tuer la joie intellectuelle. Chez les Persans comme chez les Arabes, la réflexion prend la couleur d’un pessimisme monotone. L’incompatibilité de Dieu avec le mal, l’impuissance de l’homme vis-à-vis le destin inexorable, la prédestination d’une part de Thumanité à l’enfer, voilà quelques-unes des questions terribles qui torturaient l’orient comme un cauchemar.

Ni murgites, ni qadarites, ni

mu’tazilites n’ont pu adoucir le fatalisme triste et désespérant. La vie est courte, et l’homme est fail :)le, la révolution du

temps nous a placés sans armes sur la route de caravane de la vie (Riidagî). La mort nous arrache ceux que nous aimons, et bientôt nous serons, nous-mêmes, rejetés dans l’inconnu sans comprendre, pourquoi nous avons reçu la vie. «Comment puis-je passer mon temps en joie, sachant que la mort est parmi mes créanciers ?» (Abii-l -’Alâ.) Viens et dis, quel profit Parvïz a tiré du sort. Va et demande ce que Husrau a obtenu de la vie.

S’il a acquis des royaumes, il a dû les laisser à d’autres, et s’il a amassé des trésors, il a dû les laisser à d’autres. (Firdausï, Sitz. d . kônigl. bayr. Akad. 1872 p. 301.) Si les hommes passent leur vie en joie, c’est qu’ils sont aveugles.

«Nous rions, mais notre rire est un signe de notre sottise : il serait juste, si les habitants de la terre pleuraient.» (Abn-l -’Alâ.) Aussi le vrai sage pleure-t -il le monde et la vie Sahid, l’ami de Rûdagï dit :

^

Gobineau : Les Religions et les Philosopbies p. 3 —4.

Carnittrt’ national et vie liltt-raire. 77

S’il s’élevait de la fumée île la douleur comme «lu feu, le monde serait toujours plongé dans l’obseurité. Si tu parcourais le monde d’un bout à l’autre, tu ne verrais pas un sage joyeux.

(Ethé, Morgenl. Forscli. 1><75.) Presque tout ce qui uous reste de la poésie de Salud, est comme ça, uue j)lainte triste et monotone. La douleur de Bal»a Taliir est plus intense encore : elle va au-delà du désespoir !

Dans» le champ de mon esprit il ne pousse que de la douleur ; dans mon jardin il ne croît que les (leurs du chagrin’. Dans le désert de mon cœur stérile pas même la plante du désespoir ne peut croître.

(Iluart no. 35.)

^vicenne s’écrie dans un moment de lassitude : <) que je ne susse pas, qui je suis ! Comment le monde me jetterait-il alors en confusion ? Je vivrais joyeux, ei la fortune me favorisait, et sinon, je pleurerais de mille yeux.

(Ethé no. 9 .)

Même cet homme, qui était doué d’une force vitale presque fabuleuse, cet hounnc qui réduisait le sommeil à un mininmra pour tirer le plus de profit possible de la vie, est atteint de ce pessimisme incurable :

J’ai parcouru tous ces souvenirs là et regardé tous ces monuments-là, et je n’ai vu que des misérables qui se déchirent la barbe de la main du désespoir ou grincent des dents de remords’-. C’est aussi le cas de Nâsir Ilusrau. Au milieu de ses

discours consolants, au milieu de ses visions splendides, uue humeur sombre et amère le prend, et il pousse des cris de désespoir :

<) malheur à nous, mi.sérables et confus que nous sommes ! morts ou vivants nous sommes liés au malheur ! (Rusanâiname v. 482.)

S’il faut chercher la première cause de ce pessimisme dans le déchirement de l’esprit, le manque d’harmonie inté- •

A cause du mètre il faut lire i>, comme le porte l’édition de Bombav, au lieu du i.2>^ de M. Huart. 2 Vers arabe cité par Ibn llalliqân (de Slane I, p. 144) d’après le Nihâyat cl iqddm de Sahrastiini.

78

Deuxièiue l’art ie.

rieure du Persan, les circonstances extérieures n’ont pu que le développer et l’accentuer.

Si les Persans du temps de

’Omar n’avaient pas encore connu les hordes de Gengiz-Hân et de Timûr-i leng, ils avaient i)Ourtant assez souffert. Sous les Sfisîinides c’était des incursions d’He})htalites, des guerres avec Byzance, des révoltes et des guerres de succession. Puis vinrent les Arabes.

Morceau par morceau les enfants

sauvages du désert conquirent le vieux pays d’Iran, et les ravages des armées furent suivis par les pillages réguliers des percepteurs et des gouverneurs. Ceux qui restaient fidèles à leur ancienne religion, furent opprimés, et les néophytes furent considérés comme une caste inférieure. La haine na-

tionale amenait une révolte après l’autre, des combats sanglants, des cruautés des deux côtés, enfin un chaos politique et religieux qui aboutit par l’émancipation de l’Iran. Mais

le tem})s des troubles n’était nullement passé. Une dynastie nationale s’élevait sur -les ruines de l’autre, des vassaux infidèles luttaient contre leur souverain et se combattaient l’un l’autre.

Puis vinrent les Turcs qui sévirent plus cruellement, peut-être, que n’avaient fait les Arabes. C’est la période dont parle le livre prophétique Bahman Yast : «Le signe que ton millénaire (le millénaire de Zarathustra) touche à sa fin et que la pire période approche sera celui-ci, que cent espèces, mille espèces, dix mille expèces de démons aux cheveux flottants, de la race de la Colère, envahiront le pays de l’Iran, venant de la direction de l’est» ; et il est dit, comment ils brûleront tout et détruiront bien des choses : le pays, la prospérité, la noblesse, l’empire, la tranquillité, la vérité, la sécurité, la joie et toutes les autres choses ahuriennes, de sorte que la religion des adorateurs d’Ahura Mazda et le feu Vahrân périront^ Cela ra}»pelle la légende bien connue du sultan Mahmûd et de son favori Ayâz qui se vantait de comprendre le langage des oiseaux.

Mahmûd montra un jour à Ayâz

deux hiboux et lui ordonna d’écouter leur conversation et ’

Bahman Yaël II, 2i (SBE. V p. 201).

(’iiract«’i(’ national et vio littrniiro. 79

lie la lui rapporter. Ayant écouté pendant quelques monienls, Ayaz revint raconter que les hiboux avaient parlé du mariage (le leurs enfants.

Le père du jeune hiboux mâle avait

demandé une d(»t de cinq cents régions désertes, et le père de la femelle avait dit que c’était peu de chose : il eu donnerait Volontiers mille, car tant que Mahmud régnait, les régions désertes ne feraient i>as défaut.

Maint prince qui,

les armes à la main, s’était élevé au trône, régnait en tyran, jusqu’à ce qu’un ennemi ambitieux, s’appuyant sur la haine des opprimés, le renversât pour se mettre à sa place. Nâsir Ilusrau attaque quelquefois les princes avec d’autant plus d’amertume qu’il avait raison de s’en plaindre personnellement :

Quanti le roi se montre à la porte de son château, il ressemble, aux yeux du peuple, à un démon.

A l’un il a cassé la tête connue à un serpent venimeux, et l’autre, il l’a traité comme un scorpion, dont on a brisé la (pieue. Comme il ne rend pas justice à celui qui demande son ilroit, le.s cœurs des hommes se serrent de peur et de douleur. Et si l’on lui présente une supplique, et qu’il s’avance [pour la prendre], que voit-il sinon une foule de gens audacieux qui le menacent des poinjrs ?

(Sa’adatnârae v. 262—65.)

Et il peine les Salgûqides avaient il rétabli l’ordre en Iran, que les assassins organisés de Ilasan Sabbâh commencèrent à troubler l’Orient entier.

Partout et toujours le même

manque de sécurité ; personne n’était sûr de n’être pas forcé un beau jour à abandonner maison et propriété ; l’esclave pouvait se réveiller prince, et le prince pouvait tomber inopinément dans l’état de mendicité. Faut-il s’étonner, alors, de ce penchant à considérer la vie comme une illusion, comme un songe fantastique ? Abu-l-’Alâ dit avec une ironie amère : Y a-t -il quehjue vérité dans le monde ? — la malédiction de Dieu soit avec lui ! — fJn tout cas il faut la chercher au moyen de lampes dans l’obscurité des nuits ! (ZDMG. XXXI p. 472.)

Alors le plus sage parti à prendre était de quitter les biens du monde et de ne rien posséder, — sauf, peut être, une coupe de vin pour y noyer tous les soucis, — au lieu 80

ntHixième l’aitie.

de trembler chaque jour pour sa famille et son bien-être. Ainsi l’abstinence devint la conséquence de toutes les spéculations raétai)bysiques : mystiques, philosophes sceptiques et pieux musulmans, tous aboutirent à l’ascétisme. L’Orient a

toujours été le foyer de l’ascétisme aussi bien que celui de la volupté. Et souvent l’ascétisme va de })air avec ces doctrines d’une morale humanitaire qui ont toujours eu une haute place dans la littérature i)ersane. Un athéisme conséquent est très rare chez les orientaux. Un libre penseur comme Abu-l -’Alâ al-Ma’arrï qui attaque toute religion et tous les prêtres, est un phénomène presque unique.

Abîi-l-’Alâ est un Arabe, c’est-à-dire qu’il use plus des coups de bâton des injures que des traits de la satire. La satire implique un certain fonds d’humeur qui fait défaut aux Arabes.

Les Persans, au contraire, possèdent souvent le don de voir les côtés faibles des religions et un penchant à les railler. Nous trouvons une telle ironie chez le «maudit Abalis», un zendik c^ui eut une controverse religieuse avec le grand prêtre des Parsîs, Atur-farnbag, devant le calife Ma’mûn : «La raison de ceindre le costi ?»^ demanda-t-il. «Car, si dans le port du

costi, il y a une bonne œuvre, ce sont les ânes, les chameaux et les chevaux qui ont le plus de chance d’aller au paradis, eux qui, jour et nuit, portent la sangle serrée sept fois autour du ventre.»^ — C’est que, malgré leur imagination désordonnée et leurs hyperboles extravagantes, malgré leur manque de logique et de bon sens, les Persans sont en effet des rationalistes.

Dans le traité de morale qui porte le nom de Buzurgmihr il est dit, que celui qui est le plus sage est le plus capable à faire de bonnes œuvres^. Dans le Sahnâme,

un grand-môbed fait le panégyrique de la raison en commençant ainsi :

La ceinture sacrée qu’on porte serrée trois fois autour de la taille. Gujastak Abalish. publ. avec traduction etc. p. A . Barthélémy, Bibl. de l’Ecole des Hautes Etudes, fasc. 69 (Paris 1887) p. 37 . ^

Ganje$h(îi/a(j(i», trad. de Peshotan p. 7 .

Canult-n^ iialional rt vi«î litlt’-iairo. 81

Quant à la diosi’ <|ni a beaucoup de noms et (jui fait sentir son action en tout lieu,

sache, û vieillard, (jne la raison porte bien des noms et ipielle fait ]>arvenir l’homme pnr au but de nés désirs. L’un l’appelle clémence, l’autre bonne foi, car, la raison absente, il ne reste que douleur et oppression ’ . Ôahid dit :

Ô savoir, tu ressembles à une perle précieuse, parce qu’étant inappréciable tu sers à mesurer la valeur de toutes choses. «Sans toi, je ne me soucierais d’aucun trésor», soupirerait avec raison celui qui te possède.

La morale est une armée protectrice pour celui qui la connaît. Celui qui est sans morale, est seul parmi mille hommes. (Morgenl. Forschungen 187.5 .)

De même jioiir Nâsir Husrau la connaissance est, comme nous l’avons dit, la condition indispensable de la vertu. Le

souffle d’un ’alim vaut un monde, cent ignorants ne valent pas un doigt.»

(Sa’âdatnâme v. 101.)

L’occupation continuelle des problèmes métaphysiques a rendu les Persans sceptiques.

Ils ont cherché vainement la

vérité jusqu’à ce qu’ils aient désespéré de la trouver, mais tout de même sans se désister de leurs recherches. Ils croient parce qu’ils n’osent pas douter, et pourtant ils doutent sans le vouloir.

Ils ont une certaine tendance à se moquer un peu des chr)ses saintes, qu’ils craignent en même temps, un balancement singulier entre le blasphème et la dévotion. Ils ne se révoltent pas ouvertement contre le ciel ; hésitants et craintifs ils se risquent sur le sol dangereux du blasphème en balançant leur audacieuse raillerie i)ar des raisonnements pieux ou par une sortie édifiante. Ils n’y entendent pas malice, seulement ils y trouvent une certaine piquanterie. L’anecdote de ’Omar Ilayyâm et du verre de vin renversé est typique à cet égard. Je citerai encore deux anecdotes modernes qui caractérisent cet état d’âme. Un homme pauvre qui traversait à }»ied un désert, vit un derviche d’un aspect farouche qui s’approchait en bran-Ed. deMohlVIp.10.

Christensen, Rcclierches.

C

82 Deuxième Parties dissant une massue énorme. L’homme, effrayé, monta dans un arbre. Le derviche s’assit sous le même arbre, tira de sa poche cinq petites figurines pétries d’argile, qu’il rangea devant lui, a})r6s quoi il s’adressa à l’une d’elles en ces termes : «0 ’Omarl maintenant tu es en mon pouvoir, usurpateur du califat ! Sur-le champ tu me rendras comi)te de tes crimes, et tu subiras la peine qui t’est due pour i)rix de ta turpitude. Pourtant je me montrerai loyal envers toi en te donnant une chance d’échapper. ]1 est possible qu’il y ait eu dans ton cas des circonstances atténuantes qui ne doivent pas être oubliées. Renseigne-moi alors, s’il en est ainsi, et je promets de n’être pas impitoyable . . . Comment ! tu ne dis pas mot ? Mais alors il est évident que tu n’as pas la moindre excuse pour ta conduite indigne, et je vais te tuer à l’instant.» Ayant dit ces mots, il brandit la massue, et d’un coup il écrasg, la figurine. Puis il se tourna vers l’autre : «O Abu Bekr, dit-il, toi aussi, tu as été coupable dans cette affaire, parce que tu as occupé, le premier, la place qui appartenait de droit à ’Alî. Cependant, tu es un vieillard, et peut-être n’as-tu été qu’un jouet dans la main de cet impie de ’Omar que je viens de détruire. S’il en est ainsi, dis-le-moi, c^ue je puisse te traiter avec clémence . . . Comment ! tu ne dis rien non plus ? Prends garde ou je t’écrase comme j’ai écrasé celui dont tu as été l’instrument . . , Tu refuses encore de répondre ? Alors ton sang retombera sur ta proi)re tête !» Un nouveau coup de la massue, et la seconde figurine suivit la première. Puis ce fut le tour de la troisième figurine : «O Murtadâ ’Alî, maintenant que ces misérables qui te retenaient tes droits ont été tués sur le champ, dis-moi, je t’en prie, comment il s’est fait que toi, le successeur élu du prophète, tu as permis qu’on t’évinçàt. Après tout, tu as en quelque sorte consenti à leur usurpation, et je voudrais savoir pourquoi tu l’as fait, et pourquoi tu ne t’es pas opposé à eux, même au péril de ta vie. Dis- le-moi, alors, je t’en prie, afin que mes doutes soient dissipés .. . Comment ! toi aussi tu te tais ? Mais il faut que Caractrie nalioiuil et vit’ littéraire. 83

tu parles, ou je te tfaitoi’ai comme les autres . .

.

Tu uc

réponds pas encore ? Péris donc !» Et la massue tombait pour la troisième fois, tandis (|ue l’homme qui était assis dans l’arbre, était à peu près hors de lui d horreur. Mais son eti’roi

augmenta encore quand le derviche, se tournant vers la quatrième figurine d’argile, dit : () Muhammad ! ô prophète de

Dieu ! C>mme tu jouissais de l’inspiration divine, tu devais savoir, sans doute, ce qui arriverait après ta mort. Comment se fait-il alors, que tu n’as pas pris tes précautions ? Il y a là-dessous, sans doute, quelque sagesse cachée que je ne conii)reuds pas ; je te prie donc de m’en instruire . ..

Tu ne

dis pas mot ? Mais il faut que tu parles, ou l)ien ta mission sacrée ne te protégera nullement de ma juste colère . . . Tu te tais toujours ? Prends garde, car jo ne plaisante pas . .

.

Tu continues de me défier ? Péris donc avec les autres !» Un nouveau coup, et la figure du prophète disparut dans le sol.

Le derviche se tourna vers la dernière figurine : «O

AUilh, toi qui connaissais tous les troubles qui devaient arriver à la famille de celui que tu destinais à être le successeur de ton prophète, dis-moi, je t’en prie, quel mystère divin était caché sous tout cela, qui déconcerte notre faible compréhension ...

Ne veux- tu pas écouter ma prière ? Est-ce que

tu te tais toi aussi ? Mais il faut ciue tu me répondes, ou ...»

cMisérable !» cria soudainement l’homme de l’arbre, dont la terreur faisait place, pour un moment, à l’indignation ; «u’cs-tu pas satisfait d’avoir détruit le prophète de Dieu et ’Alï, son successeur sacré ? Veux-tu encore tuer le créateur ? Prends garde ! Retiens ta main, que le ciel ne tombe sur toi et ne t’écrase !» — En entendant cette voix qui sortait apparemment du ciel, le derviche eut tellement })eur, qu’il laissa tomber la massue et tomba raide mort. L’homme quitta l’arbre, et en examinant le froc du derviche mort, il y trouva une bonne somme de pièces d’or qu’il prit comme une juste récompense, parce qu’il avait sauvé la vie à Dieu^ ’

Browne : A Year amongst the Persians p. 179 etjq. c*

84

Deuxième Partie.

Un ^iilâm ou cavalier nomade en voyage rencontra un jour, à la porte d’une ville, un vieux prêtre courbé par l’âge qui, d’une main, s’appuyait sur sou bâton, et, de l’autre, tenait tout près de son œil droit un livre que, tout en cheminant, il

])araissait lire avec beaucoup d’attention. En

même temps, il pleurait. Le gulâm lui cria : «Salut à vous, sayyid !» — «Et à vous le salut !» répondit l’autre.

«Pour-

quoi, sayyid, vous en allez-vous ainsi i)leurant ?» — «Ah ! mon fils ! c’est que je suis vieux et que je n’y vois plus du tout de l’œil gauche.»

«Voilà, certes, un grand mal, dit le cavalier, mais puisque vous n’êtes plus jeune, u’avez-vous pas eu le temps de vous y faire ? Ce n’est pas pour cela que vous gémissez si fort.»

«Je pleure sans doute })Our une autre cause encore», répliqua le sa3vid ; «c’est que je lis en ce moment le Livre de Dieu, et en considérant combien c’est beau, juste et bien dit, je ne saurais me défendre de verser des larmes de tendresse.»

«Vous en avez sujet

assurément, repartit le cavalier ; mais à votre âge, sans doute ce n’est pas la première fois que le coran est dans vos mains, et le connaissant de reste, votre admiration a eu le temps de s’émousser. »

«Vous avez raison, mon fils ;

mais c’est que, voyez vous, à bien considérer plus d’un passage, on croit comprendre que si l’apôtre de Dieu avait écouté plus attentivement la révélation de l’archange Gabriel, il nous y serait commandé tout le contraire de ce que nous y trouvons. »

«Vous avez peut-être raison, sayyid, mais pourquoi en gémir ? Ce qui est juste en soi, faites-le sans vous soucier des prescriptions maladroites.»

Ici le sayyid se mit à san-

gloter beaucoup plus fort et, d’une voix entrecoupée, il s’écriait, tout en branlant les mains : «Si ce n’était encore que cet imbécile de Prophète ! Mais n’est-il pas évident, en plus de dix endroits, que Gabriel lui-même n’a pas compris le }»remier mot de ce que le Tout-Puissant lui dictait !» — Ici le cavalier se mit à rire, et il allait encore chercher à presser le sayyid de prendre ses propres réflexions en patience ; mais, tout en devisant, ils avaient dépassé la porte de la ville, et Caractère national t’t vio littéraire. 85

cuinine ils .<o trouvaient à l’entrcc d une ruelle, le vieillard, se détournant, y entra sans i)rendre congé de son compagnon qui l’entendit murmurer : «Que le Prophète, que l’ange Gabriel n’aient pas su ce qu ils disaient, il n’y aurait que demimal ; mais quand ««n voit (pie l’autre lui-même .. .»

Ici le

sayyid disparut derrière l’angle d’un mur, et le cavalier ne jtut savoir ce (|u’au juste son interlocuteur vivait prétendu insiimer^

Chez la i>lupart des Persans le désir de jouir de la vie et la disposition des méditations métaphysiques ont été en conriit entre eux.

Généralement, on jouissait de la vie dans la jeunesse, et plus tard, quand l’odieuse vieillesse arrivait, quand la débilité et les infirmités commençaient à tourner les pensées vers la mort, alors venait la crainte des conséquences : Ô malheur ! dire qne de cette place brillante il nous faut descendre dans la profondeur de la terre ; que, sans que nos corps soient purifiés île la poussière du péché, il nous faut paraître devant le pur Dieu ; qu’avec une telle nature [mobile] comme le feu et l’eau, il nous faut mesurer l’air et devenir de la poussière*. Pour choyer son corps, on a tourmenté son âme, on a «fait de l’âme divine un gardien de chiens» (Riidagï), on s’est enivré de Wn et de volupté, ou a, peut-être, écrit des panégyriques pour de l’or et des satires pour satisfaire une basse envie ou un désir de vengeance. Il s’agit donc de faire l)énitence au i)lus tôt et d’obtenir, en s’humiliant, la grâce de Dieu :

Je suis troublé en entendant la parole. «Ils diront : oui !»^

Car mes péchés sont plus nombreux que les feuilles des arbres.

Gobineau : Les Keligions et les Philosophies p. 113 sqq. 2 ’Un.suri, daprès le Tnnh-i (jiizida, JKAS. 1900 p. 761. Remarquez l’assemblage des quatre éléments dans le dernier vers. ’

Le coran s. VJ, 30 : Et si tu les voyais, le jour où ils seront amenés devant leur Seigneur, il dira : «N’est-ce pas la vérité ?» Et ils diront : «Oui par notre Seigneur !» Et il dira : «Subissez donc la punition, parce que vous étiez incrédules».

86 Deuxième Partie. Demain, quand les anges du jugement liront les livres [de nos actes], je me tiendrai la tête penchée, mon livre dans la main. (Bâbâ Tnhir, Huart no. 13.) Tandis qu’Avicenne engage, avec un peu de nonchalance, ses semblables à ne pas commettre, dans la vieillesse, des actes de jeunesse, son C()ntem})orain Kisâï i)rend la cho.se plus sérieusement. Quand la 50" année «le serra entre ses griffes et lui rogna les ailes», quand «sa tête devint blanche comme le lait, son cœur noir comme la poix, sa joue bleue comme l’indigo, et son cor})S mince comme un roseau», alors il commença à réfléchir. Il «tremble pour la mort, nuit et jour, comme un méchant enfant pour le croque-mitaine», il voit que ses chansons n’ont été que du bavardage puéril. Il croit gagner la vraie richesse en se convertissant au chiisme, et il devient un ascète et un dévot, qui ne fait de la poésie que })()ur célébrer ’Ali, «le lion du Seigneur». Kisaï est un exemple typique. Partout dans la littérature }>ersane nous retrouvons ce phénomène : le repentir, la contrition, le toha — tel en est le terme technique. Après avoir mené une vie joyeuse à la cour du sultan Cakyr Bég Nâsir Husrau fait toha et va en })élerinage. Abu Nuvas même a écrit des poésies pieuses. Mais le toba n’est ])as seulement le moment critique entre la jeunesse joyeuse et la vieillesse triste, il n’est jjas seulement une catastroi)lie décisive qui arrive une bonne fois dans la vie de l’homme : il peut avoir un caractère plus trivial. Le repentir venait aisément avec la migraine qui suivait les orgies ; et aussitôt que la tentation revenait, on retombait dans le péché : Cette nuit, cet adorateur du vin vint à moi et me ])orta à rompre le toba (pie j’avais fait hier. Car il voulait (pie je tinsse toujours ma mie d’une main ef la eoupe de l’autre. (Mu’izzi.) »jj soL) . ji Jw«î ^J -, -j jaXx.vw .-W.X.vCO f»0&J s3,^

Ù,t^ù> j.0^ sJ-i ^^O J jj^ ^^^

C ;ir !ot<’r«’ niitional t’t vie littt’rairc. 87

.,J ,0^ ^ .o

o_ !.3.

^., !

c^^-" -

rV-r ? *’^»

.^•^J> -^^j^ C’^

Le ’a'ej)entir ronijui» est une ex[>ressii>n stiTcotypc dans la poésie.

Le tol)a est devenu une afraire de mode, un ternie de convention rangé dans le répertoire de lieux communs destiné à l’usage des poètes.

C’est à cet al)us du mot que

As^adi fait allusion dans ce quatrain-ci : Après la continuelle ivrognerie et la glorification de l’ivrognerie vient le repentir, et après l’amour des idoles aux gorges argentées vient le reiientir.

Le cœur a envie de pécher, et le repentir est sur les lèvres : on devrait, ô mon Dieu, se repentir d’un tel faux repentir’. Seuls, les sûfts eu décadence avaient trouvé le moyen de fondre la jouissance dans la philosophie, la volui)té dans la mystique, en confondant les emblèmes et la réalité. Pour eux non seulement les idées d’amour et d’ivresse étaient des symboles de rabsor})tiou mystique eu Dieu, mais l’amour et l’ivresse bien réels étaient des états extatiques, un avant-goût du grand mystère.

Ainsi les côtés multi})les du naturel persan se réfractent dans le prisme de la poésie, étincelants, rayonnants dans toutes les coideurs du spectre.

Ce})endant il ne faut pas i)rendre tout cela trop au sérieux, et surtout vis-à -vis de la poésie pessimiste il est bon de s’armer d tni })eu de scepticisme. La tristesse de Sahid porte l’empreiute de la sincérité, mais il nous reste trop jteu de ses vers pour en juger. Le dé-

sespoir de Babil Trdiir semble vrai, mais on s’efforce en vain d'y i>énétrer jusqu’au fond, on ne voit pas clairement, s’il est le résultat d’une passion ardente et malheureuse, ou s’il est le contre-cou[» de l’extase du mystique. Dans la poésie persane, ces choses-là se confondent souvent de telle manière qu’on ne peut pas les débrouiller.

Et puis, combien y a-t -il de

Daulatsiih éd. lîrowne (I.ondrcs & Leide 1901) ]>. 47. Ce nuatrain se trouve au.ssi dans le divan de Gàini.

88

Deuxième Partie.

sincérité, combien de pose ? La poésie est pénétrée de ketmân. Comme le Persan cache ses revers et «ne montre à personne sou froc ensanglanté», ainsi il aime à déguiser son contentement sous le masque des sombres rêveries. Ni’/âmï-i ’Arûdî

définit la poésie comme l’art au moyen duquel le poète arrange des propositions imaginaires et en adapte les déductions, avec ce résultat qu’il peut faire paraître grande une petite chose et petite une grande chose, ou qu’il peut montrer ce qui est bon dans le déguisement du mal et ce qui est mal dans le déguisement du bon.

En agissant sur l’imagination

il excite la faculté de la colère et de la concii})iscence de telle manière que par sa suggestion les tempéraments des hommes deviennent affectés d’exultation ou de découragement, par où il amène l’accomplissement de grandes choses dans l’ordre du mondée»

Cette définition montre en tout cas qu’il ne faut pas prendre la j)oésie trop à la lettre. Mais la vérité est plutôt

celle-ci, que la poésie doit satisfaire les tendances esthétiques des Persans, leur soif de beauté, leur goût pour ce qui est piquant et artificiellement préparé, })our les phrases élégantes et sonores.

Même les méditations tristes deviennent une source de plaisir esthétique, surtout si elles sont affublées dans les oripeaux des métaphores et bien farcies de jeux de mots et d’allitérations.

Au milieu de la poésie sublime

et prophétique d’un ’Attâr, dans laquelle les mystères de la vie et de l’éternité sont traités, on trouve des calembours assez plats selon notre goût européen. Pour compléter son

bien-être, Minûcihrï veut entendre déclamer, tout en buvant son vin, quelques vers sur «la roue du ciel», c. - à -d . sur la méchanceté et l’iniquité du ciel (v. p. 117, n. 2). N’étant pas un poète de cour, ’Omar pouvait jusqu’à un certain point faire valoir sa personne dans sa poésie. Il n’a pas pu, pourtant, se soustraire à la contagion du ketmân et de la pose.

Il y a dans les Rubâ’iyât beaucoup de vrai. 1 Les Cahâr maqfila, JRAS. 1899, p. 654.

Caractère national et vie litt< ?raire. 89

inais austîi beaucoup d’artiliciel, et l’un et l’autre sont eutremôK’S et amalganu’s avec cette habileté [>articulièrc aux Persans.

Mais s’il* n’en était pas ainsi, ’Omar ne serait i»as rexcelk'ut rei>rcsentant de son peuple qu’il est. Les Ruba’iyât sont devenues un ré.servoir dans lequel tous les courants se sont réunis.

Et si l’on a augmenté les Ruba’iyât originales de quatrains empruntés de tous côtés, cela ne diminue guère leur valeur comme ty}te, parce que les augmentations sont, pour la plui)art, dans l’esjjrit de ’Omar Hayyâm, et resi)rit de ’Omar Hayyâm est l’esprit persan tel qu’il était au moyen âge et, essentiellement, tel qu’il est encore aujourd’hui.

Troisième Partie.

__________________

L’œuvre intitulée „Rubā’iyāt de ’Omar Hayyam".

I. La forme des rubā’ts.

Tandis que la plupart des formes poétiques des Persans sont empruntées aux Arabes, le rubā’t est une forme d’origine persane. Un rubā’t est un quatrain ou, pour mieux dire, une suite de deux distiques. Il peut contenir l’éloge de quelque grand seigneur ou avoir pour sujet l’amour, le vin, la jouissance de la vie, ou bien il peut traiter la théosophie sūfique ou en général servir d’expression à des pensées métaphysiques et morales. Sa forme brève et épigrammatique le rend admirablement propre à fournir à une idée ingénieuse une expression juste et piquante.

a) La rime peut être commune au 1er, au 2e et au 4e hémistische ou aux quatre hémistiches (ααβα ou αααα). Au dernier cas, le quatrain est appelé rubā’t-i tarāne. La première forme est la plus commune chez ’Omar Hayyām. De ses 158 quatrains, le ms. Bodl. n’a que 41 rubā’t-i tarāne 1[40]. La rime peut-être mise à la fin de l’hémistiche :

(W. 262.)

Une autre façon, presque plus goûtée des Persans, est celle de reculer la rime qui sera suivie, alors, d’un ou de plusieurs mots, les mêmes dans tous les hémistiches contenant la rime, appelés le redîf. Le redîf a parfois une telle longueur, que la rime est rejetée vers le milieu de l’hémistiche. Nous citons comme exemples :

(W. 330.)
(W. 2.)

Quelquefois la rime se trouve dans les quatre hémistiches, tandis que le redif manque dans le 3e :

(W. 451.)

De même W. 344. — Dans W. 167 nous trouvons une rime double dans les quatre hémistiches, le redif manquant dans le 3e :

Une rime intérieure se trouve çà et là, par exemple :

(W. 118.)

Nous pouvons relever, comme particulièrement intéressant sous ce rapport, W. 13 :

La rime principale (dad, sad) manque dans le 4e hémistiche, une irrégularité dont nous trouvons quelques exemples chez ’Omar Hayyām. En revanche il y a diverses rimes extraordinaires comme mā dad (sad) : kagā bad et kugā : ingâ.

Un effet tout spécial est atteint, parfois, par la répétition en guise d’écho, du dernier mot du dernier hémistiche (p. ex. W. 315), Du reste il y a de différentes formes de rimes d’écho dans les rubā’ts :

1. Le mot de la rime et le redif riment entre eux :

(V. 334.)

2. Le redif contient une rime d’écho, différente de la rime principale :

(W. 40.)

3. Comme exemple d’une rime d’écho dans un rubā’t qui n'a pas de redif, peut servir ce quatrain de Mas’ūd-i Sa’d-i Salmān :

Chez ’Omar Hayyām, je n’ai pas trouvé d’exemples de cette dernière variation. b) Le mètre. Tandis que les qasīdas, les gazuls, etc. peuvent être composés indifféremment dans tous les mètres arabo-persans, le rubā’t possède un système métrique à lui. La tradition d'après laquelle ce système serait dérivé de la mesure hezeg, est certainement erronée. Le mètre du rubā’t qui a plus de variations qu’aucun autre mètre persan, peut être représenté ainsi : 1[41]

Il est possible que le rubā’t remonte à une époque antérieure à l’introduction de l’islamisme. S’il en est ainsi, il aura été, probablement, plus ou moins modifié sous l’influence de la prosodie arabe. La question sera difficile à résoudre comme nous n’avons pas pour notre guide une seule indication directe ou indirecte. Dans leur grammaire persane, MM. Salemann et Shukovski mentionnent des rubā’ts populaires qui seraient mesurés selon le nombre des syllabes (4 + 7 comme la strophe avestique appelée spentamainya), mais des deux exemples qu’ils donnent, le second est en hezeg régulier, et le premier de même, si l’on change la forme galha, appartenant à la langue parlée, en gulān, qui aurait été la forme régulière 2[42].

Le rubā’t est merveilleusement propre à exprimer une pensée spirituelle sous une forme épigrammatique. Dans le rubā’t cet esprit persan tantôt gai et railleur, tantôt sceptique et blasé, tantôt déchiré de doutes, triste, plein d’angoisses, tantôt plongé dans des contemplations mystiques, a trouvé son expression juste. Ici, encore, la brièveté de la strophe force le poète à être économe des mots, à renoncer à cette emphase diffuse, sous laquelle les idées se perdent souvent complètement.

__________________________

II. Essai d’un groupement des quatrains des Rubā’iyāt d’après les idées qu’ils contiennent, accompagné de parallèles tirés des littératures arabe et persane et de quelques notes explicatives.

En considérant les Rubā’iyāt comme étant écrites en partie par ’Omar Hayyâm et comme étant, en général, une expression de sa personnalité, en même temps qu’elles nous montrent les diversités et les contradictions propres au caractère national des Persans, nous ne pouvons pas, nous le répétons, les prendre pour base d’un examen psychologique de ’Omar. Nous devons nous borner à en exposer schématiquement les idées principales, en recueillant dans des notes les parallèles tirés des littératures persane et arabe. Nous citons les quatrains d’après l’édition de Whinfield (qui contient la plupart de celle de Nicolas avec un choix des quatrains les plus caractéristiques des autres éditions et manuscrits) et celle de Heron-Allen (le ms. Bodl.), quelquefois d’après celle de Bombay. Dans les cas où la lecture diffère, j’ai suivi généralement celle de Whinfield.

A. Appréciation des hommes.

La présomption et la supériorité du philosophe en comparaison du vulgaire sont exprimées souvent dans les Rubā’iyāt 1[43]. « La compagnie des sots est un enfer sur la terre » (W. 232). Il y a deux choses qui constituent la somme du savoir et qui remportent sur toutes les traditions non-écrites :

Mieux vaut ne rien manger que de manger quoi que ce soit, et mieux vaut être seul que d’être en compagnie avec qui que ce soit.

(W. 461.)

Fréquente les hommes généreux et sages, et éloigne-toi de mille farsangs des sots.

Si un homme sage te verse du poison, bois-le ; et si un sot te présente du miel, verse-le à terre’.

(W. 263.)

(Comp. W. 248.)

Le quatrain suivant est à l’adresse des snobs :

Tous ces gens sont des ânes 2 ridicules, ils sont pleins de splendeur et, au milieu, vides comme des tambours.

Si tu veux qu’ils te baisent la plante du pied, vis en homme célèbre, car ils sont les esclaves de la célébrité.

(W. 227.)

Dans chaque millénaire il se montre un homme à la taille droite comme Valif : cet homme à la taille droite qui a paru dans ce siècle, c’est moi.

(Huart no. 22.)

1 Comp. Nâsir Husrau : « Le souffle d’un sage vaut un monde ; cent ignorants ne valent pas un doigt ». {Sa’ādatnāme v. 101.) P^t : « En compagnie des sages une prison est un jardin de roses ; un jardin est une prLson pour celui qui est avec des sots ». [Rūsanāï-nāme v. 389.) — ’Abdallah An.sârl : « Ne fréquente pas les sots, car la fréquentation des sots est pire que la mort » (jJo iJijA J^’ c> » t~^ J>^ J^-^ÎJ T^j^O^ J » ^ !’j ^i^- ». : ^). — Sa’dî : « L’ignorant se cramponne partout à tous les hommes, tel un homme qui se noie et qui se cramponne à tout ce qu’il voit. Ne sois pas le camarade de personnes d’une mauvaise réputation, car en compagnie du trépied on devient noir. »

2 « Ane » (j>) est un terme injurieux souvent employé. Avicenne dit : (Gott. Nachr. 1875 no. 6, quatr. ambulant = W. 156).

Sois un âne avec les trois ou quatre sots qui se sont imaginés, dans leur ignorance, de posséder la connaissance du monde ;

car dans leur « ânerie » ils appellent infidèle quiconque n’est pas un âne comme eux.

Nâsir Husrau (Actes du VIe congrès intern. des orient., « Geburtsqasîda V. 14) : « Quand tu t’es acquis un royaume, et que tu n’y reconnais pas le bonheur, alors le sage voit que tu ne ressembles pas à un âne ». — Comp. Ibn Yamïn (traduction de Schlechta Wssehrd no. 101 v. 7.) Nous devons, autant que possible, nous rendre indépendants de nos semblables :

Si un homme possède un pain qui suffit pour deux jours, et une gorgée d’eau dans une cruche fêlée,

pourquoi faut-il alors que cet homme soit l’esclave d’un homme qui lui est inférieur, ou qu’il se mette au service d’un homme qui est son égal 1 ?

(W. 207.)

Et nous devons cacher nos pensées et sentiments intimes :

Il faut tenir cachés les mystères à tout le vilain vulgaire, il faut tenir cachés les secrets à tous les sots.

Prends garde à ce que tu fais envers tes semblables : il faut tenir caché l’espoir à tous les hommes. (W. 54, Bd. : ^0.)

Les hypocrites surtout sont raillés. « Les clameurs des dévots hypocrites » (W. 64) sont en abomination aux débauchés :

Ces gens-là qui adorent le tapis de prie-Dieu, sont des ânes, parce qu’ils portent le fardeau de l’hypocrisie.

Et ce qu’il y a de plus singulier, c’est que derrière le rideau de la dévotion ils vendent la religion et sont pires que des infidèles 2.

(W. 143.)

Un cheik dit à une femme prostituée : « Tu es ivre, et à chaque instant tu te laisses prendre dans les filets d’un nouvel [amant] ».

Elle répondit : « Ô cheik, tout ce que tu dis, je le suis ; mais toi, es-tu bien ce que tu as l’air d’être ? »

(W. 473.)

1 Nāsir Husrau : « Sois content d’un pain sec ; alors tu n’as pas à te soucier de l’orgueil de la racaille ». {Sa’àdatn. v. 76.) — Sa’dl : « Nous sommes contents du pain sec et du froc, car le fardeau de notre propre indigence est plus léger que le fardeau de l’obligation envers les hommes ». {Gulistàn, éd. Gladwin p. 143.)

2 Abul-’Alâ al-Ma’arrI (ZDMG. XXX. p. 40) :

Réveillez-vous, réveillez-vous, ô errants ! car vos dogmes ne sont qu’une tromperie, transmise des anciens,

qui en voulurent amasser de viles richesses. Ils y réussirent, et ils s’en allèrent, et la loi des impies mourut.

Sa’di : « Ceux qui vendent la foi pour le monde, sont des ânes ». (Gulistàn, éd. Gladwin p. 301.) — Le poète satirique ’Obeid Zâkânî qualifie ainsi les religieux, dans ses « définitions » : « Le prêtre : celui qui parle et n’agit pas selon ses paroles ». « L’homme d’Eglise : celui qui vend des prières » (v. P. Horn : Gesch. d. pers. Litt. p. 138). Celui qui voit une paille dans l’œil de son voisin, mais n’aperçoit pas la poutre dans son propre œil, est souvent en butte à la satire :

Tu te vantes en disant : « Je ne bois pas de vin ». — Tu fais mille choses en comparaison desquelles ce n’est qu’un jeu d’enfant que de boire du vin. (W. 11.)

(Comp. W. 450.)

Et de même les pharisiens, les « gens de la certitude » (W. 377), ceux qui « s’enorgueillissent de leur dévotion » (W. 383.)

Sais-tu pourquoi je suis un adorateur du vin ? c’est pour ne pas devenir, à ton exemple, un adorateur de moi-même. (W. 337.)

Contre les fanatiques :

Ô mufti de la ville ! nous sommes plus utiles que toi ; malgré toute notre ivresse, nous sommes plus sobres que toi.

Tu bois le sang des bonnes gens, et nous buvons celui de la vigne : dis justement, qui de nous est le plus avide de sang ?

(W. 307.)

Les dévots en général sont attaqués de diverses façons :

Tu es un ascète sec et moi je suis un pécheur humide : je n’ai jamais entendu dire, que le feu prenne à ce qui est humide.

(W. 170.)

Si tu as le cœur gros, prends un grain de beng ou un men du vin couleur de rose.

Si tu es un sūfî, il t’est défendu de boire ceci et cela ; en ce cas la pierre est ce qui te convient : va t-en et mange de la pierre ! 3

(W. 251.)

Que la taverne soit toujours égayée par les buveurs ! que le feu prenne au pan de la robe d’abstinence des ascètes !

1 Nâsir Husrau : « L’orgueil et l’égoisme se trouvent chez les gens de l'obéissance ». (Saâdatn, v. 146.)

2 Allusion au feu de l’enfer.

3 Sa’di n’aime pas le beng. Il dit en employant le même jeu des mots beng et seng : « Si tu manges du beng, tu restes sur place comme une pierre ; il vaut mieux que tu manges de la pierre en mangeant le beng ». (iue ce froc cent fois rapiéceté et cet hut)it bleu de laine « oient foulés sous les pieds des buveurs de lie !’ (VV. 157.) L’ennui m’a pris à la vue de l’hypocrisie : lève-toi et apportemoi le vin léger, ô échanson ! Mets le tapis de prie-Dieu et le froc en gage pour du vin, que ma fanfaronnade puisse durer éternellement !’^ (W. 447.) Les quatrains misauthropiques ne sont pas rares. « Dans la société du monde on ne rencontre que la i)erfidie^ » Si tu es fameux dans la ville, tout le monde te blâme, et si tu es assis tranquillement dans un eoin, tout le monde [te considère comme] un possédé. Ne serait-il pas mieux, — fus.ses-tn un Hidr ou un Elj’âs, — que personne ne te connût, et que tu ne connusses iiersonne ? ** (W. 480.) (Comp. W. 77, Bd. 8.) ’ Comp. p. ex. Hafiz 5, 2 : « Pose la coupe du vin dans ma main, afin que je puisse arracher ce froc bleuâtre ». De telles boutades sont extrêmement communs. — L’expression « buveurs de lie » (durclil) l’esân) est souvent emplo)’ée par Hâfiz (p. ex. 44, 5) et Garni (Wickerhauser no. 4, v. 6). ^ Hâfi ? 403, 1 : « Si, par hasard, j’entre encore une fois dans la taverne des mages, je jouerai le froc et le tapis de iirie-Dieu » ; et 686, 42 : « Je suis bien fatigué du chajielet et du froc : mets-les tous les deux en gage 2)our du vin et — adieu ! »

  • Abû-l —’Alâ : « Malheur sur la vie et malheur sur moi et sur un

temps où règne la bassesse ! » (ZDMG. XXXI p. 476.) 1.1 âfi ? 536, 3 : « Le monde est vil, ne te fie pas à sa bienveillance. O toi qui possède de l’expérience ! ne cherche pas de la constance chez les sots. » — IJâqanï (éd. Salemann quatr. 145) : On dit qu’à chaque millénaire un homme fidèle apparaîtra du monde. Il est venu dans le passé, ijuand je n’étais pas né du néant ; il viendra à l’avenir, quand le chagrin m’aura mis au tombeau.

Sahïd : « Je choisis la solitude dans ma maison, et je fermai la porte à tous ». (Luyat-i furs, publ. p. P. Horn, texte persan p. 12.) — Ibu Yamîn (trad. de Schlechta-Wssehrd no. 29) : Des Menschen Ungluck ist sein Ruhm, Und glucklich ist, wer nicht bekannt ist, Weil nur, wer Niedrigem verwandt ist. Ira Saal der Hohen gern genannt ist ! Do tels vers semblent pourtant exprimer plutôt des déceptions et des ennuis }trivés ([u’une misanthropie fondée sur des réflexions philosophiques. Au contraire, nous trouvons dans les Rubà’iyât, comme chez Nâsir Husrau, la glorification de l’homme comme la plus sublime de toutes les créatures : Nous sommes le but de toute la création, nous sommes la pupille de Tceil de l’intelligence. Ce cercle du monde est comme un anneau, et.sans nul doute nous en sommes les figures gravées dans le cachet. (W. 340. ; L’homme est « l’essence de l’existence (W. 362), l’homme est le microcosme ^ B. Jouissance de la vie. Une simplicité saine et fraîche ajjparaît ça et là dans les quatrains qui célèbrent la frugalité et l’indépendance comme les seules bases d’un plaisir pur. Je dé.sire une outre de vin couleur de ruljis et une collection de poésies. Il ne me faut que ce qui est nécessaire pour vivre, et puis encore la moitié d’un pain. Et quand nous sommes assis, toi et moi, dans un lieu désert, ce lieu désert est plus beau que l’empire d’un sultan—. (W. 452, Bd. 149.) 1 Guîsan-i rûz (v. 139) : « Le monde est un homme et l’homme est un monde ». — Comp. les quatrains ambulants W. 355 et 497. — Afdal KâSï : Les cieux et les éléments, les plantes et les animaux, tout cela n’est qu’un reflet de notre existence brillante et parfaite : >.ix^^-<* j^*^ cy^j’-i}~^*] , c**^’^ ol^^v^* ; —-^^^ ->owic » v^i^t ^ De telles idées reviennent constamment dans la poésie i)er8ane. Gamâl-ed-din Kâsi dit (Tarïh-i guzlila JRAS. 1900 p. 746) : Qu’est-ce que j’ai à faire aux occupations du monde ? Je désire du vin, une amie et un lieu désert. Ibn Yamïn (Scblechta-Wssehrd no. 2) : Ein Buch, ein Winkel, Freunde zwei bis drei, Doch 80, daC vier die Zabi nicbt (iberecbreite, Ein Bach, ein Lied und Fleisch und Brot dabei, Die Scbenkin aucb als treuen Gast zur Seite : Dies, flticht’ges Gluck, dies magst du mir bescheiden ; tJnd keinen neid’icb in den Welten beiden ! (Comp. W. 479, Bd. 155 qui n’est qu’une parajOirase de ce quatrain.)

Quelquefois le mépris de la richesse est exprimé (j), ex. Bd. 119), mais ce n’est i)eut-ôtre que la théorie du renard qui trouve les raisins trop verts, car Si l’argent n’est pas le capital des intelligents, le jardin du monde est une prison pour ceux qui manquent d’argent. La tête de la violette i)enche sur ses genoux parce qu’elle a les mains vides, et la bouche de la rose sourit parce qu’elle a la hourse pleine d’or’.

(W. 122.)

Il faut une certaine quantité de biens terrestres pour se procurer les jouissances qui adoucissent la vie. Passer son temps dans le monde sans vin et sans échanson, ce n’est pas agréable ; le passer sans le gazouillement de la flûte ’iraqienne, ce n’est pas agréable. Aussi souvent que je regarde les affaires du monde, je vois que ce qui est vraiment profitable, ce sont toutes les jonissances, et le reste n’est pas agréable 2. (W. 86.)

Et si l’on demande ce que c’est que les jouissances, la ré})onse est contenue dans ce vers plaisant malgré son cynisme : Les hommes me qualifient toujours de libertin ; je suis innocent, mais on a fixé l’attention sur moi : Je ne pèche contre la loi, ô moraliseurs, que par l’ivrognerie, la pédérastie et l’adultère !

(W. 90.)

Le vin est le premier de tous les plaisirs. Environ les

deux tiers des Rubâ’ij’ât sont des quatrains bachiques. Le

Hafiz (éd. Brockhaus, rubâ’l 50) : Si j’ai une maîtresse gaie et jolie, un chanteur et une flûte, un coin où je puisse demeurer en repos, et si le vin me chauffe les veines et les nerfs, je ne demande pas un seul grain d’orge à Hâtim Tâl.

Farruhi (d’après le Bahâristûn de Gâmï) : Tandis que mes yeux regardent la félicité, il n’j’a pas un dirhem dans ma main : c’est comme une tête tranchée, placée sur un plat d’or.

2 Ibn Yamîn (Schlechta-Wssehrd no. 17) : Des Lebens Zweck erkenne un GenieCen. vin est i » uissant, il fait danser les montaj^nes (W. 18<)), et si Iblis en avait bu une seule gorgée, il se serait jtrosternô deux mille fois devant Adam (W. 313) ^ Depuis le temps que Vénus et la lune ont paru au ciel, i)er-Bonne n’a rien vu de préférable au vin couleur de rubis. Je m’étonne des vendeurs de vin : (pioi de mieux que ce qu’ils vendent, peuvent-ils acheter ? -’ (W. 208, Bd. 62.)

Que de vaines alllictions ne viennent se loger dans ta tète ! Bois toute l’année des coupes remplies jusqu’au bord. Sois assidu auprès de la fille de la vigne et jouis de la vie : la fille qui est défendue est meilleur que la mère qui est permise’. (W. 299.)

Il n’est pas même vrai, que le vin soit défendu : il est défendu aux « crus », mais permis aux « cuits » (v. p. 34). Il

est seulement question de (^ui boit, en quelle mesure et avec qui (W. 195, Bd. 78)-^.

V. le Coran s. II, 32.

Rndagî caractérise le vin ainsi (Gôtt. Nachr. 1873 p. 725 ;  :

Le vrai vin e.st celui dont une larme, tombant dans le Nil, rend ivre pour toujours le crocodile par son odeur. Si la gazelle dans le désert en boit une goutte, elle devient une lionne farouche et ne craint plus le tigre.

Kisâî avait chanté la rose en ces termes (Sitz. d. konigl. bayr. Akad. 1874 II, no. 9) :

La rose est un don divin qui nous est envoyé du paradis. La jouissance de la rose rend l’homme plus généreux. O vendeur de roses ! pourquoi vend.s tu des roses pour de l’argent ? quoi de plus précieux que la rose peux tu acheter pour de l’argent ?

Selon Whinfield, l’expression poétique « la lille do la vigne » (duhtar-i rez) est traduite de l’arabe. Elle est employée avec prédilection par Minucihri (v. p. ex. : Spécimen du Divan de M. par Kazimirski p. 35 et 54, p. 22 ilu texte persan). Comp. IJâqânï (quatr. 159 de l’éd. de Salemann) : « Nous ne nous teignons pas les joues du sang de la fille de la vigne », et Hâfiz (éd. Brockhaus 124, 1) : « Ô amis, la fille de la vigne nous a fait repentir de notre sobriété ».

  • Pindâr Kazi, le poète des Buyides, s’exprime ainsi dans une

poésie en dialecte : « Les sots disent :, ce vin est défendu par la loi’; je ne sais pas quelle âne l’a rendu illicite ! » (Browne, JKAS. 1895 Les mauvaises gens voient surgir du vin de mauvaises actions, les personnes d’un bon caractère n’en voient surgir que les vertus et la raison.

En vérit » la coupe de vin est le miroir de la vie : chacun y voit sa propre image’.

Parfois une certaine modération est recommandée : Aussi longtemps que je suis en possession de mes sens, le |)lai8ir est caché pour moi, et quand je suis ivre, mon esprit en souffre.

Il y a un état entre la sobriété et l’ivresse : je suis l’esclave de cet état, car il est la vie—.

(W. 41.)

Bien plus souvent c’est l’intempérance qui est célébrée. « Je suis l’esclave de ce moment où l’échanson dit :, prends encore une coupe’, et où je ne puis pas. » (W 300.)

Lève-toi et frappe du pied, nous battrons des mains. Nous boirons du vin à la vue des narcisses ivres 3. C’est un plaisir médiocre que de boire vingt [coupes], mais si nous en prenons soixante, voilà un plaisir merveilleux ! (W. 814.) p. 809). Et’Imâd-ed-dln dit : « Le vin, mais non pas celui qui est amer, est défendu ». (Ouseley : Biograph. Notices on Persian Poets p. 200.) 1 Berl. I. 217 :

LJÎj.U. jiLi— Jo v.i>~wi (jiy^ ^-^^î 2 Comp. le quatrain d’Avicenne cité p. 48. ’

Nergus-i fsarjmast ou nergus-i mahmûr est une expression très-commune. Probablement Temiiloi fréquent du mot nergus pour designer l’œil, a-t —il donné lieu à ce métaphore. Otniân Mâkï dit : « Le matin quand tu rejettes tes tresses de ta joue, ton œil et ta joue font rougir de honte le narcisse ivre et la tulipe », {Tdrîh-i guzida, JRAS. 1901 p. 6.) Adarl : « Si le narcisse ivre te voit dans le jardin, le narcisse ivre laisse tomber sa tête et s’endort ».

Comp. Hafiz (éd. Brockliaus 145, 5) et ITâqâni (éd. Salemann 39).

Parfois l’expression « ivre » est employée également pour d’autres fleurs, ainsi Sirag-ed-din Qumrï : « La rose ivre, la tulipe enivrée et le narcisse grisé, tu les as apportés, ô zephyre ! » (Uaulatsâh éd. Browne p. 235.) Il faut « jeter à l’esprit une poif^née de vin à la figure pour l’endormir » ’. (Bd. 110.)’^Ce que l’on veut, c’est tomber dans l’état délicieux d’une inconscience absolue. Le quatrain suivant, un des —ambulants », donne exactement l’idéal d’un buveur persan : Si jo ])oi.s du vin, ce n’est i>as i)Our ui’égayer ; ce n’est pas non plus par corruption et pour abandonner la foi et les bonnes mœurs. Je déîsire atteindre à l’inconscience de moi-mêuie— : c’est pourquoi je bois du vin et m’enivre^ (W, 66.) Il faut « laver avec du vin la douleur universelle » ("V. 110, Bd. 21), « jeter du vin sur le feu de la douleur pour l’éteindre- ^ (B. 89), devenir « affrauclii de l’espoir de la grâce et de la crainte de la punition, allranchi de l’air, de la terre, du feu et de l’eau ^^ (W. 22, Bd. 7), bref, atteindre à l’abrutissement de l’ivresse et se moquer de l’honueur et de la bonne réputation. v< L’ivresse, le genre de vie des qalandurs et l’erreur, voilà le mieux, une goutte de vin est ce qu’il y a de mieux de la lune au poisson^. » (W. 404, Bd. 133.) li’ve-toi et viens, nous voulons touclier la harpe de nos doigts ; nous voulons boire du vin encore une fois et briser le nom et la bonne réputation l’un contre l’autre. Quand nous voulons boire du vin, buvons le dans la taverne, et brisons cette bouteille du nom et de la bonne réputation contre la pierre^. (B. 557.) ’ Hâ<lâni (quatr. 193) : « Que le vin soit [notre] ami dans toute situation, et l’esprit [notre] ennemi, voilà ce qui est le mieux ». Je lis avec B. et L. be-bihudl au lieu du ze bihudî de V. ^ Mas’ud-i 8a’d-i Salmân : « Celui qui est ivre-mort ne sent guère la douleur » (V^j^ ^^^^.^.x J_^ bO ! ^ ^j-^ j^)— Hâfi^ : (93, 4) : « Rends-moi ivre, afin que je puisse perdre connaissance et ne pas savoir de qui je me souviens et qui j’oublie ».

Selon une tradition cosmogoniijue, la terre repose sur le dos d’un poisson. Ce jeu des mots mah et mahl revient très souvent dans le Mantiq-ef-faïr. ^ B. 558 en est une variation, et tous les deux semblent être des variantes du quatrain ambulant W. 332 (Bd. 118. B. 564), dont la seconde ligne est absolument identiciue ù la quatrième ligne de B. 557 : Le temps du vin, c’est « dimanche, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi, nuit et jour » ^ (W. 260). Mais c’est surtout vendredi, jour du sabbat, qu’il faut boire Kn ce jour d’anjounnuii qu’on appelle vendredi, bois du vin de larges coupes : (|u’avons-nou8 à faire de godets ? Si tu as riiabitutle de prendre chaque jour une coupe, prendsen deux aujourd’hui, car c’est « le prince des jours ». (W. 74.)

(Comp. W. 101.)

On se plaint du jeûne du mois de Ramadan, et la fête du Baïrâm est attendue avec impatience. C’est le matin.

Inhalons pour un moment le vin couleur de rose et brisons cette bouteille du nom et de la l)onne réputation contre la pierre.

Retirons la main de notre espoir éloigné et saisissons les longues tresses et le manche du luth.

La combinaison des mots nâm et neng est très en vogue à cause de l’allitération.

Kamâl Isma’ll dit : « J’ai de nouveau nettoyé, en grattant, les tablettes du nom et de la bonne réputation ». (j.j iCC : ^’^yt •Li

  • 0 yX-wj ti5^Àjj.)

La métaphore de la dernière ligne de B. 557 est employé pour l’hypocrisie dans le Mantiq-ef-tair (v. 1258) : « J’ai brisé la bouteille <le l’hypocrisie contre la pierre ». ’

Minucihrî (éd. Kazimirski no. 92) : Sous d’heureux auspices et dans ce jour béni de Samedi,’faistoi donner du vin et ne te gâte pas la vie. Dans la religion de Moïse le vin a meilleur goût aujourd’hui ; pour t’y conformer bois du vin nouveau le Samedi. Si tu le peux, arrange-toi pour Dimanche un breuvage du matin, car un Dimanche il est bon de boire le coup de matin. Observe les usages et la religion de Jésus par un bon vin pur et ne donne pas des coups de pieds à tu bonne fortune. Le l., undi bois gaiement du vin, en prenant du repos selon les usages des Mo>)eds et des Mobed-Mobedan. Le Mercredi est un jour de malheur, donc bois du vin, bois-en à pleines verres afin que ce jour se passe heureusement. Le Jeudi est le jour où l’on a mal aux cheveux, mais si tu bois du vin amer, il te procurera lui-même un soulagement. Ensuite, comptons autrement, le Vendredi après la seconde prière bois du vin pour que Dieu te pardonne tes péchés. (Traduction de Kazimirski.) Le mois de Iama<Jan est parti et Savval est arrivé, le temps île la gaité et de la joui.ssance, le temps du diseur de contes est arrivé. Le temi>s est arrivé on les porteurs de vin, les outres sur les épaules, disent : >i Voici les porteurs avec leurs fardeaux ! > ’

(V. 218.)

Du feste, on rompt le jeûne sans scrupule : Ils « lisent : « Ne liois pas du vin au mois de Sa’ban, car cela n’est pas convenable, ni au uioi8 de Ka^’ab, car c’est le mois propre àDieu.

Sa’ban et Kajiab sont les mois de Dieu et du propliète : eli bien, nous buvons au mois de Ramadan, car c’est le mois propre à nous—.

(W. 68.)

Le vin est désigné souvent sous la métaphore du sang^, ce qui donne lieu à différents bon mots : Je bois du vin, et mes adversaires disent de droite et de gauche : « Ne bois pas du vin, car le vin est l’ennemi de la foi ». Quand je sus, que le vin est l’ennemi de la foi, [je dis : ] « Par Dieu ! je veux boire le sang de l’ennemi, car c’est juste ». (W. 95, Bd. 38.)

Ne buvons plus la douleur de ce ciel qui tourne, ne buvons que le vin clair et pur, couleur de rose*.

Minudihri (éd. Kazimirski no. 38 v. 1 et 3) : Voilà que le mois de Ramadan est parti et son départ me plaît ; c’est la fête de Fitr (rupture du jeiine, Ba’ïrâm) qui est venue, grâces en soient rendues à Dieu !

A l’arrivée de la fête de Fitr et au <lépart du jeûne donnenioi du vin dans le jardin, sur la verdure. (Traduction île Kazimirski.)

Le temps du jeûne s’en alla rapidement, et la fête arriva, et les cœurs se redressèrent. Le vin bouillonnait à la taverne : c’est le vin que nous devons demander.

(Hâfiz 106, 1.)


<.Bien que nous soyons au mois de Ramadan, apporte une coupe tout de même. » (Hafiz 532, 1.)

Nous trouvons plusieurs fois dans le divân de Miuaôihrî une fable joyeuse de la grappe de raisin enceinte que Dieu a noirci pour la punir de son impudicité, et qui, pour expier ea faute, ordonne au vigneron de la tuer et d’en verser le sang (v. p. ex. Kazimirski no. 20.)

Comp. Hâfiz 106, 7 : « Qu’est-ce que cela fait, si toi ou moi nous buvons beaucoup de coupes de vin ? le vin est le sang des raisins, non pas celui de vos corps » ; et le vers de Hâqânl cité dans la note 3, p. 101. •

Ce jeu de mots : « ne pas boire la douleur, mais boire le vin », est très commun, v, ji. ex. W. 371 et 414 et Ilafiz 292, 5 (cité dans la note 3, p. 127—28 ;. Le vin est le sanp du monde, et le monde est notre assassin. Pourquoi ne boirions-nous pas le sang du cœur de notre assassin ? (W. 326.)

A quoi bon le repentir ? «On me dit : ,Que Dieu te donne le repentir !’

Il ne nie le donne pas, et s’il le faisait, je ne me repentirais pas tout de même*.» (W. 329, Bd. 114 .)

Le paradis nous sera bien ouvert, si nous n’avons commis d’autres crimes que d’aimer et de boire : Boire du vin et chercher la société des belles, voilà ce qui est mieux que de ^iratiquer l’hypocrisie et l’al^stinence- . Si l’amant et l’ivrogne devenaient des habitants de l’enfer, alors personne ne verrait le paradis ! (W. 381, Bd. 127.)

(Comp. W. 67 dont la troisième ligne est littéralement identique à la troisième ligne de celui-ci. — Et au contraire : «Si tu es de la race de l’enfer, tu ne seras pas un habitant du paradis» (W. 485). Ce n’est pas l’affaire de Dieu de s’occuper de notre obéissance ou désobéissance : Prends ta part de ce qu’apporte la circulation des temps, assieds-toi sur le trône du plaisir et prends la coupe à la main. Dieu approuve aussi bien notre désobéissance que notre obéissance : prends, enfin, de ce monde ce qui te plaît à toi-même 3. (W. 239.)

1

Hâfi ? 350,5 : «Viens : se repentir de [la lèvre couleur de] rubis de la maîtresse et de la coupe souriante, c’est une pensée que l’intelligence n’approuve pas».

•^

Rlldagl (Gôtt. Naohr. 1873 p. 729) : A quoi bon tourner le visage vers la Mecque, tandis que le cœur est à Boukhara et chez les jolies filles de Tarâz ? Dieu accepte le chuchotement d’un amant, mais il n’accepte pas les prières.

3 Ou peut ici citer un quatrain d’Abu Sa’^ld qui exprime une pensée semblable. (Sitz. d . konigl. bayr. Akad. 1878, Ethé, no. 36 .) Mes péchés sont plus nombreux que les gouttes de la pluie. Je me jetais à terre, la tête penchée de honte de mes péchés. Puis une voix se fit entendre : «Compte cela pour rien, derviche !

Tu agis selon ta volonté, et moi, j’agis selon la mienne.» 

i’ourtant ce quatrain ci a plus de portée que celui de ""Omar : on peut y lire une menace. Encore est-il mieux jouir de la vie, pendant qu’on l’a, que d’espérer en uu paradis, dont l’existence n’est pas sûre : On mpi dit que le mariage avec une houri est agréable’: moi, je ilis que le jus du raisin est agréable. Prends cet argent comptant et retire la main de ce crédit-là, car il est agréable d’entendre le bruit du tambour, — mais de loin^. (W. 108, Bd. 34.)

Si dans la saison printanière je bois une cruche de vin au bord du champ, en compagnie d’une idole faite comme le.s houris, [je dis, ] — quand même cela sonnerait mal aux oreilles de la canaille, — que je serais pire qu’au chien, si je me souciais du paradis !


=>

(W. 84, Bd. 25.)

Ah oui ! j’ai balayé de mes moustaches la porte de la taverne ; j’ai pris congé du l)ien et du mal des deux mondes. •

Je lis avec B. sS tys J^jS ; W. a j^ ! » JJu^

W. prétend que c’est une allusion à la musique des noces. M.

Heron-Allen prétend que, 1e poète a pensé au tambour suspendu audehors des palais des princes orientaux, et dont on se sert pour rassembler les soldats etc. M. Payne donne une explication qui me semble plus satisfaisante : « Omne ignotum pro magnifico : Paradise which sounds 80 charming, as described by the pious, may, when actually gotten, turn out to be as little agreeable as the sound of the drum near the head ».

L’idée que renferme ce quatrain a été exprimée déjà, sous une forme ironique, dans quelques vers de’A bd-el-’azïz, petit-fils du calife ’Omar II, traduits ainsi par M. Goldziher (Muhamm. Studien I p. 31) : Sage jenem, der dich darob (wegen des Weines) schniiiht, dem Faqih und angesehenen Manne :

« So mogest du ihn (den Wein) denn lassen, und hoffe auf einen andern, den edeln Wein von Selsebil. Bleibe heute durstig, und morgen lasse dich siittigen mit Beschreibungen von Wohnungsspuren. » Les mots « argent comptant » et « crédit » (naqdet nasie) sont souvent employés dans le sens figuré, v. p. ex. Haqânï « juatr. 60 : « Le capital du crédit et de l’argent coni[)tant de la vie pour nous tous, c’est la jeunesse, mais la jeunesse aussi n’est rien ». 3Ianfiq ef-fair (v. 3320) :

« Quiconque agit loyalement, joue argent comptant, pour l’union avec l’Ami il joue sa tête comme de l’argent comptant ».

Hâfi ? 588, 2 « Le

paradis de l’argent comptant est ici » etc. ^

Ibn Yamin (Schleclita-Wssehrd no. 25) : Silbcrnacken einen oder zwei,

Freunde drei, wohl vier, auch im Vereine, Si les deux mondes tombaient comme des balles dans un abîme, ils ne vaudraient à mes yeux ijaun grain d’orge, quand je cuvais mon vin ».

(W. 409, Bd. 132,.)

(W. 474 est une variante de ce dernier quatrain.) Même après la mort, le vrai ivrogne ne peut pas renoncer au vin.

A leurs syroposies, les amis survivants doivent retourner la coupe, quand c’est le tour du défunt de boire (W. 234, Bd. 83 ; variation : W. 205, Bd. 84). Les dernières paroles qu’on lui soufHcra à l’oreille, quand il sera sur le point de mourir, rouleront sur le vin et la coupe, et si l’on veut le trouver le jour de la résurrection, on doit chercher dans la poussière sous la porte de la taverne. (W. 6.)

Eh, mes camarades ! donnez-moi de la force au moyen du vin, et donnez la couleur du rubis à ce visage qui ressemble à de l’ambre ! Quand je serai mort, lavez-moi dans le vin, et faites du bois de la vigne les planches de mon cercueil 2. {W. 139, Bd. 69.)

Brot, das ausreieht fur den Tag, dabei MaCe fiinf, auch sechs, von altem Weine ! Also.selig sieben Tage lang

Siirach ich Hohn dem Paradies, dem achten etc. 1 Hafiz « balaie de ses cils la porte de la taverne » (7, 3).

Pour

les idées sûfiques des deux mondes, v, p. 70. Cette expression était commune dans la théologie des parses, elle se trouve déjà dans les plus anciennes parties de l’Avesta (le Yaçna 28, 2). Le mépris des « deux mondes » est une des pensées qui reviennent le plus fréquemment dans la poésie mystique et dans celle qui est influencée du mysticisme. Nâ.sir Hui^rau dit {Saddatnâme v. 6) : « Dieu t’a choisi pour t’élever au dessus des deux mondes ». Dans le Manfiq-cffair’Attâr nous parle d’un Arabe qui allait en Perse et y trouvait une maison de qalandars ; là il vit « une poignée de buveurs (rindcin) sans tête et sans pied, qui avaient joué les deux mondes, et qui ne disaient mot » (v. 3408 sqq.). Hâfiz (492, 5) : « .Je suis un esclave du désir des buveurs sans tête et sans pied, pour qui les deux mondes ne valent pas une seule paille ». ’ Nous trouvons de telles idées déjà chez les anciens poètes arabes. Abu Mihgan at-Taqafi, qui vécut au temps de’Omar I, a écrit un vers que M. Goldziher rend ainsi en allemand : Wenn icb sterbe, so begrabe mich an die Seite eines Weinstocks, damit iiiein Gebein noch nach meinem Tode von seinem Safte sich sattigen kôune. Ou bien on fera de sa poussiciv une brique pour couvrir l’ouverture de la cruche de vin (V. 1 <>()), ou on s’en servira l>our bouclu-r les fentes de la muraille de la taverne (B. 349). Les femmes sont nommées souvent en connection avec lo vin.

Mais en oéuéral, il y a là si peu d’ardeur qu’on sera porté à croire, avec M. Whinfield, que Omar n’a pas été « un homme très suscejttible de la passion tendre ». Dans

les quatrains où le vin et les femmes figurent ensemble, le vin est généralement ce qui importe le plus ; plus rarement l’intérêt est aussi également reparti entre les deux objets qu’ici : Lève-toi et donne-noua le vin : quelle place y a-t —il maintenant pour la causerie ? Cette nuit ta fine bouche sera mon jour. Donne-nous le vin couleur de rubi.s comme ta joue, car ma repentance’est i)leine de sinuosités comme tes frisons. (W. 113, Bd. 16.)

Dans les meilleurs de nos textes les poésies d’amour incontestablement mondaines manquent presque complètement. La pédérastie est mentionnée quelquefois, mais assez rarement :

Dans le monde de la poussière ^ d’un bout à l’autre, partout où rol)8ervatcur porte ses regards, le seul avantage qu’on peut tirer du monde perfide, c’est le vin couleur de rubis et les joues des jolis garçons. (W. 372.)

(Comp. W. 90 que nous avons cité p. 100.) Et Abu 1— Hindi, qui vécut sous les Omayyades, est l’auteur de ceci :

Wenn ich einstmals sterbe, so machet aus Weinreben moin Todtengewand und eine Kelter lasset mein Grab sein. (Muharam. Studien I, p. 27.)

La même iiensée est exprimée par MinaCihrï (éd. Kazimirski 32, 9—11 ; Chrestomatbie de Saleraann et Shukoveki p. 33). ’

Je lis avec Bd. NJ_jJ au lieu de ^^^ijS. ^

’Àlami hâk, encore une expression stéréotype. Je me borne à citer ce vers d’un quatrain d’Anvari : « Le fondement de l’ordre du monde de la poussic-re disparut » (^i^^jJ •l-> *J£ *LiJ OL^). Comme des choses qui embellissent la vie, le chant et la musique figurent à côté du vin. « S’il était convenable de

boire sans chant, le vin ne ferait pas glou-glou en sortant de la bouteille » (W. 301). Belles sont les mélodies du luth, les i)laintes de la harpe et le son de la flûte. Si tu désires les éléments de l’antidote de la douleur, apporte le vin couleur de rubis et le luth aux cordes de soie. (Bd. 88.)

Les deux significations du mot id, « bois d’aloès » et « luth », donnent lieu â un jeu de mots : Remplis la coupe, car le jour commence à poindre, blanc comme la neige. Apprends de ce vin qui est rouge comme le rubis, ce que c’est que la couleur.

Prends deux’ûd pour illuminer notre compagnie : tu joueras de l’un et allumeras l’autre ^ (Bd. 98.)

La nature est célébrée, et par la nature on comprend — ici comme presque partout dans la littérature i)ersane,

le vent

balsamique du printemps, la fraîche verdure et la rose épanouie : Partout où je regarde, de tous côtés, il y a un paradis fait de verdure et de rivières semblables au Kevter. On dirait que d’un enfer la plaine s’est transformée en un paradis : assieds-toi au paradis avec une fille paradisiaque ! (W. 459, Bd. 151.)

La rose dit : « Je suis le Jûsuf égyptien du jardin, ma bouche est un rubis précieux garni d’or ». Je dis : « Si tu es Jusuf, donne m’en un signe ». Elle dit :

« Voici ma chemise trempée de sang » ^. (W. 352.)

Souvent le printemps, le jardin, le ruisseau et le bord du champ ne sont que des accessoires qui servent à mettre 1 Le même bon mot se trouve dans le Sâhnâme de Firdausl dans un passage que tous les éditeurs européens s’accordent à considérer comme une interpolation (éd. Vullers I, p. 294 note 7, v. 1) :

« … Un’ûd à allumer, un’ûd à toucher ». 2 A la quatrième ligne il faut lire -Ki (B, L) au lieu de y^.

Dans un qasïda de Sa’dl (ZDMG. IX, p. 124), la rose est comparée à Jûsuf et le vent matinal à Zaliha (femme de Putiphar), qui en déchire la chemise. la coupe de vin en relief. Nous en avons donné, di-jii, bien des exemples.

Le temps le plus convenable iiour i)oiie, c’est le matin frais’.

A 1 heure où la fausse aube* bleuit, la coui »  ».’du vin jiur doit être dans tes mains.

On dit que la vériti ! — est ara^re dans la bouche : d’après cette indication le vin doit être la vérité. (W. 200.)

(Comp. W. 233.)

La jeunesse est chantée comme l’âge de la jouissance : Bois du vin, car voilà la vie éternelle, voilà justement l’avantage qu’on peut tirer de la période de la jeunesse. C’est la saison de la rose et du vin, et les amis sont ivres : sois heureux pour un moment, car voilà la vie. (W. 106, Bd. 36.)

Et la perte de la jeunesse est pleurée. Hélas ! le livre de la jeunesse est fini : et ce frais printemps de la joie est fini.

Cet oiseau de la gaîté qu’on appelle la jeunesse, je ne sais pas, hélas, comment il est venu et comment il s’est envolée (W. 155.)

Mes amis fidèles me sont tons échappés des mains ; l’un après l’autre ils furent foulés sous les pieds de la mort. > Abu Nu vas (éd. Alihvardt no. 69) : « Ô Suleïraân ! chante-moi une chanson et verse-moi du vin. Ne vois-tu pas, que l’aurore arrive, enveloppée dans son voile ? » — Abu’Abd-allâh Muhammad al-Gnneïdi : « Lève-toi à l’aube et entame la boisson matinal, quand le coq chante et quand les cordes du luth résonnent ». (Ethé, Morgenliind. Forscliungen 187.5.)

Minuèihri (éd. Kazimirski no. 74) : « Hé ! c’est l’heure du breuvage matinal ; il ne fait ni chaud ni froiil ; il n’y a ni nuage, ni soleil, ni vent, ni poussière. Apporte-nous, ô idole de Cachemire, du vin vieux. » — Sa’di (ZDMG. XV, p. 562) : « Échanson ! apporte le vin, car l’oiseau de l’aube montre sa tête au-dehors de l’œuf couleur de rouille. »

Une lueur qui apparaît une heure environ avant la vraie aube. ^

Abu Na.sr Gllâul ; « Au souvenir de la jeunesse, je gémis maintenant : hélas jeunesse ! hélas jeunesse ! » (Ethé, Sitzungsber. d. kônigl. bayr. Akad. 1873 I, p. 659.)

Hâfi ? 294, 2 : « Dans l’embuscade de la vie la ruse du monde de la vieillesse nous guette ». Ils étaient assis [avec moi], buvant du même vin à l’asseinlilée de la vie ; de temps en temps deux ou trois en tombèrent ivres — avant moi. (W. 219.) Jouir de l’a présent et ne se soucier ni du i)assé, ni de l’avenir, voilà le résumé de toute cette poésie. Après ces deux ou trois jours la période de notre vie est passée, tout comme l’eau du fleuve et le vent du désert. De deux jours je ne me suis jamais inquiété : du jour qui n’est pas arrivé, et du jour qui est passé. (W. 26, Bd. 20.) Ô mon ami, viens, n’éprouvons pas la douleur de demain ; ce seul moment de la vie, comptons-le pour gain’. Demain il nous faut quitter cette vieille taverne^ et aller en voyage avec ceux qui ont voyagé déjà pendant sept mille ans. . (VV. 312.) 1’Omara se moque de l’espoir du len<lemain : « Bien des milliers de fois, les liommes suspendent l’espoir comme un collier au con du lendemain ». (Ethé, Morgenliind. Forsch. 1875). — Aftlal Kâsl : « Prends aujourd’hui une coupe de ce vin, ô malheureux qui vis dans l’espoir du surlendemain ! » Sa’dl : « Sa’dl ! hier est passé et demain n’est pas présent non plus. Compte pour un gain le jour d’aujourd’hui qui est entre les deux. » C>..^> ; j 0^>_^ . X£^^ 5J3, ^i>^j j^O Lj, AjUv

! ^j » yo !

J.^ ^y^Ji ^.^1 3 ^î ^, LyS^^ Hûfiz 26.5, 4 : « Celui à qui on donne des promesses pour demain, ne profite pas aujourd’hui des jouissances de la vie ». — Comp. Ibn Yamïn (Schlechta-Wssehrd no. 17). — De même le poète philosophique Nesîmï de la secte des Hurûfis dit : « Hélas, tu ne veux pas regarder le réel (c. — à —d. le visage de Dieu) aujourd’hui, ô dupe des promesses de demain ! » (v. Browne, JRAS. 1898 p. 81). ^ Le mot « taverne » (deir, rahdt) employé pour désigner le monde, est très commun. Ainsi dans le Andarg-% Husrô-i Kavatân (5) : « Considère le monde comme une taverne », et dans le Pandnâmak-ï Vagôrg Mitra (Gangesâyagân 169) : « 11 (c. — à —d. l’homme) doit considérer ce monde comme une taverne ». — Afdal Kâsï : « Le monde est comme une taverne, et nous en sommes les hôtes ». (*-’wi’u*>ps^ O Loj J : jij. _jJ>’^^•) — Deux fois chez H a fi ? (23, 4 et 52, 5) le monde est appelé deir, et bien que le commentateur Sûdl et les traducteurs européens le prennent dans Aussi ne devons-nous pas philosopher. « Quand je m’en suis allé, que nie regardet il (jue le monde ait une fin ou soit éternel ? » ’ (W. 324, Bd. 112.) Jusques à qiianil [faut-il entendre parler] des cinq [sens] et des quatre [éléments], <^ échanson ? tiue nous regarde-t-il, qu’il y ait un ou cent mille problèmes difliciles, ô échanson ? Nous sommes tous de la jioussiére, touche la harpe, ù échanson ! Nous sommes tous du vent, apporte le vin. o échanson 1^ (W. 453.) Un poisson demanda dans une agitation fiévreuse au canard : « Se fera-t —il que l’eau qui s’est échappée du fleuve y retourne ? » Le canard répondit : « (^uand toi et moi nous sommes grillés, que nous regarde-t-il, s’il reste après notre mort un fleuve ou un mirage ? » ’ (W. 23.) la signification de « monastère », je crois, m’appuyant sur les parallèles cités là-dessus, qu’il faut le rendre par « taverne ». — ’Omar IJayyâra dit dans un (juatrain inédit (Berl. I, no. 200) : « Les buveurs de cette vieille taverne à deux portes sont des voyageurs arrivés de l’inconnu ». Jojft*i- )’ » )’^ ^-^y^ V^^j^ ’ ’^j-^ •’^ —^l « ) i » -^^ O^J^ ^ O^’^^J 1 Hâfiz 106, 9 : « HiXfiz ! laisse [la question de], comment’et de .pourquoi’et bois du vin pour un moment : que vaut le discours de , comment’et de, pourquoi’devant la volonté de Dieu ? »

Constamment dans les littératures arabe et jiersane le monde est comparé à la poussière et au vent. Déjà dans le Artn Vïrâf-nâmaJc nous trouvons ces mots-ci (chap. CI, 20) : « P>t remanjue aussi, que le bétail est de la poussière, et le corps de l’homme est de la poussière ». — Abu-l-’Alâ : « J’en vins à fuir les hommes, parce que je les connus, et parce que je eus que le monde est de la poussière ». (ZDMG. XXIX, p. 307.) — Rudagi : « Ce monde est un souflle de vent et un nuage, hélas ! apporte le viu et que ce qui doit arriver arrive ». (Gôtt. Nachr. 1873 p. 720.) — Afdal Kasî : « Je suie une poignée de poussière, qu’estce qu’une poignée de poussière peut produire ? » (Jol *. : >— aSi6— jrUi^/a i^t>, j^Jis/o jl.) — Comp. W. 353, Bd. 121 : « Nous sommes sortis de la poussière, et nous sommes emportés par le vent ». Comp. aussi la note 2, p. 109. 3 ujij* « (B., L.) est mieux que le vL~^ ^^ W. — Comp. Ibn Yamïn (Schlechta-Wssehrd no. 60) : Was hilft’s dem Fische, liegt er tôt ara Grund, Dafi neu ins trockne Strombett schieCt die Flut ! Christeusen, Recherches. 8 C’est cette brièveté de la vie qui nous exhorte toujours il la jouissauce : nous devons’<rem})lir de vin notre coupe, avant (jue notre mesure soit remplie ». (iuand l’âme monte sur les lèvres, qu’importe que ce soit à Nlsâpûr ou à Balh ? quand la mesure est pleine, qu’importe que ce soit d’un [vin] doux ou d un [vin] amer ? Bois du vin, car après moi et toi beaucoup de lunes seront dans leur croissant après avoir été à leur déclin, et seront à leur déclin après avoir été dans leur croissant ». (W. 134, Bd. 47.)

Cependant, une même pensée nous oppresse comme un cauchemar. « Toujours nous sommes assis, regrettant que nous sommes arrivés aussi tard et qu’il nous faut nous en aller aussi vite. »

(W. 45.)

Je vis un oiseau assis sur les remparts de Tus ; devant lui était le crâne de Kaikâûs.

Il parlait au crâne et disait : « Hélas, hélaa ! où est le tintement des cloches ? où est le son de la flûte ? » ’^ (W. 277.)

Ceux qui venaient, s’agitèrent et se laissèrent troubler par les doureurs de la vie, la joie et la jouissance. Ils burent une coupe et furent réduits au silence, la poussière de l’éternité les embrasse tous. (W. 237.)

Voilà le matérialisme absolu, le reniement de l’immortalité de l’âme, tout comme on le trouve chez Abu-l —’Alâ. Et ce n’est pas le seule exemple qu’on en puisse tirer des Rubâ’iyât :

Bois du vin, car tu dormiras assez sous le limon, sans camarade, sans compagnon, sans ami, sans intime. 1 Hâfi ? 307, 1 : « Lève-toi, et verse le vin joyeux dans la coupe d’or, avant que la coupe de ta tête soit remplie de poussière ».

L’expression « l’âme monte sur les lèvres » pour « la mort approche », est emploj’ée p. ex. dans le Mantiq-eftaïr v. 240. ^

Comp. le quatrain ambulant W. 392 qui est attribué à Hâfi ?.

Sahid (Morgenland. Forscb. 1875) : Hier je passais par hasard à travers les déserts près de Tus. J’y vis un hibou assis sur la place du coq. Je demandai : « Qu’a.s —tu à raconter de ce désert ? » — Il répondit : « J’ai ce mot à raconter : hélas, hélas I » Prends garde ! ne dis à porsonno i-c secret profond : la tulii>o fanée ne peut lleurir de nouveau*. (W. 107, Bd. 35.)

(Comp. W. 217, Bd. 4U.)

C. Réflexions sur la vie et la destinée. A côté des poésies bachit|ues ce sont les réflexions }>essimistes sur la vie qui reviennent le plus fréquemment dans les Rubâ’iyât.

La vie est trompeuse, et le monde qui est pour peu de temps notre stjour, ne nous offre que malheur et douleur. (W. 3.)

Les cieux qui ne nous fourniesent autre chose que la douleur, ne plantent rien, qu’ils ne l’arrachent de nouveau. Si ceux qui ne sont pas arrivés savaient ce que nous avons à souffrir du sort, il8 ne viendraient pas—. (W. 240.)

Comme le seul avantage (jue l’humanité puisse tirer de ce désert, e.st de souffrir de la douleur et de rendre l’âme, heureux celui qui s’en est allé vite de ce monde, et bienheureux dans son repos celui qui n’est pas venu au monde ^. (W. 387, Bd. 124.)

>

Abu-1 —^lâ (ZDMG. XXIX, p. 307) : Et qu’est-ce qu’il en est de la résurrection de ce qui est passé, une fois que le jonc est consumé par le feu ardent ? Quand le destin.s’abat sur nous, le qaiâ ne peut pas s’envoler, et les voilées [c.— à —d. les femmes) ne peuvent pas se débattre. ^

Pour les réflexions de cette sorte, il serait superflu de citer des parallèles.

On peut à peine lire une page de poésie persane sans en trouver.

^

Abu-l-’AIâ : « Comme le jeune homme doit retourner au tombeau, pourquoi sa mère veille-t-elle sur lui et le nourrit-elle ? » (ZDMG. XXX, p. 51.)

Ilâqâni (quatr. 185) :

Ilâqani ! éloigne-toi de cette rue de l’inju-stice, dis adieu à cette maison de la douleur et va-t —en content. La vie t’est donnée par le ciel, elle est ta pri.son. Rends ta

vie au ciel et va-t-en comme un homme libre. Déjà dans le roman pehlevi Yâth’irî Zârlrâfiy le ministre Gilmâsp dit : « 11 est heureux, celui qui ne naquit jamais d’une mère, ou, s’il naquit, fût déjà mort, ou bien ne fût pas venu ici des contrées lointaines ». (Sitz. d. kônigl. bayr. Akad. 1890 11, p. 55.) 8* Ironie cruelle de la vie :

Bien (jii’iin joli teint et une odeur agr(’^able me soient donnés, que ma joue soit tomme une tulipe et ma taille comme celle du cyprès,

il n’est pas connu, pourquoi l’artiste qui m’a formel, m’a tellement orné dans ce séjour malheureux de la poussière. (W. 12.)

Nous ne sommes que des jouets dans la main du destin inexorable.

« Quand la plume [de la destinée] s’est avancée [sur le, pa^àer], elle ne retourne pas à cause de toi-. » (W. 257.)

Sois content, car, on a préparé ta portion — hier —, indé pendamment de tous tes désirs — hier. Vis joyeux, car sans égards pour tes demandes — hier ~, on a fixé tes affaires pour demain — hier 3. (W. 489, Bd. 152.)

Et si l’idée de l’inévitable inspire quelquefois une confiance sereine, elle peut éveiller aussi des sentiments d’amertume ou de profonde tristesse.

Personne n’a deviné l’énigme des secrets de l’éternité, personne n’a fait un seul pas au dehors de sa nature. Je regarde le disciple et le maître : l’impuissance est aux mains de tous ceux qui sont mis au monde par une femme. (W. 190, Bd. 72.)

^

Kamal l8mail parle de « l’artiste (^liij) qui a peint cette belle forme ».

  • Afdal Kâsî : « Quand la plume s’est avancée [sur le papier], ce

qui est écrit ne peut pas changer de couleur ». (yTo „i>^ JLï ^xs. jt ’

Nâsir Husrau : « Aucune chose ne va selon notre désir, car jamais il ne nous est accordé de choisir » {Eûsanâlnâme v. 493).

Sa’dl

{Gulistân éd. Gladwin p. 316) : Le sort ne se change pas pour les mille lamentations et soupirs, ni pour les flatteries ou les plaintes qui sortent de nos bouches. L’ange qui est le gardien du magasin des vents, que se soucietil de ce que la lampe d’une veuve soit éteinte’? Comp. ce vers de Pindâr-i Râzi (Daulatsàh éd. Browne p. 43) : Il y a deux jours où on ne doit pas se prémunir contre la mort : c’est le jour où c’est notre destin [de mourir], et le jour où ce n’est pas notre destin.

Le jour où c’est notre destin [de mourir], il est inutile de nous débattre, et le jour où ce n’est pas notre destin, nous ne mourrons pas. Noue eomnies les pièces, et le riel est v joueur « IV-checB, — cest littéralement vrai, et ce n’est pas une métapliore. Nous jouons sur réihi<iuier <le l’existence, et puis nous retournons un à un dans la boite « lu nt’-ant’. (W. 270, Bd. î>4.)

Le grief contre la’^rouc du ciel » (rarli, rarhi /a/a/.), (jui est un des lieux communs de la po(’>sie persane^, revient bien des fois, varie de diverses façons. ’

Cette allégorie provient de l’Inde. Conip. le vers de Bhartri hari que M. Macdonell a ciu— dans le JRA8. ls98 (p. 121

122) et M.

F. W. Thomas dans le ZDMG. 1899 (p, 364), et que ce dernier traduit ainsi :

Where in some house was maiiy an one, there afterwards stands one.

Where aj^ain one, there subsequently are many, and then toc at last not even one.

Even so, swinging day and night like two dice, Kâla with Kâlï plays, a skilful gamester, with the living for pièces. L’allusion au sort (Kîila et Kâlî sont le dieu et la déesse du sort) en connexion avec le jeu d’échec ou d’autres jeux semblables est, selon MM. Macdonell et Thomas, « un ancien lieu commun ».

Avicenne

dit : « Le sort est un joueur de nard, et nous sommes les pions ; le ciel représente les deux dés, et le monde est le tablier ». (Gott. Nachr. 1875) no. 15.)

Un parallèle intéressant est cette réplique de Sancho Panza dans le fameux roman de Don Quichotte (II partie, ehap. XII) : « Brava coniparacion ! dixo Sancho, aumiue no tan nueva, que j’O no la haya oido muchas y di versas veces, como aquella del juego del axedrez que, mientras dura el juego, cada pieza tiene su particular oficio, y en acabandose el juego, todas se mezclan, juntan y barajan, y dan con ellas en una boisa, que es como dar de la vida en la sepultura ».

Baba Tahir : « C’est grâce à la tyrannie exercée par la roue du ciel que la lèvre de mes blessures me semble toujours imprégnée de sel », (éd. Huart, JA. 1885 no. 49.)

Na.sir IJusrau : « Il ne faut pas s’attrister de tout ce que nous destine la rotation de la roue céleste qui porte malheur ». (Eûsan/tlnâme, v. 491.)

Dans un des ses quatrains Anvari parle du « mauvais caractère » (had-huî) de la roue.

IJâqani l’appelle

(quatr. 67j « une roue qui a l’haViitude de faire le mal » etc.

HSfiz

s’exclame fièrement (353, 6) : « J’écraserai la roue, si elle ne tourne pas d’après ma volonté 1 ce ne sera pas moi qui me laisserai humilier par la roue du ciel ».

C’est, en somme, un des lieux communs les plus fréquents, et c’était le cas déjà avant’Omar Ilayyam. Nous en avons la meilleure preuve dans ce vers de Minuéihri : « Lorsque nous aurons pria la coupe en main, nous écouterons (juel(|ues distiques sur la rotation A roue du ciel ! tu ne connais ni pain ni sel, tu me rends toujours nu comme un poisson.

J.a roue [du rouet] d’une femme donne des habits à doux personnesainsi la roue d’une fennne est meilleure que toi, û roue du del !

(W. 292.)

Et pourtant la roue du ciel est impuissante elle-même. Si le ciel avait été le maître de sa rotation ; il se serait délivré de ce tournement éternel. (Bd. 154.) Pour ce qu’il y a de bon et de mauvais dans la nature humaine, la joie et la douleur qui dépendent de la destinée et de la providence, n’en rends pas responsable la roue, car dans la voie de l’intelligence, la roue est mille fois plus impuissante que toi. (W. 96, Bd. 41.) Il faut donc s’adresser au créateur lui-même^ C’est toi qui as arrangé les affaires des morts et des vivants, c’est toi qui tiens en main cette roue bouleversée. Si je suis méchant, tu es le maître, et moi je suis l’esclave : à qui la faute ? n’es-tu pas le créateur ? (W. 471.)

Sur mon passage tu dresses des pièges à mille endroits, et tu dis : « Je te tue, si tu y mets le pied ». Pas un seul atome du monde n’est soustrait à ta volonté : tu agis selon ta volonté, et tu m’appelles un rebelle^. (W. 432, Bd. 148.)

(Comp. W. 221 et la variante W. 421.) Le poète trouve souvent des expressions touchantes et délicates de la nullité de lliomme :

de la sphère (litt. roue) céleste, et, lorsque au milieu des jasmins le vin aura été bu, nous raserons jusqu’aux traces des soucis » (traduct. de Kazimirski, Divan no. 69, 3).

Nâsir Husrau : « Comment le ciel te prêtera t-il de la fermeté, quand cette fermeté lui fait défaut à lui-même ? » Mantiqct taïr (v. 147—148) : « Qu’est-ce que la roue céleste, sinon [un être] confus dont le pied s’égare ? Comment saurait-il ce qu’il y a derrière le voile, lui qui pendant tant d’années, sans tète ni fond, tourne im))uissamment autour de cette porte ? > — Comp. dans le Sâhnâme (éd. Mohl V, p. 2Ô2) la réponse de la roue à la plainte du poète. 2 Nâ.^ir Husrau : « A la gazelle tu cries : « ohé, ohé, fuis ! » et au chien tu cries : « taïaut ! » afin qu’il la poursuive » (cité dans le livre de M. E. G. Browne : A Year amongst the Persians p. 480). llayyani ! Ton corps ressemble i)arfaiteiuent a une tente : le sultan [qui y demeure] est l’flme, et son séjour est la nouison du néant. Le farrûS de la mort plie la tente pour [aller à] un nouveau séjour, — (juand le sultan s’est levé’. (W. 82.)

Cette roue du ciel sous laquelle nous sommes en confusion, nous savons qu’elle ressemble à une lanterne de papier. Le soleil est la chandelle, et le monde est la lanterne, et nous tournons comme les figures (pii y sont peintes. (W. 310, Bd. 108.)

La même môtai>liore est employée W. 491. Partout où il y a une rose ou un parterre de tulipes, ces fleurs sont produites par le sang rouge d’un prince. Chaque pétale de violette qui pousse de la terre, est un grain de beauté qui a été sur la joue d’une belle femme ^. (W. 104, Bd. 43.)

Avant toi et moi la nuit et le jour existaient*, et le ciel tournait parce que c’était là son aftaire. 1 Selon von Kremor (Kulturgeschichte des Orients II, p. 411)’Amr ibn’Ol)eïd, qui vécut sous Valld II et Yazid III, aurait comparé la vie à un voyage à travers le désert, pendant lequel on dresse, à la station, un camp de tentes, que Ion quitte après un Ijref séjour.

AbU-l-’Atâhiyâ dit (Divan éd. de Beyrouth, p. 105) que les hommes sont « une caravane qui trouvait un lieu de repos, et ils se reposaient pendant un court temps, et puis s’en allèrent ».

Abii-I-’AIa (Rieu :

De Abul-Alae vita et carminibus, p. 125) : « L’homme est un voyageur à qui l’ombre de l’arbre euHit, de sorte qu’il n’a pas besoin de cordes et de mâts de tentes ».

Comp. Hafi/ 644.

2 Selon la légende, une fleur rouge, qui porte encore le nom de « sang de Siyâves » (hûni Siyâves) est sorti des gouttes de sang tombées du corps de Siyâves assassiné (V. le Sdhnâme, ed Vullers II, p. 664). 3 Ibn Yamin (Schlechta Wssehrd no. 101) : Denn manches Veilchen, das im Tal Dem SchoÛ der Flur entblûhte, Herz, War einst ein Mal, das einst einmal Auf holden Wangen gltihte, Herz. H’âêa’Alï Sihàb Tarsïzl : « Il n’est pas étonnant si des roses poussent de la poussière : tant de corps de roses dorment dans la poussière ». (Daulatsâh, ed. Browne p. 396.) •

vi>^C>jJ (Cji^ij » J-o

_jj, Q-, : (

^J^’— ^.

  • ^1>> étaient les mots

que la femme du poète Magd-ed-din Hamgarï disait à son mari qui lui avait souhaité la mort (v. le Tdrlh-i (juzida, JKAS. 1901, p. 19). rrentlB ^jarde ! marche avec prcraution sur la poussière, car la pouBsière a été la pupille « le l’œil d’une belle femme. (W. 33.) (Comp. le quatrain cité dans le Firdans-et-tavanh et dans le Târihi yuuda [Browne, JRAS. 1900 p. 748].) La transformation du limon humain en [)oterie est une image favorite^ Hier je vis un potier au bazar ; il pétrissait à grands coups la terre fraîche. Et la terre lui dit dans sa propre langue : « J’ai été [homme] comme toi, traite-moi bien ». (W. 252, Bd. 89.) Apporte une cruche de vin, afin que nous puissions la boire, avant qu’on fasse des cruches de notre limon. (W. 5.) « C’est le doigt —de Feridûn et la main de Kaïhusrau que tu as mis sur la roue ! » dit le poète au potier^ (W. 437). — (Comp. W. 320, Bd. 111 ; W. 396 ; W. 407, Bd. 138 ; W. 468.) Par une extension naturelle de cette image, les hommes mêmes sont qualifiés de poterie : Ce potier qui a fait les jattes de nos têtes, a mis ses propres qualités » dans sa poterie. 1 Abn-l —Alâ (ZDMG. XXX, p. 48). Et il n’arrive pas à la célébrité, celui qui retourne à l’état de matière du potier pour être transformé en objets utiles. Peut-être serat-il fait de lui une fois un vase, et quiconque voudra pourra y manger et boire, et il sera porté de pays en pays et ne le saura pas. Malheur à lui ! il lui faut errer même après l’anéantissement. Dans le jeu de mots employé ici (fahhâr dans ses deux significations : « célébrité » et « potier » ), nous avons peut-être l’origine de cette allégorie tant goûtée par les orientaux. ’ Hafi’/î 199, 4 : « Prends la coupe avec vénération, car elle est composée des crânes de Gamsed, de Bahman et de Qobâd ». — Ibn Y a min (Schlechta-Wssehrd no. 101) : Und manch ein schlichter, irdner Topf, Den Topi’orhânde malten, Herz, War einst eiiimal ein edler Kopf, Auf welchem Kronen strahlten, Herz ! Sur la tahie lio loxistence il a place* une jatte reiiveret’e’, et cette jatte reiiverBie, il l’a remplie dv tristesHe-’. (W. 229.) lyhomine est un ui’ant au iiiiliru du ncMiit. <> ij^noraiit ! tu ne sif^nilies rien dans les aflaires du monde ; la base [de ta vie] est le vent, c’est pounpioi tu n’es rien. l/existence est limitée par deux néants (pii sont les cotés, et toi, tu es un néant entre eux’. (W. 424.) Toute la vie n’est qu’une illusion, qu’un « mirage [qui durera] jusqu’au jour du jugement dernier » ’*. (W. 242.) De notre feu, comment y aurait-il de la fumée ici ? et de notre capital, comment y aurait-il des intérêts’.’ A celui qui m’appelle un visiteur de taverne je dis : « au fond, comment y aurait-il une taverne ici ? » (W. 13.) Le savoir est chose vaine. Ceux qui ont parcouru le monde, ceux (jui, dans leurs tlésirs des choses mondaines, ont mesuré les deux mondes, je n’ai pas api)ris qu’ils aient su jamais, quelle est notre situation. (W. 151.) Ceux qui embrassaient le savoir et les humanités, et qui, par l’ensemble de leurs perfections, brillaient comme des flambeaux aux yeux de leurs camarades, ne trouvèrent pas le chemin qui mène de cette nuit sombre : ils racontèrent un conte bleu et puis s’endormirent^. (W. 209.) > C’est-à-dire : la sphère céleste. ^ Dans le GuUan-i râz v. 240 sq., les cieux sont comparés à la roue du potier, et Dieu au potier même qui fait de terre et d’eau des vase.s de formes toutes différentes. ’ Mavfiqetfair v. 236 : « Je euis un atome, perdu dans une ombre ». — GuUstân (éd. Gladwin p. 301) : « La vie est sous la sauvegarde d’un seul moment, et le monde est une existence entre deux néants ». — Hâfiz 350, 2 : « Le monde et les affaires du monde, tout cela est un rien dans un rien ».

Gâmï : « La forme extérieure (^v/<re(^ du monde est un rêve confus ». — (Wicherhauser 8, 6.) — Selon Ibn Yamïn (Schlechta-Wssehrd no. 20) la vie est : Lin Wassertrugbild, das auf Wûsten fiillt, Ein wiister Traum, der Schlafende betôrte.

Abu Sa^id (p : thé no. 7) : Bien que mon cœur courût longtemps dans ce désert, il ne s’est avancé de l’épaisseur d’un cheveu en savoir, et ne s’est occupé que de fendre des cheveux en « luatre. Nous ne réussirons jamais à résoudre le grand problème de la vie.

Derrière le voile des secrets jJerBonne ne trouvera accès ; de cette institution itersonne n’aura connaiBsance. Notre eeule demeure est dans le cœur de la terre pombre. llclas, cette histoire n’est pas brève [à raconter]’. (W. 47, Bd. 29.)

Ils s’en allèrent, et de ceux qui s’en allèrent, pas un seul n’est revenu te donner des nouvelles de ce qui est derrière le voile des secrets^.

(W. 266.)

(Comp. W. 129 ; AV. 152 ; W. 267, Bd. 97 etc.). Même a})rès la mort, nous ne devons })as espérer de voir plus clair.

Si le cœur savait à fond le secret de la vie [ici-bas], il saurait aussi après la mort les secrets de Dieu. Mais comme à présent, étant en possession de toi-même, tu ne sais rien, que sauras-tu demain, quand tu auras quitté toi-même ? ^ (W. 52.)

Nous ne pourrons parvenir qu’à cette vérité désolante que le monde va son train, éternellement, sans que nous y soyons pour rien.

« Sache qu’aujourd’hui est comme hier, et Quand mille soleils brilleraient dans mon cœur, enfin, il n’a pas su égaler en perfection un atome de la poussière du chemin. (Dans la Chrestomathie persane de Schefer (II p. 253) ce quatrain est cité comme provenant d’Avicenne.) — Afdal Kâsl : « Nous nous sommes creusés l’esprit, pendant toute la vie, nuit et jour : nous sommes arrivés la tète troublée, et nous nous en irons confus ». ’

La métaphore du voile (pardej qui cache le mystère divin, se trouve par exemple dans le Manfiq-et-tair v. 147 — 48 (cité p. 118 note 1) et V. 178-79 : « Toi qui te tiens caché derrière le voile, éloigne le voile à la fin, et ne laisse pas mon âme dans la torture ».

Hâfiz 115, 6 :

« Personne ne sait ce que fait derrière le voile des secrets celui qui a dessiné ce cercle céleste ».

Nasir Husrau : « Pas un seul n’est revenu de ceux qui s’en allèrent ; pas un seul ne s’est réveillé de ceux qui s’endormirent ». {Bùsanâînâme v. 486.)

3Cfr.p.18note4. (jne demain sera comme le prciu’KT joll^^» (W. 115.) Aussi nous faut-il nous résigner à l’inévitable et prendre la vie et la mort eu vrais stoïciens : Kcoute-moi, ù le plus excellent des vieux ami. - ^ ! ne pense pas à ce ciel sans tête et sans fond-. Assieds toi dans un coin de la plaine de l’abstinence et re^rarde le jeude la roue3. (W. 867.) Tantôt le vin de la vie est pur, tantôt il n’est ()ue de la lie. Tantôt nous sommes revêtus d’habits de mendiants, tantôt de vêtements précieux. Tout cela est sans imi)ortan(e aux yeux du sage, et ce fait est également sans importance, qu’il doit mourir^. (W. 189.) Je vis un rind assis sur la terre sèche, [il ne se souciait] ni de l’inâdélité ni de l’islam, ni du monde, ni de la religion, ni de Dieu, ni de la vérité, ni de la loi, ni de la certitude : qui dans les deux mondes serait aussi hardi que lui ? (W. 375.)

Adib Sabir : «Le jour d aujourd’hui est passé comme hier n’ayant pas tardé à venir ; le jour de demain, qui viendra, passera comme avant-hier». - IJâqânï donne (quatr. 163) la même épithète (r)j^*, j*" 3^) au ciel, et de même Lutf-allah Nisâpuri (Daulatsah éd. lirowne p. 318). Hufiz caractérise (508,5) les actions du ciel comme «sans tête ni pied» ^ Garni : «Dans tout ce que j’ai saisi de ma main, je n’ai trouvé que des douleurs qui m’ont rongé le cœur : alors j’ai retiré ma main de tout, et j’ai trouvé le repos».

Anvarl : Depuis le temps où je me suis lavé la main du désir charnel du monde de la poussière, le pan de ma robe est décrassé de la poussière du monde temporel. L’espoir de l’éternité et la peur de l’anéantissement où sont ils devenus" ? Comme je suis mort au monde, pourquoi craindrais-je la mort’/ Ici comme ailleurs les idées frisent le sufisme’. L’idée de la métempsycose semble ressortir du (juatrain suivant, si l’on suit la lecture de P. : Ceux (jui ornent le ciel pour un fragment de temps, viennent et s’en vont et viennent de nouveau avec le temps. Dans le pan [de la rol)e] du ciel et dans la poche de la terre, il y a des créatures qui renaîtront, jusqu’à ce quelles meurent^ (P. 79, W. 215, Bd. 56.)

(Comj). W. 423.)

La même idée apparaît dans W. 442 qui semble en— même temps exprimer le désir du nirvana : Plût à Dieu qu’il y eut un reposoir, ou qu’enfin nous arrivions au bout de cette marche.

Plût à Dieu qu’après cent mille ans un nouvel espoir pousse comme de la verdure du cœur de la poussière ! D. Piété, résipiscence et morale. Si toute autre chose est illusion, il reste pourtant une réalité : le principe régnant, la force qui met le monde en mouvement, que ce soit le destin méchant et tyrannique, ou l’intelligence universelle et divine. Le poète raille quelque fois, il est vrai, les choses saintes : Bien que je vinsse avec humilité à la mosquée, Dieu sait que je n’y venais pas pour prier :

Un jour j’en dérobai le tapis de prie-Dieu, et quand il fut usé, j’y revins, et ainsi de suite.

(W. 325, Bd. 115.)

1 Manfiq-et-faïr v. 3317—18 :

Pas un instant il (celui qui erre dans la vallée de l’amour mystique ) ne connaît la foi ni l’incrédulité, il ne connaît pas du tout le doute ni la certitude.

Le bien et le mal sont la même chose sur son chemin : quand l’amour arrive, ni l’un ni l’autre n’existent. 2 M. Heron-Allen voit ici une comparaison entre les planètes et les hommes, ce qui me paraît aussi le plus probable. En ce cas la lecture de P. est plus compréhensible que celle des autres textes : « il y a des créatures qui vivront, tant que Dieu ne mourra pas ». Malheu reusement ce manuscrit-là est écrit avec trop peu de soin pour qu’on puisse s’y fier,

Comme nous avons déjà dit, les idées de la métempsycose se trouvent chez Nasir Husrau. Plus tard Galâl-eddïn Rami les a adoptées (v. Horn : Gesch. d. pers. Litteratur p. 163). Mais une telle raillerie, qui touche au blasphônie, est assez rare.

Plus souvent Dieu est mentionné avec une révérence profonde, comme celui qui est omnipotent par suite de son omniscience :

Outre Dieu il n’y a pas de dominateur qui pnisBO commander, il n’y a pas d’être qui puisse.se dérober à na domination. Toute chose qui est doit être, et une chose qui ne doit pas être n’est pas.

(W. 124.)

« Un seul veille, les autres dorment ». (W. 222, Bd. 48.)

Le tnuhid est présenté en des termes sûfiques dans ce quatrain-ci :

Mon cœur me dit : « Je désire la science inspirée, apprends-lamoi, .si tu en es capable ».

Je dis : « Alif suffit, ne dis plus rien ; s’il y a quelqu’un dans la maison, cette seule lettre suffit’. » (W. 109, Bd. 28.)

Une conception panthéiste se manifeste dans plusieurs quatrains :

Tantôt, te tenant caché, tu ne montres ta figure à personne, tantôt tu te manifestes dans les formes de l’existence et de l’espace. Tu fais luire cet éclat pour toi-même : tu es l’œil qui voit et celui qui te voit toi-même^.

(W. 475.)

La goutte dit en pleurant : « Nous sommes séparées de la mer. » La mer répondit en riant à la goutte : « Noue sommes le tout 3 : vraiment il n’y a pas autre chose, nous sommes tous Dieu, et nous ne sommes séparées de lui que par un seul point. » (W. 410.)

(Comp. W. 359.)

Le poète vient à résipiscence : ’

La lettre i, qui a la valeur numérique d’1 est naturellement devenu le symbole du Dieu unique. Ainsi dit Hâfiz (416, 8) : « A la table de mon cœur il n’est écrit que Yalif de la forme de l’Ami ».’

Dans le Manfiq-ef-taïr, le tauhîd est exprimé par exemple de cette façon (v. 116) : « Marche dans l’unité et n’approche pas de la dualité, n’aie qu’un seul cœur, une seule qibla et un seul visage ». 2 Comp. Abu Sa’id (Ethé no. 17, cité p. 67) et le Gulsan-i râz v. 138 ; « Toi (homme), tu n’es que l’œil du reflet, il (Dieu) est la lumière de lœil ; de l’œil son œil voit son propre œil ».

Comp. le Mantiq-ef taïr v. 137 : « Dans cette mer qui est l’immense océan, le monde est un atome et l’atome un mon<lc ». Hélas ! nous avons passé la vie dans la vanité ; nos jouissances ont été illicites, ot nous avons été souillés par des désirs sensuels. La désobéissance envers les comniendements a noirci ma figure, et combien de choses non-commandées n’avons nous pas faites, hélas U

(W. 418.)

Et, humblement, il fait toba :

Quanil la pensée de mes péchés se présente à mon esprit, l’eau coule de ma figuic à cause du feu de mon soin’—. Mais c’est une loi que, quand l’esclave se repent, le maître lui pardonne avec indulgence*.

(W. 146.)

(Comp. W. 384.)

Cependant, il est difficile de tenir ce qu’on a promis dans son repentir, et parfois le poète désespère tout à fait de son amendement moral.

Quand ma nature s’inclinait vers la prière et le jeûne, je me dis à moi-même que tous mes désirs seraient accom])li8. Hélas, cette ablution fut rompue par un coup de vent, et ce jeûne fut rendu nul par une demi-gorgée de vin*. (W. 180.)

1 Comp. Suzani ; « J’apporte, ô Seigneur, quatre choses qui ne se trouvent pas dans ton trésor : j’apporte le rien, la }>auvreté, la faute et le péché ». {Târïh-i giizïda, JRAS. 1900, p. 755.)

  • Pour l’antithèse poétique du feu du sein et de l’eau des yeux,

comp. les citations d’après Fi rd au si et Mu’izzï p. 52.

De même

Rûdagl dit (Ethé no. 38) : « Nous sommes ceux qui avons fait notre lit dans l’auberge de la douleur, et nous sommes ceux qui avons le creur plein de feu à cause de l’eau [qui coule] de nos deux yeux ».

Et Baba Tâhir (Huart no. 47) : « Toujours mon cœur est plein de feu et mes yeux sont humides ».

^

Mantiq-et-taïr v. 211 : « Ô toi qui pardonnes mes péchés et acceptes mes excuses ! j’ai été torturé de cent façons, pourquoi veux-tu donc me torturer encore plus ? »

Comp. Salmân Sâvagï : « Hier j’ai rompu la coupe par repentance, et aujourd’hui j’ai rompu la repentance par la coupe ». (Schefer : Chrest. persane II, p. 256.) Dans un quatrain inédit des Rubâ’iyât de ’Omar IJayyâm (Berl. I, no. 135) la même idée est traitée avec la même gaieté :

Hier ma repentance a sorti sa main de la manche et a rompu une coupe en pensant qu’il en était fini. Aujourd’hui la coupe a serré la ceinture de la vengeance et a pris sa revanche en rompant ma repentance. Donno-nnus le vin, car iiiaintt’iiant lo voile de notre pudeur est tellement déchirtpi on ne pourrait le rac(’ommo<Ier. (W. 165, Rd. G5.) Chaciue jour je dis : « Cette nuit je me repentirai, je nie repentirai de la roupe remplie juequ au bord. Maintenant <)ue la saison de la rfise est arrivée, donne-moi la dispense : au temps de la rose je me repens de mon repentir’. » (W. 425.) Quel(iuefois l’auteur se fie à la grâce de Dieu : Mon obéissance n ajoute rien à ton pouvoir, et ma désobéissance passée ne lui porte pas préjudice : Pardonne et ne punis pas, car je sais que tu es lent à punir et prompt à pardonner*. (W. 1G9.) La taverne existe afin que nous puissions boire du vin. Le sang de deux mille repentances repose sur ma nuque. Si je ne commettais pas de péchés, à quoi bon la grâce ? La grâce dépend entièrement de nos péchés 3. (W. 130.) Sa’dl : « Ceux qui, au mois de Ramadan rompaient la harpe et la flûte, ont rompu la repentance en flairant lodeur des roses ». Hûfiz 294, 6 : « Dans l’intention de me repentir, j’ai cent fois repoussé la coupe mais le silql n’a pas cessé de me lancer des regards amoureux ». 1 Hâfiz 357, 1 ; « Dans la saison de la rose, j’ai eu honte de ma repentance du vin ». ’Abd-allâh Ansâri : « De nouveau, je suis plongé dans la douleur par suite de la peur de mes péchés : en me fiant à la grâce de Dieu, je retrouve la joie dans mon âme ». ^ S^ C>y> j^’^ ^i ci^rj jî j^J ^yh^^ ^^ ^y> « ^"^ u’^y j’

Abu Nu vas (Divan, traduct. allemande de Krcmer p. 135): O Herr, sind meine Sûnden grol »; Die Gnade dein, o Gott, ist grôCer. Begnadigst du die Frommen nur, Wen sollt’anrufen denn ein Boser ? Ibn Yamin (Schleclita-Wssehrd no. 70) : … Ei : nur vo Schuhlen ist, kann Erbarmen sein, Un<l kein Erbarmen braucht’s, vo keine Siindenl Comp. W. 40 [cité p. 3 ; î], W. 398 [cité p. 13-14 n. 1 tin], W. 53 et W. 102.)

Et il s’abandonne avec piété dans les mains de Dieu.

Dieu nous a donné l’âme comme un prêt, nous la restituerons, quand l’heure de la restitution sera arrivée (W. 213, Bd. 59.)

Ô Dieu ! sur la voie de ton service les grands et les petits sont égaux ; dans les deux mondes le service à ta cour est pn-fc-rable à tout 2.

Tu prends le malheur, et tu donnes le bonheur : ô Seigneur, prends et donne selon ta grâce ! (W. 422.)

(Comp. W. 364 et W. 449.)

Un optimisme sincère ressort

du quatrain suivant :

On dit qu’au jour de la résurrection il y aura des pourparlers, et que ce cher Anii sera sévère. De ce qui est bon sans mélange il ne peut résulter que du bon ; sois content, car à la fin tout ira bien. (W. 193.)

Par contre la foi en la grâce de Dieu est traitée avec une ironie amère ici :

Ne désespère pas, à cause de tes énormes péchés, [d’obtenir la grâce] du créateur, du Seigneur miséricordieux : Hâfi ? 292, 5 : Bois du vin au son de la har})e et ne bois pas la douleur ; et si quelqu’un te dit : « Ne bois pas du vin ! » réponds lui : « 11

(Dieu) est celui qui pardonne ! » — L’expression « le sang de la repentance » se trouve p. ex. chez Garni CWicherhauser 13, 7). ’

La vie est souvent appelée un prêt (’ârii/at). Abû-l-’Atâhij’a dit (éd. de Beyrouth p. 106) : A’raiment, le monde est pour les hommes une somme qui est mise dans leurs mains comme un prêt. Mais sache et sois assuré qu’il faudra une fois restituer l’emprunt. Abû-l-’^ Alâ : « Vraiment, tous les dons ne sont que des prêts, et c’estune sottise de se montrer mécontent de la façon dont ils sont distribués ». (ZDMG. XXX, p. 44.’i — Nâsir Husrau : « Cette demeure qui nous est donnée comme un emprunt ne reste chez personne ; chacun doit la secouer de sa robe ». [Sa’âdatnûme. 249.)

Hâqânl (quatr. 227) : « Est ce que tu as un nom dans cette existence que tu as empruntée ? Quand tu auras restitué le prêt, qui seras-tu alors ? » 2 Afdal Kâsl : « Pardonne à ton esclave qui vient à toi pendant toute sa vie : il n’a de place qu’à ta cour ». Si tu meurs aujourd liai comme un misérable ivrogne, domain I)ieu pardonnera à tes os pourris. (W. 305 .)

Nous trouvons aussi des (quatrains qui prêchent la responsabilité, le contre coup des consé(peuces de nos actions sur nous après la mort. Nous devons nous procurer des capitaux dans ce monde-ci, car dans l’autre nous n’aurons pas d’intérêts, si nous arrivons les mains vides. (W. 470.)

Le jour où tes qualités seront récompensées, tu seras qualifié selon la valeur de ton savoir’. Etîorce-toi d’acquérir de bonnes (jualités, car au jour de la récompense, ta résurrection aura lieu dans la forme de l’attribut 2. (W. 228.)

De telles réflexions renferment le germe des nobles pensées morales que nous rencontrons çà et là. Au dessus de la sphère, j’ai cherché, le premier jour, les tablettes et la plume [de la destinée], le paradis et l’enfer. Ensuite le maître infaillible m’a dit : «Les tablettes et la plume, le paradis et lenfer, tout cela est en toi-même», (W. 114, Bd. 15 .) Autant que tu peux, n’afflige personne ; ne mets personne sur le feu de ton courroux.

Si tu es désireux du repos éternel, sois toujours affligé, mais nafllige personne*.

(W. 15, Bd. 4.)

Cent ka’^bas d’eau et de terre ne valent pas un cœur. Pourquoi vas-tu visiter le ka’ba’. va trouver un cœur. (W. 18.)

1 V. p. 80-81.

Par opposition au suprême paradis, le paradis de l’essence (o !A- ! a.>L>) où les âmes sont absorbées par la divinité, les paradis inférieurs sont souvent embrassés sous le nom de «monde des similitudes » {ô’^ ^^), parce que chacun de ses habitants y prend une forme correspondante à ses attributs, c.-à-d. aux qualités qu’il possédait de son vivant (V. Browne : A Year amongst the Persians p. 141 .) ’

Nâ.sir Husrau : «Ne démolis pas par haine la maison de personne, car celui qui fait le mal souffrira le mal». (Sa’âdatnâme v. 31.)

Ibn Yatnin (Schlechta-Wssehrd no. 95) : Willst du, mit dem Gliuk zur Seite, Schreiten auf ’Verstandespfaden : Ninimer tue und bereite

Was dem Niichsten konnte schaden. Christeiisen, Recherches.

9 (Comp. W. 440.)

Et les considérations morales aboutissent là où aboutissaient les considérations sceptiques et pessimistes : dans l’ab.stinence, dans l’ascétisme. Les lèvres couleur de

rubis, la cou] » e de vin, les sons de la cymbale, de la hari)e et de la Hûte, tout cela n’est que de la « bourre >. (W. 45G.) Ta convoitise ressemble parfaitement au chien domestique, au(luel on ne demande que d’aboyer dans le vide. Elle a les qualités <lu renard et donne le sommeil du lièvre ; elle a la férocité du tigre, et elle est comme un loup perfide. (W. 61.)

Nous avons vu que beaucoup des quatrains des Rubâ’iyât ont une teinte plus ou moins accusée de sufisme. Il ne faut })as, il est vrai, se fier à l’extérieur : déjà au temps de’Omar, la terminologie sufique avait commencé à tyranniser la poésie.

Cependant il y a des quatrains dont les idées mêmes s’accordent à celles du sufisme, ce qui n’est pas étonnant, vu que bien des idées sûfiques i)résentent une affinité assez marquée avec celles de toutes les grandes écoles philosophiques du temps.

Quantité de quatrains sont in contestablement mystiques, mais l’authenticité de ceux-ci est spécialement douteuse, parce qu’on a voulu à tout prix considérer ’Omar comme un sûfï. Néanmoins, si nous voyons dans les Rubâiyât l’expression de l’esprit persan, les poésies sûfiques constituent un complément nécessaire aux autres. Le détachement du monde et de la morale bourgeoise : « Diminue ton appétit du monde, afin que tu puisses être content ; romps les chaînes du bien et du mal au monde » i. (W. 191, Bd. 73.)

Si tu cherches Lui, arrache-toi de ta femme et de tes enfante^, arrache-toi bravement de tes désirs et de tes chaînes.

Mantiq-et-taïr v. 686 : « Chacun qui a joué sa vie, est délivré de son être ; sur le chemin qui mène vers l’objet de son amour, il est affranchi du bien et du mal ».

2’Abd-allâh Ansârl : « Celui (jui te connaît, que fera-t —il de la vie ? que fera-t —il d’enfants, d’une famille et d’un chez lui ? » Tout ce qui existe n’est qu’une entrave sur la route. Comment pourras-tu niarclier les pieds lit-s ? romps tes liens ! (W. 256, Bd. 86.)

Celui qui n est pas connu et <iui ne shaliille ni de vêtements précieux ni d’un froc de laine, vole, tl un cœur joyeux, vers rKmi>yrée comme un Simur^ et ne demeure pas eomme un iiibou dans un loin de la ruine du monde’. (W. 163.)

(Comi ». W. 98.)

L’insignifiance des formes extérieures : Le temple d’idole et le ka’ba sont des lieux d’adoration, le battement « lu nâqûs’^ est la. « symphonie de l’adoration. La ceinture^ et l’église, le chapelet et le cricifix, tout cela est en vérité le symbole de l’adoration^. (W. 34.)

Le savoir ésotérique :

Dans le monastère et dans le coUèjre, dans l’église et dans la synagogue, on a peur de l’enfer et on cherche le paradis. Celui qui connaît les secrets de Dieu, ne sème pas cette semence dans son cœur.

(W. 49, Bd. 24.)

La « folie », l’extase, l’ivresse du savoir divin : Plus je m’abandonne moi-même et deviens non-existant, plus j’existe.

Plus je m’élève, plus je suis abaissé. Le plus sin^’ulier de tout cela, c’est qu’au moment où je m’abstiens le plus du vin de l’existence, je suis le plus ivre. (W. 351.)

Le froc de laine est le symbole des.safîs qui se perdent dans un formalisme creux (comp. le quatrain d’Abu Sa’id cité p. 71).

Dans son Mantiq-eftair,’Attâr a donné au Sîmurg, oiseau fabuleux souvent mentionné dans les légendes de l’ancienne Perse, le rôle du roi que cherchent les oiseaux dans leur voyage pénible, c’est-à-dire de la divinité mystérieuse. Là aussi (v. 979 sqq.) le hil)OU est celui parmi les oiseaux qui ne veut pas quitter ses mines, où il espère trouver des trésors cachés, pour accompagner ses camarades. — L’Empyrée, le

neuvième ciel, est la demeure de la divinité. ^

Espèce de crécelle ou de sonnettes en bois, dont se servaient les chrétiens au lieu de cloches. ’

Par l’usage de la ceinture, les juifs, les chrétiens et les zarathustriens se distinguaient des musulmans.

  • Hâfi ? 51, 4 : « La maison de l’amour est partout. Qu’est-ce que

la mosquée ? qu’est-ce que le temple des adorateurs du feu ? » 9* Va et choisis la déraison, si tu es raisonnable, afin que tu puisscH prendre le vin des mains de ceux (pii se 8ont enivrés du vin de l’éternité. iSi tu es irraisonnable, la déraison n’est i)a8 ton affaire : tous les irraisonnables ne parviennent pas à la déraison’. (W. 467.) Nous sommes amoureux, troublés d’esprit et ivres, aujourd’hui. Nous sommes des adorateurs du vin dans la rue des mages, aujourd hui. Complètement délivrés de notre propre existence, nous sommes constamment dans le mihrâb de YAlast, aujourd’hui-. (W. 272.) Si tu ne t’arraches pas la vie et ne bois pas du sang pendant cinquante uns, on ne te montre pas le chemin qui mène des mots à l’ « état » (c-à —d. à l’extase) ». (W. 302.) L’anéantissement (fana) : C) cœur ! quand tu fus assis au banquet de la bien-aimée, tu t’étais arraclié de toi-même, et [par là] tu t’étais uni à toi-même. Quand tu bus une gorgée de la coupe de l’anéantissement, tu fus entièrement délivré de l’existence et de la non-existence. (W. 429.) ’ SaMî : « SaMi, selon l’opinion des amants, les gens raisonnables sont insensés (inagnun) et Magnûn raisonnable ». Sâhi : « Rends-nous ivres et inconscients des affaires du monde, afin que nous puissions te révéler le secret du monde ». (Schefer : Chrest. pers. II. p. 265.) 2 Le Coran s. ’VII, 171 ; /^^.j ^. : >.AwJt, « Ne suis-je pas votre seigneur ? » demande Dieu aux descendants d’Adam qui ne sont pas nés. — Comp. le Bustàn de Sa’dl (éd. Graf p. 201) : « Les débauchés de l’hermitage de YAlast resteront enivrés par une seule gorgée de vin, jusqu’à ce que la trompette sonne ». — Hâfi ? mentionne le « vin de y Alasty> (151, 5) et la « coupe de’Alastf (225, 8). — Le « jour de YAlasti> est mentionné dans le quatr. 92 du ms. Berl. I des Rubâ’ij’ât : « 11 n’est pas convenable vivre sobrement dans ce monde-ci, car notre ivresse date du jour de Y AlasU. L’expression « la rue des mages » C-j^J^ ç^J’O ^ st employée par Abu Sa’ld (Ethé no. 91). Cfr. p. 47. ^ 3 Comp. le ManHqet-taïr v. 3217 : « 11 te faut entrer au milieu du sang et quitter tout. L ainour eu Dieu :

Cliaoun dont le cœur est pi-iu-tri— de la lumière do lamour, [n’importe] s’il est un habitant de la mosquée, ou a il est du peuple de l’éplise.

Chacun dont le nom est inscrit dans k— carnet de I amour’, t’st dflivr » ’de 1 enfer et afl’ranclii du paradis. (W. 63.)

Le cœur est une lampe qui emprunte sa lumic-re à la joue de celui qui emporte les oreurs.

C’est en mourant du chaprin [de l’absence ] qu’on commence à vivre. Il faut parler des qualités du Harabeau avec un homme au cœur de pajHllon, car c’est une histoire qu’on se met à discuter avec ceux qui sont brûlés’-.

(W, 231.)

L amour mondain n a jias d éclat, il est sans ardeur comme un feu à demi éteint.

Pour être un vrai amant, il faut qu’on soit pendant des mois et des annés, jour et nuit, sans repos et sécurité, sans nourriture et sans sommeils

(W. 182, Bd. 71.)

(Comp. W. 27, 36, 40, 171, 247, 400, 482.)

Il y a d’autres

quatrains d’amour, où l’on pourrait se demander, s’il s’agit de l’amour mondain ou de l’amour mystique (v. par exemple W. 117, Bd. 10 ; W. 230 ; W. 212, Bd. 61). L’interprétation sûfique est, cependant, partout la plus probable.

L’expression / j-yù, ^ jXiJ se trouve p. ex. chez Abu Sa’îd (Ethé no. 37).

^

La comparaison entre le cœur du mj-stique qui cherche Dieu, et le papillon qui est attiré par la lumière et brûlé, est ti’ès goûtée des sufis. V. p. ex. l’allégorie dans le Mantiq-et-to/ir v. 3958 sqq. et l’anecdote du Busiân (éd. Graf p. 224), — Bâbâ Tahir : « Dans l’univers il n’y a pas un papillon comme moi, dans le monde il n’y a pas un insensé comme moi ! » (Huart no. 28.)

Afdal Kâsï : « Afdal ! ne sois

pas orgueilleux de chaque pensée que tu as ; ne tourne pas comme un papillon autour de chaque lumière ». Cilâmî : « Le flambeau étend sa langue de feu pour attirer 1 amant, mais le papillon seul connaît cette langue brillante ». (Wickerhauser 1, 8.)

3 Manfiq-ef-faïr v. 3508 : « Si un amant peut dormir ailleurs que dans le linceul, je l’appellerai bien un amant, mais un amant de lui-même ».

134 Troisième Partie.

Voilà les éléments de cette œuvre remarquable qu’on appelle les Rubfi’iyât de ’Omar Hayyâm, mélange curieux de pensées les plus hétérogènes, les plus contraires, renfermant le matérialisme le i)his brutal et le spiritualisme le plus sublime, poésie tantôt légère, tantôt i>rofonde, traitée quelquefois avec enjouement, mais le i)lus souvent avec une ironie amère ou un désespoir plus ou moins accentué. Ce qui coutribue à rendre ce mélange plus confus, c’est que les quatrains ont été arrangés selon le hasard de la rime. Pourtant il ne faut i)as aller jusqu’à }»rétendrc, que toutes ces idées incongrues n’aient pu exister ensemble dans un même cerveau persan.

N’avons-nous pas eu, nous autres nations européennes, qui nous vantons de penser logiquement, des poètes qui ont traité des idées presque aussi hétérogènes ? Comment un tel phénomène ne serait-il pas possible chez ces Persans, doués de plus d’imagination que de logique ? Dans la poésie de Nâsir Husrau nous trouvons également une bonne part de ce déchirement, de ce débordement de sentiments momentanés, bien que, chez lui, ces sentiments soient contenus par une forte tendance.

Au point de vue de la psychologie, je ne trouve pas impossible, que ’Omar Hayyâm ait pu composer les Rubâ’iyât essentiellement telles qu’elles nous sont représentées dans les meilleurs textes. Mais, encore une fois,

même les meilleurs textes sont fortement altérés ; à quel point c’est ce que nous ne savons pas.

Nous n’avons pas de

moyens pour décider, si tel ou tel quatrain est composé par lui-même ou non.

Mais la valeur de l’œuvre reste, indépendamment de l’auteur.

Dans les Rubâ’iyât, les courants d’esprit qui ont traversé, durant les siècles, le monde persan, se rencontrent et se réfractent. Les Rubâ’iyât sont une encyclopédie poétitiue de la vie intellectuelle des Persans, et à ce point de vue, elles sont incontestablement une des œuvres les plus

remarquables qu’a produites la littérature persane.

Appendice I.


________________


Concordance des principales éditions
et de quelques manuscrits
des Rubà’iyàt de Omar Hayyâm.

Cette concordance consiste en trois tables comparatives, dont la première a pour base le ms. Bodleïen (éd. de Heron-Allen), la deuxième les éditions de Whinfield et de Nicolas, qui ont, essentiellement, le même ordre des quatrains, et la troisième celles de Lucknow, de Bombay et de Stamboul.

Valeur des abbréviations :

Bd. = ms. Bodleïen.
P. = ms. de Paris (Suppl. Pers. 823).
Berl. I. = ms. de Berlin (ms. Persan 35).
Berl. II. = ms. de Berlin (m.s. Persan 674).
L. I. = éd. de Lucknow 1888.
L. IL = éd. de Luoknow 1894.
B. = éd. de Bombay 1890.
St. = éd. de Stamboul 1901.
N. = éd. de Nicolas.
W. = éd. de Whinfield.


____________________
LU. 1’. 138 Im Bodleïan MS. ((^<lition .le Hi-ron Allen).

189 IM. l’. norl.I . Horl.ll. L.I. L.Il. B. St. >. W. 120 265 — — 517 523 518 517 300 336 121 — — — 538 544 538 537 — 353 122 58 — — 612 618 610 609 322 365 123 — — 157 611 617 609 608 327 368 124 53 — 155 599 605 598 597 — 387 125————— — — — — 126 186 — — 617 623 615 614 — 386 127 330 — 154 602 608 601 600 342 381 128 - — 151 582 588 581 580 344 382 129 47 — — 628 634 626 625 348 390 130 36 — — 618 624 616 615 351 393 131 296 — 169 664 670 662 661 359 426 132 300 — — 648 654 646 645 364 409 133 — — — 666 672 664 663 358 404 134 34 — — 651 657 649 648 363 408 135 — _ _ G65 671 663 662 370 414 136 207 — — — ___ 366 411 137 218 — — 637 643 635 634 367 412 138 236 — — 641 647 639 638 362 407 139 246 — — 644 650 642 641 382 — 140 260 — 172 680 687 678 677 384 428 141 — — 181 696 703 693 692 388 — 142 101, 339 — — 721 728 — — — 492 143 209 — 189 726 733 721 720 383 427 144 — — — 703 710 7C0 699 397 439 145 111 — — 700 707 697 696 394 436 146 106 — 182 699 706 696 695 404 446 147 263 — — — — — — — — 148 — — - _ _ _ _ 390 432 149 — — — _ _ _ _ 413 452 150 — — — 722 729 717 716 — 500 151 — — 184 706 713 702 701 420 459 152 — — — 695 702 — — — 489 153 334 — — 686,732 693,739 684 683 427 464 154———— — ____ 155 229 — — 690 697 688 687 448 479 156 — — — 687 694 685 684 447 478 157 88 — — 725 732 720 719 — 490 158 190 — — — — ___ 218 312 159 — — — — — — — Editions de Whinfield et de Nicolas. W. >. IM. I’. Herl.I . Btii.ll. L.I. L.II. li. St, 1 1 — — 3 1 1 1 1 1 2 3 _ _ 16 — 24 24 22 22 34— — 14 — — — — — 4 5 — — 17 — 18 18 16 16 5 6 — — 12 6 12 12 11 11 (3 7 _ 299 13 7 13 13 12 12 7 8 5 219 9 4 5 5 4 4 8 9 — 275 — — 19 19 17 17 9 10 — 143 — — — — — — 10 11 6 316 5 — 22 22 20 20 11 12 — — 4 2 2 2 2 2 12 13 — 38 — — 16 16 15 15 13 — — — 11 5 11 11 10 10 14 — — — — — 7 7 6 6 15— 4— — — — — — — 16 — — — — — 6 6 5 5 17 14 — — 24 12 28 28 26 26 18 15 — — 23 11 36 36 33 33 19 16 — — 29 — 27 27 25 25 20 17 — — — — 34 34 31 31 21 18 — — — — 35 35 32 32 22 19 7 241 25 — 29 29 27 27 23 — — 162 27 — 31 31 29 29 24 20 — — 31 — 131 131 127 126 25 21 — 37 32 — 42 42 39 39 26 22 20 162 33 — 84 84 80 79 27 23 — ’ — 39 — 132 132 128 127 28 24 11 — 41 — 133 133 130 129 29 25 — 134 57 17 98 98 94 93 30 26 12 124 133 — 41 41 38 38 31 27 — — 91 — 87 87 83 82 32 28 9 108 67 22 81 81 77 76 33 29 — - 68 23 114 114 111 110 34 30 _ _ 56 — 124 124 121 120 35 31 31 25 123 — — — — — Editions iv Whinfield et de Nicolas. 141 w. 142 Kditione de Whinfield et tle NicnluH. 143 Y. >. IU. r. lieil.I. Ikrl.ll . L.I . L.ll . H. St. 120 — — _ — _ 160 1GO l.’.T 15G 121 _ _ _ 53 — 114 144 141 140 122 _ _ — — — 142 142 139 138 123 — — — — — 138 13S 135 134 124 _ — — 4H — 135 13’) 132 131 125 _ _ _ — — ii>u 12(1 117 110 120 — — 94 87 - 103 103 99 98 127 — — — — — 88 88 84 83 128 _ _ — 191 — 55 55 52 52 129 — — — 51 — 57 57 54 54 130 — — _ 83 31 108 108 104 103 131 — — — — 259 — — — — 132 102 — 277 — _____ 133 103 — — — — 229 230 227 226 134 105 47 51 195 — 228 229 226 225 135 — 46 183 — — 227 228 225 224 130 100 60 223 230 63 244 245 242 241 137 107 — 135 — — 233 234 231 230 138 108 — — — ___ __ 139 109 69 212 — 64 307 308 304 303 140 110 — - — 65 285 286 282 281 141 111 — — - _ _ _ _ _ 142 113 — — — — 264 265 261 260 143 114 — — — — 390 392 388 387 144 116 — — — — 248 249 246 245 145 117 _ _ _ 77 323 324 320 319 146 118 — — — 75 — — — — 147 120 — — — _____ 148 121 — 309 — — 294 295 291 290 149 122 53 310 — — 295 296 292 291 150 123 — — — — — _ _ _ 151 124 — 62 — — 353 354 350 349 152 125 — 75 — _____ 153 126 — 67 — — _ — — _ 154 127 — 46 — — 251 252 249 248 155 128 — — — — 331 332 328 327 156 130 — 341 — _____ 157 131 — — — — 337 338 334 333 158 132 — 115 228 — 267 268 264 263 159 134 — — — — 343 344 340 339 160 136 — _ _ 67 277 278 274 273 161 137 — — — _____ 144 Appendice I. W. X. K(l. P. Bcrl.I. Berl.II. L .I . L.II. B. St. 1G2 138 — 50 — — — — — — 1G3 140 — 71 — — 3G1 302 358 357 164 141 — — 231 — 230 231 228 227 165 142 65 — — — 311 312 308 307 166 143 — 139 — — 319 320 316 315 167 145 — 87 — — 256 257 254 253 168 14(i — 168 — — 272 273 269 268 169 148 — 24 — — 237 238 235 234 170 149 — 313 — — 235 236 233 232 171 150 — 123 — 66 338 339 335 334 172 151 64 — — — 339 340 336 335 173 152 — — — — 377 378 374 373 174 153 67 230 — — 290 291 287 286 175 156 68 836 — — 276 277 273 272 176 157 51 55 232 — 231 232 229 228 177 158 — — — 60 249 250 247 246 178 159 — — — — 358 359 355 354 179 161 — 52 — — 259 260 257 256 180 162 — 343 — 81 365 366 362 361 181 163 — 287 — — 348 349 345 344 182 164 71 119 — — 293 294 290 289 183 165 — 237 — — 291 292 288 287 184 167 — — — 90 278 279 275 274 185 168 — 196, 322 — 68 284 285 281 280 186 170 — 292 — — 379 380 376 375 187 171 — — _ _ _ _ _ _ 188 172 — 347 — 72 351 352 348 347 189 174 — — _ _ _ _ _ _ 190 175 72 — — — — — — — 191 176 73 — — — 255 256 253 252 102 177 _ _ _ 88 344 345 341 340 193 178 — 197 — — 315 316 312 311 194 179 77 283 — — 304 305 301 300 195 180 78 282 — — 242 243 240 239 196 181 — 288 — 82 — — — — 197 182 75 324 — — — — — — 198 183 — — _ _ 332 333 329 328 199 184 — — — — 265 266 262 261 200 185 — — — — 281 282 278 277 201 186 80 157 — — 271 272 268 267 202 187 — — _ 97 _ _ _ _ 203 188 81 231 — — 366 367 363 362 146 Appendice I. W. N. B(l. r. Berl.I. Berl.II . L .I . L.ll . B. St. 246 202 — — — 94 - — — — 247 204 — — — ~ — — — — 24S 206 _ — — — 393 395 391 390 249 207 — — — — 394 396 392 391 250 208 — — — — 415 418 414 413 251 210 — — — — — _ — — 252 211 89100— — 408 411 407 406 253 215 — 325 — 95 395 397 393 392 254 — — — — — — — — — 255 _ _ _ _ — 416 419 415 414 256 — 86 20— — 411 414 410 409 257 216 95 59 — — 427 430 420 425 258 217 _ 121 — — 421 424 420 419 259 219 — — — — 423 426 422 421 260 220 — " — — — 443 447 443 442 261 221 — __ — — .— — — 262 222 2 — — 263 223 — 7 — 264 225 — 30— 265 226 — 317 — 266 227 — — — 267 228 97262— 268 229 1 4 — 269 230 99346— 270 231 94 31 — 271 232 — 32— 272 233 _ _ — 273 234 — 142 - 274 — 100 99— 275 — — — — 276 236 — - — 277 237 — 131 - 278 238 — 151 - 279 — _ _ _ 280 240 101 154, 172 — — 281 241 — — — 282 242 102 202 — 283 243 103 102 — 284 244 •-• 278 - 285 246 — - - 286 247 — _ _ 287 248 — _ _ 100 I^ditionH <U’ WhinfieM et <le Nicolas. 147 W. 286 • 289 200 291 292 293 294 295 290 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 319 320 321 322 323 324 325 326 327 328 329 N. IM. 249 105 245* — 250 251 253 254 255 250 257 259 200 201 _ 10’ 202 - 203 — 204 — 205 — 200 — 207 208 209 270 271 272 273 274 275 270 277 278 282 283 284 285 280 287 288 289 108 1’. JJerl.l. Hoil. II. 20 — 184 — — km ; — 112 115 113 294 307 6 43 40 22 122 ir 118 L. I. 465 463 452 469 475 39 474 471 477 480 483 L. il. 469 467 456 473 479 ]{. 465 463 452 409 475 St. 464 402 451 408 474 39,482 36,478 36,477 478 475 481 485 488 494 474 471 477 481 484 490 340 209 147 120 123 129 485 487 480 484 492 513 520 500 508 499 490 540 490 492 491 489 498 519 520 572 574 505 502 546 486 488 487 485 494 514 521 565 567 501 498 540 136 122 138 502 547 508 553 - 29 — 9 1i1 118 109 — - — 28 — — 473 470 476 480 483 489 485 487 486 484 493 513 520 564 506 500 497 539 503 502 546 545 114 234 142 148 Appendice I. W. >. Bd. P. Berl.I. Berl.II . L .I . L.II . B. St. 330 290 IIG 227 — 132 533 539 534 533 331 291 — 180 — 131 528 534 529 528 332 294 118 — — — 565 571 564 563 333 296 — 5 — — 493 499 495 494 334 297 — 301 — 144 557 563 556 555 335 298 — 211 — 124 504 510 505 504 336 300 120 265 — — 517 523 518 517 337 301 — — - 130 522 528 523 522 338 302 _ _ — — 560 566 559 558 339 303 — 280 — — 525 531 526 525 340 304 — 83 — — 506 512 507 506 341 305 — 276 — — 519 525 520 519 342 306 — 342 — — 527 533 528 527 343 310 — 156 — — 509 515 510 509 344 312 — • 14 — — 543 549 542 541 345 313 — — — 133 545 551 544 543 346 314 — — — — 569 575 568 567 347 315 — 302 — — 521 527 522 521 348 316 _ _ ______ 349 317 — — _ _ -_ _ _ _ 350 — — — — _ 574 580 573 572 351 — — — — - 564 570 563 562 352 — _ — _ _ 562 568 561 560 353 — 121 — — - 538 544 538 537 354 — — — — — 532 538 533 532 355 _- __ — _ 523 529 524 523 356 — — _ _ _ 511 517 512 511 357 - — 16 — — 491 497 493 492 358 308* _ — _ _ 573 579 572 571 359 — — 17 — — 503 509 504 503 360 460* — 255 — 128 515 521 516 515 361 318 — 93— - 586 592 585 584 362 319 _ — — _ 598 604 597 596 363 320 — — — — 600 606 599 598 364 321 — — — 156 606 612 605 604 365 322 122 58 — — 612 618 610 609 366 325 — 159, 178 — — 579 585 578 577 367 326 - 173 — — 589 595 588 587 368 327 123 — — 157 611 617 609 608 369 328 _ — — _ 576 582 575 574 370 329 — _ _ _ 597 603 596 595 371 330 — _ _ _ 592 598 591 590 l’ilitioiis lit" Wliiiilield et de Nicolas. 149 >. Hil. l*. Ilerl. I. llerl. II. L. I. L. II. H. St. 331 — — — — — — — — 333 — — — — — 335 _ _ _ _ 590 59G 589 588 336 — — — — ——— - 337 _ (15 _ _ 585 591 584 583 338 _ 349 — — 595 GOl 594 593 339 — 270 — — 587 593 580 585 340 — 98— 153 588 594 587 586 341 — 192 — — 584 590 583 582 342 127 330 — 154 602 608 001 000 344 128 — — 151 582 588 581 580 345 — 232 — 149 580 586 579 578 346 - 11 — 150 581 587 580 579 347 _ _ — — 007 013 — - — 126 186 — — 617 623 615 614 — 124 53 — 155 599 605 598 597 _ — — — — 596 602 595 594 _ _ 33 — 159 575 581 574 573 348 129 47 - — 628 034 626 625 349 _ 90 _ — 631 637 -629 628 350 _ — — — 621 627 619 618 351 130 36 — — 618 624 616 615 35-2 _ _ _ 163 620 626 618 617 353 _ 12 _ 164 626 632 024 623 354 _ _ _ _ 619 625 617 616 355 __ _ _ (160) 629 635 627 626 356 — 10 — 162 633 639 631 630 357 _ 321 — 161 622 628 620 619 - -_— — — 635 641 633 632 _ _ 167 — — 627 633 625 624 __ — — — 624 630 622 621 _ _ — — — 632 638 030 629 358 133 _ _ _ 666 072 064 663 360 ._ _ _ — 639 645 637 636 361 _ _ _ _ 669 676 — — 362 138 236 — - 641 647 639 638 363 134 34 •- — 651 657 649 348 364 132 300 — — 648 654 646 645 365 — — - — — — — — 366 136 207 - — — — — — 367 137 218 — — 637 043 035 034 368 _ _ _ — — 074 060 065 ^^^^tion8 de WhintieM t’t de Nicolae. l’il ». N, IJd. r. IJerl.l. Ikrl. II. L. 1. L. II. IJ. St. 45r, 417 — — — — 748 755 741 740 457 418 — _ _ _ 758 765 751 750 458 410— ___ _ ___ 459 420 151 — — 184 70() 713 702 701 460 423 — 170 — — — _ — _ 461 424 _ ___ — — — — 462 425 — — — — 723 730 718 717 463 426 — — — 195 760 767 753 752 464 427 153 334 — — 686,732 693,739 684 683 465 430 — _______ 466 431 — 103 — — 691 698 689 688 467 432 — 182 — — 720 727 716 715 468 433 — 213 — 180 - — — — 469 434 — 161 — — 710 717 706 705 470 435 — — — — 749 756 742 741 471 436 — 2 — — 693 700 691 690 472 439 — 238 — 191 733 741 727 726 473 441 — _ _ _ 702 709 699 698 474 442 — 345 — — — — — — 475 443 — — — 194 698 705 695 694 476 444 — - — — 739 747 733 732 477 446 — — — — 759 766 752 751 478 447 156 — — — 687 694 685 684 479 448 155 229 - - 690 697 688 687 480 449 — 153 — — — — — — 481 452 _ 251 — - — — — — 482 453 — _ _ _ _ _- _ _ 483 454 — ^- _ 176 678 685 676 675 484 455 — 216 —— — — — — 485 456 — 335 - — 729 736 723 722 486 457 — _ _ _ _ _ _ _ 487 458 — 8 — 187 724 731 719 718 488 459 — — 1 — 762 769 755 754 489 - 152 — — — 695 702 — — 490 - 157 88— — 725 732 720 719 491- ____ _ ___ 492 — 142 101, 339 - — 721 728 — — 493 — — _ _ — 714 721 710 709 494 — — _ _ _ 711 718 707 706 4«)5 _____ 709 716 705 704 496 — — _ _ _ 701 708 698 697 497 — — — — — 750 757 743 742 152 Appendice I. W. N. Bd. P. Berl. I. Berl. IL L. I. L. II. H. S(. 498 _ — — — — 730 737 724 723 409 — — — — — 728 735 722 721 500 - 150 — — — 722 729 717 716 2 _ _ 15 8 23 23 21 21 42 - 42 142 — 201 201 198 197 72 — — 86 33 134 134 131 130 94 — — 148 — 206 207 204 203 104 — — 194 57 226 227 224 223 112 52 — — — 370 371 367 366 115 _ _ _ 86 389 391 387 386 119 — 104 — — — — — — 133 — — — 87 342 343 339 338 135 — — — — 279 280 276 275 139 — — — — 385 386 382 381 144_" __ _ — — — — 147 — — — — 280 281 277 276 155———- ___ _ 160 — — — — 391 393 389 388 166 — — — 91 334 335 331 330 169 — — — 69 296 297 293 292 173 - — — 73 352 353 349 348 189 — ~ — — — — -- — 191 — — — — — 390 386 385 194 85 332 — — 309 310 300 305 196 90 266 — 107 468 472 468 467 203 87— — — 400 403 399 398 205 — — — 96 404 407 403 402 209 — — — — — — — — 212 — 233 — — 413 416 412 411 213 — — — — — — — — 214 — 224 — 93 399 402 398 397 218 — — — — — 438 434 433 224 96 264 224 — 435 439 435 434 235 — 289 — — 428 431 427 426 239 — — — — 453 457 453 452 252 — 203 — 116 470 474 470 469 258 — — — — 478 483 479 478 279 — — — — 530 536 531 530 280 — 244 — — 510 516 511 510 281 — — — — 490 496 492 491 •292 _ — — 127 514 520 515 514 146 Éditions de Lucknow, Bombay et Stamboul. L.1I. L.I. B. St. Ii<i. P. Berl.I . Berl.II . N. W. 111 1 — — 3 1 1 1 2 2 2 2 — — 4 2 12 11 3 3__ — ____ — 4 4 3 3 — — — — — — 55445 219 9487 6 6 5 5 — — — — — IG 7 7 6-6 — — — — — 14 8 8 7 7 — — — — — — 9 9 8 8 — — — — — — 10 10 9 9______ 11 11 10 10 — — 11 5 — 13 12 12 11 11 — ’ — • 12 G G 5 13 13 12 12 — 299 13 7 7 6 14 14 13 13 — 272 — 3 — — 15 15 14 14 — - — — 9 — — 16 16 15 15 — 38 — — 13 12 17 17 — — — 143 — — 10 9 18 18 16 16 — — 17 — 5 4 19 19 17 17 — 275 — — 9 8 20 20 18 18 — — _ _ _ _ 21 21 19 19 — — — — — — 22 22 20 20 6 316 5 — 11 10 23 23 21 21 — — — 8 2 — 24 24 22 22 — — 16 — 3 2 25 25 23 23 — — _ _ _ _ 26 26 24 24 — _ _ _ _ _ 27 27 25 25 — — 29 — 16 19 28 28 26 26 — — 24 12 14 17 29 29 27 27 7 241 25 — 19 22 30 30 28 28 — — 27 — — — 31 31 29 29 — 162 — — — 23 82 32 30 30 — — — — — — 33 33 37* 37* — — _ _ _ _ 34 34 31 31 — — — — _ _ 35 35 32 32 — — __ _ _ _ Ktlilioiis lit" I.urknow, lîoinbiiy et Stamboul. 1 Éditions de Lucknow, Bombay et Stamboul. L.1I. L.I. B. St. Ii<i. P. Berl.I. Berl.II. N. W. 111 1 — — 3 1 1 1 2 2 2 2 — — 4 2 12 11 3 3__ — ____ — 4 4 3 3 — — — — — — 55445 219 9487 6 6 5 5 — — — — — IG 7 7 6-6 — — — — — 14 8 8 7 7 — — — — — — 9 9 8 8 — — — — — — 10 10 9 9______ 11 11 10 10 — — 11 5 — 13 12 12 11 11 — ' — • 12 G G 5 13 13 12 12 — 299 13 7 7 6 14 14 13 13 — 272 — 3 — — 15 15 14 14 — - — — 9 — — 16 16 15 15 — 38 — — 13 12 17 17 — — — 143 — — 10 9 18 18 16 16 — — 17 — 5 4 19 19 17 17 — 275 — — 9 8 20 20 18 18 — — _ _ _ _ 21 21 19 19 — — — — — — 22 22 20 20 6 316 5 — 11 10 23 23 21 21 — — — 8 2 — 24 24 22 22 — — 16 — 3 2 25 25 23 23 — — _ _ _ _ 26 26 24 24 — _ _ _ _ _ 27 27 25 25 — — 29 — 16 19 28 28 26 26 — — 24 12 14 17 29 29 27 27 7 241 25 — 19 22 30 30 28 28 — — 27 — — — 31 31 29 29 — 162 — — — 23 82 32 30 30 — — — — — — 33 33 37* 37* — — _ _ _ _ 34 34 31 31 — — — — _ _ 35 35 32 32 — — __ _ _ _ Ktlilioiis lit" I.urknow, lîoinbiiy et Stamboul. 1 •"•■"> L.II. L. I. B. St. Bd. P. Borl.I. Birl.II. N. W. 36 3(1 33 33 — — — — — - 37 37 34 34 45 — _ _ _ _ 38 38 35 35 — — — — — 30 39 30 3 6 — — — — 253 293 40 40 — — 19 95 82 13 38 42 41 41 38 38 12 124 133 — — 30 42 42 39 39 — 37 32 — — 25 43 43 40 40 — — _ _ _ _ 44 44 41 41 — 73 59 20 00 63 45 45 42 42 — — — — — — 46 40 43 43 — — 38 15 52 55 47 47 44 44 — — 35 — 55 58 48 48 45 45 — — 37—56 59 49 49 46 46 30 155 — — 51 54 50 50 47 47 — — _ _ _ _ 51 51 48 4N — 210 81 — 65 68 52 52 49 49 — 222 44 — 37 41 53 53 50 50 — — _ _ _ _ 54 54 51 51 — — _ _ _ _ 55 55 52 52 — — 101 — — 128 56 56 53 53 — — 50 — 53 56 57 57 54 54 — — 51 — — 129 58 58 55 55 39 — _ _ _ 105 59 59 56 56 15 114 45 — — 114 60 60 57 — — — _ _ _ _ 61 61 58 57 29 63 70 — 44 47 62 62 59 58 — 64 60 53 59 62 63 63 60 59 — — 48 — 54 57 64 64 61 60 14 66 111 — — 115 65 65 62 61 8 70 102 — 75 77 66 66 63 62 — — _ _ _ _ 67 67 — — — — 239 — 62 65 68 68 64 63^ — — _ _ _ _ 69 69 65 64^ — — _ _ _ _ 70 70 66 65 — — 58 — 50 53 71 71 67 66 — -- _ 18 _ — 72 72 08 67 — — _ _ _ _ 73 73 69 68 — — _ _ _ _ 74 74 70 69 22 205 74 29 81 83 75 75 71 70 — — — — — — 1 Les lignes de ces deux quatrains sont entremêlées.

L.II. L. I. B. St. Bd. P. Borl.I . Birl.II. N. W. 36 3(1 33 33— — — — — - 37 37 34 34 45 — _ _ _ _ 38 38 35 35— — — — — 30 39 30 36 — — — — 253 293 40 40 — — 19 95 82 13 38 42 41 41 38 38 12 124 133 — — 30 42 42 39 39 — 37 32 — — 25 43 43 40 40 — — _ _ _ _ 44 44 41 41 — 73 59 20 00 63 45 45 42 42 — — — — — — 46 40 43 43 — — 38 15 52 55 47 47 44 44 — — 35 — 55 58 48 48 45 45 — — 37—56 59 49 49 46 46 30 155 — — 51 54 50 50 47 47 — — _ _ _ _ 51 51 48 4N — 210 81 — 65 68 52 52 49 49 — 222 44 — 37 41 53 53 50 50 — — _ _ _ _ 54 54 51 51 — — _ _ _ _ 55 55 52 52 — — 101 — — 128 56 56 53 53 — — 50 — 53 56 57 57 54 54 — — 51 — — 129 58 58 55 55 39 — _ _ _ 105 59 59 56 56 15 114 45 — — 114 60 60 57 — — — _ _ _ _ 61 61 58 57 29 63 70 — 44 47 62 62 59 58 — 64 60 53 59 62 63 63 60 59 — — 48 — 54 57 64 64 61 60 14 66 111 — — 115 65 65 62 61 8 70 102 — 75 77 66 66 63 62 — — _ _ _ _ 67 67 — — — — 239 — 62 65 68 68 64 63^ — — _ _ _ _ 69 69 65 64^ — — _ _ _ _ 70 70 66 65 — — 58 — 50 53 71 71 67 66 — -- _ 18 _ — 72 72 08 67 — — _ _ _ _ 73 73 69 68 — — _ _ _ _ 74 74 70 69 22 205 74 29 81 83 75 75 71 70 — — — — — — 1 Les lignes de ces deux quatrains sont entremêlées. 156 Appendice I. L.II .

156 Appendice I. L.II. L.l. B. 7(i 76 72 77 77 73 78 78 74 79 79 75 80 80 76 81 81 77 82 82 78 83 83 79 84 84 80 85 85 81 86 86 82 87 87 83 88 88 84 89 89 85 90 90 86 91 91 87 92 92 88 93 93 89 94 94 90 95 95 91 96 96 92 97 97 93 98 98 94 99 99 95 100 100 96 101 101 97 102 102 98 103 103 99 104 104 100 105 105 101 106 106 102 107 107 103 108 108 104 109 109 105 110 110 106 111 111 107 112 112 lOS 113 113 110 114 114 111 115 115 112 116 116 113 117 117 114 St. Bd. P. Berl.I. Berl.II. X. W. 71 __ 254 — 55 100 101 72 — — _ _ _ — 73 — 85 36 14 49 52 74 _ 91 — 24 89 91 75 41 45 80 30 95 96 76 9 108 67 22 28 32 77 23 204 — 19 43 46 78 44 165 — — — 103 79 20 162 33 — 22 26 80 — — _ _ _ _ 81 — — _ _ _ _ 82 — — 91—27 31 83 — — — — — 127 84 40 — 153 45 92 94 85 — — _ _ — — 86 — — _ — — — 87 — 286 73 28 63 66 88 — — _ _ _ — 89 21 — 63 — — 110 90 34 323 78 — — 108 91 25 328 85 — 82 84 92 36 ^ ~ — — 106 93 — 134 57 17 25 29 94 — — 132 — 33 37 95 — . — 157 — 80 82 96 — — _ _ _ _ 97 — — _ _ _ _ 98 — 94 87 — — 126 99 — — — 27 — — 100 — — — 47 — — 101 — — _ _ _ _ 102 — — _ _ _ _ 103 — — 83 31 — 130 104 — 158 40 — 57 60 105 43 — 66 21 — 104 106 — — _ _ _ — 107 — — — — — — 109 — — _ _ _ _ 110 — — 68 23 29 33 111 — — _ _ _ _ 112 — — _ _ _ _ 113 — — _ _ _ _ Éilitione «le Liuknow, Bombay et Stamboul. 157 L.ll. L.I . B. St. IW. r. Ktrl.I . IkMl.lI. -N. Éilitione «le Liuknow, Bombay et Stamboul. 157 L.ll. L.I. B. St. IW. r. Ktrl.I. IkMl.lI. -N. ». lU — — — _ — — 11.-) — — — — — — IIG — — — — — 125 117 — — — —— — 118 — 297 72 54 (U 64 119 — — — _ — — 120 — — 56 — 30 34 121 — — — _ _ — 122 — — — _ _ _ 123 — — — — — - 124 — — — — — — 128* — — — _ _ — 12G — — 31 — 20 24 127 — — 39 — 23 '27 129 11 — - - 24 28 130 — — 86 33 72 - 131 - — 43 — — 124 132 — — 52 — 40 44 133 — — — — — — 134 — — - — - 123 135 — — — — — — 136 — — — — — — 137 — — — — — — 138 — — — - - 122 139 — — — — — — 140 _ _ 53 _ — 121 141 — — — — — — 142 — — — _ — — 143 — — — — — — 144 — — — — — — 145 — — — 26 — — 146 — — — — — — 147 — — — — — — 148 — — — — — — 149 — . — — _ — — 150 — — — — — — 152 — — — — — — 154 — 329 75 — 64 67 155 _ _ 146 — 88 90 118 lis 115 119 119 116 120 120 117 121 121 118 122 122 119 123 123 120 124 124 121 125 125 122 126 126 123 127 127 124 128 128 125 129 129 126 130 130 129* 131 131 127 132 132 128 133 133 130 134 134 131 135 135 132 136 136 133 137 137 134 138 138 135 139 139 136 140 140 137 141 141 138 142 142 139 143 143 140 144 144 141 145 145 142 146 146 143 147 147 144 148 148 145 149 149 146 150 150 147 151 151 148 152 152 149 153 153 150 154 154 151 155 155 152 156 156 153 157 157 154 158 158 155 159 159 156 158 Appendice I. L.II . L.I. ». IGO

158 Appendice I. L.II. L.I. ». IGO 160 157 161 161 158 162 162 159 163 163 160 164 164 161 165 165 162 166 166 163 167 167 164 168 168 165 169 169 166 170 170 167 171 171 168 172 172 169 173 173 170 174 174 171 175 175 172 176 176 173 177 177 174 178 178 175 179 179 176 180 180 177 181 181 178 182 182 179 183 183 180 184 184 181 185 185 182 186 186 183 187 187 184 188 188 185 189 189 186 190 190 187 191 191 188 192 192 189 193 193 190 194 194 191 195 195 192 196 196 193 197 197 194 198 198 195 199 199 196 200 200 197 201 201 19t> St. lîd. r. Berl.I. Berl.II. >. W. 156 — — — — — 120 157 — — — — — — 158 — — — — — _ 159 — — — _ _ _ 160 — — — — — _ 161 — — — _ _ _ 162 — — — — _ _ 163 — — ~ — — — 164 — — — - — — 165 — — — — — — 166 — — — — — — 167 — ~ — — — — 168 — — — — — — 169 — — — _ — _ 170 — — — — — _ 171 — — — _ _ _ 172 — — — — — — 173 — — — — — — 174 — — 88 — 45 48 175 — — — — 73 75 176 — — 103 34 87 89 177 24 . 21 105 35 46 49 178 — — 106 36 71 74 179 — — — _ _ _ 180 — — 108 37 77 79 181 _ — 94 — 47 50 182 — — _ _ _ _ 183 — — — _ _ _ 184 35 284 116 39 — 107 185 38 261 117 40 93 95 186 — — lis 41 84 86 187 — 305 119 42 70 73 188 26 — 120 43 85 87 189 17 126 121 — — 112 190 — 18 122 44 99 100 191 31 25 123 — 31 35 192 — _ 112 — 39 43 193 — — 128 — 32 36 194 — 220 129 — — 119 195 33 148 130 — 90 92 196 27 228 131 38 48 51 197 — 42 142 — 42 — L.II. L.I. 202 202 2U3 203 •204 204 205 — 206 205 207 206 208 207 209 208 210 209 211 210 212 211 213 212 214 213 215 214 210 215 217 216 218 217 219 218 220 219 221 220 222 221 223 222 224 223 225 224 226 225 227 226 228 227 229 228 230 229 231 230 232 231 233 232 234 233 235 234 236 235 237 236 238 237 239 238 240 239 241 240 242 241 243 242 L.II. 160 Appendice I. L.II. L.I. 15. St. Btl. P. Berl.l, Berl.II . . W. Kditiniis de Liicknow, Bombay et Sianibnnl. J."i9 «. St. 1{«1. V. lUrl.I. lu ri. II. N. >V. 199 198 — — — — _- _ 200 199 — 120 144 — (i7 70 201 200 — — — — — — 202 201 — 1 183 74 loi 102 203 202 — — — — — — 204 203 — — 148 — 94 — 205 204 — — — - — — 206 205 — — 136 — — 118 207 206 — 48, 140 137 — 69 72 208 207 — — 138 — 34 38 209 208 — — _ _ _ _ 210 209 — _ _ 40 _ _ 211 210 18 201 160 — — 111 212 211 42 149 161 48 98 99 213 212 10 193 162 49 — 117 214 213 — 23 163 50 91 93 215 214 — — — — — — 216 215 — — 156 — 97 98 217 216 — — — — — — 218 217 — — — — 461* — 219 218 — — 186 — 58 61 220 219 — — 187 52 36 40 221 220 — — 190 51 74 76 222 221 — — 188 — 35 39 223 222 — — — 56 — — 224 223 — — 194 57 104 — 225 224 46 183 — — _ 135 226 225 47 51 195 — 105 134 227 226 — — — — 103 133 228 227 — — 231 — 141 164 229 228 51 55 232 — 157 176 230 229 — — _ _ _ _ 231 230 — 135 — — 107 137 232 231 — — 235 62 — 233 233 232 — 313 — — 149 170 234 233 — .— — — — — 235 234 — 24 — — 148 169 236 235 — — — — — — 237 236 — 57 — 78 — 232 238 237 — — — — — — 239 238 — — — - — 231 240 239 78 282 — — 180 195 160 Appendice I. L.II. L.I. 15. St. Btl. P. Berl.l, Berl.II. \. W. 240 56 79 — — — 215 241 60 223 236 63 106 136 242 — — 237 — — 237 243 — — — _ _ _ 244 — — _ _ _ _ 245 — — — — 116 144 246 — — — 60 158 177 247 — — — _ — _ 248 — 46 — — 127 154 249 59 112 — — — 213 250 — 125 — — — 230 251 — — — 59 — — 252 73 — — - 176 191 ■ 253 — 87 — — 145 167 254 — — — — — — 255 — — _ _ _ _ 256 — 52 — — 161 179 257 — 86 — 61 164 209 — 50 — — — — 216 258 — — _ _ _ _ 259 49 127 197 — — 217 260 — — — _ 113 142 261 — — — — 184 199 263 — 115 228 — 132 158 264 — 110 — — — 229 265 58 141 — — — 214 266 82 152 — - — 210 267 80 157 — — 186 201 268 — 168 — — 146 168 269 — — — — — — 270 - — — — — — 271 - 60 — — — 228 272 68 336 — — 156 175 273 — — — 67 136 160 274 — — — 90 167 184 275 — — _ _ 135 — 276 — — — — 147 — 277 — — — — 185 200 278 ~ — _ _ _- _ 279 — — — — — — 280 — 196, 322 — 68 168 185 244 243 241 245 244 242 246 245 243 247 246 244 248 247 245 249 248 246 250 249 247 251 250 248 252 251 249 253 252 250 254 253 251 255 254 252 256 255 253 257 256 254 258 257 255 259 258 ■ 256 260 259 257 261 260 258 262 261 — 263 262 259 264 263 260 265 264 261 266 265 262 267 266 263 268 267 264 269 268 265 270 269 266 271 270 267 272 271 268 273 272 269 274 273 270 275 274 271 276 275 272 277 276 273 278 277 274 279 278 275 280 279 276 281 280 277 282 281 278 283 282 279 284 283 280 285 284 281 Fautions de Lucknow, Bombay et Stamboul. 161 St. IM. V. Herl.I . Berl.IF . >. W. Fautions de Lucknow, Bombay et Stamboul. 161 St. IM. V. Herl.I. Berl.IF. >. W. 281 — — — (ij 110 140 282 48 214 — — — 222 283 — — — — — — 284 — — — — — — 285 84 22G — — 192 205 286 07 230 — — 153 174 287 — 237 — — 1G5 183 288 79 — — — — — 289 71 119 — — 164 182 290 — 309 — — 121 148 291 53 310 — — 122 149 292 — — — G9 109 — 293 — — _ — — — 294 — — — 70 — — 295 — — — — — — 296 — — — 71 — — 297 - — — — — — 298 — _ _ _ — 227 299 — — — — — — 300 77 283 — — 179 194 301 — — — — — 225 302 — — — — — — 303 69 212 — 64 109 139 304 — — — 75 118 146 305 85 332 — — 194 — 306 — — — — — — 307 65 — — — 142 165 308 57 298 — — — 236 309 — — — — — — 310 76 — — — — — 311 — 197 — — 178 193 312 — — — — — — 313 — — — 76 — — 314 — — — — — — 315 — 139 — — 143 166 316 — " — — — 193 206 317 — — — — — — 318 — — — — — — 319 — — — 77 117 145 320 ~ 267 — — — 226 321 — — — — 120 147 322 — — — — — — ChrlsUiDsen, Recherches. 11 L.1I. L.I. B. 280 285 282 287 286 283 288 287 284 289 288 285 290 289 286 291 290 287 292 291 288 293 292 289 294 293 290 295 294 291 296 295 292 297 296 293 298 297 294 299 298 295 300 299 296 301 300 297 302 301 298 303 302 299 304 303 300 305 304 301 306 305 302 307 306 303 308 307 304 309 308 305 310 309 306 311 310 307 312 311 308 313 312 309 314 313 310 315 314 311 316 315 312 317 316 313 318 317 314 319 318 315 320 319 316 321 320 317 322 321 318 323 322 319 324 323 320 325 324 321 326 325 322 327 326 323

ChrlsUiDsen, Recherches. 11 L.1I. 162 Appendice I. L.II. L.I. B. 328 327 324 329 328 325 330 329 326 331 330 327 332 331 328 333 332 329 334 333 330 335 334 331 33G 335 332 337 336 333 338 337 334 339 338 335 340 339 336 341 340 337 342 341 338 343 342 339 344 343 340 345 344 341 346 345 342 347 346 343 348 347 344 349 348 345 350 349 346 351 350 847 352 351 348 353 352 349 354 353 350 355 354 351 356 355 352 357 356 353 358 357 354 359 358 355 360 359 356 361 360 357 362 361 358 363 362 359 364 363 300 365 364 361 366 365 362 367 366 363 368 367 364 369 368 365 St. B(l. P. Berl.I. Berl. II. N. W. 323 — — — — — _ 324 _ — — 79 — — 325 — — — _ _ _ 326 — — — — _ _ 327 _ — — —128 155 328 _ — — —183 198 329 — — — 80 — — 330 — — — 91 166 — 331 — — — — — — 332 — — — — — 224 333 — — — — 131 157 334 — 123 — 66 150 171 335 64 — — — 151 172 "336 — — — — — 223 337 — — — — — — 338 — — — 87 133 — 339 — — — — 134 159 340 — ~ — 88 177 192 341 _’— — _ 462 207 342 — — — — _ _ 343 — — — — — — 344 — 287 — — 163 181 345 62 311 226 89 463 208 346 _ — _ _ _ _ 347 — 347 — 72 172 188 348 _ _ _ 73 173 349 _ 62 — — 124 151 350 — — — — — 221 351 75 324 — — 182 197 352 72 — — — 175 190 353 — — — 83 — — 354 — ~ — — 159 178 355 _ _ _ _ _ _ 356 — — — _ _ _ 357 _ 71 — — 140 163 358 _ 75 — — 125 152 359 ~ — — — — 238 360 — — — _ _ _ 361 — 343 — 81 162 180 362 81 231 — — 188 203 363 — — — — — — 364 — — — — — — I^ditions <ll> Lucknow, Bombay et Stamboul. 163 I^ditions <ll> Lucknow, Bombay et Stamboul. 163 L. ir. L. I. B. St. 11(1. r. Beii.I. IJerl.II. N. W. 305 _ — — — _ — 3GG 5J — — — 112 — 367 — — — — — — 368 — — — — _ — 369 — — — — — — 370 — — - — — — 371 — — — — — — 372 — — — — — — 373 - — — — 152 173 374 — — — — — 220 375 - 292 — — 170 186 376 - — — 84 — 219 377 _____ _ _ 378 — — __ — — 379 _____ _ _ 380 — — — — — — 381 — — — — 139 — 382 — — - — — — 383 — — — — - — 384 — - — 85 — — 385 — — — _ 191 — 386 _ _ _ 86 115 — 387 — — — — 114 143 388 — — — — 160 — 389 — — — — — — 390 — — — — 206 248 391 _ _ _ _ 207 249 392 - 325 — 95 215 253 393 — 56 — — 195 240 394 _ _ _ _ _ _ 395 — _ _ _ 197 241 396 — 326 — — 129 239 397 __ _ 93 214 — 398 87 — — — 203 — 399 — — — — — — 400 — ' — — — — — 401 — — - — — — 402 — — — 96 205 — 403 — — — — — — 404 — — — — — — 405 91 — — — 200 244 406 89 100 — — 211 252 11* 370 369 366 371 370 367 372 371 368 373 372 369 374 373 370 375 374 371 376 375 372 377 376 373 378 377 374 379 378 375 380 379 376 381 380 377 382 381 378 383 382 379 384 383 380 385 384 381 386 385 382 387 386 383 388 387 384 389 388 385 390 — 386 391 389 387 392 390 388 393 391 389 394 392 390 395 393 391 396 394 392 397 395 393 398 396 394 399 — 395 400 397 396 401 398 397 402 399 398 403 400 399 404 401 400 405 402 401 406 403 402 407 404 403 408 405 404 409 406 405 410 407 406 411 408 407 164 Appendice I. L.ir.

164 Appendice I. L.ir. L.I. B. 412 409 408 413 410 409 414 411 410 415 412 411 41G 413 412 417 414 413 418 415 414 419 416 415 420 417 416 421 418 417 422 419 418 423 420 419 424 421 420 425 422 421 426 423 422 427 424 423 428 425 424 429 426 425 430 427 426 431 428 427 432 429 428 433 430 429 434 431 430 435 432 431 43G 433 432 437 434 433 438 — 434 439 435 435 440 436 436 441 487 437 442 438 438 443 439 439 444 440 440 445 441 441 446 442 442 447 443 443 448 444 444 449 445 445 450 446 446 451 447 447 452 448 448 453 449 449 St. B(l. r. lîoil.I. Berl.II. N. W. 407 — — — — 198 242 408 — — — - — — 409 86 20 - — — 256 410 — — - - — — 411 — — — — 212 - 412 — — — — _ _ 413 — — — — 208 250 414 — - — — _ 255 415 — 144 — — 199 243 416 — — — — _ — 417 — — — - — - 418 1 4 — — 229 268 419 — 121 — — 217 258 "420 97 262 — 99 228 267 421 — — — — 219 259 422 2 — — 100 222 262 423 — — — — — 275 424 — 30 - — 225 264 425 95 59 — — 216 257 426 — — — — 235 ' — 427 — — — _ _ __ 428 — — — _ _ _ 429 — — — 103 233 272 430 99 346 — 101 230 269 431 — — — — _ _ 432 — 142 — — 234 273 433 — — — — 218 — 434 ._ _ _ — 224 — 435 — 7 _ _ 223 263 436 — — _ _ _ _ 437 — 317 — — 226 265 438 94 31 — — 231 270 439 — — — _ _ — 440 — — — — 227 266 441 100 99 — — — 274 442 — — — _ 220 260 443 _ 32 — — 232 271 444 — — _ — 236 276 445 — — — — — 279 446 — 151 — — 238 278 447 — — — _ _ _ 448 _ 131 _ _ 237 277 Éditions de Lucknow, Bombay et Stamboul. 165 L.ll. L.I. Éditions de Lucknow, Bombay et Stamboul. 165 L.ll. L.I. B. St. B(l. V. Berl.I. Beil.II. >. W. 410 102 '202 — 110 242 282 450 — - - — 241 281 401 — — — _ _ 290 452 - _ _ _ 239 — 453 — — - 108 — — 454 — _ — 109 — — 455 — — — _ _ _ 456 — — — 112 247 28G 457 — 278 — 113 244 284 458 ——— — — - 459 — — — — 246 285 460 - — — — _ — 461 — — — _ _ _ 462 — 184 — — 245 289 463 101 154, 172 — — 240 280 464 105 26 — — 249 288 465 103 102 — 115 243 283 466 — — — 114 — — 467 90 266 — 107 196 — 468 106 — — — 250 291 469 — — — 116 252 — 470 — — — 117 255 295 471 _ _ _ _ _ _ 472 — _____ 473 — _ _ _ 254 294 474 — — — — 251 292 475 — — — — — — 476 — _ _ — _ 296 477 — _ _ _ 253 293 478 — _ _ _ 258 — 479 — — — _ _ _ 480 — 294 — — 256 297 481 — _____ 482 — — — _ _ _ 483 — 307 — 118 257 298 484 107 • — — 119 — 304 485 — — — 120 261 301 486 — _ — — — 303 487 - — — — — 302 488 — — — — _ _ 489 — — — _ 259 299 490 — — — _ _ _ 454 450 450 455 451 451 456 452 452 457 453 453 458 454 454 459 455 455 460 456 456 461 457 457 462 458 458 463 459 459 464 460 460 465 461 461 466 462 462 467 463 463 468 464 464 469 465 465 470 466 466 471 467 467 472 468 468 473 469 469 474 470 470 475 471 471 476 472 472 477 473 473 478 474 474 479 475 475 480 476 476 481 477 477 482 — 478 483 478 479 484 479 480 485 480 481 486 481 482 487 482 483 488 483 484 489 484 485 490 485 486 491 486 487 492 487 488 493 488 489 494 — 490 495 489 491 166

166 Appen<

lice I.

r.ii. r.i. li. St. ]M. r. lîerl.I. «orl.II . >. W. 49G 490 492 491 — — — — 281 — 497 491 493 492 — 16 — — — 357 498 492 494 493 — 6 — 123 262 305 499 493 495 494 — 5 — — 296 333 500 494 496 495 — — — — — — 501 495 497 496 — — — — — — 502 496 498 497 — 22 — — 268 311 503 497 499 498 109 — _. — 282 322 504 498 500 499 — 28 — — 283 323 505 499 501 500 108 40 — — 267 310 506 500 502 501 — — — — — — 507 501 — — — — — — — — 508 502 503 502 — _ — 122 272 315 509 503 504 . 503 — 17 — — — 359 510 504 505 504 — 211 — 124 298 335 511 505 506 505 — — — 125 — — 512 506 507 506 — 83 — — 304 340 513 507 508 507 — — — 135 — — 514 508 509 508 113 147 — — 287 327 515 509 510 509 — 156 — — 310 343 516 510 511 510 — — — — 280 — 517 511 512 511 — , — — — — 356 518 512 513 512 — — — 126 299 — 519 513 514 513 — 43 — — 263 306 520 514 515 514 — — — 127 292 — 521 515 516 515 — 255 — 128 460 360 522 516 517 516 114 234 — — 289 329 523 517 518 517 120 265 — — 300 336 524 518 519 518 — 269 — — 286 326 525 519 520 519 — 276 — — 305 341 526 520 521 520 — — — 129 264 307 527 521 522 521 — 302 — — 315 347 528 522 523 522 — — — 130 301 337 529 523 524 523 — — — — — 355 530 524 525 524 — — — — — — 531 525 526 525 — 280 — — 303 339 532 526 527 526 115 340 — 148 285 325 533 527 528 527 — 342 — — 306 342 534 528 529 528 — 180 — 131 291 331 535 529 530 529 — — — — 288 328 536 530 531 530 — 279 — 537 531 532 531 112 — — — 284 324 lîditions de Lucknow, Bombay et Stamboul. 167 L.II. L.I.

lîditions de Lucknow, Bombay et Stamboul. 167 L.II. L.I. U. St. M. r. Hcii.I. Horl.II. N. W. — —— — — 354 IIG 227 — 182 2î)0 330 121 — — — — 353 — 122 — — 269 312 — 129 — — 293 — — u — — 312 344 538 532 533 532 539 533 534 533 540 534 535 534 541 535 536 535 542 536 537 .536 543 537 — — 544 538 538 537 545 539 539 538 546 540 540 539 547 541 — — 548 542 541 540 549 543 542 541 550 544 543 542 551 545 544 543 552 546 545 544 553 547 546 545 554 548 547 546 555 549 548 547 556 550 549 548 557 551 550 549 558 552 551 550 559 553 552 551 560 554 553 552 561 555 554 553 562 556 555 554 563 557 556 555 564 558 557 556 565 559 558 557 566 560 559 558 567 561 560 559 568 562 561 560 569 563 562 561 570 564 563 562 571 565 564 563 572 566 565 564 573 567 566 565 574 568 567 566 575 569 568 567 576 570 569 568 577 571 570 569 578 572 571 570 579 573 572 571 _ _ _ 133 313 345 — — — 137 — — — — 138 273 316 111 118 — 139 277 320 . — — — 140 278 321 — 29 — — 274 317 _ 141 307 — 9 — 142 275 318 — — — 143 — — z 134 276 319 301 . — ■ 144 297 334 — — — 145 — — _ 302 338 — — — 146 311 — — — — — — 352 118 - — — _ . _ — 147 — 351 294 332 265 308 266 309 314 346 308 358 168 Appendice I. L.II.

168 Appendice I. L.II. L.I. B. 580 574 573 581 575 574 582 576 575 583 577 576 584 578 577 585 579 578 586 580 579 587 581 580 588 582 581 589 583 582 590 584 583 591 585 584 592 586 585 593 587 586 594 588 587 595 589 588 596 590 589 597 591 590 598 592 591 599 593 592 600 594 593 601 595 594 602 596 595 603 597 596 604 598 597 605 599 598 606 600 599 607 601 600 608 602 601 609 603 602 610 604 603 611 605 604 612 606 605 613 607 — 614 608 606 615 609 607 610 610 608 617 611 609 618 612 010 619 613 611 620 614 612 621 615 613 St. Bd. P. Berl.I. Beii.II. N. W. 572 — _ — — _ 350 573 — 33 — 159 — 389 574 — _ — _ 320 369 575 ——— — — - 577 — 159, 178 — — 325 366 578 — 232 — 149 345 383 579 — 11 — 150 346 384 580 128 — - 151 344 382 581 - - — 152 — — 582 -- 192 — — 341 380 583 — 65 — — 337 376 584 — 93 — — 318 361 585 — 270 — — 339 378 586 — 98 — 153 340 379 587 — 173 — — 326 367 588 — _ _ _ 335 374 589 —— — — — — 590 _ — — _ 330 371 591 — — — — 324 — 592 - — — — 343 — 593 — .349 — — 338 377 594 _.__.__ 388 595 - _ — _ 329 370 596 — _ _ _ 319 362 597 124 53 — — — 387 598 — — — — 320 363 599 ——— — — — 600 127 330 — 154 342 381 601 — — — — — — 602 — — — — — — 603 ——— — — — 604 — — — 156 321 364 — — ——— 347 385 605 — — — — _ — 606 -- — — — 332 — 607 — — — — 336 375 608 123 — — 157 327 368 609 122 58 — — 322 365 610 — _ _ _ 334 _ 611 — _ _ 158 323 — 612 — — — — — — Fîditions de Liicknow, Bombay et Stamboul. 169 L. II. L. I. B. St. Bel. r. Berl.I. Berl.II. N . W.

Fîditions de Liicknow, Bombay et Stamboul. 169 L. II. L. I. B. St. Bel. r. Berl.I. Berl.II. N. W. (;it 120 18G — — — :5H0 «il') 130 3G — — 351 393 (Il G _ _ _ _ 354 396 (il 7 — — — 163 352 394 (31S _ _ _ _ 350 392 619 — 321 — 161 357 399 620 — —— — — — 621 — — — — — 402 622 — — — — — — 623 - 12 — 164 353 395 624 — 167 — — — 401 625 129 47 — — 348 390 626 _ _ — (160) 355 397 627 — — — — — — 628 — 90 — — 349 391 629 - _ _ _ — 403 630 — 10—162 356 398 631 — — — — — — 632 — — - - — 400 633 — — — — - — 634 137 218 — — 367 412 635 — — - — 371 — 636 93 — — — 360 405 637 _ 69 — — 375 418 638 138 236 — - 362 407 639 —— — — — — 640 — — — 166 378 — 641 - — — — 382 — 642 — — — 168 — — 643 — 19 — — 380 421 644 93 — — 92 381 - 645 132 300 — — 364 409 646 _ _ — - — 425 647 — 169 — — — 424 648 134 . 34 — — 363 408 649 ——— — — - 650 ——— — — — 651 — _ _ _ — — 652 — —— — — — 653 — _ _ — — — 654 _ _ _ — 374 417 622 tiUi 614 623 (117 615 624 (ilb 616 625 619 617 (i26 620 (i 1 s 627 621 619 628 622 620 629 623 621 630 624 622 631 625 623 632 626 624 633 627 625 634 628 626 635 629 627 636 630 628 637 631 629 638 632 630 639 633 631 (i40 634 632 641 635 633 642 636 634 643 637 635 644 638 636 645 639 637 646 640 638 647 641 639 648 642 640 649 643 641 650 644 642 651 645 643 652 646 644 653 647 645 654 648 646 655 649 647 656 650 648 657 651 649 658 652 650 659 653 651 660 654 652 661 655 653 662 656 654 663 657 655 170 170 Appendice I. L.II. L.I. K. St. Bd. P. Berl.I. Berl.Il [. \. W. G64 658 656 655 — — — 165 ■ - — 665 659 657 656 — 35 — — 373 416 666 660 658 657 — — — — 372 415 667 661 659 658 — — _ — — — 668 662 660 659 — — — — — 423 669 663 661 660 — — — — — — 670 664 662 661 131 296 — 169 359 426 671 665 663 662 135 — — — 370 414 672 666 664 663 133 — — — 358 404 673 667 665 664 — — — — 379 420 674 — 666 665 — — — — 368 413 675 668 667 666 — — — — ■ — 422 676 669 — — — — — — 361 406 677 670 668 . 667 — — — — — — 678 671 669 668 — — — — . — 679 672 670 669 — — — 170 — — 680 673 671 670 — — — 171 681 674 672 671 — — — 174 — 682 675 673 672 — — — 438 . 683 676 674 673 — — — - 173 — 684 677 675 674 — — — 175 405 685 678 676 675 — . — — 176 454 483 686 679 677 676 — — — 177 687 680 678 677 140 260 — 178 384 428 688 681 679 678 — — — — — 689 682 680 679 — — — ^ ._ — 690 683 681 680 — 249 — — 415 454 691 684 682 681 — — — 179 692 685 683 682 — 693 686 684 683 153 334 — — 427 464 694 687 685 684 156 — — 447 478 695 688 686 685 — 303 — 387 430 696 689 687 686 — 196 697 690 688 687 155 229 — 448 479 698 691 689 688 — 103 — 431 466 699 692 690 689 — 3 — 391 433 700 693 691 690 — 2 — 436 471 701 694 692 691 41 — 393 435 702 695 — — — 489 703 696 693 692 141 181 388 704 697 694 693 — 386 429 705 698 695 694 — — — 194 443 475 Éditionp de Lucknow, Bombay et Stamboul. 171

L.1I. L.I. It. St. IM. V. «crl.I. Bcrl.II. N. \\. 700 (iOO 696 695 146 106 — \>-2 40 1 440 707 700 097 096 145 111 — — 394 430 708 701 698 697 _ _ _ _ 4;)0 709 702 699 098 — — — — 441 473 710 703 700 699 144 — — — 397 439 711 704 _ _ — 105 — 185 395 437 712 705 701 700 — — — 183 713 706 702 701 151 — — 184 420 459 714 707 703 702 ——— — — — 715 708 704 703 ——— — — — 716 709 705 704 — — — — — 495 717 710 706 705 — 161 — — 434 469 718 711 707 706 — — — ^ - 494 719 712 708 707 — 206 — 408 448 720 713 709 708 — 208 — — 412 — 721 714 710 709 — — — — — 493 722 715 711 710 — — — 186 — — 723 716 712 711 — — — — — — 724 717 713 712 — — — -- 440 - 725 718 714 713 ——— — — — 726 719 715 714 — — — 188 409 449 727 720 710 715 — 182 — - 432 467 728 721 — — 142 101,339 — - 729 722 717 716 150 — — — 730 723 718 717 — — — 731 724 719 718 — 8 — 187 732 725 720 719 157 88 — 733 726 721 720 143 209 — 189 734 727 — — — — — 735 728 722 721 — _ _ 736 729 723 722 — 335 — 737 730 724 723 — — - — 498 738 731 725 724 — — — — — 739 732 — — 153 334 — ^ 427 464 740 — 726 725 _ — — 193 741 733 727 726 — -238 — — 439 472 742 734 728 727 —— — — — — 743 735 729 728 — — — — 385 — 744 736 730 729 — 344 — 192 410 450 745 737 731 730 — 242 — — 402 444 746 738 732 731 — 150 — — 416 455 747 739 733 732 — _ _ _ 444 476 — 492 — 500 425 462 458 487 — 490 383 427 422 — — 499 456 485 172 Appendice I.


L.II . 172 Appendice I. L.II. L.I. B. 748 741 734 740 742 735 750 743 736 751 744 737 7Ô2 745 738 753 746 739 754 747 740 755 748 741 756 749 742 757 750 743 758 751 744 759 752 745 760 753 746 761 754 747 762 755 748 763 756 749 764 757 750 765 758 751 766 759 752 767 760 753 768 761 754 769 762 755 770 — 756 —

109 St. Bd. P. Berl.I. Berl.II. >'. W. 733 ——— — — — 734 ——— — — — 735 — — — — — — 736 _—_ — _ — 737 ——— — — — 738 - — — — 451 — 739 — — — — 421 — 740 — — — — 417 456 741 — — — — 435 470 742 _ _ _ — — 497 743 ——— — — — 744 ——— — — — 745 _ _ _ _ 411 451 746 — — _ — 399 441 747 _ lis — — 401 443 748 — _ — — — — 750 — — — — 418 457 751 — — — — 446 477 752 — — — 195 426 463 753 _ _ — -- 400 442 754 _. _ 1 — 459 488 755 _ _ _ — 403 445 108 — — — 16 — — 173

Appendice II.


____________________


Additions.


P. 27 n. 1. Il faut ajouter à la liste des éditions européennes : Kdward Fitzgerald’n Rubâ’iyât of ’Om.ir Khayyûm with their original persian sources, collated froni bis own MSS., and literally translated by Edward Heron-Allen. London 1899.

P. 44. M. M. Hartmann propose (WZKM. t. XVII, p. 371) de dériver le nom de Bârbad de pâp^itov, mot qui existe, du reste, en persan sous la forme JjJjJ. S’il en est ainsi, le d. de Bârbad est dû, iirobablement, à l’influence de J^Jj^s’ Jo- ? etc.

P. 44 n. 4. La seconde partie de l’œuvre de ’Aufi est publiée j.ar M. E . G. Browne (Londres 1903).

P. 58. Pour la question des zervânites, v. aussi Boer : Gesch. d. Philosophie im Islam (Stuttgart 1901) p. 15.


________________________
Corrections :

Page 18 ligne 27 : El-Gazzalî lisez: El-Gazalî
» 19 » 10 : el-Gazzâlî » el-Gazâlî
» 19 » 11: el-Ga zzâlï » el-Gazali
» 27 » 9 : le ruhaîs » lea ruhâ'is
» 34 » 19: Hayyâm?» » Hayyâm?
» 54 » 6: parfume » parfum
» 61 » 33: anal- . aqq » ana-l-haqq
» 74 » 36: le » la
» 85 » 28: parole » parole:
» 98 » 17: communs » communes
» 104 £ 3: boire » boire :
» 104 » 17: '*-^' » "^isJc^' >
» 104 » 19: employé » employée
» 123 » 17: hier » hier
» 123 » 37: /O^ll .... Joî X eiLi .... Owol
» 132 » 35: c^^Sî » ^CiVMOÎ
» 133 » 16: année » années
» 133 » 28: Tahir » Tâhir
» 153 » 35: ou » où


_________________________


C. F. Winter'sche Buchdruckerei.
Materialien
zu einer
Geschichte der Sprachen und Litteraturen
des vorderen Orients
Herausgegeben von Martin Hartmann (Berlin)
_____ Heft 3 _____
Recherches
sur les
Rubā’iyāt de ’Omar Hayyām
par
Arthur Christensen
Docteur es lettres de l’Université de Copenhague



Heidelberg
Carl Winter's Universitätsbuchhandlung

1905
Cari Wintcr’s Universitsitsbucliliandlniiç iii Heidelber^.

Materialien zu einer Geschichte der Sprachen und Litteraturen des vorderen Orients. Herausgegeben von Martin Hartniaiin (Berliu). Zwanglose Hefte. 1. Heft. Hngo Makas, Kunlische Studien. 1 . Eine Probe des Dialektes von Diarbekir. 2 . Ein Gedicht aus Gâwar. 3 . Jezidengebete. fîr. S», geheftet 4 M. 2. Heft. Martin Hartinauii, Caghataisches. Die Grammatik usai lisâni turkî des Mehemed Sadiq. gr. 8". geheftet 7 M. 3. Heft. Arthur Cliristenseii, Bechefches sur les Eubà’iyât de Omar Uayyâm. gr. 8". geheftet 9 M. Deutsch-arabisches Handwôrterbuch von Dr. Eriist Harder. 8". geheftet 18 M. , Halbleder geb. 20 M. DasHardereche Handwôrterbuch enthàlt 27000 Stichworter, es ist das YOllstandigste Werk eeiner Art sowohl filr den wissenechaftlichen wie fur den praktischen Gebrauch. •Mjp «Mjp #^|p r^^ r^v «^^ «^^ f^^ r^* ) «^^ ff^/^ #^^ «^^ r^> «^^ «^^ #^^ r^^ r^V «^^ «^r* #^^ 0^g% r^i^ r^g^ r^ip r^g^ r^^ r^|r« r^tf^ ""É^ r^g^ r^g^ ’^^ r^if» r^^ r^^ r^^ r^^ r^^ r^^ r^^ r^^ *^^ Cari HVInter’s Univeraitiitshuclihniulliiiii : in Heidclberg. Abulkâsim, ein bagdader Sittenbild von Abulmutahhar alazdi. Mit Anmcrkungcn licrausgegclieii von Dr. Adam Mez, a. o . Professer an dcr Universitat in Base !. gr. 8". geJK’ftct 12 M. Beitrâge zur Mahdilehre des Islams. I, Ibn Babuje el Kummis. Kitabu kaiualiddini va tamâmin-ni’mati fi ithbâtil-’raibati va kaechfil-hirati. Erstes Stuck, berausgegeben und besprochen von Dr. Ernst Mëller. gr. 8». geheftet 4 M. Ararat und Masis. Studien zur armenischen Altertumskunde und Literatur VI m Friedrich Murad. gr. iS". geliet’lct 7 M. Die Sadjanische Ubersetzung des Hohen Liedes ins Arabische von Adalbert Merx. Ibn Duraid’s Kitâb almalâhin von Heinrich Thorbecke. gr. 8". gelieftet 4 M. Festschrift fiir die orientalische Sektion der XXXVI. ^’cr.samnalu^g deutscher Philoloptii und Schulmilnner in Karlsruhe um ÏO.— 29. Septemtier 18S2. Das Wesen der sprachlichen Gebilde. Kritische Bemerkungcn zu Wundts Sprachpsychologie voii Dr. Ludwig Stttterlin, a. o . Prof, an der Uuiversililt in Heidolberg. S», gcbeftet 4 M. Wortbildung und Wortbedeutung. Eine Untersuchung ihrer Grundgesetze von Dr. Jan von Rozwadowski, Prof, der vergleichenden Sprachwissensrhaft an dcr Univcrsitiit Krakaii. 8". gfheftet 3 . r. Positivismus und Idealismus in der Sprachwissenschaft. Eine sprach-philosophische Untersuchung von Dr. Karl Voûler, a. 0. Prof, an dcr Universitat Heidclberg. S", gcheflet 2,80 M. «uin tUiri rU|n ruin M||p rl||p M<|n Ml^ Cari >Viutei’s Universitjitsbnchbaudlung in Heidelberg. Soelien ersi’hii’n :

Handbuch des Sanskrit mit Texten und Glossar. Eine Einfuhrung in das sprachwissenschaftliche Studium des Altindischen.

Von Dr. A . Thumb,

a. o. l’rofeesor an der Universitiit Marburg. I, Teil. Grammatik.

(Sammliing indogermanischer Lehrliûcher, heraupgegeben von Dr. H . Hirt-Leipzig.

I. Keiho.

1. Band.) S", geheftet 14 M., geh. 15 M. Die philosophische Grundlage des âlteren Buddhismus.

Von Dr. Max Walleser,

Privatdozent an der Univers^itilt Basel. 8".

geheftet 4,80 M.

Inhalt : Eiulcilung. Znr Gcschichte des alteren Huddhisinus. Die philosophische tirundlnge des Sntta-Pitaka. Die pliilosophische Gnindlagt : des Abhidhnrina-Pitaka. Die pliilosoi>hische Grundhige des Miliudapafiha. Die spiiiere Lehrentwicklung. Die Philosophie im Beginne des zwanzigsten Jahrhunderts.

Festschrift fur Kuno Fischer

unter Mitwirkung von B. Bauch, K. Groos, E. Lask, O. Liebmann, H. Rickert, E. Troeltsch, W. Wundt. Herausgegeben von W. Windelband. I. Band. 8«.

geheftet 5 M.

«Kuuo Fischers hervorrBgende Stellung in der wissenschaftlicheu Welt konute nicht besser illustriert werden uls durch die Tatsaehe, daC sich eiue Anzahl bervorrageuder Gelehrter verbundcn hat, um iu einer ihm zu ûberreichenden Festschrift ûber den gegenwiirtigen Staud der Philosophie zu berichten. So ehrenvoll aber eiii solches Uuiernehmen fiir deu Gefeierten, so schiitzbar iind willkommen darf es dem Léser sein. Die sonstigo Gefahr vou Sammelschriften, ein znsarmiienhauglos»s Nebeueinaiider von Einzolnntersuchungen zu bringen, ist bei dem hier verfolgten Plane ganzlich vermiedeu, verbindet doch eiue gemeinsame Idoe aile Mannigfaltigkeit und wird dièse selbst zu eiiiem reinen Vorteil, indem auf jedem Teilgebiet kompetentc, ja fiihreude Mitarbeiler das Wort ergreifen.»

(Kmiolf Eucken lu Beilage zur Alleeiu. Zeitung.) Die morgenlândischen Studien und Professoren an der Universitât Heidelberg vor und besonders im ig. Jahrhundert.

Von Adalbert Merx,

a. 0 . Professor an der Universitiit Heidelberg. Lex. -8o. geheftet 2 M.

C F.Wiuter’acbe Buchdruckerei.

XAi

  1. 1 Calcutta Review 1858.
  2. 1 W. L. Phelps dans The New Englander t. XLIX (1888).
  3. 2 Whinfield dans l’introduction de son édition des Rubâ’iyât.
  4. 3 Pizzi : Storia della Poesia Persiana (Turin 1894). M. Goldziher avait déjà remarqué la ressemblance entre’Omar et Abn-l’Alâ.
  5. 4 J. Payne : The Quatrains of Omar Kheyyam transi. (1898).
  6. 5 De Gids IV. série t. 3 (1891).
  7. 6 National Review 1890.
  8. 1 M. Batson assure, dans son commentaire de l’édition de Fitzgerald de Londres 1900, qu’il existe plus de 5000 quatrains attribués à’Omar Hayyâm.
  9. 2 Der Islam im Morgen-und Abendlande II, p. 111.
  10. 3 Beaucoup de poètes persans ont, du reste, atteint un âge considérable. Deux des plus célèbres ont été des centenaires : Farîd-eddin’Attàr qui mourut âgé de 111 ans, et Sa’dl qui mourut à l’âge de 107 ans.
  11. 4 Cat. of the Persian MSS. in the British Muséum II, p. 446.
  12. 1 Hist. des Seldjoucides de l’Iraq par al-Bondarî, d’après Imâd-ed-dîn al-Kâtib al-Isfahànî, texte arabe, publ. p. M. Th. Houtsma. Leide 1889. Préface p. XV.
  13. 2 M. Denison Ross en a donné une traduction abrégée dans le JRAS. avril 1898 (Fresh light on’Omar Khayyâm).
  14. 1 Comme ces notices sont accessibles dans la traduction sus-nommée de M. Ross, je me borne ici à les énumérer. Dans mon essai sur la vie de 'Omar Hayyâm (pp. 17 sqq.) on en trouvera la substance.
  15. 2 Déjà cité par Woepcke: L'Algèbre d'Omar Alkhayyâmî, publiée, traduite et accompagnée d'extraits de manuscrits inédits. Paris 1851.
  16. 3 éd. Wustenfeld p. 318.
  17. 4 Les noms des auteurs sont omis dans la traduction de Ross.
  18. 5 Mort en 1377.
  19. 6 — M. en 1388 ou 1389.
  20. 7 — M. en 1230.
  21. 8 — M. en 1273.
  22. 9 — M. en 1256.
  23. 10 — M. en 1237.
  24. 1 S.7, 178.
  25. 2 S.30, 6.
  26. 3 Suppl. persan 823 (ms. de la Bibi. Nat. de Paris) : quatr. 78, éd. Bombay 42.
  27. 4 Suppl. persan 823 : quatr. 94, éd. Whinf. 126, éd. Bombay 99.
  28. 1 Cette anecdote est donnée déjà, mais d’après une source de seconde main, par T. Hyde dans son Religionis Veterum Persarum Historia (2° éd. p. 529), et toujours répétée par les biographes européens de’Omar.
  29. 2 V. plus loin. Les deux anecdotes se trouvent dans la traduction complète des Cahār maqāla publiée par M. Browne dans le JRAS. juillet et octobre 1899.
  30. 1 Kasîd-ed-din fut tué en 718 (1318). Ainsi, si l’on accepte la théorie de M. Houtsma, que l’anecdote en question soit fondée sur une confusion entre Nizâm-el-mulk et Anûsirvân, l’auteur des Vasâyâ, qui a vécu au 15e siècle ap. J.-C, ne peut pas l’avoir inventée, comme M. Houtsma l’a supposé.
  31. 1 Une liste plus ample se trouve dans l’édition de M. Heron-Allen (Bibliography, p. 281 sqq.).
  32. 1 Les éditions européennes sont : 1. celle de Nicolas (Paris 1867) qui est une reproduction de l’éd. Téhéran 1861, augmentée de 4 quatrains ; 2. celle de Whinfield (Londres 1883) qui est un choix de différents mss. et éditions et contient 500 quatrains ; 3. une édition lithographiée faite par Shukovski et Sobrievski (St.-Pétersbourg 1888) d’après l’éd. Tabriz 1868 ; 4. l’édition susnommée du ms. Bodleïen faite par Héron-Allen. L’édition de Nicolas est munie d’une traduction française, celles de Whinfield et de Heron-Allen de traductions anglaises. Whinfield avait déjà en 1882 donné une traduction de 253 quatrains de ’Omar. Son édition a trop peu de notes explicatives ; elle est cependant, je crois, le plus en usage à présent. Notons que Nicolas a suivi l’interprétation sufique ordinaire à l’Orient et a essayé d’attacher un sens mystique aux vers les plus épicuréens et les plus matérialistes. Dans un article sur ’Omar dans le Journal Asiatique (1857, 5esérie, t. IX), Garcin de Tassy a donné le texte et la traduction de dix quatrains. Nommons, outre les traductions déjà mentionnées, celle de 25 quatrains dans la « Geschichte der schönen Redekünste Persiens » de von Hammer (Vienne 1818), celles plus amples du comte von Schack (Stuttg. 1878) et de Bodenstedt (Breslau 1881), toutes les trois en allemand, et celles en anglais de Mac Carthy (1888), de J. Leslie Garner (1888) et de J. Payne (1898). Il existe enfin une traduction hongroise par Bêla Harrach, d’après Nicolas.
  33. 1 Il n’est pas impossible, cela va sans dire, que des quatrains composés par ’Omar puissent avoir été insérés dans les dîvâns d’autres poètes : mais probablement, l’évolution a pris, en général, la voie contraire : ’Omar étant connu comme un spécialiste en quatrains, et un maître dans cette spécialité, il est tout naturel qu’on lui ait attribué toutes sortes de quatrains spirituels et bien tournés, surtout certains qui traitent du vin et de la métaphysique, quand on ne se souvenait pas qui en était le vrai auteur.
  34. 2 Déjà remarqué par Whinfield. —
  35. 3 M. en 1146. —
  36. 4 M. en 1143.
  37. 2 Déjà remarqué par Whinfield. —
  38. 1 De jolies jeunes filles sont nommées ça et là en connexion avec la coupe de vin et le bord du champ, mais dans des termes froids ; apparemment la femme ne figure ici que pour achever l’idéal du bien-être. Par poésies d’amour je comprends les plaintes élégiaques de la cruauté de l’aimée et de la douleur de i’absence qui abondent dans les divans de presque tous les poètes persans.
  39. 2 Bd. 70. Ce quatrain, qui ne se trouve dans aucun des autres textes, est certainement interpolé.
  40. 1 M. M. Hartmann prétend, que les rubā’ts ont été destinés à être chantée, et il en conclut que le rubā’t-i tarāne (le « quatrain du chant ») a été la forme originale. Les Arabes ont adopté le rubā’t des Persans dans les deux formes, et M. Hartmann fait la remarque, que la forme αααα se trouve chez ’Omar ibn al-Farid (mort en 1181) probablement un des premiers poètes arabes qui aient imité le quatrain des Persans (v. WZKM. XVII, p. 371).
  41. 1 Je dois ce schème, réformé sur celui qu’a donné feu M. Rückert dans sa traduction des Haft qolzum (v. Rückert-Pertsch, Poetik) aux recherches érudites de M. M. Hartmann (v. pour les détails l’article susmentionné du WZKM. XVII. p. 372—74). Ce qui caractérise le rubā’t, c’est le premier pied . En rappelant ce fait que les Arabes, dans leur imitation du rubā’t, n’ont employé que cette forme, M. Hartmann a démontré qu’elle est la forme originale, et que la variation n’est que secondaire.
  42. 2 Cette observation esst le résultat d’un examen des deux vers que j’ai fait conjointement avec M. Hartmann.
  43. 1 C’est un trait commun dans la poésie philosophique des Persans. Bien souvent cette supériorité prend des formes encore plus fières et plus arrogantes que dans les Rubā’iyāt de ’Omar Hayyâm. Ainsi Bābā Tāhir :
    Je suis cette mer qui est entrée dans un vase, je suis ce point qui est entré dans une lettre.