Philosophie anatomique. Des monstruosités humaines/Description d’un monstre humain né en octobre 1820, et établissement à son sujet d’un nouveau genre sous le nom d’hypérencéphale/§ III

Chez l’auteur, rue de Seine-Saint-Victor, no 33 (p. 203-221).
◄  § II
Description d’un monstre humain né en octobre 1820, du genre hypérencéphale.

§ III. De l’adhérence du placenta avec les viscères déplacés, et de ce fait considéré comme l’ordonnée de ces anomalies.

Les organes du fœtus, avant d’appartenir à un système agissant par de propres ressorts, ne sont guère que des résultats pour un système préexistant. À l’occasion d’un point d’irritation dans la matrice, ils y arrivent déposés par les artères utérines. Ils s’y montrent comme un polype, comme une superfétation, avant de s’y produire avec les moyens d’une existence indépendante. Tels sont les organes de l’œuf dans les premiers temps de la gestation, de l’incubation.

Il y aurait donc à distinguer deux états assez différens dans une construction organique : l’un passif, quand elle reçoit ; et l’autre actif, quand elle demande et qu’elle acquiert. Cela posé, une construction organique de première époque peut se passer des rapports intimes et de la réciprocité d’actions de ses élémens : il suffit que ceux-ci puissent se greffer les uns sur les autres.

Que ce soit le principe de ses développemens, cette construction ne s’achève pas moins : mais, privée de la participation de toutes ses parties, elle n’a d’existence qu’autant que les afflux du sang qui l’ont créée la vivifient. En effet, des êtres composés d’organes qui ne sont pas subordonnés les uns aux autres, composés d’organes sans concours réciproques, finissent nécessairement quand cessent pour eux les distributions de la gangue capsulaire, qui est tout leur monde extérieur : ils ne sauraient naître viables ; ce sont des monstres.

Cependant il ne faudrait pas conclure, de ce que les organes, à leur première apparition, ne sont point encore engagés dans des services réciproques, que cet état de choses puisse se prolonger indéfiniment, et qu’il devienne l’état pratique et habituel de l’organisation. Il s’en faut au contraire que des associations insolites d’organes se reproduisent fréquemment. Les monstruosités sont rares, et ne peuvent être qu’extrêmement rares.

Et en effet, si l’on réfléchit aux moyens qui préparent et qui opèrent la génération des animaux, il doit paraître évident que le nisus formativus préside à toute construction organique avec un caractère d’omnipotence. On est si bien convaincu de cela, qu’on ne s’est presque point occupé de ce qui pouvait porter le trouble dans ces compositions, bien que l’existence d’un monstre soit la preuve que des perturbations peuvent intervenir, et qu’elles dérangent en effet le cours d’une élaboration organique.

Cependant des altérations dans la nature chimique du sang seraient-elles la source de ces perturbations ? Cette question semble répondue par les diversités d’organisation, que font connaître le nombre et la variété infinie des animaux. En effet, les qualités physiques et chimiques du sang dépendent, comme on le sait, en grande partie de sa force d’impulsion, de sa puissance d’oxigénation, et de sa capacité pour le calorique. Étant plus fortement lancé, et ayant, par une plus grande raréfaction, acquis plus de fluidité, son tronc principal se subdivise à des points plus distans, et ses rameaux gagnent en étendue : avec moins d’affinité au contraire pour le calorique, et, devenu plus épais, ses routes sont plus raccourcies, et ses derniers vaisseaux moins éloignés de leur mère-branche. Les oiseaux et les poissons sont un exemple de ces conditions extrêmes. Les élémens organiques se dispersent au loin dans les premiers, quand ils rayonnent dans les seconds à très-courte distance du centre : proposition que n’infirme pas la conformation allongée des poissons, si, ce que je crois vrai, mais ce qu’il n’est pas de mon sujet d’exposer ici, la composition de leur queue appartient à un autre ordre de faits et d’événemens.

Ces considérations, histoire sommaire des diversités organiques, établissent, ce me semble, que ce n’est pas dans des différences de qualités chimiques du sang que résident les causes des monstruosités[1]. Je les ai aperçues au contraire dans une force mécanique étrangère à l’état moléculaire de ce fluide, dans une action opérant sur les viscères eux-mêmes pour les déplacer, de manière à ce qu’ils fussent plus rapprochés de la circonférence, ou plus refoulés sur le centre.

Dans ce que je dois encore décrire se trouvent et le complément des deux paragraphes précédens et la justification de l’esprit dans lequel ils sont rédigés.

De quelques brides étendues du fœtus au placenta.

Je vais montrer qu’en effet je ne me suis pas laissé abuser par une vaine préoccupation[2], en indiquant ces causes d’action étrangère, et j’entends, en produisant des lames aponévrotiques inconnues dans l’organisation normale, des brides enfin, vrais tirans, retenant des parties, étant, ordinairement au centre et les fixant à la circonférence.

La plus remarquable de ces brides est répandue de la tête au placenta. Elle occupe à gauche une étendue considérable, y paraissant, lettre m, fig. 1, comme une prolongation du derme : elle y occupait un plus grand espace, avant que, pour faciliter la vue d’une portion (j) du cerveau situé sous cette lame, j’en eusse coupé et enlevé une partie. La ténacité de cette membrane s’est trouvée si grande, qu’elle n’a pas cédé durant l’enfantement, et que le placenta, p′, p″[3], a suivi le fœtus.

Un reste de brides semblables existe tout au pourtour du cœur et de son oreillette : ce sont des hachures ou festons t, t, ayant, en dessous vers t′, plus d’épaisseur et de relief. D’autres vestiges b, b, en traces plus faiblement indiquées, sont sur le foie, le traversant en une seule ligne et par son centre sur sa longueur. Enfin les subdivisions des masses viscérales étaient bordées par d’autres brides b′, b″, aussi en vestiges. À l’irrégularité de toutes ces franges, on leur trouve le caractère de déchirures opérées violemment.

Le cordon ombilical s’est trouvé compris dans la même mesure. Il est ramassé, comme pelotonné et formé de plusieurs replis v′ v″, adhérens entre eux et avec le placenta. Son insertion est près de la bride principale m. Celle-ci se confond avec l’espèce de mésentère qui devient le lien de tous les replis. En dernière analyse, les brides, soit de la tête, soit du thorax, constituaient ou avaient constitué, l’œuf n’étant pas encore ouvert, plusieurs diaphragmes parallèles, qui tenaient renfermés dans autant de cellules particulières les quatre portions des viscères thoraciques et les masses cérébrales hors crâne. Ces espaces provenaient d’enfoncemens pratiqués dans le placenta, parce que les diaphragmes, disposés pour la plupart comme les lames du péritoine, étaient une continuation des membranes de l’amnios. Ces enveloppes générales du fœtus, qui avaient fourni la matière des cloisons, s’en distinguaient cependant à quelques égards.

C’est dans la situation où le fœtus et son placenta sont figurés que nous les avons reçus : par conséquent nous ne garantissons que l’adhérence de la bride m, qui avait fixé la tête au placenta. N’ayant vu qu’en vestiges les brides des viscères thoraciques, nous les jugeons dilacérées, sans pouvoir dire à quelle époque. La poche fœtale n’a pu s’ouvrir sans avoir causé ces déchirures : mais auraient-elles attendu le moment de cette crise ? et n’est-il pas plus raisonnable de les attribuer aux agitations et au poids du fœtus dans le dernier mois de la gestation ?

Quoi qu’il en soit, l’état de choses que nous venons de décrire ne constitue pas moins un système de pièces similaires en dehors du fœtus, toutes pièces inconnues jusqu’à ce jour, un appareil qui déploie une force d’inertie, et subséquemment une résistance en opposition à la prédisposition de l’être pour ses développemens normaux. On remarquera en effet qu’il n’y a de brides que là où sont des viscères déplacés, repoussés du centre et retenus à la circonférence. Si l’on n’a non plus oublié les faits des précédens paragraphes, on sera de même également attentif à cette circonstance bien significative, que les faits pathologiques que nous avons précédemment constatés ne consistent pas dans une réelle transposition des viscères, mais se bornent à l’entraînement régulier et comme méthodique de leur masse en dehors. Tout s’est passé, les connexions ayant été fidèlement conservées, comme si du dehors des griffes se fussent appliquées sur une masse d’organes, et en eussent entraîné le bloc avec elles. Les organes les premiers à apparaître étant saisis et tirés, les autres, enchaînés à leur suite, ne pouvaient manquer d’arriver.

Cette force d’inertie devient active, et déploie réellement une résistance prépondérante en raison de la situation du placenta et de l’engrenage de ses cotylédons : greffé aux parois de la matrice, le placenta y adhère ; il y reste immobile. Dans cette occurrence, les brides qui le lient au fœtus sont des tirans qui n’ont de prise que sur le fœtus, puisque lui seul est passible de mouvemens. Ces brides l’entraînent, ou plutôt le tiraillent du côté du placenta, quand son propre poids et ses continuelles agitations tendent à l’en écarter : c’est, comme on le voit, une lutte perpétuelle.

Cependant cet engagement donne nécessairement lieu à un tout autre résultat, si les liens qui attachent le fœtus au placenta sont d’un tissu inégalement serré et consistant, et si à leurs points de faiblesse il arrive à ces attaches de céder et de se rompre : l’observation de brides en vestiges porte à penser qu’il en doit être ainsi. En n’osant rien affirmer à cet égard, nous montrons de l’hésitation. Mais qu’on veuille bien y réfléchir ; c’est pour la première fois qu’on se rend attentif à ces faits, et nous n’en avons pas d’assez multipliés pour prononcer, surtout comme on sera dans le cas de le faire, quand l’observation pourra procéder sur un placenta nouvellement produit.

Maintenant il resterait à faire voir comment se contractent les adhérences du placenta au fœtus : mais j’observe que ce serait se porter sur un degré supérieur d’explication. C’est le sujet d’une autre thèse et le premier anneau de la chaîne de ces recherches. Dans le développement progressif de nos idées, la discussion de ce point ne peut venir qu’après celle de la question traitée dans ce Mémoire, l’un de ces faits supposant l’autre.

Il suffit pour le présent que nous ne soyons pas frappés de l’impossibilité de ces adhérences. Or toute l’anatomie pathologique nous donne surabondamment des faits analogues, entre lesquels, à cause de leur caractère de plus grande similitude, nous citerons les adhérences de la pupille avec la cornée transparente. Les eaux de l’amnios dans l’œuf, et l’humeur vitrée dans l’œil, empêchent l’adhérence des membranes qui leur servent de bourse ; car, en s’interposant entre ces membranes, elles en maintiennent l’écartement. Mais qu’il arrive au contraire à ces fluides de s’écouler hors de leur bourse, alors et très-manifestement les adhérences de ces membranes se multiplient en raison de leurs contacts.

Ayant ramené la monstruosité de l’hypérencéphale à n’être qu’un fait d’adhérence du placenta à l’égard du fœtus, et cette adhérence du placenta s’exerçant sur des viscères ordinairement renfermés dans des cavités sans issue, il faut, si notre explication se trouve fondée, que ces viscères s’organisent d’abord, et soient en effet à leur naissance hors de ces cavités. Peut-être qu’au point où en sont venues ces explications, il suffirait de l’établir par une décision affirmative, et en alléguant la monstruosité même de l’hypérencéphale[4]. Mais ce serait là une pétition de principes, tomber dans les inconvéniens de l’unum per idem, alléguer enfin pour preuve la chose même qui est en discussion.

J’ignore si cette question se serait déjà offerte à la méditation des physiologistes, et ne sais par conséquent de quelle manière elle aura été résolue. Je ne me flatte pas d’avoir suffisamment compulsé les archives de l’anatomie, et il ne m’est au contraire que trop souvent arrivé d’apprendre, après avoir terminé des travaux d’une très-longue haleine, qu’il en existait sur le même sujet de plus anciens et de plus recommandables sous tous les rapports[5].

Qu’il se rencontre dans l’organisation des parties prenant position dans des cavités qui se ferment sur elles, cela se conclut nécessairement du mode de subdivision des vaisseaux circulatoires, des corrélations des premiers embranchemens, et principalement de la disposition excentrique des vaisseaux ombilicaux. Mon sujet ne m’entraîne heureusement point sur les faits des premières époques fœtales, et je puis sans regret passer sous silence la haute question présentement débattue entre les physiologistes, si le cordon ombilical fournit les premiers linéamens de l’être, ou si au contraire la vésicule ombilicale devient génératrice du placenta. Ce qui me suffit, c’est de considérer les faits des secondes époques, et nommément la situation des branches transversales de l’aorte descendante. Ces branches sont les artères intercostales, artères intercostales sont et les créatrices de la cage respiratoire.

S’il pouvait arriver à ces vaisseaux de rester abandonnés à la seule action de la force d’impulsion, ils ne sauraient produire qu’un réseau à surface plane, dont le gros vaisseau générateur formerait l’axe. Mais cette impulsion n’agit jamais seule. La forme ovoïde du contenant imprime aux parties latérales du réseau sa propre courbure. Les deux plans se relèvent pour se recourber de plus en plus, et pour marcher à leur rencontre mutuelle. Et en effet, s’il n’y est apporté aucun changement du dehors, on voit chaque artère intercostale et sa congénère décrire d’abord, se portant l’une vers l’autre, deux demi-circonférences, se réunir bientôt après en un cercle parfait, et finalement produire, après leur anastomose, des rameaux formateurs du sternum.

Mais ce ne sont pas seulement les points de départ de ces artères, la force d’impulsion imprimée à leur contenu, et les résistances du berceau où elles se propagent, qui nous paraîtront déterminer leur convergence, et devenir ainsi la raison de leur mutuelle rencontre et de leur anastomose. Ces déductions que la théorie enseigne, je les puis aussi présenter comme un résultat d’observations, et ces observations, je les emprunte à M. Serres.

Ce savant, qui a eu recours, pour l’établissement de ses lois de l’ostéogénie, à un nombre considérable d’observations microscopiques sur les premières formations animales, a vu les parties osseuses employées dans la cage respiratoire se propager de la colonne épinière, leur point de départ, à la ligne médiane du sternum, le dernier point de la route parcourue de ce côté par l’ossification.

Puisqu’il est de toute nécessité qu’à une époque fœtale les viscères thoraciques occupent toute la face extérieure du sujet, il n’y a nulle difficulté à concevoir comment une affection pathologique pourrait occasionner l’adhérence de ces viscères avec la membrane du chorion. J’ajoute que par ce qui précède j’ai rendu, sinon tout-à-fait certain, du moins extrêmement probable que la monstruosité de l’hypérencéphale tient à ce fait d’adhérence.

C’est ma conclusion définitive : et je vais montrer que l’hypérencéphale présente encore plusieurs circonstances d’organisation qui ne s’expliquent que dans cette supposition.

Je rappellerai d’abord ce que j’ai exposé plus haut, pages 166, 175 et 192, du défaut de symétrie des organes pairs. N’ayant pu m’expliquer alors sur la véritable cause de ces anomalies, je m’étais borné à les considérer comme dépendantes d’une sorte de torsion. En effet, le cerveau paraît comme poussé de gauche à droite ; le cervelet, lettre h, fig. 2, bien davantage : et l’on peut, en consultant nos fig. 1 et 2, vérifier qu’ils sont rejetés l’un et l’autre précisément du coté où n’est pas la large bride m. Or il est vraiment manifeste que la poussée est venue de celle-ci. Tendue par le poids du fœtus, dont l’action s’est exercée vis-à-vis du placenta dans une position fixe, et par conséquent continuellement tiraillée, cette large membrane a fini par opposer une résistance efficace au développement que l’encéphale devait prendre de son côté.

Mais qu’ai-je dit, l’encéphale ? Ce ne sont pas uniquement les masses cérébrales qui ont trouvé plus de facilités à s’accroître à droite, où n’était aucun obstacle : toute, la tête est dans ce cas, et le crâne en sa totalité et chaque pièce en particulier ; ce mouvement s’est propagé de proche en proche. Ainsi des entraves à gauche, et au contraire toute liberté laissée à droite, motivent ces différences singulières de l’un à l’autre côté, sur lesquelles nous avons insisté page 174, quand nous avons remarqué plus de différences d’un côté à l’autre chez l’hypérencéphale, qu’entre l’un de ces côtés et les pièces de même ordre chez un anencéphale.

Il faut que ces obstacles soient moins ressentis à l’extérieur, et que la carotide externe se trouve moins gênée dans son cours que les vaisseaux plus profondément situés. Le système osseux est plus prononcé et comme plus avancé en âge chez l’hypérencéphale. Ce n’est, il est vrai, pour chaque pièce qu’un accroissement peu considérable ; mais ce peu devient sensible dans la composition générale. Car, bien que la face se soit à peu de chose près maintenue dans l’état normal, ce ne sont pas très-exactement cependant les traits de la race caucasique que donne l’assemblage des parties. Comme chez les nègres, le front fuit, les mâchoires avancent, le nez est écrasé, et la lèvre inférieure est épaisse.

Nous appliquerons au thorax les explications que nous venons de donner au sujet de la tête. Nous avons vu que le fœtus était aussi suspendu au placenta par les brides de la masse viscérale. Tenu à la fois et par le tronc et par la tête, sa lame de suspension passait par conséquent d’un côté de la tête sur le milieu du corps. Je prie qu’on veuille bien demeurer attentif à cette autre circonstance : engagé dans ces entraves, l’hypérencéphale aura nécessairement et constamment occupé, en dedans des membranes de l’œuf, une seule et même position. L’un de ses flancs soutenu, mais en même temps gêné par le placenta, se sera développé sous la raison de la mutuelle pression des deux corps en contact : au contraire, le flanc opposé aura, libre d’entraves, été abandonné à ses propres évolutions.

Rappelons la forme des viscères renfermés. L’ellipsoïde, qui à droite se compose du poumon et du rein, est là étendu en largeur et aplati : les côtes du même flanc, qui sont plus comprimées et même pliées sur un point, recouvrent ces viscères avec une forme à l’avenant de la leur : évidemment c’est le côté sur lequel le placenta avait réagi. Mais à gauche, où celui-ci n’avait nulle contrainte à faire supporter, nous apercevons l’ellipsoïde formé par l’autre poumon et par l’autre rein sous le relief d’un corps ovoïde, et nous voyons aussi que ce qui recouvre ces viscères fait de même la ronde-bosse ; tels sont les cerceaux ou arcs osseux du même côté, et les dépendances du demi-sternum contigu à ces longs osselets.

Il n’est sans doute que ce moyen de concevoir les dépressions ou les rondeurs de ces ellipsoïdes, puisqu’on ne saurait raisonnablement les attribuer aux conditions essentielles d’existence des viscères eux-mêmes. Les organes pairs, soumis à un même mode d’évolution, tendent, comme on le sait, à paraître sous la même forme : mais chez l’hypérencéphale, c’est le rein et le poumon qui, reproduits à gauche différemment qu’à droite, apparaissent, l’un à l’égard de l’autre, sous des formes correspondantes et comme concertées.


J’ai donné une bien longue description de la monstruosité d’Arras : mais il y aurait quelque peu de légèreté, je crois, à taxer de futilités plusieurs détails sur lesquels je me suis étendu. La grande science est de connaître les lois de la vie. Au peu que nous savons touchant l’organisation, il faut croire qu’il n’y avait pas tout à apprendre en s’attachant à l’étude des constitutions régulières. L’étude des monstres n’est donc point à négliger. En recherchant soigneusement les faits anomaux, nous en marcherons avec plus de fermeté sur les faits de l’ordre régulier. C’est ouvrir une porte à la considération de plus grands contrastes ; c’est entrer dans un champ de comparaisons plus variées ; c’est enfin fournir à notre esprit l’occasion et les motifs de jugemens plus nombreux et plus certains.


Explication de la planche V.

Fig. 1. L’hypérencéphale : cette figure et celles des nos 2, 3 et 4 sont réduites à deux tiers de grandeur naturelle.

m bride aponévrotique fixant la tête au placenta : j cerveau : n vestiges festonnés d’une portion de la bride enlevée avec le scalpel : p placenta, p′ sa partie extérieure, p″ sa face interne : v cordon ombilical, v′ portions enroulées et adhérentes entre elles et au placenta : c le cœur : f le foie : ee la région de l’estomac, de la rate et du pancréas : ii intestins : ttt′ brides en vestiges ceignant le cœur : bb′b″ brides aussi en vestiges sur le foie, l’estomac et les intestins : l double bec de lièvre.

Fig. 2. Tête de profil : j cerveau : h cervelet.

Fig. 3. Coupe, par le milieu, de la masse viscérale thoracique, côté gauche : les reins et les poumons sont entiers. cc′ les deux moitiés du cœur écartées : g l’intérieur du ventricule gauche : s — du ventricule droit : o l’unique oreillette : h la veine-porte : d le duodénum : q le canal cholédoque : v la vésicule du fiel : r la rate : ee l’estomac : ii le canal intestinal : p′ le grand lobe du poumon droit, p″ son petit lobe : n′ rein droit, n trait pour indiquer le bord du rein gauche : m capsule surrénale.

Fig. 4. Même coupe, mais côté droit : les lettres comme dessus. aa est le pancréas.

Fig. 5. Poumons et reins vus par leurs faces dorsales. p le poumon : m capsule surrénale : n le rein : p′, m′, n′, forment l’ellipsoïde de droite.

Fig. 6. Demi-sternum cartilagineux : l la clavicule.

Fig. 7. Le palais, où mm à droite est le sinus nasal en partie fermé : nn à gauche est l’autre sinus entièrement ouvert.

Fig. 8. Le crâne vu par dessus, toutes les pièces du vertex étant rejetées sur les côtés.

Fig. 9. Le crâne vu par sa base. C maxillaire : D palatin : E hérisséal : G vomer : H nasal : K frontal : L lacrymal : M jugal : N ptéréal : P rocher : Q caisse (tympanal et serrial soudés) : R temporal : T pariétal : U sur-occipital : V ex-occipital : X sous-occipital : Y hyposphénal : Z entosphénal : Œ ingrassial.

Fig. 10. L’hyposphénal.

Fig. 11. L’ingrassial.

Fig. 12. L’entosphénal.

Fig. 13. L’étrier de l’hypérencéphale.

Fig. 14. Le même étrier, grossi.

Fig. 15. Étrier de crocodile.


Obs. Note au sujet de la première planche. Au lieu de hipposphénal, lisez hyposphénal.

  1. Ce n’est pas que je prétende conclure de ceci qu’une altération dans la composition chimique du sang ne puisse aussi donner lieu à quelques monstruosités : mais s’il en existe de produites par cette cause, elles ont été à peu près méconnues ; et, dans tous les cas, elles appartiennent à un système d’organisation différent de celui des monstres, tels qu’on les conserve dans les cabinets et que nous les fait connaître la littérature médicale. Un monstre, comme on l’entend généralement, est un être normal quant au plus grand nombre de ses organes, irrégulier seulement dans quelques-uns. Or ce n’est pas ce que pourrait donner un sang vicié : la circulation du sang, si active dans toutes ses routes, lui procurant partout un caractère d’homogénéité, donnera lieu à de mêmes effets à chaque extrémité artérielle, c’est-à-dire que la monstruosité sera totale et non plus partielle.

    Sans doute qu’il en peut être d’occasionée par un sang vicié : mais le trouble étant universel dès l’origine des choses, comment, avec une telle donnée, arriver jusqu’à la construction d’un fœtus ? Tout au plus la membrane vasculaire chez les ovipares, et les rudimens du placenta chez les mammifères, ou la membrane du chorion, seraient susceptibles de ces affections. Et en effet comment, dans une confusion aussi universelle, ces membranes deviendraient-elles capables de cette unité d’opérations et de cette concentration des moyens nécessaires à la formation d’un cordon ombilical ? Ce qui reste praticable, c’est qu’elles croissent indéfiniment et sans changer leur première forme, parce qu’il n’existe point pour elles de réactions de la part du fœtus, qui les puissent placer, par une suite de transformations, dans les conditions d’un placenta normal.

    Mais nous connaissons des congestions sanguines, des végétations animales sous la forme d’hydatides, des masses charnues, qui peuvent donner l’idée de ces avant-placentas, qui se seraient seuls et monstrueusement développés : telles sont les productions insolites décrites sous le nom de moles. Vater, Lévret, et plusieurs autres physiologistes à leur imitation, ont à peu près donné cette origine aux moles : à peu près, puis-je dire ; dès qu’en attribuant la production des moles à un développement extraordinaire des placentas, ils n’ont conçu leur explication qu’en faisant dépendre ces transformations de l’apparition, comme préalable nécessaire, et subséquemment, de la destruction du fœtus.

    Ceci me conduit à ajouter qu’on a donné le nom de moles à beaucoup d’organisations très-compliquées, qui diffèrent sous plusieurs rapports, entre autres par la présence ou l’absence d’un fœtus rudimentaire. Il y aurait sans doute une histoire naturelle à donner de ces organisations très-différentes, en les distinguant aussi par genres et par espèces.

    Je n’ai au surplus entendu appliquer les réflexions qui précèdent qu’aux moles restées étrangères à toute formation de fœtus.

  2. Je répéterai encore ici qu’un changement dans l’état moléculaire du sang ne saurait devenir une cause de réelle monstruosité, et j’en donne cette autre preuve. Dans les couches doubles, un seul enfant naît monstrueux ; et de même, chez certains animaux qui à chaque portée engendrent plusieurs petits, trois, je suppose, viennent à bien pour un maléficié : or le même tronc artériel fournit également à la nutrition et au développement de toutes ces génitures.
  3. p′ du placenta en représente la face externe, et p″ la face intérieure.
  4. On ne prouve pas ce qui est évident, a dit Montesquieu.
  5. Cette réflexion m’a principalement été suggérée par les travaux de M. F. Meckel, dont j’ai fait mention page 153, et que j’ai cités, non d’après ses écrits en langue allemande, que je suis privé de pouvoir lire, mais sur une note manuscrite qu’il m’a fait la grâce de me remettre.