Poésie (Rilke, trad. Betz)/Chants de l’aube/Je voudrais devenir

Traduction par Maurice Betz.
PoésieÉmile-Paul (p. 64-65).

JE VOUDRAIS DEVENIR…

Je voudrais devenir pareil aux très secrets,
ne plus jamais former de pensées sous mon front,
que dans mes rimes toute nostalgie s’enferme,
n’offrir dans mes regards qu’une douceur qui germe,
et que mes silences donnent le frisson.

Ne plus jamais trahir, et de ma solitude
faire un rempart ainsi que les plus grands ?
Mais quand, par un éclair de lances éblouië,

la foule bruyante devant eux se prosterne,
tirant de leur poitrine ainsi qu’un sacrement,
ils soulèvent leur cœur, et ce cœur la bénit.