Poésie (Rilke, trad. Betz)/Livre d’images/Les communiantes

Traduction par Maurice Betz.
PoésieÉmile-Paul (p. 87-89).

LES COMMUNIANTES
(Paris, mai 1903)

En voiles blancs, les communiantes
s’enfoncent dans le vert neuf des jardins.
Voici surmontée leur enfance
et différent sera tout ce qui vient.

Mais cela viendra-t-il ? Et n’est-ce pas, déjà,
l’attente qui commence des heures nouvelles ?
Finie la fête, et la maison s’anime ;
plus tristement l’après-midi s’écoule.


Ah ! quel lever ce fut vers cette robe blanche,
et dans les rues quelle marche parée
jusqu’à l’église fraîche au dedans, comme en soie.
Les cierges hauts étaient tels des allées
et les lumières semblaient des joyaux
sous des yeux solennels et graves.

Puis ce silence, lorsque s’éleva le chant.
Il montait sous la voûte, semblable à un nuage,
s’éclaircissait en retombant, plus doux
que quelque pluie sur tous ces enfants blancs.
Et comme au vent, ce blanc se balançait
et dans ses plis se coloriait
et semblait contenir des fleurs cachées :
fleurs et oiseaux, étoiles et figures
d’un lointain monde de légendes.

Dehors était un jour en bleu et vert,
avec des cris de rouge aux endroits clairs.
Le bassin reculait : vagues menues.
Le vent portait des floraisons lointaines
et parlait des jardins extérieurs.


On eût dit que les choses s’étaient couronnées,
claires, sous un soleil léger ;
les façades des maisons se prenaient à sentir,
beaucoup de fenêtres s’ouvraient et brillaient.