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PHÈDRE

Quant au dieu, s’il est vrai que ni l’expérience ni le raisonnement ne permettent de savoir ce qu’il est réellement, du moins pouvons-nous le concevoir pareillement comme un vivant[1] : autrement dit, son âme est principe de vie à l’égard d’un corps ; mais, ce corps n’étant pas un corps dans lequel elle aurait chu faute d’avoir su garder ses ailes, un tel assemblage d’âme et de corps doit, dans le cas du dieu[2], durer sans fin.

La vie céleste des âmes et le lieu au delà du ciel.

C. — Ce qu’il faut expliquer à présent (246 d 3 sqq.), c’est la cause par laquelle l’âme, puisque son attelage est ailé comme l’est aussi son cocher, peut cependant perdre ce qui est une propriété de sa nature. Platon commence donc par exposer (d 6 sqq.) en quoi consiste la fonction propre de l’aile : c’est d’élever vers le haut ce qui est naturellement pesant, d’être ainsi, étant admis que le divin est au-dessus de nous, ce qu’il y a de plus divin parmi

    Phédon 72 a-d). Il n’y aurait donc plus de vivants mortels et, en ce sens, cette chute de l’âme a un sens profond ou, comme le dit Z. Diesendruck p. 18, tout à fait positif. Ce n’en est pas moins pour l’âme une diminution d’être que de se trouver désormais condamnée à une vie qui est coupée de morts incessantes (cf. Banquet Notice, p. lxxxvii sq.).

  1. Le sens paraît être voisin de celui d’un passage du Banquet (208 ab) où Platon se propose semblablement de distinguer le mode d’existence du mortel et de l’immortel : l’existence du premier est discontinue, mais continuée, toujours nouvelle mais en apparence identique ; celle du second est une existence réellement et à jamais identique à elle-même. De même ici le mortel et l’immortel sont pareillement vivants, mais ce n’est pas de la même manière.
  2. Du dieu platonicien seulement, dit entre autres Wilamowitz I 464 ; car Platon ne veut pas l’identifier aux dieux respectés de la religion nationale, et les âmes qui, ailées, gouvernent l’univers sont dépourvues de corps ; c’est le développement subséquent de l’image qui conduit, en leur donnant des ailes, à paraître les pourvoir d’un corps. — Mais les dieux du Panthéon hellénique ne représentent-ils pas plutôt aux yeux de Platon une tradition, qu’il s’agit moins de respecter que de redresser pour en faire sortir une vérité ? Et les seuls dieux qui pour lui soient réellement des dieux ne sont-ils pas justement les dieux planétaires ? Au fond de ceci le vrai problème est celui de la relation du corps à l’âme et nous aurons à l’envisager par la suite ; cf. p. cxxxii sqq.