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PHÈDRE


La première partie du dialogue.

Tout à l’heure j’étudierai (IV), à la fois en eux-mêmes et dans leur rapport, le discours de Lysias et le premier discours de Socrate. Puisque, en apparence au moins, le thème en est identique, on doit les considérer, je crois, comme les deux sections, entre lesquelles il n’y a différence que de forme et de méthode, d’une première partie. C’est ce que me paraît marquer très nettement cette observation de Socrate : mon attention, dit-il (234 e sq.), s’est portée tout entière, tandis que j’écoutais le discours de Lysias, sur les caractères rhétoriques du morceau et sur le style, attendu que le fond semblait être en effet complètement indifférent à l’auteur. Plus loin (235 e sq.) une autre remarque parle dans le même sens : asservir d’avance l’orateur à une donnée fictive et arbitraire (p. 18, n. 2), c’est lui interdire toute liberté dans la recherche et dans l’invention de la vérité, c’est l’astreindre à ne développer que les points nécessairement impliqués par la donnée : dès lors, sa tâche est limitée à l’ordonnance des développements, et c’est en effet à cette tâche toute formelle que se bornera Socrate en reprenant, sur l’injonction de Phèdre, la donnée de Lysias. Reste, il est vrai, un passage assez embarrassant : celui où Socrate (235 b-d), invoquant une tradition de l’antiquité que représentent des femmes comme des hommes, nomme Sapho et Anacréon. Il y faut reconnaître, semble-t-il, un procédé familier d’exposition[1], qui sert à dissimuler sous le voile de mystérieuses autorités le caractère original et personnel de certaines opinions ; c’est une des exigences du motif socratique de l’inscience, qui du reste est rappelé ici même à trois reprises (234 d, e fin, 235 a fin). Toujours est-il que Socrate déclare qu’à ces sources étrangères son cœur s’est empli, il ne sait comment[2]. Il me semble impossible

  1. Cf. Banquet Notice p. xxiii et Phédon p. 22 n. 4 de mon édition.
  2. Le commentaire d’Hermias sur ces derniers mots (p. 43, 8 sqq.) est un éloquent exemple des interprétations allégoriques de son École. Voici, dit-il en substance, ce que Platon veut nous faire deviner en parlant ici de la « plénitude du cœur » : le cœur est dans la poitrine, qui est au milieu du corps ; or, tout à l’heure (230 b), il a parlé de ses pieds qui lui offrent le témoignage de l’aimable fraîcheur de la source ; bientôt (234 b) il appellera Phèdre « tête